Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi 8 avril 2008

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 10

Présidence de M. Claude Birraux, député, Président, et de M. Henri Revol, sénateur, Premier Vice-Président

– Présentation du rapport annuel de l’ASN (réunion
ouverte à la presse)

Présentation du rapport annuel de l’ASN
(réunion ouverte à la presse)

M. Claude Birraux, député, Président de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a rappelé que la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dont M. Henri Revol, premier vice-président de l’Office, a été le rapporteur pour le Sénat, avait conféré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un statut d’autorité administrative indépendante, ce statut marquant l’aboutissement d’une longue évolution institutionnelle, impulsée par les recommandations contenues dans les vingt-quatre rapports sur la sûreté nucléaire adoptés par l’OPECST depuis 1990, dont quinze conduits par lui-même, seul ou conjointement avec un autre membre de l’Office. L’instance en charge de la sûreté nucléaire, d’abord simple service du ministère de l'Industrie, puis direction en 1991, a ainsi été transformée en direction générale en 2002, avant de devenir autorité administrative indépendante en 2006.

Il a souligné l’importance des missions confiées à l’ASN, puisque la sûreté nucléaire est la condition essentielle pour que l’énergie nucléaire puisse se déployer et contribuer à l’indépendance énergétique de la France. Il a expliqué qu’au-delà de la sûreté des procédures d’exploitation en matière nucléaire, la sûreté nucléaire couvrait un champ beaucoup plus large, car le moindre accident du travail pouvait in fine concerner la sûreté, lorsqu’il conduisait à l’absence temporaire de personnes faisant défaut dans un dispositif organisationnel prévu pour le fonctionnement des équipements ; que la sûreté nucléaire consistait ainsi à diffuser et maintenir sur les sites nucléaires une culture permanente de la vigilance et de la prudence à tous les niveaux.

Il a évoqué les raisons qui rendent nécessaire l’entretien, par l’Office, de liens institutionnels avec l’Autorité, au travers de moments importants comme la présentation de son rapport annuel d’activité. Ces contacts permettent d’abord d’entretenir une confiance mutuelle facilitant les échanges d’informations en cas de besoin. Ensuite, il s’agit pour l’ASN d’asseoir définitivement sa légitimité, en montrant que son indépendance nouvelle n’en fait pas un « électron libre », mais bien un nouvel instrument au service de l’intérêt général, la « supervision » par les instances supérieures de la démocratie, c'est-à-dire au premier chef le Parlement, ne pouvant que conforter cette légitimité. Enfin, cette audition prolonge la mission d’évaluation du dispositif français de sûreté nucléaire conduite par l’Office depuis 1990, l’article 7 de la loi du 13 juin 2006 qui prévoit que le Parlement saisit l’Office du rapport annuel de l’ASN, ne faisant qu’inscrire dans la loi une démarche qui s’imposait assez naturellement. M. Birraux a signalé que les parlementaires appréciaient grandement que l’ASN ait tenu elle-même à ce que cette démarche s’ancre dans la réalité.

M. André-Claude Lacoste, Président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, a souligné le rôle d’impulsion joué par l’Office dans l’évolution vers le statut d’indépendance de l’ASN. Il a insisté sur le sentiment de fierté et d’honneur qui animait l’ASN en venant rendre compte devant l’Office de sa première année d’activité, en vertu de l’article 7 de la loi de transparence et de sûreté nucléaire.

Il a ensuite expliqué que la présentation du rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2007 se décomposerait en cinq temps : M. Marc Sanson, commissaire, ferait le bilan du nouveau cadre législatif et réglementaire ; Mme Marie-Pierre Comets, commissaire, évoquerait ensuite le fonctionnement de l’ASN en tant qu’autorité administrative indépendante ; M. Jean-Christophe Niel, directeur général de l’ASN, puis Michel Bourguignon, commissaire, décrirait respectivement l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, le premier pour les installations nucléaires de base (INB), le second pour les installations nucléaires de proximité. Enfin, lui-même évoquerait en conclusion un certain nombre de perspectives.

M. Marc Sanson, Commissaire de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, a dressé un bilan du nouveau cadre législatif et réglementaire en matière nucléaire, à la suite de deux lois votées en 2006 : la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite loi « TSN », et la loi du 28 juin 2006, loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, dite « loi déchets ».

Pour la loi « TSN », il a répertorié certaines dispositions immédiatement applicables (droit d’accès aux informations détenues par les exploitants d’installations nucléaires de base, sur les risques de leurs installations et les mesures prises pour les prévenir ; établissement par les exploitants d’INB d’un rapport public), et les dispositions applicables dès la mise en place du collège, intervenue le 13 novembre 2006 (transfert de personnel et de pouvoirs à l’Autorité de Sûreté Nucléaire).

La loi « TSN » a prévu 15 décrets. Dix d’entre eux, considérés comme urgents, ont été publiés entre mai 2007 et mars 2008, en dépit des changements politiques et administratifs. Ils étaient relatifs au champ et à l’organisation des procédures de contrôle, au fonctionnement d’organismes consultatifs et aux questions financières.

Deux autres décrets pourraient paraître d’ici septembre. L’un est relatif au fonctionnement du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire, dont les 34 membres ont été nommés par décret du 28 février 2008, et qui doit être installé le 18 juin prochain. L’autre met à jour le décret du 26 avril 2000 relatif à la taxe sur les INB, mais sans incidence sur la perception de cette taxe.

Trois décrets restent à prendre. Deux concernent la mise en œuvre de leur obligation d’information par les responsables d’activités nucléaires ; ils ne sont pas urgents, et leur contenu doit bénéficier d’un retour d’expérience. Un dernier décret, en instance de signature, concerne le rôle des salariés en matière de prévention des risques.

Deux autres textes, un décret et un arrêté, découlent, au moins indirectement, de la loi « TSN ». Ils réorganisent l’administration centrale des ministères chargés de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, avec notamment la création de la Mission de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (MSNR) au sein de la Direction de l’Action régionale de la qualité et de la sécurité industrielle (DARQSI), qui est placée sous l’autorité des trois ministres intéressés en charge de l’industrie, de l’environnement et de la santé.

La loi « déchets » a prévu douze décrets, dont huit sont publiés à ce jour. Parmi les décrets restant à prendre, trois concernent la politique nationale de gestion des déchets : le premier, relatif aux prescriptions du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, est en cours de signature ; le deuxième décret est relatif à l’évolution des missions de l’ANDRA ; le troisième fixe la nature des informations à transmettre par les responsables d’activités nucléaires pour la réalisation de l’inventaire national des déchets. Le quatrième décret restant à prendre doit définir la zone de consultation lors de la création d’un centre de stockage.

M. Sanson a estimé qu’au total, le cadre réglementaire avait été mis en place dans des délais satisfaisants, compte tenu du contexte et que les décrets encore en instance devraient tous être publiés au cours de l’année 2008.

Mme Marie-Pierre Comets, Commissaire de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, a indiqué que l’ASN en tant qu’autorité administrative indépendante, a été formellement créée le 13 novembre 2006, jour de la première réunion du collège ; qu’en vertu de la loi « TSN », sa mission consiste à assurer, au nom de l’Etat, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France, pour protéger les travailleurs, les patients, le public et l’environnement, des risques liés aux activités nucléaires ; qu’elle contribue aussi à l’information des citoyens. Son ambition est d’assurer un contrôle qui soit performant, impartial, légitime et crédible, reconnu par les citoyens et qui constitue une référence internationale.

Son contrôle s’exerce d’une part sur les grosses installations nucléaires, comme les réacteurs nucléaires ou les usines de traitement des combustibles, ce qui représente à peu près 120 sites gérés par quatre exploitants ; d’autre part, sur les installations nucléaires de proximité, dans les domaines médical, scientifique et industriel, ce qui correspond à plus de 50 000 sources et à de nombreux exploitants.

