Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mercredi  13 juillet 2010

Séance de 9 h

Compte rendu n° 21

Présidence de M. Claude Birraux, député, Président

– Présentation de l’avis du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) sur « la transparence de la gestion des matières et des déchets nucléaires produits aux différents stades du cycle du combustible »

Présentation de l’avis du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) sur « la transparence de la gestion des matières et des déchets nucléaires produits aux différents stades du cycle du combustible » –

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a tout d’abord précisé que cette audition s'inscrivait dans le cadre de l'évaluation du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), confiée à l'OPECST, conformément à la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable de ces matières et déchets. Il a par ailleurs rappelé qu’en tant que Président de l'Office, il avait adressé le 4 novembre 2009, au HCTISN, sur la base de l’article 24 de la loi du 13 juillet 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, une saisine demandant d'examiner la question des échanges internationaux liés au retraitement de l'uranium et de formuler, le cas échéant, des propositions sur l’amélioration de la transparence en ce domaine. Il a enfin regretté qu’en dépit de la décision d’ouvrir cette audition à la presse, qui garantissait un accès plein et ouvert à l’information, le rapport ait fait l’objet d’une diffusion anticipée dans les médias.

M. Henri Revol, président du HCTISN, a rappelé que le Haut Comité, institué par la loi du 13 juin 2006 précité et un décret de 2008, avait été mis en place, en présence du ministre d’Etat Jean-Louis Borloo, le 18 juin 2008. Instance jeune, caractérisée par son pluralisme, le Haut Comité comporte sept collèges : l’un de quatre parlementaires et six de six membres représentant les CLI (Commissions locales d’information), les associations militant pour l’environnement ou la santé, les exploitants d’installations nucléaires, les organisations syndicales des travailleurs de l’industrie nucléaire, six personnalités qualifiées, l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire), l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) et les services de l’Etat. Le Haut Comité a déjà été saisi par le ministre d’Etat Jean-Louis Borloo, suite à des incidents survenus sur le site du Tricastin, ainsi que d’un rapport sur l’état radio-écologique des nappes phréatiques proches des installations nucléaires civiles. Il a également publié son premier compte rendu annuel d’activité. Le rapport présenté ce jour à propos de la circulation internationale des matières nucléaires de retraitement répond à une double saisine parallèle du ministre d’Etat Jean-Louis Borloo et du Président de l’OPECST.

M. Henri Revol, président du HCTISN, a ensuite précisé qu’afin d’apporter une réponse complète et approfondie à cette question complexe, le Haut Comité avait entrepris une large consultation des intervenants concernés. Dans ce cadre, le Haut Comité a notamment saisi l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire), la DGEC (Direction générale de l’énergie et du climat), le Haut fonctionnaire de défense et les exploitants. Il a procédé, en séance plénière, à l’audition de l’ensemble des acteurs interrogés, y compris la société russe Rosatom. Un groupe de travail, présidé par M. Claude Gatignol, député, membre du HCTISN, a été créé à cette fin. Une délégation de ce groupe a visité le site d’enrichissement du Tricastin ainsi que celui de la société britannique Urenco, à Capenhurst. Le Haut Comité a également souhaité visiter le site russe de Tomsk où la société Tenex, filiale de Rosatom, procède à l’enrichissement de l’uranium français dans le cadre de contrats anciens. Pour des raisons administratives, cette mission a été annulée, la délégation n’ayant pas été autorisée à s’y rendre dans son intégralité.

M. Henri Revol, président du HCTISN, a également indiqué qu’en dépit du large consensus qui s’était dégagé sur le rapport au sein du groupe de travail, trois membres - dont deux du collège des associations -émettant un certain nombre de réserves, ne l’ont pas validé, tout en saluant l’importance, la qualité et le caractère inédit des informations fournies. Il a ajouté que ce rapport, factuel et volumineux, comportait, en annexe, l’ensemble des contributions écrites des organismes consultés. Il a enfin rappelé que la mission du Haut Comité consiste, non à se substituer à l’ASN, à l’IRSN, ou aux experts, mais à s’assurer de la tenue du débat afin que les acteurs concernés puissent fournir, en toute transparence, les informations attendues par les citoyens.

