Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires sociales > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires sociales

Mardi 20 juillet 2010

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 70

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Examen du projet de loi portant réforme des retraites (n° 2760) (M. Denis Jacquat, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 20 juillet 2010

La séance est ouverte à quinze heures cinq.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)

La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Denis Jacquat, le projet de loi portant réforme des retraites (n° 2760)

M. le président Pierre Méhaignerie. Messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais vous apporter quelques précisions avant que nous commencions la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

J’entends que l’on parle de « huis clos » à propos de l’examen des articles en commission. Comme l’a très justement rappelé ce matin Jérôme Cahuzac, président de la Commission des finances, l’examen des articles d’un projet de loi s’est toujours déroulé sans la presse. Il est apparu au bureau de notre commission qu’il était préférable, pour la qualité des débats et pour que nous puissions aller au fond des sujets en discussion, de continuer ainsi. Par ailleurs, le compte rendu de nos différentes séances sera, comme à l’accoutumée, mis en ligne très rapidement, et un point de presse, où les porte-parole de tous les groupes pourront s’exprimer, se tiendra à l’issue de chaque réunion. Enfin, le débat en séance publique permettra à la presse d’assister à un débat qui durera cinquante heures.

Je voudrais faire également le point sur les amendements dont nous aurons à discuter. Il a été déposé 490 amendements devant notre commission : 70 du rapporteur ; 2 du Gouvernement ; 5 de la Commission des finances pour le moment ; 9 de la Commission des lois ; 91 de l’UMP ; 148 du groupe SRC ; 124 du groupe GDR ; 34 du groupe Nouveau Centre.

Ayant procédé à l’examen de la recevabilité financière des amendements conformément à l’article 89 du Règlement, j’ai déclaré 71 d’entre eux irrecevables, dont 13 après avoir consulté le président de la Commission des finances. Ils se répartissent ainsi : 23 amendements de l’UMP, 19 du SRC, 16 du GDR et 13 du Nouveau Centre. Selon certains, il s’agirait là d’une lecture extrêmement stricte de l’article 40 qui aurait pour but d’empêcher le débat d’avoir lieu. C’est évidemment absurde, puisque je n’ai fait qu’appliquer la « jurisprudence » constante des présidents de la Commission des finances, Didier Migaud hier, Jérôme Cahuzac aujourd’hui. Je l’ai d’ailleurs consulté sur 15 amendements à propos desquels je m’interrogeais et j’ai suivi scrupuleusement son avis. Je rappelle qu’aucune majorité, qu’elle soit du centre, de gauche ou de droite n’a jamais proposé de supprimer l’article 40.

Par ailleurs, le groupe SRC n’a sans doute guère été surpris par cette application de l’article 40, puisqu’il avait par avance doublé la quasi-totalité des amendements déclarés irrecevables d’un amendement demandant un rapport au Gouvernement sur la mesure coûteuse qui était demandée.

Il nous reste donc 419 amendements à examiner. Mais auparavant, tous les commissaires n’ayant pu s’exprimer au cours de l’audition de MM. Woerth et Tron à laquelle nous avons procédé mardi dernier, nous ferons une discussion générale, dans laquelle je donnerais par priorité la parole à ceux qui ne l’ont pas eue alors.

Mme Marisol Touraine. Notre débat s’engage dans des conditions extrêmement défavorables, et nous dénonçons le traitement que vous réservez à la commission. Le dernier exemple, particulièrement choquant, est la quasi-conférence de presse que vous venez de tenir ici, alors que vous nous imposez le huis clos sous prétexte de respecter les travaux de la commission. Plus généralement, le climat politique actuel rend quasiment impossible toute discussion de fond.

Sur un projet que vous présentez comme l’un des plus importants du quinquennat, vous refusez toute confrontation démocratique de projets et d’idées, en rejetant la responsabilité de ce refus sur le Parti socialiste qui serait incapable d’avoir des idées. Mais, vous affirmez par ailleurs que nos propositions ne tiennent pas la route, puisqu’elles ne s’inscrivent pas dans l’épure du Gouvernement. La vérité, c’est que nous avons un véritable contreprojet à opposer au Gouvernement. Il est frappant de constater que les amendements, que vous avez retoqués sous le prétexte de l’article 40, portaient une alternative. On voit bien le sens qui se dégage de cette succession de refus : refus de la publicité des débats, refus de la transparence des projets, refus de la confrontation des projets et des idées, qui augurent bien mal de la suite de nos débats.

Vos refus sont d’autant plus préoccupants qu’ils ne vous empêchent pas de vous livrer à une véritable propagande en faveur de votre texte à coups de spot télévisuels et de communiqués dans la presse écrite. Outre qu’elle n’est qu’une succession de contrevérités – à vous en croire, il suffira d’avoir mal au dos pour invoquer la pénibilité, ou d’avoir commencé à travailler à dix-huit ans pour bénéficier du dispositif « carrières longues » – cette publicité pour une réforme qui n’est pas encore votée signifie que le débat parlementaire n’a aucun sens ni aucune utilité.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous interroger sur le statut de nos travaux. D’une part, l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi n’en a que le nom, au point que Jean-Marc Ayrault a saisi le Président de l’Assemblée de ce problème : elle ne comporte aucun élément nous permettant d’apprécier la portée financière et sociale de la réforme. D’autre part, le président du groupe UMP a déclaré, ce matin à France Inter, que son groupe déposerait ses principaux amendements dans l’hémicycle, les réunions de la commission n’ayant pas d’autre fonction que de « prendre la température » ! À quoi sert donc la commission, si nous ne pouvons pas y confronter nos projets ?

Enfin, monsieur le ministre, vous avez dit que vous seriez disposé à faire évoluer votre texte à la rentrée, notamment en ce qui concerne la pénibilité ou la prise en compte des polypensionnés – la dernière intervention du Président de la République ayant semblé fermer la porte en ce qui concerne les carrières longues – sans que la représentation nationale soit saisie de ces nouvelles propositions. Nous attendons des réponses sur tous ces points, et nous déterminerons notre attitude pour la suite en fonction de vos réponses.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je vous répondrai sur trois points, avec tout le respect que je vous dois. Vous ne pouvez pas nous accuser de refuser la confrontation des idées, alors que cela fait trois mois que nous travaillons et que 32 auditions d’une durée de 45 heures ont permis de poser toutes les questions. Pour ce qui me concerne, ces auditions m’ont permis de faire évoluer ma position sur plusieurs points.

Ensuite, tous les députés de quelque expérience savent que l’article 40 s’est toujours appliqué strictement, que les amendements déclarés irrecevables soient soutenus par des députés de l’opposition ou de la majorité. En l’espèce, l’application de l’article 40 a d’ailleurs fait tomber plus d’amendements de l’UMP que du groupe SRC. Mais les questions qu’ils soulèvent pourront être présentées dans le cadre de la discussion générale. Ils permettront de poser des jalons, notamment sur la pénibilité, à charge pour le Gouvernement de traduire nos propositions dans des amendements de son initiative.

Quant à la publicité de nos débats, la majorité des membres de la conférence des présidents, dont le président de la Commission des finances, a exprimé le souhait de ne pas modifier les conditions habituelles d’examen des amendements. Cependant, pour tenir compte de votre demande, nous avons décidé qu’une conférence de presse se tiendrait à l’issue de chacune de nos réunions. J’ai, en outre, demandé aux services que les comptes rendus de tous nos débats soient accessibles le plus rapidement possible.

Mme Marisol Touraine. Et sur la propagande ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Il ne m’appartient pas de répondre à ce sujet, l’exécutif étant un pouvoir distinct du législatif. Je voudrais simplement dire qu’il faut se garder de tout excès, d’un côté comme de l’autre.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. L’étude d’impact a été validée par le Conseil d’État et largement inspirée par les travaux du Conseil d’orientation des retraites.

S’agissant de la publicité, il est normal que le Gouvernement fasse de la pédagogie sur un projet aussi important. Quant à son caractère mensonger, vous n’en avez donné aucun exemple précis.

Enfin, qu’un texte évolue après son dépôt ne contredit en rien les règles de la discussion parlementaire : le Gouvernement peut déposer des amendements à tout moment et l’examen en commission n’est pas l’aboutissement d’un texte. Nous comptons utiliser toutes les étapes de la discussion pour examiner une série de sujets très importants, qui faisaient encore la semaine dernière l’objet de concertations avec la plupart des organisations syndicales. Je suis prêt à faire évoluer le texte si cela apparaît nécessaire. Cela n’a rien de contraire à la pratique parlementaire.

Mme Valérie Rosso-Debord. Nous souhaitons, nous, un débat serein et de qualité, et nous attendons de nos partenaires de l’opposition qu’ils donnent une autre image de la politique. Nous pensons qu’ils ont, comme nous, beaucoup travaillé, et que, comme nous, ils attendent un échange avec le Gouvernement.

Quant à l’article 40, il est bon que son application donne lieu à une jurisprudence constante. Je rappelle que les questions abordées par les amendements tombés sous le coup de l’article 40 peuvent être discutées, ce dont nous ne nous priverons pas en ce qui nous concerne.

Retarder le débat par de vaines polémiques, comme vous le faites, ne peut que donner une image déplorable de notre commission.

M. Pascal Terrasse. Voilà un débat bien mal engagé. Vous répétez les erreurs commises lors des réformes de 1993 et de 2003. D’abord, monsieur le ministre, vous confondez négociation et concertation. Si une bonne réforme des retraites suppose la consultation des partenaires sociaux, elle implique aussi une part de négociation. Or, vous n’avez pas engagé la moindre négociation.

Ensuite, en confinant l’examen de ce texte au cœur de l’été, puis dans une session extraordinaire d’une dizaine de jours début septembre, vous refusez aux Français le débat sérieux et serein qu’ils attendent de nous. En 2003, la discussion avait duré trois mois, de mai à juillet.

D’autre part, on ne sait plus qui pilote la réforme, du ministre du travail, du Premier ministre, de l’Élysée, voire de Jean-François Copé, comme sa dernière intervention le laisse à penser.

Enfin, et cela traduit votre profonde méconnaissance de l’histoire sociale de notre pays, vous essayez de passer en force en faisant l’économie d’un accord a minima avec les partenaires sociaux. Vous ne pouvez pas sérieusement faire fi de l’opposition unanime du mouvement social à votre réforme, en dépit de tous vos efforts pour le diviser.

Ce que nous proposons, nous, c’est un véritable processus de réforme.

Il aurait tout d’abord fallu travailler à partir d’un diagnostic partagé, ce que ne constituent pas les travaux du COR, ne vous en déplaise, monsieur le ministre : il y a eu en réalité deux rapports. Si le premier, établissant diverses projections et abaques, a reçu l’approbation de tous les membres du COR, tel n’a pas été le cas pour le second, émanant du seul secrétariat général du conseil. Il eût fallu ensuite que la mission de dialogue aboutisse, ce qui n’est pas encore le cas. Enfin, il n’y a pas eu de négociation au vu d’un accord interpartenarial. Nous abordons donc le débat législatif sans que tout ce travail préliminaire ait été mené à bien.

Enfin, votre réforme est hémiplégique. L’hypothèse de départ a été qu’un problème démographique appelait une réponse démographique, ce qui est une erreur. Certains pays européens, comme l’Allemagne, ont réussi à réformer leur système de retraites dans le consensus entre formations politiques. Vous avez, hélas, exclu d’emblée toutes les propositions du Parti socialiste, pourtant toutes financées – à la différence des vôtres ! En 2003 M. François Fillon avait juré la main sur le cœur que sa réforme assurait l’équilibre financier jusqu’en 2020, à quoi, à l’époque porte-parole de mon groupe sur le dossier, j’avais répondu que non. Et il s’avère en effet aujourd’hui que dès 2011, tous nos régimes seront en déficit tendanciel.

M. Guy Lefrand. Ce projet de loi nous paraît dans l’ensemble satisfaisant. Les Français ont, dans leur grande majorité, pris conscience de la nécessité de cette réforme.

S’agissant de la pénibilité, vous avez indiqué, monsieur le ministre, lors de votre dernière audition en commission, que vous présenteriez ultérieurement un projet de loi relatif à la santé au travail. Il s’agit, en effet, d’un problème clé, notamment pour améliorer le taux d’emploi des seniors. Nous n’avons pas déposé pour l’instant d’amendements sur le sujet, nous réservant la possibilité de le faire en septembre. Dans cette perspective, nous aimerions connaître vos propositions en matière d’amélioration de la gouvernance au travail comme de la prise en charge des millions de Français qui ne bénéficient d’aucun suivi et pour lesquels il est difficile d’évaluer la pénibilité du travail – c’est le cas de nombreux fonctionnaires, de contractuels, des employés de maison des particuliers employeurs.

En ce qui concerne la convergence public-privé, nous soutenons vos propositions. L’âge légal de départ en retraite échappe toutefois à cette convergence. Nous avons déposé plusieurs amendements tendant à y remédier, car il y va de l’équité entre salariés. Nous regrettons vivement que ces amendements aient été repoussés au titre de l’article 40. En effet, pour la droite, un fonctionnaire qui travaille apporte une contribution utile à la société, alors que le président socialiste de la Commission des finances estime apparemment que les fonctionnaires sont d’abord des personnels qui coûtent. Nous sommes en total désaccord avec son interprétation de l’article 40. Quelles sont, monsieur le ministre, vos propositions pour améliorer la convergence entre public et privé ?

M. Christian Paul. Vous aurez compris, au vu des interventions de Marisol Touraine et de Pascal Terrasse, dans quel état d’esprit nous abordons ce débat. Nous n’entendons pas que « les affaires » parasitent le débat sur les retraites. Nous souhaitons que ce débat ait lieu, dans des conditions acceptables par la majorité comme par l’opposition.

Monsieur le président, vous qui avez la réputation d’être un républicain et un démocrate, cessez d’orchestrer la mascarade que constitue ce débat à huis clos. À votre argument selon lequel il n’y a pas de précédent, nous répondons qu’après la réforme constitutionnelle de 2008 et la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale qui s’en est suivie, nous sommes en train d’inventer une nouvelle pratique institutionnelle. Il est de votre responsabilité que sur un sujet aussi important – le texte le plus important de la législature, nous dit-on –, le débat soit accessible au plus grand nombre de nos concitoyens, notamment aux salariés et aux organisations syndicales. Il faudrait aussi tenir compte des évolutions technologiques. En ce moment même, dans cette salle, certains envoient des SMS, d’autres twittent, et il m’a même été dit que des téléphones étaient ouverts à l’intention de journalistes. Nous vous demandons solennellement, à défaut que nos travaux se poursuivent en présence de la presse, qu’ils soient retransmis sur LCP-AN. À cette condition seulement, nous aurons le sentiment que ce débat en commission n’aura pas été confisqué.

Je vous invite enfin à tirer au clair au sein de la majorité le statut réel du travail en commission. J’ai, moi aussi, entendu ce matin Jean-François Copé dire en gros qu’on se « fichait » de ces trois jours de débat en commission et que la majorité réservait ses amendements pour la rentrée…

M. le président Pierre Méhaignerie. Nul n’a parole d’Évangile.

M. Christian Paul. Si ces travaux ont quelque sérieux, ils doivent être publics comme le sont ceux de l’hémicycle. Entendez-vous, oui ou non, monsieur le président, assurer la transparence et la publicité des travaux de la Commission des affaires sociales ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Le sujet a été débattu par le bureau de la commission et il a été décidé que nos travaux se dérouleraient hors la présence de la presse.

Mme Marisol Touraine. Nous demandons une suspension de séance.

M. le président Pierre Méhaignerie. Elle vous sera accordée après que tous les groupes se seront exprimés.

M. Bernard Perrut. Je souhaiterais, pour ma part, que, sur un sujet de société aussi important, nous puissions travailler sereinement et dépasser les clivages partisans. Je suis surpris qu’après toutes les auditions auxquelles notre commission a procédé dans la sérénité, la politique politicienne l’emporte de nouveau.

