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Commission des affaires sociales

Mercredi 7 juillet 2010

Séance de 10 heures 

Compte rendu n° 67

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Examen du rapport d’information en conclusion des travaux de la mission d’information sur la formation des auxiliaires médicaux (M. Jacques Domergue, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 7 juillet 2010

La séance est ouverte à dix heures.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)

La Commission des affaires sociales examine le rapport d’information de M. Jacques Domergue, en conclusion des travaux de la mission d’information sur la formation des auxiliaires médicaux.

M. Jacques Domergue. Je suis heureux de vous présenter aujourd’hui le fruit d’un travail de plus de cinq mois, sur un sujet qui ne doit pas être sous-estimé.

Notre pays compte aujourd’hui près de 750 000 auxiliaires médicaux. Non seulement leurs métiers constituent un gisement d’emplois considérable pour les générations actuelles comme pour les générations futures, mais ces professionnels sont amenés à jouer un rôle capital dans l’évolution de notre système de santé, à l’heure où l’on parle de nouvelle répartition des tâches entre professionnels, de réorganisation de l’offre de soins, de prise en charge de nouvelles pathologies dans un cadre financier, il faut le reconnaître, de plus en plus contraint.

Conscients de cette importance, nous avons pris l’initiative, Mme Catherine Lemorton et moi-même, de créer cette mission d’information sur la formation des auxiliaires médicaux. Pourquoi cette réflexion est-elle d’actualité ?

D’abord parce que la création d’une première année d’études commune aux études de santé à la rentrée 2010 – en application de la loi votée l’année dernière – va créer un véritable appel d’air. Les doyens de faculté de médecine nous alertent sur la hausse des effectifs – une augmentation de 10 % des inscriptions est attendue pour la L1 Santé – et leur difficulté à accueillir les étudiants dans des conditions acceptables, notamment pour les auxiliaires médicaux, parmi lesquels les futurs masseurs kinésithérapeutes, les ergothérapeutes ou encore les psychomotriciens, qui passent aujourd’hui par une première année de médecine pour intégrer leur institut de formation. Pour eux, il est urgent de trouver une solution alternative.

J’ajoute que la simplification de l’accès aux professions médicales a créé une attente chez les étudiants paramédicaux, qui veulent mettre fin à la sélection par l’information et par l’argent.

Ensuite parce que le mouvement d’harmonisation des études universitaires en Europe, dit « processus de Bologne » implique l’intégration au système licence-master-doctorat de l’ensemble des spécialités d’auxiliaire médical. Il s’agit d’une reconnaissance symbolique très attendue par les professionnels que nous avons rencontrés. Y renoncer serait isoler la France, et limiter la mobilité de nos étudiants et de nos futurs professionnels. Certes nous sommes en train de nous mettre à niveau. 2009 a vu la reconnaissance au grade de licence du diplôme d’État des infirmiers. Le ministère de la santé a annoncé l’attribution du grade de licence à l’ensemble des auxiliaires médicaux au plus tard à l’horizon 2015. Mais, avant de nous engager sur la voie de l’universitarisation de ces métiers, il nous faudra procéder à une révision complète du contenu des formations et de leur pilotage.

Enfin, un mouvement sans précédent anime les métiers de la santé.

Le vieillissement de la population, l’apparition de nouveaux enjeux de santé publique – telles la maladie d’Alzheimer ou la prise en charge de la dépendance –, mais aussi les prévisions démographiques médicales bouleversent le milieu professionnel de la santé. La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a pris acte de ces changements en autorisant les transferts de tâches entre professionnels. La formation des auxiliaires médicaux doit suivre ces évolutions, par le renforcement du cursus initial, par la création d’une culture commune entre professionnels de santé – à la faveur notamment du suivi d’une même première année universitaire –, par la reconnaissance de nouvelles compétences, voire par la création de nouveaux métiers.

Pour ces trois raisons, notre commission a créé, le 13 janvier 2010, la mission d’information relative à la formation des auxiliaires médicaux Nous avons procédé à plus de soixante auditions ou tables rondes comprenant l’ensemble des représentants des professionnels, les organisations étudiantes, de nombreux experts, les acteurs institutionnels concernés, que ce soit les régions, les Universités, ou les directions générales de l’offre de soins et de l’enseignement supérieur et de la recherche, et enfin la ministre de la santé et des sports.

Nous avons écouté beaucoup de propositions intéressantes, dont je pense avoir tiré une synthèse consensuelle, puisque le rapport a été adopté par l’ensemble des membres de la mission mercredi dernier, à l’exception d’une voix. Je souligne que nous nous sommes heurtés à une complexité que nous n’imaginions pas – beaucoup qualifient ces formations de véritable « maquis » – et dont nous restons tous encore abasourdis.

Que pouvons nous conclure de ces cinq mois de travaux ?

La première partie du présent rapport dresse l’état des lieux de la formation des auxiliaires médicaux en France, largement partagé par l’ensemble des professionnels auditionnés par la mission. Ce constat est assez alarmant : manque de lisibilité des cursus, manque de clarté du pilotage, manque d’équité du système de sélection.

Ce qui frappe d’abord, c’est l’hétérogénéité des cursus – dans la durée, la qualité du contenu, le statut des instituts de formation – qui s’observe non seulement d’une spécialité à l’autre mais également à l’intérieur de chaque spécialité, ce qui est véritablement incompréhensible. Certaines formations donnent lieu à la délivrance d’un diplôme d’État, (kinésithérapeutes, infirmiers, ergothérapeutes, pédicures-podologues, psychomotriciens), d’autres à une certification (orthophonistes, orthoptistes), d’autres enfin à un brevet de technicien supérieur ou à un diplôme universitaire (manipulateurs en électroradiologie médicale, opticien-lunetier, diététicien, technicien de laboratoire). Pour certaines spécialités, plusieurs diplômes ou titres donnent accès à l’exercice de la profession. Ainsi ce ne sont pas moins de dix diplômes différents qui donnent accès au métier de technicien de laboratoire ! Comment dans ce contexte les jeunes étudiants et leurs familles peuvent-ils s’y retrouver ?

