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Commission des affaires sociales

Mercredi 20 janvier 2010

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 21

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Audition de M. Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France

– Présences en réunion 18

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 20 janvier 2010

La séance est ouverte à neuf heures cinquante.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)

La Commission des affaires sociales entend M. Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je suis heureux d’accueillir M. Jérôme Vignon. Ses interventions, en tant que président des Semaines sociales de France, nous interpellent, lorsqu’il rappelle que les résultats obtenus par la France ne sont sans doute pas à la hauteur des dépenses sociales qu'elle engage. Je me réjouis qu'à partir d'éléments de comparaison dont il dispose, en raison de ses fonctions passées à la Commission européenne, il nous présente aujourd'hui quelques pistes pour améliorer l’efficience de notre protection sociale.

M. Jérôme Vignon. La question de l'efficacité des dépenses sociales se pose à tous les pays européens de manière très aiguë et même particulièrement urgente pour ceux qui traversent une crise très grave. Pouvoir se poser cette question à tête reposée est donc un peu un luxe…

C’est un sujet très difficile, car il ne s'agit pas seulement de couper dans les dépenses sociales ou de freiner leur augmentation, mais de s'interroger sur la manière de le faire, tout en tenant compte des objectifs de la protection sociale. À quoi servirait, en effet, de réduire très fortement mais temporairement les dépenses, si, les maux que l’ont veut guérir s’aggravant, on devait ensuite, dans l'urgence, les augmenter de nouveau ?

D'importants travaux sont menés sur cette question de l’efficience, à partir de visions multicritères des objectifs. Au niveau européen, c'est sans doute le Conseil Ecofin des ministres de l'économie et des finances qui est le plus en pointe dans la mesure où, dans les pays de tradition anglo-saxonne, la dépense sociale est une dépense publique entièrement financée par l’impôt. Les ministres s’étant donné pour objectif de réduire d'un demi-point le déficit public chaque année jusqu'en 2012, tout en appliquant une norme de stabilisation des prélèvements obligatoires, ils se demandent logiquement comment faire des économies sur les dépenses. Et, dans la mesure où l’on pense généralement que l'État tient mieux ses dépenses que le social, c’est vers ce dernier que se tournent les regards, dans l’Europe tout entière.

S’agissant de l’analyse comparative, j’insiste sur le fait que comparaison n’est pas raison. Les comparaisons nous indiquent les pistes de réflexion possibles et les résultats obtenus ailleurs. Mais, elles ne nous disent pas si les politiques menées seraient aisément transposables dans notre pays.

Depuis les années 2000, un énorme travail statistique est mené pour rendre comparable les dépenses, les enjeux, le financement de la protection sociale en Europe.

Rapporté au PIB, l’effort en faveur de la protection sociale en général est élevé en France et l’on peut s’interroger sur les résultats relativement décevants obtenus, d'autant que les comparaisons montrent également que le niveau de la protection sociale en général reste un critère déterminant pour atteindre des objectifs sociaux fondamentaux comme la cohésion sociale, la lutte contre la pauvreté et la lutte contre l'exclusion. Il n'y a pas, en Europe, de pays qui présente à la fois des résultats encourageants en matière de lutte contre la pauvreté, l’exclusion sociale, et dans le même temps, un faible taux de dépenses sociales. Si la question de l'efficacité se pose pour la France, c’est tout simplement parce que, au sein du groupe de pays qui font un effort comparable et élevé, ses résultats ne sont pas les meilleurs.

Les chiffres que fournit Eurostat, qui regroupe les organismes statistiques, en particulier l’INSEE, montrent que la France est au premier rang, avec la Suède, pour le taux d'effort social, qui représente 29,1 % du PIB en 2008. Elle est aussi, ex aequo avec les Pays-Bas, au premier rang pour les dépenses de santé (8,7 %). Elle est au troisième rang, après l’Italie et l’Autriche, pour les prestations de retraite (13,1 %). Elle est au neuvième rang seulement pour les prestations familiales stricto sensu, mais on voit là la limite de ces comparaisons car tous les éléments de la politique familiale française, notamment ses aspects fiscaux ou l'effort en faveur des crèches, ne sont pas pris en compte. La France est, enfin, au quatrième rang pour les dépenses d’assurance chômage comme pour l’aide au logement et les autres dépenses de lutte contre la pauvreté.

Au total, notre pays est en tête pour son taux d'effort social, mais ne l’est plus lorsque l'on compare la progression vers les objectifs communs appréhendés par toute une batterie d’indicateurs sociaux. On le constate en particulier lorsque l'on s'intéresse au taux de pauvreté relative, c'est-à-dire à la proportion de la population dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian. Ainsi, la France est septième pour le taux de pauvreté des enfants (14 % contre 19 % en moyenne dans l’Union européenne) ; onzième pour le taux de pauvreté globale ; septième pour le taux de pauvreté des plus de 65 ans. Dans tous ces domaines, notre pays est derrière ceux qui dépensent autant qu'elle en faveur de la protection sociale.

Cela se vérifie également pour l’éducation : si la France est dans le groupe de tête pour les dépenses en proportion du PIB et pour le nombre de jeunes scolarisés, en matière de taux d’échec scolaire, indicateur particulièrement pertinent et suivi, elle était en 2007 au onzième rang des 27 !

Tout n'est cependant pas noir : les résultats de la France sont meilleurs s'agissant d'autres enjeux de la protection sociale. Ainsi, son bilan en matière de fécondité est regardé, puisqu'elle occupe la première place avec un taux de remplacement proche de 2, contre 1,55 en moyenne dans l’Union. La France est aussi première, ex aequo avec l’Italie, pour l’espérance de vie des femmes (84 ans en 2004) et quatrième pour celle des hommes (77 ans), chiffres qui seront sans doute analysés pour apprécier l'efficience des régimes de retraite. Elle n'est toutefois que sixième pour l’espérance de vie des femmes, libre de toute infirmité chronique.

S’agissant du remplacement des revenus d’activité par les revenus de retraite, la France était, en 2007, au premier rang européen, ex aequo avec le Luxembourg et l'Autriche, avec un taux de 61 % contre 49 % en moyenne en Europe.

Un indicateur d'inégalité comme le taux de pauvreté relative amène donc à s'interroger quant à l'objectif central de la cohésion sociale : les montants consacrés par la France à la protection sociale, qui sont les plus élevés au monde, ne pourraient-ils pas être mieux utilisés ?

Les comparaisons montrent aussi que l'efficacité de la protection sociale, notamment pour la lutte contre la pauvreté et contre l'exclusion, dépend largement du fonctionnement du marché du travail, qui explique une partie de l'écart entre les montants engagés et les résultats.

Dans un très intéressant rapport, le Comité européen de la protection sociale s'est penché, à la demande du Conseil des ministres des affaires sociales, sur les résultats de dix années de stratégie de Lisbonne, se demandant notamment pourquoi la croissance économique et l'augmentation très importante – en particulier pour les femmes, mais aussi pour les seniors – du taux d'emploi n’ont pas permis, depuis 2000, de réduire les taux de pauvreté.