Cette réforme des retraites repose sur trois exigences. Responsabilité : il n’est pas envisageable de maintenir notre système de retraite par répartition sans allongement de la durée d’activité. Efficacité : il ne suffit pas de réduire les déficits, il faut garantir un retour durable à l’équilibre. Équité, sans laquelle cette réforme serait vouée à l’échec. C’est précisément dans un souci d’équité que ceux qui ont commencé à travailler tôt pourront continuer de partir en retraite sans décote à 60 ans, voire avant, au titre des carrières longues, dispositif que notre majorité a fait voter en 2003. De même, pourront demain partir sans décote à 60 ans ceux que leur travail a prématurément usés : c’est là un droit social nouveau, rarement souligné. Il faudrait aller plus loin, et faire en sorte que travailler plus longtemps soit aussi l’occasion de travailler mieux. Nous devrions réfléchir ensemble à une politique active de prévention de la pénibilité. Nous attendons vos propositions, monsieur le ministre, en matière d’amélioration des conditions et relations de travail, ainsi que de réforme de la médecine du travail. Il faut que la pénibilité puisse être prise en compte à titre individuel.

L’équité passe aussi par une réelle convergence public-privé. Le projet de loi nous paraît encore timide à cet égard.

Il faut enfin que la réforme apparaisse juste à nos concitoyens. Outre que ses dispositions doivent s’appliquer à tous d’égale façon, dans des délais clairs, préalablement définis, il faut aussi que les hauts revenus soient mis à contribution, comme cela est d’ailleurs prévu avec le relèvement de 1 % du taux marginal d’imposition pour la tranche la plus haute de l’impôt sur le revenu, l’augmentation des prélèvements sur les plus-values de cessions mobilières et immobilières, sur les stock-options et les retraites chapeaux.

Je souhaiterais qu’au cours d’un débat constructif, nous puissions nous retrouver autour de l’objectif qui nous est cher à tous de sauvegarder notre système de retraite par répartition, fondé sur la solidarité inter-générationnelle. Plutôt que de polémiquer sur des sujets annexes, nous devrions être fiers d’apporter notre pierre à la réalisation de cet objectif.

Mme Martine Billard. Nul ne nie l’importance de cette réforme – il suffit d’écouter les Français parler dans la rue ou les transports en commun. Vous nous dites qu’elle est juste. Ce n’est pas ce que pensent ceux de nos concitoyens qui, ayant par exemple commencé à travailler à 18 ans, devront cotiser quarante-quatre ans avant de pouvoir prendre leur retraite. La justice eût été de ne pas toucher au départ à 60 ans pour ceux qui ont tous leurs trimestres.

De même, repousser de 65 à 67 ans l’âge de départ sans décote pour les personnes n’ayant pas leurs annuités pénalise considérablement les femmes. La justice aurait été, pour elles notamment, de modifier le mode de validation des trimestres cotisés. En effet, comme il faut avoir travaillé au moins 200 heures payées au SMIC pour valider un trimestre, les femmes qui travaillent à temps partiel ou très partiel, ce qui est fréquent dans le secteur des services à la personne, n’ont jamais quatre trimestres validés par an. Elles seront donc de plus en plus nombreuses à ne pouvoir jamais arriver à quarante et un ans et demi de cotisation – sans même parler de ce qui adviendra si vous allongez encore la durée de cotisation, à quoi le groupe GDR est résolument opposé. Elles n’auront d’autre choix que d’attendre 67 ans pour liquider leur retraite, en n’étant même pas sûres de trouver à s’employer jusque-là.

L’un de nos collègues nous invite à dépasser les clivages partisans. Mais, il est entre nous une divergence fondamentale, difficilement surmontable : c’est notre choix de société. Pour nous, la vie ne se résume pas au travail. Nous tenons pour un immense progrès social, par rapport aux siècles antérieurs, que les gens puissent aujourd’hui, durant un temps de leur vie, vivre décemment d’un revenu garanti par la société sans avoir à travailler – ce qui ne signifie d’ailleurs pas être inactif.

Les auditions auxquelles notre commission a procédé nous ont appris beaucoup de choses, par exemple que, contrairement à une idée reçue, les fonctionnaires sont loin d’être privilégiés en matière de retraite. À catégorie équivalente, leurs pensions sont de même niveau que celles des salariés du privé, voire inférieures. Mais, il est si facile de dresser les salariés les uns contre les autres ! L’équité, pour vous, ce n’est pas que les détenteurs des plus hauts revenus soient davantage mis à contribution, ou que les grands patrons soient plus solidaires des petits patrons, lesquels ne bénéficient ni de retraites chapeaux ni de parachutes dorés ! Vous ne recherchez jamais l’équité qu’au détriment de ceux qui, déjà, ont le moins.

J’en viens à l’organisation de nos travaux aujourd’hui. À défaut que les journalistes soient admis dans cette salle, il aurait été possible que nos débats soient retransmis sur LCP-AN – seule chaîne, soit dit au passage, à organiser de vrais débats politiques de qualité.

Pour le reste, il est étonnant d’entendre Jean-François Copé qui, que je sache, a défendu la réforme constitutionnelle de 2008 visant, entre autres, à revaloriser le travail des commissions parlementaires, déclarer que la réforme des retraites mérite d’être débattue avant tout dans l’hémicycle. Nous proposera-t-il prochainement une nouvelle réforme de la Constitution ? Où est la cohérence ?

Enfin, puisque vous nous dites, monsieur le ministre, qu’il y aura peut-être des avancées fin août, après d’ultimes consultations, comment le fameux débat dans l’hémicycle pourrait-il débuter le 6 ou le 7 septembre ? Ce n’est pas sérieux. C’est pourquoi le groupe GDR demande le report de ce débat au moins au 14 septembre. Nous avons besoin de revoir les organisations syndicales, les associations familiales et d’autres acteurs, notamment sur les questions de pénibilité.

M. Francis Vercamer. Cette volonté permanente de repousser le débat, et partant la réforme, me surprend, vu l’importance du sujet pour nos concitoyens et l’impérieuse nécessité d’équilibrer nos régimes de retraite.

Je n’aborderai, pour ma part, que la question de la pénibilité. Sa prise en compte dans les régimes de retraite constitue une avancée indéniable. Je regrette néanmoins que des amendements sur le sujet ne puissent être adoptés en commission, au motif que des discussions se poursuivent parallèlement. Rien n’empêche, en effet, qu’un amendement voté en commission soit ensuite modifié en séance. Et cela permettrait quand même d’avancer.

Responsabilité, efficacité et justice sont les trois piliers de la réforme. La justice exige de prendre en compte la pénibilité du travail et la différence d’usure qui s’en suit pour les salariés. La pénibilité reste toutefois une notion assez subjective – et il est difficile d’évaluer ses aspects psychiques. Il faut également veiller à ce que sa prise en compte ne mette pas en péril l’équilibre de notre Sécurité sociale.

Nos amendements portent sur quatre points principaux. D’abord, une définition précise de la pénibilité, assise sur des bases juridiques stables. Puis, une approche globale de la pénibilité du travail incluant également la prévention, et pas seulement la réparation ou la compensation : nous formulerons des propositions de modification du code du travail en ce sens. Ensuite, une prise en compte de la pénibilité sur le long terme, en tenant compte de l’évolution des métiers et des expositions – les futurs travaux de l’Observatoire des pénibilités seront très utiles à cet égard. Enfin, une prise en compte de l’espérance de vie sans incapacité afin d’ouvrir la possibilité de départs anticipés dans les secteurs reconnus à haut risque de maladies professionnelles même si la maladie, notamment pour celles qui se déclarent de manière différée, n’est pas encore constatée. La question demeure ouverte de savoir si cela doit être financé par la solidarité nationale ou par les entreprises et les branches.

M. François Bayrou. Une remarque de forme d’abord. À quoi sert un débat en commission qui n’est pas public et où l’application de l’article 40 a rendu irrecevables quasiment tous les amendements ? Je me joindrai volontiers à la demande de certains de nos collègues que nos travaux soient au moins retransmis sur LCP-AN, de façon que ceux de nos concitoyens que cela intéresse puissent les suivre. Je ne crois pas au huis clos !

M. le président Pierre Méhaignerie. Un compte rendu très détaillé de nos débats est établi.

M. François Bayrou. Quel problème poserait alors une retransmission ?

M. le président Pierre Méhaignerie. La tradition !

M. François Bayrou. Je vous ai connu moins traditionaliste !

M. le président Pierre Méhaignerie. Le bureau de la commission a tranché.

M. François Bayrou. J’en viens au fond. La réforme doit-elle être d’ordre démographique ou pas ? Tous répondent oui, sauf le groupe de Martine Billard. Le Parti socialiste se prononce pour l’allongement de la durée de cotisation au-delà des 41,5 ans. Pour ma part, je pense que faire glisser l’âge de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans est inéluctable et juste. Agir sur la variable durée de cotisation créerait une discrimination à l’égard des personnes ayant fait des études longues ou qui ont « galéré » avant d’entrer dans la vie professionnelle. Je rappelle que la France est seule à agir sur les deux variables, la plupart des pays agissant uniquement sur l’âge de départ à la retraite. J’adhère donc, sur ce point, au texte du Gouvernement.

Néanmoins, j’éprouve trois inquiétudes.

D’abord, malgré les assurances données par le Gouvernement, ce texte n’est pas financé au-delà de 2013. Le Fonds de réserve pour les retraites ne suffira pas, car 32 milliards d’euros sont vite dépensés.

Ensuite, on ne peut limiter la pénibilité au handicap constaté avec une pension. Cela me semble inacceptable.

Enfin, il ne faut pas faire glisser l’âge légal de départ à la retraite sans décote de 65 à 67 ans. Je me battrai bec et ongles afin que les publics les plus faibles – les femmes ayant élevé des enfants, les personnes qui ont « galéré » pendant leur vie professionnelle et celles qui ont travaillé à l’étranger – ne subissent pas cette injustice. Selon la pyramide des départs à la retraite, que m’a communiquée la CNAV, les deux tiers des salariés partent à 60 ans, et ceux qui attendent 65 ans sont environ 3 %, dont la moitié au moins le font parce qu’ils ont atteint le nombre de trimestres nécessaires. Le public qui nous intéresse représentant donc un très petit pourcentage. Dès lors, je ne comprends pas comment le Gouvernement peut affirmer que le départ à 65 ans sans décote coûte 7 milliards d’euros. Il est de notre responsabilité de défendre ces personnes, d’autant plus qu’elles n’ont pas de porte-parole syndical.

Cela dit, je crains fort que l’équilibre de nos systèmes de retraite soit impossible dans le long terme. Il faudrait y réfléchir, comme certains courants politiques ont commencé à le faire. Pour ma part, je défends depuis longtemps l’idée d’un régime par points ou en comptes notionnels.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur Terrasse, le Gouvernement a toujours été prêt à négocier, mais en considérant qu’il ne peut y avoir de réforme des retraites sans modification de l’âge de départ. Les partenaires sociaux n’ayant pas voulu discuter de ce point, le Gouvernement s’en est tenu à une concertation. Je relève cependant qu’en 2003, le temps accordé au débat sur les retraites avait été plus court que celui que nous avons consacré à la concertation ; et en 1993, il avait même été nettement plus court. En outre, nous ne sommes pas « au cœur de l’été », et c’est à la rentrée que le débat débutera dans l’hémicycle : les Français sont donc bien informés.

La médecine du travail, monsieur Lefrand, est une vraie question, mais elle ne peut faire l’objet d’une réforme complète dans le cadre de ce texte. Une telle réforme, à laquelle je suis favorable, nécessite un travail très approfondi avec les médecins du travail. Ce projet comporte néanmoins des éléments sur la pénibilité, sur lesquels nous sommes prêts à discuter.

Je remercie M. Bernard Perrut de noter que ce texte comporte beaucoup d’éléments d’équilibre et de justice et qu’aucune information mensongère n’a été diffusée dans les journaux.

Madame Billard, la solidarité de notre système de retraite est préservée, car le temps partiel peut compter en totalité dans l’obtention des trimestres. Avec un SMIC à mi-temps, on valide un temps complet. Il suffit de 200 heures au SMIC pour valider un trimestre.

Mme Martine Billard. Mais avec 180 heures, rien du tout !

M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. En outre, des trimestres sont délivrés gratuitement pour certaines situations. Vous avez raison : la vie ne se résume pas à travailler. Mais les personnes qui prendront leur retraite à 62 ans en 2018 passeront trois à quatre ans de plus à la retraite – en bonne santé – que celles qui l’ont prise à 60 ans dans les années 1980.

Par ailleurs, le Gouvernement peut a tout moment déposer des amendements. Il le fera au mois de septembre.

Monsieur Vercamer, la définition précise de la pénibilité est très complexe. Nous avons proposé une approche non seulement globale, mais juste. Chacun a sa propre définition, mais considérer que tout travail est pénible impliquerait de maintenir le départ à la retraite à 60 ans !

Il faut essayer de mesurer la pénibilité pour éviter des injustices. Le texte a le mérite de se baser sur des critères reconnus. Certes, il n’est pas complet, ne traitant pas, vous avez raison, des effets différés. Nous devrons aborder cette question, mais aucun pays n’a intégré dans son système de retraite ou d’invalidité les effets différés, car cela est difficile à mesurer.

Monsieur Bayrou, même si cela est impopulaire, la réforme doit être démographique. La majorité et le Gouvernement l’assument.

Cette réforme ne résout évidemment pas tout. En 2018, 50 % du montant nécessaire seront financés. Comment les 50 autres le seront-ils ? Depuis 2000, l’État contribue aux retraites des fonctionnaires, à hauteur de 15,6 milliards d’euros supplémentaires. Cette contribution devrait atteindre 22 ou 23 milliards en 2024. L’objectif du Gouvernement est de geler ces 15,6 milliards sur une période de dix ans, ce qui représente un effort exceptionnel. Ensuite, un transfert de cotisations sera opéré des régimes de chômage vers la CNAV. Cela avait été prévu dans la réforme Fillon de 2003, mais la crise a dégradé les régimes d’assurance chômage. Dans les perspectives du COR, nous retrouvons néanmoins cette marge : les régimes d’assurance chômage dégageront des excédents à partir de 2015 : cela représente 3 % des besoins de financement.

Par ailleurs, l’augmentation des cotisations des fonctionnaires sur dix ans apportera 4 milliards d’euros.

Ainsi, le solde après réforme se traduira par une couverture du besoin à 100 %.

Avant 2018, nous ferons appel au Fonds de réserve pour les retraites. Le Gouvernement et la majorité considèrent que c’est normal, car nous avons aujourd’hui besoin de cette réserve.

M. Pascal Terrasse. Merci Jospin !

M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. La gauche avait préféré un fonds de réserve à une réforme. Cela dit, il faut bien que ce fonds serve : s’il était utilisé sans réforme, ce serait anormal mais tel n’est pas le cas !

Sur la pénibilité, je ne partage pas votre approche. On aurait pu continuer à vivre sur les régimes d’invalidité qui existent, mais le Gouvernement a décidé de permettre aux gens ayant un taux d’incapacité de 20 % de partir avec une retraite complète. C’est une pénibilité constatée. Pour ce qui n’a pas été constaté, c’est très compliqué à mesurer : il faut traiter la question des effets différés avec raison et justice, sinon le dispositif sera vidé de son contenu.

Le report à 67 ans nous semble très important, car cela représente 7 milliards d’euros en 2025, soit un tiers des économies procurées par les mesures d’âge : 18 % des gens partent à la retraite à 65 ans – dont 60 % de femmes et 40 % d’hommes. En fait, la plupart des personnes ne travaillent plus au moment de solder leur pension.

Quant aux femmes qui ont cessé de travailler pour élever leurs enfants, elles bénéficient de trimestres gratuits par le biais des majorations de durée d’assurance : deux ans par enfant, prise en charge par l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et des congés parentaux jusqu’à trois ans. Certes, ces mères de famille auront une pension inférieure à celles de femmes dont la carrière est plus longue. Le problème n’est donc pas dans ce cas le nombre de trimestres, mais le niveau de la pension.

