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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi 18 décembre 2007

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 6

Présidence de M. Henri REVOL, sénateur, Président

– Examen du rapport de Mme Blandin, sénatrice, sur les risques et dangers pour la santé humaine de substances chimiques d’usage courant : éthers de glycol et polluants de l’air intérieur.

Substances chimiques d’usage courant : éthers de glycol et polluants de l’air intérieur – Examen du rapport

L’Office a procédé à l’examen du rapport de Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, sur « Les risques et dangers pour la santé humaine de substances chimiques d’usage courant : éthers de glycol et polluants de l’air intérieur. Evaluation de l’expertise publique et des choix opérés ».

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a rappelé que ce rapport faisait suite à une triple demande : deux saisines, l’une de la commission des Affaires économiques et du Plan du Sénat, sur les éthers de glycol, l’autre du Bureau du Sénat sur l’évaluation scientifique des émissions de polluants des produits de grande consommation et la traduction logique de la synthèse de ces deux saisines lors de leur étude préalable de l’Office, à savoir, au regard de ces deux thèmes, l’évaluation de l’expertise publique en santé-environnement.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a souligné qu’elle avait procédé à plus de quatre-vingt-dix auditions dont le compte rendu exhaustif, validé par les personnes entendues, constituera le tome II du rapport.

Elle a indiqué que l’ensemble du rapport était sous-tendu par l’idée de faire évoluer le contexte de la santé publique en passant de la simple prévention à la précaution qui est à la fois un principe d’action, un moteur de recherche et une exigence d’approche scientifique rigoureuse.

Le rapport comprend quatre parties : un rappel des notions de base de la mesure des impacts de l’environnement sur la santé (émissions, marges de sécurité, exposition…), l’examen des questions soulevées par l’utilisation des éthers de glycol et par celles de divers produits polluant l’air intérieur, des réflexions à partir d’exemples de pollutions de l’air intérieur de divers types d’espaces de vie (habitats, transports, loisirs) et, enfin, un examen critique des structures qui veillent, expertisent, conseillent en matière de sécurité sanitaire environnementale.

Abordant la question des éthers de glycol, Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a rappelé la nature de ces solvants, leur multiplicité et l’ampleur de leurs utilisations industrielles et domestiques.

Elle a insisté sur l’extraordinaire aptitude des éthers de glycol à pénétrer l’eau comme la graisse avec le risque, pour l’éther de glycol dangereux, d’entraîner des désordres sur la santé.

A cet égard, elle a cité plusieurs exemples (au Mexique et en France) de problèmes reprotoxiques causés par les éthers de glycol et elle s’est interrogée sur les délais entre la constatation des premiers risques et la conduite d’études approfondies faisant douter de l’efficacité de la prévention.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a rappelé les deux expertises collectives sur les éthers de glycol menées par l’INSERM en 1999 et en 2006 et les études qui les ont précédées, tout en regrettant que l’expertise de 1999 ait porté sur les dangers et non sur les risques et que celle de 2006 n’ait fait qu’actualiser partiellement la première tout en négligeant certaines études internationales. Elle a regretté l’absence d’analyses concernant les victimes passées des éthers de glycol.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a insisté sur la complexité des organismes divers en charge des substances chimiques présentes dans l’environnement et risquant d’altérer la santé, ainsi que sur l’étroitesse du réseau des toxicologues français.

Elle a mentionné que nombre d’éthers de glycol étaient classés comme dangereux, notamment d’un point de vue reprotoxique par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) comme par l’Union européenne et, face à cela, le discours apaisant de l’industrie chimique rappelant que le maximum de précaution était pris et que le risque lié à ces produits, souvent considérés comme irremplaçables, était maîtrisé.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a rappelé et relativisé la distinction existant entre éthers de glycol de la série « E », éthyléniques, considérés comme dangereux face à ceux de la série « P », propyléniques, considérés comme inoffensifs. Elle a insisté sur la nécessité de prendre aussi en compte la transformation des molécules dans l’organisme, ce qui ne peut être reproduit en laboratoire.