L’ASN s’attache à mettre en œuvre un contrôle proportionné aux risques, en identifiant les activités qui présentent de réels enjeux en termes de sûreté nucléaire et de radioprotection et en dégageant ainsi des priorités d’action. Elle réalise environ 750 inspections par an sur les grosses installations nucléaires et les transports, et de l’ordre de 800 inspections par an sur les installations nucléaires de proximité.

L’ASN s’attache aussi à avoir une vision intégrée du contrôle, prenant en compte à la fois la sûreté nucléaire et la radioprotection, tant sur les aspects techniques que sur les plans organisationnel et humain, et intégrant la protection de l’environnement.

L’ASN, dirigée par un collège de cinq commissaires (quatre depuis le départ en retraite de François Barthélémy le 15 février 2008) est structurée, outre sa direction générale, en sept directions et onze divisions territoriales. Une direction est dédiée aux relations internationales. Les divisions territoriales couvrent l’ensemble du territoire national, y compris les DOM-TOM. Au total, l’effectif est constitué de plus de 400 agents, dont la moitié se trouve dans les divisions territoriales.

Pour préparer ses décisions, l’ASN s’appuie, d’une part, sur l’expertise d’organismes techniques, au premier rang desquels l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire). Elle s’appuie également sur les avis et recommandations de groupes permanents d’experts placés auprès d’elle. Pour accomplir sa mission, l’ASN dispose d’un budget d’environ 50 millions d'euros, qui correspond pour l’essentiel aux dépenses de personnel et à l’hébergement des divisions territoriales par les DRIRE. A ce montant s’ajoutent 70 millions d'euros qui représentent la subvention de l’Etat à l’IRSN pour le compte de l’ASN. Ce budget est réparti dans plusieurs actions de plusieurs programmes du budget de l’Etat, ce qui n’en facilite pas la lisibilité. Le Président de l’ASN est chargé de l’ordonnancement et de la liquidation pour le compte de l’Etat de la taxe sur les installations nucléaires de base. Ce produit est de l’ordre de 350 millions d'euros, produit qui est versé au budget de l’Etat.

En conclusion, Mme Comets a insisté sur la continuité de la nouvelle ASN (autorité administrative indépendante) par rapport à l’ancienne ASN (direction générale) dans la mission qu’elle exerce. La loi « TSN » a cependant permis un renforcement de son statut, de sa légitimité et de son indépendance.

M. Jean-Christophe Niel, directeur général de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, a indiqué que, pour l’année 2007, l’ASN jugeait « assez satisfaisant », comme en 2005 et 2006, l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en ce qui concerne les installations nucléaires et le transport des matières radioactives.

Ce jugement global concerne les 120 grosses installations que sont les réacteurs nucléaires, les usines de combustible, les installations de recherche et les centres de traitement et de stockage de déchets, gérés par les quatre gros exploitants que sont EDF, le CEA, l’ANDRA et AREVA.

Le jugement de l’ASN est basé sur un certain nombre d’éléments au premier rang desquels figurent les inspections. En 2007, 675 inspections ont eu lieu dans les grosses installations, et 82 ont concerné le transport de matières radioactives. Un quart des inspections des grosses installations ont un caractère inopiné. Elles sont pour l’essentiel réalisées par les onze divisions régionales.

Les incidents et leur analyse constituent un autre élément pris en compte pour évaluer l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. 842 incidents de niveau 0 (le niveau le plus bas de l’échelle INES, ne faisant pas l’objet d’une communication spécifique) ont été déclarés à l’ASN en 2007, ainsi que 86 incidents de niveau 1, qui sont répertoriés sur le site Internet de l’ASN. Par ailleurs, le jugement de l’ASN tient compte d’une part, de l’instruction des dossiers des industriels, en particulier pour les installations nouvelles, et, d’autre part, des informations recueillies par les inspecteurs et les personnels de l’ASN à travers leurs contacts réguliers avec les industriels, par exemple dans le suivi des arrêts de tranche ou les réunions de bilan.

M. Niel a souligné que le jugement de l’ASN sur l’ensemble des installations, valable à un moment donné, était susceptible d’évolution.

Il a passé en revue chacun des industriels concernés.

Bien que le jugement porté par l’ASN sur EDF en matière de la sûreté nucléaire et de la radioprotection soit plutôt positif, des progrès doivent être accomplis dans certains domaines. Il s’agit de la rigueur d’exploitation, de l’organisation en matière de lutte contre l’incendie, et du contrôle des entreprises prestataires.

L’ASN s’est efforcée, pour la deuxième année consécutive, de porter un jugement site par site, et a constaté que trois sites d’EDF se trouvaient plutôt en retrait : Fessenheim, Flamanville et Gravelines, essentiellement pour des questions de rigueur d’exploitation. Par contre, trois sites se détachaient favorablement : Chooz, Golfech, Nogent-sur-Seine. Là encore, cette image fixée à un moment donné est susceptible d’évoluer.

Début 2007, le collège de l’ASN a remis un avis positif concernant le projet de réacteur EPR de Flamanville au Gouvernement, qui a pris en conséquence le décret d’autorisation de création de cette installation. L’ASN effectue depuis lors un contrôle documentaire sur la conception détaillée de l’installation mais aussi sur la réalisation de la construction au niveau du chantier ou des gros équipements. L’ASN s’est aussi intéressée à l’impact de ce chantier sur les deux tranches en exploitation voisine que sont Flamanville 1 et Flamanville 2, ce qui a conduit à réaliser, en 2007 et début 2008, une dizaine d’inspections spécifiquement dédiées à certains aspects du chantier.

EDF a pris à l’encontre du colmatage constaté des générateurs de vapeur sur des réacteurs de 900 MW et, dans une moindre mesure, sur des réacteurs de 1300 MW, un certain nombre de dispositions, que l’ASN a encouragé EDF à approfondir, sachant que cette situation a un impact en termes de sûreté et d’environnement.

Le CEA, pour sa part, a engagé un certain nombre d’actions importantes concernant l’organisation de la sûreté, qui n’ont néanmoins pas encore produit tous leurs effets, preuve en est l’incident de niveau 1 survenu en cours d’année 2007 sur l’installation de traitement des déchets de Saclay. Il s’agissait de la pénétration en zone rouge, zone interdite, d’un travailleur lors d’une opération de remplissage d’un fût de déchets avec du ciment. La dose reçue était extrêmement faible ; ce dysfonctionnement a cependant conduit le collège de l’ASN à convoquer le directeur du site pour examiner les dispositions qu’il comptait mettre en œuvre.

Le niveau de sûreté et de radioprotection des installations d’AREVA est jugé satisfaisant par l’ASN, qui souhaite néanmoins qu’AREVA s’implique plus fortement dans le démantèlement de l’usine UP2-400 à La Hague, et dans la reprise des déchets anciens, pour limiter la durée de ces opérations.

L’ASN a demandé que l’ensemble des matières résiduelles de l’usine ATPu de fabrication de combustibles à base de plutonium, exposée à des risques sismiques, soit évacué avant juillet 2008. Cette opération concerne le CEA en tant qu’exploitant nucléaire et AREVA en tant qu’opérateur. Les dispositions prises vont permettre vraisemblablement de respecter cette échéance et à cette installation de rentrer dans une phase de démantèlement active.

En ce qui concerne l’ANDRA, que ce soit pour l’exploitation des centres de stockage de déchets ou la préparation des objectifs de la loi de juin 2006, l’ASN juge que le bilan en matière de sûreté et de radioprotection est positif. Néanmoins, l’ASN a des préoccupations en ce qui concerne le retard sur le stockage des déchets de faible activité à vie longue, car ce stockage constitue un élément du démantèlement des réacteurs de première génération dans lequel EDF s’est engagé.

