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Commission des affaires sociales

Mardi 15 décembre 2009

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 16

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur l’évolution de la pandémie grippale et la mise en œuvre du dispositif de lutte contre celle-ci

– Présences en réunion 19

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 15 décembre 2009

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur l’évolution de la pandémie grippale et la mise en œuvre du dispositif de lutte contre celle-ci.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je suis heureux d’accueillir Mme Roselyne Bachelot, qui, conformément aux engagements qu’elle a pris, vient pour la troisième fois faire un point avec nous de l’évolution de la pandémie.

Depuis la dernière audition, un certain nombre d’éléments ont évolué : la pandémie s’est installée, le processus de vaccination a pris son rythme, en dépit de quelques difficultés.

Vous nous direz, madame la ministre, si ces difficultés sont désormais derrière nous ou si un certain nombre d’ajustements sont encore nécessaires, en concertation avec votre collègue Brice Hortefeux.

Une demande de mission d’information sur la pandémie grippale a été formulée ce matin en conférence des présidents. Nous en parlerons demain en réunion de bureau. Mais je mets dès aujourd’hui en garde contre la multiplication des missions d’information : nous en avons beaucoup et lorsqu’une d’entre elles débute avec onze députés et s’achève avec deux, cela ne donne pas à ceux que nous accueillons une image de sérieux pour le Parlement. C’est pourquoi je suis extrêmement prudent, d’autant que nous aurons, au premier semestre 2010, à réfléchir aux thèmes des retraites et de la dépendance, sans parler des déficits et des niches sociales et fiscales. Le programme est lourd et je souhaite donc que nous nous concentrions sur les questions de fond.

Enfin, je signale la présence d’un groupe de collégiennes et de collégiens de troisième, qui font un stage d’observation qui leur permet de découvrir tous les aspects du fonctionnement de l’Assemblée nationale. Je leur souhaite bonne chance et bon courage. Je suis persuadé que cette audition leur permettra de mesurer que c’est en commission que se fait le travail essentiel du Parlement.

Mme Catherine Lemorton. Alors que notre commission a notamment pour mission de débattre de la santé de nos concitoyens, je m’étonne, au nom du groupe SRC, qu’elle ne se soit pas saisie pour avis d’un certain nombre de textes, en particulier des projets relatifs aux jeux en ligne et à la simplification du droit, ainsi que de la loi pénitentiaire, mais aussi de la proposition de résolution sur le paquet médicaments, dont l’un des volets porte sur la pharmacovigilance et qui ne nous paraît absolument pas satisfaisante. Peut-être aurait-il été encore temps d’en traiter si notre commission avait tenu sa réunion habituelle mercredi dernier.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous y reviendrons demain en réunion de bureau, mais je vous indique que le projet de résolution sur le paquet médicaments a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires européennes, qui compte dans ses rangs des représentants du groupe SRC. C’est pourquoi il ne m’est pas apparu nécessaire que notre commission établisse un rapport supplémentaire.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Comme je m’y étais engagée, me voici pour la troisième fois devant vous pour faire le point sur l’évolution de la pandémie et les mesures prises par le Gouvernement pour y faire face. Je serai assistée dans cette tâche par Didier Houssin, directeur général de la santé, et par Jean Marimbert, directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).

Je ferai tout d’abord un point sur la progression de l’épidémie. La dernière fois que nous nous étions vus, le 17 novembre dernier, je vous annonçais 360 000 consultations pour cause de grippe par semaine. Depuis, cette première vague s’est renforcée et nous sommes passés, depuis 15 jours, à plus de 850 000 consultations. C’est considérable. La quasi-totalité des prélèvements identifie le nouveau virus A(H1N1) comme cause de ces grippes. Même s’il faut être prudent, la saison de grippe saisonnière n’ayant pas encore véritablement commencé, il semble, phénomène classique, que le nouveau virus a quasiment chassé les autres virus de la grippe qui circulaient auparavant. Au total, on peut estimer que nous dépasserons cette semaine le cap des 5 millions de Français qui ont contracté la grippe depuis le début de cette première vague.

Ce chiffre s’accompagne malheureusement d’un nombre croissant de formes graves et de décès. L’augmentation du nombre de cas graves hospitalisés se poursuit ainsi, avec un total de 743 personnes hospitalisées pour grippe depuis le début de l’épidémie, dont 211 sont toujours en réanimation. À ce jour, on dénombre 145 décès en métropole.

Dans nos territoires ultra-marins, en revanche, l’épidémie marque un répit.

Je voudrais insister sur ces cas graves car, ces derniers temps, les préoccupations relatives à l’organisation de la campagne ont sans doute contribué à rendre moins audibles les messages de santé publique que je porte depuis le début de cette épidémie.

Oui, la grippe A(H1N1) peut être dangereuse. Elle peut provoquer des formes graves, qui parfois évoluent vers le décès, chez des personnes déjà fragiles, mais aussi – phénomène quasi inexistant avec la grippe saisonnière – chez certaines qui ne présentent aucun facteur de risque. Ainsi, parmi les décès que nous déplorons, 25 sont survenus chez des personnes qui ne présentaient aucun facteur de risque, et 4 ont emporté des enfants qui, eux non plus, ne présentaient pas de facteur de risque et qui n’avaient pas 15 ans. C’est pourquoi, je juge insupportables les propos de ceux qui considèrent que nous en faisons trop parce qu’il n’y a « que » quelques décès.

Je ne souhaite pas verser dans l’exploitation de ces décès mais, en tant que ministre de la santé, je ne peux pas en accepter la survenue, alors que nous disposons désormais, grâce au vaccin, d’un moyen de nous en prémunir.

Personne ne peut prétendre avoir d’immunité naturelle complète contre ce virus qui, précisément, est nouveau. On a constaté que les personnes nées avant une certaine date étaient un peu moins sensibles, mais sans que cela signifie qu’elles bénéficient d’une protection aussi efficace que celle que confère la vaccination.

Plusieurs vaccins disposent d’une autorisation de mise sur le marché. Celle-ci n’est pas qu’un sigle. C’est une procédure très encadrée qui vise d’une part, à vérifier l’efficacité d’un médicament ou d’un vaccin, et, d’autre part, à s’assurer que son utilisation ne présente pas de risque, ou, plus exactement, qu’il présente un bénéfice supérieur au risque – on parle de « balance bénéfice-risque ». Et lorsqu’un vaccin se voit accorder une autorisation de mise sur le marché, cela signifie qu’il y a un réel bénéfice de santé à l’utiliser, à titre individuel et collectif.

Je connais la méfiance de certains de nos concitoyens qui ont entendu dire, émanant d’experts autoproclamés, que ces autorisations avaient été bradées. Cela me met en colère, car il s’agit de désinformation volontaire de la part de certains détracteurs de la vaccination. Comment peut-on imaginer qu’une agence de sécurité sanitaire, européenne ou nationale, accorderait une telle autorisation à la légère ? Ces autorisations ont été accordées parce que les résultats des essais réalisés le justifiaient et parce que des travaux préliminaires avaient été réalisés pour des vaccins produits selon la même méthode et dirigés contre le virus H5N1.