Deuxième constat, les modalités d’accès aux formations sont peu lisibles – et ce manque de lisibilité est d’autant plus accentué que s’affirme parallèlement la lisibilité de la L1 Santé – et souvent inéquitables. Certaines formations recrutent par la première année de médecine, d’autres par concours direct, d’autres sur dossier. Les étudiants qui veulent entrer en formation d’orthophoniste, d’orthoptiste, ou même de kinésithérapeutes, doivent faire le tour de France des différents concours d’entrée dans les instituts, dont chacun est payant. Vous pouvez imaginer la dépense qu’ils doivent ainsi supporter ! Surtout l’entrée dans la formation ne se fait jamais directement après le bac, les élèves suivant souvent une à deux années de préparation dans des instituts privés coûteux. La sélection s’opère donc davantage par l’accès à l’information et par l’argent que par la qualité des étudiants.

Troisième constat, le contenu et les modalités de formation des auxiliaires médicaux sont inadaptés au regard de trois évolutions majeures : tout d’abord avec la pénurie annoncée de certains professionnels médicaux et paramédicaux, comme les infirmiers, il est urgent de renforcer l’attractivité des métiers, ce qui passe par des perspectives d’évolution de carrière, de réorientations ou de spécialisations que n’offre pas le système de formation des auxiliaires médicaux. Deuxième défi, la réorganisation des soins et le développement de la coopération entre professionnels de santé, consacrée par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, implique un renforcement du contenu et une « médicalisation » des cursus des auxiliaires médicaux ainsi que le développement d’une culture commune qui fait aujourd’hui défaut. Enfin, l’évolution des besoins de santé de la population nécessite le développement de nouvelles compétences pour les auxiliaires médicaux, en matière de prévention, de prise en charge du handicap ou des maladies chroniques invalidantes, ou encore de psychiatrie.

Dernier élément, la formation des auxiliaires médicaux n’est pas encore intégrée au système licence-master-doctorat, qui permet une véritable mobilité européenne des étudiants et des professionnels. Certes les études d’infirmier diplômé d’État ont été reconnues au grade de licence, ce qu’il faut saluer comme un progrès ; cependant la France ne peut pas s’isoler en maintenant un système de formation en décalage avec le reste des pays européens.

Sur la base de ce constat, la deuxième partie du présent rapport présente des pistes de réforme qui tendent à assurer une formation lisible et de meilleure qualité aux auxiliaires médicaux, à renforcer leur rôle auprès du corps médical, à améliorer le déroulement de leur carrière et à garantir l’égal accès des étudiants aux différents métiers concernés, au bénéfice de l’ensemble de nos concitoyens.

À court terme, la mission propose de revoir les modes de sélection en créant une L1 « paramédicale ».

Pour cela, nous avons étudié les avantages et inconvénients de trois options. La première option, prévoyant la création d’une licence complète regroupant tous les futurs professionnels de santé, est théoriquement intéressante mais ne correspond pas à la spécificité des métiers paramédicaux. La deuxième option, consistant à regrouper l’ensemble des futurs professionnels de santé, médicaux et paramédicaux, au sein d’une première année commune, est impossible dans les faits, en raison des effectifs concernés, des différentiels de niveaux entre les étudiants et des moyens actuels des Universités. La troisième option consiste en la création d’une L1 « paramédicale » réservée aux auxiliaires médicaux. Cette option est privilégiée par la mission.

La mission préconise donc de mettre fin à la sélection des auxiliaires médicaux par le biais de la première année de médecine rendue impossible par la création de la première année d’études commune aux professionnels de santé en 2009.

Nous proposons une solution alternative : la création d’une L1 « paramédicale » comprenant l’ensemble des futurs auxiliaires médicaux à l’exception des étudiants en soins infirmiers qui continueraient à entrer dans leur formation directement après le bac.

Nous avons fait le choix de ne pas les intégrer à court terme pour plusieurs raisons. En effet, la majorité des étudiants en soins infirmiers entamant leur formation directement après le bac, les intégrer à la L1 « paramédicale » aurait pour effet de créer une barrière à l’entrée de la formation, en haussant excessivement le niveau de sélection et en allongeant la durée d’étude pour la moitié des étudiants, alors même que le pays a besoin d’un nombre croissant de professionnels. De plus, un passage obligatoire par l’université pourrait pénaliser les étudiants qui n’habitent pas dans les grandes villes et peuvent poursuivre des études aujourd’hui grâce à la proximité des instituts dont la dispersion sur le territoire répond aux besoins et à la situation de notre pays. Enfin, les universités sont encore incapables d’accueillir l’ensemble des candidats à l’entée dans la formation dans de bonnes conditions. Au demeurant, les étudiants en soins infirmiers rencontrés par la mission n’y tiennent pas. D’ici quelques années, l’intégration des études dans le système licence-master-doctorat devrait relever le niveau requis pour intégrer la formation. Il sera temps, alors, d’examiner l’opportunité de leur intégration à la L1 « paramédicale ».

Sur le modèle de la L1 Santé, à l’issue du semestre commun, les étudiants opteraient pour la formation qu’ils souhaitent intégrer, leur affectation entre spécialités et centres de formation dépendant de leur classement final. Je précise qu’il s’agira d’une année de sélection et non de formation, c'est-à-dire qu’elle n’aura pas pour effet d’allonger inutilement les études. Elle pourra cependant donner lieu à la validation de « crédits » d’enseignement, permettant aux étudiants n’ayant pas intégré une formation d’auxiliaire médical de se réorienter dans un autre cursus sans perdre une année.

À moyen terme, la mission préconise l’intégration au système licence-master-doctorat de l’ensemble des cursus des auxiliaires médicaux à la rentrée 2013.

