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Commission des affaires sociales

Mercredi 16 février 2011

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 29

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Dominique Maraninchi, candidat à la nomination par le Président de la République à la direction générale de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS)

– Présences en réunion 18

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 16 février 2011

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend, en audition ouverte à la presse, M. Dominique Maraninchi, candidat à la nomination par le Président de la République à la direction générale de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits sanitaires (AFSSAPS).

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Dominique Maraninchi, candidat à la direction générale de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS. Je ne rappellerai pas, professeur, votre brillant parcours, me contentant de dire qu’en tant que professeur de cancérologie, vous avez fait montre de toutes vos capacités. Sans plus attendre, je vous donne la parole.

M. Dominique Maraninchi, président de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Comme vous le savez, je suis pressenti par le ministre de la santé pour occuper les fonctions de directeur général de l’AFSSAPS. C’est avec beaucoup d’humilité que je me présente aujourd’hui devant vous.

Âgé de 61 ans, j’exerce la médecine depuis plus de trente-cinq ans. Je n’ai jamais exercé que dans le secteur public, m’étant très tôt orienté vers la cancérologie, plus particulièrement le traitement des cancers du sang. Je me suis de ce fait très vite intéressé à la recherche, surtout à visée thérapeutique.

A la fin des années 70 et au début des années 80, j’ai travaillé à l’amélioration du traitement des leucémies en utilisant certains médicaments à très forte dose et en pratiquant la thérapie cellulaire avec des greffes de cellules souches hématopoïétiques. Nous avons obtenu certains succès mais ces traitements lourds entraînaient de multiples effets secondaires chez les patients. La balance bénéfice/risque est une préoccupation permanente pour les médecins qui font du développement thérapeutique. Forts d’avoir découvert que le système immunitaire des patients pouvait, après la greffe de cellules souches, contrôler la leucémie, nous avons cherché à limiter les complications consécutives au traitement tout en en conservant les bénéfices. Éradiquant les premières, nous avons, hélas, perdu aussi les seconds. C’était les débuts de l’immunothérapie adoptive. Nous avons eu la chance à Marseille qu’une entreprise de biotechnologie, Immunotech, puisse nous fournir des anticorps monoclonaux à visée thérapeutique et des cytokines produites après par génie génétique – ces substances permettent de moduler les réactions immunitaires. J’ai donc beaucoup travaillé dans le domaine du médicament, en phase pré-clinique et clinique.

Mon parcours m’a conduit à travailler aux États-Unis, en étroite collaboration avec des équipes françaises et des firmes pharmaceutiques qui maîtrisaient la technique de clonage de ces produits. Je ne vous détaillerai pas tout ce que nous avons fait durant ces années. Sachez seulement que nous avons eu plus d’échecs que de réussites, de quoi il faut tirer une leçon : les découvertes les plus enthousiasmantes sur le plan théorique, aux résultats parfois très encourageants aux tous débuts, ne trouvent pas toujours d’application thérapeutique efficace sur le long terme. S’ils n’ont pas permis beaucoup de guérisons, les travaux de mes équipes ont pu contribuer à certains succès et surtout fait stopper des traitements inutiles. C’est un devoir que de savoir s’arrêter à temps, avant que l’utilisation de certains produits ou techniques ne soit généralisée dans le système de santé. La décision est parfois difficile à prendre car il n’est pas de conflits d’intérêts que financiers : le chercheur est intéressé à démontrer l’efficacité de sa découverte, le médecin cherche à guérir son malade.

Des années plus tard, des travaux ayant montré que, dans le cas du cancer, la présence de certains gènes de susceptibilité rendait totalement inefficaces certains traitements, j’ai recherché les moyens de prédire chez quels patients ils pouvaient au contraire agir. Cela permet d’éviter d’administrer des traitements lourds, inutiles chez 90 % des malades, et de se concentrer sur leur utilisation chez les 10 % chez qui ils peuvent être efficaces.

J’ai aussi travaillé à nous adjoindre la collaboration de chercheurs en sciences sociales afin d’associer les patients à la compréhension et l’analyse du rapport bénéfice/risque des traitements qui pouvaient leur être proposés. Les patients savent quels risques ils sont prêts à encourir pour quels bénéfices. Cette confrontation a été particulièrement enrichissante.

En sus de cette carrière scientifique, j’ai également occupé des fonctions managériales. J’ai dirigé pendant seize ans le centre régional de lutte contre le cancer de Marseille, l’Institut Paoli-Calmettes, qui est le deuxième centre de traitement anti-cancéreux de France après l’Institut Gustave Roussy de Villejuif, tant en nombre de malades reçus que de chiffre d’affaires. Ce centre de prise en charge globale du cancer, alliant thérapeutique et recherche, doté d’un budget de 120 millions d’euros et où travaillent quelque 1 200 personnes, n’a jamais connu le moindre déficit.

Ma deuxième expérience de management a été à la tête de l’INCa, l’Institut national du cancer, principal opérateur de l’État en matière de coordination dans la lutte contre le cancer. Je préside l’établissement depuis septembre 2006.

J’ai toujours veillé au respect le plus strict de la déontologie et n’ai cessé de m’interroger sur le plan éthique, ayant été très tôt dans ma carrière confronté à des incertitudes autour de thérapies innovantes, comme certaines greffes, fort heureusement désormais encadrées par la loi. J’ai remis en 1995 au ministre de la santé de l’époque un rapport sur la thérapie cellulaire, qui a inspiré plusieurs mesures législatives, dont certaines sont toujours en vigueur et placent la France plutôt à l’avant-garde en ce domaine.