En quelque sorte, et parce que nous avions anticipé la survenue d’une pandémie grippale, nous disposions d’un « capital » de résultats d’essais cliniques que sont venus compléter des essais cliniques complets, réalisés sur les nouveaux vaccins.

Aujourd’hui, je souhaite une nouvelle fois rappeler devant vous le message de santé publique qui m’anime et qui guide mes actions : cette vaccination n’est obligatoire pour personne, mais il est de mon devoir de ministre de la santé de recommander à chacun de faire le choix de la protection, pour lui et pour ses proches, contre un virus qui peut prendre des vies.

À ce propos, je me réjouis que le taux de vaccination, chez les médecins de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, ait dépassé les 50 %, et qu’il atteigne même 100 % dans certaines unités. Cette adhésion, qui devrait être un exemple, n’est absolument pas relayée aujourd’hui dans les médias. Il est extrêmement dommageable que certains personnels de santé, ainsi que certains de nos compatriotes en soient restés aux doutes, voire aux dénigrements hélas portés par la presse au début de cette campagne vaccinale.

Quelles sont les perspectives en matière épidémiologique pour les semaines à venir ?

Les toutes dernières données semblent indiquer que l’épidémie se stabilise. Nous sommes sans doute proches du premier pic, comme les experts l’avaient prédit.

Il est probable que, ces prochaines semaines, certains effets s’annuleront, d’une part la fermeture des écoles pour les congés de fin d’année, dont on peut attendre un effet modérateur sur l’épidémie semblable à celui que l’on a connu lors des vacances de la Toussaint, d’autre part l’arrivée de la première vague de froid généralement propice au développement des virus de la grippe. Nous ne sommes, en effet, qu’au début de la saison hivernale qui favorise, en outre, la co-circulation d’autres virus respiratoires qui peuvent multiplier le risque de complications.

Il ne faut pas oublier, enfin, que les pandémies se déroulent souvent en plusieurs vagues successives, d’ampleur variable, les dernières étant malheureusement souvent, si on s’en réfère aux données historiques, plutôt plus virulentes que les premières. Il est donc évident que nous ne devons pas relâcher la vigilance et que la campagne vaccinale doit se poursuivre.

Précisément, où en sommes-nous de cette campagne ? À ce jour, près de 25 millions de Français ont été invités à se faire vacciner. Il s’agit de l’ensemble des populations prioritaires définies par le Haut conseil de la santé publique : personnes particulièrement exposées comme l’ensemble des professionnels de santé et de la chaîne de secours, personnes fragiles souffrant d’une des neuf affections de longue durée retenues par le Haut conseil, ensemble des enfants de 6 mois à 18 ans.

Le reste de la population, c’est-à-dire 40 millions de personnes, va progressivement commencer à être appelée, les envois de bons s’étalant jusque vers la fin du mois de janvier.

Du côté des vaccinations, un peu plus d’un mois après l’ouverture des centres, près de 3,5 millions de personnes se sont fait vacciner, dont plus de 2,8 millions dans les centres de vaccination, 260 000 dans les collèges et lycées, 350 000 dans les établissements de santé et dans la chaîne de secours et 20 000 résidents à l’étranger, dans les ambassades et consulats.

Je souhaite aussi faire un tour d’horizon de la situation dans différents pays qui ont fait le choix d’une campagne de vaccination. Sans entrer dans des comparaisons chiffrées, je signale que la France n’a absolument pas à rougir des résultats obtenus. Seuls deux pays se distinguent vraiment par leur taux d’adhésion et dépassent sensiblement celui atteint en France : le Canada et la Suède, pays où il y a une vraie culture de santé publique. Au Canada, le taux de vaccination atteint 90 % dans certaines régions, avec un système de centres de vaccination semblable au nôtre. En Suède, où l’accès à la médecine libérale n’est pas libre, plus de la moitié de la population a été vaccinée dans les 1 000 centres de santé primaire. Pour le reste, la France fait partie des pays où la campagne vaccinale est la plus avancée.

Je souhaite m’attarder un peu sur la situation de la Belgique, que l’on cite souvent en exemple. Son système de santé libéral est comparable au nôtre, mais ce pays a fait le choix de la vaccination par les médecins de ville. Aussi, j’ai jugé important d’avoir des échanges très nourris avec Mme Laurette Onkelinx, mon homologue belge, pour mieux comprendre la situation dans son pays.

Il en ressort que les professionnels de santé ont eu des difficultés à faire face à la tâche qui leur avait été confiée. Ils ont par conséquent eux-mêmes fait marche arrière et se regroupent désormais dans des structures communales, recréant ainsi des sortes de centres de vaccination « improvisés ». Surtout, hormis ce revirement organisationnel, il y a deux points, relevant de la sécurité sanitaire, qui me font aujourd’hui considérer que le choix que nous avons fait est le bon.

Tout d’abord, le choix de la vaccination par la médecine de ville a obligé les grossistes pharmaceutiques, qui ne disposent pas d’installations réfrigérées, à déconditionner des lots de vaccins livrés en boîtes de 50 flacons de 10 doses, dans des conditions qu’aucun professionnel de la chaîne pharmaceutique ne saurait qualifier de bonnes pratiques. Un tel déconditionnement aurait fragilisé le circuit du médicament, qui est en France l’un des plus sûrs au monde. J’ajoute qu’approvisionner nos médecins libéraux conduirait à approvisionner toutes les officines et que fournir une boîte à chacune de nos 22 000 pharmacies représenterait un total de 11 millions de doses !

L’autre point dur sur lequel je n’aurais pas accepté de baisser la garde est celui de la traçabilité. Vous le savez, nous avons souhaité mettre en place un système de traçabilité et de pharmacovigilance à la hauteur de l’enjeu que représente cette campagne de vaccination et cette traçabilité n’est possible que parce que les centres de vaccination comportent, en leur sein, des personnes dédiées à cette tâche cruciale pour la santé publique. En Belgique, les médecins de ville ont refusé de s’acquitter de ce travail administratif considérable et ma collègue est dans l’incapacité de savoir combien de personnes ont été vaccinées, la seule manière qu’ont les autorités de suivre la campagne vaccinale étant de dénombrer les vaccins qui ont été livrés au circuit pharmaceutique.

Je ne porte évidemment aucun jugement sur les choix faits par Mme Laurette Onkelinx. Je dis seulement que j’ai voulu pour mon pays un dispositif peut-être plus ambitieux et qui offre de meilleures garanties en termes de sécurité sanitaire. C’est la raison pour laquelle la comparaison récurrente avec la Belgique me semble avoir ses limites. Chaque pays fait des choix en fonction de ses priorités. J’ai choisi la sécurité et la transparence.