L’ASN note qu’il n’y a pas eu d’événements marquants concernant les transports en 2007. En revanche, l’ASN a regretté que l’AIEA n’ait pas pris en compte ses propositions de renforcement du dispositif de contrôle pour les colis les moins dangereux, à l’image de la procédure d’agrément en vigueur pour les colis les plus dangereux.

M. Michel Bourguignon, Commissaire de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, a expliqué que les installations nucléaires de proximité se partageaient entre deux grands domaines : l’industrie et la recherche, d’une part, le domaine médical, d’autre part ; et qu’elles correspondaient à l’utilisation d’environ 50 000 sources, incluant les générateurs électriques de rayonnement et les grands accélérateurs de particules.

Dans le domaine de l’industrie et de la recherche, l’Autorité de sûreté nucléaire a délivré 1635 autorisations en 2007 ; elle veille au respect des normes de radioprotection et des obligations du code de la Santé Publique autant par les fournisseurs que par les utilisateurs. Le risque le plus grand concerne les sources de gammagraphie industrielle, qui prennent la forme d’appareils de très petite taille, ce qui accroît le risque de perte ou de vol. Elles ont été à l’origine d’accidents au Chili en 2005, et au Sénégal en 2006, dont les victimes ont été traitées en France. Bien sûr, l’ASN porte beaucoup d’attention à la récupération des sources en fin de vie.

C’est dans le domaine médical que sont délivrées à la population les doses de rayonnement artificiel les plus importantes, à travers principalement trois méthodes : la radiothérapie, qui concernent 200 000 patients chaque année, la radiologie et la médecine nucléaire qui font l’objet annuellement d’environ 70 millions d’actes effectués auprès de 10 millions de personnes. L’ASN a dans ce domaine une activité d’autorisation, de déclaration et de contrôle. En 2007, elle a porté tout particulièrement son attention sur la radiothérapie et la radioprotection des patients, du fait des accidents intervenus à Epinal et Toulouse, mais aussi en raison du développement prévisible de la radiothérapie avec le vieillissement de la population, le cancer étant une maladie du vieillissement.

L’appréciation de l’ASN sur la situation dans le domaine de la radiothérapie part du constat qu’il s’agit d’une pratique médicale absolument incontournable, mais qu’elle s’accompagne de beaucoup d’accidents et d’incidents tous liés à des défaillances humaines et organisationnelles et à des défauts de qualité et de sûreté. De ce point de vue, la situation est très disparate d’un établissement à l’autre. En tout état de cause, le processus d’amélioration sera long : il prendra entre cinq et dix ans, car il s’agit essentiellement d’un problème de ressources humaines, de compétences, de filières de formation. Dans cette situation difficile, il est très probable qu’il y aura de nouveaux événements.

Pour renforcer le dispositif opérationnel, l’ASN fait la promotion d’une culture de radioprotection, par l’élaboration de guides de bonnes pratiques à destination des professionnels concernés, et cela dans un cadre d’assurance de qualité. En 2007, l’ASN a également incité les professionnels à la déclaration des événements significatifs de radioprotection dans le cadre d’une obligation réglementaire. Cette obligation réglementaire est relativement peu respectée puisqu’environ 20 % seulement des centres y souscrivent.

L’ASN privilégie la pédagogie à la sanction. À la suite d’une déclaration, elle fait une inspection réactive, puis envoie une lettre de suite qui pointe les défauts identifiés en matière réglementaire et en matière de qualité. Enfin, elle veille à assurer un retour d’expérience vers les professionnels : en 2007, trois lettres circulaires ont ainsi été publiées, l’une concernait l’imagerie portale, c'est-à-dire l’imagerie réalisée avec les accélérateurs, à la suite de l’incident d’Epinal ; l’autre concernait la calibration des faisceaux à la suite de l’accident de Toulouse ; la troisième était un guide pour favoriser la déclaration.

Les 180 centres de radiothérapie ont été inspectés en 2007 et ont été évalués en particulier sous l’angle des facteurs humains et organisationnels : la définition et le partage des responsabilités entre les différents professionnels concernés, leur formation, l’existence de procédures écrites, l’existence d’un registre des événements, même bénins. Tout ce travail est en cours de synthèse en vue d’une restitution aux professionnels et aux autres personnes concernées.

L’ASN a complété cette intervention sur les sites avec d’autres actions menées en coordination avec les autorités sanitaires :

elle a contribué avec la Société Française de Radiothérapie en Oncologie à la mise en place en juillet 2007 d’une échelle ASN/SFRO permettant de classer la gravité des événements ; cette échelle fera l’objet d’une évaluation au bout d’un an ;

elle a travaillé à l’amélioration de la sûreté des dispositifs médicaux en liaison avec l’AFASSAPS (Agence francaise de sécurité sanitaire des produits de santé), mais aussi avec l’IRSN, notamment pour l’expertise des nouveaux dispositifs médicaux irradiants, et avec les fabricants, pour améliorer la sûreté des appareillages, en particulier des logiciels ;

elle a apporté son soutien, avec l’Institut national du cancer (INCa), à l’édition du guide de radiothérapie des tumeurs élaboré par les professionnels, publié en novembre 2007.

M. Bourguignon a conclu son propos en soulignant que la sécurité des patients en radiothérapie constitue une priorité pour l’ASN dans son action de contrôle, mais qu’il faudra plusieurs années pour atteindre l’objectif d’une radiothérapie française exemplaire. Un doublement des effectifs de physiciens a été annoncé par la ministre chargée de la Santé, et devrait être effectif dans cinq ans. Durant la période transitoire, l’ASN va continuer à inciter les établissements et les professionnels à l’excellence, en s’appuyant sur un partage d’expériences avec ses homologues étrangers.

M. André-Claude Lacoste, Président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, s’est proposé d’esquisser les perspectives de l’action de l’ASN autour de six rubriques.

La première concerne le domaine médical et la radiothérapie. Les délais nécessaires pour traiter les difficultés seront longs puisqu’il s’agit de former le personnel pour augmenter l’effectif disponible et améliorer la culture de radioprotection, l’organisation et la qualité. Il faut compter sur une période difficile de l’ordre de cinq à dix ans.

La deuxième rubrique concerne le contrôle des grosses installations. L’ASN a pour but de tirer pleinement parti de l’ensemble des outils de contrôle dont elle dispose, pour être capable de considérer le fonctionnement, la construction et le démantèlement des INB du point de vue de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, de la protection de l’environnement, de l’inspection du travail, en intégrant à la fois les aspects techniques et les aspects humains et organisationnels, tout en n’oubliant pas de regarder la question de la liaison entre sûreté et compétitivité. Il s’agit d’aboutir à une vision aussi intégrée que cela est possible.

La troisième rubrique concerne la perspective internationale. L’ASN a deux soucis à cet égard. Le premier est celui de l’harmonisation internationale au travers d’une multitude d’actions menées au sein de l’Agence internationale à l’énergie atomique, au sein du Club des autorités de sûreté nucléaire (INRA) et au sein de l’Initiative MDEP (Multinational Design Evaluation Program) de l’Agence pour l’énergie nucléaire. Le deuxième souci concerne la multitude des demandes d’aide et de coopération qui sont adressées à l’ASN. Ces demandes d’aide et de coopération viennent aussi bien de pays déjà nucléaires – comme la Chine ou le Royaume-Uni – que de pays émergents partant souvent de rien. Face à ces demandes, l’ASN se heurte à des problèmes de philosophie, de moyens et de priorités.