Cela tient d'abord au fait qu'une protection sociale trop réparatrice, et pas assez incitative, visant trop exclusivement à compenser les pertes de revenus, ne faisant pas assez pour permettre un retour durable vers l'emploi, peut affecter le dynamisme de l'économie, alourdir les prélèvements obligatoires et aboutir à des situations structurelles d'exclusion du marché du travail.

C'est un point que j'analyserai plus spécifiquement du point de vue des retraites.

Cela tient ensuite au fonctionnement sélectif et cloisonné du marché du travail, en raison notamment de l'écart entre les compétences des jeunes et celles qui sont requises pour entrer dans des filières simples, comme le tourisme et le BTP. C'est donc bien le marché du travail qui est en cause, la protection sociale étant appelée à réparer de ce que le marché du travail ne fait pas. C'est cette voie que les comparaisons internationales nous invitent à explorer, quand on regarde pourquoi la France n'est absolument pas dans les meilleurs du point de vue de la lutte contre la pauvreté des enfants de moins de 17 ans.

Notre pays est, on l’a vu, au troisième rang pour la part des prestations de retraite dans le PIB. Elle est au premier rang pour l'adéquation des retraites par rapport aux revenus antérieurs d'activité. Par rapport à ces critères généraux, nous avons donc une situation relativement favorable.

Si l'on s'intéresse à l’effet à long terme, jusqu'en 2050, des économies de dépenses de retraite générées par les réformes intervenues, on constate que la France est dans une situation comparable à celle des autres États européens et elle a réduit de 75 % l’augmentation prévisible de ces dépenses. Nous n'avons donc fait ni moins, ni plus que les autres. Nous l'avons fait notamment au moyen d’une diminution des avantages acquis pour une ancienneté donnée : pour un travailleur partant à la retraite à 65 ans avec 40 ans d’ancienneté, le taux de remplacement devrait baisser de 15 points entre 2007 et 2045, ce qui n’est pas négligeable.

En revanche, la France a peu eu recours à un allongement de la durée de vie au travail. C'est une faiblesse de notre pays dans les comparaisons internationales, car l'allongement d'une année de l'activité effective représente un gain très fort, équivalent à un demi-point des coûts, pour l'équilibre des régimes de retraite. Or, la France est mal placée au regard du taux d'activité des seniors. En 2008, le taux d’emploi des 55-64 ans y était de 38 %, contre 46 % en moyenne en Europe, ce qui nous met au vingtième rang, alors que nous étions au onzième en 2000.

Il y a donc un potentiel, mais évoquer celui-ci, c’est aborder non seulement la réforme des régimes de retraite mais aussi les aspects impliquant d'autres politiques, en particulier tout ce qui handicape l'emploi des seniors, comme les écarts d’espérance de vie entre les catégories socioprofessionnelles, qui demeurent élevés – de l'ordre de sept ans.

J’en viens à la lutte contre la pauvreté des enfants. Pourquoi, malgré un niveau élevé de dépenses de la branche famille, la situation de la France n'est-elle pas parmi les meilleures ?

Le Comité de protection sociale s'est intéressé de très près à ce sujet, car le taux de pauvreté des moins de 17 ans est considéré comme l'une des variables sociales les plus importantes, dans l'absolu mais aussi pour l'avenir en raison du caractère récurrent de la pauvreté : les jeunes pauvres seront souvent eux-mêmes des parents d'enfants pauvres. Plusieurs pays ont ainsi fait de cette question la priorité absolue de leurs politiques sociales.

Le Comité distingue trois motifs de succès ou d'échec de la lutte contre la pauvreté des enfants, dont deux relèvent surtout du fonctionnement du marché du travail – proportion d’adultes et d’enfants vivant dans des ménages où aucun adulte ne travaille, proportion des enfants vivant dans des ménages où les adultes qui travaillent gagnent moins que le seuil de pauvreté. Le troisième motif relève surtout de la protection sociale, c'est l'importance des transferts financiers aux familles en lien avec la présence et le nombre d’enfants.

Le groupe des pays les plus performants présente de bons résultats au regard de ces trois critères. Il est composé de l'Autriche, du Danemark, de la Finlande, des Pays-Bas et de la Suède, c'est-à-dire de pays qui ont également de bons résultats dans d'autres créneaux de la politique sociale, auxquels on peut ajouter Chypre et la Slovénie.

Pour sa part, la France figure, avec la Belgique, l'Allemagne, la République tchèque, l'Estonie, l'Irlande, dans le second groupe de pays (il y en a 5 au total), qui présentent tous la caractéristique d’un marché du travail comportant un noyau stable d’adultes vivant dans des ménages avec enfants et ne travaillant pas. Ainsi a-t-elle beau se trouver au quatrième rang pour l’efficacité des prestations familiales, au sixième rang pour la fréquentation des crèches, au troisième rang pour celle des maternelles, son vingt et unième rang pour la proportion d’enfants vivant dans des familles où aucun adulte ne travaille constitue un handicap majeur.

La réunion, chaque mois, des représentants de 27 États membres, travaillant pour le Conseil des ministres des affaires sociales permet d'apprécier non seulement la situation des uns et des autres mais aussi la façon dont les États s'organisent, à partir de leurs traditions nationales, pour faire face à des difficultés semblables. À l'exception des Pays-Bas, où la tradition sociale a été totalement bouleversée, tous les pays cultivent leur tradition nationale et restent fidèles à leurs habitudes. Ainsi, les États traditionnellement centralisés introduisent un peu de décentralisation mais continuent de s’appuyer sur la qualité de leur niveau central ; les pays déjà fortement décentralisés ont recours à des méthodes de comparaison et d'évaluation à des fins de coordination des politiques menées au niveau décentralisé ; ceux qui s'appuient fortement sur les régions continuent à le faire.

La philosophie des réformes comporte cependant des traits communs. Partout, on souhaite préserver un noyau universel et prépondérant de couverture sociale. Il n'y a pas d'exemple de pays où l'on se dirigerait vers un nouveau partage conduisant, comme aux Etats-Unis, à réserver la couverture obligatoire aux seuls groupes les plus vulnérables : tous les pays européens en sont convaincus, la protection sociale doit être de qualité pour tous.

Par ailleurs, la couverture obligatoire est implicitement plafonnée à un certain niveau de prélèvement dont la plupart des pays européens, pour ne pas dire tous, ont admis qu'ils l’avaient déjà atteint, en particulier au regard de la solidarité intergénérationnelle, car ce sont ceux qui bénéficieront de prestations moindres qui supporteraient des prélèvements plus élevés. Seuls font exception les nouveaux États membres, la Bulgarie et la Roumanie, pays très pauvres qui reconnaissent qu'ils n'ont pas atteint le niveau nécessaire pour promouvoir des retraites et une santé de qualité.