Pour ce qui est d’éventuels conflits d’intérêts, j’ai remis, en toute transparence, au secrétariat de votre Commission une liste détaillée de tous mes liens d’intérêt. Je n’ai pas actuellement de liens avec l’industrie pharmaceutique : j’en ai eu de nombreux par le passé, liés à des travaux académiques. J’ai perçu des honoraires pour des prestations de conseil, lesquelles ont d’ailleurs le plus souvent débouché sur des recommandations d’arrêt du développement de certains médicaments ou thérapies.

Qu’est-ce qui me pousse à accepter de prendre la tête de l’AFSSAPS dans la tourmente actuelle ? Tout d’abord, traiter de sécurité thérapeutique, c’est traiter de santé et de relation bénéfice/risque, domaines qui ne me sont pas étrangers. Ensuite, je demeure persuadé que cette agence et la politique française du médicament sont exemplaires sur le plan international. Qui est exemplaire est aussi exposé. Nous traversons actuellement une crise sans précédent, que je ne commenterai pas, liée à un médicament et un laboratoire précis, mais comportant des composantes systémiques qu’il sera de ma responsabilité future, si je suis nommé, d’analyser afin que plus jamais un tel drame ne se reproduise. Vos propres travaux sur cette crise me seront à cet égard précieux.

Le contexte a évolué. La tension est aujourd’hui croissante pour ce qui est du rapport bénéfice/risque des produits de santé. La validité de l’expertise scientifique est souvent remise en cause, de manière parfois légitime, parfois infondée. La communauté scientifique et sans doute certains décideurs, comme s’ils étaient autistes, ne perçoivent pas les signaux d’alerte encore faibles, pourtant essentiels. La démocratie sanitaire est insuffisante – ce n’est pas à des parlementaires que j’expliquerai ni la valeur de la démocratie ni l’extrême difficulté de l’exercer. Les patients, les associations, l’ensemble des parties prenantes doivent jouer un plus grand rôle : des regards neufs, croisés, apporteront beaucoup. Une suspicion s’est fait jour sur des conflits d’intérêts financiers, dont le résultat a été une perte de confiance. Ma première mission à la tête de l’AFSSAPS serait de rétablir la confiance, de redonner respectabilité et fierté à une agence qui, pour avoir parfois failli, n’en demeure pas moins exemplaire et doit retrouver sa performance. Puisse cette crise conduire vers de nouvelles valeurs et mener à de nouvelles réalisations qui permettent de progresser sans s’obnubiler sur le passé. C’est en tout cas dans cet esprit que je suis candidat.

La tâche principale de l’AFSSAPS est d’évaluer le rapport bénéfice/risque pour des produits de santé distribués dans toute la population. L’affaire du Mediator vient rappeler que si les bénéfices sont pour les patients, les risques aussi hélas. La prudence doit donc demeurer une règle élémentaire, comme toujours en médecine. La balance bénéfice/risque n’est pas statique : ce qui pouvait être vrai à un moment donné peut ne plus l’être cinq ans plus tard. Il faut accepter de la réévaluer en permanence, quelle qu’en soit la difficulté sur le plan pratique, formel, intellectuel et juridique. Les connaissances évoluent, des produits concurrents se développent. D’une manière générale, plus les bénéfices sont faibles, par exemple lorsqu’ils ne sont plus que marginaux pour l’ensemble de la population, plus les risques sont importants. L’Agence doit prendre à temps les décisions nécessaires pour les prévenir.

Notre expertise devrait aussi être plus pro-active et plus anticipatrice. Lorsqu’on s’est intéressé à un produit par avance, on est mieux à même d’anticiper l’évolution du rapport bénéfice/risque et de prendre les décisions les plus appropriées.

Notre expertise en matière d’autorisation de mise sur le marché (AMM) doit être factuelle et se fonder sur des références mondiales. Notre rôle, très important notamment au niveau européen, est aussi de contribuer à faire évoluer les règles mondiales de l’évaluation qu’appellent les nouvelles thérapeutiques. L’une des faiblesses de notre système actuel, dont je ne peux vous garantir que je parviendrai à y remédier mais j’aimerais beaucoup que vous m’y aidiez, est le suivi post-AMM, pourtant capital. Le rapport bénéfice/risque est évalué en toute objectivité lors de la demande d’AMM mais ce qui s’est révélé vrai chez mille malades peut ne plus l’être chez dix mille. En outre, ce rapport est évalué pour une indication donnée : or, la moitié environ des médicaments se développent en-dehors de leur AMM. Ce travers n’est pas propre à la France – c’est ce qu’on appelle aux Etats-Unis le off label use, dont la Food and Drug Administration (FDA) ne répond pas. Il faut impliquer les firmes dans ce suivi post-AMM, ce qui implique, soit dit au passage, de changer de vision économique. N’attendons pas des signaux d’alerte graves. Dès lors qu’un médicament commence d’être largement prescrit hors AMM, les risques potentiels sont presque inévitablement supérieurs aux bénéfices car rien n’avait préalablement établi qu’on pouvait escompter des bénéfices. C’est là tout un champ à explorer. Vous vous y êtes déjà impliqués. C’est ainsi que nous moderniserons notre système de sécurité des produits de santé.

