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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi  8 décembre 2009

Séance de 17 h

Compte rendu n° 7

Présidence de M. Claude Birraux, député, Président

– Examen du rapport sur « les principes applicables en Europe à l’expérimentation animale et les méthodes alternatives à celle-ci »

Examen du rapport sur

« les principes applicables en Europe à l’expérimentation animale et les méthodes alternatives à celle-ci »

M. Claude Birraux, député, Président, a rappelé que l’Office a été saisi, le 26 mai 2008, d’une étude sur les principes applicables en Europe à l’expérimentation animale et les méthodes alternatives à celle-ci, et que MM. Michel Lejeune et Jean-Louis Touraine, députés, désignés rapporteurs le 10 juin 2008, ont présenté leur étude de faisabilité le 18 novembre 2008, quelques jours après la publication de la proposition de révision de la directive de 1986 qui définit les règles applicables à l’expérimentation animale dans l’Union européenne.

M. Michel Lejeune, député, rapporteur, a tout d’abord rappelé que la directive de 1986 décline dans ses dispositions la règle des 3R, définie par deux scientifiques britanniques en 1959, et qui repose sur 3 principes : le remplacement des expériences sur les animaux par des méthodes de substitution lorsqu’elles existent, la réduction du nombre d’animaux utilisés, et le « raffinement » ou perfectionnement visant à limiter la douleur subie par l’animal et assurer le confort de l’animal.

Ces principes, largement reconnus au plan international, sont diversement interprétés. Si, pour certains, les 3R doivent s’appliquer au niveau global, pour d’autres l’application des 3R doit être assurée au niveau de chaque protocole.

M. Michel Lejeune, député, rapporteur, a ensuite indiqué que plusieurs évolutions se sont produites au cours de l’étude, au niveau européen et au plan national.

Le 5 novembre 2008, la Commission européenne a en effet publié une proposition de révision de la directive de 1986, révision qui avait été annoncée dès 2001 et souhaitée par le Parlement européen. Celui-ci a, en mai 2009, adopté en première lecture divers amendements tendant à assouplir les règles générales encadrant l’expérimentation animale. Depuis le renouvellement du Parlement européen, des négociations sont en cours pour parvenir à un compromis, la Présidence suédoise souhaitant aboutir à un accord avant la fin de cette année.

L’adoption de la directive de 1986 a marqué un progrès et la révision de la directive de 1986 est attendue pour parvenir à une meilleure harmonisation, prendre en compte l’évolution des connaissances et les progrès technologiques, favoriser l’attractivité scientifique de l’Europe et la mobilité des chercheurs en son sein, améliorer l’image de l’expérimentation animale auprès du public européen de plus en plus soucieux du « bien-être animal ». Cependant, plusieurs dispositions proposées par la Commission européenne ont suscité de fortes inquiétudes dans la communauté scientifique et le monde industriel, particulièrement les entreprises pharmaceutiques.

Au niveau national, à la suite des rencontres « Animal et société », organisées à l’initiative du Président de la République, et du Grenelle de l’environnement, mais aussi dans la perspective de l’adoption de la nouvelle directive déposée sous Présidence française, plusieurs initiatives ont été prises : un groupement d’intérêt scientifique pour le développement des méthodes alternatives a été créé et chargé d’établir un état des lieux de ces méthodes ; le comité national de réflexion éthique en expérimentation animale, créé en 2005, a publié une charte de l’expérimentation animale ; une expertise collective sur la douleur de l’animal a été demandée par les pouvoirs publics ; une étude a été engagée sur l’enseignement et l’expérimentation animale.

L’utilité de l’expérimentation animale est très largement reconnue, tant dans le domaine de la recherche biomédicale que pour assurer la sécurité des produits mis sur le marché. Peu d’associations de protection des animaux contestent par principe les expériences. Le monde associatif reste par ailleurs divisé quant à la nécessité d’assurer une protection particulière à certaines espèces. En revanche, deux revendications fortes émergent : limiter le plus possible les dommages causés aux animaux et développer des méthodes de substitution.

M. Jean-Louis Touraine, député, rapporteur, a souligné la nécessité de parvenir à des solutions équilibrées.

Le niveau d’exigences défini en Europe génère des coûts et est susceptible d’allonger les délais ; les restrictions édictées à l’encontre de certaines recherches réduisent d’autant les activités de recherche et les activités industrielles. Les standards n’étant pas harmonisés au niveau international, le risque d’une délocalisation de ces activités existe. Un équilibre doit donc être recherché entre l’UE et les autres régions du monde.