La quatrième rubrique touche à la sécurité, c'est-à-dire à la lutte contre les actes de malveillance. Le tableau qui se trouve en page 213 du rapport, qui présente la manière dont la lutte contre les actes de malveillance est prise en charge dans les pays étrangers, est éclairant à ce sujet : dans la plupart des pays étrangers, la sécurité est dans les mains de l’autorité qui a en charge la sûreté nucléaire. Clairement, l’Autorité de sûreté nucléaire française s’est portée candidate à la prise en charge d’une tâche qui n’est exercée en France par aucun service de l’Etat et qui est la sécurité des sources radioactives. Elle pense également pouvoir jouer un rôle plus important dans le contrôle des matières nucléaires et la protection physique des installations.

La cinquième rubrique est la transparence. La loi du 13 juin 2006 a introduit des innovations dans ce domaine : elle oblige les exploitants à fournir aux citoyens des informations sur la sûreté et la radioprotection (article 19) ; elle a conféré un nouveau statut aux commissions locales d’information (article 22) ; elle a créé le Haut Comité pour la transparence et la sécurité en matière nucléaire (article 23). L’ASN a identifié trois axes de progrès nécessaires :

d’abord, il s’agirait de publier, parallèlement aux positions prises par l’ASN sur les grosses installations nucléaires, notamment au travers des lettres de suite d’inspection, les avis de l’IRSN qui ont servi à établir ces positions ;

ensuite, il s’agirait de publier les lettres de suivi d’inspection dans le secteur médical. C’est un sujet difficile, à traiter avec prudence, car cela touche aux patients. Mais cette publication constitue à l’évidence, un sujet sur lequel il faut progresser ;

enfin, il s’agirait de faire en sorte que les différents acteurs de la transparence puissent, au moins sur un certain nombre de points, faire appel à des expertises diversifiées. Il ne s’agit pas de dupliquer l’IRSN en 50 exemplaires mais de disposer, en France ou dans des pays étrangers, d’entités dont la taille ne serait pas nécessairement importante, qui disposeraient d’une compétence d’analyse propre. L’étude de cette question sera sans doute vite inscrite au programme du Haut Comité pour la transparence et l’information en matière nucléaire.

La sixième rubrique est le budget de l’ASN. Marie-Pierre Comets a bien indiqué qu’il était réparti en trois actions et deux programmes. La subvention à l’IRSN fait l’objet d’un programme encore différent. Cela ne contribue pas à la lisibilité budgétaire. Un autre point de préoccupation concerne le montant de ce budget, question qui sera approfondie en d’autres circonstances.

M. Claude Birraux, député, Président de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, a posé les questions suivantes :

- l’ASN a-t-elle pu éviter le vieillissement de son personnel ? L’Office parlementaire a toujours demandé qu’il existe des centres de compétences et d’expertise au sein des universités, afin que l’on puisse former à l’université des personnes ayant des compétences dans le secteur nucléaire. Comment s’effectue la formation des inspecteurs nouvellement recrutés ?

- les inspecteurs de l’ASN jouent le rôle d’inspecteurs du travail dans les centrales nucléaires. Comment se passe la formation des inspecteurs à ce champ particulier et comment est organisée leur formation continue ?

- l’ASN estime qu’une dizaine d’années sera nécessaire pour normaliser la situation de la radioprotection dans le domaine médical. Ne serait-il pas utile de disposer, auprès de l’ASN, de groupes permanents d’experts au sein desquels les questions de radioprotection seraient discutées ?

- s’agissant de la transparence, la diffusion sur le site Internet de l’ASN, du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs est-elle assurée ?

- comment resserrer les liens entre l’ASN et les différents organismes internationaux, qu’il s’agisse de la CIPR, du WENRA, des régulateurs internationaux ou de l’AIEA ?

- enfin, comment le contrôle de la sûreté d’ITER sera-t-il organisé ? Un premier problème se fait jour : l’utilisation du béryllium, qui est censé « tenir » à haute température, mais qui est très toxique. Il a demandé la position de l’ASN à ce sujet, et sur l’intention de bloquer le projet jusqu’à la substitution du béryllium par du tungstène.

Après que M. André-Claude Lacoste a observé que l’ASN n’avait pas de difficulté à recruter son personnel, M. Jean-Christophe Niel a indiqué que la moyenne d’âge de l’ASN était d’un peu plus de 40 ans, 62 % des agents ayant moins de 45 ans. Cet effectif relativement jeune s’explique par un taux de rotation plutôt élevé, qui s’accompagne d’un effort de formation très significatif : en 2007, les agents de l’ASN ont bénéficié de 3 000 jours de formation, et le budget de formation s’établit à 400 000 euros, en dehors de la formation dispensée par des personnes de l’ASN. Le fait de devenir inspecteur fait l’objet d’un processus tout à fait formel, complété par une habilitation, comme dans la plupart des pays disposant d’un parc nucléaire important. L’ASN a pris l’initiative d’un audit international de ce processus, réalisé sous l’égide de l’AIEA, qui a considéré qu’il s’agissait là d’une bonne pratique. L’ASN pratique par ailleurs des échanges avec des inspecteurs d’autres pays. Ainsi, par exemple, des inspecteurs français travaillent actuellement au sein des autorités de sûreté nucléaire de Grande-Bretagne et d’Espagne. Un agent de l’ASN va très bientôt se rendre aux Etats-Unis. L’ASN accueille, selon un principe de réciprocité, des inspecteurs des pays concernés. Enfin, les agents de l’ASN sont, aux trois quarts, fonctionnaires. Le dernier quart est constitué d’agents mis à disposition par divers établissements publics et de quelques contractuels.

En ce qui concerne l’Inspection du Travail, deux situations doivent être distinguées. D’une part, dans la mesure où l’ASN a la responsabilité de la radioprotection, pour tous types d’installations (installations nucléaires de base ou installations nucléaires de proximité), son travail d’inspection, concernant les travailleurs, partage certains points communs avec l’Inspection du travail. C’est pourquoi l’ASN a développé des relations avec les directions départementales et régionales du Travail ainsi qu’avec la direction générale du Travail : une circulaire commune a été élaborée, précisant les modes respectifs de fonctionnement des deux inspections, et les conditions de coopération, en vue notamment d’un partage d’expériences ; ce dispositif fonctionne plutôt bien. D’autre part, l’ASN a la responsabilité de l’Inspection du travail en tant que telle dans les centrales nucléaires d’EDF. Il s’agit d’une compétence assez récente, pour laquelle l’ASN continue de s’organiser : le choix a été fait de ne pas dédier exclusivement des inspecteurs de l’ASN à l’Inspection du travail, mais au contraire de faire en sorte que certains inspecteurs de l’ASN, treize aujourd’hui, aient une « double casquette » (inspection de sûreté nucléaire/Inspection du Travail) et consacrent 30 à 50 % de leur temps à l’Inspection du travail. Un recrutement d’un inspecteur du Travail de haut niveau est en cours, afin d’organiser et d’animer le réseau des inspecteurs du Travail de l’ASN.

M. André-Claude LACOSTE a ajouté que la possibilité d’une mobilisation complémentaire des deux sortes d’inspection dans les centrales nucléaires d’EDF apparaissait particulièrement utile en cas d’événements graves, comme ceux survenus au sein de la centrale de Dampierre en avril 2007.

S’agissant de la constitution éventuelle de groupes permanents d’experts spécialisés dans la radioprotection dans les installations nucléaires de proximité, elle est en cours, avec un groupe permanent d’experts qui sera dédié au domaine médical, et un groupe permanent d’experts qui sera dédié aux domaines non médicaux. L’un d’eux sera présidé par une personnalité belge ; l’autre aura pour vice-Président une personnalité suisse, dans le souci de tirer le meilleur parti de ce qui se fait de bien à l’étranger. Par ailleurs, l’idée de mettre en place des expertises diversifiées, question que le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire semble bien placé pour traiter, lui sera soumise dès sa première réunion, le 18 juin.

