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Commission des affaires sociales

Mercredi 2 juin 2010

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 54

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président, puis de M. Pierre Morange, Vice-président

– Examen du rapport d’information en conclusion des travaux de la mission d’information sur le financement des retraites dans les États européens (M. Arnaud Robinet, rapporteur)

– Examen pour avis de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi (n° 2499) et de la proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault tendant à réviser le Règlement de l’Assemblée nationale (n° 2491) (M. Gérard Cherpion, rapporteur) 11

– Amendements examinés par la commission sur la proposition de loi visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi (n° 2499) 21

– Présences en réunion 22

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 2 juin 2010

La séance est ouverte à seize heures quinze.

(Présidence de M. Jean-Luc Préel, vice-président de la commission)

La Commission des affaires sociales examine le rapport d’information de M. Arnaud Robinet en conclusion des travaux de la mission d’information sur le financement des retraites dans les États européens.

Le président Pierre Méhaignerie. Je remercie le rapporteur et les membres de la mission pour leur travail, qui va nous éclairer avant d’examiner le projet de loi réformant les retraites. Il est difficile aujourd’hui de légiférer sans connaître ce que font nos partenaires européens en matière de retraites au-delà même de la question de la compétitivité de notre économie et de nos entreprises.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. La création de notre mission d’information, il y a quelques mois, s’inscrit dans le cadre des comparaisons internationales qui est devenu la règle, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, dans tous les grands domaines économiques et sociaux, et particulièrement dans ceux de la protection sociale et des retraites. C’est le cas, par exemple, des rapports sur les lois de finances ou de financement de la sécurité sociale, qui comportent de plus en plus souvent une partie consacrée à l’étude des systèmes ou des secteurs équivalents dans l’Union européenne.

En effet, de nombreux États européens ont été conduits, depuis vingt ans, à reconsidérer et à remodeler les différents systèmes de retraite dont ils disposent, afin d’en garantir la pérennité. Ces réformes se sont effectuées sous la double contrainte de l’évolution démographique et de la compatibilité de besoins de financements croissants avec le maintien de leur compétitivité, dans une économie mondialisée.

La crise financière de 2008, devenue depuis économique et sociale, a évidemment un impact très net sur les différents régimes de retraite, en tout premier lieu sur ceux fondés sur le système de la capitalisation. La valeur des investissements des fonds de pension a chuté brusquement et si la situation s’est partiellement rétablie depuis, elle reste pourtant - comme en témoigne l’actualité - pour le moins fragile.

Il nous est, néanmoins, apparu nécessaire d’engager une réflexion qui, devant être menée sur le très long terme, doit tenter de relativiser les effets de la crise pour permettre d’envisager des mesures à même de garantir la solidarité entre actifs et retraités.

Le sujet des retraites en Europe est extrêmement vaste et documenté. La difficulté principale ne vient donc pas de l’insuffisance, mais plutôt de la surabondance des informations.

Et ces informations sont, à vrai dire, souvent contradictoires : non seulement comme on pourrait s’y attendre, les analyses traduisant les vues politiques de leurs auteurs, mais également les données publiées - ce qui est plus surprenant mais s’explique cependant par l’extrême diversité des outils statistiques. De plus, les données comparables disponibles sont rarement postérieures à 2008, ce qui n’influe pas sur la présentation des grandes tendances en terme de besoins de financement, mais rend particulièrement délicate l’analyse de leur contexte économique. L’exemple de l’Islande, qui était naguère citée comme une référence en termes d’investissements dynamiques, illustre assez bien la difficulté de tirer des conclusions durables dans ce domaine.

Comme vous le savez, l’OCDE, l’Union européenne, l’Association internationale de la sécurité sociale, le Conseil d’orientation des retraites (COR), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), l’Observatoire des retraites mais aussi les sites officiels nationaux présentent, de façon plus ou moins exhaustive, les systèmes de retraite en vigueur en Europe. Ces informations nourrissent pleinement cet échange d’expériences que Mme Karniewicz, présidente du conseil d’administration de la CNAV, estimait, lors de son audition par la mission, indispensable à l’élaboration de toute politique de protection sociale.

La mission s’est donc attachée à proposer une présentation très synthétique des différents systèmes en vigueur dans l’Union européenne et des réformes qu’ils connaissent, plutôt qu’une compilation de données par pays. Nous l’avons complétée par une étude plus détaillée consacrée à trois États, qui ont fait l’objet d’auditions spécifiques ou de déplacement de la mission. Notre rapport s’est inspiré, bien sûr, de l’exposé liminaire de M. Hadas-Lebel, président du COR, dont l’audition avait inauguré les travaux de la mission. Les nombreuses auditions qui ont suivi – vous en avez la liste à la fin du rapport – nous ont permis, je crois, en comparant les points de vue, de mieux préciser les différents aspects de ce très vaste sujet.

La première partie du rapport présente une étude transversale de l’architecture et des modes de financement des régimes de retraite et de leur évolution. Il montre la place croissante que les États occupent dans leur gouvernance et leur sauvegarde. Il apporte des précisions sur l’élargissement ou la modification de l’assiette des cotisations sociales qui ont fait l’objet de nombreuses expériences mais aussi de multiples études, me conduisant à une réflexion plus large sur leurs conséquences économiques.

Les réformes engagées, qu’elles soient systémiques ou paramétriques, se fondent sur un constat souvent partagé, du moins implicitement, entre les partenaires politiques et syndicaux, sur les grandes tendances que dessinent les projections démographiques, économiques et financières. Elles comprennent aussi une évaluation d’un niveau de vie qui soit socialement satisfaisant pour les retraités.

Sur la base de ce constat commun, tous ne tirent évidemment pas les mêmes conclusions. Les conditions politiques de la réforme et donc la nécessaire continuité de mesures s’appliquant, par définition, sur de longues durées, ne sont pas toujours optimales. Les réformes elles-mêmes sont donc extrêmement variées, bien qu’il soit possible de distinguer quelques grands axes communs et parmi ceux-ci, à la veille de la crise, une tendance croissante à la capitalisation.

La crise aiguë que nous connaissons depuis deux ans a poussé beaucoup d’États européens à s’interroger sur la pertinence de nouvelles réformes des retraites dans un contexte aussi incertain. Il convient à cet égard de distinguer les mesures urgentes de sauvegarde, des décisions s’inscrivant dans la volonté d’assurer la viabilité durable des régimes de pension.

Je m’associe, quant à moi, à ce que rappelait Philippe Séguin, lors de la présentation à notre commission du rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 : « Rien ne serait plus dangereux que de faire de la crise un prétexte pour différer les indispensables réformes de notre protection sociale et de son financement. »

La deuxième partie du rapport est consacrée plus particulièrement aux réformes des systèmes de retraites de trois États très représentatifs des différents régimes existant en Europe : l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande.

La mission, dès sa constitution, s’est interrogée sur la difficulté de tirer des conclusions à partir d’exemples étrangers difficilement transposables. Chaque régime national de retraite s’insère, en effet, dans un cadre social cohérent, qui est le produit d’années d’expériences et de confrontations, mais aussi de réussites, dans toutes sortes de domaines comme la politique familiale, la santé, le handicap, l’emploi, les conditions de travail, l’éducation, la formation professionnelle qu’il est difficile d’apprécier isolément.

Ces éclairages variés permettent, je crois, d’ouvrir un questionnement enrichissant, mais pas de figer des préconisations. Nous débattons en ce moment des retraites en France, il m’a donc semblé qu’il serait inopportun pour notre mission de tirer des conclusions pendant que se mène la concertation.

Au-delà de cette approche comparative des systèmes de retraite européens, notre mission a également articulé ses auditions sur quelques questions précises, permettant d’en mieux apprécier la logique : l’emploi des seniors, la prise en compte de la pénibilité et les pensions de réversion. Ces questions s’inscrivent d’ailleurs pleinement dans notre débat national.