Un équilibre entre les différentes exigences des citoyens doit également être recherché : exigence en matière de santé et de sécurité des produits, qui mobilise le potentiel de recherche biomédicale européen et les agences sanitaires, d’une part, et exigence en matière de bien-être animal, d’autre part.

Une mise en œuvre progressive est également nécessaire pour la mise aux normes des installations qui améliorera les conditions de travail des chercheurs et des personnels, pour le développement de méthodes alternatives, qui ne peuvent être introduites à marche forcée, pour la définition de stratégies d’élevage prenant en compte les préoccupations du public et les besoins d’approvisionnement, et pour parvenir à une meilleure valorisation des données issues des expériences menées sur les animaux.

M. Michel Lejeune, député, rapporteur, a indiqué qu’environ 12,1 millions d’animaux étaient utilisés à des fins scientifiques ou expérimentales en Europe, dont 77,5% sont des rongeurs.

Les statistiques actuelles, qui ne sont pas assorties de commentaires explicatifs, ni étayées d’analyses rétrospectives ou prospectives ne sont guère harmonisées en Europe. Par ailleurs, on ne dispose pas de statistiques officielles harmonisées au niveau international.

Cependant, les pouvoirs publics se montrent vigilants quant à l’évolution du nombre d’animaux utilisés, pour plusieurs raisons. D’une part, l’utilisation d’animaux à des fins expérimentales est coûteuse ; elle exige des installations adaptées et un personnel qualifié. D’autre part, les associations de protection des animaux voient dans l’évolution du nombre d’animaux utilisés un critère d’effectivité des politiques publiques mises en œuvre pour réguler l’expérimentation animale.

C’est pourquoi, au niveau européen, dans le cadre des différentes réglementations adoptées, et au niveau national, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement, le développement de méthodes de substitution est prôné. Ce développement est d’autant plus nécessaire, que plusieurs indices laissent présager une augmentation du nombre d’animaux utilisés.

L’utilisation de modèles transgéniques, la mise en œuvre du règlement REACH, en dépit des mécanismes mis en place visant à favoriser le partage de données et limiter le nombre d’essais, les demandes exprimées par la société pour trouver de nouveaux traitements ou pour assurer une meilleure sécurité des produits, avec de nouveaux tests sur les perturbations endocriniennes ou la toxicité reproductive, constituent les principaux facteurs de cette augmentation.

A ceux-ci, paradoxalement, s’ajoutent les modifications introduites par la proposition initiale de révision de la directive étendant le champ de la réglementation à certains invertébrés et certaines formes larvaires ou embryonnaires, lesquelles, de surcroît, sont souvent utilisées comme modèles alternatifs.

Face à cette situation, peu d’avancées ont été proposées par la Commission européenne dans sa proposition de révision; la seule innovation a consisté à prévoir la création dans chaque Etat membre d’un laboratoire de référence, tel qu’il en existe en Allemagne (ZEBET). Cette disposition a été critiquée, notamment en Suède et au Royaume-Uni. Le Parlement européen a, quant à lui, préféré élargir le rôle du CEVAM (centre européen de validation des méthodes alternatives), en dépit des réserves émises à l’encontre de son fonctionnement actuel.

A ce jour, peu de méthodes de substitution ont été validées. Dans le domaine des produits chimiques, y compris les cosmétiques, seule une quinzaine de méthodes a été validée par l’OCDE ; elles concernent cinq types de tests de toxicité : mutagénèse, corrosion cutanée, absorption cutanée, photoxicité et irritation cutanée.

Plusieurs obstacles ont pu être identifiés, tels que l’absence de réelle stratégie coordonnée de remplacement au niveau européen, liée en partie à la faible mobilisation des Etats, la lourdeur des procédures de validation au niveau international qui est pourtant nécessaire pour assurer la reconnaissance mutuelle des tests, et la faible mobilisation des acteurs académiques et industriels. S’agissant des financements, dans le cadre des PCRD, 150 millions d’euros ont été alloués au développement de méthodes alternatives depuis 20 ans, mais les résultats se font encore attendre ; en juillet dernier un partenariat a été conclu entre la Commission et l’industrie cosmétique (la COLIPA), d’un montant de 100 millions d’euros sur 5 ans, afin de développer de nouvelles méthodes de substitution, notamment dans le domaine de la toxicité systémique, afin de préparer l’échéance de 2013 prévue par la « directive cosmétiques » qui interdit l’utilisation d’animaux pour tester les produits cosmétiques mis sur le marché européen.

