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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi 10 juin 2008

Séance de 11 heures 45

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Claude Birraux, député, Président

– Désignation d’un parlementaire au Conseil
d’administration de l’Agence pour la gestion
des déchets radioactifs (ANDRA).

– Désignation d’un rapporteur

– Demande d’audition publique sur « l’organisation de la communauté scientifique internationale face aux évolutions dans l’Arctique »

– Audition de Mme Catherine Bréchignac, Présidente du CNRS, accompagnée de M. Arnold Migus, Directeur général

— Organisme extra-parlementaire – Désignation d’un membre

L’Office a désigné Mme Geneviève Fioraso, députée, au Conseil d’administration de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA).

— Expérimentation animale – Désignation d’un rapporteur

Puis l’Office a nommé MM. Michel Lejeune et Jean-Louis Touraine, députés, rapporteurs de la saisine du Bureau de l’Assemblée nationale sur « l’évaluation des principes applicables en Europe à l’expérimentation animale et des méthodes alternatives à cette dernière ».

— Recherche scientifique – Arctique – Audition publique

M. Christian Gaudin, sénateur, a expliqué qu’il souhaitait organiser une audition publique le 26 juin 2008 sur les réactions de la communauté scientifique internationale face aux évolutions dans l’Arctique. En effet, l’amplification du changement climatique en Arctique susceptible de faire progressivement disparaître la banquise permanente provoque une ouverture des milieux, favorable à l’exploitation du sous-sol et de nouvelles voies maritimes. De tels enjeux suscitent des tensions aussi bien parmi les pays riverains, membres du Conseil de l’Arctique, que parmi d’autres pays présents dans la zone et observateurs à ce même Conseil. Or, la communauté scientifique est beaucoup moins structurée au Nord qu’au Sud, en Antarctique. Cette situation conduit à s’interroger sur les améliorations qui pourraient être apportées et tout particulièrement à réfléchir à la mise en place d’un observatoire multinational et multidisciplinaire de l’Arctique.

Répondant à M. Claude Birraux, député, président, il a indiqué que la convention de Wellington ne s’appliquait ni à l’Arctique, ni à l’Antarctique, pour laquelle elle avait été remplacée par le protocole de Madrid. Aucun traité international ne régit spécifiquement l’océan Arctique. Seul un conseil intergouvernemental réunit les riverains et des pays observateurs.

L’Office a alors donné son accord à l’organisation de cette audition publique.

— Réforme du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – Audition de Mme Catherine Bréchignac, présidente du CNRS, et de M. Arnold Migus, directeur général

L’Office a, alors, procédé à l’audition de Mme Catherine Bréchignac, présidente du CNRS, et de M. Arnold Migus, directeur général.

M. Claude Birraux, député, président, a rappelé le rôle central du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) dans la recherche française, dans un contexte de réforme et la préparation du plan stratégique de l’organisme à l’horizon 2020.

M. Arnold Migus, directeur général, a présenté les évolutions en cours au CNRS. L’organisme doit assurer une recherche fondamentale de haut niveau en se fondant sur l’interaction et la transversalité des disciplines, sur son excellence au plan national et international et sur l’adaptation de son organisation dans le cadre de la mise en œuvre de la loi LRU.

Cette évolution se réalise dans un contexte où de nouvelles agences ont été créées pour rendre plus indépendantes trois fonctions clé : le financement, les opérations de recherche et l’évaluation. Ce contexte conduit aussi à une concertation renforcée entre les organismes de recherche. Si le CNRS est le plus souvent le seul organisme compétent, ce n’est pas le cas dans les domaines des sciences du vivant et de l’informatique où il partage ses missions respectivement avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l’Institut scientifique de recherche agronomique (INRA), le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et l’Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique (INRIA).

La nouvelle organisation du CNRS doit donc lui permettre de faire face aux grands enjeux scientifiques à long terme en clarifiant ses deux missions complémentaires d’agence de moyens et d’opérateur, tout en garantissant l’excellence, en répondant aux priorités sociétales et en intensifiant l’interdisciplinarité. Toutes les disciplines et tous les personnels présents aujourd’hui au sein du CNRS y demeureront. De même, les valeurs qui ont fait la réputation du CNRS doivent perdurer : l’élitisme du recrutement, la liberté et l’autonomie au service de la créativité du chercheur, la prise de risque en matière de recherche, la conjugaison entre compétition et collaboration pour mener à bien un projet scientifique, l’ouverture aux disciplines nouvelles et la mise en œuvre de l’interdisciplinarité sur le terrain.

La nouvelle organisation du CNRS devra ainsi répondre à trois défis : assurer l’interdisciplinarité en s’appuyant sur des disciplines fortes, s’adapter au nouvel environnement de la recherche en France et optimiser l’usage des ressources humaines et financières. De ce fait, la nouvelle organisation maximisera la fonction d’intégration et reflètera les priorités stratégiques en s’adaptant aux pratiques de la recherche au niveau mondial (réseaux de chercheurs, lisibilité internationale, renforcement de la fonction de gestion des ressources humaines), en prenant en compte les mutations au niveau national (politique de partenariat clarifiée, accroissement du rôle d’agence de moyens envers les universités, transparence envers les tutelles) et en gagnant en productivité et réactivité (responsabilisation des instituts nationaux, sélectivité accrue, modernisation de la gestion).