M. François Bayrou. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas prétendre rechercher, en même temps, la justice et le financement de la réforme des retraites par les plus faibles, les plus fragiles et les plus basses pensions ! Cela est choquant !

En vérité, vous spéculez sur l’absence de réaction de ces publics qui ne sont pas représentés et qui vivent avec les revenus de leur conjoint lorsqu’ils en ont un.

M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. La CNAV a réalisé une photographie de ce public qui part à 65 ans : il n’a pas nécessairement de problèmes financiers, car il a moins accès au minimum vieillesse que celui parti avant, et n’est pas plus faible qu’un autre, bien au contraire.

En outre, entre 30 % et 40 % sont des étrangers venus travailler en France pendant peu de temps et qui attendent l’âge de 65 ans pour bénéficier d’un taux plein. Il est logique d’avoir une retraite inférieure lorsqu’on n’a pas beaucoup travaillé. Des dispositifs de solidarité compensent cela dans un certain nombre de situations.

M. le président Pierre Méhaignerie. Sans oublier qu’il y a le minimum vieillesse !

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Deux questions seulement ont porté sur la fonction publique. S’agissant de la convergence tout d’abord, elle concerne aussi les mesures d’âge : selon le principe d’universalité que nous suivons, ces mesures sont appliquées à la fonction publique dans toutes ses catégories, sans exception. Je pense que la question portait plutôt sur le fait que la réforme ne s’applique pas dès aujourd’hui aux régimes spéciaux. Mais, je rappelle qu’une réforme, votée en 2008, est en train de monter en puissance, qui rassemblait tous les paramètres de la réforme de la fonction publique de 2003 – allongement des cotisations de trente-sept années et demi à quarante, alignement sur les prix, décote et surcote – ainsi que des dispositifs particuliers liés à la suppression des bonifications. Nous avons fait en sorte que les dispositifs soient équivalents. La fonction publique est touchée de la même façon, pour des rendements de l’ordre de 3 milliards d’euros en 2018 pour ce qui est des mesures d’âge. Nous avons à peu près réussi à éviter de cumuler la réforme de 2010 et la montée en charge de la réforme de 2008, tout en prenant des mesures complémentaires.

Ainsi que l’a dit Mme Billard, les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés. C’est le paramètre de base que nous déclinons depuis le début ! Nous savons tous que le niveau des pensions est à peu près équivalent entre public et privé. C’est pourquoi nous n’envisageons pas de réformer le dispositif des six derniers mois au regard des vingt-cinq meilleures années. En revanche, et au-delà des mesures d’âge, il est des dispositifs qui ne semblent pas justifiés par les spécificités de la fonction publique. Ainsi, les taux de cotisation y sont de deux points et demi à trois points inférieurs : à pension égale, le coût de la retraite aura été supérieur d’un petit tiers dans le privé. Nous avons donc prévu une augmentation progressive des cotisations, de six euros par an en moyenne pendant dix ans. Cette augmentation sera absorbée dans le cadre de l’augmentation de la rémunération moyenne des personnes en place dans la fonction publique.

Par ailleurs, le dispositif « quinze ans trois enfants » a fait l’objet de critiques récurrentes du COR et de la Commission européenne. Il était jusqu’à présent largement utilisé – à 90 % par des femmes – comme un dispositif de préretraite, avec un âge moyen de départ de 52 ou 53 ans. Ce dispositif, qui date de 1924, était donc détourné. Surtout, il était profondément inégalitaire, puisque ce n’étaient pas les règles générationnelles issues de la loi de 2003 qui étaient appliquées, mais les règles précédentes. Bref, il était à la fois anticonstitutionnel et contraire au droit européen.

Je ne prétends pas que ce que nous avons élaboré soit parfait. Mais tout le monde considère que l’équité passe aussi par la convergence entre le public et le privé, même les organisations syndicales – la CFDT, à son congrès de Tours, s’y est dite favorable à 80 %. Si vous présentez des mesures pouvant aller dans ce sens, je vous écouterai avec la plus grande attention. Mais pour l’instant, il n’y a pas d’autre proposition que celles du Gouvernement et de la majorité.

La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 16 heures 45.

Mme Marisol Touraine. J’ai été plus qu’étonnée d’entendre notre collègue Valérie Rosso-Debord expliquer à la presse, à l’extérieur de cette salle, que le débat était entravé par les socialistes, qui employaient des manœuvres dilatoires pour empêcher de passer à l’examen des amendements. Notre collègue ignore-t-elle qu’il y a une discussion générale avant l’examen des amendements ?

M. Jean-Luc Préel. La réforme des retraites est indispensable, et urgente. Il y a déjà eu deux discussions générales à l’occasion des auditions des ministres et nous aurions pu faire l’économie de celle de cet après-midi. Certaines réflexions ne visent d’ailleurs qu’à polluer le débat.

La position du Nouveau centre a toujours été claire : une réforme des retraites est indispensable pour sauvegarder le système par répartition et assurer l’équité. De notre point de vue, le projet du Gouvernement ne va pas assez loin. Nous souhaitons un régime identique pour tous, par points ou en comptes notionnels, et donc l’extinction des régimes spéciaux. En attendant, j’espère que nous progresserons sur la pénibilité et l’emploi des seniors.

M. Jean Leonetti. Le groupe UMP, fort de ses convictions, est prêt à présenter ses propositions en matière d’équité et de pénibilité. Nous sommes parfaitement sereins et toujours ouverts à la discussion. J’espère que nos collègues socialistes feront preuve du même sens de l’écoute.

M. Gaëtan Gorce. Un point sur la forme d’abord : la méthode que vous employez n’est manifestement pas à la hauteur de l’enjeu. Nous parlons de la retraite de quinze millions de Français, bientôt vingt. Or, la modification en profondeur du quotidien d’un gros tiers de nos concitoyens n’a pas donné lieu à concertation avec les partenaires sociaux – car on ne peut appeler concertation le fait de rencontrer les organisations syndicales une fois, ou peut-être deux, sans leur donner de détail sur les changements envisagés.

M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. C’est faux. Vous dites un mensonge.

M. Gaëtan Gorce. Vous gagneriez, dans la situation actuelle, à éviter certains mots.

L’opposition n’a pas été associée non plus à l’élaboration du texte. On aurait pu imaginer, dans une démocratie sereine, que le Premier ministre ou le Président de la République veuillent discuter avec elle du moyen de garantir l’avenir des retraites et de bâtir un régime stable et consensuel, afin d’éviter d’en faire un sujet de polémique constant. Cela n’a malheureusement pas été le cas, à la différence de la plupart des grands pays européens.

Le Gouvernement ne dispose pas de la confiance et de la crédibilité nécessaires – et je ne fais aucunement allusion au climat politique actuel – pour mener à bien une telle réforme. Car, ainsi que l’a rappelé Pascal Terrasse, on nous a déjà fait le coup à plusieurs reprises. La réforme de 1993 était censée apporter une réponse à la question des retraites – et tout le monde sait à quoi s’en tenir sur la concertation qui avait prévalu à l’époque. En 2003 aussi, M. François Fillon a prétendu régler la question, allant jusqu’à suggérer que s’il ne devait rester qu’une chose du mandat de Jacques Chirac, ce serait cette réforme.

Mais ce qui reste aujourd’hui sur les bras des Français, après les réformes de 2003 et de 2008, c’est un déficit croissant du régime de retraite. Malgré tous vos engagements, vous n’avez apporté aucune réponse, et ce sont eux qui en payent le prix : accroissement du déficit, baisse du niveau des pensions, augmentation du nombre des Français au minimum contributif, difficultés croissantes pour les femmes et tous ceux qui ont eu une carrière cabossée. Devant une telle réalité, comment vous croire ? D’autant que le comité de pilotage, prévu à l’article 1er, semble appelé à prendre assez vite les mesures d’ajustement que vous n’avez pas fait figurer dans le texte, puisque vous ne réalisez pas l’équilibre financier. La création de ce comité de pilotage, qui cohabitera on ne sait comment avec le COR, montre que vous n’avez pas réglé la question et que vous savez qu’elle va revenir sur le tapis. Tout ce qui vous importe, c’est de remporter une victoire politique – de faire passer le message que vous aurez réformé les retraites, même si ce n’est pas vrai, alors que l’opposition n’en serait pas capable.

Il faut sortir de ce schéma. Pour cela, vous devez accepter que le débat ait lieu au fond et que l’ensemble des propositions, y compris celles du Parti socialiste qui ont un impact financier, puissent être discutées. Nous devons pouvoir aborder des questions de fond comme le début de carrière des jeunes, qui est un enjeu considérable, alors que les amendements qui y ont trait ont été repoussés.

Nous devons aussi pouvoir discuter tranquillement des enjeux démographiques. Vous vous justifiez souvent en invoquant l’exemple des Allemands ou des Espagnols – gouvernés par des socialistes que vous passez votre temps à encenser, comme tous les socialistes du moment qu’ils ne sont pas français – alors que notre taux de fécondité est de l’ordre de deux enfants par femme, contre 1,3 et 1,4 en Espagne et en Allemagne ! Notre problème démographique ne se pose donc pas avec la même gravité. Les comparaisons que vous faites ne sont qu’une facilité rhétorique.

Je demande donc qu’on nous donne le temps nécessaire pour aborder les questions de fond – le temps d’un vrai débat en commission, ouvert à la presse, pour pouvoir informer les Français, même si nous sommes dans la deuxième quinzaine de juillet, et le temps d’un vrai débat en séance publique. Vous avez déclaré l’urgence sur un tel dossier ! Comment dès lors délibérer de manière sereine de l’ensemble des propositions qui seront faites, y compris au Sénat, sachant que les amendements que le Gouvernement a annoncés pourraient arriver à la fin de l’été ? Ce n’est pas une réforme des retraites, c’est un coup politique. Nous n’avons aucune raison de nous y associer.

M. Yves Bur. Cette séance de travail se déroule de façon parfaitement normale. La seule chose anormale, c’est la présence du président du groupe socialiste, que je n’ai jamais vu participer à une seule séance de notre commission depuis quinze ans que j’y siège. Réclamer la levée du huis clos, c’est demander une exception qui n’a pas lieu d’être.

Le service des pensions doit être une dépense courante, qui n’a pas vocation à être payée par la dette. Il était donc plus que temps de compléter les réformes que nous avons déjà menées – et que l’opposition avait toujours évitées – par une étape bâtie à l’horizon 2020. Dans le contexte d’assainissement des finances publiques de l’ensemble des pays européens, il n’était que temps de s’attaquer aux déficits structurels tels que le financement des retraites publiques et privées. En mettant fin à la fuite en avant, au financement par la dette, cette réforme est un acte moral. Elle constitue un signal d’espoir pour les jeunes, qui n’ont pas vocation à être les payeurs de notre irresponsabilité.

Ce qui pénalise les générations futures, c’est le statu quo, autrement dit l’immobilisme qui a servi de politique à la gauche française. Il y a quinze jours, nous avons rencontré la présidente socialiste de la Commission du budget du Bundestag, qui nous a dit que son groupe n’avait pas l’intention de revenir sur le report progressif de l’âge de la retraite à 67 ans d’ici 2029, qu’il avait soutenue il y a deux ans alors qu’il faisait partie de la grande coalition. Gaëtan Gorce a remarqué que nous prenions parfois pour exemple des socialistes étrangers. Il se trouve qu’ils sont parfois plus à droite que l’UMP elle-même !

Nous avons un devoir vis-à-vis des générations futures. Nous sommes prêts à l’assumer, avec toutes les difficultés que cela comporte. Le pire que nous puissions faire pour elles, c’est de nous aligner sur vos positions et de refuser la réalité – de refuser les réformes que tous les pays du monde ont menées pour défendre leur système de solidarité. Nous sommes prêts à prendre nos responsabilités, et ce ne sont pas des manœuvres de procédure qui nous empêcheront de mener à bien cette réforme.

M. Jean Mallot. Peut-être Yves Bur devrait-il être rappelé à l’ordre. Qualifier d’anormale la présence du président du groupe socialiste aujourd’hui est absolument inacceptable et mériterait des excuses de sa part.

M. Yves Bur. Disons « exceptionnelle ».

M. Jean Mallot. Par ailleurs, si nous ne pouvons pas examiner les amendements dès cet après-midi, c’est aussi parce qu’il faut attendre les amendements de la Commission des finances saisie pour avis.

Je regrette que l’UMP s’emploie à chercher l’incident à tout bout de champ, car le débat que nous menons est riche et intéressant, et aussi important pour la vie politique de notre pays que pour celle de nos concitoyens. Tenir cette réunion de travail législatif à huis clos est d’ailleurs sans doute anticonstitutionnel. L’article 33 de la Constitution dispose, en effet, que les séances de l’Assemblée nationale sont publiques. Or, depuis la révision constitutionnelle d’août 2008, l’on discute dans l’hémicycle des textes élaborés en commission. Par conséquent, le travail législatif s’effectue désormais aussi en commission, laquelle devrait donc être publique. Je ne serais pas surpris que le Conseil constitutionnel déclare bientôt de tels procédés inconstitutionnels, à propos par exemple d’une partie de texte qui aurait été adoptée par amendement dans une commission à huis clos et qui n’aurait pas été rediscutée dans l’hémicycle. Le temps nous le dira.

Je voudrais revenir enfin sur la campagne de publicité qu’a évoquée Marisol Touraine. Celle-ci a coûté entre 7 et 8 millions d’euros, même si les estimations varient. Son contenu ne s’appuie ni sur l’avant-projet de loi dont nous avons débattu ni sur le présent projet, mais sur les travaux préparatoires qui les ont précédés, avant que la discussion publique ait lieu, que le droit d’amendement s’exerce et qu’on puisse présenter un texte résultant du vote du Parlement. Il s’agit donc d’un acte de mépris à l’égard de celui-ci.

Pour appuyer mon argumentation, je reviendrai sur les trois périodes qui se sont succédé depuis 2007.

De lois de financement de la sécurité sociale en lois de financement de la sécurité sociale, nous avons d’abord vu le Gouvernement repousser les échéances et rejeter nos amendements, alors même que nous formulions des propositions de nature à résoudre les problèmes de déficit de la Sécurité sociale en général et des régimes de retraite en particulier. J’en présenterai quatre illustrations.

Selon l’article 12 de la loi du 21 août 2003, les partenaires sociaux devaient se concerter pour prendre en compte la pénibilité du travail dans les régimes de retraite. En cas d’échec de ces négociations, le Gouvernement devait soumettre des propositions au Parlement – la différence d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre supérieur est de sept ans, et c’est donc, et à juste titre, une question très importante pour nos concitoyens. La notion de pénibilité est à peu près la seule qui soit indiscutable pour opérer une discrimination relative à l’âge du départ en retraite. Les partenaires sociaux ont longuement discuté et se sont accordés sur la définition des trois critères de pénibilité qui ont été rappelés et sur lesquels nous présenterons des amendements. Mais ils n’ont pas abouti sur les conclusions à en tirer pour leur application. Le MEDEF aurait voulu une application individualisée, « sur mesure », les syndicats de salariés demandant de leur côté, et avec raison, que les critères de pénibilité permettent un départ en retraite plus précoce. Les représentants du patronat suggéraient que les personnes ayant occupé des emplois pénibles soient, en fin de carrière, employées à temps partiel – comme si l’on mourait à temps partiel ! La négociation sociale n’ayant donc pas abouti, le Gouvernement n’a pas, pour autant, pris ses responsabilités en proposant un mécanisme de prise en compte de la pénibilité dans les régimes de retraite.