Le Parlement s’apprête à légiférer sur la prévention des conflits d’intérêts, il faut s’en réjouir. Il lui revient de déterminer quel sera, pour les médecins et pour les firmes, le système déclaratif le plus clair et le plus transparent. Il n’y a pas de problème à percevoir des honoraires d’un laboratoire : l’important est que cela se sache. Espérons que la future loi sera aussi rigoureuse que le Physician Payment Sunshine Act de la réforme de la santé aux États-Unis. De cette totale transparence dépendent à la fois l’honneur de l’industrie pharmaceutique et la confiance de la population. Toute zone d’ombre ne peut que saper cette confiance.

Il faudra renforcer la collégialité des décisions et multiplier les regards croisés. Les collèges d’experts ne devraient pas rassembler des spécialistes d’un seul domaine. Je serais heureux par exemple que des cardiologues soient appelés à donner leur avis aussi en cancérologie.

Il faudra également renforcer le caractère contradictoire des expertises, notamment en associant les patients et les associations. Pour l’avoir vu pratiquer de manière courante outre-Atlantique et l’avoir expérimentée dans mon institution, je puis témoigner qu’il y a tout à gagner à cette confrontation des parties prenantes.

Le benchmarking doit être une autre préoccupation constante. Nous ne pouvons pas faire abstraction de ce qui se passe dans le reste du monde. Si un produit n’est utilisé qu’en France, comment ne pas s’interroger ? S’il présente vraiment un intérêt exceptionnel, il nous revient de convaincre les autres pays de ne pas se priver de ses bénéfices. S’ils s’y refusent obstinément, demandons-nous pourquoi il n’y aurait qu’en France qu’il serait si extraordinaire. Ayons l’esprit plus ouvert sur le reste du monde.

Il faut promouvoir une véritable culture du suivi et de l’évaluation. Il sera long et difficile de faire changer les mentalités. Mon rôle sera d’essayer, avec votre soutien, d’accompagner les acteurs dans toutes les étapes de ce changement indispensable.

Il faut aussi mieux faire comprendre à l’ensemble de nos concitoyens, y compris au corps médical, ce qu’est le rapport bénéfice/risque et que les bénéfices d’un jour peuvent ne pas se retrouver dans le temps. Cette balance doit être en permanence réévaluée, en-dehors de toute crise et hors des passions. Cela n’a d’autre nom que le progrès.

Je m’efforcerai aussi, avec votre soutien, de favoriser les déclarations d’incidents. En effet, comment expertiser valablement sans informations ? Incitons les patients et les prescripteurs eux-mêmes à faire état des effets indésirables qu’ils ont pu constater. Combien de fois un praticien n’a-t-il pas décidé dans son for intérieur de ne plus jamais prescrire un médicament car il a eu connaissance d’un cas étrange sans toutefois n’avoir rien déclaré à quiconque ! Ces déclarations sont aujourd’hui compliquées. On se sent quelque peu coupable de les faire et on s’inquiète de leur traçabilité. Les faciliter et y encourager, sans qu’on tombe à chaque fois dans le drame, participe de la démocratie sanitaire.

Si notre système de pharmacovigilance doit s’améliorer, il nous faut également surveiller des signaux extra-pharmacologiques. Sans tomber dans la paranoïa, efforçons-nous d’en capter le plus possible. Comme je le disais, qu’un produit ne soit distribué qu’en France devrait alerter. Il en va de même si plusieurs agences de notation internationales reconnues estiment que le service médical rendu (SMR) d’un médicament est faible ou nul. Il arrive certes qu’elles se trompent, mais nous ne pouvons rester indifférents à leurs avis.

Même si elle a pu faillir, l’AFSSAPS demeure brillante. Il n’en reste pas moins qu’elle a perdu en anticipation. Si le savoir n’est plus que du côté des industriels ou de leurs consultants, l’Agence, passive, ne peut plus assurer la police du médicament à partir des critères les plus pertinents. N’ayons pas peur des connaissances accumulées par les industriels, accompagnons-les, comme le fait la FDA aux États-Unis. Attachons-nous à la veille scientifique et soyons plus pro-actifs en matière de recherche.

Notre système de santé doit aussi donner la préférence à ce qui est le plus utile. Vingt mille médicaments sont commercialisés, le marché du médicament est libre et les Français, on le sait sans en connaître vraiment la raison, consomment plus de médicaments que d’autres. Il faut être clair : qu’un médicament ait reçu une AMM, soit commercialisé, éventuellement en vente libre, ne signifie pas qu’il doit obligatoirement être utilisé. Les risques sont énormes si on laisse des médicaments sans utilité sous prescription. Quand des médicaments, c’est-à-dire des principes actifs, sont en vente libre, il faut les gérer d’une autre façon. L’une des richesses de notre système de santé est que la population a très largement et de manière équitable accès aux biens de santé. L’accès au marché est également équitable pour les fabricants, c’est l’une des clés de la réussite de notre système. Ne transformons pas ces atouts en faiblesses.