Pour maintenir l'universalité et la qualité, on encourage partout une offre marchande complémentaire mais encadrée par des exigences d'intérêt général. Cette complémentarité est particulièrement recherchée pour le financement du cinquième risque, d’où l’importance de ce qu’on appelle dans le jargon européen les services sociaux d'intérêt général.

Les relations qu'entretiennent le secteur obligatoire et le secteur complémentaire sont donc cruciales. Le cas des Pays-Bas, seul pays où la privatisation a été imposée comme un moyen d'efficience pour les deux secteurs, obligatoire et complémentaire, est exceptionnel. C’est un exemple intéressant à étudier.

Partout ailleurs, l'ouverture encadrée d'un marché des prestations à une offre complémentaire s'accompagne de réformes de structures destinées à améliorer la gestion dans le secteur abrité de la concurrence.

Les innovations les plus importantes interviennent dans le secteur des politiques familiales et de la lutte contre la pauvreté des enfants. Elles font souvent appel à l'implication du secteur de l'éducation – ce qui était assez rare – ainsi qu’à la politique du logement et à une forte responsabilisation des acteurs dans les rapports entre prestataires et bénéficiaires. L'évaluation étant un maître mot de la recherche de l'efficience, je vous renvoie sur ce point au très intéressant recueil d’études de cas innovants très concrets, relevant de philosophies différentes, réalisé récemment, sous la coordination de M. Julien Damon, avec le concours de l’École nationale supérieure de sécurité sociale et de Futuribles.

Rétrospectivement, les réformes ayant obtenu le plus de succès, par rapport aux objectifs qu'elles s'étaient donnés, paraissent se rattacher à quatre types de bonnes pratiques : bénéficier d'une expérimentation préalable, comme dans le cas du revenu de solidarité active en France ; se développer dans la longue durée, c'est-à-dire bénéficier, comme en Finlande où une réforme exemplaire en matière de retraites a été conduite, d'un consensus transpartisan ; comporter une réversibilité ou une possibilité de correction régulière, associée à une capacité de suivi indépendante et transparente, comme en Autriche, au Royaume-Uni, en Pologne ou aux Pays-Bas ; associer les administrations gestionnaires et les usagers à la préparation et au suivi des réformes, c’est particulièrement vrai lorsqu’on entend donner un rôle accru aux régimes complémentaires, en échange d’obligations d’intérêt général.

J'ai tenté d'appeler votre attention, dans le cas de la France, sur les gains possibles d’efficacité dans le domaine des retraites, ou dans celui de la lutte contre la pauvreté des enfants. On voit l’intérêt qu'il y a à ne pas se concentrer uniquement sur les régimes ou sur les institutions, mais sur les finalités complexes qu'ils poursuivent. On mesure alors la nécessité d’une approche globale qui associe politiques de l’emploi et réformes de la protection sociale. On voit aussi que la recherche d’une plus grande efficacité va souvent de pair avec celle d’une meilleure redistributivité et d'une meilleure équité, mais que pour gagner à long terme, il faut consentir un surcroît de dépenses ; par exemple pour l’accompagnement vers le retour à l’emploi ou pour le logement social, deux domaines qui constituent en vérité peu de choses au regard du total des dépenses de la protection sociale. S’il est impossible de gager ce surcroît de dépenses, on ne saurait échapper à la question d’une plus grande équité dans les prélèvements sociaux.

M. le président Pierre Méhaignerie. Merci pour ce diagnostic et pour les pistes de réflexion passionnantes que vous avez ouvertes.

M. Yves Bur. Monsieur Vignon, vous avez fort justement souligné l’importance des analyses comparatives, auxquelles nous n’avons sans doute pas suffisamment recours. S’il est vrai que c’est aussi parce que tous les éléments qui la composent ne sont pas pris en considération que notre politique familiale n’est pas bien classée, je crois qu'il est bon de nous ramener un peu sur terre, nous qui avons tendance à considérer que ce qui se fait chez nous est ce qu'il y a de mieux en Europe…

S'agissant des écarts d'espérance de vie entre les catégories socioprofessionnelles, vous avez semblé dire que la France était dans une moins bonne situation que ses voisins, disposez-vous de statistiques qui le confirment ? Pouvez-vous expliquer ces écarts ?

La pauvreté des enfants est sans doute un aspect de nos politiques globales que l'on n’aborde pas suffisamment. Vous avez, de ce point de vue, distingué les familles où aucun adulte ne travaille de celles où l’emploi ne permet pas de franchir le seuil de pauvreté. Cela renvoie-t-il pour vous au modèle de la famille monoparentale, qui exclut souvent les femmes du marché du travail, notamment parce que les dispositifs d'aide ne les incitent pas à chercher un emploi ? Ce modèle est-il une spécificité française ?

Mme Catherine Génisson. Merci, monsieur Vignon, pour votre exposé intéressant et dérangeant.

On sait qu’en France le financement des politiques sociales repose très largement sur les contributions sociales. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la situation des autres pays ?

En ce qui concerne les retraites, vous n’avez pas évoqué la situation particulièrement dramatique des femmes, dont les pensions sont inférieures de 40 % à celles des hommes. Vous avez souligné qu'un certain nombre de dispositifs s'inscrivent davantage dans la logique de la réparation ou de l’accompagnement que dans une logique dynamique. Il est vrai que le congé parental, qui paraît une disposition favorable, est en fait une véritable trappe à pauvreté pour des femmes souvent peu qualifiées, qui éprouvent de grandes difficultés à retrouver un emploi.

Enfin, outre que les pays cultivent leurs traditions nationales, on constate aussi que les bouleversements ne débouchent pas forcément sur des progrès. Ne convient-il pas dès lors d’aller vers cette réversibilité que vous avez évoquée ?

M. Bernard Perrut. Merci, monsieur Vignon, pour la qualité de votre intervention.

Depuis leur création, en 1904, les Semaines sociales de France ont beaucoup inspiré les pouvoirs publics. Dès 1980, alors que l’on ne parlait pas encore de mondialisation, vous vous nourrissiez déjà de comparaisons européennes. On sait aussi que vos idées ont inspiré le droit social français, notamment pour l'assurance-chômage, l'assurance maladie universelle, l’impôt proportionnel au revenu, le 1 % logement…

Aujourd’hui, j’aimerais que vous alliez au-delà des comparaisons et que vous nous disiez quelles voies vous paraissent pouvoir être empruntées par notre pays.

