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Commission des affaires sociales

Mercredi 23 juin 2010

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 64

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Audition de M. François Joliclerc, secrétaire national de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) et de M. Jean-Louis Besnard, conseiller national, sur la réforme des retraites

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 23 juin 2010

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)

La Commission des affaires sociales entend M. François Joliclerc, secrétaire national de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) et de M. Jean-Louis Besnard, conseiller national, sur la réforme des retraites.

M. le président Pierre Méhaignerie. Mes chers collègues, nous recevons aujourd’hui, dans le cadre de notre dernière audition sur la réforme des retraites, M. François Joliclerc, secrétaire national de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), et M. Jean-Louis Besnard, conseiller national.

Les grandes orientations de la future réforme sont désormais à peu près connues. Nous aimerions connaître vos réactions, messieurs, et surtout les modifications que vous souhaiteriez voir apporter à ces dispositions.

M. François Joliclerc, secrétaire national de l’UNSA. Comme l’ensemble des organisations syndicales, nous ne sommes pas favorables à ce qu’on recule l’âge légal de départ à la retraite, mais nous sommes particulièrement hostiles au relèvement de l’âge du taux plein, qui pénalisera les plus précaires, notamment les femmes, dont 28 % doivent attendre 65 ans pour liquider leur retraite, afin d’éviter la décote.

Le relèvement de l’âge légal pénalise surtout ceux qui ont commencé à travailler tôt, d’autant qu’ils exercent souvent les métiers les plus difficiles. On nous oppose la nécessité de tenir compte du fait qu’on accède de plus en plus tard à l’emploi : un tel fatalisme ne nous semble pas offrir à nos jeunes une perspective de nature à les faire adhérer à une réforme des retraites.

Nous ne sommes pas en désaccord avec une augmentation de la durée de cotisation, à condition qu’on règle le problème de l’emploi et celui de la pénibilité. Le projet ne nous paraît pas traiter de cette question de la pénibilité, qu’il confond avec l’invalidité. On peut le comprendre pour le « stock » – même si je n’aime pas ce vocabulaire s’agissant d’êtres humains –, étant donné la difficulté de reconstituer les droits, mais non pour le « flux » : on ne peut pas mener ce type de réforme sans penser aux générations futures. Il faudrait au moins aller vers l’établissement d’un « carnet de pénibilité ». Or, si le projet prévoit bien l’établissement d’un carnet de santé individuel, on ne sait pas à quoi celui-ci va servir. Cela peut être un élément contribuant à résoudre le problème du « flux » – restera à traiter le problème du « stock » – et un signe qu’on reconnaît que la pénibilité doit faire l’objet d’une prise en charge distincte de l’invalidité.

Les mesures visant à favoriser l’emploi des seniors se réduisent pour l’essentiel à une mesure d’exonération supplémentaire, qui se traduira par une nouvelle dépense dans le budget de l’État, puisqu’il faudra bien la compenser, et cela dans un contexte de restriction budgétaire. Tant que les employeurs ne changeront pas fondamentalement de comportement vis-à-vis des seniors et que ceux-ci ne bénéficieront pas d’une politique de l’emploi dynamique, ces propositions seront trop minces pour qu’on puisse en attendre une amélioration.

Plusieurs mesures concernent la fonction publique. Il peut sembler cohérent d’aligner le taux de cotisation des fonctionnaires sur ce qu’il est dans le privé, en tenant compte des cotisations aux régimes complémentaires, réserve faite qu’il s’agit de cotisations fictives pour le public. En tout état de cause, ce relèvement se traduira par une diminution du pouvoir d’achat des fonctionnaires, à un moment où une négociation salariale doit s’ouvrir dans la fonction publique.

Par ailleurs, le texte remet en cause le dispositif permettant aux fonctionnaires femmes ayant élevé trois enfants de partir à la retraite après quinze ans de services effectifs, leur pension de retraite étant calculée au prorata de leur durée de cotisation : désormais, la décote s’appliquera à la pension de ces fonctionnaires. C’est là encore une mesure qui pénalise les femmes. Enfin, le texte aligne les conditions d’accès au minimum garanti de pension des fonctionnaires sur celles qui ouvrent droit au minimum contributif du privé, là encore au détriment des plus modestes.