Ce qui se passe en France est très regardé dans le monde. Notre dispositif de régulation du médicament est jusqu’à présent demeuré un modèle. Il a notamment largement inspiré la réforme de la santé aux Etats-Unis. Si je suis nommé à la tête de l’AFSSAPS, je n’ai pas l’intention de mettre à bas un système qui ne fonctionne pas si mal, mais au contraire d’en soutenir les valeurs, de le moderniser, d’en corriger les dysfonctionnements et de le rendre encore plus efficace. C’est dans cette stratégie d’action que je m’inscris.

Je m’engage à la transparence, au débat, et à l’information. Le langage des experts est trop abstrait et incompréhensible. Il est très difficile de comprendre, à la consultation du site Internet de l’AFSSAPS mais aussi de l’Agence européenne du médicament, l’EMA (European Medicine Agency), ce qu’est un bon médicament et d’identifier ses dangers. Mon devoir sera de rendre l’information plus transparente pour nos concitoyens comme pour les prescripteurs, pour lesquels formation et information vont de pair.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je vous remercie et donne immédiatement la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent vous interroger.

M. Jean-Pierre Door.  Je vous remercie à mon tour, monsieur Maraninchi, de votre présentation. Vos compétences sont avérées et votre réputation n’est plus à faire, alors que vous dirigez l’INCa depuis cinq ans.

Si l’AFSSAPS demeure un modèle sur le plan international, l’affaire du Mediator a, hélas, mis en évidence certains dysfonctionnements : le rapport de l’IGAS a pointé une double difficulté de transmission, d’une part entre les diverses commissions de l’Agence et sa direction, d’autre part entre cette direction et le ministère. En tant que rapporteur de la mission d’information de l'Assemblée nationale sur le Mediator et la pharmacovigilance, présidée par notre collègue Gérard Bapt, je m’interroge sur les moyens d’améliorer la gouvernance de l’Agence. Comment mieux coordonner le travail de ses différentes commissions ? Quelle est la place exacte de l’AFSSAPS par rapport à la Haute autorité de santé (HAS) ? Un rapprochement est-il envisageable ? Serait-il préférable que l’Agence ne soit plus un établissement public ? Y a-t-il, comme certains le disent, trop d’agences sanitaires en France, ce qui nuirait à leur bonne efficacité ?

Vous avez insisté sur la nécessité d’un suivi en aval de l’AMM. Il a fait cruellement défaut dans l’affaire du Mediator, alors qu’il devrait être au cœur de notre système de sécurité sanitaire.

Mme Catherine Lemorton. Vous avez évoqué, professeur, plusieurs pistes très intéressantes sur le suivi post-AMM. Une autre piste consisterait à se pencher sur les autorisations temporaires d’utilisation qui sont aujourd’hui détournées par les laboratoires pour éviter d’avoir à mener les études nécessaires à l’obtention d’une AMM.

Vous avez souligné la nécessité d’une expertise contradictoire. Que pensez-vous de la proposition, que le groupe socialiste formule de manière récurrente, de rendre obligatoires les essais « contre comparateur » avant qu’un médicament n’obtienne son AMM et ne soit classé comme « nouveauté » ?

Lors de son audition hier par la mission d’information sur le Mediator, le ministre de la santé a indiqué que la longévité à certains postes était de nature à créer des féodalités et nuisait au caractère contradictoire de l’expertise. M. Tabuteau, auditionné par la mission d’information sur les agences sanitaires, avait lui aussi pointé ce problème. Partagez-vous cet avis ?

Que pensez-vous de la façon dont a été littéralement jetée en pâture à l’opinion publique, pas seulement aux professionnels de santé, une liste de 77 médicaments dits sous surveillance, qui a suscité de très vives inquiétudes sur le terrain ? Directeur général de l’Agence, qu’auriez-vous fait si on vous avait demandé de publier ainsi cette liste ?

Ma dernière question n’a rien de polémique et je vous remercie d’avance de n’y voir aucun procès d’intention. Lorsqu’on parle de conflits d’intérêts, on pense toujours aux liens financiers, mais ce ne sont pas les seuls possibles. Pourriez-vous nous indiquer pour quels laboratoires vous avez testé de nouveaux médicaments anti-cancéreux ?

M. Jean-Luc Préel. Vous avez, monsieur le professeur, considérablement amélioré le fonctionnement de l’INCa. Dans quel état d’esprit quittez-vous cet établissement ? Pensez-vous avoir achevé votre mission à sa tête ? Ne vous chagrine-t-il pas de l’abandonner, alors qu’il reste tant à faire en matière de lutte contre le cancer, qui a été le combat de toute votre vie professionnelle ? Ne voyez aucune arrière-pensée désagréable dans ces questions.

Comment envisagez-vous les relations entre le Gouvernement et les agences sanitaires, créées après les affaires du sang contaminé et de la vache folle, afin de garantir l’autonomie de l’expertise ? Quelle autonomie pour l’AFSSAPS ?

Seriez-vous favorable à une agence unique du médicament qui aurait la responsabilité de l’ensemble de la chaîne, alors qu’aujourd’hui plusieurs commissions dans plusieurs instances sont amenées à en traiter – commission de la transparence de la Haute autorité de santé, comité économique des produits de santé, AFSSAPS… ?

Pensez-vous que les études post-AMM devraient être obligatoires et même que l’on devrait retirer l’AMM des produits n’ayant pas fait l’objet  de telles études ?