Comme je m’y étais engagée, justement, la plus grande transparence est appliquée au suivi des événements indésirables rapportés dans le cadre de cette vaccination. L’AFSSAPS publie ainsi, à ma demande et chaque semaine, un bulletin détaillant la totalité des signalements et de leur analyse. Jean Marimbert, son directeur général, pourra y revenir, mais je souligne d’ores et déjà que l’augmentation importante du nombre de personnes vaccinées ne s’est pas traduite par une augmentation anormale du nombre de signalements, qui restent dans les proportions attendues.

À ce stade de la campagne, le bilan est satisfaisant. Nous sommes sur un rythme de l’ordre d’un million de personnes qui se font vacciner chaque semaine. Ce résultat doit néanmoins être encore largement amélioré, au vu du nombre de personnes qui n’ont pas encore bénéficié de l’invitation qui leur a été envoyée. C’est la raison pour laquelle je continue à porter ce message de prévention.

Pour cela, s’il est vrai qu’au début les relais d’opinion ont beaucoup fait pour que les centres ne soient pas submergés, après un passage rendu difficile par une très brusque montée de l’affluence dans les centres – multipliée par 20 en une semaine, pour passer de 10 000 à 200 000 candidats à la vaccination –, nous avons, sous l’impulsion du Président de la République, avec mon collègue Brice Hortefeux, considérablement amélioré l’accès aux centres.

Cette amélioration a été quantitative, avec l’augmentation du nombre de centres ouverts chaque jour, qui approchent les 900 contre 500 en début de campagne, et l’élargissement des plages horaires d’ouverture, de 8 heures à 22 heures, ainsi que le dimanche, dans les grandes agglomérations. Je constate d’ailleurs que ceux-là mêmes qui demandaient que les plages soient plus larges demandent aujourd’hui qu’elles soient réduites. Nous avons voulu que cette amélioration soit aussi qualitative, avec l’amélioration de l’accueil et de la gestion des éventuelles files d’attente. Un sous-préfet a enfin été spécifiquement désigné dans chaque département pour vérifier le bon fonctionnement du dispositif et le strict respect des règles de sécurité sanitaire.

Depuis presque quinze jours, nous avons également élargi les modalités de cette vaccination en multipliant les équipes mobiles, qui permettent de vacciner dans des collectivités comme les collèges, les lycées, les établissements médico-sociaux ou enfin les établissements pénitentiaires.

Nous avons enfin ouvert la possibilité à des médecins, sous réserve qu’ils soient rattachés à un centre de vaccination et y aient fait au moins une vacation, de vacciner leur patientèle isolée et à mobilité réduite.

Cette montée en charge du dispositif a nécessité une mobilisation tout à fait exceptionnelle de professionnels de santé et de cadres administratifs. Ainsi 8 000 médecins, 25 000 infirmiers ou professionnels paramédicaux et 30 000 cadres administratifs ont été mobilisés chaque jour pour faire fonctionner le dispositif dans son ensemble.

Cette mobilisation a été rendue possible par le fait que le dispositif retenu permet de solliciter l’ensemble des catégories de professionnels de santé.

S’agissant des médecins, par exemple, nous avons pu mobiliser des internes, des médecins retraités, des médecins du travail, des médecins de l’Éducation nationale, des généralistes qui ont souhaité participer à cette grande campagne de santé publique, et des médecins du Service de santé des armées. Je veux d’ailleurs réitérer mes profonds remerciements à tous ces professionnels qui se sont remarquablement mobilisés.

L’organisation en centres de vaccination nous a évité de faire porter l’effort sur une seule catégorie de professionnels et permis d’associer l’ensemble de celles-ci. C’est ce qui se serait passé si nous avions confié l’ensemble de la vaccination aux médecins libéraux, comme le réclament certains : alors qu’ils doivent déjà faire face aujourd’hui à un excès de plus de 850 000 consultations par semaine, auxquelles vont bientôt s’ajouter celles pour bronchiolites, gastroentérites et autres pathologies hivernales, c’eut été extrêmement compliqué, pour ne pas dire impossible.

Aujourd’hui, le résultat est là. Depuis quinze jours, le dispositif fonctionne bien. Les files d’attente ont disparu et nous avons triplé le nombre de personnes vaccinées dans les centres.

Certes, il a pu y avoir, ça et là, des problèmes dans l’organisation, en particulier dans la mise en œuvre des réquisitions. Nous avons par conséquent rappelé par circulaire aux préfets, avec le ministère de l’Intérieur, les bonnes pratiques en la matière :

– respecter l’ordre de priorité des professionnels à mobiliser pour préserver la médecine de ville ;

– s’appuyer sur les listes fournies par les établissements de santé, qui sont les mieux à même de savoir quels professionnels l’on peut mobiliser ;

– ne pas réquisitionner les professionnels plus de deux vacations par semaine ;

– respecter les périodes d’examens des étudiants ;

– ne pas mobiliser les médecins du travail des établissements de santé qui vaccinent les patients hospitalisés et les familles des soignants.

Si ces précautions sont observées, la mobilisation des professionnels de santé, que j’ai observée sur le terrain et dont j’ai déjà salué l’importance, se poursuivra.

Je voudrais, enfin, revenir sur la question de la préservation de notre système de soins dans le contexte actuel. Nous le savons, la médecine ambulatoire doit faire face à la surcharge des consultations pour grippe, alors que les autres pathologies arrivent, ainsi que les fêtes de fin d’année, qui sont toujours une période de tension pour le système de soins. Ces tensions pourraient évidemment être exacerbées par la pandémie.

C’est pourquoi j’ai été amenée à prendre des mesures particulières :

– les 26 décembre et 2 janvier seront considérés, pour l’organisation de la permanence des soins en ville, comme des jours fériés ;

– les préfets pourront rémunérer un plus grand nombre de médecins pour assurer la permanence des soins dans les secteurs qui le nécessitent lors des congés de fin d’année ;

– les centres 15 seront renforcés en augmentant le nombre de médecins libéraux qui participent à la régulation médicale.

Je conclurai en réitérant mes remerciements aux professionnels qui se mobilisent chaque jour dans les centres de vaccination. Leur gentillesse, leur professionnalisme et leur engagement, que j’ai pu constater à l’occasion de mes visites dans des centres de vaccination, m’ont véritablement marquée. J’ai réuni, la semaine dernière, toute la communauté médicale pour lui témoigner ma reconnaissance, mais je veux le redire devant la représentation nationale, au nom du Gouvernement et de nos concitoyens, à qui ils assurent la meilleure des protections en cette période de pandémie.

Mme Véronique Besse. Merci de nous donner ainsi régulièrement des informations claires et précises sur un sujet à propos duquel on entend souvent tout et n’importe quoi.

En réponse aux questions qui nous sont posées sur le terrain, pourriez-vous nous indiquer à quelle date l’ensemble de la population pourra se faire vacciner ? Faut-il attendre d’avoir reçu un bon pour se rendre dans un centre de vaccination ?