Lors de la quatre-vingt quatrième Semaine sociale, du 20 au 22 novembre dernier, vous avez traité du thème « Nouvelles solidarités – nouvelle société », en évoquant en particulier l’insertion, la mobilisation en faveur des sans-abris, les réseaux d’échanges de savoirs, la responsabilité sociale des entreprises. Mais, tandis que la protection sociale se déploie, l’exclusion et la précarité s’aggravent. Quels sont aujourd’hui selon vous les nouveaux risques sociaux ? Pouvez-vous tracer des pistes de réponses aux questions que vous posiez vous-même en ces termes : « Est-il réaliste en ces temps de crise de vouloir généraliser les initiatives qui complètent le soutien institutionnel par du lien volontaire entre les États, entre les générations, entre les actifs stables et les actifs précaires, entre les branchés et les déconnectés ? Existe-t-il une ou des visions globales qui créent de la cohérence entre les solidarités de proximité et l’ambition d'un développement durable planétaire ? »

Par ailleurs, vous avez insisté sur la pauvreté des enfants, près de 8 millions de Français étant aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté monétaire. Ne faut-il pas considérer que nous mettons en œuvre des politiques sociales développées, mais que leur échec tient essentiellement au fait que nos politiques de l'emploi et de l'activité ne sont pas à la hauteur ? Si le taux d'activité était plus élevé et si le chômage reculait, nos politiques sociales auraient complètement réussi, en trouvant leur équilibre financier et en apportant à chacun le complément indispensable à la vie. Comme vous, je suis particulièrement inquiet de la situation de la jeunesse et de ses difficultés à accéder même aux métiers qui paraissent le plus à sa portée.

M. Élie Aboud. Les comparaisons en matière d'efficience montrent que nous sommes premiers pour le taux des dépenses sociales rapportées au PIB et onzièmes pour les résultats. Mais, si les comparaisons sont faciles pour le taux de natalité ou l’espérance de vie, elles me paraissent plus délicates pour le taux de pauvreté, tout simplement parce que les niveaux de vie ne sont pas les mêmes dans les différents pays. Pouvez-vous nous en dire plus à ce propos ?

Par ailleurs, on constate que nous sommes à égalité avec certains pays mais que nous décrochons rapidement. A-t-on comparé ce que j'appellerai le taux de fonctionnement social entre les pays ?

M. Maxime Gremetz. J’aimerais savoir si vous travaillez en lien avec le Conseil d’orientation des retraites, dont je suis membre.

Si le taux d'activité des seniors est faible, c'est essentiellement parce qu'ils sont toujours les premières victimes des plans de licenciements. Ne conviendrait-il pas en outre de mettre en évidence le lien entre le maintien en activité des seniors et le nombre de jeunes sans emploi dans chacun des pays que vous étudiez ?

Je m’étonne par ailleurs que vous compariez des systèmes de retraite aussi différents que ceux fondés sur la capitalisation et ceux fondés sur la répartition intergénérationnelle fondée sur l'entreprise, comme en France.

Enfin, je trouve très intéressantes les indications que vous nous avez données quant à la pauvreté des enfants, mais sont-elles véritablement surprenantes dans un pays qui compte 8 millions de pauvres, y compris bon nombre de travailleurs ?

M. Jean-Luc Préel. La recherche de l'efficience est un thème cher au président de notre commission, c'est aussi une nécessité au regard des dépenses sociales engagées par notre pays.

Vous avez souligné, monsieur Vignon, que les traditions différaient d'un pays à un autre et que les réformes ne les avaient finalement modifiées qu'à la marge, sauf aux Pays-Bas. Constatez-vous néanmoins des différences entre les résultats obtenus par les pays centralisés, décentralisés et régionalisés ? Ces modes d'organisation ont-ils des effets sur la responsabilisation des acteurs ?

Pouvez-vous également nous indiquer quel rôle jouent les partenaires sociaux. En France, ils interviennent surtout dans les décisions relatives à la retraite complémentaire et au chômage, existe-t-il d'autres modèles qui responsabilisent plus les partenaires sociaux ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Vous avez dit, Monsieur Vignon, que le taux des prélèvements avait atteint un maximum dans beaucoup de pays. Cela amène logiquement à se demander quelles voies peuvent aujourd'hui être empruntées. On dit parfois qu'un monde meilleur se prépare localement, est-ce à ce niveau qu'il faut intervenir ? Pouvez-vous aussi nous dire comment s'expliquent les bons résultats obtenus par les Pays-Bas ?

M. Jérôme Vignon. Il faudrait interroger les Néerlandais, qui n'ont pas fini d'évaluer les succès obtenus grâce à leurs réformes radicales.

Nous ne disposons pas, monsieur Bur, de comparaisons sur les écarts d’espérance de vie selon les catégories socioprofessionnelles mais selon le niveau d'éducation initial. Elles montrent que la France se situe dans la moyenne. Beaucoup de pays européens se préoccupent de cette question depuis que l'Organisation mondiale de la santé a montré qu'il y avait un lien entre la situation sanitaire générale d'un pays et les inégalités de statuts de santé et non pas seulement le montant global des dépenses de santé. La France est dans une situation moyenne, pas exceptionnelle.

Cela renvoie également aux modes de vie, qui expliquent la réduction de l’écart d’espérance de vie entre hommes et femmes dans notre pays, ainsi qu'au fait – l’étude n’a pas été faite – que les Français sont ceux qui développent leur vie active pendant le temps le plus bref et sont ainsi soumis à une forte intensité de travail, la productivité horaire étant dans notre pays la plus élevée d'Europe.

Non, monsieur Bur, les familles monoparentales ne sont pas une spécificité française. Le lien entre ce phénomène et la pauvreté des enfants est particulièrement fort au Royaume-Uni, où l'on rencontre beaucoup de très jeunes mères de 14 à 17 ans. C’est un problème qui ne touche pas la France au même degré. En France, le principal problème tient au nombre des familles, pas nécessairement monoparentales, au sein desquelles aucun adulte ne travaille.

S'agissant du financement des politiques sociales, madame Génisson, le modèle bismarckien de financement par des contributions sociales venues des entreprises est largement majoritaire en Europe, y compris dans les nouveaux États membres. Dans d'autres pays, comme la France, où ce financement est assuré par des contributions sociales fondées sur les salaires, on voit la part issue de l'impôt augmenter. Enfin, des pays qui ont une base uniquement fiscale, comme le Danemark et l'Irlande, introduisent désormais une part de financement contributif. De la sorte, les écarts entre les pays se réduisent et il n'y a pas véritablement de lien clair entre le mode de financement et l'efficacité. On constate simplement que dans des pays comme le Royaume-Uni, où le système de santé reste presque entièrement à la charge de l'État, le Trésor s'implique très fortement dans la recherche de pratiques innovantes, dans l'expérimentation et dans l'analyse très précise de l'efficacité des dépenses de santé.

Vous m’avez par ailleurs interrogé à propos de la situation des femmes, notamment quant aux écarts de retraite avec les hommes. Nous sommes au premier rang pour le taux de remplacement des revenus d'activité par la retraite, pour les femmes comme pour les hommes, mais si le taux est de 60 % pour ces derniers, il n'est que de 40 % pour les femmes. Cet écart fait l'objet de nombreuses réflexions, un récent arrêt de la Cour de justice européenne semblant en contradiction avec certaines pratiques françaises. De manière générale, le Comité de protection sociale réfléchit à la manière d’éviter que la tendance actuelle, qui est de faire en sorte que les droits à la retraite soient de plus en plus proportionnés aux durées de cotisation, ne pénalise pas les femmes, qui présentent des interruptions de carrière, notamment en raison des maternités.