Premier directeur général en 1993 de ce qui s’appelait alors l’Agence du médicament, Didier Tabuteau avait formulé d’intéressantes propositions pour éviter les conflits d’intérêts, qui n’ont, hélas, pas été appliquées. Comment faire pour qu’elles le soient ? Par ailleurs, il existe d’autres conflits d’intérêts que financiers. Comment les prévenir eux aussi et éviter par exemple que ne soient préjudiciables les relations passionnelles, d’amour ou de haine, qui existent souvent entre équipes dans le domaine médical ?

Comment renforcer le dispositif de pharmacovigilance et notamment améliorer la transmission des signaux d’alerte faibles ? Comment alléger et simplifier la procédure de déclaration d’incidents afin que les médecins et les pharmaciens soient moins réticents qu’aujourd’hui à remplir le dossier ? Enfin, comment protéger les déclarants ? C’est essentiel quand on sait les problèmes qu’a rencontrés le docteur Irène Frachon.

Enfin, comment envisagez-vous les relations entre l’AFSSAPS et l’Agence européenne du médicament ?

M. Jean Leonetti. Pour avoir la chance de connaître Dominique Maraninchi depuis longtemps, je sais ses qualités morales et scientifiques. J’approuve les pistes qu’il vient d’ouvrir devant nous.

Comment assurer une parfaite transparence dans une démocratie sanitaire ? Comment signaler qu’un médicament fait l’objet d’une surveillance sans que cela soit immédiatement interprété comme le fait qu’il présente un risque, considéré d’emblée comme avéré ? Comment faire pour que la vigilance indispensable ne se transforme pas en suspicion et n’aboutisse pas à retirer du marché des médicaments utiles, application abusive du principe de précaution oblige ?

Dès lors que la plupart des médicaments qui figurent dans le Vidal sont inutiles et que, comme vous l’avez souligné, le risque augmente de manière inversement proportionnelle à l’utilité, un toilettage de l’ensemble de la pharmacopée ne s’impose-t-il pas, pour retirer notamment les médicaments qui, s’ils n’ont d’effet que placebo, peuvent néanmoins présenter un risque minime ?

M. Maxime Gremetz. J’ai longtemps pensé qu’un médicament était un produit dont l’utilité avait été évaluée et prouvée avant qu’il ne soit mis sur le marché, et que tous les médicaments étaient utiles. Quelle naïveté ! Il a été un jour décidé que tous n’avaient pas la même valeur et qu’ils seraient remboursés différemment en fonction du service qu’ils rendaient – cette décision a certes été motivée pour des raisons davantage financières que médicales, je suis d’autant plus à l’aise pour en parler que c’est un gouvernement de gauche qui l’a prise et que je ne l’ai pas soutenue. Pour moi, un médicament sans utilité ne devrait pas être commercialisé. Je ne comprends pas la notion de « médicament de confort » et je pense que si cette catégorie n’existait pas, bien des problèmes seraient réglés.

Comment le profane comme moi pourrait-il s’y retrouver parmi la multitude des agences sanitaires ? Il faudrait connaître le rôle exact de chacune. Leur langage aussi devrait être compréhensible par tous. Quoi qu’il en soit, si quantité rimait avec efficacité, jamais un drame comme celui du Mediator n’aurait dû arriver.

Dès lors que ce sont les laboratoires eux-mêmes qui financent les études sur tel ou tel de leur médicament et en présentent les résultats, comment s’étonner de ce qui est arrivé ? Il fallait écouler du Mediator comme il avait fallu, dans le domaine industriel, écouler de l’amiante – peu importe les catastrophes sanitaires qui s’ensuivraient ! Au lieu qu’un doute sur la dangerosité d’un produit n’amène à le retirer du marché, au contraire, ce doute lui profite et permet qu’il continue à être diffusé. On a inversé le principe de précaution.

Enfin, ne serait-il pas grand temps que l’évaluation des médicaments soit indépendante des laboratoires pharmaceutiques ? Cette indépendance est indispensable si on ne veut plus, comme cela vient d’être fait, que soit un jour jetée en pâture à l’opinion, qui s’en alarme, une liste de 77 médicaments dits « sous surveillance » et que se reproduise un scandale comme celui du Mediator, que je tiens pour un crime contre l’humanité – puisqu’il y a eu mort d’hommes.

M. Dominique Maraninchi. Je répondrai d’abord sur la gouvernance des agences. Comment prendre des décisions pertinentes sans disposer d’informations ? Voilà le vrai sujet. Une agence unique qui saurait tout, tel Big Brother, serait-elle préférable ? Il ne m’appartient pas de me prononcer sur le sujet mais on sait les risques qu’au sein d’une structure tentaculaire, sous quelque autorité qu’elle soit placée, les transmissions ne se fassent pas. Le système actuel est perfectible. Attachons-nous à l’améliorer. L’AFSSAPS évalue le rapport bénéfices/risques des médicaments selon des règles mondiales. Ce benchmarking doit être une préoccupation constante. Notre pays doit rester à l’avant-garde comme il l’a été avec la création de l’Agence du médicament. Nous devons renforcer notre place en Europe et entretenir des liens beaucoup plus étroits avec la FDA américaine. Évaluer en amont et en aval de l’AMM, rendre l’évaluation plus démocratique, ce qui signifie contradiction, regards croisés, transparence, remises en question permanentes : voilà notre tâche. S’il importe que nous conservions notre indépendance, nous n’aurons pas les moyens de tout faire seuls. Confrontons notre vision et notre approche à celles d’autres pays. Cela nous gardera d’ailleurs de la partialité.