Notre jugement est d’autant plus sévère que l’effort de financement n’est pas suffisamment partagé et que le texte ne va pas assez loin dans la recherche de ressources supplémentaires, se contentant de proposer des mesures homéopathiques : augmenter d’un point l’imposition de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, ce n’est pas sérieux.

M. le président Pierre Méhaignerie. Vous ne devez pas oublier que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporteront d’autres mesures de financement.

M. le secrétaire national. Je vais y venir.

Quant à l’annualisation des allégements de charges, il s’agit avant tout d’une mesure de salubrité, qui ne fait que tirer la conséquence du dévoiement de ces mesures par certains employeurs.

Les propositions de financement de l’assurance maladie ou de la dépendance qui devraient être débattues dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne peuvent que contribuer à nourrir nos inquiétudes. L’hypothèse d’une participation des retraités à l’effort collectif a été évoquée. Pour notre part, nous sommes hostiles à tout prélèvement sur les pensions de retraite, qui serait destiné à financer les retraites, toute cotisation devant être assise sur des revenus d’activité et ouvrir un droit en contrepartie. En revanche, nous ne serions pas hostiles à examiner les moyens de faire participer les retraités imposables au financement de la dépendance.

Nous sommes donc globalement en désaccord avec ce projet. Puisqu’il est désormais sur la table, nous concentrerons notre opposition sur deux points. En premier lieu, nous sommes opposés au report de 65 à 67 ans de l’âge à partir duquel il sera possible de toucher une pension sans décote quand on n’a pas suffisamment d’annuités de cotisations, cette mesure pénalisant les plus défavorisés et ceux dont les carrières sont les plus irrégulières. Deuxièmement, nous jugeons que la contribution des plus favorisés au financement de la réforme est insuffisante.

M. Denis Jacquat. J’ai quatre questions à vous poser.

Puisque vous jugez que l’effort de financement est insuffisamment partagé, quelles pistes privilégieriez-vous pour trouver de nouvelles recettes ?

Comment mettre en œuvre un dispositif de prise en charge collective de la pénibilité sans ajouter au nombre des régimes spéciaux ?

Êtes-vous favorable à la mobilisation du Fonds de réserve pour les retraites pour couvrir les déficits accumulés d’ici à 2018 ? Sinon, que préconisez-vous pour faire face à ces déficits ?

Puisque vous n’êtes pas hostile à une contribution des retraités au financement de la dépendance, que pensez-vous d’un alignement de la CSG des retraités imposables sur celle qu’acquittent les actifs ?

Mme Marisol Touraine. En ce qui concerne le financement des régimes de retraite, je veux dire au préalable que la hausse de la CSG acquittée par les retraités ne figure pas au nombre des propositions du parti socialiste – étant entendu qu’il en va autrement s’agissant de la dépendance. D’une façon générale, nous sommes opposés à toute démarche tendant à opposer les générations ou les catégories professionnelles entre elles. Nous considérons que les politiques d’âge ne sont pas la bonne manière d’aborder le financement des politiques de solidarité. Montrer du doigt les retraités dans leur ensemble, c’est oublier qu’ils connaissent des situations extraordinairement diverses. C’est pourquoi nous préférons le critère de la capacité contributive, s’agissant de la CSG comme de l’impôt sur le revenu.

Parmi les mesures de financement proposées par le texte, tout en indiquant que toute cotisation aux caisses de retraite devait selon vous être assise sur des revenus d’activité, vous avez jugé risible le relèvement de 40 à 41 % l’imposition de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu : est-ce en vertu d’une position de principe, selon laquelle l’impôt sur le revenu n’a pas à participer au financement des régimes de retraite, ou est-ce simplement une question de degré ?

Êtes-vous favorable au relèvement du taux de cotisation des fonctionnaires proposé dans le texte du Gouvernement ?

Selon vous, quel impact aura le relèvement de la borne d’âge de 65 à 67 ans sur l’accès au minimum vieillesse ?

M. Arnaud Robinet. C’est la première fois, en France et en Europe, qu’un projet de loi reconnaît la notion de pénibilité. Quels critères devraient selon vous être pris en compte pour la définir ? Sa prise en charge doit-elle être individuelle ou collective ?

J’ai bien compris votre position sur le recul de l’âge du taux plein, mais j’aimerais connaître votre avis sur le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, qui vise à sauver notre système de retraite par répartition.

