Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mercredi  30 septembre 2009

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Claude Birraux, député, Président

– Consultation des membres du conseil scientifique de l’OPECST sur la stratégie nationale de recherche et d’innovation

Stratégie nationale de recherche et d’innovation
Consultation du Conseil scientifique

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a souligné l’honneur qui était fait à l’OPECST d’être consulté par la Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche sur le projet de stratégie nationale de recherche et d’innovation, à l’instar de l’Institut de France et de l’Académie des technologies. Il a indiqué que la qualité reconnue de l’étude de mars 2009 sur la stratégie de recherche en énergie y était sans doute pour quelque chose.

Après avoir rappelé le processus d’élaboration de ce projet de stratégie, et en avoir présenté les grandes lignes, il a signalé que l’élaboration d’une stratégie nationale de recherche répondait à un fort besoin de mise en cohérence des réponses des structures de la recherche aux sollicitations de la société. A l’inverse de la stratégie de recherche en énergie, le projet soumis bénéficie d’un fort soutien gouvernemental. Sa forme est synthétique et opérationnelle. Il comporte enfin de vrais choix stratégiques d’intérêt national, en renvoyant notamment à la coopération européenne des domaines comme l’espace. Le ciblage des priorités préserve néanmoins une logique de cohérence par grappe, permettant de laisser jouer les synergies entre des domaines de recherche étroitement liés.

S’agissant du fond, il s’est félicité de la pertinence des choix retenus, qui respectent le cadre de coordination européen, marquent le souci d’un soutien fort de la société, et font une place justifiée aux sciences sociales. Il a observé aussi qu’ils traduisent une certaine audace, en proposant un pari volontariste sur la recherche fondamentale, en dépassant les vues des organismes de recherche pour demeurer dans une perspective d’intérêt national, et en faisant une place à des domaines futuristes comme les énergies marines ou les plastiques photovoltaïques. Il a apprécié que le calcul intensif et la prévention des risques toxiques figurent au nombre des priorités de la gestion de l’urgence écologique.

En conclusion, il a souhaité que l’adoption de la stratégie entraîne une mise en cohérence des structures administratives du ministère de la recherche, ainsi que des missions budgétaires qui la financent dans le cadre de la LOLF.

Mme Annie Sugier, directrice à la protection de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, a souligné la qualité de ce document et notamment l’important travail de synthèse effectué sur des thématiques essentielles. Se félicitant du lien fait entre la science et la société, ainsi qu’avec les sciences humaines et sociales, elle a estimé que la forme du rapport pourrait néanmoins être quelque peu améliorée, notamment dans le choix et la présentation des exemples, afin de ne pas donner l’impression que l’on se dirige vers une société robotisée.

M. Hervé Chneiweiss, directeur de recherche, directeur du groupe de neuro-oncologie moléculaire et clinique, professeur au Collège de France, s’est félicité que les sciences de la vie constituent une des trois priorités retenues. La question essentielle des moyens mis au service de la recherche, tant en termes de confiance et donc de liberté accordées aux équipes, que de financement et d’allocation des crédits, n’est cependant pas suffisamment évoquée. Or, la recherche est coûteuse et nécessite la mise en place rapide de plateaux techniques. A cet égard, les équipes françaises sont loin de disposer des moyens mis en oeuvre par des pays comme les Etats-Unis ou le Japon.

Mme Claudie Haigneré, ancien ministre, présidente de la Cité des sciences et de l’industrie, membre de l’Académie des Technologies, a rendu hommage à l’ampleur du travail accompli. L’innovation et la recherche fondamentale doivent faire l’objet d’une véritable adhésion de la part de la société toute entière, afin d’instaurer un lien de confiance entre la science et la société. Cela implique de développer la culture scientifique et technique, la diffusion de l’information, l’appropriation par le citoyen, ainsi que la démocratie participative. Ces questions sont néanmoins insuffisamment abordées dans le rapport. Or, elles devraient être une des priorités de la stratégie de recherche, laquelle ne pourra atteindre les objectifs ambitieux qu’elle s’est fixée qu’à la condition de les faire partager, au-delà de la communauté scientifique et économique, par la communauté citoyenne en général.

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a indiqué à cet égard que, dans le cadre des études qui sont confiées aux rapporteurs de l’OPECST, le comité de pilotage mis en place inclurait dorénavant un philosophe ou un sociologue, afin de mieux gérer l’interface entre la société et la communauté scientifique

M. Laurent Gouzenes, directeur du Plan et des Programmes d’études auprès de Microelectronics SA, s’est déclaré inquiet de l’absence d’indications quant aux moyens de la recherche et quant aux besoins industriels, économiques et sociaux, lacune qui ne permet pas, à la différence d’autres pays, de définir une stratégie optimale de recherche.