M. Claude Gatignol, député, membre du HCTISN, a indiqué que la diversité des participants au groupe de travail avait permis d’établir des échanges fructueux, bien qu’à certains moments le dialogue fût un peu tendu. A la suite de la saisine, à la mi-novembre 2009, par le ministre et l’OPECST, le HCTISN a souhaité apporter des réponses précises aux questions posées sur le sujet sensible de la circulation des matières radioactives de retraitement. Ces saisines avaient été précédées, le 4 novembre 2009, par une audition publique organisée par l’OPECST, visant à clarifier les conditions de recyclage de l’uranium français. Celle-ci faisait suite aux interrogations apparues dans les médias, notamment sur la chaîne ARTE et dans le journal Libération, concernant une éventuelle dissimulation de déchets en Sibérie.

M. Claude Gatignol, député, membre du HCTISN, a ensuite précisé que les représentants du HCTISN s’efforceraient de répondre, devant les membres de l’Office, à toutes les questions soulevées par les échanges internationaux de matières radioactives, notamment quant aux flux des marchandises, à leur origine et à leur éventuel caractère secret. Sur ce dernier point, il a rappelé que, dès le 25 septembre 1995, une délégation, composée de treize députés et de trois sénateurs, s’était déjà rendue à Tomsk. L’absence de secret est confirmée par l’existence d’une plaquette illustrant, en détail, l'activité de la société Tenex sur le site de Tomsk. Cette société russe participe aux échanges commerciaux internationaux relatifs aux matières radioactives de retraitement sur la même base que la société britannique Urenco, située à proximité de Manchester.

M. Claude Gatignol, député, membre du HCTISN, a, par ailleurs, souligné l’étendue et la diversité du sujet, couvrant l'ensemble des aspects de l’utilisation de l’uranium comme combustible. Il a estimé que la principale question, celle de la nature des matières échangées (déchets ou matières valorisables, selon des définitions que le groupe de travail s’est efforcé de clarifier), a dicté le plan du rapport. Le premier chapitre décrit le cycle du combustible nucléaire français à usage civil, utilisant toutes les informations recueillies au cours des auditions pour répondre à plusieurs questions : d’où vient l’uranium, quels sont ses isotopes, ses dérivées après usage ou encore les différentes variétés de composants naturels ? Ce chapitre apporte également des précisions fort utiles sur les étapes du cycle : que ce soit en amont, de la mine à l'irradiation dans le réacteur ; ou en aval, tout au long du retraitement du combustible usé, visant à la séparation des différents composants, puis au recyclage d’un certain nombre d’entre eux. Ce chapitre précise également ce qu’est le combustible initial, provenant de l’uranium naturel, l’uranium de retraitement, le plutonium, issu de l’irradiation de l’uranium dans le réacteur, les actinides mineurs et les produits de fission, considérés à ce jour comme non valorisables, ainsi que la signification de termes tels qu’ « uranium appauvri », « uranium enrichi », « uranium de recyclage », en indiquant pour chacun leur origine et leurs modalités d’entreposage.

M. Claude Gatignol, député, membre du HCTISN, a poursuivi, en explicitant la réponse apportée, dans le second chapitre du rapport, à l’une des questions principales de la saisine, relative à la justification des échanges internationaux de matières radioactives. Il a estimé que, pour sécuriser les approvisionnements, les acteurs, tels qu’EDF et Areva, sont contraints de diversifier leurs fournisseurs, ce qui engendre des flux souvent déterminés par les conditions économiques, et notamment par les variations du prix de ces matières premières. Il a souligné les implications de ces échanges en termes de contrôle, mais aussi de réflexion, au plan international, sur les conditions de transport de ces matériaux, sujet sur lequel les ONG sont particulièrement vigilantes.