Le débat sur l’âge légal de départ en retraite, pour sa part, se poursuit depuis 2007. Le 22 janvier 2007, le futur président Sarkozy déclarait au journal Le Monde que devait demeurer le droit à la retraite à 60 ans. Le 27 mai 2008, sur RTL, en réaction à une proposition de Mme Laurence Parisot d’élever l’âge de la retraite à 63,5 ans, il considérait que, n’ayant pas pris un tel engagement devant les Français, il n’avait pas mandat pour le faire. Je ne m’étendrai pas davantage sur ses propos… Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, à laquelle participaient notre Rapporteur, Denis Jacquat, et M. Xavier Bertrand, alors ministre du travail, le premier indiquait qu’avant de reculer l’âge de la retraite, encore fallait-il que les Français pussent travailler au moins jusqu’à 60 ans. Pourquoi a-t-il changé d’avis ?

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, M. Xavier Bertrand, répondant aux deux amendements défendus par Yves Bur et par Dominique Tian, qui proposaient de relever progressivement l’âge légal de départ en retraite, faisait valoir que repousser celui-ci sans changer les comportements en matière d’emploi des seniors, afin de faire coïncider l’âge légal et l’âge réel de départ en retraite, diminuerait mathématiquement le montant des pensions. « Êtes-vous prêt à l’assumer ? » demandait-il alors à Yves Bur qui, bien sûr, retira son amendement.

Puisque votre étude d’impact, monsieur le ministre, indique que « les mesures adoptées ne remettent pas en cause le pouvoir d’achat des retraités, actuels et futurs, et que l’équilibre financier ne se fera pas à travers une diminution du montant des pensions », l’UMP devra expliquer pourquoi elle a changé d’avis.

On évoque par ailleurs les déficits des régimes de retraite, notamment du régime général, mais où se situe la surprise ? Dans la loi de financement pour 2010, que vous avez votée, le déficit dépasse les 30 milliards d’euros chaque année, dont 12 à 16 milliards pour la vieillesse. Vous n’avez même pas, contrairement aux années précédentes, indiqué qu’on essaierait de s’orienter à terme vers l’équilibre.

Il est souvent dit, à tort que, les socialistes n’ont pas, durant la législature, formulé de propositions pour améliorer la situation des retraités de ce pays. Or, à titre d’exemple, une proposition de loi relative à l’extension du régime de retraite complémentaire obligatoire aux conjoints et aides familiaux de l’agriculture fut discutée et rejetée le 26 janvier dernier au scrutin public par la majorité UMP.

Dans une deuxième période – après le report des échéances de lois de financement de la sécurité sociale en lois de financement de la sécurité sociale –, le Gouvernement a manipulé l’opinion en instrumentalisant le COR. On a demandé à celui-ci de procéder à des simulations à l’horizon 2050. Il a alors dépeint une situation catastrophique montrant que les mesures d’âge ne suffiraient pas, même si le problème est démographique. Cela m’a rappelé le rapport du Club de Rome qui, en 1972, annonçait la fin du monde. Car, lorsqu’on prolonge les courbes, on aboutit forcément à une catastrophe.

Le COR estimait le besoin financier des régimes de retraite à 45 milliards d’euros pour 2025. Nous ne pouvions donc échapper à la remise en cause de la retraite à 60 ans. Cela relève d’une méthode de communication bien connue, que le directeur du Service d’information du Gouvernement applique régulièrement, comme il l’a fait pour la grippe A, et qui consiste à maximiser la crise pour mieux piloter ensuite les choses en manipulant tout le monde.

L’exposé des motifs du projet de loi indique, ce qui est exact, que depuis 1982, l’espérance de vie a augmenté de 6,3 ans. À cette époque, la durée de cotisation était de 150 trimestres, elle est aujourd’hui de 162. Or douze trimestres équivalent à trois ans, soit près de la moitié de l’augmentation de l’espérance de vie. Une partie du problème démographique a donc déjà été résolue.

Vous nous parlez de l’espérance de vie à la naissance et à 60 ans, mais vous ne nous parlez jamais de l’espérance de vie en bonne santé. Elle est de 61,3 ans pour un homme et de 62,4 ans pour une femme. Cela signifie que lorsque l’âge légal de la retraite sera porté à 62 ans, la moitié de la population partira en retraite malade !

Avec la troisième période, le masque tombe. Après avoir évoqué les échéances de 2025 et de 2050, le Gouvernement présente un projet de loi dont l’échéance se situe en 2018. Depuis des années, il a laissé filer les déficits, quand il ne les a pas creusés lui-même. Sous la pression des marchés financiers, il estime maintenant qu’il faut redresser la barre. Il n’a pas supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), il l’a seulement contourné par le bouclier fiscal, dont nous mesurons chaque jour la véritable nature. Il n’a pas aboli les 35 heures, il s’est contenté de les amodier, notamment par des mécanismes d’heures supplémentaires défiscalisées. Mais, comme il lui faut donner des gages au MEDEF et aux marchés financiers, il va défaire la retraite à 60 ans.

Pour combler le déficit à court terme, le Gouvernement choisit de mettre la main sur le Fonds de réserve pour les retraites à hauteur de 34 milliards d’euros. Il s’agit là d’un détournement, qui nous démunit devant la bosse démographique de 2020. Or, nous avions formulé des propositions afin d’abonder ce fonds, en prélevant quinze points supplémentaires sur l’impôt sur les sociétés versé par les banques.

Pour autant, le plan du Gouvernement n’est pas financé. Il manque encore 15,6 milliards d’euros par an.

Pour dégager des recettes, le Gouvernement utilise la technique du pâté d’alouette – double en l’occurrence – et de cheval. Afin de compenser les besoins financiers des régimes de retraite, il déplace les bornes d’âge et va chercher quelques ressources du côté des revenus du capital. Mais, 90 % de la charge pèsera sur le cheval, c’est-à-dire sur les travailleurs salariés et non salariés ; les 10 % restant pèseront sur l’alouette, c’est-à-dire sur les revenus du capital – au sein desquels on retrouve un autre pâté d’alouette, avec une augmentation, de 40 à 41 %, de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, ce qui rapportera moins de 300 millions d’euros. Et pour accroître encore les ressources, le Gouvernement propose de modifier le mode de calcul des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires sur une base annuelle et non pas mensuelle, ce qui produira environ 2 milliards d’euros. Or, nous avions proposé cette mesure l’an dernier par un amendement n° 251 au projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous avez rejeté ! Il s’agissait de faire respecter le dispositif d’exonération selon son principe de départ et que les entreprises ont contourné dans la pratique. Cette disposition devait rapporter 2 à 3 milliards d’euros.

Au bout du compte, le projet de loi prétend traiter de l’alignement des régimes de retraite du secteur public et du secteur privé. En réalité, il aboutit à une baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires – nous le démontrerons. Nous sommes en face d’un projet tronqué, ce qui correspond d’ailleurs aux habitudes du Gouvernement. M. Xavier Bertrand ne nous avait-il pas ainsi parlé de « flexisécurité » ? Or, si les dispositions relatives à la flexibilité sont intervenues, celles sur la sécurité se font toujours attendre. De même, dans le présent projet de loi, la partie concernant les recettes est renvoyée à plus tard.

Nous avons donc compris la vraie nature du sarkozysme : il s’agissait de travailler plus pour gagner plus, nous découvrons aujourd’hui qu’il s’agit de travailler plus longtemps pour gagner moins. Nous aurions préféré nous en tenir au programme du Conseil national de la Résistance, qui entendait instituer « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leur vie. »

Pour conclure, je voudrais évoquer la question de l’étude d’impact. Tous les projets de loi doivent, en effet, être accompagnés d’un tel document. Mais celui que nous avons lu ne constitue pas véritablement une étude d’impact : ce n’est qu’un exposé des motifs un peu développé. Je voudrais donc poser quelques questions importantes au ministre.

Le COR a travaillé sur des hypothèses et fourni des simulations à l’horizon 2018, 2025 et 2050. Celles-ci se fondaient-elles sur les mesures déjà choisies par le Gouvernement ?

L’étude d’impact souffre d’un grave manque : la prise en compte de l’incidence de la réforme, notamment les mesures d’âge, sur les autres dispositifs sociaux et sur les autres régimes, comme celui de la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP), sur le revenu de solidarité active (RSA) avec, en arrière-plan, la question du transfert de charge sur les collectivités locales, ainsi que sur les dispositifs d’allocation d’équivalents retraite.

Quelle sera l’incidence du report de l’âge de la retraite à 62 ans sur le taux de chômage ? Que vont devenir ces demandeurs d’emplois contraints d’attendre plus longtemps leur retraite ? Quel sera l’impact sur le chômage des jeunes ? Rien ne figure concernant ces questions.

Le Fonds de réserve pour les retraites, dilapidé par votre projet de loi, est géré à long terme depuis 1999 de façon à lisser la bosse démographique prévue pour 2020. Or, vous voulez le liquider à court terme : là encore, rien ne nous renseigne dans l’étude d’impact.

À la question majeure portant sur ce qui se passera après 2018, vous nous répondez : « on se reverra. »

L’étude d’impact mentionne, enfin, des consultations obligatoires, notamment celles des organismes de sécurité sociale, tels que la CNAV et la CNAMTS. Les votes y furent souvent très serrés – la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP) s’est prononcée avec cinq voix pour et quatre voix contre ; la CNAV avec treize pour et douze contre ; la CNAMTS avec quinze pour et quatorze contre –, ce qui est lourd de signification quand on connaît la composition des conseils d’administration de ces organismes. En revanche, nous ignorons le contenu de leurs avis, qui auraient dû être joints à l’étude d’impact. Nous ne savons pas davantage si le Gouvernement les a, ou non, pris en considération. Nous désirerions donc maintenant en avoir connaissance. Ces avis ont-ils, le cas échéant, modifié le projet de loi ?

Selon l’étude d’impact, le conseil d’administration du Régime social des indépendants (RSI) a émis des observations. Lesquelles ? Le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale se sont montrés majoritairement défavorables au projet. Nous ne disposons pas du texte de leur avis. Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail et le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ont également été saisis : nous ne connaissons ni leur vote ni leur avis.

L’étude d’impact évoque les conséquences de l’allongement des carrières sur la santé au travail mais uniquement dans le secteur public.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, de compléter cette étude, dont l’insuffisance justifie que la Conférence des présidents n’inscrive pas ce projet de loi à l’ordre du jour.

M. Yannick Paternotte. Préparer l’avenir exige de sauver le système de retraite par répartition, mais aussi d’organiser le deuxième pilier qui est celui de l’épargne retraite. Dans cet objectif, j’ai déposé, avec de nombreux collègues, huit amendements après l’article 32, avant le titre VI, qui visent à renforcer le rôle de l’épargne retraite afin d’augmenter en France les revenus de substitution, d’offrir une plus grande liberté de choix aux ménages pour orienter leur épargne à long terme, privilégiant en particulier l’accession à la propriété, et de préparer la dépendance. Nous proposons à cet effet de rendre plus souples et plus attrayants les dispositifs mis en place par la loi de 2003, qui a notamment instauré le plan d’épargne retraite populaire (PERP) et le plan d’épargne retraite collectif (PERCO). Nous souhaitons instituer l’égal accès à ces mécanismes pour tous les salariés de toutes les entreprises. En comparant les sources de revenus des personnes âgées de plus de 65 ans dans les principaux pays de l’OCDE, telles qu’elles figurent dans le rapport de Valérie Rosso-Debord, on constate qu’en France les régimes privés d’épargne individuelle ne représentent que 8 % de ces revenus de substitution, dont seulement 4 % au titre de l’épargne retraite, contre 15 % en Allemagne, 21 % en Suède, 39 % au Royaume Uni et 42 % aux Pays Bas.

Pour conforter le premier pilier qu’est la retraite par répartition, relancer l’épargne retraite constitue donc une urgence sociale et un gage de compétitivité du tissu économique, favorable à l’emploi de demain.

Nous proposons pour cela quelques grands axes : assouplir le fonctionnement du PERP en le rendant plus attrayant, au moyen notamment de sorties anticipées en vue de la retraite, par exemple pour acquérir ou remettre en état la résidence principale, créer un avantage fiscal en cas de dépendance, mettre fin au double prélèvement de la CSG et de la CRDS sur le capital investi – anomalie de la loi de 2003 –, flécher vers l’épargne retraite la participation et l’intéressement, automatiquement investi dans le PERCO sauf avis contraire du salarié, instaurer des possibilités de transfert entre l’assurance-vie et l’épargne retraite, ouvrir, enfin, la possibilité de mettre en place, par accord interprofessionnel, un PERP et un PERCO pour les salariés non couverts par les dispositifs d’épargne retraite professionnelle.

Sur ces amendements, qui introduiraient un titre V bis dans le projet de loi, nous serions heureux, monsieur le ministre, de recueillir votre avis.

M. Vincent Descoeur. Si je me réjouis de la décision courageuse, salutaire et responsable que le Gouvernement a prise en rouvrant un dossier dont beaucoup, avant lui, ont préféré se tenir éloignés, je ne peux pas m’empêcher toutefois de me demander, compte tenu du triste spectacle auquel certains collègues de l’opposition viennent de se livrer, ce qu’auraient pensé les Français si vous aviez accédé, monsieur le président, à l’exigence socialiste de publicité des débats. Nos compatriotes n’auraient-ils pas douté de notre capacité à être à la hauteur de l’enjeu ? Un sujet aussi crucial pour l’avenir de notre société ne mérite-t-il pas de dépasser nos clivages politiques ? Ne pouvons-nous partager l’objectif de sauvetage de notre système de retraite ?

Plus précisément, j’attache une grande importance à la disposition tendant à favoriser l’accès au minimum vieillesse des exploitants agricoles – auquel ces derniers ne pouvaient prétendre jusqu’à présent – en excluant de l’actif successoral la valeur de leur outil de travail. Cette mesure, attendue de longue date, permettra de mettre fin à une inégalité criante – de même, d’ailleurs, que celle concernant la réversion des droits à la retraite complémentaire des conjoints collaborateurs et des aides familiaux pour le conjoint survivant.

Au final, voilà deux mesures de justice sociale destinées à plusieurs dizaines de milliers de personnes qui montrent combien ce texte comporte d’avancées essentielles !

M. Dominique Dord. Certains collègues ont dénoncé la méthode employée par le Gouvernement et la commission. À l’instar de ceux qui ont pris la peine de participer aux différentes étapes de l’élaboration du texte, elle me semble au contraire excellente. Les trois jours et nuits que nous nous apprêtons à consacrer exclusivement à son étude me semblent aussi un gage suffisant pour que nous puissions discuter dans la plus grande sérénité. Je comprends donc assez mal le contraste entre l’écoute dont nos collègues socialistes ont fait preuve pendant les quarante heures d’auditions et le ton qu’ils emploient aujourd’hui : hors l’intervention de Jean Mallot – lequel n’a d’ailleurs pas respecté les règles élémentaires de la discussion en commission – je n’ai pas entendu une seule remarque de fond. Plus de deux heures de débats ont été nécessaires pour exprimer seulement trois points de vue sur un mode polémique et itératif :

La crédibilité du Gouvernement, tout d’abord : mais est-ce nous qui, depuis des semaines, la mettons en cause ?

Ensuite, le huis clos – alors que tel est le plus souvent le cas en commission sans que personne n’y trouve à redire même si, comme François Bayrou, je considère qu’il s’agit là d’une pratique un peu vaine, compte tenu des moyens technologiques dont nous disposons. Plus généralement, si cette approche doit être remise en cause, que le caractère public des commissions soit alors explicitement formulé même si je doute, quant à moi, des bienfaits d’une telle systématicité.

Enfin, la campagne de publicité organisée par le Gouvernement. Nos collègues de l’opposition n’ont-ils pas la mémoire courte ? Je me souviens des affiches de quatre mètres sur trois – sur lesquelles avait d’ailleurs posé un chef d’entreprise de ma circonscription – que Mme Martine Aubry avait fait apposer partout dans notre pays pour vanter les bienfaits des 35 heures.

Au fond, nous ne faisons que marcher sur vos brisées !

Par ailleurs, j’avoue que nos débats m’ont fait évoluer : il me paraît aujourd’hui plus juste de « jouer » sur le paramètre de l’âge légal de départ en retraite – à condition toutefois d’y ajouter le dispositif de retraite anticipée pour les carrières longues – que sur celui de la durée des cotisations.