Sur ce point, nous estimons que l’intégration au système licence-master-doctorat de la formation des auxiliaires médicaux doit suivre le modèle de la reconnaissance du grade de licence aux diplômés d’État en soins infirmiers mis en place à la rentrée 2009. Celui-ci a fait la preuve de son efficacité et est jugé positivement par les étudiants que nous avons reçus.

Dans cette perspective, la mission préconise quatre mesures : actualiser le contenu de l’ensemble des diplômes des auxiliaires médicaux en fonction des résultats de la redéfinition avant la fin 2011 ; transformer les diplômes donnant accès aux professions de manipulateur d’électroradiologie médicale, diététicien, opticien-lunetier, orthoprothésiste, orthopédiste orthésiste et technicien de laboratoire d’analyse biomédicale en diplôme d’État et en transférer la responsabilité au ministère de la santé et des sports ; engager une réflexion sur le nombre et la répartition des centres de formation ; enfin clarifier la responsabilité respective des ministères de l’éducation nationale, de la santé et des sports et de l’enseignement et de la recherche.

À long terme, il convient d’ouvrir les perspectives de carrière des auxiliaires médicaux en facilitant la poursuite d’études.

La mission propose pour cela de développer les passerelles entre les formations paramédicales et médicales, avec des dispenses de scolarité et de concours beaucoup plus larges qu’aujourd’hui ; mutualiser les enseignements entre formations paramédicales et médicales et créer à terme des instituts d’études paramédicales régionaux, conventionnés avec les universités, ce qui permettra aux professionnels d’avoir validé au cours de leur formation initiale des enseignements utiles pour la reprise d’études ; créer des licences de spécialisation reconnues par les employeurs et permettant d’acquérir une expertise ciblée dans un domaine médical ; renforcer le niveau master pour les auxiliaires médicaux, en créant de nouveaux masters transversaux selon les besoins de santé de la population et en attribuant un niveau master aux infirmiers anesthésistes, cadres de santé, puéricultrices et infirmiers de bloc opératoire.

La mission préconise enfin une application progressive de la réforme, en fonction du calendrier des travaux de redéfinition des diplômes en cours au ministère de la santé et la mise en place, dès maintenant, d’une concertation avec les représentants des étudiants et des professionnels, mais aussi des régions et des universités.

Je conclurai mon propos en vous indiquant que face au maquis actuel des formations paramédicales, nous avons souhaité clarifier le système, afin de le rendre plus lisible pour les lycéens souhaitant s’orienter dans cette voie et pour leurs familles.

M. Pierre Méhaignerie, président. Je donne maintenant la parole à Mme Catherine Lemorton, présidente de la mission

Mme Catherine Lemorton. La principale vertu de cette mission a été d’entendre l’ensemble des professionnels pour fournir une photographie fidèle de la formation des auxiliaires médicaux en France. J’avoue que parfois, le rapporteur et moi-même avons été si surpris des propos qui nous étaient tenus qu’il était heureux que nous soyons alors assis : je pense notamment aux instituts de formation non conventionnés avec l’État que je ne peux pas tous énumérer tant ils sont nombreux. La mission d’information aura eu le mérite d’établir un état de la situation en 2010.

J’ai peu de choses à ajouter aux propos du rapporteur. Je me félicite de notre partenariat : le rapporteur m’a informé régulièrement de ses initiatives, de la rédaction du rapport et de la formulation des propositions ce qui explique le vote du groupe socialiste, radical et citoyen en faveur du rapport, la semaine dernière. Nous y avons néanmoins ajouté une contribution afin, compte tenu de l’implication des régions dans la formation des auxiliaires médicaux et des actuelles difficultés financières que rencontrent les collectivités locales, de soulever la question des moyens qui leur seraient attribués si l’universitarisation des formations devait leur coûter ne serait-ce qu’un euro de plus.

Je pense que cette mission était indispensable et, en tant que présidente, je remercie le rapporteur du travail effectué et de l’esprit de dialogue qui a régné tout au long de la mission. J’insiste sur ce point d’autant plus qu’étant membre de la commission d’enquête sur la grippe, il me fut parfois difficile d’assister à certaines auditions. Le rapporteur a toujours veillé à me tenir informée de leur contenu.

Mme Valérie Rosso-Debord. Je remercie la présidente et le rapporteur de la mission d’information pour la qualité du rapport présenté. S’agissant des bourses qui peuvent être attribuées aux étudiants par les conseils régionaux dans les formations d’auxiliaires médicaux, le rapport donne des montants moyens. Il serait intéressant de connaître les différences entre les régions en ce qui concerne le montant des bourses attribuées. Par ailleurs, dans la logique de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, le rapport préconise de développer les passerelles entre les formations. On note cependant des difficultés sur le terrain à développer cette mobilité. Avez-vous fait le même constat et que préconisez-vous ?

M. Élie Aboud. Je souligne également l’intérêt du rapport. S’agissant de la formation des infirmiers, son intégration dans le système LMD, que j’approuve, semble susciter des craintes quant à la proximité avec les centres hospitaliers universitaires et les centres hospitaliers. Il faudra également veiller aux éventuels transferts de charges qui pourraient résulter de cette évolution.

Cette intégration au système universitaire pose aussi la question des rapports entre les universités et l’État, d’une part, et les régions, d’autre part. Il serait souhaitable de clarifier les compétences de chacun sur ce point.

Je profite de cette occasion pour mentionner d’autres métiers méritant une attention particulière. Il conviendrait ainsi de se pencher sur la formation des ostéopathes, afin de mettre un terme à certaines pseudo-formations qui ne débouchent sur aucun diplôme reconnu. S’agissant des optométristes, il existe un master avec une formation dispensée par des ophtalmologistes, mais celui-ci n’est pas reconnu. Par ailleurs, il faut regretter que les actes accomplis par les diététiciens en milieu hospitalier ne fassent pas l’objet d’une cotation dans le cadre de la tarification à l’activité. Enfin, il conviendrait de se pencher sur la formation des sages-femmes dont l’évolution démographique est incertaine et auxquelles devraient être transférées davantage de responsabilités.