M. Claude Gatignol, député, membre du HCTISN, a ensuite précisé que le troisième chapitre du rapport traitait de la classification des matières radioactives. En France, celle-ci résulte des lois du 30 décembre 1991, dite “Bataille”, et du 28 juin 2006, attachée quant à elle au nom de ses deux rapporteurs, MM. Claude Birraux et Henri Revol. Ces deux lois ont permis d’établir une classification des matières radioactives, et d’organiser leurs modalités de gestion. Ce chapitre fournit également un comparatif, entre les différents pays concernés, des techniques d’enrichissement de l’uranium, du cadre juridique et conventionnel, et de l’évolution des contrats commerciaux. Ce comparatif révèle une réelle convergence internationale en matière de gestion des matières radioactives, même s’il convient toujours de s’interroger sur la nature exacte de celles-ci : déchets, ou bien matières valorisables, à échéance rapprochée ou lointaine.

M. Claude Gatignol, député, membre du HCTISN, a enfin expliqué que le quatrième et dernier chapitre du rapport évoque le sujet de l'information, du secret et de la transparence. Il rassemble également les conclusions du rapport et les recommandations, au nombre de sept. Il a précisé que le Haut Comité a souhaité, compte tenu du volume du rapport, lui adjoindre une synthèse de quatre pages. Celle-ci fournit les données principales sur les étapes du cycle, sur les importations et exportations de matières radioactives, sur le marché international de l’uranium, notamment quant aux bases de ce marché, aux contrats en cours, à leurs échéances prévues, sur les justifications du recours aux capacités russes d’enrichissement et, enfin, sur la nature des informations diffusées par les acteurs du nucléaire en regard des attentes du public.

M. Claude Gatignol, député, membre du HCTISN, a rappelé, en conclusion, qu’au delà de la nécessité d’une information complémentaire de circonstance, il conviendrait de s’appuyer, dans l’avenir, pour le détail des informations relatives à ces questions, sur le PGNMDR (Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs), document de référence partagé par tous. Il a indiqué que le Haut Comité avait souhaité expliciter, dans la synthèse, les désaccords apparus entre les membres du groupe de travail sur certains points du rapport, en dépit des efforts consentis pour trouver un consensus. Il a souligné la complexité et l’ampleur du travail réalisé pour cette étude, qui permet de mieux situer la place de la filière nucléaire française dans l’ensemble des échanges internationaux de matières radioactives.

M. Henri Revol, président du HCTISN, a ensuite rappelé les sept recommandations formulées par le Haut Comité dans le cadre du rapport.

Dans la première, tout en reconnaissant que l’information destinée au grand public doit être aisément accessible et compréhensible, ce qui conduit souvent à épurer le discours de tout détail technique superflu, le Haut Comité considère que l’information adressée au public doit néanmoins présenter le cycle du combustible de manière suffisamment précise pour faire notamment apparaître : les déchets, les matières immédiatement valorisées et les matières entreposées en attente de valorisation (en précisant dans ce cas les perspectives de valorisation). Le Haut Comité considère également que les responsabilités des différents acteurs, et la question du transfert de propriété lors de l’enrichissement doivent être explicitées. Il recommande en conséquence que les acteurs de la filière nucléaire et les parties intéressées s’assurent de l’exhaustivité de l’information délivrée au public sur ces différents points et, en particulier, qu’ils utilisent de préférence la notion de « cycle avec traitement des combustibles ».

M. Henri Revol, président du HCTISN, a précisé que cette première recommandation avait donné lieu à de nombreux débats au sein du Haut Comité, les uns considérant les notions complexes de cycle fermé et de cycle ouvert comme une affaire de spécialistes plus que de citoyens, les autres les estimant indispensables à une information complète du public.

M. Henri Revol, président du HCTISN, a indiqué que, dans la deuxième recommandation, le Haut Comité demande, au Gouvernement et à l’Autorité de sûreté nucléaire, de développer la notoriété du PNGMDR, véritable outil de référence, afin qu’il soit plus largement connu du grand public. Le Haut Comité recommande également, en relation avec ce qui a été développé dans son rapport, que les mécanismes de classification des déchets et des matières y soient mieux explicités.