En outre, madame Billard, notre projet de société est moins « travail, travail, travail » que « retraites, retraites, retraites », et c’est précisément pour que ces dernières soient préservées que nous le défendons !

Enfin, le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) – dont je préside le conseil de surveillance – cumulant 8 milliards d’euros de déficits, comment pourrions-nous laisser filer les déficits sociaux de façon abyssale et, à l’instar de nos collègues socialistes, défendre le Fonds de réserve pour les retraites, alors que ce dernier dépend des marchés boursiers et fonctionne partiellement sur le mode de la capitalisation ? Leur position n’est-elle pas à tout le moins inconfortable ? Je souscris donc quant à moi à l’utilisation la plus rapide et astucieuse possible du fonds de réserve !

M. Dominique Tian. Contrairement à nombre de nos collègues, je considère que le projet fait montre d’une extrême modération, en particulier lorsque l’on s’avise de la politique de nos voisins européens – en particulier allemands et espagnols. J’ajoute que ce texte répare l’erreur socialiste historique que fut l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans, lequel a mis en danger l’ensemble de notre système.

Par ailleurs, je salue la volonté du Gouvernement d’œuvrer en faveur d’un peu plus d’équité entre les secteurs public et privé, même s’il fait preuve d’une extrême prudence en la matière. M. le ministre Éric Woerth, au mois de mars, déclarait ainsi dans Le Monde que le calcul de la retraite des fonctionnaires à partir des six derniers mois constitue « un sujet qui fâche dont [il ne sait pas] s’il faut vraiment le mettre sur la table. » Et il ajoutait : « Doit-on tenir compte de la spécificité du secteur public ? ». Précisément, quelle est-elle ? Chacun sait que les six derniers mois de carrière, dans les administrations, sont l’occasion de réaliser la fameuse opération « coup de chapeau », soit des promotions fictives interdites aux travailleurs du secteur privé. Au mois d’avril 2003, la Cour des Comptes indiquait à ce propos que 31 % des fonctionnaires du ministère de l’intérieur, 30 % de ceux du ministère de la défense et 23 % de ceux de Bercy en bénéficient. Faut-il continuer dans cette voie ? Je ne le crois pas.

J’ajoute que le départ à la retraite à l’âge de 62 ans ne s’appliquera pas au million de fonctionnaires classés en catégorie active et ayant donc des emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. N’est-il pas temps de mettre un peu d’ordre dans cette classification datant de 1853 ? Les douaniers, les agents d’entretien, les aiguilleurs du ciel prennent-ils des risques particuliers et sont-ils exceptionnellement fatigués ? Les salariés qui travaillent dans le secteur privé et qui, eux, ont des métiers pénibles dans le bâtiment ou les transports, l’artisanat ou l’agriculture, en doutent fortement alors qu’ils voudraient bien partir à la retraite à l’âge de 50 ans.

Enfin, je m’étonne que des amendements qui tendaient à accroître la justice sociale aient été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 par la Commission des finances et son président, Jérôme Cahuzac. Si faire travailler un peu plus longtemps un aiguilleur du ciel coûte en effet plus d’argent à l’État, n’est-ce pas aussi un bon moyen d’améliorer nos finances publiques ? Quoi qu’il en soit, je fais confiance au Gouvernement pour réintroduire certains d’entre eux, ce dont je le remercie par avance.

M. Jacques Domergue. Au vu du comportement de nos collègues socialistes, je suis persuadé du caractère relatif de notre huis clos. Favoriser un travail consensuel sur un sujet d’intérêt général – et c’est en l’occurrence le cas, puisqu’il est question des équilibres financiers et de l’avenir de nos compatriotes – devrait aller de pair avec un minimum d’honnêteté, quelles que soient les divergences !

Par ailleurs, comme Dominique Tian, je considère que des marges de manœuvre existent pour rendre ce texte encore plus équitable – de ce point de vue, en effet, nous restons un peu sur notre faim. Si les Français ont parfaitement compris qu’ils devront partir à la retraite plus âgés, ils ne comprennent pas, en revanche, que certains d’entre eux continuent à partir à l’âge de 50 ans, voire à 52 ans une fois le texte voté. N’y a-t-il pas là deux poids deux mesures ? Comment, dans ces conditions, faire converger les secteurs public et privé ? Nous, parlementaires, devons pouvoir faire en sorte de porter l’âge de la retraite de nos compatriotes qui sont dans cette situation, par exemple à 55 ans en posant un principe de base selon lequel aucun Français ne pourra partir à la retraite avant cet âge-là. La retraite des militaires elle-même doit-elle être uniforme – si vous me passez l’expression ?

De la même manière, au-delà d’un certain seuil, la prise en compte des années travaillées dans le secteur public n’est pas complète. Ainsi une infirmière qui ne travaillerait pas dix ans au minimum dans la fonction publique serait-elle pénalisée. Or, nous savons fort bien que les carrières seront de moins en moins linéaires et qu’une infirmière, pour garder cet exemple, peut très bien exercer dans les secteurs privé, public ou de façon libérale. Passer en l’occurrence de dix à douze ans, comme le prévoit le texte, ne me paraît pas de bonne politique, quand il conviendrait au contraire de réduire cette période.

Enfin, on croit rêver devant le « retoquage » par Jérôme Cahuzac et la Commission des finances, au titre de l’article 40, de certains de nos amendements ! En quoi le maintien en activité au-delà de 60 ans d’un salarié du secteur privé serait-elle un gain et celle d’un fonctionnaire, forcément et exclusivement, un coût ? Je suis persuadé que les Français sont prêts à accepter des sacrifices encore plus grands que ceux que nous leur demandons, mais à condition que la réforme soit équitable pour tous.

M. Étienne Pinte. Je suis un peu sur la même longueur d’onde que mon prédécesseur. Tout le monde en convient : la réforme des retraites est démographiquement et financièrement nécessaire. Néanmoins, le projet va-t-il aussi loin qu’il le faudrait pour que le budget de l’assurance vieillesse soit équilibré en 2018 ? J’en doute.

En outre, je m’interroge sur la prise en compte des inégalités d’espérance de vie entre les différentes catégories sociales.

Par ailleurs, si difficile que soit à définir et à appliquer la notion de pénibilité, je souhaite que cette dernière ne soit pas confondue avec celle d’invalidité.

Enfin, je regrette que le texte ne prenne pas suffisamment en compte la durée du temps de travail des femmes, la carrière de nombre d’entre elles n’ayant pas été un long fleuve tranquille.

M. Alain Vidalies. Comment s’étonner que nos débats se déroulent de la sorte alors que le huis clos était une erreur manifeste ? Si, au contraire, la transparence avait été de rigueur, chacun aurait défendu son point de vue sans se livrer à une bataille de communiqués ! Par ailleurs, un tel procédé n’est-il pas contradictoire avec la réforme constitutionnelle du travail en commission ? Je rappelle à ce propos que la discussion en séance publique ayant lieu à partir du texte issu de nos travaux, certaines de ses dispositions pourront être considérées comme définitives. Comme pour le patinage artistique, j’ai donc le sentiment que nous en sommes aujourd’hui aux figures imposées – qui ne sont jamais télévisées –, les figures libres venant dans un second temps. Parce que ce n’est pas ainsi que le travail en commission sera réhabilité je vous invite, monsieur le président, à ouvrir nos prochains débats à la presse et à faire en sorte qu’ils soient retransmis par LCP-AN.

En outre, venant ce matin de ma lointaine province, une intervention de Jean-François Copé m’a littéralement sidéré : le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale a considéré que notre discussion vise simplement à « prendre la température ». Je vous avoue que, si je n’avais pas dû respecter les consignes du président du groupe socialiste, j’aurais succombé à la tentation de faire demi-tour. « Prendre la température », est-ce une formule convenable alors que MM. Woerth et Tron sont parmi nous et que nous sommes nombreux à nous être réunis ? Au final, notre travail est donc doublement dévalorisé, et par une telle déclaration et par une telle méthode.

Si cette discussion est importante en ce qu’elle concerne l’ensemble des Français, ces derniers n’ont pas moins une approche différente de la question des retraites en raison de leurs intérêts propres – lesquels sont fonction, par exemple, de leur parcours professionnel ou de leur patrimoine. La retraite n’est, en effet, pas la même pour un salarié qui ne dispose que d’elle pour vivre et pour celui qui peut compléter ses revenus par la location d’un appartement ou d’une maison. De la même manière, l’espérance de vie n’est pas la même pour un ouvrier ou un cadre, non plus d’ailleurs que la perception qu’il peut avoir de son travail ou les conditions de ce dernier. Comment donc trouver une solution commune ? C’est ici que se situe le choix politique. J’insiste : parce que la retraite est le seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas, c’est à eux qu’il convient d’abord de penser.

De surcroît, si les approches peuvent différer en ce qui concerne l’âge de départ à la retraite, pourquoi proposer une réforme offrant plus de souplesse à ceux dont les difficultés sont les moindres ? Ainsi, les cadres en bénéficieront-ils quand les ouvriers se verront opposer plus de contraintes, et c’est précisément en cela que votre réforme est injuste.

Par ailleurs, cette dernière n’est que la réforme de votre réforme de 2003 et, là, vous aurez des comptes à rendre ! Ce sera d’ailleurs pour vous un exercice redoutable lorsque nous nous livrerons, en séance publique, à certaines comparaisons. En 2003, vous prétendiez également répondre aux problèmes posés par la situation démographique de notre pays à partir des rapports du COR, le Premier ministre d’alors, M. Jean-Pierre Raffarin, son ministre des affaires sociales, M. François Fillon, et le rapporteur, M. Xavier Bertrand, arguant d’un déficit de 43 milliards d’euros à l’horizon de 2020 – d’où l’allongement de la durée des cotisations et, l’économie française se portant nécessairement de mieux en mieux selon eux, le transfert d’une partie des cotisations chômage sur l’assurance vieillesse, lequel aurait permis d’atteindre l’équilibre tant attendu.

Monsieur le ministre du travail, vous avez l’habitude d’utiliser cette formule étonnante, « les déficits ont gagné dix ans »,... qui vous évite de reconnaître que la situation s’est aggravée, puisque les déficits prévisibles pour 2020 sont constatés en 2010.

La question démographique a été posée en 2003 : or, comme il y a peu de chances que des salariés soient arrivés à la retraite en 2010 sans que leur existence ait été connue en 2003, ce n’est pas le paramètre démographique qui a changé depuis cette date, mais bien celui du niveau d’emploi, en raison de la crise. Nous pouvons tous partager ce constat en dépit de la divergence de nos analyses. On ne saurait donc reprendre aujourd’hui des arguments démographiques pour justifier une réforme qui, en réalité, présente la facture de la crise aux salariés français qui en ont déjà payé très largement le prix.

Cette intuition est confortée par la double communication du Gouvernement : Mme Christine Lagarde et vous-même vous êtes répartis les rôles. D’un côté, vous expliquez aux Français que la réforme est un passage obligé pour sauver le système par répartition tandis que, de l’autre, Mme Christine Lagarde informe les marchés financiers que la réforme se fonde sur les paramètres cumulés les plus durs d’Europe, que ce soit en termes d’âge de départ à la retraite ou de nombre d’annuités nécessaires pour bénéficier du taux plein. Mme Christine Lagarde a même déclaré aux marchés que la France irait plus vite en la matière que l’Allemagne – nous y reviendrons en séance publique. Vous ne faites pas une réforme pour les Français, mais pour les marchés financiers.

Vous-même, monsieur Jacquat, dans votre rapport d’information sur le rendez-vous de 2008 sur les retraites, avez écrit qu’il ne convient pas de prévoir une modification de l’âge légal du départ à soixante ans, qui est « un acquis social majeur ». La remise en cause d’un « acquis social majeur » étant par définition un « recul social majeur », j’espère, monsieur le rapporteur, que, dans votre prochain rapport, vous reprendrez les termes de 2008 : chacun pourra ainsi constater que vous remettez en cause un « acquis social majeur ». Il est vrai que vous n’êtes pas le seul à avoir changé de position sur le sujet. Jean Mallot a rappelé les déclarations péremptoires du Président de la République : il n’avait pas été élu pour « cela ». De même, certains, qui sont intervenus, avaient déclaré en 2003 qu’il ne fallait pas modifier l’âge légal du départ à la retraite. Il leur appartient de justifier un revirement aussi complet.

Par ailleurs, monsieur le ministre, que deviendront les chômeurs ou tous ceux qui bénéficient du RSA et qui approchent les 60 ans ? Je suis très étonné que le projet de loi soit muet sur le sujet, compte tenu des déclarations que vous avez faites à la convention de l’UMP le 25 mai dernier : « Je veux dire en particulier aux salariés âgés qui sont actuellement au chômage que je proposerai dans le cadre de la réforme un dispositif permettant d’éviter que l’augmentation de la durée d’activité ne les conduise à rester plus longtemps au chômage et donc à y perdre financièrement ». Le projet de loi les oublie : il faut passer aux actes, monsieur le ministre, pour rassurer ces centaines de milliers de Français qui seront immédiatement frappés par la réforme des retraites. Toutefois, je tiens à le rappeler après Jean Mallot que l’étude d’impact ne répond pas aux questions sur l’évaluation de la réforme.

Je discerne un autre changement, plus grave encore, sur la question de la pénibilité. En effet, si la droite et la gauche ne partagent pas les mêmes approches notamment sur le financement des retraites, du fait qu’il s’agit d’une question non seulement technique mais également politique – les Français arbitreront le moment venu –, en revanche, nous aurions pu adopter une démarche commune sur la question de la pénibilité, puisque, à la suite de la réforme de 2003, les partenaires sociaux ont travaillé sur le sujet. En effet, si la négociation a échoué, elle a donné lieu à des propositions intéressantes, si bien que nous disposons aujourd’hui des études réalisées par les partenaires sociaux, de projets d’accord relativement élaborés et des travaux demandés par le COR sur plusieurs années, visant à dégager une définition précise de la pénibilité au travail au travers, notamment, de statistiques. Tout ce matériau pouvait aboutir à une volonté commune de traiter la question. Or, le projet de loi adopte une démarche inverse en se fondant sur la pénibilité constatée et non sur les risques subis avant que celle-ci ait été constatée, alors même que les représentants de l’UMP eux-mêmes comprennent que la simple exposition à des facteurs de risques, notamment cancérigènes, diminue l’espérance de vie des ouvriers de sept ans par rapport aux cadres.

Chacun sait ici que ce n’est pas au moment où l’ouvrier travaille qu’il subit les conséquences les plus graves de son exposition à de tels facteurs, mais après avoir travaillé. Est-on capable de mesurer ces risques ? Or, sur cette question également, monsieur le ministre, nous pouvons observer de votre part un changement complet par rapport à ce même discours à la convention de l’UMP, dans lequel vous déclariez que vous intégreriez dans la réforme la reconnaissance de la pénibilité, ajoutant : « Nous nous appuierons sur la définition des partenaires sociaux qui ont privilégié l’approche par les facteurs d’exposition, qui est la seule possible ». C’était, je le répète, le 10 mai dernier, et voici que le projet de loi prévoit exactement le contraire : une incapacité de 20 % avec une référence à la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, lesquelles impliquent des questions d’imputabilité et de procédure qui sont une horreur absolue. Comment avez-vous pu nous proposer un tel texte ? La question de la pénibilité aurait pu être au cœur d’un important débat républicain : vous le renvoyez à plus tard.

Monsieur le ministre, voici qu’au manque de transparence qui entoure nos travaux et à l’agression verbale de Jean-François Copé, ce matin, sur la qualité de ceux-ci, s’ajoute le fait qu’on ne retrouve pas dans le texte le contenu des déclarations que vous aviez effectuées à son sujet : pensez-vous que les parlementaires peuvent accepter de débattre dans de telles conditions ? Les discussions ont manifestement lieu ailleurs qu’ici. Les députés de l’UMP en sont-ils informés ? En tout cas, nous ne le sommes pas.