Est-il vrai par ailleurs que l’on connaîtra un nouveau pic de l’épidémie aux alentours du mois de février ?

Enfin, est-il vraiment indispensable, alors que l’affluence sera probablement modérée, que les centres de vaccination soient ouverts le 26 décembre et le 2 janvier, au risque de lasser les professionnels de santé qui sont continuellement sur le pont ?

Mme Catherine Lemorton. À vous entendre, madame la ministre, on a l’impression que tout va bien, mais on sait bien que, sur le terrain, le mécontentement gronde, à tort ou à raison, au sein des différentes catégories de professionnels de santé.

Pourriez-vous nous indiquer, outre le nombre des personnes vaccinées, celui des personnes qui ont contracté la grippe A à ce jour et qui sont donc potentiellement protégées ?

La stratégie vaccinale pour les moins de neuf ans demeure-t-elle de deux injections à trois semaines d’intervalle ?

Combien d’enfants de 6 à 24 mois – mais la question se pose aussi pour tous ceux de moins de 15 ans – ont-ils été testés pour que l’autorisation de mise sur le marché soit délivrée, sachant que l’on ne peut pas étendre à cette tranche d’âge le modèle qui vaut pour la grippe saisonnière puisque ces enfants n’ont jamais fait l’objet d’une vaccination systématique ?

Enfin, alors que l’on préconise une prescription massive du Tamiflu, la fiche de transparence de la Haute autorité de santé, qui a réévalué le service médical rendu le 21 octobre 2009, conclut qu’il n’y a pas d’intérêt de santé publique du Tamiflu dans le traitement de la grippe, que cet intérêt est faible en prophylaxie post-contact et que le service médical rendu reste insuffisant pour le traitement curatif de la grippe dans toutes les catégories de population. Dans ces conditions, pourquoi déployer le Tamiflu en direction de l’ensemble de la population ?

Mme Edwige Antier. Merci beaucoup, madame la ministre, pour la politique que vous menez.

Comme prévu, dès que le froid est arrivé et que le virus s’est un peu répandu, tout le monde a eu envie de se faire vacciner et les centres ont connu une affluence et ont dû être réorganisés.

Dans ces conditions, on ne peut que regretter qu’après avoir attendu plusieurs heures pour se faire vacciner ainsi que ses trois enfants, une maman s’entende dire que son mari aurait pu l’être en même temps, même s’il n’avait pas reçu le bon de vaccination. Pourquoi ne pas prévoir plutôt une organisation qui permettrait de se présenter sans bon, uniquement avec sa carte vitale ?

Pouvez-vous par ailleurs nous indiquer dans quels délais les laboratoires mettront à disposition des conditionnements individuels ?

S’il semble que les Belges ont quelques problèmes avec la traçabilité, pour leur part les médecins français sont habitués, pour tous les vaccins, à coller sur les carnets de santé la vignette portant le numéro du lot. Il suffirait donc que le conditionnement change pour que nous prenions le relais, ce qui pourrait être indispensable à l’issue de la vaccination dans les centres, car on constate que les gens se décident souvent très tard à se faire vacciner – certains ne le feront même que l’été prochain, au moment de partir en voyage.

Enfin, j’ai cru comprendre que les vaccins étaient efficaces malgré les mutations actuelles du virus. Le fait d’accélérer la vaccination et de réduire la propagation peut-il faire diminuer le risque de mutation ?

M. Dominique Dord. Je puis témoigner que tout va bien sur « mon » terrain : en Savoie, où j’ai fait le point récemment avec le préfet : les centres de vaccination fonctionnent bien et il n’y a pas de file d’attente dramatique. Vos services doivent en être remerciés.

Alors que nous sommes engagés dans un combat contre la maladie, je suis affligé par une polémique que je juge déplacée, si ce n’est obscène, entre ceux qui trouvaient auparavant que vous en faisiez trop et ceux – parfois les mêmes ! – qui vous reprochent aujourd’hui de ne pas aller assez vite et de ne pas élargir la vaccination aux médecins libéraux.

Je reprends les chiffres, 25 millions de Français ont été invités à se présenter dans les centres de vaccination, 3,5 millions d’entre eux ont répondu à cette invitation, 5 millions de personnes ont contracté la grippe. Or, nous sommes dans la première phase, au cours de laquelle les personnes prioritaires ont été avisées et l’on peut donc imaginer que le taux de réponse sera moins important par la suite. Voilà le vrai sujet, qui tient moins à l’organisation qu’à des aspects psychologiques ! Il est donc injuste, au regard des faits, de critiquer le système que vous avez mis en place.

Si vous ne pouvez dire vous-même, madame la ministre, que le vaccin revient aujourd’hui à 5 euros alors qu’il en coûterait plus de 20 chez un médecin, pour ma part, je le dis et, quand j’entends certaines revendications corporatistes, j’invite chacun à prendre ses responsabilités !

Quoi qu’il en soit, si l’on estime qu’au sortir de cette affaire, moins de 10 millions de Français se seront fait vacciner, on sera fort loin de l’espoir que toute la population soit couverte.

M. Denis Jacquat. Je vous félicite, madame la ministre, de venir aussi régulièrement nous délivrer ces informations.

La situation des patients isolés me préoccupe beaucoup : la préfecture de la Moselle n’est pas en mesure de répondre à la demande des proches des personnes grabataires et j’ai écrit au préfet que j’ai honte que l’on ne puisse pas vacciner des personnes qui ont fait le choix du maintien à domicile et qui sont obligées de faire appel à leur député-médecin pour trouver une solution. Je ne peux pas comprendre que les services n’aient pas pensé à monter des équipes pour vacciner ces personnes.

M. le président Pierre Méhaignerie. Ou à faire appel aux médecins des établissements d’accueil pour personnes âgées dépendantes.

M. Denis Jacquat. Je trouve par ailleurs pour le moins paradoxal que les médecins hospitaliers refusent de se faire vacciner : il serait choquant que des patients, venus consulter pour une pathologie simple, sortent de l’hôpital contaminés par un médecin porteur du virus de la grippe !

Cher Dominique Dord, si les choses fonctionnent bien en Savoie, ce n’est pas le cas en Moselle, département qui est pourtant habituellement remarquablement organisé. Je trouve inadmissible de devoir faire la queue quatre heures pour être vacciné. Si nous avions été consultés, nous aurions pu donner quelques idées pour améliorer l’organisation.

Le conditionnement en flacon de 10 doses n’empêche pas les médecins libéraux belges et luxembourgeois de vacciner leurs patients : il leur suffit de les convoquer à une heure donnée. Cette formule est souple, elle n’entraîne aucun gaspillage et elle évite les files d’attente d’autant plus pénibles qu’il fait froid.