L’ASN a depuis longtemps le souci de marier les préoccupations de radioprotection et de sûreté nucléaire, et l’occasion lui en est donnée dans le cadre des travaux des différentes instances de concertation internationale sur la sûreté nucléaire. En particulier, les normes de sûreté de l’AIEA (les « Safety Standards ») font l’objet d’un effort d’unification, au sein de la « Commission on Safety Standards » de l’AIEA, que M. Claude Lacoste préside. Cet effort a déjà porté ses fruits pour « l’étage du haut » de ces normes de sûreté, que l’on appelle les « Safety Fundamentals » : trois ensembles de normes ont été fondus en un seul, rassemblant sûreté et radioprotection. C’est un travail engagé voilà plus de vingt ans qui est maintenant achevé. Il s’agit désormais d’en tirer les conséquences dans les étages du dessous de la pyramide, constitués par les standards. Il faut également en tirer les conséquences dans un certain nombre de directives européennes. A l’évidence, c’est un sujet tout à fait fondamental.

S’agissant d’ITER, l’ASN a eu le souci de remettre un avis au Gouvernement avant que celui-ci ne fasse part de la candidature de la France pour accueillir le projet sur son territoire. Les documents relatifs à la sûreté de ce projet ont été examinés afin de vérifier que les conditions de mise en œuvre étaient bien acceptables en France. Après que le choix de la localisation en France a été fait, l’ASN s’est attachée à ce que l’organisation ITER n’abuse pas de son statut international. L’enjeu était qu’ITER ne bénéficie pas d’une sorte de statut d’immunité diplomatique : ITER sera donc une INB française, créée par un décret d’autorisation de création et surveillée par l’ASN. Il reste un certain nombre de points techniques, dont l’un est le choix du matériau pour la couverture.

Jean-Christophe Niel a précisé que le rapport préliminaire de sûreté accompagnant le dossier qui conduira à l’autorisation de création de cette installation propose, en tant que solution de référence, le béryllium, mais mentionne aussi le tungstène. L’exploitant travaille sur cette dernière solution. L’ASN l’incite à avancer sur ce sujet, mais aucune décision n’est prise à ce jour.

S’agissant de la mise en évidence, sur le site Internet de l’ASN, des informations relatives aux travaux du Groupe permanent de suivi du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGDR), elle dépend d’une refonte en cours du site, qui prendra en compte cette préoccupation.

M. André-Claude Lacoste a ajouté que la sortie du décret institutionnalisant le PNGMDR restait un sujet majeur, rappelant que Marc Sanson avait indiqué qu’une réunion interministérielle s’était tenue à ce sujet dans l’après-midi.

M. Jean-Pierre Brard, député, a posé les quatre questions suivantes :

- La première concernait le recours aux entreprises sous-traitantes, dont les avanies avaient été racontées dans un livre publié en 1986 en Allemagne, « Tête de Turc », par Günter Wallraff. Compte tenu de la chasse aux coûts pratiquée dans de nombreux domaines, le recours aux entreprises prestataires ne constitue-t-il pas une augmentation du facteur « risque » et l’ASN les contrôle-t-elle ?

- A propos de l’opinion critique de l’ASN sur la rigueur d’exploitation dans certaines centrales nucléaires d’EDF, est-il possible d’en dire davantage ?

- S’agissant de la coopération dans le domaine nucléaire avec les pays émergents, par exemple la Libye, l’ASN a-t-elle formulé des préconisations ?

- Enfin, des dépêches d’agence diffusées à la fin du mois de mars ont signalé qu’un membre du réseau « Sortir du nucléaire » avait été placé en garde à vue pendant une dizaine d’heures et interrogé par la DST à propos d’un document confidentiel émanant d’EDF, qui évoquerait l’absence de garantie de sécurité dans l’hypothèse où un avion tomberait sur une centrale nucléaire. Il existe de nombreux fantasmes à ce sujet. Qu’en est-il, et la gravité de la question justifiait-elle l’intervention de la DST ? Quoi qu’il en soit, quelle est l’analyse de l’ASN sur la sécurité dans un tel scénario ?

M. André-Claude Lacoste a indiqué que, comme de nombreuses grandes entreprises, des entreprises nucléaires françaises et en particulier EDF ont recours à des entreprises prestataires. L’ASN surveille ce recours à deux niveaux : d’une part, quant à la façon dont l’entreprise principale choisit les entreprises auxquelles elle fait appel ; d’autre part, quant à la façon dont l’entreprise prestataire travaille elle-même.

Jean-Christophe Niel a ajouté que ce contrôle était de nature documentaire, visant à s’assurer que la traçabilité des opérations était satisfaisante et la formation des intervenants correcte. Des inspections sur le terrain sont effectuées, qui peuvent conduire à interroger tel ou tel professionnel pour vérifier certains points. La responsabilité première du contrôle des entreprises prestataires reste néanmoins celle de l’opérateur, et l’ASN ne procède en ce domaine qu’à travers un contrôle par sondage. C’est un des points en jeu dans l’amélioration de la rigueur d’exploitation sur certains sites d’EDF.

M. Jean-Pierre Brard, député, a alors vérifié auprès de M. Niel que l’ASN disposait du pouvoir de contrôler une entreprise prestataire dans ses murs sans préavis, sur tous les sujets.

M. André-Claude Lacoste a précisé que l’ASN avait déjà mené des inspections chez EDF afin de contrôler la politique d’achats de prestations, c'est-à-dire « le niveau du dessus », en quelque sorte, sachant que l’ASN s’efforce de contrôler les deux niveaux : premièrement, comment EDF choisit-il ses prestataires ? Deuxièmement, comment ces derniers travaillent-ils ?

Répondant sur la rigueur d’exploitation à EDF, M. Jean-Christophe Niel a indiqué qu’un certain nombre d’actions au niveau national avaient été engagées par l’entreprise, dont l’ASN suit la mise en oeuvre. Les inspections visent à détecter d’éventuels écarts dans l’application des documents d’exploitation, des lacunes dans la préparation des interventions ou dans l’encadrement des sous-traitants, et l’ASN vérifie qu’EDF prend alors les dispositions adéquates.

M. Henri Revol, Premier vice-Président de l’OPECST faisant repréciser que la critique de l’ASN concernait seulement trois sites d’exploitation d’EDF jugés un peu moins bons que les autres, M. Jean-Christophe Niel a évoqué le cas de Fessenheim, où les défauts relevés portaient sur l’application des documents de référence (en particulier les règles générales d’exploitation), la réalisation des interventions, qui présentait des écarts par rapport aux documents d’exploitation, la requalification.

M. Jean-Pierre Brard, député, demandant ce que cela signifiait concrètement, M. André-Claude Lacoste a répondu que l’ASN visait à ce que les exploitants nucléaires fussent aussi parfaits que possible ; que ses inspections montraient qu’ils n’étaient pas parfaits, en particulier vis-à-vis du respect d’un certain nombre de documents qui devraient guider leurs interventions ; que l’ASN se montrait extrêmement pointilleuse à cet égard ; qu’elle pointait ainsi un certain nombre d’écarts, et les classait en fonction de leur gravité ; qu’un manquement au respect d’une procédure ne signifiait en rien qu’une centrale fût dangereuse, mais qu’il devait être relevé par l’ASN, dont le but ultime était d’atteindre en ce domaine la perfection.