M. Henri Revol, président du HCTISN, a expliqué que la troisième recommandation demande la tenue, “dans le prolongement des débats parlementaires”, d’un débat public autour de chaque nouvelle édition du PNGMDR, dans l’objectif de confronter périodiquement le point de vue de tous les acteurs concernés sur les acquis et les perspectives dans les domaines du cycle du combustible et de la gestion des déchets. A ce sujet, il a estimé que ce débat pourrait se tenir sous l’égide du Haut Comité, l’article 10 de la loi du 28 juin 2006 lui donnant mission d’organiser des débats sur l’évolution de la gestion des déchets. Il a enfin proposé une initiative commune du HCTISN et de l’OPECST dans ce domaine.

M. Henri Revol, président du HCTISN, a rappelé qu’en liaison avec la première recommandation, la quatrième demande une meilleure information du public sur la distinction, établie par la loi française, entre matières et déchets radioactifs, ainsi que sur les possibilités d’évolution dans le temps du classement des matières et déchets radioactifs, en fonction du contexte politique, technologique et économique, certaines matières considérées aujourd’hui comme valorisables, pouvant se voir, à terme, reclassées en déchets.

Afin de tenir à jour l’état des lieux constitué dans le rapport, les cinquièmes et sixièmes recommandations préconisent, d’une part, que le ministère en charge de l’énergie adresse annuellement au HCTSIN un bilan des flux et des stocks, et, d’autre part, que ces données soient compilées dans le PNGMDR à l’occasion de chaque mise à jour, tous les trois ans. Enfin, la septième et dernière recommandation rappelle qu’un décret prévu par la loi du 13 juin 2006, devant fixer les quantités liées aux opérations de transport et à leur transparence, restait à publier dans les meilleurs délais.

M. Claude Birraux, président de l’OPECST, a remercié M. Henri Revol, président du HCTISN, pour son exposé et a demandé à M. Jacky Bonnemains, membre du HCTISN, s’il souhaitait ajouter des commentaires.

M. Jacky Bonnemains, membre du HCTISN, a indiqué que la recherche d’une position de synthèse au sein du groupe de travail a donné lieu à des débats difficiles. Il a rappelé que la saisine était initialement motivée par l’attention nouvelle des médias pour les échanges de matières radioactives entre la France et la Russie, si bien que les travaux du Haut Comité se sont focalisés sur cette question. Il a estimé qu’un pays comme la France se devait d’exiger de ce pays partenaire plus d’ouverture et de transparence. Il était en effet surprenant de constater qu’après l’obtention des visas, quelques heures avant le départ de la délégation, deux de ses membres, un syndicaliste et un écologiste, se soient vu refuser l’accès, non à la Russie, mais au site nucléaire de Tomsk.

M. Jacky Bonnemains, membre du HCTISN, a précisé que la fin du contrat, entre Areva et l’industrie russe, relatif à l’enrichissement de l’uranium appauvri français, était prévue en 2010 depuis son dernier renouvellement dans les années 90, et ne résultait donc nullement d’une modification récente de la position d’Areva. A contrario, le contrat signé entre EDF et l’industrie nucléaire russe, relatif, ces dernières années, à environ cinq cents tonnes d’uranium appauvri issu du retraitement des combustibles irradiés destinés à l’enrichissement, se perpétue. A ce sujet, il a regretté la signature, le 16 juin 2010, quinze jours seulement après le refus d’entrée à Tomsk d’un syndicaliste et d’un écologiste, d’un nouvel accord de partenariat entre l’industrie russe et EDF, accord dont l’imminence n’avait jamais été évoquée durant les travaux du groupe de travail. Il s’est félicité du soutien apporté au HCTSIN par le ministre d‘Etat Jean-Louis Borloo, qui a exprimé l’intention d’écrire à son homologue russe pour appuyer la mise sur pied d’un troisième projet de visite à Tomsk de la même délégation, représentants de la CGT et de Robin des Bois inclus.