M. Georges Colombier. Je souligne la qualité du rapport et le fait que les douze propositions présentées aujourd’hui font l’objet d’un consensus de la mission, ce qui n’est pas toujours le cas. Le rapport dresse un état des lieux intéressant de la formation des auxiliaires médicaux et présente des propositions qui clarifient le panorama des formations et permettent de développer les passerelles entre les formations. Le rapporteur pourrait-il préciser l’impact des préconisations formulées en ce qui concerne un éventuel transfert de charges sur les régions ? Par ailleurs, je souhaite qu’il soit veillé à la mise en application des préconisations du rapport.

M. Jean Mallot. Je remercie la présidente et le rapporteur pour ce travail utile qui permet de formuler des propositions destinées à corriger la situation actuelle de sélection par l’argent et l’information, les étudiants ayant parfois du mal à se retrouver dans le maquis des formations. Il faut mettre un terme à cette forme de sélection sournoise. Le rapport rappelle, avant de l’écarter, la proposition de création d’une première année de formation commune à toutes les professions de santé formulée dans le rapport de la commission pédagogique nationale de la première année des études de santé de 2003. La L1 Santé a constitué une première étape, insuffisante, qui justifie la volonté d’aller plus loin qui sous-tend le rapport ; les évolutions proposées sont indispensables pour mettre en œuvre une meilleure coopération entre professionnels de santé et la possibilité de délégation des tâches.

J’insiste par ailleurs sur trois points :

– la nécessité de clarifier la répartition des compétences en matière de formation des auxiliaires médicaux entre l’État et les régions et de veiller à éviter que l’harmonisation du contenu des formations, des diplômes et de l’organisation du système de formation des auxiliaires médicaux ne se traduise par un transfert de charges sur les régions, lesquelles ne pourraient pas l’assumer, l’objectif étant d’améliorer la qualité des soins pour nos concitoyens, ce qui relève de la responsabilité de l’État ;

– il serait également souhaitable de réfléchir au développement des formations des auxiliaires médicaux en alternance, notamment par la voie de l’apprentissage ;

– enfin, il me semble important que la commission, comme le fait le comité d’évaluation et de contrôles des politiques publiques, assure le suivi de l’application des préconisations du rapport.

Mme Bérengère Poletti. Je félicite la présidente et le rapporteur de la mission d’information pour la qualité et l’intérêt du rapport.

Il aurait cependant été souhaitable d’aborder aussi la question de l’évolution de la formation des sages-femmes dans le cadre du rapport, en prenant en compte les spécificités de leur statut. Les organisations représentatives de sages-femmes rencontrent en effet des difficultés à faire reconnaître leur souhait de progresser vers l’universitarisation de leur formation.

J’aimerais avoir des précisions sur la gestion des transferts et délégations de compétence entre professions.

Par ailleurs, il serait utile d’avoir des éléments d’information comparés sur la formation des personnels médicaux dans les pays étrangers, les équivalences qui peuvent exister en matière de diplômes et la tutelle unifiée ou éclatée sur le système de formation des professionnels de santé.

Je m’interroge sur l’intérêt de la première année commune aux auxiliaires médicaux, compte tenu de l’hétérogénéité de ces métiers. Il ne faudrait pas aboutir à alourdir inutilement les programmes de certaines professions d’auxiliaires médicaux spécialisés.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Le rapport d’information apporte des éclairages utiles sur le panorama des formations des auxiliaires médicaux.

Je souligne l’intérêt des propositions du rapport en termes de reconnaissance de ces professions et souligne la nécessité d’intégrer des connaissances nouvelles dans les formations, permettant d’assurer la prise en charge de personnes atteintes de pathologies en fort développement, comme la maladie d’Alzheimer, ou en situation de dépendance ou de handicap. Il faudra, dans cette perspective, développer l’approche pluridisciplinaire des professionnels de santé, afin d’améliorer la coordination des soins et la prise en charge des patients.

Par ailleurs, je souhaiterais avoir des précisions concernant la proposition n° 11 relative à la création d’instituts d’études paramédicales régionaux. Le rapporteur peut-il préciser le nombre d’instituts envisagé et si certaines régions pourraient ne pas en être dotées ?

M. Bernard Perrut. Le rapport a le mérite de rendre hommage à l’ensemble des auxiliaires médicaux qui sont appelés à jouer un rôle de plus en plus important compte tenu du vieillissement de la population et d’autres évolutions démographiques, lesquelles conduiront inévitablement à développer le partage et la délégation de tâches entre les professionnels de santé.

La mission dresse cependant un constat alarmant, en soulignant le manque de lisibilité et d’harmonisation du dispositif de formation des auxiliaires médicaux. Nous sommes confrontés à un vaste chantier de réorganisation de l’ensemble du dispositif de formation de ces personnels. À cet égard, il serait souhaitable d’avoir des données plus récentes concernant les effectifs et la répartition géographique des professionnels de santé, les données figurant dans le rapport concernant les effectifs au niveau national au 1er janvier 2005. Cela permettrait de mieux appréhender les inégalités dans la répartition des auxiliaires médicaux sur le territoire et leur évolution depuis 2005.

Par ailleurs, je soutiens les propositions visant à modifier l’architecture d’ensemble des formations et l’orientation et visant à développer les passerelles entre les formations.

Enfin, je souhaiterais savoir s’il existe d’autres expériences du type de celle qui a été mise en place à Lyon avec l’Institut des sciences et techniques de la réadaptation, créé en 2004.

Mme Monique Iborra. Je ne partage pas le consensus qui s’est exprimé jusqu’à présent. Je ne voterai pas ce rapport car je désapprouve ses conclusions.

Ce rapport met la charrue avant les bœufs. En effet, il fallait soit ne pas mettre en place le système licence-master-doctorat, soit réorganiser la formation paramédicale avant d’instaurer le licence-master-doctorat. Malgré les auditions menées par la mission d’information, le rapport qui nous est présenté ne prend pas en compte la situation actuelle dans les territoires, les universités et les organismes de formation. C’est toute la différence qui existe entre des élus qui ne possèdent qu’un mandat national et ceux qui cumulent un mandat national et un mandat local et qui demeurent au plus près des réalités territoriales.