La vraie question n’est pas de savoir comment doit se situer la Haute autorité de santé par rapport à l’AFSSAPS mais si ce sont les mêmes experts qui procèdent aux évaluations. C’est le plus souvent le cas.

Faut-il systématiquement exiger des essais « avec comparateur » ? Tout dépend des cas. On compare, et il le faut, deux produits de consommation courante, mais lorsqu’on a affaire à un traitement du sida et qu’il n’en existait aucun auparavant, aucune comparaison n’est possible. Ce traitement n’en doit pas moins être essayé. Si nous devons nous fonder sur des critères scientifiques, des considérations d’ordre social ou sociétal peuvent intervenir. On peut être amené à s’interroger sur le bénéfice, non pas individuel, mais collectif, d’une démarche thérapeutique, ce qui suppose des arbitrages à la clé. Pour avoir fait beaucoup de recherche thérapeutique en cancérologie, je sais que la notion de comparateur n’est pas exempte de critiques car, à comparer même un mauvais traitement à pas de traitement du tout, on peut identifier un bénéfice. Il faut que les agences revoient la notion de bénéfice et que cette révolution s’effectue au niveau mondial. C’est important pour la démocratie sanitaire mais aussi pour adresser un signal aux industriels du médicament. Prenons l’exemple d’une firme qui engage une centaine de millions de dollars pour développer un médicament. Si au bout de plusieurs années de recherche-développement, les règles du jeu que lui avaient initialement données les agences changent, tant pis éventuellement pour les sommes qu’elle a dépensées mais quid des milliers de malades qui auront été inclus dans des essais cliniques dont personne ne tiendra compte ? Les agences ont la responsabilité à l’échelle mondiale de travailler sur les critères d’évaluation des médicaments dans chaque contexte.

Oui à l’autonomie des différentes agences, à condition que leur action soit coordonnée et qu’aucune ne soit autiste. L’AFSSAPS doit tenir compte des évaluations de la HAS pour apprécier le rapport bénéfice/risque au fil du temps, qui peut différer de celui déterminé en amont de l’AMM sur la base de critères mondiaux, pouvant prendre en compte certains impacts sociétaux. Dans la surveillance post-AMM, il faut d’autant moins hésiter à dire qu’un bénéfice est faible que le risque est alors élevé.

Quels sont les médicaments à surveiller ? Tous, répondrai-je, et ce n’est pas là vouloir terroriser. Il est au contraire rassurant pour la population de savoir que les produits de santé font l’objet d’une étroite surveillance et que leur rapport bénéfice/risque est périodiquement réévalué. Bien sûr, si un médicament utilisé depuis des années se trouve du jour au lendemain inscrit sur une liste de produits à surveiller, cela bouleverse les habitudes et peut inquiéter, mais il suffit d’expliquer qu’à l’échelle de toute une population, des risques ont été repérés et qu’il est inutile de s’exposer davantage. Qui ne le comprendrait ? C’est toute la différence entre risque individuel et risque collectif.

Une question récurrente est de savoir comment une AMM a pu être octroyée à des médicaments peu utiles, de surcroît désormais moins bien remboursés du fait de ce service médical rendu faible. Je pense, pour ma part, qu’il est préférable de dissocier l’évaluation de l’utilité d’un médicament de la fixation de son taux de remboursement comme de son suivi ultérieur. Mais il appartient aux politiques de trancher à ce sujet et je suivrai leurs décisions.

Il faudrait lever un malentendu avec nos concitoyens : la majorité d’entre eux considère que tous les produits de santé, même sans utilité, devraient être remboursés. Or, tous n’ont pas à l’être. Que certains soient en vente libre et non remboursés n’empêche pas que l’AFSSAPS doive les surveiller.

Le Vidal comporterait beaucoup de spécialités inutiles. Faut-il s’en alarmer ? Non, car nul n’est obligé de les acheter, fussent-elles en vente libre. En revanche, si elles présentent le moindre danger, il faut les supprimer. Nous aurons à faire collectivement un travail de toilettage. N’oublions pas qu’il y a quelques années, nos concitoyens descendaient dans la rue quand on diminuait de 10 % le taux de remboursement d’un produit peu utile mais qu’ils étaient habitués à prendre. La crise actuelle devrait être l’occasion d’un meilleur dialogue avec eux sur la notion d’utilité. Espérons qu’elle leur permette de mieux percevoir que tout argent gaspillé pour des médicaments inutiles, c’est autant de moins dont on dispose pour des traitements utiles, parfois vitaux et très onéreux.

L’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) est un autre sujet complexe sur lequel nous aurons à prendre position. Ce mode d’accès compassionnel à des médicaments ne disposant pas d’AMM est l’une des spécificités et des richesses du système de santé français, unique au monde. Il incombe aux laboratoires d’assumer le coût de cette compassion, sous le contrôle de l’AFSSAPS. Si cela était remboursé par la solidarité nationale et que les laboratoires ne mènent pas d’essais cliniques pour solliciter une AMM, cela équivaudrait à un enregistrement « bis » qui n’est bien sûr pas souhaitable. Ce mode d’accès compassionnel doit aller de pair avec davantage de recherche et d’essais cliniques financés par les industriels.