M. Jean-Louis Touraine, député, rapporteur, a observé que le faible nombre de méthodes de substitution validées aujourd’hui ne devait cependant pas occulter les progrès réalisés en matière d’optimisation des protocoles, laquelle s’inscrit dans une logique de réduction.

Si depuis 1986, le nombre d’animaux utilisés a fortement diminué jusqu’à ces dernières années, cela résulte de l’utilisation de diverses technologies qui, sans remplacer l’animal, ont réduit le nombre d’animaux utilisés dans chaque procédure : les technologies in vitro, l’imagerie, le criblage haut débit, la modélisation mathématique.

Ces nouvelles technologies se sont généralisées dans la recherche académique, comme dans la recherche privée. Les efforts se poursuivent dans ce domaine, de façon spontanée. Mais l’utilisation de modèles animaux reste encore aujourd’hui une nécessité.

En matière de tests, des progrès ont également été réalisés, pour réduire le nombre d’animaux utilisés et réduire les contraintes qui leur sont imposées, tant dans le domaine des médicaments, et notamment des vaccins, que dans celui des produits chimiques. En France, plusieurs acteurs publics de la recherche, notamment l’ANR, le CNRS et l’INERIS, ont également mené une réflexion sur les besoins d’accompagnement par la recherche de la mise en œuvre de REACH, qui dessine plusieurs axes de recherche, tant en toxicologie que dans le domaine de la modélisation reposant sur une exploitation des données disponibles.

M. Jean-Louis Touraine, député, rapporteur, a regretté que ces évolutions soient peu connues du grand public et estimé souhaitable un changement du discours sur ces sujets : il faut cesser de dire que le nombre d’animaux va diminuer ; il faut cesser d’opposer les techniques in vitro et in vivo, alors que ces dernières reposent largement sur l’animal et que ces technologies sont complémentaires ; il faut cesser de laisser accroire que l’on peut décréter le développement de méthodes de substitution ; mais il faut étudier les perspectives offertes par ces techniques secteur par secteur (recherche fondamentale, chimie, pharmacie, alimentation) et test par test.

Le développement de méthodes de substitution prendra du temps. Aussi doit-on tenter de valoriser le mieux possible les données issues des expériences sur les animaux, en organisant des échanges de données.

Si l’échange de données et la publication des résultats négatifs se heurtent à des difficultés réelles, liées à la protection de la propriété industrielle et à la politique des éditeurs de publications scientifiques, des progrès sont nécessaires.

M. Michel Lejeune, député, rapporteur, a observé qu’à côté de la réduction du nombre d’animaux utilisés dans les procédures et du remplacement de l’utilisation des animaux par les méthodes de substitution disponibles, le principe de raffinement vise à réduire les dommages causés à l’animal.

Sur le plan réglementaire, ce principe, qui répond à des objectifs éthiques et scientifiques, la contrainte s’exerçant sur l’animal pouvant fausser les résultats, trouve sa traduction dans deux types de dispositions : celles définissant les conditions d’hébergement des animaux de laboratoires, et celles, essentielles, relatives aux soins délivrés aux animaux.

En matière d’hébergement, la directive de 1986 fait référence aux recommandations fixées par le Conseil de l’Europe qui ont fait l’objet d’une actualisation en 2006, avalisée par la Commission européenne en 2007. Tous les pays européens n’ont pas adapté leurs installations. Les auditions ont montré que, dans ce domaine, les modifications introduites par la proposition de révision, qui vise notamment à donner un caractère normatif, et donc obligatoire, aux recommandations soulèvent divers problèmes, notamment concernant les délais de mise aux normes, laquelle pèse directement ou indirectement, sur les budgets de recherche.