Le congé parental fait aussi l'objet d'intenses réflexions. Il apparaît, en particulier, que des congés de maternité trop longs freinent le retour à l'emploi et les instances européennes envisagent par conséquent d'en limiter la durée à douze mois.

Mais en demeurant dans le cadre des traditions de chaque pays, les réformes peuvent être d'importance, pas seulement « paramétrique » comme le dit l’OCDE, mais véritablement systémique. Tel a été notamment le cas en Finlande ainsi qu'en Suède, en matière de retraites. Dans ce pays, les partenaires sociaux continuent à jouer un rôle très important et ils ont fait le choix d'une détermination quasi automatique des droits à pension en fonction de l’évolution de l’espérance de vie. Ainsi, sans qu'il soit besoin désormais d'une négociation annuelle, chaque Suédois reçoit chaque année une lettre orange qui détaille, en fonction de l'espérance de vie et du secteur dans lequel il travaille, les conditions dans lesquelles il peut prendre sa retraite. Ce n’est pas une réforme mineure. L'âge moyen de départ en retraite est de 68 ans dans ce pays.

M. Bernard Perrut m'a posé un certain nombre de questions d'ordre général, en particulier sur la coopération entre les acteurs et sur l'articulation entre le public, le secteur associatif et le privé pour réussir les réformes. C’est en effet un point essentiel, qui pose peut-être plus de difficultés en France où les relations entre les acteurs centraux de l'État et les acteurs privés ou conventionnels demeurent souvent sous le régime de la tutelle. La centralisation n'est pas seulement un phénomène administratif, mais aussi politique et l'on peut s'interroger sur la qualité de cette centralisation et sur le degré d'autonomie que l'on laisse aux acteurs décentralisés : quelle est leur implication dans la préparation des réformes et dans leur suivi ? Que les choses soient claires : je ne porte pas de jugement sur la centralisation, mais simplement sur la qualité des relations qui existent entre les acteurs.

Il est, en effet, un peu nouveau dans notre pays que l'on accepte de considérer que l'accès à l'emploi et la lutte contre le chômage structurel sont des éléments décisifs de la lutte contre la pauvreté. C'est un changement positif, mais je ne suis pas sûr que les partenaires sociaux se préoccupent suffisamment de leurs responsabilités au regard de l'exclusion et des problèmes structurels du marché du travail. Le livre de Jacques Delors et Michel Dollé, Investir dans le social, donne de ce point de vue des exemples précis. À l'inverse, dans certains pays, des conférences réunissent régulièrement partenaires sociaux, représentants du monde associatif, représentants des pouvoirs publics, élus, qui s'interrogent par exemple sur la façon dont le mode de fixation du revenu minimum prend en compte l'exclusion et la grande pauvreté.

M. Aboud m’a demandé comment on pouvait faire des comparaisons entre des pays aux niveaux de revenus très différents. Le taux de pauvreté auquel j'ai fait référence est relatif : quand on dit que le taux de pauvreté de la République tchèque est faible – 8 % contre 13 % en France – c’est au regard du revenu médian dans ce pays. Cela étant, compte tenu des énormes écarts de revenus entre pays, les indicateurs de pauvreté relative ne reflètent pas suffisamment la situation dans des pays aussi pauvres que la Bulgarie, la Roumanie et les États baltes. Nous nous intéressons donc aussi à d'autres indicateurs, de niveau absolu, comme l'accès aux biens essentiels, la qualité du logement, l'équipement des ménages en tel ou tel bien, le nombre de repas répondant aux normes de la FAO.

Je regrette, monsieur Gremetz, de ne pas avoir davantage l'occasion de travailler avec le Conseil d’orientation des retraites. Au plan européen, mes interlocuteurs sont surtout des représentants des partenaires sociaux, des ministères des affaires sociales et de la société civile. Le COR m’apparaît, en allant vite, comme une institution franco-française, même s’il fait un travail remarquable.

Vous avez par ailleurs souligné la grande variété des régimes de retraite en Europe. Aux Pays-Bas, la moitié des retraites sont versées au titre de régimes complémentaires par capitalisation, gérés de manière paritaire. Mais, dans toute l'Europe, les régimes par répartition demeurent majoritaires, tant en nombre qu'en part des retraites versées. Dans cinquante ans, la part des régimes par capitalisation aura sensiblement augmenté, mais la répartition restera majoritaire. Les régimes complémentaires se développent donc surtout dans un souci de diversification, la France faisant exception et demeurant bipolarisée entre répartition et assurances privées, en raison du poids de l’assurance-vie dans notre pays.

En général, les pays où l'on travaille le plus longtemps sont aussi ceux qui présentent le plus faible taux de chômage des jeunes : d’un point de vue macroéconomique, il n'y a pas de substitution entre l'emploi des jeunes et celui des seniors. Dans les pays qui, comme la Finlande, ont fait de l'emploi des seniors leur priorité, il s’agit d'une politique globale, qui mobilise l'ensemble des partenaires sociaux, mais aussi les politiques de santé, d’éducation, de formation professionnelle, et pas seulement la politique des retraites. Vivre longtemps actif et en bonne santé est ainsi une priorité nationale globale et c'est d'ailleurs de la sorte que cette orientation a été acceptée.

M. Préel m'a demandé s'il ne convenait pas de faire des distinctions selon que les réformes allaient vers plus de centralisation, de décentralisation ou de régionalisation. De ce point de vue, le recours à la complémentarité, qui mêle statuts privé et associatif, conduit en général à plus de décentralisation. Les pays qui étaient déjà décentralisés se trouvent ainsi un peu en avance. Mais cela ne fonctionne pas partout : en Italie, l'État ne parvient pas à contractualiser avec les régions qui jouent pourtant un rôle social très important. Il faut donc analyser les choses au cas par cas et il serait intéressant de suivre l'expérience suédoise, qui montre que la décentralisation fonctionne mieux là où les partenaires sociaux s'accordent pour agir également de façon décentralisée. J’ajoute que le rôle des partenaires sociaux relève des traditions culturelles de chaque pays : on ne s’invente pas, tout d’un coup, des partenaires sociaux efficients et proactifs.

M. Dominique Dord. Nous sommes engagés, à l’initiative de notre président, dans une série d'auditions dont nous espérons qu'elles nous permettront de rompre avec un certain nombre d'idées reçues, de renoncer à nos dogmes et qu'elles nous aideront ainsi à prendre des décisions sur des sujets très importants, comme les retraites mais aussi l'explosion des déficits.

Alors que, dans le système existant, on a tendance à se spécialiser sur les questions de famille, de maladie ou d'emploi, vous nous avez montré que certains critères transcendent ces distinctions. Ainsi, la question de la pauvreté des enfants nous amène, non pas à nous concentrer sur la réforme des retraites ou sur celle de l'assurance-maladie, mais à rechercher des convergences entre toutes les branches. Pourriez-vous nous indiquer d'autres critères dont vous estimez qu’ils sont fondamentaux pour l'amélioration du bien-être social ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Plusieurs études montrent l'aggravation de la pauvreté des femmes, en particulier des mères isolées, dans notre pays. Vous avez indiqué que cette situation n'était pas propre à la France, avez-vous connaissance de mesures structurelles ayant permis à d'autres États d'enregistrer des progrès en la matière ?