Cette réforme, qui est majeure pour les Français, est l’objet de deux visions très différentes. C’est pourquoi, elle sera le lieu d’une opposition frontale entre deux projets. Ce n’était pas une raison pour écarter toute transparence et refuser d’engager le débat sur des questions que nous aurions pu partager, comme la pénibilité.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous sommes obligés de regarder ce que font nos partenaires européens en la matière : nous ne vivons pas dans un monde protégé.

M. Christophe Sirugue. Monsieur le président, vous avez confié à Dominique Tian et à moi-même la mission d’examiner les études d’impact des textes soumis à notre commission. C’est pourquoi je m’étonne que Dominique Tian n’ait pas évoqué celle portant sur le présent texte. Cet acte manqué fait peut-être écho aux propos liminaires du ministre du travail : puisque le Conseil d’État a validé l’étude, circulez, il n’y a rien à voir ! Monsieur le président, s’il est vrai que notre mission ne présente aucun intérêt, est-il nécessaire que nous continuions de la remplir ?

Même si le Conseil d’État a juridiquement validé l’étude d’impact, nous ne devons pas moins émettre un avis.

Pour ce faire, il convient de rappeler que le Gouvernement a souhaité que les études d’impact soient systématiquement adjointes aux projets de loi qui sont soumis à l’examen de la commission compétente afin de mesurer toutes les conséquences de leur application. Elles sont, en ce sens, nécessaires afin de ne pas réitérer les erreurs du passé. C’est d’autant plus vrai pour un projet de loi que vous présentez comme le texte majeur de la mandature, du fait qu’il concernera, par définition, tous les Français.

Or, quelle n’a pas été notre surprise devant la maigreur de la présente étude, alors que nous nous attendions à un document de 4 000 pages ! Certes, ce n’est pas son épaisseur qui fait la qualité d’une étude, mais celle-ci devait prendre en considération un très grand nombre de paramètres. Je rappelle que l’étude d’impact est réalisée par le ministère concerné, examinée par le secrétariat général du Gouvernement et transmise au Conseil d’État, puis aux assemblées. La rédaction originelle de ce document succinct émane donc bien du ministère dont M. Woerth a la responsabilité. Or, il s’agit présentement d’une étude indigente.

En effet, les trois premiers chapitres ne font que reprendre l’exposé des motifs : est-ce l’objet d’une étude d’impact ? Quant au quatrième chapitre sur l’analyse des impacts, il ne donne lieu à aucune évaluation globale : à aucun moment les différents éléments d’analyse ne viennent nourrir une réflexion générale sur l’impact du projet de loi, alors même que celui-ci aura des conséquences considérables, notamment dans les domaines financier, économique et social ou en termes d’organisation du temps de travail.

C’est que, par principe, l’étude refuse d’analyser les alternatives possibles. Nulle part les conséquences d’un âge de départ stabilisé à 60 ans ou passant à 61 ans ne sont évoquées. Certes, les travaux COR sur le sujet existent, mais, dans ces conditions, pourquoi l’étude d’impact ne les analyse-t-elle pas ?

De plus, celle-ci n’évalue à aucun moment les incidences de la réforme sur le pouvoir d’achat, question fondamentale dès lors qu’on évoque les pensions de retraite. Il n’y a pas non plus un mot sur la question de l’épargne, alors que c’est un élément déterminant de la réflexion menée sur la réforme des retraites.

En ce qui concerne les aspects financiers, l’étude s’appuie sur un choix unique de croissance alors qu’elle devrait évaluer les conséquences d’une croissance moins forte ou plus lente, notamment sur le mode de financement construit. Or, aucun élément d’analyse financier de la réforme n’est donné. L’étude se contente de communiquer, sans démonstration aucune, quelques chiffres lapidaires, alors que la démarche devrait être inverse : c’est à l’étude de démontrer le caractère indiscutable des chiffres fournis. En effet, les chiffres ne sauraient être indiscutables du simple fait que l’étude d’impact les mentionne !

L’étude n’évoque pas non plus le Fonds de réserve pour les retraites. On n’ignore s’il sera liquidé, à quelle échéance ou à quel rythme, et, s’il ne l’est pas, comment il sera alimenté. Il n’y a, non plus, aucune piste de réflexion sur l’après 2018 : qu’en sera-t-il du financement des retraites en 2020 ou en 2030 ?

Manifestement, ce document ne répond pas aux exigences de la loi organique du 15 avril 2009, qui a présidé à la consécration des études d’impact, sur le fondement du troisième alinéa de l’article 39 de la Constitution.

Je me permets de rappeler qu’une étude d’impact non conforme aux critères de recevabilité doit entraîner le report du projet de loi. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président, outre les éléments que j’ai rappelés et que je détaillerai, j’envisage d’autant moins de valider l’étude d’impact que l’analyse administrative du secrétariat de la commission révèle que deux des rubriques prévues par la loi organique ne sont pas renseignées : l’articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration, ainsi que la déclinaison du dispositif en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Or, je crains que, d’ici au 6 ou 7 septembre prochains, nous n’ayons pas les éléments que nous sommes en droit d’attendre : je pense notamment au détail du plan de financement du projet de réforme du Gouvernement à court et long termes, au détail concernant l’usage du Fonds de réserve pour les retraites et les ressources auquel il est adossé, aux variantes et à leurs effets en matière de choix de relèvement ou non des bornes d’âge de départ à la retraite ou à l’évaluation approfondie des questions ayant trait à la pénibilité.

J’ai, en raison de la clôture de la session extraordinaire, non pas quatre jours mais plus d’un mois pour émettre un avis, à savoir jusqu’au 28 août : si, en dépit de votre intervention, monsieur le président, nous ne pouvions disposer à cette date des éléments qui nous manquent objectivement, je serai amené à émettre officiellement sur cette étude l’avis négatif que je viens de donner et Jean-Marc Ayrault, le président de notre groupe, demandera le report du projet de loi. Il n’est pas acceptable, en effet, de disposer d’une étude d’impact aussi indigente sur un projet de loi aussi important.

M. Georges Colombier. En raison du déficit important et croissant de notre système de retraite par répartition, une réforme est indispensable. Nous sommes nombreux ici à en convenir. Dans le contexte économique et social actuellement explosif, trois principes doivent guider nos prises de position : la solidarité, l’équité et le réalisme.

Pour garantir la solidarité, il convient tout d’abord de réaffirmer notre attachement au régime par répartition, par opposition au régime par capitalisation où chacun épargne pour soi-même sans avoir le sentiment d’une quelconque solidarité avec la génération des aînés actuellement à la retraite. C’est pour maintenir cette valeur de solidarité qu’il faut prendre des mesures courageuses, comme l’augmentation de l’âge légal du départ à la retraite, en fonction de l’augmentation de l’espérance de vie, ou l’allongement du nombre d’annuités pour assurer l’équilibre financier de notre système. Ces deux mesures sont indissociables des questions relatives à la place des seniors sur le marché du travail. Même si beaucoup a été fait depuis 2007 en la matière, il convient de changer les mentalités pour en finir avec cette exception française : seulement 39 % des seniors ont un emploi en France contre 44,7 % en moyenne dans l’Union européenne.

Le texte devra également veiller à augmenter les petites retraites. Bien que des mesures spécifiques aient été prises en faveur des petites pensions depuis 2007, des situations de pauvreté persistent notamment pour ceux qui ont connu des carrières incomplètes ou qui ont faiblement cotisé. Je pense notamment aux carrières à temps partiel des femmes, en particulier celles qui travaillent dans le secteur de l’aide à domicile. Il ne faudra pas non plus oublier d’augmenter les retraites agricoles.

Pour être pleinement acceptée, la réforme doit être juste socialement. C’est la raison pour laquelle les plus hauts revenus doivent être mis à contribution au nom de la solidarité. Les revenus du capital doivent être davantage taxés, de même que les stocks options et les retraites chapeaux.

Pour garantir l’équité, une réforme juste suppose que l’effort soit partagé entre tous. Chacun doit participer au mouvement de réforme. Il faut, à cette fin, poursuivre la convergence entre le public et le privé, harmoniser les règles de réversion pour les conjoints survivants de la fonction publique sur celle du régime général et simplifier notre système de retraite.

Être réaliste suppose qu’on ne perde pas de vue qu’il demeure, en dépit de l’évolution des conditions de travail, des métiers plus pénibles et plus usants que d’autres : sept ans d’espérance de vie supplémentaires pour un cadre supérieur par rapport à un ouvrier du bâtiment sont une réalité incontestable qu’on doit prendre en compte. C’est un élément indiscutable de justice sociale. Il convient, à cette fin, de permettre à ceux qui ont commencé de travailler tôt de partir plus tôt : le système des carrières longues doit être maintenu et renforcé. Il convient également d’améliorer sans cesse les conditions de travail : encourager à travailler plus longtemps passe nécessairement par une réflexion sur le « travailler mieux » et la pénibilité. Enfin, être pragmatique, c’est reconnaître qu’il existe des marges de manœuvre à exploiter, pour ne pas faire reposer tout notre système de retraite sur la seule répartition : je pense notamment à l’épargne retraite. C’est également donner la possibilité de travailler plus longtemps à ceux qui le souhaitent.

La réforme des retraites, parce qu’elle touche à des valeurs qui fondent notre pacte social républicain, exige courage et ambition. Les Français ne sont pas dupes. Ils connaissent la réalité démographique et les limites de notre système actuel. Il est de notre responsabilité de leur tenir un discours de vérité qui ne soit pas pour autant alarmiste et de prendre toutes les mesures qui s’imposent, pour aujourd’hui comme pour demain. La réforme doit être ambitieuse parce que nous ne pouvons pas nous permettre d’ouvrir le chantier des retraites tous les dix ans : les perspectives à court terme engendrent inquiétude et défiance.

Allons vers une réforme aussi courageuse que nécessaire.

M. Jean Bardet. Peut-on encore parler d’un débat à huis clos, compte tenu du nombre des journalistes qui sont derrière la porte ?

Comme un grand nombre de mes collègues de la majorité, j’adhère totalement à la philosophie du projet du Gouvernement, qui est courageux et nécessaire. En effet, même si la crise l’a aggravé, il faut résoudre un problème d’ordre démographique par des solutions démographiques. Du reste, le Gouvernement a également proposé d’autres pistes.

Je ferai trois remarques et une proposition.

Ma première remarque, au risque de m’attirer les foudres de mes collègues socialistes, porte sur le report de l’âge légal de départ à la retraite. Je regrette qu’il n’ait pas été repoussé plus loin. Avec 62 ans, la France restera un des pays d’Europe où cet âge est le plus faible. Cette frilosité laisse planer un doute sur le retour à l’équilibre en 2018.

Ma deuxième remarque porte sur l’augmentation d’un point de la taxation des plus hauts revenus. Je pense, cette fois, obtenir l’adhésion de mes collègues socialistes en déclarant que nous aurions pu aller plus loin, ce qui aurait permis de mieux prouver encore le désir de justice et de solidarité de la majorité.

Ma troisième remarque concerne les carrières longues : je suis heureux que le Gouvernement ait maintenu ce dispositif. Je voudrais cependant rendre justice à ceux qui sont entrés tardivement dans le monde du travail, soit qu’ils aient galéré au début de leur carrière professionnelle, soit qu’ils aient fait des études longues et difficiles, parfois accompagnées de petits boulots le soir et les week-ends : ce ne sont pas forcément des privilégiés.

Enfin – ce sera ma proposition –, ne pourrait-on pas envisager, pour les jeunes qui entrent dans la vie professionnelle, des prêts à taux privilégié pour l’achat de leur résidence principale, dont la durée de remboursement serait calculée sur l’âge prévisible du départ à la retraite ? La fin des remboursements entraînerait, à ce moment-là, une augmentation automatique du pouvoir d’achat. Cette mesure permettrait de donner du patrimoine à ceux qui n’en ont pas, question qu’a évoquée notre collègue Alain Vidalies.

Ce projet de loi est courageux et nécessaire. Il n’est toutefois censé régler le problème des retraites que jusqu’en 2018. Ne pourrions-nous pas, dès maintenant, comme l’ont suggéré plusieurs députés, étudier un autre système de retraite, notamment par points ?

M. Michel Liebgott. Pas plus que mon collègue Alain Vidalies, je ne me faisais d’illusion à la veille de ce débat. Le Président de la République a très clairement expliqué voilà quelques jours que, constituant un élément essentiel du quinquennat, la réforme proposée n’était pas à débattre, et – cela nous a été confirmé aujourd’hui – qu’elle ne pouvait être révisée qu’à la marge, durant l’été, sur le point particulier de la pénibilité.

Les déclarations du président du groupe UMP ne sont pas non plus pour nous surprendre. Les critiques envers le président de notre groupe pour sa participation au débat de la Commission des affaires sociales sont pour moi incompréhensibles. Il me paraît plus judicieux pour un président de groupe de venir écouter les débats, comme l’a fait Jean-Marc Ayrault que de se répandre dans la presse. Même si la messe est dite, j’aurais préféré que les médias, plutôt que d’avoir communication de nos propos, les entendent en direct en lieu et place de déclarations faites par des parlementaires, qui n’auront participé que furtivement, voire pas du tout, à la discussion en commission.

Ne nous voilons pas la face et ne trompons pas nos électeurs. L’exercice que nous accomplissons ici est un exercice obligé, incontournable, rendu obligatoire par les institutions de la Ve République. Pour autant, nous le savons très bien, le Parlement n’est aujourd’hui qu’un petit appendice du pouvoir exécutif. Vous le constaterez encore demain, la presse évoquera bien plus largement les événements, positifs ou négatifs, qui se déroulent au sein de ce dernier que le débat qu’aura tenu la Commission des affaires sociales. Qu’on le regrette ou non, c’est ainsi, et je crois, monsieur le ministre, que vous le constatez tous les jours.

Ce n’est cependant pas là un motif pour nous taire. Les médias, je crois, seraient mieux mobilisés s’ils entendaient un vrai débat en direct. Nos propos en seraient du reste sans doute modifiés : nous devrions nous garder des provocations. Peut-être même les idées des uns et des autres pourraient-elles progresser à cette occasion : c’est au moyen du débat et non pas de discours unilatéraux que s’avance le progrès !

Nous sommes tous conscients des conséquences qu’entraîne le vieillissement de la population : parmi elles figurent des modifications sensibles de notre manière de vivre à la fois le temps actif et le temps du repos.

Le projet a néanmoins le mérite de mettre en évidence nos divergences fondamentales sur les modes de financement. Il est exemplaire de l’action menée depuis plusieurs années. Dominique Tian l’a souligné, il ne prévoit aucune taxation pour les capitaux et reporte l’intégralité de la charge sur les salariés et les travailleurs. Faut-il rappeler que le début du quinquennat a été marqué par la loi dite « TEPA », qui a instauré le bouclier fiscal et la défiscalisation des heures supplémentaires, comme s’il s’agissait de donner plus à ceux qui ont déjà beaucoup et de prendre à ceux qui ont peu ?

Alors que le projet socialiste prévoit une taxation des capitaux de 19 milliards d’euros, le projet de loi la limite, malheureusement, à 1,7 milliard d’euros, montant auquel s’ajoute une taxation de 2 milliards d’euros sur les entreprises. C’est bien peu pour le projet phare du quinquennat !

Le Fonds de réserve pour les retraites, cette construction si dénigrée, si maudite, qualifiée de rocambolesque, est aussi devenue l’une des pierres de la réforme proposée ! Sans l’action du Gouvernement Jospin et les 34,5 milliards d’euros du fonds – dont la dotation, je le rappelle, devait atteindre 150 milliards d’euros en 2020 –, le Gouvernement ne pourrait pas proposer aujourd’hui de réforme des retraites. La disparition des réserves du fonds va rendre aussi sans doute toute nouvelle réforme impossible. Comment allez-vous procéder en 2018 ? Comme l’a dit Alain Vidalies, vous utilisez déjà une réforme structurelle – réalisée par le Gouvernement Jospin – pour pallier un élément conjoncturel, dû à la crise économique ! Vous vous en servez pour créer un déséquilibre considérable entre le capital et le travail. Et, bien sûr, vous ne prévoyez aucune mesure pour sa reconstitution.