Cette nouvelle architecture sera finalisée dans le contrat d’objectifs avec l’État. Autour de la direction nationale seront constitués trois pôles, se subdivisant en six thèmes transversaux et neuf champs disciplinaires. La direction du CNRS aura la mission d’élaborer les choix stratégiques de manière collégiale. Dans les champs disciplinaires où le CNRS aurait la légitimité à être le coordonnateur national, les départements scientifiques pourront être transformés en instituts nationaux. Ils auront la mission de structurer leur communauté scientifique autour d’une vision globale et d’assurer la double vocation d’opérateur et d’agence de moyens. Au final, la direction du CNRS se structurerait en trois grands pôles pour assumer sa fonction d’intégrateur scientifique :

- Pôle 1 : Les hommes dans le « système terre » (environnement, sciences de la vie, développement durable, crises et sociétés) ;

- Pôle 2 : Maîtrise de la matière (matériaux, nanosciences, convergence nano-bio, STIC – sciences et technologies de l’information et de la communication – et énergie) ;

- Pôle 3 : La société en réseau (cognition et cerveau, communication, STIC, calcul de haute performance, traitement des très grandes bases de données).

L’un des enjeux de cette nouvelle organisation sera d’organiser et de valoriser l’interdisciplinarité sur le terrain. M. Arnold Migus a notamment indiqué la possibilité pour un laboratoire d’être rattaché à plusieurs instituts, un seul étant mandaté pour la gestion, et de créer des « hôtels à projets » interdisciplinaires sur les campus propres du CNRS.

En revanche, restera inchangée l’évaluation des chercheurs par les 40 sections du Comité national.

M. Claude Birraux, député, président, s’est alors interrogé sur la coordination avec l’INSERM dans le domaine des sciences de la vie, évoquant l’exemple du refus d’une équipe du CNRS à participer à une collaboration sur la thématique de la vision, sur la gestion des grands équipements et sur le caractère effectivement multidisciplinaire de l’évaluation si l’examen par spécialité demeurait au sein du Comité national.

Puis, reprenant les questions préparées par M. Jean-Claude Etienne, sénateur, excusé, il a demandé quelles améliorations seraient apportées à la dimension européenne de la recherche.

Mme Catherine Bréchignac et M. Arnold Migus ont alors apporté les précisions suivantes :

- les grands équipements resteront gérés par les instituts nationaux, les trois pôles de la direction générale devant assurer la coordination ;

- la création des instituts nationaux accroîtra la lisibilité européenne. En outre, le CNRS a été le premier organisme à dédier des ingénieurs aux projets européens, ce qui lui a permis d’être le premier bénéficiaire du Programme cadre de recherche et développement (PCRD) ;

- l’évaluation est réalisée en partenariat avec l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) et selon le même calendrier. Le Comité national donne des avis sur les évaluations des équipes par l’Agence mais a surtout pour mission d’évaluer les chercheurs. Les derniers résultats d’évaluation montrent que le caractère multidisciplinaire d’un chercheur n’est pas un handicap à sa promotion ;

- 500 chercheurs du CNRS sont affectés à l’INSERM et 300 chercheurs de l’INSERM au CNRS. Il y a donc une forte imbrication entre les deux organismes à l’échelon des laboratoires, et cela même si les centres de gravité sont différents : le CNRS est plus tourné vers la science fondamentale, ce que montre le nombre deux fois plus élevé de publications dans les revues Nature et Science. La politique nationale doit donc être coordonnée.

Mme Catherine Bréchignac a ensuite abordé la procédure interne que devait suivre le projet de réforme de l’organisation du CNRS, notamment les consultations du Conseil scientifique et du Conseil d’administration. Elle a, par ailleurs, rappelé que la création d’un nouvel institut relevait des compétences du Conseil d’administration après avis du Conseil scientifique, aucune décision ne pouvant être prise sans l’aval du représentant de l’État. De même, le directeur d’un institut est nommé par le ministre sur proposition du CNRS. Enfin, le budget du CNRS est unique et ensuite réparti entre ses organes.

Répondant à M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président, la présidente du CNRS a indiqué qu’il revenait à l’État d’avoir une stratégie en matière de recherche et que son organisme entretenait de bonnes relations avec le Haut conseil pour la science et la technologie qui participe à cette mission. Elle a également relevé que les instances démocratiques telles que l’OPECST avaient toute leur place pour exprimer les demandes de la société, proposer des choix et amener les grands organismes à rendre compte de leur activité.

M. Claude Saunier, sénateur, se félicitant de l’implication du CNRS dans les PCRD, s’est demandé si cela était suffisant alors que la recherche est mondialisée et que de grands pôles se développent en Amérique du Nord ou en Asie.