C’est pourquoi, il nous a semblé qu’il était cependant possible et enrichissant de tirer quelques enseignements des différentes solutions adoptées, sur tous ces points, en Allemagne et en Finlande.

S’agissant de l’Allemagne, le rapport insiste sur quatre points, tous réformés récemment. :

– le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite introduit progressivement pour être porté à 67 ans en 2029, mesure qui s’accompagne d’une réflexion sur le rôle des salariés âgés et sur leur place dans l’entreprise ;

– l’introduction d’un régime par points directement relié au nombre d’années de travail et donc qui articule, en fait, annuités et points. Ce mode de fonctionnement tire son origine de la volonté de ne pas modifier le montant des pensions versées, lors de la transition, en 1992, entre l’ancien régime par annuité et le nouveau régime par points ;

– l’établissement de droits satisfaisants pour le conjoint survivant par un système de pension de réversion sous condition de ressources, favorable aux jeunes veuves. C’est un sujet de réflexion pour nous alors que, vous le savez, l’allocation veuvage telle que nous la connaissions doit disparaître à la fin de l’année et que la suppression progressive de la limite d’âge de la pension de réversion qui devait s’y substituer n’apparaît plus comme une solution adaptée et a été abandonnée en 2009 ;

– enfin, le développement de l’épargne retraite par les plans « Riester », dont le caractère le plus novateur est qu’il favorise surtout les familles à revenus modestes et qui concerne déjà 13 millions d’Allemands, à l’inverse des divers plans d’épargne complémentaire introduits dans certains pays d’Europe, y compris chez nous. Il me semble que ce pourrait être une source d’inspiration pour la mise en place, en France, d’une forme de livret d’épargne retraite populaire. Il permettrait de développer un système de retraite supplémentaire unifiant et simplifiant les multiples régimes d’épargne retraite facultatifs, collectifs ou individuels, introduits avec beaucoup de créativité mais un impact limité depuis de nombreuses années, sous différentes majorités politiques.

Le déplacement de la mission en Finlande avait lui pour objet principal d’étudier les facteurs ayant contribué à favoriser le travail des seniors dans des conditions satisfaisantes pour les salariés comme pour les employeurs. C’est le premier point abordé dans le rapport.

La politique menée dans ce domaine a fait, vous le savez, de la Finlande une référence. Si le taux d’emploi des travailleurs âgés lui-même reste inférieur à celui des pays où il est surtout déterminé par le faible niveau des pensions, la Finlande est devenue un modèle par son rapide redressement.

Le principal apport des programmes finlandais de développement du travail des seniors est d’avoir su convaincre les entreprises qu’elles avaient intérêt à disposer de seniors et à les accompagner. Car pour un employeur, bien sûr, une carrière longue n’est pas en soi un objectif, il faut aussi du personnel efficace. Tout repose donc sur les mesures d’accompagnement déterminées par les différents acteurs et sur leur confiance réciproque.

Le deuxième point abordé par la partie du rapport consacrée à la Finlande est un peu la contrepartie du précédent, puisqu’il concerne la prise en compte de la pénibilité.

C’est dans le cadre général du bien-être au travail que la Finlande prend en compte la pénibilité du travail dans les réformes de son système de retraite, comme d’ailleurs la plupart des pays de l’Europe du Nord, et contrairement à l’Espagne ou l’Italie qui ont de cette question une approche assez voisine de la nôtre.

Sans aller jusqu’à la surprise de M. Eguchi - professeur japonais venu apporter à la mission un regard extérieur aux États européens - devant la notion même de traitement différencié des travailleurs en fonction de la pénibilité de leur métier, nos interlocuteurs finlandais ont tous souligné que la question ne pouvait se résumer à une prise en compte du problème au seul moment de la retraite, sauf à encourager en fait les mauvaises pratiques des employeurs.

L’Institut de la santé au travail et le réseau efficace de la médecine du travail finlandais ont inversé la question, en proposant des solutions tout au long du parcours professionnel. Cette sensibilisation de l’entreprise à la santé de ses salariés pendant toute leur carrière correspond d’ailleurs aux observations que les représentants de la Confédération française des retraités ont présentées à la mission. Un des paradoxes de la prise en compte de la pénibilité pour calculer l’âge de la retraite est justement d’exonérer les employeurs de leur responsabilité à l’égard de la santé de leurs employés, pour la confier à la collectivité et aux pouvoirs publics, chargés de réparer in fine les traumatismes créés par l’exercice des métiers difficiles.

L’approche individuelle finlandaise et, plus largement, des pays de l’Europe du Nord, me semble aujourd’hui la mieux à même de répondre aux multiples conséquences du travail sur la santé des salariés, indépendamment de leur âge et donc de la pénibilité.

Les programmes de vieillissement actif, s’ils sont résolument menés très en amont, rendent possible le maintien du niveau des pensions et donc de la confiance établie entre les générations. La prise en charge de cette question par l’ensemble de la société est certes conforme à une forte tradition de recherche d’un large consensus et une des raisons des bons résultats finlandais. Mais ne serait-il pas souhaitable, là aussi, que le débat français s’en inspire ?

La question du « bien-vieillir » est devenue également cruciale dans tous les pays d’Europe, et ce n’est pas un hasard si cinq missions concomitantes de la commission des affaires sociales en traitent plus ou moins directement.

La situation des personnes âgées ou vieillissantes, la reconnaissance de leur rôle social symbolisent une civilisation. Mme Anne-Marie Guillemard soulignait, lors de son audition par notre mission, que « la solidarité entre les générations est une longue chaîne, qui suppose la confiance dans le maintien des droit ; elle est donc fragile. » Elle ajoutait qu’il faut « combattre résolument le pseudo-conflit intergénérationnel. » Il nous appartient clairement, je crois, de contribuer à refonder ce pacte social nécessaire pour resserrer les liens intergénérationnels, qui sont seuls à même d’assurer une approche sereine des réformes à venir de nos régimes de retraite.

M. Jean-Luc Préel. Je remercie le rapporteur pour son travail car il apparaît important d’étudier les exemples des réformes menées par différents pays européens au moment où nous menons une réforme de notre propre système. En effet, le constat de la nécessité d’une réforme des retraites s’est imposé à tous les pays pareillement confrontés à un problème démographique, le papy-boom, mais aussi, comme le relève le rapport, à une diminution de la vie active, un phénomène souvent peu pris en considération. La réforme systémique est longue et complexe et elle ne résout pas tous les problèmes, mais n’est-il pas urgent de s’y atteler dès lors que tous les pays ont déjà engagé de véritables réformes de fond ?

Au sujet du rapport, je ferai trois remarques. La question de la TVA sociale, qui ne pèse pas sur la production, me paraît intéressante, mais je regrette de ne pas en retrouver un développement dans les conclusions. De même, la partie du rapport consacrée à l’indexation des pensions relève, ce qui est d’ailleurs rarement remarqué, que la consommation en matière de transport, de logement, d’énergie ou d’alimentation diffère selon l’âge de la personne et donc que l’index des prix des produits consommés par les retraités pourraient être différent de celui de l’ensemble de la population. Il serait donc satisfaisant, là aussi, d’avoir des propositions en ce sens. Enfin, la recherche d’un consensus national, au moins sur les principes de base, ne me paraît pas impossible, dès lors que les données démographiques et les conclusions des travaux du Conseil d’orientation des retraites sont connues de tous. Je conclurai ces propos en vous faisant part d’une certaine frustration : de toutes ces comparaisons, aucune conclusion, aucune proposition dans le rapport n’apparaît clairement. Je serais heureux que le rapporteur en établisse, par exemple, sur l’urgence de la réforme, la recherche d’un consensus, le régime universel ou le système en comptes notionnels.