Le projet socialiste, au contraire, prévoit cette reconstitution, par le moyen d’un impôt sur les sociétés. Ainsi, après avoir pris nos responsabilités dans le passé, nous les prenons de nouveau, contrairement à vous, pour l’avenir.

Je pourrais développer encore la question des déséquilibres entre les financements que vous prévoyez et ceux que nous envisageons. Je voudrais cependant aborder la pénibilité. Le rapport entre vos prévisions du nombre de personnes qui pourront être concernées par le dispositif – 10 000 – et le total des salariés – 25 millions – est proprement provocateur. Comment pouvez imaginer faire de la prise en compte de la pénibilité un symbole de votre réforme tout en limitant à 10 000 le nombre de bénéficiaires du dispositif ? Je le dis comme député d’une terre de sidérurgie, l’addition des salariés concernés des seules régions Lorraine et Nord-Pas-de-Calais suffirait largement à remplir ce quota ! Faut-il qualifier cette disposition de mirage ou d’alibi ? Le projet socialiste n’est pas une simple réforme comptable. La prise en compte de la pénibilité en fait partie, là où vous ne voyez qu’un modeste appendice à la notion d’invalidité.

Vous évoquez aussi des transferts de l’Unedic vers la CNAV comme sources de financement possible pour les retraites. Mais, messieurs les ministres, sur quels éléments pouvez-vous vous fonder pour considérer que les 40 % de personnes entre 48 et 65 ans qui, aujourd’hui, ne travaillent pas travailleront demain ? Comme l’a indiqué Christophe Sirugue, rien dans l’étude d’impact ne concerne l’amélioration des conditions de travail ni la prise en compte des troubles musculo-squelettiques et les problèmes psychosociaux dans le travail.

Il m’aurait aussi paru nécessaire, monsieur le président, que nombre d’amendements que nous avons déposés puissent être examinés au fond, et non pas écartés au préalable. À cet égard, une comparaison en pourcentage et par groupe des amendements refusés n’est pas pertinente : le rejet de nos amendements interdit tout simplement le débat. Or, du fait des changements de procédure induits par la réforme de la Constitution, l’Assemblée nationale va travailler en séance plénière sur le texte adopté en commission et non sur celui du Gouvernement. Autrement dit, les points sur lesquels portaient nos amendements ne pourront pas être traités en séance publique comme ils auraient dû l’être ici.

M. le président Pierre Méhaignerie. Monsieur Liebgott, mes trente-sept ans de carrière parlementaire m’ont appris que si les intentions sont toujours bonnes, la confrontation aux réalités du pouvoir fait brutalement changer les positions, quelle que soit leur sincérité. Pour mémoire, c’est en 1983 que la part du travail dans la valeur ajoutée a le plus diminué, tandis que, entre 1983 et 1986, celle du capital a augmenté de 9 points. Alexandre Soljenitsyne s’exprimait ainsi : « crois les yeux, pas les oreilles ».

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Une réforme des retraites est toujours un enjeu fort de débat. Nos concitoyens ont bien compris l’enjeu de celle-ci. Ils nous font part de leurs inquiétudes sur les différents points évoqués cet après-midi. Ils ressentent les injustices créées par l’inégale répartition de l’effort demandé, alors même que d’autres propositions, rappelées par certains de nos collègues, avaient été formulées – je pense à des propositions de la Cour des comptes sur la taxation des stock-options.

Nous n’avons aujourd’hui que peu évoqué le niveau des pensions. Les précédentes réformes – notamment la substitution, pour le calcul des pensions, des vingt-cinq meilleures années aux dix meilleures – ont eu pour conséquence une forte baisse de leur montant, et donc une pénalisation du pouvoir d’achat de nos concitoyens. Du fait de cette substitution, les personnes qui, pour des raisons de maladie ou d’accident de la vie, ont vécu des parcours professionnels chaotiques, ne peuvent plus obtenir de pension d’un niveau suffisant. Il nous avait paru possible que, pour le calcul de la pension de ces travailleurs, les quinze meilleures années soient retenues. Vous ne l’avez pas souhaité.

Le niveau des pensions détermine le pouvoir d’achat de nos concitoyens retraités. Le projet de loi n’apporte aucune garantie sur ce point.

Le niveau de revenu des personnes handicapées met souvent celles-ci sous le seuil de pauvreté. Leur handicap, les accidents de la vie, les amènent aussi à vivre de longues périodes d’inactivité. Du fait de l’usure causée par leurs conditions de travail, leur parcours professionnel se termine souvent dès l’âge de 50 ans. Tous les amendements que nous avons déposés pour améliorer leur situation ont été rejetés. Or, ces personnes constituent aujourd’hui plus de 3 millions de nos concitoyens.

Enfin, nous avons appris qu’en Commission des finances, un amendement a été adopté maintenant, pour les femmes ayant eu deux enfants ou plus, l’âge de 65 ans pour le bénéfice de la retraite à taux plein. Monsieur le ministre, le Gouvernement acceptera-t-il cet amendement devant notre commission ? Nos concitoyens sont attachés à la justice dans ces domaines.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Les Français, leur avait-on promis, allaient travailler plus pour gagner plus. Aujourd’hui, ils sont très inquiets : non seulement ils ne vont pas gagner plus, mais travailler plus longtemps – pour ceux dont les conditions de travail sont difficiles et l’espérance de vie limitée, la pilule est d’autant plus difficile à avaler –, mais voilà que soudain, à des milliers de kilomètres de Paris, le Premier ministre nous annonce la rigueur.

Il est vrai que nos compatriotes n’ont pas de quoi d’être surpris. Le programme de stabilité, publié au début de l’année, incluait déjà une hausse de deux points des prélèvements obligatoires entre 2011 et 2013. Quant aux taxes, ils peuvent avec raison avoir le sentiment de payer plus : qu’il s’agisse des franchises médicales ou du forfait hospitalier, dix-neuf taxes de ce type ont été instaurées ou majorées depuis 2007 !

Les propositions que nous avons élaborées, et que mes collègues ont développées, ont été rejetées d’un revers de main. Au contraire de celles de la majorité, elles avaient pourtant le mérite de financer les retraites jusqu’en 2025.

La diffusion du document du Gouvernement « Tout comprendre sur la réforme des retraites », élaboré par vos soins, monsieur le ministre, aurait à cet égard pu attendre le vote du texte par le Parlement en septembre. Quant aux exemples qui y sont cités, ils ne sont pas satisfaisants. J’évoquerai celui de « Denise », 56 ans, manutentionnaire dans une usine : « À la suite de ports répétés de charges lourdes, elle souffre de raideurs de l’épaule et de sciatique chronique. Celles-ci ont été reconnues comme maladies professionnelles à un taux supérieur à 20 %. Elle a été reclassée dans un emploi de bureau. » Mais les petites entreprises privées, comme celles du secteur textile où les manutentionnaires portent sans cesse des pièces de tissu extrêmement lourdes, de 40 ou 50 kilos – j’ai vécu cette situation trente ans de ma vie –, ne reclasseront pas ces salariés ! Cet exemple, comme les autres – je les ai tous étudiés –, est tendancieux. Si ce document suscite de l’espoir, c’est en mélangeant le vrai et le faux. Il n’est à la hauteur ni des enjeux ni de l’inquiétude des Français.

Pourquoi ne proposez-vous pas un peu plus de 3,7 milliards d’euros de recettes nouvelles ? Pourquoi n’avez-vous ni écouté ni pris en compte nos propositions ?

Le caractère extraordinaire de votre logique en matière de pénibilité et d’espérance de vie est bien illustré par l’exposé des motifs de l’article 3. À l’exemple du Rapporteur, nous pourrions nous réjouir de ce que, grâce au nouveau « point d’étape retraite » instauré par le projet de loi, les Français puissent mieux connaître, à 45 ans, leur situation à la date où ils prendront leur retraite, ainsi que les perspectives d’évolution de leurs droits « notamment en fonction de leurs choix de carrière ». Mais imaginons une femme de 38 ans, qui aura donc 45 ans avant 2018, caissière dans une grande surface, à la tête d’une famille monoparentale – autrement dit qui élève seule deux enfants. Comment peut-on parler d’un choix de carrière ! Découvrir à 45 ans l’état futur de ses droits sera plutôt pour elle une source de grande inquiétude sur son avenir ! Je le sais par expérience, les carrières des femmes qui exercent ce type de métier sont déjà chaotiques. Pour celles qui n’ont pas eu la chance de pouvoir en exercer d’autres, toute prévision offerte à 45 ans ne sera d’aucun secours. Quant aux dispositions relatives aux carrières longues et à la pénibilité, elles inquiètent également profondément les Français.

Nous avons été déçus par ailleurs, monsieur le président, par les modalités d’examen de la recevabilité financière des amendements. Selon la tradition, les amendements sont tous examinés en commission, y compris ceux qui seront ensuite déclarés irrecevables en application de l’article 40 de la Constitution. Tel n’a pas été votre choix. Certes, certains de nos amendements pouvaient toucher aux recettes. Mais des amendements de membres du groupe UMP tendant à diminuer les recettes de l’État n’ont-ils pas été acceptés lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture ? Y aurait-il deux poids, deux mesures ? De plus, notre amendement n° 314 ainsi rejeté, qui prévoyait – j’y tenais beaucoup – l’élargissement du bénéfice de la pension de réversion aux personnes pacsées, aurait permis au Président de la République de tenir l’une des promesses phares qu’il avait formulées en 2007. Dans une interview parue en mars 2007, le candidat Sarkozy s’exprimait ainsi : « Je suis donc pour une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d’instance mais par la mairie – c’est logique –, et je vais ajouter ceci que je n’ai jamais encore dit : cette union civile à la mairie entraînera une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés, qui ira par exemple jusqu’au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel. » La prise en compte de notre amendement aurait permis de réaliser cette promesse.

Enfin, nos collègues de la majorité ont critiqué nos plaintes sur la tenue à huis clos de la présente réunion. Alors que notre président Jean-Marc Ayrault a demandé plusieurs fois en Conférence des présidents que le débat soit au moins retransmis sur La Chaîne parlementaire, vous nous dites, monsieur le président, qu’un compte rendu écrit impeccable sera très rapidement consultable sur Internet. Mais, suivre un débat sur LCP-AN est pour beaucoup préférable à en lire le compte rendu sur Internet ! LCP-AN, dont nous venons de fêter les dix ans d’existence, est tout de même habilitée à retransmettre des débats de commission !

Lorsque je siégeais en Conférence des présidents, j’ai souvent fait remarquer aux présidents de commissions que la diffusion sur LCP-AN des débats, par exemple d’une mission d’information, avait de fortes conséquences sur le nombre de personnes qui s’y intéressaient. Nous le constatons sur le terrain. J’ai aussi insisté sur ce point lors des débats sur la réforme du Règlement. Vu l’inquiétude des Français, la retransmission de ce débat aurait permis plus de démocratie.

Quant aux propos tenus ce matin par Jean-François Copé, ils finiraient par nous faire douter de l’intérêt de débattre cet après-midi en compagnie de deux ministres. Il est regrettable que déposer des amendements en commission – voire même examiner un projet de loi en commission – puisse être considéré comme inutile !

M. le président Pierre Méhaignerie. Madame Hoffman-Rispal, la réforme du Règlement a transféré aux commissions saisies au fond l’examen, en application de l’article 40 de la Constitution, de la recevabilité financière des amendements. C’est ce que nous l’appliquons, ni plus ni moins.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je serai brève car tout a été dit et redit : ce texte me semble équilibré. J’ai été très étonnée par l’accueil réservé à ce texte par le public des différentes réunions que j’ai organisées dans ma circonscription, même par des sympathisants, voire des adhérents du Parti socialiste, qui partageaient au moins notre diagnostic : on peut venir de différents bords et être d’accord pour reconnaître que la population vieillit.

Je voudrais, par ailleurs, saluer le travail accompli par la commission : le grand nombre d’auditions auxquelles elle a procédé lui a permis de traiter ce sujet en profondeur. Je voudrais insister particulièrement sur la qualité du travail du Rapporteur.

Quant à nos collègues socialistes, je ne peux que saluer leur art consommé de consacrer un temps infini au point essentiel de savoir si la presse devrait ou non assister à nos débats. Je veux par ailleurs rassurer Marisol Touraine, dont nous avons pu voir les allers et retours de cette salle au couloir : c’est M. Éric Woerth lui-même qui a demandé à être entendu par M. le procureur. Vous feriez donc mieux, madame Touraine, de suivre sereinement les débats, plutôt que d’aller vous émouvoir devant la presse.

Mme Marisol Touraine. Je suis extrêmement choquée par vos propos, madame, qui laissent à penser que j’aurais été m’émouvoir ou me scandaliser devant la presse. Apparemment, madame, vous n’entendez que ce que vous voulez entendre. Que M. Éric Woerth soit entendu par le parquet à sa demande ou non, ce n’est absolument pas ma préoccupation, ni celle du groupe socialiste. J’ai simplement relevé, en réponse à une question qui m’était posée, qu’il valait mieux repousser nos débats à la rentrée si cette audition devait interdire au ministre de prendre part aux travaux de la commission. Comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, ce débat nous semble suffisamment important pour ne pas devoir pâtir d’un climat politique objectivement pollué.

M. Jérôme Bignon. Comme la plupart des gouvernements européens, le Gouvernement a tiré les conséquences de l’évolution démographique de notre pays. Il a choisi d’assumer le principe de réalité, alors que les socialistes s’étaient dérobés devant l’obstacle quand ils étaient au pouvoir. Pis, ils avaient délibérément choisi d’aggraver un problème dont ils avaient parfaitement conscience, en abaissant de façon irresponsable l’âge de la retraite à 60 ans.

Les évolutions démographiques, mais également le contexte de compétition internationale et notre situation économique nous obligent à rouvrir le dossier des retraites, que nos successeurs devront également affronter. Pourquoi, en effet, faire semblant de croire que nous allons mettre en place un système immuable ? Le monde change si vite que ce qui était inenvisageable hier le devient aujourd’hui. Ainsi, la convergence entre le public et le privé, impossible il y a sept ans, est aujourd’hui réclamée par nombre de nos compatriotes. De même, la notion de pénibilité, concept de justice et d’équité, va, fait unique en Europe, faire son entrée dans le droit positif. Cette avancée sociale mérite sûrement des améliorations, et nous allons y travailler. Le dialogue social va se poursuivre durant l’été, inspiré par nos débats, qui, s’ils sont de bonne qualité, feront avancer cette question.

Enfin, je suis particulièrement concerné par le dispositif « carrières longues », la plupart des 43 % d’actifs de ma circonscription qui travaillent en usine ayant pour la plupart commencé à 14 ans. La gauche au pouvoir ne s’est jamais beaucoup inquiétée de leur sort, si on excepte les communistes.

M. Jean Mallot. Et la retraite à 60 ans ?

M. Jérôme Bignon. C’est la retraite à 55 ans qu’ils veulent, ces hommes et ces femmes qui travaillent depuis l’âge de 14 ans, dans des conditions souvent pénibles. Le dispositif, que nous avons voté en 2003, a déjà permis à plusieurs centaines de milliers de salariés de partir plus tôt en retraite, et je me réjouis que le Gouvernement ait le courage d’améliorer et de conforter encore ce dispositif coûteux. Puissent nos travaux et les améliorations que le Gouvernement apportera au texte, soit sur notre initiative, soit dans le cadre du dialogue social qui va se poursuivre cet été, constituer un motif d’espoir pour celles et ceux de nos concitoyens les plus fragilisés par un parcours professionnel long et difficile.