La mise en place de la filière licence-master-doctorat concernant les infirmières se passe aujourd’hui très mal, contrairement à ce que décrit le rapport. Une seule convention a été signée à ce jour alors que la date butoir de conclusion des conventions était fixée à juin dernier. Pourquoi ? Parce que les universités ne sont pas prêtes. Le président de la Conférence des présidents d’Universités m’expliquait récemment que la situation était critique et que les universités n’étaient pas prêtes à poursuivre ce processus. La réforme licence-master-doctorat a été en effet menée dans la précipitation, ce qui explique les problèmes d’application actuels.

Alors que le contexte sur le terrain est difficile, vous préconisez la création d’une filière licence-master-doctorat paramédicale. Contrairement à vos affirmations, cette proposition ne fait pas l’unanimité chez les professionnels de santé, qui craignent à terme une déconnection des infirmières et des autres professions paramédicales. Vous proposez néanmoins cette formule car il vous est aujourd’hui impossible de créer une première année commune en santé pour l’ensemble des professionnels.

Si la question des transferts de charges devant être assumés par l’État entre en ligne de compte dans l’opposition probable des régions à ce rapport, celles-ci désapprouvent les conclusions des travaux de la mission a priori pour trois principales raisons : ce rapport met la charrue avant les bœufs ; ne prend pas acte de la difficile mise en place de la réforme licence-master-doctorat ; et formule des propositions qui créeront une dichotomie entre les infirmières et les autres professions paramédicales.

Je tiens à signaler que, pour les sages-femmes, la réforme licence-master-doctorat fonctionne également très mal. Cette question a été récemment débattue lors d’une réunion commune du ministère de la santé et du ministère de l’enseignement supérieur.

Si ce rapport a le mérite de faire le point sur l’organisation très disparate de la formation des auxiliaires paramédicaux, dont les régions ont hérité, il ne propose pas les solutions adéquates. Il intervient de plus tardivement : il aurait dû servir à la préparation de la réforme licence-master-doctorat.

Mme Michèle Delaunay. Je tiens à féliciter la présidente, Mme Catherine Lemorton, et le rapporteur, M. Jacques Domergue, pour le très grand travail qu’ils ont accompli. Il me semble fondamental de valoriser davantage ces professions de santé. Je n’aime d’ailleurs pas la dénomination d’« auxiliaires médicaux », je lui préfèrerais celle de « partenaires médicaux ». Peut-être devrions-nous l’imposer ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Est-ce vraiment plus approprié ?

Mme Michèle Delaunay. Dans la pratique, les auxiliaires médicaux sont des partenaires à part entière des médecins.

M. le rapporteur. Vous définissez le rôle de ces professionnels par rapport aux médecins, ce qui induit presque un lien de subordination. J’ai repris le terme d’auxiliaires médicaux car c’est celui qui est en vigueur mais aujourd’hui nous cherchons à définir la responsabilité de chacun des acteurs de santé.

Mme Michèle Delaunay. Vous proposez d’accroître la cohésion entre tous les auxiliaires médicaux en augmentant les possibilités de changer de filière et de profession, ce qui me paraît positif. J’approuve également votre souci d’harmonisation géographique et de progression de ces métiers. Je m’interroge néanmoins sur les possibilités d’évolution existantes, par exemple, pour un manipulateur de radios en direction du médecin ou du physicien radiothérapeute. Les professions paramédicales occupent un rôle croissant dans la prévention du mauvais vieillissement, un enjeu central pour notre société, et des comportements à risque. Elles devraient s’ouvrir davantage aux personnes issues de la diversité car ces carrières très exigeantes permettent une réelle intégration dans la société.

M. Michel Liebgott. Il faut prendre en compte la dimension européenne de la formation des professionnels de santé. Aujourd’hui de nombreux Français se forment à l’étranger, en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne, et même en Roumanie, puis reviennent exercer en France. À l’inverse, certains étudiants formés en France vont travailler à l’étranger, une fois leur diplôme obtenu. Ce nouveau phénomène pose le problème de l’harmonisation des diplômes, dans le cadre du processus de Bologne, et de la maîtrise de la langue. Certains médecins étrangers exerçant en France connaissent des difficultés en français. Il faudrait, dans les zones frontalières, mettre en œuvre des formations universitaires expérimentales intégrant cette dimension européenne et intéressant plusieurs pays. Ce serait un complément utile aux travaux qui nous sont présentés.

Mme Jacqueline Fraysse. Le rapport de la mission d’information est le fruit d’un travail important et utile. Il fournit un bilan de l’organisation encore très hétérogène de la formation paramédicale et formule des propositions visant une plus grande harmonisation entre les territoires et une amélioration de l’équité entre les étudiants. Les étudiants modestes sont en effet aujourd’hui pénalisés. Ce rapport a également pour objectif d’adapter la formation des professionnels aux évolutions scientifiques et médicales actuelles et de les préparer aux défis du XXIe siècle. Je pense que l’intégration progressive des professions paramédicales dans le cursus universitaire est une bonne proposition.

Je regrette néanmoins que toutes les professions paramédicales n’aient pas pu être regroupées dans une même première année d’étude. Cette solution, la meilleure en théorie, ne semble pas réalisable aujourd’hui. Elle permettrait pourtant de créer une culture commune et d’accroître les passerelles entre ces professions.

Je tiens à souligner le rôle que devra jouer l’État dans le financement de ces processus nouveaux : les transformations proposées ne pourront pas être mises en œuvre sans moyens supplémentaires. Il faudra déterminer la part de financement qui doit revenir aux régions et celle qui doit revenir à l’État. La revalorisation des diplômes des professions paramédicales devra se traduire par une meilleure reconnaissance en termes de rémunération et de débouchés.