M. Jacky Bonnemains, membre du HCTISN, a précisé qu’il ne partageait pas certaines critiques du rapport, formulées par des ONG ou des experts rattachés aux ONG, car elles ne rendaient pas justice de la somme considérable d’informations fournies par celui-ci. Il a d’ailleurs conseillé à tout lecteur du rapport de commencer par en photocopier le glossaire, en page 57, qui fournit une clef indispensable à sa compréhension. Les informations fournies étant évolutives, il a souligné que l’une des recommandations demande à la DGEC de communiquer annuellement au Haut Comité les états des stocks et des flux des matières impliquées dans le cycle du combustible. Il a estimé que cette actualisation assurerait la pérennité de la transparence souhaitée par le HCTSIN.

M. Jacky Bonnemains, membre du HCTISN, a ensuite indiqué que sur les principaux sujets de débats au sein du groupe de travail, relatifs aux modalités de valorisation des matières et aux réacteurs de quatrième génération, les membres avaient fait leurs meilleurs efforts pour se rejoindre, en présentant la quatrième génération comme un objectif réalisable mais encore incertain, compte tenu des problèmes techniques, écologiques et logistiques, relatifs notamment à la gestion des déchets. Cet aspect du débat sur les matières valorisables, lié à la faisabilité des réacteurs de quatrième génération, s’avère particulièrement sensible dans la mesure où, à l’horizon 2040, quatre cents à quatre cent cinquante mille tonnes d’uranium appauvri pourraient être considérées comme des matières valorisables ou, au contraire, des déchets.

M. Jacky Bonnemains, membre du HCTISN, a continué en rappelant que les représentants du Haut Comité s’étaient rendus sur le site du Tricastin ainsi qu’à Capenhurst, en Grande Bretagne, sur le site d’Urenco, société d'enrichissement d’uranium appartenant à parts égales à l’Allemagne, au Royaume Uni et aux Pays-Bas. A Capenhurst, la délégation a constaté que l’UF6 (hexafluorure d’uranium) serait converti sous une forme plus stable, l’U3O8 (oxyde d’uranium), par une usine de défluoration dont la construction devrait être achevée d’ici trois à cinq ans. Compte tenu de l’arrêt, lié à la fin des contrats, des échanges avec la Russie, Urenco stocke les emballages d’UF6, à ciel ouvert, dans des zones protégées. Par ailleurs, la délégation a appris que, pour pallier un reclassement éventuel de cet uranium appauvri en déchet, Urenco avait, d’ores et déjà, pris contact avec l’Australie, afin d’étudier un entreposage dans des mines d’uranium désaffectées. S’agissant du transport, par voie maritime, des matières radioactives entre la Grande Bretagne et la Russie, la délégation a noté que celui-ci s’effectuait exclusivement sous pavillon britannique, Urenco estimant les armateurs russes insuffisamment réactifs et fiables. Cette information apparaît intéressante en regard des critiques formulées sur l’utilisation du pavillon de complaisance maltais pour les transports d’uranium entre la France et la Russie, tels qu’ils se poursuivent pour le compte d’EDF. Le Haut Comité souhaite que des enseignements puissent être tirés de la position britannique.

M. Jacky Bonnemains, membre du HCTISN, a poursuivi, en indiquant qu’au Tricastin la délégation du Haut Comité avait constaté que le stockage des conteneurs cylindriques ayant contenu de l’UF6 gagnerait à s’inspirer des méthodes utilisées à Capenhurst, où les conteneurs d’UF6 désaffectés, après un décapage destiné à retirer plusieurs centaines de grammes de tartre radioactif contenant du thorium et du protactinium, composants très irradiants lorsque les conteneurs sont vides, sont transportés dans un centre de stockage de déchets aux Pays-Bas. Cette visite a également confirmé le problème déjà bien identifié qui est posé par les cent cinquante mille tonnes de métaux légèrement irradiés, s’ajoutant aux centaines de conteneurs, résultant du démantèlement de l’usine Georges Besse I. La délégation estime qu’il serait raisonnable de trouver rapidement une solution pour la décontamination de ces dizaines de milliers de tonnes de métaux.