S’agissant de la longévité des experts à leur poste, on ne peut pas être expert à vie en un seul domaine. Précisément parce que j’ai fait de la cancérologie tout au long de ma carrière, je revendique d’avoir un regard plus neutre dans d’autres domaines. Il faut varier et croiser les regards. Les experts doivent savoir écouter les non-experts et se départir de leur jargon pour s’en faire comprendre. Il faut à la fin d’une expertise être capable de produire une synthèse claire, pointant les bénéfices et les risques – il y a toujours des deux – et exposant pourquoi finalement la balance penche de tel ou tel côté. Cela peut parfaitement être expliqué de manière compréhensible de tous. Je m’y engage si je suis nommé à la tête de l’AFSSAPS
– au risque qu’on puisse nous accuser parfois de simplisme. Il n’est plus tolérable que le travail des experts ne soit pas compris de la population. Nous avons le devoir de le rendre lisible. C’est une des raisons pour lesquelles la FDA a imposé la présence de patients dans les commissions d’expertise. Ces patients sont protégés, ont reçu une formation ad hoc et ne sont jamais des « permanents » de l’expertise, pour éviter tout risque de lobbying. Leur présence oblige les experts à être clairs.

Cela étant, gardons-nous des excès. Si les experts font l’objet de trop d’attaques du genre « tous pourris », le risque est, alors même qu’il n’y en a pas beaucoup, qu’on en trouve encore moins. Et il serait dangereux, tout particulièrement dans le domaine du médicament, de n’avoir affaire qu’à des experts non-spécialistes. Il faut donc protéger les experts, leur redonner dignité et respectabilité, les rémunérer correctement sur fonds publics pour le service public qu’ils rendent. Ils ne peuvent travailler bénévolement tout en se faisant humilier et accuser de collusion ou de corruption – que nous devons bien entendu traquer.

Suis-je indifférent à l’idée de quitter mes fonctions à la tête de l’INCa ? Bien sûr que non. Le ministre de la santé m’a assuré que mon départ ne remettrait absolument pas en question l’activité ni les missions de l’Institut et qu’il n’y aurait aucune rupture. C’était l’important pour moi. Aujourd’hui, je tourne la page du cancer pour celle de la sécurité thérapeutique.

J’en viens à la coordination. Nous avons réussi à l’INCa à faire se parler des acteurs qui s’ignoraient et travaillaient chacun dans leur coin. Je ne peux pas imaginer que l’AFSSAPS ne se coordonne pas avec la HAS, ne soit pas pro-active vis-à-vis de l’European Medecines Agency (EMA) et n’informe pas le Gouvernement. Comment celui-ci pourrait-il décider s’il ne dispose pas de toutes les informations nécessaires ? Notre rôle est de lui présenter une synthèse d’informations provenant de sources diverses.

Il est bon que les agences sanitaires soient indépendantes mais sans coordination, la catastrophe est assurée. Il faut donc les y obliger. Si les informations sont transmises en toute transparence et en langage compréhensible de tous, non seulement au Gouvernement mais aussi aux élus et à la population, un grand pas aura été fait dans la démocratie sanitaire. Il est terrible que le Gouvernement n’ait pas été informé dans l’affaire du Mediator, mais selon toute vraisemblance, le directeur de l’AFSSAPS ne l’avait pas été non plus !

Mme Marie-Christine Dalloz. J’apprécie que vous ayez mis l’accent sur la nécessité de prévenir les conflits d’intérêts et parlé d’éthique, sujet trop souvent passé sous silence. Vous avez eu raison de dénoncer la faiblesse du suivi en aval de l’AMM. Comment assurer ce contrôle permanent ? Vous avez également insisté sur la nécessité d’une veille scientifique. Comment l’exercer en partenariat avec la Haute autorité de santé pour une collaboration la plus fructueuse possible ?

M. Jacques Domergue. Lors de son audition hier, le ministre de la santé nous a dit qu’il fallait à la tête de l’AFSSAPS, une autorité scientifique et morale. Vous possédez, professeur, ces deux qualités, comme vous en avez fait la preuve à l’INCa, et êtes la personne idoine pour occuper ce poste.

Pour détecter les signaux d’alerte faibles, vous paraîtrait-il envisageable de mettre en place à l’AFSSAPS un dispositif analogue à Tracfin dans le domaine financier, cellule chargée de repérer les mouvements suspects ?

Si quelque 70 % des patients se méfieraient des médicaments, ils seraient en revanche 80 % à faire confiance à leur médecin. L’AFSSAPS ciblera-t-elle plutôt dans ses messages la population ou les prescripteurs ?

M. Bernard Perrut. Les médicaments ne sont aujourd’hui commercialisés qu’après obtention d’une AMM, au terme d’une procédure très stricte, européenne et nationale. Cela n’empêche pas que des produits ayant été autorisés puissent provoquer des effets indésirables gravissimes, comme on l’a vu dans l’affaire du Mediator. Comment la pharmacovigilance est-elle précisément organisée sur l’ensemble du territoire ? Comment se fait le lien entre les différents centres régionaux, les médecins et les patients ? Le fonctionnement actuel vous paraît-il adapté ? Comment le réformeriez-vous ?

Le site Internet de l’AFSSAPS est très riche mais peu lisible pour le citoyen lambda, profane en sécurité sanitaire. Ne faudrait-il pas faire un effort de communication pour le rendre accessible à tous ?