M. Jean Mallot. Je tiens à féliciter la mission d’information et son rapporteur pour le travail accompli. Ce rapport est intéressant, car il dresse un panorama des différents systèmes de financement des retraites dans les vingt-sept pays de l’Union européenne. Il semble naturel que le responsable de l’UMP pour les retraites ait eu à cœur d’approfondir la question du financement de celles-ci en Europe pour préparer le débat à venir en France.

Le rapport de la mission d’information démontre que la comparaison entre les différents systèmes en vigueur dans les États européens demeure difficile. En effet, la même notion recouvre des réalités différentes selon les pays. Par exemple, lorsque l’on parle d’âge légal de départ en France, il s’agit d’un âge de droit au départ à la retraite, alors qu’en Allemagne, il s’agit davantage d’un âge butoir. En pratique, les âges moyens de départ réels sont proches dans les deux pays, autour de 61 ans.

Bien que le rapport présente clairement les différents systèmes et les leviers de réforme mis en œuvre, je ressens une frustration à sa lecture, car il ne formule aucune proposition. Or, des descriptions des différents systèmes de retraite ont déjà été effectuées. Lorsque sont abordés les systèmes allemands, finlandais, on s’attend à ce que soient développées des propositions pour la France. Ainsi, s’agissant du mode de prise en compte de la pénibilité en Finlande, au-delà de la préférence du rapporteur pour une approche individualisée, nous souhaiterions d’autres développements pour notre pays. Le système devrait-il être médicalisé, standard, objectif ? Nous sommes déjà dans le temps du débat et non plus dans celui des grands principes, bien que nous attendions toujours les propositions du Gouvernement. Pour l’heure, seules les propositions du parti socialiste sont connues et alimentent le débat. Elles sont d’ailleurs bien reçues par l’opinion.

M. Jean-Luc Préel. L’idée de la retraite à 50 ans est évidemment bien reçue !

M. Jean Mallot. Au-delà de la caricature, le débat français pourrait être utilement éclairé par les travaux qui ont été menés par la mission d’information, notamment, je l’ai rappelé, sur le traitement de la pénibilité en Finlande, si vous proposiez des recommandations. J’aurai deux observations supplémentaires à formuler.

En premier lieu, le rapport de la mission apporte des éléments de nuance par rapport à la politique menée par la majorité. Il aborde en effet la question de la TVA sociale en vigueur au Danemark et rappelle qu’en « 2007, le pourcentage des recettes fiscales par rapport au PIB continuait de placer le Danemark avec la Suède en tête des pays de l’OCDE avec un taux de 50 % », l’impôt sur le revenu en représentant la part la plus importante. Les Danois ne fuient pourtant pas leur pays et il n’existe pas au Danemark de rigoureux bouclier fiscal. De la même façon, le rapport note à propos de la Suisse que : « le civisme qui caractérise ce pays prévoit en outre que les personnes n’exerçant pas d’activité lucrative doivent également payer des cotisations dont le montant dépend de la fortune ou du revenu annuel sous forme de rente ». Voilà une précision intéressante. Ce rapport va donc pouvoir servir de source d’information pour l’ensemble des formations politiques.

En second lieu, le rapport énumère les différents leviers utilisés en Europe pour réformer les systèmes de retraite, à savoir : « accroître les recettes en diversifiant les ressources et en augmentant le niveau des cotisations, réduire les dépenses en nivelant les prestations ». Il manque dans cette liste la taxation du capital et la suppression des niches fiscales et sociales, qui sont abordées dans d’autres parties du rapport. Il faudrait donc compléter la liste présentée.

En conclusion, si le rapport d’information est très intéressant, on éprouve une frustration à sa lecture en raison de l’absence de propositions et de la présentation d’une liste incomplète des outils à notre disposition pour porter remède, si on le souhaite, au système de retraite français.

M. Denis Jacquat. Le rapport de la mission d’information répond à la commande de la Commission des affaires sociales qui était de dresser un panorama du financement des systèmes de retraite en Europe. La mission d’information n’avait pas pour mandat de produire des préconisations, mais d’alimenter la réflexion de la commission. Elle a donc rempli son rôle. Selon leurs tendances politiques, les députés détermineront ensuite leurs choix. Si Jean Mallot en éprouve une frustration, je tiens à féliciter Arnaud Robinet, au nom de l’UMP, pour le travail accompli.

M. le rapporteur. La mission d’information avait pour mandat d’effectuer un travail de recherche, d’explication et de synthèse, afin d’enrichir le débat actuel et celui que nous aurons en juillet lors de l’examen du projet de loi en commission.

Pour répondre aux remarques de Jean-Luc Préel, nos voisins européens ont engagé des réformes systémiques à des moments bien précis : lorsque leurs caisses de retraite étaient excédentaires, comme en Suède par exemple. De plus, l’ensemble des pays a choisi de reculer l’âge de départ en retraite. En France, il n’est pas certain qu’un changement systémique permettrait de résoudre le déséquilibre financier actuel, même si l’on doit progresser dans cette direction. Quant à la TVA sociale, étant effectivement un impôt sur la consommation et non pas une cotisation, elle présente l’intérêt de ne pas peser sur les salaires et donc sur la production. Elle pose la question plus globale du financement future de la protection sociale.

Dans ce débat de société, l’objectif est d’obtenir un consensus entre les formations politiques et avec les partenaires sociaux. Un consensus sur le constat a déjà été trouvé, c’est un premier pas. Demeure la question des solutions à apporter. Lors d’un déplacement effectué en Finlande, la mission d’information a pu constater le consensus étonnant existant sur la méthode et les politiques à mener entre le patronat, les syndicats de salariés et le Gouvernement, notamment sur le financement du système de retraite et l’emploi des seniors.

Aux propos critiques de Jean Mallot, je répondrai que le rapport distingue les réflexions générales des pratiques réelles des États, dans la liste des leviers de réforme mis en œuvre qu’il dresse. La mission d’information avait pour objectif d’établir une panoplie des réformes menées et non pas de formuler des recommandations. Le Gouvernement comme la Commission des affaires sociales doivent continuer de mener la concertation. Il sera temps ensuite d’utiliser ce rapport lors de l’examen du projet de loi.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je tiens à formuler quatre observations. Tout d’abord, partout en Europe, quel que soit la couleur politique des gouvernements, l’âge légal de départ à la retraite et la durée de cotisation ont été modifiés. Refuser de reconnaître cette réalité ne permettra pas de résoudre le problème de financement de notre système de retraite. Ensuite, la capitalisation est beaucoup plus développée à l’étranger. En outre, pour répondre à l’inquiétude des Français, il faut rappeler que la réforme sera mise en œuvre de manière progressive. Enfin, des efforts en faveur de l’emploi des seniors doivent être accomplis. Il faut être attentif à la question de la mise en invalidité, qui demeure très importante dans les pays scandinaves. En Suède comme en Finlande, il faut étudier le nombre des personnes en invalidité par tranche d’âge et les secteurs professionnels concernés. En Suède, si le taux de chômage est très faible, près d’un million de personnes se trouvent en invalidité. Il faut intégrer cette donnée, y compris sur le plan budgétaire.

M. le rapporteur. Les méthodes et les paramètres choisis par les pays européens peuvent être comparés, puisque nous sommes confrontés aux mêmes problèmes d’évolution démographique et de vieillissement de la population.

M. Rémi Delatte. Je tiens à saluer la qualité du travail accompli par la mission d’information et son rapporteur. Le rapport présente les différents systèmes de gestion des régimes de retraite qui partout ont été réformés face aux évolutions démographiques actuelles, comme le soulignait le président Pierre Méhaignerie. La question de l’allongement de la durée de cotisation a été prise en compte dans tous les pays européens lorsqu’ils ont réformé leurs systèmes.