Quant au contenu des formations, le rapport affirme que le ministère de la santé travaille aujourd’hui à la création de référentiels d’activités et de compétences, ce qui suscite des inquiétudes chez les personnels concernés. On ne peut confier aux seuls ministères de la santé et de l’enseignement supérieur la responsabilité du contenu des formations. Les professionnels, en exercice et en formation, doivent être associés à l’élaboration de celui-ci et des transferts de compétences.

Mme Dominique Orliac. Je tiens à féliciter la présidente et le rapporteur pour le travail difficile mais indispensable qu’ils ont accompli. En effet, l’organisation des formations paramédicales est aujourd’hui très disparate ; en établir un état des lieux a été complexe. Monsieur le rapporteur, pourriez-vous développer la proposition n° 8 recommandant la création de nouveaux diplômes ?

M. Christian Hutin. Je félicite la présidente et le rapporteur pour leur excellent travail. Vous présentez par exemple les données démographiques des professions paramédicales, je remarque que certaines connaissent un rapide développement et qu’elles sont en général très féminisées.

Vous avez mené une analyse territoriale qui démontre qu’aujourd’hui certains départements et régions connaissent un déficit d’auxiliaires médicaux. Quelles sont les professions les plus concernées ? Développez-vous une réflexion à long terme sur ce sujet ? Par exemple, de grandes cohortes de techniciens de laboratoire ont été formées. Or, avec les évolutions technologiques actuelles et les regroupements de structures, les besoins en techniciens ont diminué.

Il me semble que Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, n’a pas été auditionnée par la mission, ce que je trouve étonnant et regrettable. Peut-être n’a-t-elle pas eu le temps ou peut-être a-t-elle jugée qu’il n’était pas nécessaire de s’exprimer devant la Représentation nationale sur un sujet qui n’est pas entièrement de sa compétence. Elle devait transmettre à la mission une contribution, qui ne figure cependant pas au rapport.

Je tenais enfin à évoquer un problème plus général, celui de l’ancienneté des données statistiques dans le domaine social. Elles s’arrêtent souvent aux années 2005 ou 2006. Or, la situation de la France a, depuis, beaucoup changé, notamment en raison de la crise économique. Ce problème provient-il de l’INSEE ou d’autres services de l’État ?

M. Guy Malherbe. Les auxiliaires médicaux connaissent certes des difficultés en matière de formation, mais aussi en matière d’effectifs. Dispose-t-on de données statistiques de suivi de cohortes de bacheliers afin de connaître leur répartition dans les différentes formations et en particulier celles des auxiliaires médicaux ? Ces éléments nous permettraient peut-être de voir comment améliorer l’attractivité de cette filière.

M. le rapporteur. Je vous remercie tous de vos interventions sur le dossier important des auxiliaires médicaux, qui présente la particularité de traiter de diplômes très hétérogènes mais qui, pour la plupart d’entre eux, débouchent sur un métier, ce qui est loin d’être le cas de toutes les autres formations.

Je tiens à remercier les membres de la mission d’information de leur participation à ses travaux, ainsi que Mme Catherine Lemorton, qui en a été la présidente. Je me réjouis que nous ayons travaillé ensemble dans un bon climat et trouvé un consensus. Je note d’ailleurs que cela démontre qu’il est possible de travailler de manière consensuelle sur des dossiers importants pour le pays, et j’encourage nos collègues de l’opposition à œuvrer en ce sens, notamment en matière de finances publiques.

Mme Catherine Lemorton a insisté sur l’inéquité et le « maquis » des formations et des métiers. Je rejoins tout à fait cette analyse : nous avons été stupéfaits de la situation que nous avons constatée. Elle s’explique sans doute par le fait que les métiers des auxiliaires médicaux se sont construits au fil de l’histoire, sur des initiatives personnelles de professionnels de santé, souvent des médecins, différemment d’une ville à une autre et selon les besoins locaux, ce qui a abouti à de réelles disparités et hétérogénéités au sein d’une même profession. Ainsi en est-il, par exemple, des kinésithérapeutes qui, selon les villes, suivent des formations totalement différentes : dans certains cas, ils suivent la première année d’études de médecine, alors que dans d’autres, ils doivent faire un véritable « tour de France » pour passer des concours d’accès à différents instituts. Il n’est plus possible de continuer comme cela.

Mme Valérie Rosso-Debord a insisté sur l’importance des bourses régionales. Malgré les disparités auxquelles il faut remédier, le système fonctionne. Nous ne souhaitons pas revenir sur la régionalisation des professions et sur les compétences des régions qui ont en charge le financement et la gestion des formations, ainsi que les bourses des étudiants paramédicaux. Le processus « d’universitarisation » aujourd’hui en cours nécessitera sans aucun doute des dépenses supplémentaires, qu’il conviendra, le cas échéant, de compenser. Je suis également d’accord concernant la nécessité d’améliorer les passerelles, qui restent aujourd’hui trop limitées. On l’a vu il y a deux ans pour la L1 Santé, on le verra plus tard avec la L1 « paramédicale » : il est nécessaire que l’acquisition d’une culture commune permette aux étudiants de changer de métier.

M. Élie Aboud a souligné la proximité des instituts de formation en soins infirmiers. Nous n’avons pas voulu mettre en cause ce qui marche. Or, ces derniers fonctionnent bien ; ils existent sur l’ensemble du territoire et sont nombreux – on en compte trois cent trente, souvent à proximité des établissements de santé, ce qui facilite le recrutement. Nous n’avons donc pas souhaité proposer une réorganisation complète de l’appareil de formation.

S’agissant des infirmiers, « l’universitarisation » de leur formation est une donnée : elle est en cours. Deux voies seront possibles : celle d’une formation de proximité dans les villes universitaires, et celle de l’utilisation de nouvelles technologies dans les villes non universitaires. Il est évident qu’il sera plus difficile aux instituts des petites villes de mettre en œuvre leur « universitarisation » qu’à ceux de Lyon, Montpellier ou Paris. Toutefois, l’utilisation de moyens de télétransmission des enseignements, comme cela est le cas s’agissant de la L1 Santé, est une solution à exploiter. On répondrait ainsi à une demande des infirmiers.