M. Jean-Pierre Door. Je vous remercie, madame la ministre, de venir faire régulièrement le point devant nous.

À nos collègues qui réclament la création d’une mission d’information, je rappelle que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui regroupe des membres du Sénat et de l’Assemblée nationale, de la majorité comme de l’opposition, travaille sur cette question et qu’il a déjà organisé deux colloques ouverts à la presse au cours desquels des aspects médicaux, virologiques et scientifiques ont été abordés en présence du président du Conseil de l’ordre, de représentants des syndicats médicaux, des usagers, des élus locaux et des parlementaires, mais deux membres de notre commission seulement étant présents ! Au lieu de demander une nouvelle mission d’information, mieux vaudrait assister aux réunions organisées par ailleurs !

Lors du dernier colloque, nous avons débattu des cafouillages dans les centres de vaccination, de la situation des médecins libéraux, du manque d’information, du problème des vaccinations individuelles, etc. Un certain consensus s’est dégagé pour constater d’une part qu’il y avait un déni du risque, d’autre part que le Gouvernement avait fait un choix lucide face à l’urgence et aux impératifs de traçabilité et de sécurité. Le système des bons informatiques permettra de savoir contre qui se retourner en cas de problème ultérieur.

Je constate tout ceci dans le centre de vaccination auquel je participe, qui pratique 200 vaccinations par jour depuis son ouverture, où tout se passe très bien et où les files d’attente sont de moins en moins importantes. Pour les réguler, avec l’accord de la préfecture, nous avons mis à la tête des centres des élus municipaux, qui ont un contact direct avec la population.

Si l’on veut que nos concitoyens adhèrent aux campagnes de vaccination afin d’éviter des risques ultérieurs, il conviendrait sans doute de faire preuve de plus de sérénité et d’éviter les polémiques stériles, que les autres pays ne connaissent pas.

M. Georges Colombier. Un élu de ma circonscription a observé que la vaccination coûterait 100 000 euros à sa ville. L’État remboursera-t-il cette dépense imprévue ?

M. le président Pierre Méhaignerie. La question se pose aussi pour l’immobilier, même s’il me semble que, dans ce contexte, les collectivités locales peuvent mettre gratuitement leurs locaux à disposition.

Mme Michèle Delaunay. Bien que les choses ne se passent pas trop mal à Bordeaux, on peut, sans polémique, s’interroger sur les problèmes de communication que dénote le manque d’adhésion du public et des soignants.

J’évoquerai trois questions. Tout d’abord, bien que les réquisitions aient été faites, selon votre expression, « avec tact et mesure », les médecins hospitaliers – notamment ceux des services d’urgence, qui sont véritablement en première ligne – n’ont pas apprécié de ne pas faire l’objet du même ménagement que les médecins traitants, qui n’ont pas été sollicités au motif qu’ils ont un surcroît de travail.

En deuxième lieu, les médecins traitants ont très mal vécu le fait de recevoir du ministère des injonctions – de surcroît contradictoires – quant à la prescription du Tamiflu, qui mettent en cause leur compétence et peuvent, par ailleurs, les mettre en difficulté dans le cas où la famille d’un patient serait tentée d’associer la non-prescription de Tamiflu à l’aggravation de l’état de ce patient.

Enfin, pourquoi la France a-t-elle acheté plus de doses de vaccins qu’il n’y a d’habitants dans notre pays ?

M. Gérard Bapt. Nous ne cherchons pas la polémique.

Mme la ministre. Peut-être pas vous, monsieur Bapt, mais je tiens à votre disposition tout un florilège de déclarations quelque peu polémiques de certains de vos amis.

M. Gérard Bapt. Sur un sujet comme celui-ci, un colloque ne saurait remplacer un suivi de plusieurs mois. Une mission d’information aurait pu vous aider à ajuster le tir, madame la ministre, mais il est un peu tard.

Mme la ministre. C’est une question interne à votre commission. Si vous m’invitez, je viendrai, bien entendu.

M. Gérard Bapt. La question est évolutive. De fait, malgré certains cas graves, la grippe s’est révélée bien moins dangereuse qu’on ne l’avait initialement supposé, à la suite de l’Organisation mondiale de la santé. Quant au dispositif, il est, si j’ose dire, « grippé » dans certains départements.

La question de la participation des médecins traitants, sur laquelle la communication a été défaillante, reste posée. Vous avez choisi une stratégie vaccinale de masse et il semble difficile de changer de cap, alors que la vaccination par les généralistes semble fonctionner très bien dans d’autres pays, comme la Belgique – malgré la question de la traçabilité, qui se pose différemment en Flandre et en Wallonie –, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Le fait que le vaccin soit livré en flacons de 10 doses n’explique pas tout, et sans doute avez-vous aussi commandé des unidoses. Pourquoi donc ne pas impliquer les généralistes, au lieu de réquisitionner des médecins, des élèves infirmiers à la veille de leurs examens ou des internes, et de renforcer la permanence des soins à la veille de Noël, à la grande surprise du Conseil de l’ordre ? Les syndicats de médecins ne semblent pas avoir reçu les cahiers des charges que M. Houssin m’a dit leur avoir envoyés. Qu’en est-il de l’expérimentation qui serait menée dans le Calvados avec les médecins généralistes ? Pourquoi la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales impose-t-elle à un établissement pour handicapés lourds, situé dans ma commune, de transporter ses patients au centre de vaccination ? Pourquoi les généralistes ne peuvent-ils pas vacciner les personnes très dépendantes qu’ils visitent à domicile ?

Mme Valérie Boyer. Merci, madame la ministre, de répondre à nos questions et, surtout, de résister à la campagne de confusion à laquelle nous assistons.

L’organisation de la vaccination dans les établissements scolaires du secondaire est surprenante. En effet, les élèves étaient très peu nombreux à se faire vacciner et on les a pratiquement découragés de le faire à la moindre trace d’allergie ou de maladie, sans pour autant que les personnes chargées de promouvoir la vaccination leur proposent d’autre solution. Il est choquant que, sur fond de désinformation, on ait plus peur de la vaccination que de la maladie.

M. Michel Issindou. Fort heureusement, la grippe se révèle aujourd’hui moins grave qu’on ne l’annonçait en septembre. L’organisation que vous avez choisie et que vous avez décrite comme fonctionnant bien rencontre cependant quelques difficultés – à Grenoble par exemple, où l’on a observé des queues de trois heures dans le froid devant les centres de vaccination. Par ailleurs, je n’imagine pas que vous ayez pu oublier sciemment de remercier les collectivités locales, qui, dans l’ensemble, ont bien joué le jeu de la vaccination.

Mes questions seront pratiques, et nullement polémiques. Tout d’abord, que faire des 12 000 masques de protection acquis, selon les instructions du préfet, par la petite commune de 6 500 habitants dont je suis maire ?

Par ailleurs, la demande étant désormais moins importante dans les centres de vaccination, ne serait-il pas possible de permettre à tous ceux qui le souhaitent de se faire vacciner sans nécessairement attendre de recevoir un bon à cet effet ? Il semble du reste que cela se produise déjà parfois spontanément ainsi.