Le rapport de la mission est très bien documenté. À l’instar de Denis Jacquat, il me semble fondamental que la mission d’information n’ait pas formulé de recommandations pour ne pas interférer avec l’action du Gouvernement.

Deux problématiques abordées dans le rapport m’ont paru particulièrement intéressantes. Il s’agit tout d’abord de l’emploi des seniors. Les pays scandinaves l’ont traité sous l’angle de « l’accompagnement des seniors ». Je trouve cette formule très juste, car si le processus de transmission des savoirs s’accomplit en principe naturellement, il doit être soutenu. Cette politique peut constituer une source d’inspiration pour la France qui doit diffuser des pratiques innovantes auprès des entreprises.

Il s’agit ensuite de la question de la pénibilité qui, selon moi, doit être abordée dans le cadre du travail. Comme le soulignait le président Méhaignerie, il faut être attentif à la question de l’invalidité. La dimension individuelle et le ressenti de la pénibilité doivent néanmoins être pris en compte. Si l’on établit une liste des professions pénibles, on risque de remettre en cause le travail de valorisation des métiers accompli par certains secteurs professionnels, comme le bâtiment et les travaux publics.

Le travail de la mission d’information permet de comprendre qu’il n’existe pas de solution unique au problème du financement du système de retraite. Il faudra certainement opter pour une solution mixte entre la répartition et la capitalisation, tout en tenant compte de l’histoire et de la culture nationales.

M. Christophe Sirugue. Le rapport présente l’intérêt de rassembler sous forme de recueil des éléments déjà connus mais dispersés sur les régimes de retraite de différents pays européens. J’en retire quelques enseignements. En premier lieu, le rapport montre qu’il est difficile d’aller au-delà de la stricte comparaison d’éléments objectifs concernant les différents régimes étudiés. En second lieu, il est également très difficile d’anticiper et d’effectuer des projections à trente, quarante ou cinquante ans. Le rapport se garde d’ailleurs bien de le faire, tant il est vrai qu’il convient d’être prudent sur les hypothèses économiques que l’on peut faire à des échéances aussi éloignées. Cela limite d’ailleurs l’appréciation sur les marges sur lesquelles on peut jouer et on pourra jouer à l’avenir. En troisième lieu, si le rapport rappelle que la crise économique récente nous montre, une fois de plus, la grande fragilité des systèmes de retraite par capitalisation, il eût été souhaitable de le rappeler en conclusion. Enfin, il eût été intéressant de mieux intégrer dans le raisonnement et les comparaisons effectuées les différences d’approche dans les différents pays en ce qui concerne la prise en compte du handicap social. Sans cela, les comparaisons, chiffres et ratios, sont biaisés.

M. Bernard Perrut. Le rapport, qui résulte d’un travail important et fournit des éléments objectifs, ouvre des pistes intéressantes concernant l’évolution de notre système de retraite. Il rappelle avec justesse que les régimes de retraite reposent sur l’association de dispositifs d’assurance sociale obligatoire, de régimes complémentaires liés à un emploi ou à une profession et des systèmes privés d’épargne retraite. Le rapport présente notamment le dispositif d’épargne retraite en vigueur en Allemagne qui est favorable aux familles à revenus modestes, à l’inverse des plans d’épargne introduits ailleurs en Europe, y compris en France ; cet exemple peut être pour nous une source d’inspiration. Le rapport y fait d’ailleurs écho en suggérant l’idée d’instaurer un livret d’épargne populaire. Cela pourrait constituer un pilier supplémentaire. Par ailleurs, notre réforme des retraites devrait s’inspirer des mesures de relèvement de l’âge légal de départ en retraite décidé dans nombre de pays européens.

M. Michel Issindou. Les rapports des missions d’information concluent en général en formulant des propositions de modification des dispositifs en vigueur. On peut se demander pourquoi le présent rapport ne fait pas de même. Peut-être n’est-ce pas opportun ou n’est-ce pas le bon moment. Le rapport évoque l’exemple de la Finlande et du large consensus qui a prévalu pour l’élaboration de la réforme des retraites dans ce pays et suggère de s’en inspirer. Pourtant, le Gouvernement ne suit pas cet exemple. En témoigne le délai serré – dépôt du texte en juillet et adoption en septembre – dans lequel il est prévu d’examiner le projet de loi. Par ailleurs, il convient de souligner la difficulté de comparer les différents systèmes de retraite en vigueur dans les différents pays étudiés, en raison de différences culturelles et structurelles en matière de travail, d’emploi et d’organisation sociale. Le rapport met notamment en avant l’exemple de la Suède – les pays du nord de l’Europe semblant étrangement trouver une certaine faveur aux yeux de la majorité – mais si, dans ce pays, 70 % des seniors travaillent, ils ne sont que 38 % en France. En outre, en Suède, le fonds de réserve qui a été constitué occupe une place importante dans le financement et la garantie du système, alors qu’en France le Fonds de réserve pour les retraites est « maigrichon » et, qui plus est, menacé d’être utilisé dans l’immédiat pour combler le déficit actuel. Au total, le rapport est intéressant, mais l’absence de propositions semble témoigner d’un manque de courage et de volonté politique d’aller au-delà du simple constat des différences nationales.

M. Fernand Siré. Européen convaincu, je me félicite des comparaisons européennes que présente le rapport de la mission d’information. Il y a lieu de souligner que les mouvements de population, qui existaient il y a plusieurs dizaines d’années, se sont aujourd’hui, en partie, inversés. On observe désormais des déplacements de Français, notamment implantés dans le sud de la France, qui vont travailler ou s’installer en Italie ou en Espagne, dont les démographies sont moins dynamiques que la nôtre et où, dans le cas de l’Espagne, les systèmes de prise en charge en cas d’invalidité sont beaucoup plus favorables qu’en France. Il serait d’ailleurs souhaitable d’approfondir l’étude des effets résultant des différences entre régimes de protection sociale des pays européens sur les mouvements de population en Europe. Au-delà, il serait souhaitable de favoriser le rapprochement des systèmes de protection sociale, afin d’assurer l’égalité des chances en Europe. Les informations présentées dans le rapport y contribuent dans le domaine des retraites.

M. Jean Mallot. Ce qui vient d’être dit met en lumière l’importance du débat que nous avons déjà eu dans cette assemblée à plusieurs reprises concernant l’harmonisation sociale et fiscale en Europe, notamment à l’occasion de la discussion du traité constitutionnel européen, puis du traité de Lisbonne, et encore récemment, à l’occasion du débat sur la crise des finances publiques de la Grèce et des interrogations sur la possibilité d’une monnaie unique sans gouvernement, par exemple. Nous sommes prêts et serions heureux de poursuivre aujourd’hui ce débat, afin d’approfondir notre réflexion pour savoir jusqu’où peut aller le fédéralisme européen et sur l’harmonisation fiscale et sociale.

M. le rapporteur. L’objectif du rapport, tel qu’il avait été défini par les membres de la mission d’information lors de sa première réunion, était de regarder ce que font nos voisins européens en matière de retraite afin d’enrichir notre propre réflexion, notamment en ce qui concerne la prise en compte de la pénibilité au travail, l’emploi des seniors et les pensions de réversion. Les retraités des pays européens ayant des systèmes fondés principalement sur la capitalisation ont vu leur revenu baisser parfois nettement. Il faut souligner le rôle important joué par notre système de retraite, en particulier dans cette période de crise économique. Il faut, en effet, rappeler que le système de retraite français, fondé sur la répartition, fait partie du socle social auquel nous sommes particulièrement attachés et a bien rempli son rôle d’amortisseur social. La sauvegarde de notre système par répartition est l’objectif de la réforme de 2010. Et de fait, le débat entre la retraite par répartition et la retraite par capitalisation est un débat qui date des années 1990 et n’est plus d’actualité. Mais rien n’empêche de faire des propositions pour que les dispositifs de l’épargne retraite soient accessibles à l’ensemble des salariés qui pourraient ainsi se constituer non pas une retraite complémentaire mais, et j’insiste sur l’adjectif, une retraite supplémentaire.