M. Michel Issindou. Il faut bien reparler de la forme bien étrange de ce débat plein de contradictions. Cette réforme que le Président de la République ne cesse de nous présenter comme la dernière réforme d’envergure de son quinquennat, et qui fait l’objet d’une publicité extraordinairement coûteuse, voilà que nous devons l’examiner le plus discrètement possible ; voilà qu’il faut en débattre le plus loin possible de la place publique, alors que la presse est dans nos couloirs. Si vous êtes si fiers de votre projet, messieurs les ministres, pourquoi ne pas en faire profiter les Français ? Apparemment, vous avez quelque chose à cacher ; ou bien vous avez le sentiment que votre projet rencontre si peu l’adhésion de nos concitoyens qu’il vaut mieux l’examiner en catimini, au cœur de l’été, afin de le faire adopter plus rapidement. Sinon pourquoi avoir déclaré l’urgence ? Pourquoi faire passer ce texte en commission au mois de juillet ? Pourquoi avancer encore d’un jour son examen en séance publique ? Quand en outre Jean-François Copé déclare que le débat en commission n’a aucun intérêt et que le vrai débat aura lieu plus tard, on a tous les éléments qui prouvent qu’on se moque des Français.

Je ne résisterai pas, monsieur le ministre, à la tentation de vous dire une fois de plus tout le mal que je pense de ce projet injuste, dont vous faites reposer la quasi-totalité du financement sur les plus faibles de nos concitoyens, sans exiger des plus riches un véritable effort : faire passer le taux d’imposition de la tranche la plus élevée de l’impôt sur le revenu de 40 à 41 % ou faire contribuer le capital à hauteur de 4 milliards d’euros, tout cela est ridicule au regard des 45 à 50 milliards nécessaires. Il y a une bonne raison à cela, c’est que ce texte traduit votre philosophie générale, et on ne peut que saluer votre constance : depuis le début de ce quinquennat, vous avez toujours protégé les plus riches et taxé les autres.

Comment prétendre, par ailleurs, que ce texte traite la question de la pénibilité, alors que votre texte la confond avec l’invalidité ? Vous reconnaissez d’ailleurs vous-même à demi-mot n’avoir pas envie de traiter de ce sujet.

Vous vous plaisez à nous reprocher de n’avoir pas de projet. Nous en avons un, différent du vôtre. L’effort y est équilibré et partagé. Les salariés sont mis à contribution au travers de l’allongement de la durée de cotisation à 41,5 ans à l’horizon 2020 – nous ne revenons pas sur loi Fillon – et une augmentation de leurs cotisations retraite, ainsi que celles des employeurs – voilà vingt ans que la part patronale de ces cotisations n’a pas été augmentée ! Mais à côté de cela, nous trouvons également de nouvelles recettes. Il n’est pas scandaleux d’augmenter l’impôt quand il est juste. Nous le revendiquons même quand il s’agit de sauver nos régimes de retraite. Il ne serait ainsi pas anormal que les banques participent à l’effort collectif et soient taxées alors qu’on les a sauvées l’an passé. Il ne le serait pas non plus que les entreprises soient sollicitées par le biais d’un relèvement de 1,5 à 2,2 % de la taxe assise sur la valeur ajoutée remplaçant la taxe professionnelle, ce qui rapporterait 7 milliards d’euros. Certains revenus du capital devraient également être mis à contribution, ce qui, là encore, pourrait rapporter 7 milliards d’euros. Les stock-options et les bonus devraient de même être taxés davantage. Quant au forfait social, il pourrait passer de 4 % à 40 %.

Vous avez choisi de faire reposer l’effort à 90 % sur les salariés et 10 % sur le reste, là où nous proposons une répartition 50-50. Votre réforme n’est ni faite ni à faire, pas plus que ne l’étaient celles de 1993 et de 2003. Elle sera à refaire en 2018.

Vous ne voyez qu’à court terme en ponctionnant le Fonds de réserve pour les retraites. Ce n’est pas digne de ce qui devait être, selon vos dires mêmes, la grande réforme du quinquennat. Bref, vous n’aurez rien réglé du tout et vos successeurs devront tout reprendre.

M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Le premier à avoir dit qu’il faudrait réformer nos régimes de retraite, c’est Michel Rocard en 1991 dans son Livre blanc. Et la première réforme qui a suivi a été celle de 1993, à laquelle les socialistes se sont opposés, comme ils se sont opposés à celle de 2003, à celle de 2007-2008 et comme ils s’opposent à celle d’aujourd’hui.

M. Jean Mallot. Nous avons eu raison parce qu’elles n’étaient pas bonnes. Preuve en est d’ailleurs qu’il faut en faire une nouvelle aujourd’hui !

M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Les socialistes n’ont jamais rien fait en matière de retraites.

M. Christian Paul. Si, ils ont institué la retraite à 60 ans.

M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Vous n’avez aucune expérience en matière de réforme des retraites. C’est un simple constat, sans appel.

M. Jean Mallot et M. Christophe Sirugue ont déploré l’indigence de l’étude d’impact. Celle-ci est pourtant solide et sérieuse. Y sont étudiées de manière très détaillée, dans 85 pages, les incidences de la réforme sur le marché du travail, sur les régimes complémentaires, etc. Y sont également examinés de nombreux aspects juridiques. De toute façon, quelle qu’eût été la nature de cette étude d’impact, je suis sûr qu’elle ne vous aurait pas convenue.

Il serait naturel que vous formuliez des critiques choisies et pertinentes sur le projet de réforme. Le problème est que vous rejetez tout en bloc.

Vous nous demandez si le COR a été saisi des hypothèses. Mais enfin, ce sont les siennes ! Nous avons retenu son scénario médian…

M. Pascal Terrasse. C’est le scénario du secrétaire général du COR, pas celui du COR lui-même.

M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. …quand vous, pour minimiser l’effort à fournir, retenez le scénario le plus optimiste. Le COR a donné un avis favorable, de même que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière. Contrairement à ce que vous prétendez, les procès-verbaux des réunions au cours desquelles ces instances se sont prononcées n’ont pas à être annexés à l’étude d’impact. Nous nous bornons à indiquer si leur avis a été favorable ou défavorable.

S’agissant de l’épargne retraite, nous sommes prêts à en discuter, mais je ne pense pas que ce soit là le sujet principal, qui me paraît être la sauvegarde de notre régime par répartition. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

Monsieur Tian, vous jugez notre projet très, voire trop, modéré. D’autres pensent le contraire. Cela m’incite à penser que nous avons vraisemblablement trouvé un juste équilibre. D’importants efforts sont faits en matière de convergence public-privé, mais il est des points auxquels nous ne toucherons pas comme la base de calcul des pensions – les six derniers mois d’activité dans le public contre les 25 meilleures années dans le privé. En effet, le mode de rémunération et les déroulements de carrière sont très différents dans le public et dans le privé. Le calcul de la pension sur la base des six derniers mois de salaire tient compte de cette particularité. Vous avez déposé toute une série d’amendements sur le sujet, dont nous débattrons le moment venu, mais il me semble que le projet du Gouvernement va déjà très loin en matière de convergence.

J’ai écouté avec grande attention ce qu’ont dit M. Étienne Pinte et d’autres s’agissant de la pénibilité et de l’espérance de vie. Ce sont en effet des sujets très importants. Nous devons regarder ce que font des pays voisins comme l’Allemagne, l’Espagne…

M. Alain Vidalies. Vous savez pertinemment que les travailleurs âgés y sont placés en invalidité.

M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. La France ne peut pas demeurer un îlot autarcique au milieu de l’Europe. De 1980 à 2010, l’espérance de vie à 60 ans a gagné cinq ans. Nous proposons d’en reprendre deux pour le travail et d’en laisser trois pour la retraite, ce qui nous paraît équilibré. Pour le reste, nous tenons en effet à ce que ce soient les cotisations des actifs qui financent les retraites, fondement du régime par répartition. Il est d’ailleurs curieux d’entendre de certaines bouches des propos qui sont précisément ceux d’ordinaire tenus par les défenseurs de la capitalisation…

M. Alain Vidalies. Restez sérieux !

M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Oui, monsieur Vidalies, notre régime de retraite fait partie de notre patrimoine social, au même titre que notre assurance maladie et d’autres acquis. Mais le propre d’un patrimoine est qu’il s’entretient et se rénove. Nous ne pouvons pas demeurer inertes dans un monde qui bouge. Hélas, rien ne trouve jamais grâce à vos yeux. Vous rejetez tout en bloc, par principe, au point que, comme tout ce qui est excessif, cela en devient insignifiant.

Le COR indiquait en 2007 que le déficit des régimes de retraite représenterait 1,7 point de PIB à l’horizon 2030. Or, de par la conjonction des évolutions démographiques et de la crise mondiale, dont vous n’allez tout de même pas nous imputer la responsabilité, c’est dès 2010 que les déficits ont atteint ce niveau, avec vingt ans d’avance. Dans ce contexte, le Gouvernement avait-il le droit vis-à-vis de nos concitoyens de ne rien faire ? Vous avez tort de vous référer à des propos tenus avant la crise, car celle-ci a profondément changé la donne.

Certains me reprochent de ne pas tenir les mêmes propos sur la scène internationale et sur la scène nationale. Jugent-ils scandaleux que nous adressions des messages à nos partenaires européens et internationaux ? N’est-il pas de l’intérêt général que la France qu’elle défende son drapeau ?

Je suis conscient du fait qu’il faudra assurer au mieux la transition entre période de chômage en fin de vie professionnelle et retraite, dès lors qu’on repousse l’âge de celle-ci. Nous vous ferons des propositions en ce sens, qui sont en train d’être élaborées.

Ce que j’entends sur le Fonds de réserve pour les retraites est surréaliste. Vous vous accrochez à ce fonds parce qu’en définitive, c’est la seule chose que vous ayez jamais faite en matière de retraite.

M. Christian Paul. Nous aurions donc au moins fait une réforme ?

M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Reconnaissez que mettre en place un fonds ne demandait quand même pas un grand courage. N’est-il pas normal de se servir de cet outil quand on en a besoin ? Quelle en serait sinon l’utilité ?

L’emploi des seniors, sujet abordé notamment par M. Colombier, est un vrai problème. Repousser l’âge légal de départ en retraite améliorera mécaniquement le taux d’emploi des seniors, comme on l’a constaté partout en Europe. Mais, il faudra aller plus loin et aider à ce que s’opère une véritable mutation culturelle dans les entreprises au profit de l’emploi des plus de 58, 59 ou 60 ans. Le Gouvernement a bien l’intention de poursuivre le travail déjà engagé.

Le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement de Mme Chantal Brunel visant à permettre aux mères d’au moins deux enfants de pouvoir liquider à 65 ans leur retraite sans décote, même si elles n’ont pas tous leurs trimestres. Tous les pays qui avaient institué une différence de traitement entre les femmes et les hommes en matière de retraite sont revenus dessus – cela a été le cas en Grèce, en Italie, en Grande-Bretagne… Cette différence de traitement est, en effet, difficilement défendable sur le plan juridique. En outre, la réalité ne la justifie plus. Aujourd’hui, les femmes ont en moyenne 17 trimestres validés de plus que les hommes, notamment par le biais des majorations de durée d’assurance ou de l’assurance vieillesse des parents au foyer. Le vrai problème pour les femmes n’est pas celui du nombre de trimestres cotisés, mais du niveau de leurs pensions, reflet du niveau trop bas de leurs salaires.

Par ailleurs, s’agissant du temps partiel, non pas voulu – parce qu’il est normal alors qu’il y ait alors un impact –, mais subi, il est vrai que celui-ci touche davantage de femmes que d’hommes. Il s’agit là d’une question très importante, même si tout ne peut être traité à l’occasion de cette réforme.

Monsieur Issindou, il ne s’agit pas, avec le projet de loi, de la dernière réforme du quinquennat. Nous avons, concernant mon champ de compétence, annoncé une réforme, majeure, relative à la dépendance. Quant à critiquer de façon excessive le Gouvernement, vous auriez pu choisir ce moment pour présenter les propositions – que j’attends toujours – du Parti socialiste dans le domaine des retraites ! En quatre heures de discussion, aucune n’a été présentée !

M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique. L’évolution de carrière, et donc de rémunération, dans la fonction publique est différente de celle du secteur privé, et explique le petit « coup de chapeau » donné en fin de carrière – lequel n’est pas une obligation. Les carrières dans la fonction publique évoluent par palier, mais in fine, les rémunérations sont à peu près équivalentes à celles du secteur privé. C’est une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas retenu le principe consistant à remettre en cause les six mois de référence.

Des propositions diverses ont été formulées pour réglementer ce « coup de chapeau ». Or, non seulement ce dispositif est discrétionnaire – ce qui explique l’absence de réglementation –, mais l’application de règles entraînerait des effets contre-productifs. En particulier, l’interdiction d’y procéder avant les trois dernières années aboutirait à comprimer en fin de carrière l’évolution et donc la motivation des agents. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de ne pas entrer dans la logique de rapprochement des six mois et des vingt-cinq années.

Les catégories actives évoluent de façon assez naturelle, et les mesures d’âge s’appliqueront à elles exactement comme pour toutes les catégories de la population qui travaille, sachant, d’une part, qu’en dépit des limites d’âge des catégories actives, le départ moyen est aujourd’hui supérieur à 55 ans – les fonctionnaires utilisent ce dispositif après les limites d’âge, évolution qui va en s’accentuant –, et, d’autre part, que la suppression des mesures couperet en 2009 a accéléré ce mouvement, en poussant les fonctionnaires à retarder l’âge de départ à la retraite.

Ainsi, on observe une évolution de plusieurs catégories actives : les instituteurs, par exemple, sont devenus professeurs des écoles et les infirmières disposeront – ce qui est une évolution statutaire – d’un droit d’option, en application de l’article 37 de la loi relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique. Vous le voyez : les catégories actives ne sont pas figées dans la fonction publique. Quant à la police et au personnel pénitentiaire, ce sont des catégories spécifiques qui n’ont pas d’équivalent dans le secteur privé.

M. le président Pierre Méhaignerie. Notre prochaine réunion se tiendra ce soir, à vingt et une heures. La Commission des finances, qui a terminé l’examen pour avis du projet de loi, a retenu une quinzaine d’amendements.

Enfin, si le Parlement n’a pas, au titre de l’article 40 de la Constitution, l’initiative de la dépense publique, cela ne signifie pas pour autant que le Gouvernement ne reprendra pas certaines de nos propositions.

La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mardi 20 juillet à 15 heures

Présents. – M. Élie Aboud, Mme Edwige Antier, M. Jean Bardet, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, M. Jérôme Bignon, Mme Martine Billard, M. Yves Bur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Vincent Descoeur, M. Jacques Domergue, M. Dominique Dord, Mme Cécile Dumoulin, M. Yves Durand, Mme Odette Duriez, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Cécile Gallez, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Patrick Gille, M. Gaëtan Gorce, Mme Anne Grommerch, M. Michel Heinrich, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Christian Hutin, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, M. Yves Jégo, M. Régis Juanico, M. Guy Lefrand, M. Jean-Marie Le Guen, M. Jean Leonetti, M. Jean-Claude Leroy, M. Claude Leteurtre, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Guy Malherbe, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, M. Philippe Morenvillier, M. Roland Muzeau, Mme Marie-Renée Oget, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, M. Étienne Pinte, Mme Martine Pinville, M. Jean-Luc Préel, Mme Sophie Primas, M. Simon Renucci, M. Arnaud Richard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Marie Rolland, Mme Valérie Rosso-Debord, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, Mme Marisol Touraine, M. Francis Vercamer, M. Alain Vidalies

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Marc Ayrault, M. Christian Bataille, M. François Bayrou, M. Émile Blessig, Mme Monique Boulestin, Mme Valérie Boyer, M. François Brottes, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Gérard Charasse, M. Tony Dreyfus, Mme Laurence Dumont, M. Christian Eckert, Mme Corinne Erhel, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Jean-Pierre Grand, Mme Françoise Guégot, Mme Colette Langlade, Mme Jacqueline Maquet, M. Michel Ménard, M. Pierre-Alain Muet, M. Jacques Myard, M. Michel Pajon, M. Yanick Paternotte, M. Pascal Terrasse