Mme Jacqueline Fraysse. Je comprends bien les difficultés d’une opération de santé publique d’une telle envergure et je regrette les polémiques auxquelles a donné lieu la vaccination. On sait depuis Pasteur que la vaccination est utile et les informations contradictoires qui ont été diffusées ont semé le trouble chez les patients – et même, ce qui est très préoccupant, dans les milieux médicaux et paramédicaux. Il faut cependant nous demander pourquoi nous sommes dans la situation actuelle.

L’organisation des réquisitions devrait être revue. En effet, les internes sont parfois réquisitionnés sans aucun document écrit, ne sont pas informés de leurs responsabilités et ne savent même pas s’ils ont le droit de refuser. Souvent, les conditions matérielles de leurs missions sont très difficiles. Dans les Hauts-de-Seine, les élèves infirmières s’inquiètent, quant à elles, de leurs examens.

Il semblerait utile d’associer à la vaccination les médecins généralistes qui accepteraient les contraintes de cette campagne, pour répondre tant aux besoins des réquisitions qu’à la demande de certains médecins et aux besoins particuliers déjà évoqués, en termes par exemple de vaccination à domicile.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Si, comme vous l’avez indiqué, madame la ministre, l’épidémie régresse dans les territoires ultramarins, la campagne de vaccination va-t-elle se poursuivre et tous les citoyens qui le souhaitent pourront-ils être vaccinés ?

Je rappelle par ailleurs que nos territoires subissent également l’épidémie de dengue et qu’il conviendrait de poursuivre les recherches déjà engagées pour trouver un vaccin.

Mme la ministre. Il y a aussi le chikungunya !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Oui, mais à la Réunion. J’évoquais pour ma part le cas de la Guadeloupe. Du reste, il avait aussi été question de rechercher un vaccin contre le chikungunya, mais cela remonte déjà à trois ans.

M. Céleste Lett. Madame la ministre, je suis outré par la détestable schizophrénie de certains, qui vous reprochaient hier votre extrême prévoyance et se plaignent aujourd’hui d’un dysfonctionnement, qui n’est pourtant que sporadique. Dans ma ville de Moselle, les choses se passent bien, même si ce n’est peut-être pas le cas partout. La vaccination se déroule dans l’ancien hôpital, laissé désert par l’inauguration, en janvier, de celui que vous avez créé.

Plusieurs médecins m’ont dit être choqués de constater que certains personnels au contact de malades fragiles, notamment sous chimiothérapie, ne sont pas vaccinés. Ne faudrait-il pas rendre la vaccination obligatoire dans ces cas ?

M. Dominique Dord. Du point de vue de la santé publique, quel est l’intérêt d’associer les médecins généralistes à la campagne de vaccination ? Les médecins donneraient-ils des conseils plus favorables à la vaccination sous prétexte qu’ils y participeraient ? Le problème n’est pas l’organisation, mais le fait que les Français ne répondent pas aux convocations.

M. le président Pierre Méhaignerie. Que peut-on faire pour remédier au malaise que l’on ressent chez les médecins généralistes ? Par ailleurs, le débat sur la vaccination dans notre pays dépasse le cadre de la campagne actuelle : d’une manière générale, le carnet de vaccination des jeunes n’est pas tenu. Comment assurer une meilleure protection contre tous les risques ?

Mme la ministre. Les questions sont nombreuses – certaines presque philosophiques, d’autres très pratiques. Comment un grand pays avancé mène-t-il des campagnes de santé publique ? Notre système de santé est-il capable de faire face à l’organisation d’une telle campagne ? Comment réfléchir à notre système de santé ?

En la matière, les comparaisons avec les pays étrangers sont toujours hasardeuses. En effet, les systèmes et les mentalités, ainsi que l’adhésion à l’autorité de l’État et à sa légitimité à intervenir dans le colloque singulier entre le patient et le médecin, sont très différents. De surcroît, le faible taux d’adhésion, dans notre pays, de l’opinion publique et des personnels soignants – en particulier des infirmières – à la vaccination est bien antérieur à l’apparition de la grippe. En revanche, les campagnes que nous avons menées ont permis une meilleure adhésion des professionnels de santé, bien supérieure à celle que nous enregistrions au début de la vaccination grippale. Chez les infirmières, je le rappelle, les taux étaient catastrophiques.

Pour ce qui est des médecins généralistes, il n’est pas question de remettre en cause leur capacité à pratiquer l’acte de vaccination, qui est du reste extrêmement simple. Les seules difficultés sont d’ordre logistique, du fait de la présentation du vaccin en flacon multidoses. Les généralistes sont bien évidemment les bienvenus, lorsqu’ils vaccinent dans les centres de vaccination, où ils sont d’ailleurs très nombreux. Ils ne sont nullement mis à l’écart.

Je tiens cependant à rappeler les données qui ont fondé notre choix d’organisation. Elles tiennent notamment à notre histoire et à la structuration de notre système de santé. On ne change pas un système de santé une semaine avant une campagne vaccinale. Il n’est guère pertinent d’invoquer le succès de la vaccination en Suède ou en Angleterre, où le système de santé est totalement étatisé, avec des médecins salariés. Il est assez étonnant d’entendre vanter ce système par certains tenants d’une médecine ultralibérale !

Nous avons également dû nous adapter à certaines contraintes. En effet, la presque totalité des vaccins dont nous disposons nous ont été livrés, je le rappelle, en boîtes de 50 flacons de 10 doses. C’est ce qui nous a permis de recevoir ces vaccins avec deux mois d’avance par rapport à une livraison sous forme d’unidoses. Nous disposons certes de vaccins de ce type, réservés à des cas particuliers – par exemple à nos concitoyens à l’étranger –, mais si nous avions fait le choix d’une vaccination unidose, nous n’aurions encore reçu que très peu de vaccins. La présentation actuelle fait du reste partie des éléments qui contribuent à la sécurité de la chaîne.

Enfin et surtout, n’allez pas croire que je sois assise devant un gigantesque frigo qui contiendrait 94 millions de doses de vaccin. Les livraisons des vaccins sont échelonnées, de sorte que nous n’avons pas pu appeler en une seule fois l’ensemble de la population, et que nous l’avons fait en commençant par les plus fragiles de nos compatriotes. Là encore, il est plus facile d’observer ce principe éthique et médical de « public prioritaire » dans des centres de vaccination que dans la filière de la médecine générale. Voilà pour l’amont.

Quant aux 57 000 médecins généralistes, ils nous ont fait savoir qu’ils n’étaient certainement pas tous disposés à vacciner. Ainsi, selon un sondage du Quotidien du médecin publié le 21 septembre, la moitié d’entre eux refusait de le faire. De même, une union régionale des médecins libéraux a fait savoir au ministère que, tous syndicats confondus, ses médecins se refusaient à la vaccination.