En matière de soins, la directive de 1986 comporte une série de dispositions destinées à limiter les dommages causés aux animaux : utilisation d’animaux les moins sensibles, choix des procédures les moins douloureuses, observation régulière par une personne compétente du bien-être et de l’état de santé des animaux, recours systématique à l’anesthésie ou aux analgésiques, euthanasie des animaux lorsque les points limites sont atteints, interdiction de la réutilisation des animaux dans des expériences entraînant des contraintes particulièrement sévères.

La proposition de révision a, dans ce domaine, introduit de nouvelles dispositions jugées positives telles que le renforcement du rôle dévolu aux vétérinaires, et l’introduction d’une échelle de sévérité. Mais, elle a également renforcé l’encadrement réglementaire des procédures, dont la base scientifique, comme l’intérêt au regard du bien-être des animaux, ont été parfois vigoureusement contestés.

Le Parlement européen a adopté plusieurs amendements visant à assouplir les dispositions proposées par la Commission, à juste titre. Les négociations se poursuivent néanmoins sur les conditions de réutilisation des animaux qui pourraient compromettre certaines recherches, telles que celles sur le diabète, et sur la définition des échelles de sévérité qui conditionnent l’application de diverses autres dispositions, notamment en matière de réutilisation.

Les auditions ont montré qu’au-delà des dispositions actuellement discutées, une attention particulière doit être portée sur différentes questions essentielles : la nécessité de disposer de travaux scientifiques de très bon niveau sur la douleur de l’animal de laboratoire, la formation des personnels, la définition d’orientations stratégiques concernant la répartition géographique des animaleries et la mutualisation de leurs équipements, d’imagerie par exemple.

M. Jean-Louis Touraine, député, rapporteur, a estimé que les difficultés rencontrées lors de l’examen de la proposition de révision résultaient en partie de l’absence en Europe de documents scientifiques de référence précisant les conditions d’hébergement et de soins. Par ailleurs, les réactions suscitées par la proposition de révision de la directive de 1986 ont mis en évidence la nécessité d’organiser des lieux de débats ouverts. La création, dans certains pays européens, de comités nationaux d’éthique en expérimentation animale traduit cette préoccupation. Elles ont aussi révélé un profond déficit en matière de communication, dont la communauté scientifique est en partie responsable.

La proposition initiale de révision a en effet provoqué de vives contestations.

Le premier point de friction concerne l’extension du champ d’application de la directive (jusque là limité aux vertébrés), à certains invertébrés, et à diverses formes larvaires et embryonnaires. Le Parlement européen a corrigé la plupart de ces dispositions. Mais les auditions organisées ont montré que ces questions pourront se reposer, d’une part parce que les champs des législations relatives à l’expérimentation animale ne sont pas harmonisés en Europe, et, d’autre part, parce que les associations de protection des animaux invoquent dans ce domaine un principe de précaution visant à inclure dans le champ de la protection les espèces et les formes animales présumées ressentir de la douleur.

Le deuxième point de friction concerne les critères pris en compte pour accorder des règles plus protectrices à certaines espèces, telles que les primates non humains, ou certains animaux domestiques, tels que les chiens. Dans ce domaine, les arguments scientifiques se mêlent à des préoccupations sociétales, qui méritent tous deux d’être pris en considération, mais qui supposent qu’un consensus soit recherché et qu’un dialogue s’instaure.

L’établissement d’interdictions générales et de restrictions réglementaires demeure le principe le plus discuté. Le Parlement européen a tenté de trouver un compromis plus équilibré, et les négociations se poursuivent sur ces points. Ils concernent essentiellement les conditions d’utilisation des primates non humains, deux dispositions ayant été introduites par la Commission, l’une visant à ne recourir qu’à des primates issus de primates élevés en captivité (génération F2), l’autre tendant à limiter les recherches et les tests sur les primates à ceux afférents à certaines maladies, débilitantes ou mortelles. Mais ces restrictions concernent aussi les conditions de réutilisation des animaux, selon le degré de sévérité des procédures réalisées.

S’agissant du recours obligatoire à la génération F2 qui, pour certaines associations de protection des animaux, est destiné à terme à éviter l’utilisation de primates dans les expériences, de multiples interrogations ont immédiatement surgi tant au regard de l’objectif poursuivi d’amélioration du bien-être animal, que de la faisabilité pratique du dispositif envisagé et des répercussions économiques susceptibles d’en résulter. Face à ces objections, le Parlement européen a prévu la réalisation d’une étude d’impact préalable et repoussé les délais de mise en œuvre ; les discussions actuelles portent sur l’ajustement de ces délais en fonction de la remise de l’étude d’impact.