La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

Puis la Commission des affaires sociales examine, pour avis, sur le rapport de M. Gérard Cherpion, la proposition de loi visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi (n° 2499) et la proposition de résolution tendant à réviser le Règlement de l’Assemblée nationale (n° 2491)

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous allons d’abord entendre M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis, sur les deux textes dont nous sommes saisis pour avis.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. Lorsque nous avons adopté, à l’initiative de M. Gérard Larcher, la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, certains, dans l’opposition, s’étaient interrogés sur sa portée. Ils avaient critiqué une rédaction qu’ils jugeaient trop floue et le fait qu’une loi simple n’imposerait pas de véritable contrainte juridique pour l’adoption de lois futures, lesquelles pourraient contourner l’obligation de concertation sans être inconstitutionnelles.

Aujourd’hui, avec trois ans de recul, force est de constater que le premier bilan de la loi du 31 janvier 2007 est remarquable. Avant de l’esquisser, je rappellerai qu’elle se heurte à une limite évidente et légitime.

Selon l’article 3 de la Constitution, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. » Toujours selon la Constitution, le Gouvernement « détermine […] la politique de la nation » et le Parlement « vote la loi ».

Au regard de notre ordre public, une organisation sociale telle qu’un syndicat ne saurait être un co-législateur. C’est pourquoi la loi de 2007 impose une concertation en amont sur les projets de réforme du Gouvernement dans le champ du droit du travail, mais pas une négociation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux : il s’agit seulement de laisser aux partenaires sociaux, s’ils le souhaitent, la faculté et le temps de négocier entre eux. Ensuite, Gouvernement et Parlement ne sont tenus vis-à-vis du résultat de la négociation qu’à une sorte d’obligation de bonne foi et de loyauté. Le Conseil constitutionnel l’a clairement indiqué dans les décisions qu’il a rendues sur les deux lois de réduction du temps de travail, dites loi « Aubry », en 1998 et 2000. Le Parlement est libre de reprendre ou non les accords des partenaires sociaux dans les lois qu’il vote. Si quelques dispositions de la loi Aubry II ont été censurées au nom de la liberté contractuelle, c’est parce que les branches et les entreprises avaient négocié de bonne foi pour mettre en œuvre la loi Aubry I et que, dix-huit mois plus tard, le législateur prétendait invalider leurs accords, alors même que ceux-ci n’étaient pas incompatibles avec ce que le Conseil a appelé les « conséquences prévisibles » de la loi Aubry I .

L’application de la loi du 31 janvier 2007 a donné lieu à trois grandes réformes, à la fois audacieuses, consensuelles et efficaces, sur lesquelles les partenaires sociaux ont conclu des accords suivis d’une transposition législative.

Tout d’abord, la modernisation du marché du travail par la loi du 25 juin 2008 a dégagé des solutions originales sur la question très sensible de la rupture du contrat de travail. Éludant la question trop conflictuelle du licenciement économique, elle a notamment institué pour les autres cas de rupture une procédure qui répondait manifestement à un besoin : la rupture conventionnelle. Deux ans seulement après cette réforme, on compte 214 000 ruptures conventionnelles par an, soit à peu près autant que de licenciements économiques. La loi a également amélioré les droits des salariés en matière d’indemnités de licenciement et d’indemnités complémentaires de maladie.

Ensuite, la rénovation de la démocratie sociale par la loi du 20 août 2008 a conduit à un total renouvellement du paysage syndical, qui était figé depuis le fameux arrêté de 1966 fixant la liste des syndicats représentatifs au plan national et interprofessionnel, c’est-à-dire depuis plus de quarante ans.

Enfin, la réforme de la formation professionnelle par la loi du 24 novembre 2009 acte un véritable changement d’orientation des partenaires sociaux qui, dépassant la logique des branches, ont accepté de consacrer près d’un milliard d’euros par an à la sécurisation des parcours professionnels au bénéfice des chômeurs et des salariés qui accèdent difficilement à la formation et en ont pourtant le plus besoin : salariés des PME, salariés les moins qualifiés, salariés connaissant des ruptures ou salaires précaires.

Lors des entretiens du Conseil d’État du 5 février 2010, qui portaient sur le bilan de la loi de modernisation du dialogue social, plusieurs intervenants ont évoqué les raisons pour lesquelles la loi permet de mieux légiférer.

En premier lieu, le texte de 2007 responsabilise les acteurs. Le Gouvernement est désormais obligé de formaliser en amont ses pistes de réforme, tandis que les partenaires sociaux, soumis – il est vrai – à une forme de tension, ont pris des habitudes de négociation régulière, qu’ils n’avaient jamais eues auparavant.

En deuxième lieu, l’obligation de concertation préalable impose que l’on prenne du temps et interdit donc de céder à l’emballement médiatique qui caractérise parfois l’élaboration de nos lois.

En troisième lieu, on peut penser que des textes issus de la négociation collective sont plus consensuels. Ils suscitent moins de débats difficiles au Parlement et moins de litiges dans leur application.

Enfin, les lois issues d’accords collectifs sont vraisemblablement plus stables, comme le montre l’exemple de la législation sur le contrat à durée déterminée, issue de la transposition d’un accord national et qui n’a pas été modifiée depuis vingt ans. Gouvernement et Parlement hésitent, en effet, à revenir sur le fruit du dialogue social.

Bref, la loi de 2007 concourt, dans l’élaboration de nos normes sociales, à un apaisement qui ne peut être que positif.

Au regard de ce bilan flatteur, la question de l’obligation de concertation préalable avec les partenaires sociaux se pose légitimement pour les initiatives parlementaires. En effet, la loi de 2007 ne concerne que les projets de réforme du Gouvernement, alors que la révision constitutionnelle de 2008 doit conduire à une revalorisation du rôle du Parlement. Le Bureau du Sénat, en décembre 2009, puis la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale, en février 2010 ont adopté en conséquence des protocoles expérimentaux prévoyant une telle concertation avec les partenaires sociaux sur les propositions de loi susceptibles d’être inscrites à l’ordre du jour dans le domaine du droit du travail. La question des amendements n’a pas été traitée, mais la brièveté des délais dans lesquels ils sont déposés puis examinés rend de toute façon difficile l’institution d’une procédure formalisée.

Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche propose aujourd’hui, d’une part, d’inscrire dans la loi une obligation de concertation avec les partenaires sociaux sur les propositions de loi traitant du droit du travail et, d’autre part, de prévoir dans notre Règlement les modalités de cette procédure, en reprenant, sous réserve de deux modifications, le texte du protocole expérimental du 16 février 2010 que j’ai évoqué précédemment.

Ces propositions posent cependant plusieurs problèmes.

D’abord, la proposition de loi n° 2499 prévoit, à l’article L. 1 du code du travail, une insertion qui crée la notion de « projet de réforme proposé par le Parlement ». Or, il n’existe pas de projet de réforme proposé par le Parlement, mais des initiatives de ses membres ou de ses groupes, puis des textes adoptés par le Parlement, lesquels ne sont plus des projets, mais des lois.

Ensuite, la proposition de loi confie aux auteurs des propositions de loi traitant du droit du travail la charge d’engager la concertation avec les partenaires sociaux, alors que la proposition de résolution tendant à réviser le Règlement de l’Assemblée nationale délègue cette mission au président de la Commission des affaires sociales. Il y a là une contradiction.