M. Etienne Klein, directeur des sciences de la matière au CEA, a rappelé qu’il avait participé à un groupe de travail lors de la préparation du rapport, mais que la synthèse des travaux avait été du ressort du Gouvernement. Il a souligné que les groupes de travail avaient sollicité le concours des sciences sociales sans toutefois parvenir à en préciser l’apport souhaité. Il s’est enfin demandé comment réagiront les scientifiques dont les secteurs n’ont pas été cités dans le rapport.

M. Claude Birraux, député, président, a indiqué qu’il faudrait se référer au rapport sur la stratégie nationale de l’énergie, dans certains cas.

M. Joël de Rosnay, conseiller à la Cité des sciences et de l’industrie, a souligné la nécessité, en vue d’accroître l’efficacité de la recherche, de développer la veille scientifique et un travail pluridisciplinaire. Il faut de même former les scientifiques à la communication pour qu’ils expliquent leurs résultats et suscitent des vocations chez les jeunes.

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a néanmoins observé que le document final marquait une très nette volonté de développer une vision transversale alors qu’au cours du processus de préparation chaque discipline avait eu tendance à faire ses propres propositions.

M. Jean Jouzel, directeur de recherche au CEA, a indiqué qu’en tant que membre du comité de pilotage, il avait participé à la rédaction finale menée par le ministère de la recherche. Au cours de ce processus, le comité de pilotage a notamment insisté pour que les sciences humaines et sociales ne fassent pas l’objet d’un chapitre séparé mais soient incluses, autant que possible, dans l’ensemble des domaines de la stratégie nationale de recherche et d’innovation.

M. Jean-Claude Lefeuvre, président de l’Institut français de la biodiversité a souligné la difficulté de développer une recherche interdisciplinaire, puis insisté sur la nécessité d’offrir des perspectives d’avenir aux jeunes chercheurs. Il s’est ensuite félicité de la « percée » de la thématique écologique dans la stratégie nationale de recherche et d’innovation (climat-écosystème/écotoxicologie) tout en relevant le besoin de l’inscrire dans le long terme, dans ses objectifs comme dans ses financements.

M. Jean-Claude Etienne, sénateur, premier vice-président de l’OPECST, a relevé que les nanotechnologies ne pouvaient être un axe séparé de recherche car elles s’insérent au contraire dans toutes les autres thématiques retenues par le document.

M. Jean-Pierre Finance, président de l’université Henri Poincaré à Nancy, a regretté, d’une part, que la stratégie nationale de recherche et d’innovation ait laissé de côté le problème de la maîtrise conceptuelle du progrès exponentiel des connaissances aussi bien pour les scientifiques que pour les citoyens et, d’autre part, que cette stratégie n’ait pas été construite en la confrontant à notre capacité à la mettre en œuvre. Cette réflexion interactive devrait être entreprise très rapidement à la fois au niveau national mais également dans une dimension fractale : locale, thématique, organisationnelle ou chronologique.

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a rappelé l’intention de la Ministre de la recherche de consulter les régions sur la stratégie de recherche et d’innovation. Il a par ailleurs regretté que, du fait de leur modestie et de leur réserve, les scientifiques ne soient pas en mesure d’amener les média à s’intéresser à d’autres sujets que ceux suscitant la peur.

M. Michel Caboche, directeur de la recherche à l’INRA, a souligné que le système de recherche français serait plus attractif si l’on portait une attention plus grande à la reconnaissance et au financement des jeunes chercheurs.

La création de campus où il fait bon vivre serait utile. De même, il faudrait ouvrir des écoles doctorales plurilingues ayant une dimension internationale.

Il a par ailleurs regretté que la crise alimentaire ne soit pas abordée explicitement dans le rapport, et a souligné la capacité de certains pays, tels que le Mexique et l’Égypte, à exercer des cultures transgéniques alors qu’en France le moratoire sur les OGM met en suspens l’usage de ces biotechnologies dans les cultures agricoles.

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a rappelé que l’Office avait organisé une conférence citoyenne en 1998 sur les OGM. Il s’est ensuite interrogé sur la vision manichéenne que certains ont des cultures transgéniques.