Vous jugez insuffisantes les propositions du Gouvernement pour favoriser l’emploi des seniors : quelles sont les vôtres ?

De même, que suggérez-vous pour assurer la convergence public-privé et l’équité de la réforme ?

Même si une réforme systémique n’est pas d’actualité, le système de retraite par points présente-t-il des avantages à vos yeux ?

M. Dominique Dord. Nous sommes preneurs de toutes propositions relatives à la pénibilité ou aux carrières morcelées, le texte étant susceptible d’évoluer d’ici à son dépôt.

Mais le sujet principal reste le besoin de financement de notre système de retraite, qu’on situe dans une fourchette de 40 à 100 milliards selon l’échéance considérée. Ce ne sont pas des recettes de poche qui suffiront à le combler : il faut une réforme de fond. Nous l’avons axée, nous, sur l’âge légal de départ à la retraite. Certes, je considère comme vous – si je vous ai bien entendu – qu’il serait plus juste de jouer sur la durée de cotisation. Le problème, c’est qu’une telle réforme ne ramènerait pas un centime d’euro avant 2030, sauf à décréter immédiatement un allongement drastique de cette durée de cotisation, dont les effets seraient équivalents à ceux du relèvement de l’âge légal, voire pires.

J’ai été sensible à votre argument selon lequel la fatalité d’une entrée tardive sur le marché de l’emploi n’est pas une perspective valable à proposer à nos jeunes, mais ce n’est là qu’une part de la vérité : l’allongement constant de la durée des études est un fait qu’on ne peut nier, et il est de plus en plus rare d’entamer sa vie professionnelle à dix-huit ans. C’est là une réalité qu’on doit également affronter, si on veut allonger la durée de cotisation.

M. Patrick Roy. Je suis préoccupé par le niveau tout à fait indigent des petites retraites de millions de Français, qui entraîne des situations dramatiques : certains d’entre eux, dépourvus de secours familiaux, n’ont pas de quoi manger à leur faim, même si d’aucuns prétendent que ce n’est pas possible en France. Or, je ne vois rien dans le texte du Gouvernement qui aille dans le sens d’une diminution, si légère soit-elle, de leurs peines. Au contraire, puisqu’ils seront pénalisés par le relèvement de la première et surtout de la deuxième borne d’âge. Qu’auriez-vous souhaité voir figurer dans ce projet pour les petites retraites ?

J’aimerais par ailleurs qu’on me dise enfin la vérité sur la pénibilité. Notre honorable collègue de l’UMP vient d’affirmer que le texte constituait une immense avancée sociale, parce qu’il prendrait en compte la pénibilité. Mais, selon des sources autorisées, ce projet ne viserait à prendre en compte que l’invalidité, dans une mesure d’ailleurs toute relative. Or, ce sont là deux choses différentes. Une véritable prise en compte de la pénibilité, ce serait par exemple s’inspirer de l’allocation de cessation d’activité des travailleurs de l’amiante (ACATA) : elle bénéficie à tous les travailleurs qui ont été exposés à l’amiante, qu’ils soient malades ou pas, parce qu’on estime que leur espérance de vie en est réduite.

Qui ment dans cette affaire ?

M. le secrétaire national. Ce n’est pas mon rôle de le dire !

En ce qui concerne le financement, nous avons fait un certain nombre de propositions, par exemple mettre fin à l’exonération des heures supplémentaires, qui nous semble un contresens complet dans le contexte économique actuel.

M. le président Pierre Méhaignerie. Les allégements de charges étaient la conséquence des 35 heures.

M. Jean-Louis Besnard, conseiller national de l’UNSA. Mais pas l’exonération des heures supplémentaires, soit trois milliards par an.

M. le président Pierre Méhaignerie. Ne serait-il pas dangereux de mettre brutalement fin à ces exonérations, qui représentent un montant de 28 milliards d’euros ?

M. le secrétaire national. Nous demandons simplement leur réexamen au regard de leur bénéfice pour l’emploi. Certaines d’entre elles ne sont pas liées à l’emploi : c’est le cas de l’exonération des heures supplémentaires, qui, en incitant à faire travailler davantage les salariés en place plutôt qu’à embaucher, est même préjudiciable à la création d’emplois.