Surtout, l’article 48 de la Constitution garantit l’inscription de droit à l’ordre du jour des textes que le Gouvernement souhaite y inscrire, qui peuvent être des propositions de loi, ainsi que des textes que les groupes d’opposition et minoritaires souhaitent inscrire dans ce que l’on nomme les « niches ». Il serait donc vraisemblablement inconstitutionnel de subordonner l’inscription à l’ordre du jour de propositions de loi à une procédure préalable de concertation. Faut-il rappeler au surplus que toute résolution tendant à modifier notre Règlement est automatiquement renvoyée au Conseil constitutionnel ?

J’ajoute que je suis assez surpris que le groupe SRC nous demande d’adopter le même jour une proposition de loi, qui n’entrera en vigueur que si le Sénat la vote ensuite dans les mêmes termes, et une révision de notre Règlement immédiatement applicable, sous réserve du contrôle du Conseil constitutionnel. Donner une base légale à l’obligation de concertation préalable sur les propositions de loi offre l’avantage d’imposer les mêmes règles aux deux assemblées, ce qui est légitime. Mais, en l’espèce, il conviendrait d’attendre que la base légale soit définitivement adoptée pour envisager les mesures d’application dans chacune des assemblées.

Pour toutes ces raisons, je proposerai à la Commission des affaires sociales d’émettre un avis favorable à l’adoption de la proposition de loi n° 2499, sous réserve de l’adoption de deux amendements qui la réécrivent, afin de lever les difficultés que j’ai indiquées. En revanche, modifier le Règlement peut être imprudent et est certainement prématuré. Je lui proposerai donc d’émettre, pour le moment, un avis défavorable à l’adoption de la proposition de résolution n° 2491.

M. Jean Mallot. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie du travail que vous avez accompli dans un délai très court. Je n’ai guère eu plus de temps pour travailler en tant que rapporteur de la Commission des lois saisie au fond sur ces textes, qui visent à étendre aux propositions de loi le dispositif qui prévaut, en application de l’article L. 1 du code du travail, pour les projets de réforme d’initiative gouvernementale. Si nous avons préféré aux termes de « projet de loi » ceux de « projet de réforme », c’est que la dernière formule est plus vaste et plus vague : une réforme peut s’exprimer par exemple dans un décret.

Je ne reviendrai pas sur les applications dont a fait l’objet l’article L. 1 du code du travail, qui ne permet malheureusement pas de traiter les propositions de loi. Nous l’avons regretté lors de l’examen de la proposition de loi relative au travail dominical, inscrite à l’ordre du jour des assemblées, non à la faveur d’une niche parlementaire, mais au titre de l’ordre du jour prioritaire, ou de la proposition de loi destinée à favoriser le maintien et la création d’emplois. Son auteur, Jean-Frédéric Poisson, avait poussé la logique jusqu’à rédiger une proposition de loi n° 1872 n’ayant jamais été inscrite à l’ordre du jour, qui visait à saisir les partenaires sociaux pour leur demander leur avis sur les propositions de loi, comme nous le faisons régulièrement de manière informelle. Mais sa proposition restait en deçà de la nôtre : elle se situait après l’inscription des textes à l’ordre du jour, et non en amont ; en outre, elle ne prévoyait qu’une simple consultation.

Au cours des auditions que nous avons organisées, et auxquelles vous avez participé, nous avons entendu les représentants des partenaires sociaux se féliciter que l’on complète le dispositif en y incluant les propositions de loi, tout en regrettant que l’on ne puisse rien faire pour prendre en compte les amendements d’origine parlementaire ou gouvernementale. Mais comment prévoir leur consultation dans ce cas de figure ? Le problème des délais est réel. En outre, il faut veiller à ne pas limiter le droit d’amendement des parlementaires, ce qui poserait un problème de constitutionnalité. Enfin, on doit prévoir le cas où une proposition de loi serait inscrite par le Gouvernement au titre de l’ordre du jour prioritaire. Dans tous les cas, le problème posé est moins juridique que politique, et tient à ce que l’origine des textes peut paraître moins parlementaire que gouvernementale. Le cas échéant, les textes concernés pourraient rejoindre le cadre de l’article L. 1 du code du travail, car ils constitueraient en fait une réforme gouvernementale.

Bien que les deux textes qui nous sont soumis aujourd’hui s’inscrivent dans une chronologie, il nous a paru préférable de les présenter ensemble. Mieux vaut connaître la totalité du dispositif pour en débattre.

En présentant la proposition de résolution, Gérard Cherpion a rappelé que, le 16 février, la Conférence des présidents avait adopté un protocole. Reste qu’aucun député, à quelques exceptions près, ne connaît son existence. Il n’y a donc aucune chance pour qu’il soit jamais appliqué. La force et le statut d’un protocole adopté par la Conférence des présidents me semblent très incertains.

Si le dispositif prévu par la proposition de résolution s’inspire très largement de ce protocole, il existe entre eux trois différences. Tout d’abord, la proposition de résolution prévoit que la consultation des partenaires sociaux ne sera pas décidée par la Conférence des présidents, mais prévue par le Règlement de l’Assemblée. Ensuite, elle allonge de quinze jours à un mois le délai entre le moment où les partenaires sociaux sont saisis et celui où ils font connaître leur intention de procéder à des négociations – il importe de leur laisser le temps de se concerter pour savoir s’ils souhaitent engager une négociation. Enfin, la possibilité de décréter l’urgence est supprimée pour des textes de ce type. La procédure ne s’impose pas pour une proposition de loi portant, par exemple, sur la formation professionnelle. En outre, le président de l’Assemblée nationale a-t-il la légitimité pour juger de l’urgence d’un texte déposé par l’opposition ?

Pour finir, Gérard Cherpion a posé le problème de la constitutionnalité de ces propositions. Le dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution prévoit que « le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose ». Le président Accoyer ayant écrit à Jean-Marc Ayrault pour proposer de saisir le Conseil d’État, celui-ci et moi-même, en tant que modeste auteur des textes, lui avons évidemment donné notre accord. Nous nous sommes même engagés à diffuser cet avis – nous avons assez protesté quand le président de la Commission des lois, Jean-Luc Warsmann, a refusé de rendre public un avis du Conseil d’État, pour ne pas tomber dans le même travers. Quand le débat se poursuivra en Commission des lois mercredi prochain, l’opinion du Conseil d’État sera venue nourrir notre réflexion.

J’en viens à la constitutionnalité des textes. Sollicité à ce sujet, un constitutionnaliste a considéré que, si la proposition de loi n’était pas anticonstitutionnelle, la résolution, quant à elle, n’était peut-être pas irréprochable à cet égard. Selon lui, l’article L. 1 du code du travail, qui ne résulte pas d’une disposition constitutionnelle explicite, n’aurait pas de véritable portée juridique, et le Conseil constitutionnel ne pourrait se fonder sur lui pour contester la constitutionnalité d’un texte qui ne l’aurait pas pris en compte. La proposition de résolution, qui introduit dans le circuit d’examen des propositions une contrainte supplémentaire, pourrait s’analyser comme une limitation de l’initiative parlementaire.

Pour ma part, je conteste cette analyse. On ne peut traiter différemment la proposition de loi et la proposition de résolution ! Si la première n’a pas de portée juridique suffisante pour fonder une contestation liée à la constitutionnalité d’un texte, il en va de même de la seconde. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel ne s’est jamais fondé sur le Règlement de l’Assemblée nationale pour déclarer une loi contraire à la Constitution.