Mme Catherine Bréchignac a indiqué que le CNRS devait créer des réseaux ou s’impliquer dans ceux qui existent au niveau mondial. L’Europe dispose essentiellement de trois outils : les bourses de mobilité des jeunes chercheurs, le PCRD pour assurer l’homogénéisation du niveau de la recherche en Europe et le Conseil européen de la recherche pour soutenir l’excellence. Mais le budget européen de la recherche ne représente que 5 % du budget de la recherche de l’ensemble de l’Europe, l’essentiel étant à la disposition des États membres. A travers les réseaux de l’Aire de recherche européenne (ERA-Net), il faut donc travailler de manière accrue avec les grands pays de recherche et créer des noyaux susceptibles ensuite de collaborer avec des centres non européens.

M. Arnold Migus a rappelé que l’« européanisation » de la recherche se construisait d’abord avec les personnes, le CNRS recrutant 25 % de chercheurs étrangers et réalisant 53 % de ses publications en collaboration internationale. En outre, depuis le Livre vert européen, les organismes et les universités ont été replacés au centre de la politique européenne de recherche.

M. Christian Gaudin, sénateur, soulignant les bouleversements amenés par la loi recherche et la loi LRU, a souhaité savoir quels étaient les protocoles entre le CNRS et l’AERES et l’avancement du projet d’un Institut européen des technologies notamment en ce qui concerne les nanotechnologies.

Mme Catherine Bréchignac a estimé que l’action de l’AERES était utile pour évaluer les équipes CNRS dans le contexte plus large d’une université et parce qu’une équipe n’était pas seulement une somme d’individualités mais avait une dynamique propre.

En matière de nanotechnologies, le CNRS travaille sur une structuration en deux pôles : Grenoble et Saclay, ce dernier devant avoir la place principale. Au niveau européen, les hésitations entre un site localisé et un site virtuel n’ont pas permis une décision, mais la présidente du CNRS a exprimé sa préférence pour un réseau des grands pôles technologiques des pays européens.

Mme Geneviève Fioraso, députée, a relevé la complémentarité des sites de Grenoble et Saclay. Elle s’est interrogée sur la collaboration entre le CNRS et l’INRIA dans le domaine des STIC, sur l’internationalisation de l’évaluation des chercheurs, l’insuffisance de la valorisation de la recherche notamment en partenariat avec les PME-PMI. Elle a enfin regretté l’insuffisance du dialogue avec les collectivités territoriales.

Mme Catherine Bréchignac a rappelé que la majorité de la recherche en informatique se faisait au sein des universités et qu’un comité de réflexion avait été créé pour développer une politique commune tripartite. En matière d’évaluation, elle a pleinement approuvé l’internationalisation mais a déploré qu’il ne soit pas possible d’évaluer en anglais en France alors que cela se fait par exemple au Japon.

En matière de valorisation, M. Arnold Migus a expliqué que les chercheurs qui publiaient le plus étaient aussi souvent ceux qui déposaient le plus de brevets. Se félicitant de l’adoption du protocole de Londres qui permet d’importantes économies et à laquelle l’Office a fortement contribué, il a appelé de ses vœux un prochain rapprochement de la législation avec le dispositif juridique américain où un « délai de grâce » d’un an permet de publier puis de breveter. Il prévoit une forte augmentation du nombre des brevets déposés par le CNRS.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, s’est demandé si la création d’instituts nationaux ne marquerait pas un retour en arrière dans la relation avec les universités, a souhaité des éclaircissements sur l’achat d’un supercalculateur par le CNRS et a, à son tour, regretté la faiblesse des liens avec les collectivités locales et l’inadaptation de sa représentation régionale, conduisant à sa quasi-absence lors de la préparation des contrats État-région.

Mme Catherine Bréchignac a expliqué que, comme l’avait montré la création de l’IN2P3, les instituts nationaux étaient, au contraire, une manière efficace de développer une coopération plus cohérente avec les universités. Au sujet de l’achat d’un supercalculateur par le CNRS sur ses ressources propres, pour la somme de 25 millions d’euros, elle a indiqué que l’objectif était de pallier la faiblesse dramatique de la France en la matière, que cet équipement était à la disposition gratuite de toute la communauté scientifique nationale mais que son achat de gré à gré empêchait qu’il soit contractuellement mis à la disposition d’entreprises.

Au niveau régional, tout en rappelant que les présidents d’université et les délégués régionaux du CNRS avaient des missions non comparables, elle a estimé qu’il était souhaitable de renforcer le lien entre la direction nationale et les régions soit par la nomination de chargés de mission soit par la dévolution de cette mission aux futurs directeurs des instituts nationaux.

Enfin, le lien avec les PME-PMI va être renforcé en confectionnant à leur intention un catalogue de l’offre de recherche du CNRS.

M. Claude Birraux, député, président, rappelant l’exemple de blocage INSERM-CNRS déjà évoqué, a demandé quelle était l’appréciation qu’on pouvait porter sur l’application des nouvelles règles de gouvernances des universités.

Mme Catherine Bréchignac a fait part de sa volonté de continuer à assurer le bon fonctionnement des unités mixtes de recherche, tandis que M. Arnold Migus a souligné qu’aucun obstacle administratif ne s’opposait à une collaboration plus poussée entre l’INSERM et le CNRS.