En conclusion de cette première partie, Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a rappelé que, dans le domaine des risques pour la santé des polluants présents dans l’environnement quotidien, l’absence de preuve d’un effet n’était pas la preuve de l’absence d’effets.

Elle a enfin attiré l’attention des membres de l’Office sur les limites de la substitution d’un produit par un autre puisque, dans le passé, à plusieurs reprises, il est apparu que l’innocuité de substances de substitution n’avait pas été l’objet d’études suffisantes.

Evoquant le nouveau règlement REACH, Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a rappelé que la sévérité qui en découle connaît, a priori, des limites du fait de l’application du critère de tonnage et du temps important nécessaire pour mener à bien les analyses.

Elle a estimé que, même si les industriels avaient d’abord insisté sur les surcoûts que ne manquerait pas d’engendrer cette nouvelle réglementation, l’industrie saurait saisir les opportunités de la nouvelle situation, en particulier en développant la chimie verte.

Abordant ensuite le second thème du rapport, les polluants de l’air intérieur, Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a estimé, en prolongeant ses premiers propos sur REACH et la pénurie de toxicologues, qu’un plan de rattrapage pour la toxicologie française était nécessaire. En effet, si la France ne pouvait assumer sa part d’expertise de produits, cela accroîtrait le risque du développement de sortes de « pavillons de complaisance » pour l’analyse.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a relevé que les investigations systématiques sur la qualité de l’air intérieur étaient relativement récentes, alors que tout individu passe au moins 80 % de son temps à l’intérieur des diverses « boîtes » que constituent les habitats, les bureaux, les moyens de transport aériens, souterrains, ferroviaires, routiers et les lieux de loisirs. Elle a souligné qu’il était important de prendre conscience que l’air intérieur n’est rien d’autre que de l’air extérieur confiné.

Elle s’est étonnée de la fragilité de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI), petit organisme en charge d’une grande mission et a souligné la qualité de ses travaux. Ceux-ci ont notamment fait apparaître que, parfois, les taux de composés organiques volatils relevés dans les habitats étaient supérieurs à ceux admis dans le milieu professionnel.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a aussi évoqué les risques pour la santé liés au radon émis par les roches et qui devraient conduire à former les architectes pour que cette donnée soit prise en compte dès la construction des bâtiments. Elle a insisté sur les risques importants de cancer du poumon résultant de l’association entre radon et tabac et sur l’intérêt de renforcer les campagnes anti-tabac dans les régions où le radon est le plus présent.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a ensuite relevé les risques liés aux produits renfermés dans les divers placards de tout habitat : le placard de la ménagère, le placard à beauté (hygiène et cosmétique), le placard du bricoleur, celui du jardinier ou du mécanicien du dimanche, de plus en plus de produits contenant des substances émissives.

Elle a déploré que trop de risques soient pris par des bricoleurs travaillant sans porter de masque alors que des équipements de sécurité leur seraient imposés pour la même activité dans un cadre professionnel.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a ainsi évoqué les risques pour la santé humaine découlant de certains matériaux de construction ou de décoration, du mobilier et, également du comportement et des activités des individus occupant un local.

Elle a cité a cet égard le rôle des bougies désodorisantes qui ne font qu’émettre du benzène – cancérogène – dans l’atmosphère qu’elles sont censées assainir.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a souhaité que la vaste étude de l’OQAI sur l’air intérieur et les pathologies qui pourraient y être associées soit suivie d’une étude épidémiologique.

Elle a regretté que les fabricants s’abritent derrière la conformité de leurs produits sans s’intéresser davantage aux effets de ceux-ci sur la santé. Ainsi en est-il des tapis et des moquettes dits émissifs, dont tout le monde ignore qu’ils nécessitent une longue aération avant leur installation ou après leur pose dans l’habitation.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a ainsi rappelé que certains voisinages n’étaient pas sans risques : stations-service (benzène), pressings des galeries commerciales (trichloroéthylène), exploitations agricoles ou viticoles (pesticides)…

Elle a mentionné l’inquiétude grandissante de chirurgiens urogénitaux et d’endocrinologues constatant l’augmentation des malformations uro-génitales et aussi des cas d’indéterminisme sexuel, ce qui pourrait résulter de l’emploi de phtalates et de pesticides. Ces constatations conduisent à préconiser des mesures de protection de la femme en âge de procréer plutôt que de la seule femme enceinte.