D’autre part, la proposition de résolution n’entraîne aucune atteinte à l’initiative parlementaire, mais prévoit seulement de modifier les modalités de discussion de propositions de loi déjà déposées. Autant dire qu’elle ne retranchera rien à l’initiative parlementaire, qui restera pleine et entière. Si elle l’adopte, l’Assemblée inscrira seulement dans son Règlement une procédure de suivi et d’examen des propositions de loi.

M. Bernard Perrut. J’ai été rapporteur de la loi du 31 janvier 2007 pour la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Dans la première partie de mon rapport, j’avais souligné que la loi représentait une étape déterminante de l’histoire du dialogue social. J’avais intitulé la seconde : « L’humilité d’une grande ambition : changer les pratiques ». Le texte a tenu ses promesses. Le dispositif, qui était ambitieux, visait trois objectifs : concerter, consulter et informer, pour faire en sorte que le dialogue social s’exerce, conformément à un engagement que le Président de la République avait pris devant le Conseil économique et social. Contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne et l’Italie, dont le droit du travail se fonde sur la négociation et le contrat, la France dispose essentiellement de l’outil législatif et son code du travail est très développé. Le texte de 2007 est parvenu à inscrire le dialogue dans nos pratiques.

Nous voilà aujourd’hui parvenus à une nouvelle étape. Les réflexions développées par le rapporteur pour avis sont essentielles. Il a souligné, à juste titre, que nous devions éviter toute ambiguïté. Comme le Sénat, l’Assemblée nationale a pris ses responsabilités en instituant une procédure expérimentale. Il est légitime que nous écoutions les propositions actuelles, en partie inspirées par des dispositions que nous avons mises en place, et qui demandent peut-être à être gravées plus profondément dans le marbre de la loi. Je rappelle notre attachement au dialogue social. Cela dit, celui-ci ne peut pas se substituer à la souveraineté nationale, que le peuple exerce à travers ses représentants.

M. Guy Lefrand. Il est toujours agréable d’examiner une proposition de loi socialiste qui donne envie de la soutenir ! Nous sommes d’autant plus heureux de le faire, qu’elle reprend en grande partie un protocole expérimental adopté en Conférence des présidents à la demande du Premier ministre.

Nous avons, certes, quelques réserves, à commencer par le fait que des projets gouvernementaux, inscrits dans l’agenda social de l’année, soient placés au même niveau que des propositions de loi qui sont des initiatives strictement individuelles, portant généralement sur des points beaucoup plus spécifiques. Mais, nous pourrons adopter cette proposition de loi modifiée par les amendements du rapporteur pour avis.

La proposition de résolution pose davantage de problèmes. En effet, il existe déjà un protocole expérimental, qui doit être évalué d’ici à septembre 2011. Par ailleurs, la logique voudrait qu’elle ne précède pas l’adoption définitive de la proposition de loi. Surtout, elle diffère du protocole sur trois points importants

D’abord, elle prévoit l’examen par les partenaires sociaux de toutes les propositions de loi à caractère social avant même leur inscription à l’ordre du jour : considérant l’intensité de l’initiative législative de nos collègues, il semble difficile que toutes leurs propositions, même celles qui ne seront pas inscrites à l’ordre du jour, suivent cette procédure.

Ensuite, elle allonge les procédures en portant le délai de réponse des organisations syndicales de quinze jours à un mois. Si la volonté de nos collègues, tout autant que la nôtre, d’améliorer le processus n’était pas si flagrante, ces deux dispositions cumulées pourraient donner des idées d’obstruction…

M. Jean Mallot.  Vous n’avez pas lu le texte ! Seules les propositions inscrites à l’ordre du jour seront concernées.

M. Guy Lefrand. Enfin, la procédure d’urgence doit à notre sens bien sûr être maintenue.

M. Michel Issindou. Ces textes sont positifs et je remercie tous ceux qui ont exprimé leur soutien. Je ne reprendrai pas d’arguments juridiques : le simple bon sens indique que projet et proposition de loi ne sont pas si différents, et qu’on peut sentir la patte du Gouvernement derrière certaines des propositions de loi de l’UMP. Ainsi, le travail du dimanche n’était-il sans doute pas une idée exclusive de Richard Mallié… Le parallélisme des formes devrait donc s’imposer. Une fois votée, la proposition de loi a la même force que les textes concernés par la loi du 31 janvier 2007, même si elle est souvent moins lourde. Elle aboutit à modifier le droit du travail, et les partenaires sociaux doivent donc être consultés. À défaut, il ne faudra pas s’étonner d’une contestation de leur part.

Certes, le but n’est pas l’unanimité : les partenaires sociaux ne tomberont pas totalement d’accord, et le législateur tranchera au final. Mais, une bonne loi doit avoir été discutée à l’avance, avoir recueilli le consensus le plus large possible. Ce moment de dialogue indispensable doit avoir lieu de la même façon pour une proposition que pour un projet de loi.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je voudrais en préalable saluer le travail de notre rapporteur. Grâce aux amendements qu’il a proposés, le texte qui étend les dispositions de la loi de modernisation du dialogue social aux propositions de loi me semble correspondre à l’attente à la fois des parlementaires et de nos concitoyens – le sujet est dans l’air du temps : une proposition de loi sur le dialogue social dans les très petites entreprises sera d’ailleurs bientôt étudiée.

En revanche, la proposition de résolution qui supprime notamment la procédure d’urgence semble dangereuse. Ainsi qu’on l’a vu dans le cadre du plan de relance, le recours à la procédure d’urgence, est parfois nécessaire pour faire preuve de réactivité. Si nos collègues socialistes avaient voté le Règlement de notre Assemblée, ils auraient pu proposer de l’amender. En l’occurrence, leur initiative me semble quelque peu prématurée.

M. Pierre Morange. Nous sommes unanimes, autant pour saluer le travail qu’a accompli notre rapporteur dans un délai particulièrement serré, que pour défendre l’objectif de promotion du dialogue social : le texte de 2007 prévoyant une négociation préalable pour les projets de loi, le parallélisme des formes impose de le décliner aux initiatives parlementaires.

Je ne suis pas favorable à la proposition de résolution, qui s’inscrit dans un temps opérationnel contradictoire avec celui de la proposition de loi. Celle-ci, en revanche, défend notre objectif partagé. Nous pouvons dépasser les discussions constitutionnelles, parce que nous savons que ce consensus existe et aussi, grâce au protocole expérimental signé par les présidents des deux assemblées, que le dispositif fonctionne. Les amendements du rapporteur remédient à quelques fragilités rédactionnelles du texte et lui donnent toute sa substance.

M. Jean Mallot. Qu’il soit bien clair que la proposition de résolution ne vise pas à soumettre toutes les propositions de loi aux partenaires sociaux. Il s’agit simplement, lorsque l’inscription à l’ordre du jour est demandée, de vérifier que la procédure de consultation a été suivie – c’est l’alinéa 11 de l’article unique de la proposition de résolution. Cela n’aboutit ni à limiter l’initiative parlementaire, ni à engorger le système.

Quant à la procédure d’urgence, je rappellerai que l’article L. 1 du code du travail, qu’il est proposé d’étendre aux propositions de loi, concerne les textes portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et relevant du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle. Je ne vois pas bien quel besoin d’urgence pourrait apparaître dans ce cadre. L’exemple du plan de relance ne tient pas.

Enfin, il y a une contradiction à ne pas vouloir allonger les délais pour éviter l’engorgement tout en plaidant pour une procédure d’urgence qui permettrait d’éviter la négociation sociale.

M. le rapporteur pour avis. L’article L. 1 du code du travail vise « tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement ». Pourquoi ce terme ? Parce que la concertation avec les partenaires sociaux ne porte pas sur le projet de loi lui-même : le Gouvernement leur demande d’abord de réfléchir sur de grands thèmes, sur des éventualités de réformes. C’est seulement après cette étape que le projet de loi est présenté aux partenaires sociaux, puis discuté au Parlement. La proposition de loi ne se situe pas dans la même échelle de temps : lorsqu’elle est déposée, elle est déjà finalisée. Il n’y a pas de négociation en amont. C’est pourquoi la rédaction de l’article L. 1 que vous proposez ne me semble pas correcte.