En ce qui concerne les restrictions édictées quant à l’utilisation de primates non humains, plusieurs objections ont été formulées. Les effets de telles restrictions soulèvent en effet de multiples interrogations sur l’appréciation du processus de recherche qui ne peut être enfermé dans un cadre pré établi, ni orienté exclusivement par des recherches finalisées, sur le respect des dispositions réglementaires rendant obligatoire l’utilisation de primates pour certains essais, et sur le risque de délocalisation.

Enfin, s’agissant des conditions de réutilisation des animaux, des assouplissements sont souhaitables pour ne pas interdire certaines recherches en cancérologie par exemple.

M. Jean-Louis Touraine, député, rapporteur, a souligné que, depuis la directive de 1986, les projets sont généralement soumis à un examen éthique, mettant en balance les avantages d’une utilisation des animaux et les inconvénients en résultant pour eux. Cet examen intervient au cas par cas, en prenant en compte l’espèce retenue, les contraintes imposées, et les moyens mis en œuvre pour les réduire. L’édiction d’interdictions générales ou de restrictions de principe constitue à cet égard un changement important d’approche, propre à l’Union européenne, qui a été opéré en 2003, lors de l’adoption de la directive « cosmétiques ».

Abordant les règles de gouvernance de l’expérimentation animale, M. Michel Lejeune, député, rapporteur, a rappelé que la directive de 1986 a laissé aux Etats membres le soin d’opter entre différents systèmes : autorisation ou notification des personnes, des établissements ou des projets.

Sur la base de ces dispositions, les Etats ont adopté des systèmes de contrôle et d’autorisation très variables.

La proposition de révision de la directive de 1986 a introduit diverses dispositions pour encadrer les procédures d’autorisation des établissements, des personnes et des projets, et renforcer le dispositif de contrôle. Le Parlement européen a allégé sur certains points les procédures de contrôle et soumis les projets classés « modérés » ou « sévères » à un régime d’autorisation.

Il s’avère très difficile de concilier les différents dispositifs existants. Les auditions et les missions effectuées ont par ailleurs montré que si la transparence et la discussion font l’objet d’un large consensus, un alourdissement bureaucratique est systématiquement refusé.

M. Jean-Louis Touraine, député, rapporteur, a souligné que le risque d’un allongement des délais et d’un alourdissement de la charge administrative, bien réel, méritait d’être pris au sérieux, car il conditionne la réactivité des organismes de recherche et des entreprises, comme leur compétitivité.

Il est par ailleurs difficile d’identifier les critères permettant d’affirmer que tel modèle est meilleur qu’un autre. On a pu ainsi constater que les systèmes les plus administrés sont parfois les plus contestés par les associations et que l’institution de tels systèmes ne constitue nullement un gage de tranquillité publique.

C’est pourquoi, dans ce domaine, il est également nécessaire d’introduire plus de flexibilité.

Si le principe de comités d’éthique pluralistes doit être retenu et s’il est nécessaire de soumettre les projets à un système d’autorisation conçu de manière suffisamment souple, en tenant compte, comme l’a fait l’Allemagne, des expériences réalisées en application d’une obligation légale, ou en prenant en considération le « risque » encouru, au regard des espèces utilisées, ou des contraintes imposées aux animaux, s’il convient d’assurer une certaine transparence au sein des systèmes de gestion de l’expérimentation animale, il faut aussi s’assurer que les procédures définies n’entravent pas exagérément ou inutilement les activités de recherche.

D’autres questions, non prises en compte dans la proposition de directive, doivent, en outre, faire l’objet d’un examen attentif, notamment la communication et les sondages d’opinion, ainsi que la protection qu’il convient d’assurer aux chercheurs et à leurs familles qui font parfois l’objet d’agressions inacceptables de la part de groupes extrémistes très minoritaires.