Une campagne de vaccination par l’intermédiaire des généralistes aurait donc supposé une consultation préalable des 57 000 médecins, pour leur demander s’ils voulaient vacciner et quel volume d’activité ils étaient prêts à consacrer à la vaccination. De fait, il n’est pas question de vacciner un quart d’heure de temps à autre – une vaccination demande au moins 20 minutes à des équipes rodées, si l’on compte le temps d’entretien avec le patient, l’injection et les opérations liées à la traçabilité. Nous sommes loin de l’image de la caserne où l’on vaccinait les appelés à la chaîne après les avoir mis à poil.

M. Michel Issindou. J’en suis resté à ce souvenir d’il y a trente ans…

Mme la ministre. Les exigences de nos concitoyens sont désormais plus élevées. La vaccination n’est nullement bradée. Certains jours, comme mercredi dernier, on a atteint des pics de 250 000 vaccinations. Les centres de vaccination sont ouverts sept jours sur sept. Si l’on tient compte du fait que les médecins ne consultent pas tous les jours, que certains sont en exercice particulier ou exercent à temps partiel, ce sont en moyenne 10 000 médecins qui pourraient vacciner chaque jour, ce qui représente 25 consultations de 20 minutes pour chacun d’eux. Bien évidemment, nous avons testé et évalué ces chiffres.

Il ne faut pas négliger les difficultés de la chaîne logistique. La traçabilité, qui suppose notamment le renvoi des bons, n’est pas sans poser certains problèmes, comme l’illustre l’exemple de la Belgique.

Nous avons donc fait le choix de protéger nos médecins généralistes, confrontés cette semaine à plus de 900 000 consultations supplémentaires liées à la grippe, aux bronchiolites et aux gastro-entérites. Nous avons besoin d’eux.

J’observe d’ailleurs qu’aucun généraliste ni aucun syndicat, même parmi les plus virulents, ne réclame que la totalité de la vaccination soit confiée à ces médecins. Ils souhaitent donner un « coup de main » – et, de fait, bon nombre d’entre eux viennent passer quelques heures dans les centres de vaccination, dans des conditions sécurisées et en étant rémunérés pour cela. Depuis le début du mois de décembre, un médecin qui soigne des personnes à domicile ou intervient dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou des maisons de retraite peut se fournir, selon ses besoins, dans les centres de vaccination, à la seule condition qu’il ait préalablement assuré une vacation dans un de ces centres afin de se former aux exigences de sécurité de la chaîne de vaccination – y compris à l’usage du questionnaire, du bon à remplir et de la fiche de traçabilité. Cette condition n’a rien d’extravagant. Il y a, je le répète, quinze jours que cet élargissement à la médecine de premier recours a été mis en place.

M. Gérard Bapt. C’est donc que vous avez évolué.

Mme la ministre. Cette évolution est possible à mesure que les vaccins nous sont livrés.

Je le répète, ce modèle n’a rien de figé et nous l’adaptons en permanence. Ainsi, la pression ayant diminué en matière de vaccinations dans les hôpitaux, j’ai autorisé depuis plusieurs jours la vaccination à l’hôpital pour les familles du personnel hospitalier. Pour ce qui concerne les horaires d’ouverture, nous voyons bien, après une flambée de demande, que le rythme commence à se réguler et sans doute ces horaires pourront-ils être réduits. Un deuxième pic est néanmoins possible et il importe de pouvoir rester réactifs. Durant la période des fêtes, je souhaiterais que les centres de vaccination soient ouverts dans la matinée du 24 et du 31 décembre et puissent être fermés l’après-midi de ces jours, ainsi que les 25 et 26 décembre, voire le 2 janvier. Les centres rouvriraient donc dans l’après-midi du dimanche 27 décembre, et de même à nouveau dans l’après-midi du 3 janvier, afin que les équipes puissent se reposer à une période où les demandes ne seront sans doute pas très nombreuses.

Le système doit être souple. Bien sûr que l’on peut se faire vacciner sans avoir reçu de bon – c’est d’ailleurs ce qui se passe déjà.

Mme Michèle Delaunay. Pourquoi ne pas l’annoncer ?

Mme la ministre. Je tiens à conserver de la réactivité sur le terrain. Nous devons en effet gérer la situation en flux tendu, en fonction de l’approvisionnement en vaccins.

M. Jean-Pierre Door. Dans les centres de vaccination, l’informatique permet déjà de délivrer immédiatement un bon en liaison avec la caisse primaire.

Mme la ministre. Je le répète, le dispositif évolue constamment. Ainsi, un médecin peut se constituer en équipe mobile et, même s’il est volontaire, agir, sous le régime de la réquisition, pour des raisons de sécurité juridique.

Madame Fraysse, je tiens ma circulaire relative aux réquisitions à votre disposition. Je rappelle que la liste de ces réquisitions n’est pas établie par la DDASS, mais par les directeurs des établissements hospitaliers. Je suis donc surprise que des internes soient prélevés dans les services d’urgence, alors qu’ils doivent l’être dans les services « froids ». Ma circulaire du 1er octobre ayant manifestement été oubliée, j’en ai rédigé une autre la semaine dernière, où je rappelle que le nombre de vacations ne doit pas excéder deux par semaine et les personnels concernés doivent être prévenus 48 heures à l’avance.

Je tiens toutefois à souligner que, sur les 20 000 internes français, 10 000 se sont portés volontaires et 1 800 ont participé à la campagne de vaccination.

Mme Jacqueline Fraysse. Tous ceux qui participent sont-ils volontaires ?

Mme la ministre. Il peut y avoir des réquisitions selon les lieux et les moments, mais, je le répète, 10 000 se sont proposés.

La réquisition doit se faire, vous l’avez rappelé, « avec tact et mesure » et à la main du directeur d’établissement, en liaison avec les organisations d’internes, afin de gérer cette organisation d’une manière aussi humaine que possible. Les dysfonctionnements sont, je l’espère, réglés.

Pour les questions très techniques portant sur la stratégie de vaccination à une ou deux injections et sur l’usage du Tamiflu, je laisse la parole à Didier Houssin et à Jean Marimbert.

M. Didier Houssin, directeur général de la santé. J’évoquerai d’abord la question de la prescription du Tamiflu. Je rappelle à ce propos que la Commission de la transparence, qui a été évoquée, exprime un avis sur le remboursement des médicaments et non sur la stratégie de lutte contre l’épidémie. Nous avons régulièrement consulté les experts pour connaître leur recommandation en matière de prescription de médicaments antiviraux.