Revenant ensuite, sur la problématique de la coopération avec les pays émergents, c'est-à-dire les pays qui veulent s’équiper en installations nucléaires en partant de rien, M. André-Claude Lacoste a observé que c’était une question qui se posait aux autorités de sûreté nucléaire de bon nombre de pays, et qu’elle faisait donc l’objet de discussion entre l’ASN et ses homologues ; qu’il en ressortait un souci commun d’être tout à fait clair sur le temps nécessaire pour qu’un pays partant de rien puisse construire, puis exploiter une installation nucléaire ; que cela passait, outre par le choix d’un site d’implantation, par la constitution préalable d’une autorité de sûreté, étape qui prend du temps, car une autorité de sûreté ne s’acquiert pas comme un bien sur un marché ; que l’analyse aboutissait, pour des pays partant de rien, à prévoir des délais de l’ordre de quinze ans.

M. Jean-Pierre Brard, député, s’interrogeant sur le rôle du pouvoir politique dans cette mise en place, M. André-Claude Lacoste a expliqué qu’une autorité de sûreté nucléaire doit être solide techniquement, dotée des moyens nécessaires et qu’il fallait qu’elle jouisse d’une indépendance minimale par rapport au pouvoir politique. Dans un certain nombre de pays, cela s’est construit progressivement au cours du temps. Il est évident que l’on peut imaginer d’aller plus vite. Cependant, on ne constitue pas une autorité en allant acheter quelque chose qui existerait sur le marché. On ne constitue pas une autorité de sûreté en recrutant des gens qui seraient des mercenaires. S’il s’agit d’assurer une véritable indépendance et une vraie culture de sûreté, il faut un ancrage dans un environnement institutionnel stable.

M. André-Claude Lacoste a précisé que son propos se voulait général, et pouvait s’appliquer de manière plus ou moins différenciée à différents cas de figure.

S’agissant de la gestion du risque de chutes d’avion sur les centrales, il a indiqué qu’elle ne relevait pas du domaine de responsabilité de l’ASN, mais que celle-ci avait apporté son concours à l’entité en charge de traiter ce sujet, qui est le Haut fonctionnaire de Défense et de Sécurité du ministère de l’Economie, à travers une évaluation montrant que les centrales françaises résisteraient de façon tout à fait raisonnable à des chutes d’avions. Le principal risque associé touche à la résistance des installations à l’incendie qui s’ensuivrait. Ce dossier est traité avec la discrétion qui s’impose. M. André-Claude Lacoste a supposé que c’était ce souci de discrétion qui avait motivé l’intervention de la DST dans l’affaire évoquée précédemment.

M. Jean-Pierre Brard, député, a demandé si l’ASN avait eu connaissance du document supposé confidentiel, et M. André-Claude Lacoste a répondu qu’il avait déjà reçu des documents de ce genre de la part d’EDF et d’autres exploitants nucléaires, car ce problème ne se limitait absolument pas à EDF, mais concernait toutes les installations nucléaires. Il a ajouté que, sur ce genre de sujets, les différents autorités, et même celles qui ne sont pas directement en charge du contrôle, s’attachent à être aussi au courant que possible de ce qui se passe à l’étranger, mais que, bien évidemment, les échanges sont limités par leur dimension confidentielle.

M. Daniel Raoul, sénateur, indiquant qu’il avait conscience de sortir du champ du rapport présenté, mais se référant implicitement à une préoccupation d’actualité, a demandé s’il était envisageable d’étendre les compétences de l’ASN, au-delà des seuls rayons ionisants, à tout le spectre électromagnétique.

M. Christian Bataille, député, a posé deux questions.

La première revenait sur la formation des personnels de contrôle, en partant du constat que, dans certaines installations, comme Phenix et Atalante à Marcoule, les inspections de l’ASN sont doublées par celles de l’Euratom. Or les inspecteurs de l’Euratom viennent d’autres régions d’Europe qui sont moins bien pourvues que la France en équipements nucléaires, et l’on peut dès lors s’interroger sur le niveau de formation de ces inspecteurs, dont la compétence ne doit pas être purement théorique et universitaire, mais intégrer une expérience des sites nucléaires. M. Christian Bataille a demandé si ces questions étaient évoquées dans le cadre des diverses instances de concertation internationale auxquelles l’ASN participe, et s’il existait des programmes de coopération pour la formation des inspecteurs de l’Euratom.

La seconde question concernait l’idée d’établir des centres continentaux placés sous le contrôle international pour la fabrication et la fourniture de combustibles nucléaires à de nouveaux exploitants nucléaires, ce dispositif incluant le traitement-recyclage des combustibles usés moyennant la reprise par les Etats concernés de leurs déchets radioactifs ultimes. M. Christian Bataille a rappelé que c’était l’esprit du GNEP (Global Nuclear Energy Partnership) auquel de grands pays nucléaires ont d’ores et déjà adhéré de manière informelle, et que la France commence d’une certaine façon à mettre en œuvre avec un service clés en main de fourniture d’électricité nucléaire à la Libye (en décembre 2007) ou aux Emirats Arabes Unis (en janvier 2008). Il s’est interrogé sur la part revenant à l’ASN dans ces accords de coopération nucléaire, si l’ASN était partie prenante, et dans cette hypothèse, s’il lui reviendrait d’effectuer une intervention en formation, en assistance, ou sous la forme d’une compétence de contrôle externe.

M. Jean-Claude Etienne, sénateur, a posé trois questions.

Rappelant qu’en France , comme en général en Europe, environ 20 % des malades atteints de cancer bénéficient d’un traitement en radiothérapie, revenant sur les récentes affaires d’Epinal et de Toulouse, en observant qu’elles avaient jeté l’émotion, y compris chez les professionnels, manipulateurs, ingénieurs physiciens ou médecins radiothérapeutes, qui ont tous évoqué la nécessité de protocoles qui pourraient prendre une dimension éventuellement opposable en cas de problèmes, pour s’assurer que la qualité de la délivrance thérapeutique soit garantie tout au long du parcours du malade, il a demandé quelle était la position de l’ASN à ce sujet.

Se référant aux registres diagnostiques et thérapeutiques tenus pour certains types de cancers, il s’est interrogé sur la mise en place de registres similaires pour le suivi des cancers pris en charge par radiothérapie, de manière à pouvoir mieux suivre les accidents à effet retardé.

Évoquant enfin les recherches conduites pour traiter de façon sériée et régulée les accidents de radiothérapie, il a souligné l’intérêt de la thérapie cellulaire utilisant les cellules mésenchymateuses, et s’est demandé si l’ASN suivait ce type de problématiques scientifiques.

M. André-Claude Lacoste a indiqué que les rayonnements électromagnétiques n’entrent pas dans le domaine de surveillance de l’ASN, mais dans celui de la Direction générale de la Santé ; qu’en outre, il estimait que l’ASN avait dans l’immédiat suffisamment à faire avec le domaine de la radioprotection.

Il a précisé que les contrôles exercés par l’Euratom portaient sur les matières nucléaires ; qu’il s’agissait a priori d’une compétence exclusivement européenne, mais que le contrôle des matières figurait au nombre des domaines de la protection contre les actes de malveillance que l’ASN s’était déclarée prête à investir.

S’agissant des idées très larges et très politiques qui se développent autour de la thématique du GNEP pour limiter le risque de dissémination des matières nucléaires, il a indiqué qu’elles ne donnaient pas encore lieu à des échanges de nature technique ; que ceux-ci mettront d’ailleurs inévitablement en évidence des difficultés pratiques, et il a pris l’exemple du concept de « banque de combustibles », difficile à cerner compte tenu de la grande variété des formats sous lesquels les combustibles sont préparés. Même l’idée, apparemment plus facile à mettre en œuvre, d’une « banque d’uranium » se heurterait à la difficulté de préciser le type d’uranium dont il serait question. Beaucoup de choses restent ainsi à démêler au niveau politique avant d’en arriver au niveau technique, mais il s’agit d’affaires fondamentales.