Elle a signalé que les personnes végétariennes seraient encore plus atteintes du fait de leur consommation triple de fruits et légumes traités.

Abordant la dernière partie du rapport, Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a vivement appelé de ses vœux la rationalisation de l’édifice consacré à la santé et à l’environnement. Pour cela, elle a recommandé que l’AFSSET soit confortée dans sa mission et que des regroupements soient opérés, comme cela a déjà été recommandé par la proposition de loi du sénateur Claude Saunier ou lors des débats du Grenelle de l’environnement. En outre, elle a proposé qu’une loi vienne créer une haute autorité de l’expertise veillant à la transparence des intérêts auxquels sont liés les experts plutôt qu’à la vaine quête d’experts totalement indépendants.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a souhaité que soit donné un statut aux donneurs d’alerte, à l’instar de ce qui existe déjà aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

En conclusion, Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a insisté sur l’exigence de coresponsabilité en matière de santé et d’environnement, les pouvoirs publics, les industriels et les citoyens ayant chacun un rôle à jouer.

Pour leur part, les citoyens doivent aérer les locaux qu’ils occupent, veiller au contenu de leurs placards, apprendre à lire les étiquettes. En retour, ils doivent être pris au sérieux lorsqu’ils lancent des alertes en tant que professionnels, usagers ou simples observateurs.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a alors soumis au vote de l’Office l’adoption d’une vingtaine de propositions et recommandations.

Après que M. Henri Revol, sénateur, Président, eut félicité le rapporteur pour la qualité de son travail, un débat s’est engagé.

M. François Goulard, député, a souligné le caractère passionnant de l’étude présentée et l’intérêt des réflexions menées par le rapporteur sur l’organisation institutionnelle actuelle, à la fois lacunaire et prolifique, centrée sur les aspects environnementaux, sans prise en compte de la dimension sanitaire des questions posées. Cette situation appelle une réforme, afin de simplifier le dispositif institutionnel et regrouper les moyens.

L’amélioration du système d’expertise passe par la recherche de garanties, tant en ce qui concerne les compétences que l’indépendance des experts, dans des domaines où le vivier d’experts est parfois très restreint et se limite à quelques personnes, une partie de la solution résidant probablement dans l’échange d’informations au niveau européen.

La pénurie de toxicologues résulte en grande partie des difficultés rencontrées pour piloter efficacement le dispositif de formation de spécialistes dans certaines disciplines, mais aussi, peut être, de la réticence des médecins à s’approprier les connaissances nécessaires relevant d’autres domaines tels que la chimie.

En conclusion, M. François Goulard a estimé que toutes les interrogations, plus ou moins fondées, appelaient des réponses.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, a tout d’abord identifié plusieurs conclusions lui paraissant intéressantes, telles que :

- la nécessité de développer les « sciences de la précaution », domaine dans lequel la France a pris un certain retard, comme plusieurs rapports de l’OPECST l’ont déjà souligné, en particulier pour l’épidémiologie, et pour lequel l’effort doit notamment porter sur l’établissement de registres de maladies très en amont,

- la recherche d’une meilleure gouvernance, en faisant évoluer l’AFSSET, fortement déstabilisée après l’étude rendue sur les téléphones mobiles, et en dégageant les moyens nécessaires, sans pour autant modifier la position de l’IRSN qui doit garder sa spécificité,

- la poursuite des études sur l’air intérieur, car si certains risques sont identifiés, comme ceux liés au radon, d’autres le sont beaucoup moins, comme le danger des moisissures, par exemple.

Il a estimé que la présentation des risques liés aux éthers de glycol avait été complète, notamment à travers le rappel de la portée des deux expertises collectives intervenues. Il a également considéré que, même avec REACH, des progrès restaient à accomplir.