S’agissant des autres mesures, nous sommes très prudents. Nous ne sommes pas persuadés que les exonérations aient favorisé l’emploi, mais leur suppression ne serait pas sans conséquences. D’ailleurs, ce n’est pas ce que nous demandons. Nous souhaitons simplement qu’elles soient réexaminées au regard de l’emploi et que leur montant en euros constants n’augmente pas – et même, si possible, qu’il diminue.

Pour financer les retraites, nous pourrions par exemple aller plus loin en matière de taxation des dividendes.

Le Conseil d’orientation des retraites estime à 20 % environ, dans le système de retraite actuel, la part des dépenses liées à certaines solidarités. Il nous semblerait logique que cette part soit financée par la solidarité nationale, donc par l’impôt.

Le projet, s’il réglemente l’invalidité en fin de carrière, ne contient aucune disposition relative à la pénibilité. Le Gouvernement suit en cela un certain nombre de pays européens, comme les Pays-Bas, où le nombre de personnes mises en invalidité en fin de carrière est beaucoup plus élevé qu’en France, quel que soit l’âge de départ légal. Nous ne sommes pas favorables à la mise en place de nouveaux régimes spéciaux, mais nous considérons qu’un certain nombre de métiers – et non de branches ou d’entreprises – sont soumis à une pénibilité qui, nous le savons, entraîne une diminution de l’espérance de vie. J’ajoute que les situations de pénibilité doivent être réévaluées régulièrement, car tous les métiers évoluent.

Bien que ne participant pas aux négociations interprofessionnelles, nous avons proposé que des négociations de branche établissent, à l’intérieur de chaque profession, la liste des métiers pénibles justifiant un régime spécial. Chez Renault, par exemple, seuls bénéficieraient de ce régime les employés qui travaillent à la chaîne, ou encore la secrétaire de direction qui travaille la nuit. La pénibilité pourrait être gérée par des conventions de branche. Pour éviter que les partenaires sociaux ne se mettent d’accord sur le dos de la collectivité, elle devrait faire l’objet d’une labellisation officielle, à la charge de la Caisse nationale d’assurance vieillesse ou de la branche accidents du travail-maladies professionnelles.

M. le président Pierre Méhaignerie. Comment serait-elle financée ?

M. le secrétaire national. Je suis, sur ce point, solidaire des autres organisations syndicales. Je propose qu’elle soit financée par la branche accidents du travail-maladies professionnelles, car la pénibilité au travail doit être à la charge des entreprises, surtout si nous voulons voir changer les comportements. Il faut considérer la pénibilité sous l’angle de la prévention, et non pas uniquement de la réparation.

La situation des personnels pourrait être étudiée au niveau des branches, au cas par cas mais dans un cadre collectif. Il serait dommage de ne pas profiter de la réforme, pour préparer les retraites des générations futures.

M. le président Pierre Méhaignerie. Selon vous, les plans de départ à l’amiable deux ans avant l’âge légal permettent-ils de gérer la pénibilité ?

M. le secrétaire national. Non, car ces plans « à l’amiable » concernent rarement des professions pénibles. Les employés du Crédit Lyonnais qui sont partis à 56 ans étaient loin de tous avoir un métier pénible.

S’agissant du Fonds de réserve des retraites, je suis d’accord avec ce que vous défendiez les années précédentes, monsieur Jacquat, à savoir qu’il ne doit être utilisé qu’à ce pour quoi il a été créé.

Les personnes qui débutent tardivement leur vie professionnelle parce qu’elles ont poursuivi de longues études ne sont pas majoritaires. Les jeunes qui ont choisi l’apprentissage et l’alternance, eux, commencent à cotiser très tôt.

M. le conseiller national. Au cours des dix dernières années, nous avons assisté à un recul de l’âge auquel les jeunes terminaient leurs études, mais il semble que ce phénomène soit en cours de stabilisation, le rendement d’études longues apparaissant désormais incertain.

Que les conditions d’entrée dans la vie active soient moins favorables aujourd’hui est une évidence, puisque le nombre de trimestres cotisés des moins de 30 ans est moins important. Mais, prendre une mesure d’âge plutôt qu’une mesure d’allongement de la durée de cotisation ne garantit en rien que leurs carrières se termineront dans de bonnes conditions. Cela ne fait qu’ajouter une inégalité à une autre.

M. le secrétaire national. L’allongement de la durée de cotisation nous semble être la piste à privilégier, mais à deux conditions : que la situation de l’emploi soit favorable et que l’on prenne en compte la pénibilité.