La radiothérapie est un outil indispensable de la lutte contre le cancer, qui souffre dans sa pratique de deux difficultés : d’une part, le manque de personnel, que ce soit des oncologues radiothérapeutes, des radiophysiciens ou des manipulateurs ; parfois ce manque de personnel est dans un rapport de un à deux ; d’autre part, le besoin d’améliorer les méthodes quant à l’organisation, aux protocoles, à l’assurance de la qualité. La résorption de ces difficultés va nécessiter du temps. L’ASN s’est mise en relation constante avec les professionnels pour favoriser des progrès dans ces domaines. Ce jour même, l’ASN a tenu deux réunions avec la Société française de radiothérapie oncologique.

La mise en place d’une capacité à identifier les effets retardés de la radiothérapie constitue typiquement l’un des enjeux de l’adaptation des méthodes. Dans une affaire comme celle d’Epinal, des effets remontant à des traitements en radiothérapie effectués en 1989 ont été constatés. La tenue de registres sera d’un apport évident pour conserver des traces de ce qui a été fait, y compris au service d’éventuelles études épidémiologiques.

M. André-Claude Lacoste a observé que la dernière question concernait le traitement des conséquences sur les personnes de la survenance d’accidents graves, domaine ayant fait l’objet d’une tentative hardie et difficile à la suite de l’évènement d’Epinal.

M. Michel Bourguignon, Commissaire de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, a expliqué que cette tentative, un traitement par les cellules souches mésenchymateuses, avait suivi le traitement tout à fait réussi d’un peintre chilien et d’un travailleur sénégalais soignés en France en 2006. Ces personnes avaient été victimes d’une brûlure radiologique par une source de gammagraphie industrielle. Au Chili, l’ouvrier avait ramassé par terre ce petit objet métallique brillant, et l’avait mis dans sa poche arrière ; il a eu la chance de croiser son chef de chantier qui portait sur lui un dosimètre électronique. Dans le cas du travailleur sénégalais, la source de gammagraphie industrielle était restée dans le flexible qui avait été roulé comme un tuyau d’arrosage et mis sous un escalier. Un jour, il a transporté le rouleau de flexible en le suspendant à son épaule ; la source était juste sous son bras. Ces deux personnes ont subi des brûlures radiologiques sévères sur la peau, de plusieurs dizaines de Gray. Leur traitement a consisté en une opération précoce, avec ablation chirurgicale de la zone affectée et greffe autologue de peau intégrant des centaines de millions de cellules souches mésenchymateuses. Ce type de thérapie a enregistré des résultats remarquables chez ces deux patients chilien et sénégalais, alors que les expériences antérieures avaient été jusque là dramatiques, et avaient notamment abouti au décès d’un patient péruvien.

Ce succès a ouvert la voie pour le traitement de trois patients d’Epinal, pour lequel l’AFSSAPS a donné son autorisation. Malheureusement, il n’a pas été possible de pratiquer des greffes autologues, mais seulement des greffes hétérologues à partir de prélèvements sur la fratrie. Chez au moins l’un des patients, le résultat a été tout à fait intéressant. Le problème est que la mise en culture des cellules souches mésenchymateuses a montré l’apparition d’anomalies chromosomiques. Pour l’instant, l’AFSSAPS a suspendu le recours à cette méthode en attendant que des recherches permettent d’expliquer ces anomalies, car il ne faudrait pas que le traitement par cellules souches entraîne une pathologie proliférative clonale. Le problème pourrait venir du milieu de culture ou du processus de culture ; en tout cas, dès qu’il sera éclairci, les travaux ne demanderont qu’à reprendre. Les effets sont tout à fait miraculeux ; le premier symptôme de rétablissement est la disparition de la douleur dans un délai de 24 heures, alors que d’habitude celle-ci ne cède pas au traitement antalgique. C’est un chantier très important, dont l’ASN suit de près les avancées en interrogeant régulièrement l’AFSSAPS.

A l’issue de la réunion, M. Claude Birraux, député, Président de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a donné la parole aux journalistes qui ont posé les questions suivantes :

- l’ASN procède apparemment beaucoup par une démarche d’incitations. Dispose-t-elle d’un arsenal juridique pour exercer le cas échéant une pression plus ferme, voire prendre des sanctions ?

- en évoquant les relations bilatérales entre l’ASN et ses homologues étrangères, le rapport d’activité ne mentionne pas la Chine : est-ce qu’aucun contact n’a eu lieu avec ce pays ? En revanche, les relations avec l’autorité de sûreté britannique sont longuement évoquées. Quel est l’apport du récent accord signé avec celle-ci, y compris dans le cadre de la MDEP (Multinational Design Evaluations Program) ?

- de nombreux ingénieurs et responsables du secteur nucléaire voient arriver avec un certain regret la mise hors service du réacteur Phénix, prévue en 2009, alors que, moyennant quelques aménagements, ce réacteur pourrait continuer à fonctionner et contribuer aux recherches sur la transmutation des actinides. La position de l’ASN est-elle définitive ?

- le besoin de mettre en place une autorité de sûreté est-il suffisamment pris en compte dans les accords de coopération nucléaire passés actuellement ?

- l’ASN contribue, au sein de l’INRA, à rechercher avec d’autres autorités de sûreté une approche harmonisée vis-à-vis de la coopération nucléaire avec les pays émergents. Mais l’INRA ne compte que neuf membres, parmi lesquels la Russie et la Chine ne figurent pas. N’est-ce pas une situation préoccupante, dans la mesure où ces deux pays se positionnent en tant que fournisseurs potentiels d’autres pays dans le domaine nucléaire ?

- le problème du colmatage concerne-t-il les 32 réacteurs de 900 MW? Seuls quatre réacteurs ayant bénéficié d’un étuvage chimique en 2007, combien de temps la résolution du problème prendra-t-elle ? On peut lire dans le rapport que le colmatage progresse de 5 % par an. A partir de quel moment la situation deviendra-t-elle critique ?

- à propos des effets du crash éventuel d’un avion sur une centrale nucléaire, aucune voix « officielle » ne s’est fait entendre, suite à la divulgation récente d’un document confidentiel d’EDF. Comment expliquer cette discrétion ?

- l’ASN confirme-t-elle que les grosses installations nucléaires françaises résisteraient de manière satisfaisante à une telle attaque ? Que signifie, en ce cas : « de manière satisfaisante » ?

- s’agissant de la radioprotection des patients, quel délai l’ASN juge-t-elle nécessaire pour intégrer dans la pratique la mise en œuvre des nouveaux protocoles opérationnels assurant les conditions de sécurité optimale ? Peut-on imaginer qu’un contrôle plus prégnant permette une adaptation plus rapide ?

- le décret réglementant le retraitement des combustibles irradiés en provenance de l’étranger a été récemment publié. L’ASN a émis par le passé des réserves concernant certains contrats de retraitement. Le décret lui donne-t-elle satisfaction ?