M. Jean-Pierre Brard, député, a souligné le rôle de l’autoproduction des familles dans les pays en développement, ce qui leur permet de s’alimenter et de développer leur agriculture. Puis il a exposé les conditions dans lesquelles les collectivités locales françaises ont contribué à nouer une coopération multilatérale au Mali en matière agricole, grâce à l’aide du Vietnam.

Il a souligné, à travers ce projet, l’intérêt de favoriser le transfert de savoirs et de savoir-faire pour reconquérir des plateaux en situation d’abandon et de sécheresse. La reconnaissance et la confiance accordées aux Maliens par les techniciens vietnamiens ont participé à la réussite du transfert de compétences. La fonction écologique des techniques agricoles des Maliens a favorisé le maintien de l’humidité et de l’eau dans les sous-sols garantissant ainsi la reconquête de l’équilibre écologique.

Il a salué le partage d’expériences et la reconnaissance du travail de chacun qui redonnent confiance aux peuples. Il a observé également les répercussions sociales et sanitaires du projet.

Mme Annie Sugier, directrice à la protection à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, a constaté que la stratégie présente la croissance démographique mondiale comme un déterminant inéluctable du futur, et a regretté de ne pas y voir mentionnée la recherche de moyens simples et peu coûteux de maîtrise des naissances.

M. Hervé Chneiweiss, directeur de recherche, directeur du groupe de neuro-oncologie moléculaire et clinique, professeur au Collège de France, a signalé que toutes les prévisions en la matière intègrent déjà l’effet de freinage des politiques démographiques, dont les deux seuls vrais paramètres, partout dans le monde, sont le niveau de vie et le niveau d’éducation. La Chine a constaté le faible impact d’un contrôle drastique des naissances, qui a seulement accéléré le vieillissement de sa population.

M. Jean-Pierre Brard, député, a insisté lui aussi sur le rôle modérateur joué par le niveau d’éducation des femmes, les assistantes sociales apportant à cet égard, en France, une contribution très efficace dans les milieux de l’immigration.

M. Michel Petit, président de la section scientifique et technique au Conseil général des technologies de l’information, membre de l’Académie des sciences, s’est félicité de la concision et de la clarté du rapport et est revenu sur la question de la transversalité pour souligner qu’elle était mal mise en valeur par le regroupement des nouvelles technologies de l’information autour d’un troisième axe des priorités de la stratégie. Or, elles contribuent au développement des autres priorités évoquées, du fait des économies d’émission de gaz à effet de serre que peut entraîner le télétravail et des économies d’énergie qu’elles permettent dans la distribution de l’électricité ou la gestion de la chaîne logistique des transports.

M. Joël de Rosnay, conseiller à la Cité des sciences et de l’industrie, a observé qu’un encadré du rapport décrit les fonctions du système de recherche comme s’il s’organisait d’après un modèle unique, alors qu’il présente des caractéristiques bien différentes, notamment en matière de protection de la propriété intellectuelle, selon qu’elle concerne les universités, les écoles d’ingénieurs ou les entreprises. Dans les entreprises, par exemple, la protection de la propriété intellectuelle est souvent intimement liée à l’activité de recherche elle-même comme l’illustre le cas des « start up ». Certaines entreprises adoptent, par ailleurs, des modèles de recherche très ouverts, à l’image du cinquième de temps d’investigations libres qu’accorde Google à ses employés (« blue shy »).

Il a enfin regretté l’absence, dans la stratégie, de la problématique du partage des connaissances, alors que le système de recherche français est défaillant à cet égard. Il a pris l’exemple des campus américains pour montrer la richesse créative liée à la coexistence, dans un même lieu, d’étudiants spécialisés dans les sciences physiques, les sciences sociales ou les activités artistiques.

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a constaté que les instruments qui sont mis en place, notamment les documents destinés à être diffusés, sont parfois conçus comme un échelon administratif supplémentaire, alors qu’ils devraient agir comme une force commune mise au service de l’ensemble des membres pour apporter plus de visibilité, de lisibilité et de facilité.

M. Laurent Gouzenes, directeur du Plan et des Programmes d’études auprès de Microelectronics SA, a fait remarquer, au sujet de la question de l’interdisciplinarité et de la recherche intégrative, que le document part des domaines scientifiques et les descend verticalement comme s’il y avait une relation directe entre la science et la technologie, alors qu’il y a en fait un ensemble de croisements entre les connaissances avant de parvenir au stade de l’innovation. Il paraît important d’insister davantage sur la manière dont la science se traduit dans notre monde quotidien et de prendre en compte cette dimension de recherche applicative.

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a remercié, au nom de l’OPECST, l’ensemble des participants pour leur contribution aux débats.