Nous n’avons pas abordé, comme l’avait suggéré M. Élie Aboud, la question des ostéopathes et des optométristes car nous avons restreint nos travaux aux professions réglementées et n’avons pas souhaité évoquer les professions « litigieuses » – je reconnais toutefois qu’une réflexion doit sûrement être menée dans ce domaine. Cela étant, l’organisation que nous proposons permet d’y intégrer de nouveaux métiers, dès lors que la formation y conduisant est clairement identifiée. Cette intégration pourrait avoir lieu au stade du concours de sélection, voire dans certains cas, celui de la formation.

Monsieur Georges Colombier, je crains de ne pas avoir bien saisi votre question.

M. Georges Colombier. Mme Catherine Lemorton a expliqué qu’elle était globalement d’accord avec les propositions de la mission d’information, dès lors que cela ne coûterait pas « un euro de plus » pour les régions. Quelle est votre position sur ce point ?

M. le rapporteur. Nous proposons une « universitarisation » des formations comme celle qui est en cours pour les infirmiers ; cela supposera donc des moyens financiers supplémentaires car le coût horaire des formations sera plus élevé qu’aujourd’hui – je vous signale par ailleurs qu’un groupe de travail a été constitué au sein du ministère de la santé et des sports sur la question des moyens financiers à dégager s’agissant des infirmiers. De la même manière, la création d’une L1 « paramédicale » nécessitera des moyens supplémentaires émanant tant des régions que des universités. Nous proposons de mieux organiser ces formations, au sein des universités ; il est certain que cela exigera un effort financier accru.

M. Jean Mallot, vous avez fait allusion au rapport de Domitien Debouzie ; nous le mentionnons dans nos travaux. Ce rapport fixait un objectif théorique, mais nous avons pris rapidement conscience qu’il était aujourd’hui impossible, sur le plan pratique, de mettre en place une L1 Santé commune à toutes les professions de santé. Outre les problèmes évidents d’effectifs, la formation des auxiliaires médicaux a une forte dimension pratique, dès le début des études, ce qui n’est pas le cas de formations médicales. Il n’est donc pas envisageable que les orientations aient lieu après la licence « santé », puisqu’à ce stade, pour la plupart des métiers paramédicaux, le cursus est achevé.

Je pense en revanche qu’une fois notre rapport adopté, il conviendrait de déposer rapidement sur ce sujet une proposition de loi, dont Mme Catherine Lemorton serait cosignataire, afin que nos propositions ne restent pas lettre morte. Surtout, il semble nécessaire qu’une région expérimente la L1 « paramédicale » afin que nous puissions en tirer les leçons.

Mme Bérengère Poletti a évoqué, avec justesse, la difficulté de l’« universitarisation » de la formation des sages-femmes. Je reconnais que nous ne nous sommes pas penchés sur cette question car les sages-femmes suivent la L1 Santé et étudient jusqu’au niveau du master, disposent du droit de prescription et sont des professionnels de santé à part entière. Concernant le niveau européen, j’estime indispensable une standardisation des formations.

Mme Martine Carrillon-Couvreur a abordé la question du contenu des programmes de formation, que nous n’avons pas traitée. Nous avons simplement cherché à mettre en lumière, dans un tableau, les points communs entre les diverses formations qui permettraient de mettre en place un concours à l’issue d’un premier semestre d’enseignement commun et d’un second semestre au cours duquel, par le jeu des coefficients, seraient différenciées les diverses filières. Par exemple, pour les orthophonistes, qui sont aujourd’hui essentiellement issus de filières littéraires, on pourrait imaginer que, suite à l’acquisition de bases scientifiques communes relativement générales lors du premier semestre, ils bénéficient d’une sélection spécifique lors du second semestre avec des coefficients importants correspondant aux matières littéraires.

M. Bernard Perrut s’est étonné que les données que nous communiquons, à la page 22 du rapport, sur la démographie des professions de santé ne soient pas plus récentes. Il est en réalité très difficile d’obtenir des éléments actualisés pour l’ensemble des professions. Il a par ailleurs bien fait de mentionner l’institut de Lyon car celui-ci constitue une bonne illustration des avantages, pour les étudiants, d’une structure implantée sur un site unique et où la sélection est commune. C’est aujourd’hui la seule organisation de ce type en France mais elle pourrait être étendue à d’autres régions.

La position de Mme Monique Iborra semble avoir évolué : alors qu’elle avait initialement déclaré qu’elle s’abstiendrait lors du vote du rapport, elle a finalement décidé de voter contre. Je regrette qu’elle n’ait pas davantage assisté aux auditions organisées par la mission d’information ; nul doute qu’elle aurait alors pu infléchir, par ses interventions, nos propositions.

Contrairement à elle, je ne pense pas que le cursus licence-master-doctorat fonctionne mal. Il s’agit d’un processus en cours dans toute l’Union européenne dont nous ne pouvons nous exempter et je considère comme positif l’effort d’uniformisation des formations paramédicales.

Il est vrai que nous avons dissocié la formation des infirmiers de celle des autres professions paramédicales. Pourquoi en est-on arrivé à cette conclusion ? En premier lieu, parce que l’effectif des élèves infirmiers, avec près de 80 000 étudiants, aurait conduit à des disparités importantes entre filières. En second lieu, nous avons constaté que contrairement aux autres professions paramédicales, les infirmiers sont issus directement du baccalauréat. Leur imposer une première année de sélection pour accéder aux instituts de formation en soins infirmiers aurait donc consisté à instituer une année supplémentaire d’études. Je ne dis pas que cette solution n’est pas envisageable pour l’avenir, mais elle est, pour l’instant, à écarter.

S’agissant des régions, comme je l’ai dit précédemment, elles bénéficieront de moyens supplémentaires pour « l’universitarisation » des formations et la réorganisation des professions de santé. Une réflexion sur ce point est en cours au sein du ministère de la santé et des sports afin que le coût supplémentaire induit ne soit pas uniquement à la charge des régions.