Pourriez-vous par ailleurs nous apporter quelques éléments complémentaires sur la question de la dépendance, face à laquelle nous nous sentons aujourd'hui quelque peu dépourvus ? D’autres pays ont-ils déjà apporté des réponses ? Existe-t-il des exemples de prise en compte de la dépendance dans le cadre d'une politique en direction des personnes handicapées et des personnes âgées ?

M. Jean-Marie Rolland. J’ai été quelque peu étonné d'apprendre que notre politique familiale était la neuvième d’Europe, alors que nous avions le sentiment qu'il s'agissait d'un de nos joyaux.

Vous avez semblé faire la différence, monsieur Vignon, entre le fonctionnement et les investissements, qui sont extrêmement éclatés ; les choses se présentent-elles de la même façon pour la politique menée en direction des seniors, en particulier dans le domaine de la dépendance ?

S’agissant de la prise de décision, j'ai l'impression que nous sommes un des rares pays où il y a à la fois une gestion nationale des questions comme les retraites et le chômage, une gestion qui sera bientôt régionale pour la santé et une gestion départementale pour l'enfance, le handicap et la dépendance. Qui plus est, le secteur associatif intervient sans doute davantage que dans les autres États. Pouvez-vous nous en dire plus à ce propos et nous indiquer les pays qui obtiennent de bons résultats dans l'évaluation, chère au président Méhaignerie ?

Enfin, quel est le coût total de la protection sociale en France ?

M. le président Pierre Méhaignerie. 598 milliards d’euros.

M. Jérôme Vignon. Je ne dispose pas d'un montant absolu mais d'un ratio par rapport au PIB de dépenses de protection sociale venant soit directement de l'État soit des politiques contractuelles. Selon les données Eurostat de 2008, ce taux brut était de 29,1 %.

M. Jean-Pierre Door. Vous avez souligné que le taux de pauvreté des enfants est élevé en France, en dépit d'importantes dépenses sociales et familiales. Comme un certain nombre de collègues, j'ai été surpris que vous ne fassiez pas référence au nombre des familles monoparentales, dont nous mesurons chaque jour l'importance dans nos circonscriptions et qui me paraît un critère important.

Vous jugez par ailleurs que notre politique sociale est trop réparatrice et pas assez incitative. Pouvez-vous développer cette idée ?

M. Dominique Tian. Si, en y consacrant 29,1 % de notre PIB, nous ne sommes qu’au neuvième rang européen, il me semble qu'il faudrait davantage parler de l'inefficacité que de l'efficacité de nos dépenses sociales…

En France, la tradition veut que les partenaires sociaux gèrent pour l'essentiel la redistribution. Ce sont donc d'abord les caisses d'allocations familiales qui devraient traiter la question de la pauvreté des enfants. Peut-on dire qu'à la différence d'autres pays comme les Pays-Bas, nos partenaires sociaux font preuve d'un certain immobilisme, qu'ils n'ont pas suffisamment pris leurs responsabilités et que l'État n'a pas su leur imposer des lignes directrices ?

Mme Michèle Delaunay. Vous avez dit, monsieur Vignon, que les enfants pauvres deviendront des parents pauvres. Mais peut-on mesurer le taux d'échappement à un tel déterminisme ? Que font en la matière les autres pays ?

S'agissant par ailleurs des familles où aucun adulte ne travaille, n'est-il pas urgent, comme notre collègue nous y invitait, de rompre avec nos dogmes et d’arrêter de supprimer des emplois à faible qualification qui permettent de maintenir les gens au travail, par exemple les emplois d’aides-soignants dans les hôpitaux ?

Mme Catherine Génisson. On a évoqué la faible efficacité de l'action des partenaires sociaux. En effet, il me semble que le paritarisme a vécu, ce que la dernière réforme de la sécurité sociale a malheureusement acté. Vos comparaisons, monsieur Vignon, ne montrent-elles pas de très grandes différences entre les statuts des partenaires sociaux dans les États membres ? Ainsi, en Europe du Nord, il est obligatoire de passer par eux pour obtenir un certain nombre de prestations.

S'agissant de ce que l'on appelle le cinquième risque et qui est en fait la capacité de personnes handicapées ou âgées de participer à la vie collective, vous avez indiqué que l'on allait de plus en plus vers des mécanismes complémentaires plutôt que vers un système solidaire. Cela tient-il au fait qu'il s'agit d'un nouveau risque ? Ne conviendrait-il pas en fait de reconsidérer globalement notre accompagnement social, toutes branches confondues ?

M. Jacques Domergue. La France est au premier rang pour les dépenses sociales rapportées au PIB mais au onzième rang en termes de résultat. À partir des chiffres dont vous disposez, qui vous permettent de faire une sorte de benchmarking entre les politiques sociales en Europe, pourriez-vous tracer quelques pistes, afin d'améliorer l’efficience du système français ?

M. Michel Issindou. Vous avez évoqué, monsieur Vignon, un plafond supportable des prélèvements, notion psychologique quelque peu difficile à définir… Pour ma part, il me semble que les prélèvements sont supportables dès lors que l'on constate un véritable retour. Ainsi, en Suède, les prélèvements sont très lourds, mais les retours sont très importants et c'est sans doute ce qui fait, dit-on, des Suédois le peuple le plus heureux d'Europe… En France, le retour n’est pas bon, mais le véritable problème ne tient-il pas à notre situation de l'emploi, qui oblige à aider nombre de nos concitoyens qui subissent le chômage, les emplois précaires, le temps partiel ?

M. Christian Hutin. On a beaucoup parlé de la pauvreté et de l’exclusion, mais j'aimerais connaître votre sentiment, monsieur Vignon, quant à la cohésion sociale. Que pensez-vous ainsi des écarts entre les salaires ? Comment réagit la population en apprenant que la rémunération d’un P-DG correspond à 1,5 fois le budget du centre communal d'action sociale de ma ville de 22 000 habitants ou que la retraite d'un ancien président de la Société Générale atteint 2 000 euros par jour ? Ne pensez-vous pas que l'efficience peut être obérée par le sentiment d’injustice de nos concitoyens ? Comment les choses se passent-elles dans les autres pays ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez fait le lien, monsieur Vignon, entre le manque d’emploi et la pauvreté et vous avez insisté sur l’absence quasi-totale des partenaires sociaux dans ce dernier champ. Il est vrai que lorsque j'ai été pendant des années présidente d'une commission locale d'insertion, je n’ai jamais vu les partenaires sociaux y participer de quelque façon que ce soit... En fait, seuls les services sociaux interviennent et on en connaît les limites. Avez-vous pour votre part essayé d'impliquer les partenaires sociaux dans des actions spécifiques dans le domaine de la pauvreté ?