Puis il s’est déclaré en désaccord avec la proposition visant à créer une Haute Autorité de l’expertise, compte tenu déjà de la multiplication des autorités indépendantes dans le domaine considéré, telles que l’AFSSA, l’AFSSAPS, l’AFSSET ou l’ASN. Plutôt que créer une nouvelle autorité aux compétences transversales, il est nécessaire de mieux organiser l’alerte et de doter les « donneurs d’alerte » d’un statut, notamment au sein des entreprises.

S’agissant des nanomatériaux, adopter une position générale de méfiance à leur égard serait reproduire les mêmes erreurs constatées à propos des OGM. Il faut donc privilégier, comme pour les OGM, une analyse au cas par cas, selon la taille, la forme, l’utilisation et les capacités de dissémination des nanomatériaux. M. François Goulard, député, a, sur ce point, appuyé la démarche proposée par M. Jean-Yves Le Déaut, en soulignant que les nanotechnologies recouvraient des domaines très variés.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, ayant observé que le public réclamait qu’une information claire lui soit donnée, en particulier sur l’utilisation de nanomatériaux dans les cosmétiques, M. Jean-Yves Le Déaut, député, a noté que les interrogations suscitées par la composition des cosmétiques ne justifiaient pas forcément d’adopter la même attitude à l’égard d’autres types d’utilisation, par exemple pour la fabrication des pneus.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a remarqué que l’expertise posait la question de la confidentialité et du secret industriel sur la forme du nanomatériau utilisé, et donc de l’accès de l’agence à ce type d’informations.

M. Henri Revol, sénateur, président, s’est déclaré réservé sur la création d’une Haute Autorité, dans un domaine où on assiste à une prolifération d’instances, et a indiqué qu’il partageait les préoccupations exprimées par M. Jean-Yves Le Déaut, à propos des nanomatériaux, soulignant la nécessité d’identifier préalablement les dangers, sans pour autant généraliser les risques potentiels.

Puis il a estimé que l’information des consommateurs sur les polluants devait être améliorée, avant de s’interroger sur la pertinence de la proposition visant à confier à l’OPECST une « mission de veille sur l’intersection des mesures proposées par le Grenelle de l’environnement et les recommandations » du présent rapport.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a proposé de renoncer à cette recommandation, après avoir indiqué qu’elle avait procédé au croisement des propositions émises dans le cadre du Grenelle de l’environnement et de celles formulées dans le cadre du rapport que l’Office lui a confié.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, s’est interrogé sur l’opportunité de créer un Institut de veille environnementale, alors que l’InVS pourrait voir ses missions élargies. Puis il a estimé que si l’idée de constituer des valeurs guide pour l’air intérieur était intéressante, il fallait désigner l’autorité chargée de les déterminer et privilégier une approche fondée sur les dangers, y compris ceux des faibles doses, sans se laisser enfermer dans les limites techniques des appareils de mesure.

M. Bruno Sido, sénateur, a observé que, dans ce domaine important pour la santé humaine, il fallait concevoir un système de recherche à l’échelle européenne, en créant, par exemple, un laboratoire européen ; il a souligné la nécessité de classifier préalablement les produits dont l’utilisation présente un danger avéré pour la santé humaine, puis rappelé les principaux éléments du scandale de l’amiante, dont le caractère extrêmement tardif de l’alarme.

M. François Goulard, député, a estimé que la mise en place d’une structure de veille et de recherche au niveau européen n’était pas envisageable à court terme et qu’il convenait, dans ces conditions, de se montrer plus pragmatique en s’orientant vers l’établissement de coopérations avec quelques pays européens disposant d’un bon niveau d’expertise dans le domaine étudié, avec une spécialisation selon les molécules.

Après avoir indiqué que, dans le cas de l’amiante, l’alerte des ministres avait été initiée par des personnes de leur entourage et non par les responsables, Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a déploré que les alertes pouvant résulter de congrès médicaux ne soient pas immédiatement relayées auprès du ministère chargé de la santé.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, rapporteur, a proposé une nouvelle rédaction des recommandations ayant fait l’objet de réserves de la part des membres de l’Office.

Puis l’Office a adopté une vingtaine de recommandations et autorisé la publication du rapport.