M. Claude Birraux, président de l’OPECST, a remercié M.  Jacky Bonnemains. Il s’est ensuite interrogé sur l’exactitude de l'évaluation par les associations, à hauteur de trente mille tonnes, des quantités de déchets et matières envoyés par Areva depuis 2006 en Russie et entreposés sur places.

M. Henri Revol, président du HCTISN, a confirmé l’exactitude de ces estimations, trente mille tonnes de matières, hors contrat pour le compte d’EDF, ayant bien été envoyées par Areva en Russie. Dans le même temps, Areva a importé deux mille quatre cent quatre-vingt-treize tonnes d’uranium enrichi pour ses besoins propres. Le rapport indique la décomposition exacte de ces quantités. Il a, par ailleurs, souligné la similitude des méthodes de centrifugation et de stockage (à l’air libre, sous conteneur) de l’UF6, qu’elles soient utilisées à Capenhurst, prochainement au Tricastin, ou à Tomsk, indépendamment des difficultés rencontrées pour accéder à ce dernier site, ou encore aux Etats-Unis. Compte tenu de l’avantage procuré, en termes de stabilité, par l’U3O8 sur l’UF6, celui-ci dégageant, au contact de l’humidité, de l’acide fluorhydrique toxique, tous les acteurs s’engagent dans la transformation des stocks d’UF6 en U3O8. La société Areva a ainsi vendu à la Russie une usine de défluoration, d’une capacité annuelle de dix mille tonnes, entrée en fonction le 18 décembre 2009. Ces nouvelles méthodes permettront de résorber les stocks très importants d’UF6 qui ont été accumulés. La pratique courante en matière de commerce international de l’uranium fait que ceux-ci restent la propriété des prestataires une fois l’enrichissement effectué.

M. Jacky Bonnemains, membre du HCTISN, a confirmé le stockage à Tomsk de plusieurs dizaines de milliers de tonnes d’uranium appauvri, issu de l’enrichissement pour le compte d’Areva. Il a noté que le programme, reçu la veille du départ prévu de la mission en Russie, mentionnait spécifiquement la visite de ces stocks. Il a, d’autre part, rappelé qu’à l’occasion d’une visite, voici six mois, au Haut Comité, une délégation de Rosatom avait montré une vidéo, visible sur le site Internet du Haut Comité, du site de stockage de Tomsk. Celle-ci met notamment en évidence l’usage de sur-emballages cylindriques, réputés résister à divers cataclysmes, chutes de météorites comprises.

M. Henri Revol, président du HCTISN, a précisé que le Haut Comité avait été désagréablement surpris par l’interdiction, pour deux membre de la délégation du Haut Comité, d’accéder au site de Tomsk. Cette interdiction l’avait conduit, après avoir consulté tous les membres du bureau du Haut Comité et un certain nombre d’autres membres, ainsi que l’ambassadeur de France, défavorable à une annulation, à prendre, dix minutes avant l’enregistrement du vol, la décision de renoncer à la mission en Russie. Il a rappelé que l’accès au site de Tomsk, à vocation à la fois civile et militaire, situé dans une ancienne ville secrète russe, entourée de plusieurs rangées de barbelés, bénéficiant d’une protection spécifique et renforcée, est probablement contrôlé par des services spécialisés. La responsabilité de la société Rosatom, soucieuse de faciliter cette visite, n’est donc pas en cause. Il a regretté de n’avoir été informé que tardivement, la veille du départ vers quinze heures, de cette impossibilité. D’après l’ambassadeur de France à Moscou, les allégations, dans les médias français, sur l’envoi de déchets français à Tomsk, ont connu, au travers de la presse locale, un large écho auprès des populations ; elles ont été très mal perçues par la collectivité locale de la ville de Tomsk. Aussi M. Henri Revol s’est-il déclaré favorable à l’organisation, souhaitée par l’ambassadeur, d’une nouvelle mission du Haut Comité, destinée à expliquer à la population de Tomsk l’objet de sa démarche, notamment en termes de transparence.