M. Arnaud Robinet. Même si nos résultats sont modestes au regard de nos dépenses sociales, on a vu que notre système était relativement efficace pour amortir des périodes de crise.

En matière de retraite, pouvez-vous monsieur Vignon nous donner des informations sur la façon dont est traitée par nos voisins la question de l'inégalité entre les hommes et les femmes. Comment sont prises en compte les périodes d'inactivité, qui risquent d’entraîner une diminution des pensions, ainsi que la pénibilité, que l’on a parfois du mal à définir. J’aimerais aussi que vous nous disiez un mot de la situation des veuves, notamment des jeunes veuves, dont l'accompagnement, en particulier vers l'emploi, reste à améliorer dans notre pays.

M. Jérôme Vignon. M. Dominique Dord a souhaité que l’approche par régime, dont on ne peut se passer, soit complétée par une approche globale permettant plus de cohérence, sur le modèle de ce que j'ai suggéré au travers de la lutte contre la pauvreté des enfants. Pour répondre à sa demande, je propose comme autres thèmes le vieillissement actif, l'égalité des chances – au-delà du seul aspect des relations entre les hommes et femmes – et les solidarités intergénérationnelles.

Mme Carrillon-Couvreur m’a demandé ce que faisaient les autres pays confrontés au problème des mères isolées. Pour sa part, le Royaume-Uni s'est beaucoup préoccupé des questions d'éducation, considérant que c’est l’échec scolaire au cours des premières années qui amène un certain nombre de jeunes filles à tenter de sortir du système scolaire en ayant un enfant précocement. Mais il est bien difficile d'améliorer la qualité du système scolaire de manière horizontale et les Britanniques ne sont guère satisfaits des résultats obtenus.

La France est en pointe dans la réflexion sur la dépendance et c’est elle qui a mis en évidence la notion de « cinquième risque », à partir de l'idée que l'on ne pouvait s'en remettre à une évolution spontanée pour le prendre en charge. Elle est suivie en cela par un certain nombre de pays, de tradition bismarckienne ou latine, qui jugent intéressant de structurer la réponse dans un cadre public, plus décentralisé toutefois qu'il ne l'est pour les autres risques. Le Luxembourg et, surtout, la Belgique, me paraissent avoir une approche intéressante de la question.

M. Rolland est revenu sur la politique familiale. Bien sûr, nous ne sommes qu'au neuvième rang en Europe au regard de la pauvreté des enfants, mais on ne saurait oublier les succès obtenus en matière de fécondité, qui sont aussi un effet de notre politique familiale. J'ajoute que, dans beaucoup de pays, on a pensé que les mères célibataires ne travaillaient pas en raison des difficultés d'accéder aux crèches, les frais de garde absorbant souvent la quasi-totalité du premier salaire. Mais en France, en dépit d'un système de garde assez accessible, on ne parvient pas à lutter contre la pauvreté des familles où aucun adulte ne travaille. L’accès à l'emploi reste donc tout à fait prioritaire, car nous sommes dans un pays où le marché du travail est particulièrement dur pour les personnes qui en ont été éloignées pendant longtemps ; un pays où l'accès à la formation professionnelle est presque inexistant pour ceux dont le bagage initial est mince ; un pays où, dès lors que l'on signe un contrat précaire, on n'est pas couvert par les accords professionnels, ce qui réduit, de facto, le rôle des partenaires sociaux. De ce point de vue, il me semble que la création de Pôle emploi n'est pas une mauvaise chose car elle permet de regrouper des régimes jusqu'ici totalement séparés.

En matière d'évaluation, de très bons travaux sont menés aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Belgique. Il y a, sans nul doute, des enseignements à en tirer.

On peut craindre en effet, monsieur Jean-Pierre Door, que la protection sociale soit trop réparatrice et pas assez « activante ». Sans abandonner l'idée de réparation, sans aller aussi loin que les Britanniques dans la conditionnalité de l'accès aux prestations au fait de se mettre au travail, ce qui ne fait qu'aggraver le phénomène des travailleurs pauvres, on peut s'interroger sur toutes les politiques d'accompagnement, ce dernier étant d'ailleurs un des points faibles du revenu de solidarité active. Il faut donc bien donner la priorité à une politique active, pour les seniors mais aussi pour les jeunes.

M. Tian m'a interrogé sur la place des partenaires sociaux dans la redistribution sociale et il a souhaité une plus grande implication des caisses d’allocation familiales dans la politique familiale. Mais ces dernières s'occupent de la redistribution et pas du tout de l'accès au marché du travail ; elles ne peuvent donc intervenir en faveur d’une véritable amélioration de la lutte contre la pauvreté des enfants.

Les partenaires sociaux sont présents dans de nombreuses instances qui ont compétence pour la gestion de la protection sociale, mais leur influence réelle sur cette gestion est très faible. Il faut revoir ce que recouvre le paritarisme, qui a beaucoup vieilli. Partout en Europe, on s'interroge sur son rôle effectif, même si sa signification symbolique demeure forte, les prélèvements sociaux étant effectués dans le cadre du monde du travail. De ce point de vue, l’AGIRC-ARRCO est exemplaire, puisqu'il s'agit d'un régime conventionnel mais, de fait, légal, géré par les partenaires sociaux mais soumis à des orientations très contraignantes de l'État. Il me semble que c'est en pensant à des organisations de ce type que l'on doit pouvoir aller vers plus de responsabilités, au sein d'un cadre défini par des règles d'intérêt général.

Vous vous êtes demandé, madame Delaunay, comment apprécier les possibilités de sortir de la répétition de la pauvreté. Le taux d'échec scolaire est en la matière un indicateur très suivi et, malheureusement, particulièrement stable. Il faut regarder de près comment s'y prennent les pays où le taux d'échec scolaire est inférieur de moitié au nôtre, mais aussi analyser ce qui fait le succès, en France, de l'école de la deuxième chance, par exemple, qui présente un taux de réinsertion étonnant. Cela conduit aussi à se demander comment mettre en relation les institutions marginales, mais qui réussissent, avec les institutions centrales. Il existe également d'autres indicateurs, que je n'ai pas cités, sur le taux d'accès à l'enseignement supérieur en fonction de la catégorie socioprofessionnelle des parents ou sur la possibilité d'échapper à la reproduction familiale.

Pour qu'il y ait moins de familles où aucun adulte ne travaille, il faut d'abord que le marché du travail crée des emplois. Il ne me semble pas que l'on puisse suivre la voie que vous avez suggérée car elle conduirait de fait, afin de préserver l'existant, à stopper l'amélioration de la productivité, donc de la qualité et de la rémunération des emplois.

Mme Michèle Delaunay. Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire…

M. Jérôme Vignon. On peut en revanche se demander pourquoi il n'existe aucune formation professionnelle, donc aucune possibilité d'amélioration, dans les métiers à faible qualification et parfois pénibles, comme dans la santé ou les services. Pourquoi a-t-on par ailleurs systématiquement recours au temps partiel alors que le temps plein est possible ? Pourquoi le dialogue social est-il aussi peu présent dans des branches comme la santé, le commerce et la grande distribution ?