A l’issue de leur exposé, MM. Michel Lejeune et Jean-Louis Touraine, députés, rapporteurs, ont présenté plusieurs recommandations préconisant

- d’aboutir à une révision équilibrée de la directive de 1986 avec une application progressive des nouvelles dispositions, notamment en ce qui concerne les conditions d’utilisation des primates non humains et les règles d’hébergement et de soins, une flexibilité au niveau européen des systèmes administratifs et éthiques étant par ailleurs nécessaire, et d’accompagner cette révision par la prise en compte dans les politiques de recherche et d’innovation du perfectionnement des méthodes d’expérimentation animale et des modèles animaux, les animaleries devant désormais trouver leur place dans les stratégies européennes d’équipements de recherche et d’innovation ;

- de soutenir les recherches contribuant à rationaliser l’expérimentation animale, au niveau européen et au niveau national, sur la base de la constitution d’équipes pluridisciplinaires et partenariales, afin d’améliorer les connaissances sur les animaux de laboratoires, en particulier en matière d’évaluation et de traitement de la douleur, de concevoir de nouveaux outils permettant de réduire le nombre d’animaux utilisés et de remplacer l’utilisation d’animaux, et de soutenir les recherches n’utilisant pas d’animaux ;

- de créer un Prix prestigieux couronnant les résultats des travaux collaboratifs sur les méthodes alternatives à l’expérimentation animale ;

- d’encourager l’échange de résultats négatifs et d’inciter les laboratoires à constituer des systèmes d’échanges de données sécurisés ;

- de renforcer les dispositifs de formation, en établissant un système d’équivalences au niveau européen, en complétant les modules de formation , en sensibilisant les étudiants, en valorisant le rôle des vétérinaires, en élaborant un guide de soins et de l’utilisation des animaux de laboratoire accessible sur Internet, en organisant des journées de sensibilisation dans les régions, en créant des chaires en expérimentation animale et méthodes alternatives, en enrichissant les programmes scolaires,

- de favoriser une meilleure coordination et une meilleure implication des pouvoirs publics, en améliorant les outils statistiques, en assurant une veille juridique de l’évolution des différentes réglementations de l’expérimentation animale, et en définissant de nouvelles stratégies sur l’emploi en sciences in vivo, sur la mutualisation des animaleries et de leurs équipements, sur la validation des méthodes de substitution, en organisant une campagne d’information notamment à l’intention du public jeune, et en assurant la protection des chercheurs et des personnels des établissements de recherche et d’élevage.

M. Claude Birraux, député, président, après s’être félicité de l’approche générale retenue par les rapporteurs, a déploré l’influence exercée par certains groupes de pression sur la Commission européenne.

S’agissant de la composition pluraliste des comités d’éthique, il a souligné la nécessité de préserver le secret industriel.

Puis, il a évoqué le poids des multinationales, les menaces exercées sur certains dirigeants et leurs familles, la revendication par certaines associations d’une expérimentation directe sur l’homme, et s’est interrogé sur les compétences de l’AERES en matière d’expérimentation animale.

Enfin, il a posé une question sur le rôle joué par le comité de pilotage, et souligné les progrès réalisés grâce à l’imagerie médicale.

M. Michel Lejeune, député, rapporteur, a répondu que

- les associations siégeant dans les comités d’éthique étaient généralement tenues à une obligation de réserve,

- les groupuscules violents restaient minoritaires et que leurs actions étaient motivées par des visées ayant en fait peu de rapports avec la protection des animaux,

- l’expérimentation directe n’avait été prônée que par une seule des associations entendues dans le cadre de l’étude,

- l’AERES devait s’intéresser davantage à l’expérimentation animale, qui constitue un moyen de recherche,

- le comité de pilotage, composé de personnalités scientifiques et de représentants du monde associatif, avait joué un rôle appréciable.

M. Jean-Louis Touraine, député, rapporteur, a souligné la nécessité d’organiser des lieux de dialogue, surtout dans un domaine où les positions sont parfois opposées.

Parce que l’expérimentation animale pèse sur les budgets, une réduction de l’utilisation des animaux répond à la fois à des objectifs éthiques et économiques.

Des actions terroristes ont été menées contre des établissements de recherche et d’élevage ; ces actions qui obligent les établissements de prendre des mesures visant à assurer la sécurité des personnels et des installations, doivent être réprimées.

Le secret industriel doit bien sûr être protégé, mais les échanges et la mutualisation des données résultant des expériences sur des animaux doivent aussi être encouragés ;

A la suite de cet échange, les recommandations proposées par les rapporteurs ont été adoptées et la publication du rapport a été autorisée.