M. Christian Bataille, député, membre de l’OPECST, a tenu tout d’abord à saluer le rôle avisé joué par M. Henri Revol, en tant que rapporteur au Sénat, lors de la discussion de la loi du 30 décembre 1991. Il s’est ensuite interrogé, d’une part, sur la répartition, avant la fin du contrat entre Areva et Rosatom, entre l’uranium de retraitement envoyé par Areva en propre et celui envoyé en tant que prestataire de transport d’EDF, et, d’autre part, sur le bruit qu’EDF aurait manifesté l’intention de revenir sur son engagement d’alimenter la future usine Georges Besse II, construite par Areva, par suite d’une préférence donnée aux concurrents mondiaux, dont Rosatom, sachant qu’un tel revirement serait susceptible de remettre en cause l’équilibre économique de cette construction.

M. Henri Revol, président du HCTISN, a indiqué ne pouvoir apporter de réponse à ces questions, faute de disposer d’informations suffisamment précises. Il a rappelé que les seules données relatives aux envois d’uranium de retraitement en Russie fournies dans le rapport, concernent les quantités exportées, entre 2006 et 2009, par EDF, soit 3100 tonnes d’uranium, dont 1380 tonnes d’uranium naturel et 1725 tonnes d’uranium de retraitement. Il a précisé que, dans cette même période, EDF avait importé de Russie 1045 tonnes d’uranium enrichi.

M. Claude Gatignol, député, membre du HCTISN, a confirmé les chiffres fournis. Il a expliqué que la fourniture à la Russie d’uranium appauvri était potentiellement vertueuse, dans la mesure où elle pouvait faciliter, pour partie, la réutilisation, sous forme d’uranium enrichi obtenu par dilution, des matières radioactives d’origine militaire, une convergence étant possible entre les filières nucléaires civile et militaire à cet égard. S’agissant de l’usine Georges Besse II, il a indiqué qu’elle constituerait un saut technologique, éliminant l’étape, coûteuse et consommatrice d’énergie, de la diffusion gazeuse pour l’enrichissement de l’uranium, en utilisant le procédé, mis au point de longue date par les Russes, pour obtenir des taux d’enrichissement supérieurs aux 4 % nécessaires au combustible nucléaire civil. Il a enfin jugé que les Russes demeureraient des interlocuteurs importants sur le marché européen, Rosatom affichant une capacité de traitement permettant de fournir 80% de la demande d'uranium enrichi sur ce marché, et que cette nouvelle concurrence devrait bénéficier aux opérateurs d’électricité.

Christian Bataille, député, membre de l’OPECST, a estimé qu’une internationalisation mal ajustée des filières nucléaires nationales pouvait être préjudiciable, notamment dans le cas de la France, qui avait su trouver un équilibre entre ses différents partenaires nationaux, dont Areva ; en effet, les règles applicables, notamment en matière de sûreté, ne sont pas partout identiques, si l’on compare la France à la Russie, ou à la Corée par exemple. Il a jugé qu’EDF et Areva devaient demeurer des partenaires complémentaires, dans la mesure où il apparaît préférable de traiter les matières radioactives dans un cadre national. Tout en reconnaissant qu’il s’agissait d’un sujet distinct, il a pris pour référence les dispositions législatives relatives aux déchets de haute activité, qui règlent ces questions dans les limites géographiques nationales en imposant le renvoi, dans leur pays d’origine, des déchets étrangers, et en interdisant l’exportation des déchets français. Il a estimé dommageable la circulation internationale des déchets à faible ou même très faible activité, celle-ci pouvant prêter le flanc aux critiques des adversaires de l’énergie nucléaire. Il a enfin souligné qu’EDF devait faire preuve de plus de confiance vis-à-vis d’Areva concernant Georges Besse II.