Mme Génisson a évoqué la fin du paritarisme et s'est interrogée sur les pistes à ouvrir pour prendre en charge le cinquième risque. L’Association européenne des institutions paritaires de la protection sociale propose de façon intéressante que les retraites complémentaires intègrent systématiquement le risque de dépendance. Il semble, en effet, que les organismes doivent sortir de leur métier de base afin d'intégrer les nouveaux risques.

M. Domergue m'a demandé quelles pistes je choisirai pour améliorer l'efficience du système français. Il me semble qu'il faudrait en priorité s'intéresser au lien entre protection sociale et activation du marché du travail, en se demandant en particulier comment mieux protéger les personnes qui occupent des emplois précaires, à temps partiel, à durée déterminée. Il est également indispensable de réfléchir non pas au principe de la décentralisation mais à son application concrète. Il faut donner aux réformes le temps d'être réfléchies, décidées, mises en œuvre, suivies. Et si l’on n'a pas la durée, il faut au moins s’assurer de leur révocabilité. Il faut enfin accorder une plus grande importance à l'évaluation et à la transparence car nous n'avons pas, jusqu'à présent, le souci de regarder si ce qui a été décidé s'applique effectivement. Ainsi, si la France a été en pointe avec l'adoption de la loi sur le droit au logement opposable, il convient de regarder de près son application effective.

Y a-t-il vraiment une limite aux prélèvements obligatoires et ne serait-on pas prêt à supporter davantage au bénéfice de la qualité ? S’il n'y a pas de limite absolue, il faut quand même faire attention au fait que l'augmentation des prélèvements obligatoires entraîne de facto une moindre croissance des revenus nets de ces prélèvements. Il faut penser aux jeunes générations : peut-on leur demander de percevoir des revenus d'activité évoluant de moins en moins vite, sans que cela ne soit compensé par une amélioration des prestations qui leur seront offertes ultérieurement ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Pourrait-on revivre la période post-rooseveltienne, quand le taux d'impôt sur le revenu atteignait 80 % pour les tranches les plus élevées ?

M. Jérôme Vignon. Je pense que nous entrons dans une période de croissance durablement lente. M. Hutin a d’ailleurs raison lorsqu’il m’interroge sur l’efficacité et le sentiment d’injustice : pour mener à bien les réformes structurelles dans un tel contexte, il faut que l’on puisse montrer qu’elles apportent plus d’équité. C’est bien dans ce cadre que se pose la question des prélèvements, dans l’Europe entière.

Je répondrai à Mme Dalloz que les partenaires sociaux sont plus engagés au niveau européen qu’en France. Ils tiennent à être partie prenante de la stratégie européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Au Danemark, ils ont établi un code de bonne conduite pour l’accueil dans l’entreprise des personnes venant du secteur de la réinsertion. Mais, nous ne sommes pas le Danemark. Peut-être devrions-nous rechercher une plus grande implication des partenaires sociaux dans le marché du travail des plus fragiles.

S’il est vrai qu’en période de crise la protection sociale joue un rôle d’amortisseur social, je suis moins sûr qu’elle soit un amortisseur économique car les taux de prélèvements risquent de ne pas rester à leur niveau d’avant-crise.

La question des veuves est très difficile et elle n’est pas du tout abordée au niveau européen.

M. Arnaud Robinet. L’Allemagne a un système relativement intéressant alors que les autres pays ne me paraissent pas mener en la matière de politique active.

M. Jérôme Vignon. La façon dont la France a pris en compte, dans la réforme récente, la pénibilité, au travers de l’âge auquel on a commencé à travailler est observée avec intérêt par les autres États.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je reviens à ma question car elle est d‘actualité. Nous examinerons demain une proposition de loi de nos collègues socialistes sur les services sociaux d’intérêt général. Ces derniers préoccupent certains d’entre nous, mais on voit aussi qu’introduire des éléments de concurrence dans certains secteurs peut éviter que les gens ne s’endorment au sein de leurs structures. On peut en particulier se demander si les crèches, les modes de garde doivent faire l’objet de délégations de service public.

Quelle est votre position à ce propos ? Pouvez-vous approfondir quelque peu ce que vous nous avez dit de la réforme menée aux Pays-Bas ?

M. Jérôme Vignon. La réforme aux Pays-Bas reste controversée et il est un peu tôt pour savoir si elle donne satisfaction, en particulier au regard de son principal objectif qui consistait à freiner les dépenses.

La Commission européenne n’a pas de position sur la libéralisation. Elle ne dit jamais que l’efficacité exige de privatiser ou de libéraliser. Mais elle dit que, si l’on décide de le faire, il faut respecter certaines règles. C’est dans ce cadre que les États sont invités à définir clairement la mission d’intérêt général qu’ils délèguent à un organisme. Les difficultés sont donc d’ordre pratique : il ne s’agit pas seulement d’ouvrir un marché public pour des prestations qui faisaient auparavant l’objet d’une procédure de gré à gré, il faut aussi être capable de bien définir ce que l’on attend dans le cadre du marché et avoir suffisamment d’offres pour que la concurrence soit réelle.

Mme Catherine Génisson. Des crèches privées bénéficient déjà de délégations de service public et, si leur charge n’incombe pas à la collectivité publique, leur coût pour l’usager est similaire à celui des crèches publiques.

Mme Edwige Antier. Le fait qu’il existe différents types de crèches favorise certaines expérimentations très intéressantes. Ainsi, les crèches d’entreprise font preuve de plus de souplesse et d’ouverture aux parents, ce qui modifie les projets pédagogiques et même la façon de s’occuper des enfants.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je vous remercie très sincèrement, monsieur Vignon, de nous avoir ouvert des pistes de réflexion et, surtout, d’action sur des sujets qui sont d’une grande actualité. Le nombre de nos collègues qui sont intervenus montre l’intérêt que nous avons eu à vous entendre.

La séance est levée à 12 heures.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 20 janvier 2010 à 9 h 30

Présents. - M. Élie Aboud, Mme Edwige Antier, M. Jean Bardet, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Martine Billard, M. Yves Bur, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Vincent Descoeur, M. Jacques Domergue, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Laurence Dumont, Mme Cécile Dumoulin, Mme Cécile Gallez, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Patrick Gille, M. Maxime Gremetz, Mme Anne Grommerch, M. Michel Heinrich, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, M. Régis Juanico, Mme Catherine Lemorton, M. Jean-Claude Leroy, M. Claude Leteurtre, M. Céleste Lett, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, Mme Dominique Orliac, M. Bernard Perrut, M. Étienne Pinte, Mme Martine Pinville, M. Jean-Frédéric Poisson, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-Luc Préel, M. Simon Renucci, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Marie Rolland, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean Ueberschlag, M. Francis Vercamer

Excusés. - M. Jean-Marie Le Guen, Mme Marisol Touraine

Assistait également à la réunion. - M. Michel Liebgott