Par ailleurs, puisque nous disposons d’un protocole expérimental, il faut s’en servir. Et, si ce protocole a été adopté, c’est bien parce que notre Règlement est soumis au contrôle du Conseil constitutionnel. Le protocole nous permet, jusqu’à son évaluation en septembre 2011, d’agir sans craindre un recours devant le Conseil.

L’intervention de Bernard Perrut fait bien apparaître la différence entre démocratie sociale et politique. La démocratie sociale est une nécessité et l’évolution de tous les textes qui la promeuvent montre combien notre majorité y est attachée. Il n’y a jamais eu autant de dialogue social que depuis que nous sommes au pouvoir. Mais les partenaires sociaux eux-mêmes ont conscience de la limite de la démocratie sociale. Ils comprennent parfaitement qu’au final la responsabilité est de l’ordre du politique, qu’il revient au Parlement de trancher.

Guy Lefrand a insisté sur le parallélisme des formes : il n’y a effectivement pas de raison de réserver un traitement différencié aux projets et aux proposition de loi, hormis le fait qu’ils ne situent pas sur la même échelle de temps. Quant au délai de quinze jours ou d’un mois, je rappelle que l’ordre du jour est fixé par la Conférence des présidents pour quatre semaines – c’est le Règlement qui le veut. Si procédure de concertation il doit y avoir au stade de l’inscription à l’ordre du jour, elle doit évidemment être inférieure à quatre semaines.

Enfin, Pierre Morange a souligné la rigueur du délai qui nous a été imparti. Je me suis permis de dire au président de l’Assemblée combien il serait préférable de travailler dans d’autres conditions, en tout cas sur de tels sujets, et je profite de l’occasion pour remercier les services de la Commission pour le travail qu’ils ont accompli durant cette semaine.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous en venons aux articles de la proposition de loi n° 2499.

Article 1er : Extension aux propositions de loi de la procédure de concertation prévue à l’article L. 1 du code du travail

La Commission est d’abord saisie de l’amendement AS 1 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à résoudre certaines des difficultés soulevées par la rédaction proposée par le groupe SRC.

Tout d'abord, il indique clairement que ce sont les propositions de loi qui font l'objet de la concertation, pas les « projets de réforme  proposés par le Parlement » qu’évoque le texte initial, une notion pour le moins incertaine, puisque les initiatives des parlementaires leur appartiennent et ne deviennent celles du Parlement qu'une fois adoptées, ce qui leur ôte la qualification de « projet ».

Ensuite, la réécriture que je propose évite de préciser si la concertation avec les partenaires sociaux est engagée par les auteurs de la proposition de loi ou, comme le dit le protocole du 16 février 2010, repris dans la proposition de révision du Règlement, par le président de la Commission des affaires sociales. Cette question relève en effet des modalités d'application que fixera chacune des deux assemblées.

Enfin, l'article 48 de la Constitution posant un droit inconditionnel d’inscription à l'ordre du jour, il me semble plus sage de placer l'obligation de concertation avant l'examen en commission plutôt qu’avant l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi – la formule est la même que pour le cas où le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat demande l'avis du Conseil d'État sur une proposition de loi.

Je ne suis pas certain que cette rédaction réponde à toutes les difficultés juridiques soulevées par ce texte, qui évoluera peut-être en Commission des lois, puis en séance publique. Elle constitue toutefois, à mon sens, le meilleur compromis entre notre volonté de mettre en œuvre la concertation préalable obligatoire avec les partenaires sociaux pour les textes relevant de leur domaine, et un souci nécessaire de précaution juridique.

(M. Pierre Morange, vice-président, remplace M. Pierre Méhaignerie à la présidence de la séance.)

M. Jean Mallot. Monsieur le rapporteur pour avis, je conteste à nouveau votre argument sémantique : une proposition de loi est un projet de réforme, sauf que ce projet de réforme – c’est le terme générique – ne peut exister au Parlement que sous la forme d’une proposition de loi. Je ne vois pas en quoi votre rédaction serait un progrès.

Quant au délai, vous vous demandez s’il doit être décompté à partir du travail en commission ou à partir de l’intention d’inscrire le texte à l’ordre du jour. C’est oublier un autre délai, qui me paraît largement aussi pertinent : les six semaines au minimum qui doivent séparer le dépôt d’une proposition de loi et son inscription à l’ordre du jour d’initiative parlementaire. Même porté à un mois, le délai de réponse des partenaires sociaux reste compatible avec cette obligation de six semaines ! Et il n’est pas incohérent avec le délai de saisine du Conseil d’État. Il serait donc dommage d’en rester à quinze jours. Vous ne parlez d’ailleurs pas de ce délai dans l’amendement – ce serait paradoxal, puisque vous avez expliqué qu’il doit être fixé en dernier lieu par la Conférence des présidents.

Pour finir, je suis très heureux d’avoir permis aux députés de cette Commission de prendre connaissance de l’existence du protocole du 16 février, dont la plupart ignoraient l’existence avant ce débat.

M. le rapporteur pour avis. Nous sommes pour notre part très heureux que le groupe SRC contribue à l’action que nous menons depuis plusieurs années en matière de droit du travail.

Pour ce qui est des délais, il est vrai que les modalités sont à fixer ultérieurement. Mais je voudrais en revenir à la question de la procédure d’urgence : il est des cas qui exigent une réponse quasi immédiate. Si le ministre avait souhaité déposer un projet de loi pour régler le problème des chômeurs en fin de droits, par exemple, des délais longs auraient été très gênants, et il en aurait été exactement de même pour une proposition de loi.

M. Jean Mallot. Mais le délai de six semaines aurait perduré !

La Commission adopte l’amendement AS 1.

Par ce vote, la Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er ainsi rédigé.

Article 2 : Modalités d’application

La Commission adopte l’amendement de conséquence AS 2 du rapporteur pour avis, qui tend à supprimer l’article 2 en conséquence de la réécriture de l’article 1er.

Par ce vote, la Commission émet un avis favorable à la suppression de l’article 2.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

M. Pierre Morange, président. Nous en venons à l’article unique de la proposition de résolution n° 2491.

Article unique

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article unique de la proposition de résolution.

La séance est levée à dix-huit heures.

AmendementS examinÉS par la Commission

Amendement n° AS 1 présenté par M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis

Article 1er

Rédiger ainsi cet article :

« L’article L. 1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Avant leur examen en commission en première lecture dans l’assemblée à laquelle appartient leur auteur, les propositions de loi des membres du Parlement qui entrent dans le champ défini au premier alinéa font également l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une négociation entre ces organisations. Les modalités de mise en œuvre de cette concertation sont définies par chaque assemblée. »

Amendement n° AS 2 présenté par M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis

Article 2

Supprimer cet article.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 2 juin 2010 à 16 heures 15

Présents. – Mme Edwige Antier, M. Gérard Cherpion, M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, M. Jean-Patrick Gille, M. Michel Heinrich, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Guy Lefrand, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, M. Guy Malherbe, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, M. Bernard Perrut, M. Jean-Luc Préel, M. Arnaud Robinet, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Jean Ueberschlag, M. Francis Vercamer

Excusés. – M. Jean Bardet, M. Pierre Cardo, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, M. Guy Delcourt, Mme Laurence Dumont, Mme Danièle Hoffman-Rispal, Mme Monique Iborra, M. Simon Renucci

Assistaient également à la réunion. – M. Régis Juanico, M. Jean Mallot