M. Claude Birraux, président de l’OPECST, a jugé audacieux l’espoir d’un effet vertueux de l’exportation d’uranium appauvri en Russie, y compris pour la réutilisation des matières militaires. Lors d’un débat qu’il avait organisé entre les signataires, américains, français et russes, d’un accord de désarmement, il avait en effet constaté la réticence de ces derniers à déclasser, sans contrepartie américaine, des matériels militaires, y compris à des fins de réutilisation sous forme de combustible Mox destiné à alimenter des centrales.

M. Henri Revol, président du HCTISN, a souligné qu’il convenait de distinguer les aspects purement commerciaux, liés aux tarifs compétitifs induits par les surcapacités russes consécutives à la disparition du bloc soviétique, des contraintes techniques. En effet, si l’uranium de retraitement, contenant encore de 0,7 à 0,8% d’uranium 235 contre 3 à 4% pour le combustible originel, s’avère éminemment valorisable, il contient un isotope, l’U236, produit lors de l’irradiation dans le réacteur, susceptible de contaminer les installations de retraitement. L’usine Georges Besse I, basée sur la technologie de la diffusion gazeuse, ne peut assurer l’enrichissement de l’uranium de retraitement, car l’injection de celui-ci, émetteur de rayonnement gamma, modifierait les conditions de fonctionnement de l’ensemble de l’installation. La technologie de la centrifugation, qui permet au contraire de spécialiser une partie seulement de l’installation, convient mieux pour ce genre d’opération. C’est faute de disposer des moyens correspondants que la France se voyait contrainte de faire appel à des prestataires étrangers.

M. Jacky Bonnemains, membre du HCTISN, a précisé que les représentants de Rosatom avaient déclaré vouloir désormais traiter, pour l’enrichissement, directement avec les électriciens, sans plus passer par Areva, pour la France, ou encore Urenco, pour l’Allemagne, les Pays-Bas ou le Royaume uni ; cette orientation a été confirmée lors de la visite du site de Capenhurst. Il a estimé que les électriciens pourraient y trouver un intérêt, la disparition d’un intermédiaire devant, en principe, se traduire par une baisse des coûts. Il a ensuite confirmé l’analyse de M. Henri Revol, président du HCTISN, quant à la capacité de l’usine Georges Besse II à combler prochainement le manque en matière d’enrichissement de l’uranium de retraitement. Aussi a-t-il regretté l’annonce par EDF, au mois de juin dernier, malgré l’imminence de l’entrée en fonction de la nouvelle usine française, d’un partenariat avec Rosatom . Il a déclaré partager, sur ce point, la position de M. Christian BATAILLE, député, membre de l’OPECST. Il a enfin indiqué que les travaux du groupe de travail avaient mis en évidence l’absence d’entente entre Areva et EDF au sujet de l’enrichissement, cette dernière considérant avoir besoin de diversifier ses fournisseurs, tout comme pour le pétrole.

M. Claude Birraux, président de l’OPECST, a ensuite invité les représentants de la presse et les parlementaires présents à poser, le cas échéant, des questions aux membres du Haut Comité.

M. Henri Revol, président du HCTISN, a ajouté que le Haut Comité n’avait pas eu connaissance de l’accord entre EDF et Rosatom pour des raisons de calendrier, l’audition d’EDF réalisée dans le cadre du rapport étant antérieure à cette annonce. Il a assuré les représentants de l’OPECST de la poursuite des investigations du Haut Comité à ce sujet afin d’obtenir des informations plus précises et garantir une complète transparence sur ces échanges commerciaux. Il a enfin remercié M. Claude Birraux, président de l’OPECST, d’avoir reçu le Haut Comité et espéré que le rapport du Haut Comité puisse éclairer les membres de l’OPECST et les citoyens.

M. Claude Birraux, président de l’OPECST, a remercié M. Henri Revol, président du HCTISN, et les membres du Haut Comité, et les a assurés du plaisir que les membres de l’OPECST avaient eu à les recevoir.