M. André-Claude Lacoste et M. Jean-Christophe Niel ont apporté les éléments de réponse suivants :

L’ASN dispose, en vertu de la loi du 13 juin 2006, d’un certain nombre de moyens de coercition plus puissants et plus fondés juridiquement qu’auparavant. De plus, elle peut dresser des procès-verbaux au titre de l’inspection du Travail dans les centrales nucléaires d’EDF. Des procès-verbaux ont déjà été établis, sans qu’on puisse en donner des détails, car l’ASN a pour principe de ne pas communiquer sur une affaire tant qu’elle n’est pas passée en justice. La présence d’un collège prenant des décisions publiques constitue aussi en soi un facteur incitatif, par exemple dans le cas de l’usine APTu de Cadarache : cette fois, les exploitants vont très probablement achever les travaux demandés au plus tard le 1er juillet 2008 ; faute de quoi, l’ASN leur adresserait une mise en demeure ;

L’ASN vient de renouveler un accord de coopération avec son homologue chinois, mais trop récemment pour qu’il ait été possible d’en faire mention dans le rapport d’activité. Les demandes chinoises de coopération sont d’ailleurs très nombreuses, et il n’est pas sûr que l’ASN puisse toutes les satisfaire. Par ailleurs, le MDEP (Multinational Design Evaluation Process) consiste à essayer de partager, entre les autorités de sûreté qui sont parties prenantes, tout ou partie des processus d’évaluation de réacteurs. C’est un processus multilatéral engagé sur de bonnes bases. Mais il n’empêche pas des coopérations plus étroites de se nouer entre certains pays. Les relations de l’ASN avec l’autorité de sûreté britannique sont très régulières, et ont fait justement l’objet d’un récent renforcement, qui conduirait par exemple à une coopération pour surveiller la sûreté, si le Royaume-Uni décidait de construire un réacteur nucléaire ;

Phénix est un réacteur entré en service en 1973. Il ne fonctionne plus que pour une partie de sa capacité. L’ASN a pris, en 2002, la décision de le faire fonctionner pour six cycles. Le sixième cycle doit arriver à échéance en 2009. L’intention, extrêmement claire, de l’ASN est de ne pas prolonger la durée de vie de Phénix. Celui-ci s’arrêtera donc lorsque ce sixième cycle sera achevé. Cette position paraît la seule raisonnable en matière de sûreté. Certes, la solution alternative pour la recherche du recours au réacteur japonais Manju est hypothéquée par l’arrêt actuel de celui-ci, situation extrêmement dommageable. Cependant l’ASN estime ne pas pouvoir déroger à la décision prise. Le CEA, exploitant de Phénix, a indiqué qu’il ne demanderait pas une extension de la durée de vie de Phénix. L’ASN a demandé au CEA de poursuivre les études déjà commencées, de façon à engager aussi tôt que possible le démantèlement de Phénix. De même, le réacteur Osiris sera probablement autorisé à fonctionner pendant quelques années après 2010 ; mais il est hors de question d’affirmer qu’Osiris fonctionnera jusqu’à ce que le relais soit pris par un autre réacteur comparable. L’ASN ne peut pas se lancer dans des considérations de cet ordre ;

Les accords de coopération nucléaire sont par définition, signés entre les pays, au niveau des Etats. Leur libellé est donc extrêmement général et demande à être précisé par la suite. Il s’agira donc, dans un deuxième temps, d’entrer dans le vif du sujet, et l’ASN fera alors valoir ses positions. Le délai d’une quinzaine d’années pour mettre en place, dans de bonnes conditions de sûreté, un premier réacteur nucléaire, tire notamment sa justification de l’expérience des précédents que constituent la Corée du Sud et Taiwan ;

L’INRA, qui est un club réunissant neuf autorités de sûreté, a commencé à réfléchir aux critères d’aide aux pays émergents, lors d’une réunion tenue fin 2007 en Espagne. Cette réflexion s’est poursuivie lors d’une réunion début 2008 à Washington. Une note est en cours d’élaboration sur ce sujet. Voici certains critères qu’il pourrait être proposé d’examiner systématiquement : Le pays est-il prêt à signer les Traités de non-prolifération ? Le pays est-il prêt à signer la Convention de Sûreté nucléaire ? Est-il prêt à participer à la réunion de revue ? Quel est l’état de sa Constitution ? Il est clair que, tôt ou tard, les réflexions au sein de l’INRA devront s’élargir à d’autres pays susceptibles de fabriquer des réacteurs, à l’image de la Russie et de la Chine.

Le colmatage des générateurs de vapeur concerne potentiellement les réacteurs de 900 MW. Les cas les plus urgents ont été traités par EDF. Dans les autres cas, les réacteurs peuvent continuer à fonctionner, moyennant quelques aménagements dans la conduite des opérations : pour ceux-là, un traitement plus étalé dans le temps a été prévu, en fonction de l’ampleur des colmatages à entreprendre.

S’agissant des effets du crash éventuel d’un avion sur une centrale nucléaire, il s’agit d’une question pour laquelle l’ASN se borne à aider le Haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de l’Economie. Comme c’est lui qui est responsable, ce serait éventuellement à lui de s’exprimer publiquement. L’ASN est candidate pour prendre davantage de responsabilités dans le domaine de la sécurité, c'est-à-dire de la résistance aux actes de malveillance ; en particulier, pour ce qui concerne les matières nucléaires, car aucun service de l’Etat ne s’en occupe. L’ASN pourrait aller au-delà et assumer des responsabilités dans le domaine de la résistance physique des installations. Encore faudrait-il que ces responsabilités lui soient délibérément confiées. Le sujet est suffisamment sérieux pour que seules les personnes légitimes pour en parler abordent ces questions. En attendant, l’ASN confirme que les grosses installations nucléaires françaises résisteraient « de manière satisfaisante » au crash éventuel d’un avion. C’est le maximum de précision qui peut être donnée sur ce sujet, eu égard à son caractère critique pour la sécurité.

S’agissant du délai nécessaire pour intégrer dans la pratique la mise en œuvre des nouveaux protocoles opérationnels assurant les conditions de sécurité optimale en matière de radiothérapie, M. André-Claude Lacoste a rappelé que la radiothérapie est aujourd’hui une technique incontournable, mais a souligné ensuite que l’amélioration des conditions d’utilisation prendra du temps, car cela touche à la formation de personnels supplémentaires, à l’amélioration de l’organisation, à la qualité. Il faut compter sur une période difficile de cinq années au moins. Le problème est de déterminer quelle autorité politique prendra la responsabilité de décider que la radiothérapie continuera à fonctionner durant les cinq à dix prochaines années dans les conditions actuelles, avec une insuffisance de personnel et des organisations de qualité non parfaites. Ce n’est sûrement pas l’Autorité de sûreté nucléaire qui doit prendre cette responsabilité ; ce serait plutôt le ministre de la Santé.

Concernant l’apport d’un contrôle plus prégnant en matière de radioprotection, il paraît d’ores et déjà difficile de faire mieux que l’inspection en 2007 de chacun des 180 centres de radiothérapie. Les inspections futures vont se concentrer sur les installations paraissant soulever des problèmes particuliers. En soi, il s’agit déjà là d’un effort considérable, sans équivalent dans un autre pays au monde. L’ASN s’investit donc lourdement dans ce domaine. Cependant, l’ASN ne pourra pas rétablir la situation à elle seule ; notamment, elle ne peut « sortir de sa poche » un doublement des effectifs.

En ce qui concerne les contrats de retraitement des combustibles irradiés en provenance de l’étranger, la préoccupation de l’ASN est de respecter l’esprit de la loi « déchets ». L’ASN a émis des remarques, il y a quelques mois, sur un contrat italien dont les délais d’attente avant et après le retraitement semblaient non techniquement fondés, ces dispositions ne semblant pas conformes à l’esprit de la loi. L’ASN souhaite que les contrats à venir – s’il y en a – soient davantage respectueux de l’esprit de la loi.

Concluant l’audition, M. Claude Birraux, député, Président de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, a rappelé que l’Office parlementaire avait organisé une audition ouverte à la presse sur la radiothérapie. Il a ajouté que l’Office parlementaire se félicitait del’organisation de cette réunion, à l’occasion de la présentation du rapport d’activité de l’Autorité de sûreté nucléaire, qui démontre que l’Autorité a le souci de rendre compte de ses activités devant le Parlement qui l’a créée.