Ils ont souligné plusieurs points. Tout d’abord, la pandémie grippale présente des formes graves chez des gens jeunes. Par ailleurs, l’analyse des résultats observés dans l’hémisphère Sud révèle, en Argentine, une mortalité élevée et une prescription d’antiviraux très faible et, au Chili, une mortalité beaucoup plus faible et une prescription d’antiviraux élevée. Enfin, l’Institut de veille sanitaire a constaté que les formes graves observées en France étaient souvent corrélées avec l’absence ou l’administration tardive du traitement antiviral. Le Comité de lutte contre la grippe a donc recommandé d’ouvrir l’indication de prescription des médicaments antiviraux dans les formes cliniques et pour les personnes ayant un contact étroit avec une personne malade.

Cette recommandation n’est cependant pas une instruction et les médecins peuvent décider de la suivre ou non. Elle nous a cependant paru importante, compte tenu de la phase ascendante que connaissait l’épidémie et de son niveau élevé. L’objectif est de réduire le nombre et la gravité des formes cliniques. Je rappelle que l’Organisation mondiale de la santé a formulé une recommandation relative à la prescription des médicaments antiviraux – recommandation qui pourrait changer dans quelques semaines en fonction de l’évolution de la situation.

Pour ce qui est de la probabilité d’un deuxième pic de la pandémie, je rappelle que les pandémies du passé, notamment celle de 1918 et 1919, présentaient une succession de vagues. En outre, la pandémie actuelle a connu dans l’hémisphère Nord une vague estivale, qui a touché les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne. Elle peut donc réserver encore des surprises. De surcroît, le taux d’attaque observé dans l’hémisphère Sud, compris entre 10 % et 20 %, était supérieur dans certaines zones. On ne peut donc exclure l’hypothèse d’une autre vague, qui surviendrait en février ou mars. La fraction de la population touchée ou vaccinée aujourd’hui n’est pas suffisante pour que nous puissions abandonner la prévention par la vaccination. Plus les personnes vaccinées seront nombreuses, moins le risque d’un deuxième pic sera important.

M. Jean Marimbert, directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. La décision de procéder à une vaccination à une ou deux doses dépend d’abord des effets observés durant les essais cliniques. En fonction de l’immunogénicité observée, le vaccin sera considéré comme efficace après injection d’une ou de deux doses – l’effet étant ici variable selon les tranches d’âge.

Deux types de vaccins sont utilisés : les vaccins pandémiques utilisés dans le cadre de la procédure centralisée européenne de l’Agence européenne du médicament (EMEA) – soit, en France, principalement Pandemrix et, dans une moindre mesure, Focetria – et Panenza, vaccin non adjuvanté que j’ai autorisé dans le cadre d’une autorisation de mise sur le marché nationale et « décentralisée », c’est-à-dire associant dans l’évaluation la France, pays rapporteur, et cinq autres pays. Ces vaccins obtiennent des résultats différents.

Pour ce qui est de Pandemrix, le Comité des médicaments à usage humain, extrapolant les résultats obtenus par le vaccin prototype contre la grippe H5N1, a recommandé en septembre une injection en deux doses pour les enfants jusqu’à l’âge de 9 ans. Depuis lors, les essais cliniques réalisés chez des enfants de la tranche de 6 à 35 mois ont révélé que la deuxième dose n’apportait pas de gain significatif d’immunogénicité. Par ailleurs, les essais cliniques et l’administration en situation réelle, notamment dans les pays qui, comme la Suède, ont commencé tôt la vaccination et ont ainsi eu le temps d’injecter deux doses de Pandemrix, ont également révélé une réactogénicité beaucoup plus forte : les enfants présentaient plus souvent une fièvre plus élevée. Le Comité européen a donc réexaminé la question voici une quinzaine de jours et le croisement de ces deux éléments lui a permis de conclure que le niveau d’efficacité était assez bon avec une seule dose. Les autorités vaccinales nationales restent cependant libres d’opter pour une stratégie à une ou deux doses. Le même raisonnement a été suivi à propos des effets indésirables pour la tranche d’âge des 3 à 9 ans. En conclusion, on peut donc administrer aujourd’hui une vaccination en une dose avec un bon rapport bénéfices-risques.

Pour ce qui est du vaccin Panenza, non adjuvanté, les effets cliniques ont fait apparaître que deux doses étaient nécessaires pour obtenir un bon niveau d’efficacité pour les enfants jusqu’à 8 ans inclus – les enfants de moins de 3 ans recevant deux injections d’une demi-dose et ceux de 3 à 8 ans deux injections d’une dose entière.

Le schéma de vaccination est donc différent pour les deux produits, en fonction de leur dossier. Il est donc impossible d’adopter une stratégie unique sans mettre en péril l’efficacité de la vaccination.

Mme la ministre. Le virus de la grippe A(H1N1) n’est connu que depuis le 25 avril. Il est donc normal que les préconisations formulées à partir de la grippe saisonnière évoluent en fonction de l’expérience qui remonte du terrain. Un article consacré par le British Medical Journal à l’efficacité de l’Oseltamivir a été abondamment cité à tort par la presse généraliste comme s’il se rapportait à la grippe A(H1N1), alors qu’il concernait la grippe saisonnière.

Nous ne donnons pas d’instructions aux médecins : nous leur communiquons les informations dont nous disposons et ils font ensuite ce qu’ils veulent.

Mme Catherine Lemorton. Il est un peu rapide de se couvrir en donnant un ordre à l’échelle nationale, tout en renvoyant à la responsabilité du colloque singulier entre le médecin et le patient.

Mme Michèle Delaunay. Les termes employés – « la prescription est systématique » – sont assez impératifs.

Mme Catherine Lemorton. Ils sont de l’ordre de l’injonction. Après avoir dit depuis six ans aux médecins que le Tamiflu ne sert à rien pour la grippe saisonnière, on leur enjoint aujourd’hui de le prescrire. J’ai lu les études sur ce qui s’est passé en Amérique latine : elles ne me semblent pas aussi probantes que vous le dites.

M. le directeur général de la santé. La formulation est certes assez ramassée, pour la commodité de l’information – c’est d’ailleurs assez fréquent en médecine –, mais il ne s’agit que d’une recommandation, et non d’une instruction.

Mme la ministre. Je crois avoir répondu à l’essentiel des questions qui m’ont été posées. Je reste naturellement à votre disposition pour une nouvelle audition en début de l’année prochaine.

M. le président Pierre Méhaignerie. Sans doute conviendrait-il de rappeler aux préfets que les médecins sont autorisés à vacciner non seulement dans le cadre des centres de vaccination, mais aussi, depuis quinze jours, dans les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes.

Madame la ministre, je vous remercie.

La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mardi 15 décembre 2009 à 17 h 30

Présents. - Mme Edwige Antier, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Valérie Boyer, M. Gérard Cherpion, M. Georges Colombier, Mme Michèle Delaunay, M. Guy Delcourt, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Jacqueline Fraysse, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Pierre Méhaignerie, Mme Dominique Orliac, M. Bernard Perrut

Excusés. - M. Pierre Cardo, Mme Monique Iborra, M. Jean-Marie Le Guen

Assistait également à la réunion. - M. Gérard Bapt