Soyons clairs : nous ne sommes pas favorables au report de 60 à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite et je participerai demain à la manifestation pour montrer mon opposition à cette mesure, mais nous n’en sommes pas moins pragmatiques.

M. Dominique Dord. Nous ne voyons pas très bien à quoi vous êtes favorables…

M. le secrétaire national. Nous sommes favorables à des mesures fortes concernant le financement des retraites.

M. Dominique Dord. Que pensez-vous de l’allongement de la durée de cotisation ?

M. le secrétaire national. Nous n’y sommes pas défavorables. Nous ne défilerons pas demain pour exiger le retour à 37,5 ans de cotisation, ni même à 40 ans…

M. Dominique Dord. Nous en sommes à 41 ans !

M. le secrétaire national. Ce qui me paraît le plus injuste dans le texte du Gouvernement est le report de 65 à 67 ans de l’âge de la retraite à taux plein, mais cela ne veut pas dire pour autant que je suis prêt à signer pour la retraite à 62 ans.

M. Dominique Dord. Jusqu’où êtes-vous prêt à aller ?

M. le secrétaire national. Peu importe, pourvu que les gens aient du travail !

M. le conseiller national. C’est l’essentiel !

M. le président Pierre Méhaignerie. On peut augmenter les charges des entreprises, mais cela nous éloigne toujours un peu plus du plein emploi. N’oublions pas qu’en France, les causes du sous-emploi sont économiques et financières. En outre, les pays où la durée d’activité est la plus longue connaissent souvent le plus faible taux de chômage.

M. le conseiller national. Le raisonnement peut être inversé !

M. le secrétaire national. Êtes-vous sûrs, si l’on prend en compte la pénibilité, que les employés pourront travailler pendant 42 ou 43 ans ? Aujourd’hui, ce n’est pas le cas, d’où la difficulté…

J’en viens au système par points. Le Conseil d’orientation des retraites, dont Jean-Louis Besnard est membre, en relève dans son rapport les avantages et les inconvénients. Outre la difficulté qu’il y aurait à introduire la solidarité dans un régime par points, la transition d’un système à l’autre poserait d’énormes problèmes. D’autre part, alors que le système actuel, dans lequel on prend en compte les vingt-cinq meilleures années, présente l’avantage de lisser les périodes les plus difficiles, comme les fins de carrière, ce n’est pas le cas du système par points, qui prend en compte l’ensemble de la carrière. Permettez-moi de citer un exemple personnel : mon frère s’est retrouvé au chômage à 53 ans après une carrière de cadre. Trois ans plus tard, il a été embauché au SMIC et finira sa carrière avec un petit salaire. Pour lui, le système par points serait désastreux, alors qu’avec le système actuel, il percevra une retraite satisfaisante, calculée sur les années où il était cadre.

Ne mélangeons pas les choses : nous sommes confrontés à un problème de financement. Or, le Conseil d’orientation indique clairement que le système par points ne règlerait pas ce problème. Dans ces conditions, il serait imprudent de changer de système. Nous ne sommes pas, par principe, hostiles au système de retraite par points, mais ce n’est pas l’objet de la réforme.

Sur la situation des retraités pauvres, nous avons été alertés par la Fédération des cheminots – l’UNSA est la deuxième organisation syndicale à la SNCF, où 15 % de cheminots partent en retraite avec le minimum garanti. Ces employés craignent que les nouvelles règles relatives au minimum garanti n’affectent fortement leur régime spécial.

M. le président Pierre Méhaignerie. À quel âge partent-ils à la retraite ?

M. le secrétaire national. Ils partent à 55 ans. Il faut aider les retraités pauvres, par le biais, et du minimum contributif, et de la solidarité nationale.

S’agissant des cotisations, permettez-moi de vous mettre en garde : les recettes qui seront utilisées ici ne seront plus disponibles pour autre chose.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je vous remercie.

La séance est levée à dix-huit heures trente.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 23 juin 2010 à 17 heures 30

Présents. – M. Dominique Dord, Mme Cécile Gallez, M. Denis Jacquat, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Arnaud Robinet, Mme Marisol Touraine

Excusés. – M. Jean Bardet, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Maxime Gremetz, M. Yves Jégo, M. Francis Vercamer

Assistait également à la réunion. – M. Patrick Roy