Madame Monique Iborra, vous avez estimé que notre rapport était prématuré. Je ne vous rejoins par sur ce point. Notre objectif a été d’être « à l’avant-garde » et de proposer des pistes d’amélioration. Nous héritons du système « licence-master-doctorat » ; cela n’est ni de votre fait, ni du mien. Il est désormais nécessaire que nous nous y adaptions pour faire en sorte que les professions des auxiliaires médicaux s’intègrent dans ce cadre. Quant à la sélection, il me semble désormais nécessaire qu’une région se porte volontaire pour expérimenter la L1 « paramédicale » afin qu’on en tire les enseignements.

Mme Michèle Delaunay, vous avez jugé que l’expression d’auxiliaires médicaux n’était pas idéale ; j’en conviens. Elle correspond à une « gradation » au sein des professions de santé ; peut-être faudrait-il trouver d’autres termes. Je partage par ailleurs votre avis sur l’importance du rôle des auxiliaires médicaux en matière de prévention.

M. Michel Liebgott a insisté sur les aspects internationaux et transfrontaliers. Leur prise en compte suppose justement de s’orienter vers le système « licence-master-doctorat » pour les professions paramédicales, en l’adaptant, et d’œuvrer pour une harmonisation européenne des formations.

Mme Jacqueline Fraysse a insisté sur le contenu des formations. Nous ne l’avons évoqué que sous l’angle des points communs entre épreuves au concours, dans la perspective de la création d’une sélection commune. Cependant, pour répondre à votre inquiétude, la redéfinition des diplômes, dont l’objectif est de réviser leur contenu, a bien associé l’ensemble des professionnels.

Mme Dominique Orliac a évoqué les masters transversaux. Ils restent à créer ; ils n’existent pas encore dans la plupart des cas. Pour les infirmiers spécialisées, les masters sont en cours d’élaboration ; nous souhaitons que des démarches similaires soient engagées pour les autres professions d’auxiliaires médicaux.

Monsieur Christian Hutin, vous vous êtes étonné que Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, n’ait pas souhaité être auditionnée par la mission d’information malgré notre demande insistante. Comme vous, je le déplore car ce dossier important la concernera directement – peut-être son emploi du temps ne lui a-t-il pas permis de venir parmi nous. Elle nous a communiqué une contribution écrite, mais celle-ci est insuffisante.

Monsieur Guy Malherbe, nous ne disposons pas d’éléments sur le suivi de cohortes de bacheliers. Nous savons seulement que 60 % des élèves infirmiers sont directement issus du baccalauréat, après avoir passé le concours d’entrée dans les instituts de formation en soins infirmiers ; ce n’est pas le cas des autres professions d’auxiliaires médicaux qui doivent suivre une ou plusieurs années de préparation avant de pouvoir entrer dans un institut. C’est la raison de notre proposition de création d’une L1 « paramédicale » qui concernerait l’ensemble des auxiliaires médicaux, à l’exception des infirmiers.

Mme Catherine Lemorton. Je tiens à signaler que si la mission d’information n’a pas pu auditionner Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, elle a en revanche entendu Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Par ailleurs, le rapporteur a déclaré préférer l’opposition « constructive » mais souligne que lorsque nous nous opposons, en nous faisant le relais des préoccupations de la rue, nous sommes également constructifs !

M. Michel Issindou. Permettez-moi une dernière question : ne pensez-vous pas que le refus de Mme Valérie Pécresse d’être auditionnée est le signe de sa volonté d’enterrer, dès aujourd’hui, une réforme qui coûterait trop cher ?

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le rapporteur, vous avez mentionné une contribution écrite de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il me semble indispensable que vous nous la communiquiez. Il n’est pas normal que nous n’en disposions pas.

M. Pierre Méhaignerie, président. Je transmettrai à la ministre la demande de compléments du rapporteur et de la présidente de la mission d’information.

M. Vincent Descœur. Un tableau pourra-t-il nous être fourni concernant les inégalités territoriales selon les formations, et en particulier les instituts de formation en soins infirmiers ?

M. le rapporteur. On ne constate pas d’inégalités territoriales concernant ces instituts, puisqu’on en compte trois cent trente et qu’ils sont très largement répartis sur le territoire ; la situation est effectivement plus disparate concernant les autres formations.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il est certain que ces propositions ne sont pas sans conséquence financière. Ce point mérite d’être précisé, alors que les contraintes sont lourdes. Je tiens de nouveau à remercier le rapporteur, M. Jacques Domergue, et la présidente, Mme Catherine Lemorton, pour le travail accompli. Mais celui-ci, comme celui des autres missions d’information, doit être suivi d’effets, sinon l’on désespère de l’utilité de notre travail… J’écrirai donc à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, et Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, afin qu’elles me fassent part de leurs réactions. J’ajoute que la proposition de procéder à des expérimentations me paraît être une très bonne idée.

La commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

La séance est levée à onze heures trente.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 7 juillet à 10 heures

Présents. - M. Élie Aboud, Mme Véronique Besse, Mme Martine Billard, Mme Valérie Boyer, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, M. Georges Colombier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Vincent Descoeur, M. Jacques Domergue, M. Dominique Dord, Mme Cécile Dumoulin, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Cécile Gallez, M. Michel Heinrich, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Guy Lefrand, Mme Catherine Lemorton, M. Jean-Claude Leroy, M. Michel Liebgott, M. Guy Malherbe, M. Jean Mallot, M. Pierre Morange, M. Roland Muzeau, Mme Dominique Orliac, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, M. Étienne Pinte, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, Mme Valérie Rosso-Debord, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, Mme Marisol Touraine, M. Francis Vercamer

Excusés. - M. Jean Bardet, Mme Gisèle Biémouret, M. Jean-Pierre Door, Mme Catherine Génisson, M. Denis Jacquat, M. Jean-Luc Préel, M. Simon Renucci, M. Jean-Marie Rolland, M. Jean Ueberschlag