Quels liens entretient l’AFSSAPS avec les associations de patients et de consommateurs ? Celles-ci sont-elles reconnues au sein de l’Agence comme elles le sont dans les établissements de santé ? Ont-elles des possibilités de recours ?

M. Gérard Bapt. Je vous connais depuis longtemps, professeur, ayant eu l’occasion de vous rencontrer à l’Institut Paoli-Calmettes lors du premier plan Cancer lancé par le président Chirac, puis lorsque vous êtes venu remettre de l’ordre à l’INCa, menacé d’implosion.

Vous acceptez aujourd’hui une très lourde responsabilité en prenant la tête de l’AFSSAPS alors qu’elle est ébranlée par une très grave crise. Soyez assurés que nous serons à vos côtés dans votre tâche. Il vous faudra remettre l’Agence en ordre de marche. Vous êtes nommé pour trois ans. Quel devrait être à votre avis la durée maximale d’un mandat à la tête d’un tel organisme ? L’IGAS a dit dans son rapport que certains avaient occupé certaines fonctions trop longtemps… Il est vrai par exemple que les relations entre l’AFSSAPS et l’Agence européenne ont été pendant plus de vingt ans monopolisées par quatre personnes : M. Alexandre, aujourd’hui en retraite, M. Abadie, Mme Castot et Mme Kreft-Jaïs. Était-ce sain ?

Il se trouve que j’ai reçu hier une association de patients atteints de myofasciite à macrophages qui s’était adressée à l’AFSSAPS en 2003, les sels d’aluminium utilisés comme adjuvants dans certains vaccins étant suspectés dans la survenue de cette pathologie. L’Agence avait alors demandé une étude à une équipe de Bordeaux, laquelle avait conclu à la nécessité d’investigations complémentaires. Tout s’est hélas arrêté dès l’année suivante, après intervention du conseil scientifique de l’Agence. Les malades dénoncent aujourd’hui le fait que la majorité des membres de ce conseil, dont les trois rapporteurs, avaient des conflits d’intérêts avec des fabricants de vaccins. Dans un cas comme celui-ci, vous allez être de suite placé au pied du mur pour restaurer la confiance avec les patients !

M. Paul Jeanneteau. Le contexte a profondément évolué. Tout d’abord, les principes actifs des médicaments sont de plus en plus puissants, si bien que la frontière entre dose efficace et dose toxique est de plus en plus ténue, ce qui rend encore plus difficile d’évaluer le rapport bénéfice/risque. Ensuite, nos concitoyens, il faut s’en réjouir, sont de mieux en mieux informés et de plus en plus vigilants mais il arrive aussi que leur information, notamment celle qu’ils ont pu recueillir sur Internet, soit de mauvaise qualité et, livrée brute à des personnes sans une formation scientifique minimale, ait des effets dévastateurs. Enfin, l’affaire du Mediator, après d’autres scandales de santé publique, a créé un climat de suspicion, pis de défiance, vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique et des médicaments, pourtant à l’origine d’avancées exceptionnelles en matière de santé publique. Votre stratégie sera d’action, avez-vous dit. Comment comptez-vous vous y prendre pour détecter les signaux d’alerte faibles et améliorer notre système de pharmacovigilance ?

M. Dominique Dord. Le marché du médicament est mondial mais la crise actuelle que nous traversons avec la dramatique affaire du Mediator est franco-française. Les 77 médicaments sous surveillance de la fameuse liste sont-ils autorisés dans d’autres pays ? Si oui, comment y réagissent les autorités ? Sinon, sur quels critères y a-t-on refusé leur autorisation et comment expliquez-vous qu’ils aient pu être autorisés en France ? Pourquoi ne pas tout simplement nous inspirer de ce qui se fait à l’étranger, même si nous aimons à penser que notre système de sécurité sanitaire est le meilleur du monde ? Des comparaisons internationales ne sont jamais inintéressantes.

Mme Pascale Gruny. Vous avez dit souhaiter plus de transparence et de coordination avec l’Agence européenne du médicament. Pour ma part, je me demande naïvement comment un médicament interdit en Belgique depuis quinze ans a pu continuer d’être commercialisé en France pendant tout ce temps.

Quel regard portez-vous sur les achats de médicaments que certains de nos concitoyens font de plus en plus couramment sur Internet ?

M. Rémi Delatte. L’ambition que vous affichez pour moderniser l’AFSSAPS est rassurante et de bon augure pour que soit restaurée la confiance.

Vous avez dit souhaiter faciliter les déclarations d’incidents de pharmacovigilance, notamment en allégeant la procédure. Sa complexité décourage en effet les praticiens. Envisagez-vous d’encourager également les déclarations par les patients eux-mêmes ? Si oui, comment ? Prévoyez-vous aussi de les protéger, comme vous avez indiqué vouloir le faire pour les praticiens ?

M. Pierre Morange. Quelle est la place exacte de l’AFSSAPS au sein du dispositif européen d’évaluation des médicaments, les trois quarts des dossiers étant désormais examinés à ce niveau ? Il est d’autant plus important de le savoir qu’un transfert de ressources humaines vers le site britannique serait, paraît-il, programmé.

Vous êtes, à juste titre, très attaché à la transparence et à l’information. Vous engagez-vous à vérifier scrupuleusement le respect des dispositions du code des marchés publics, notamment les mises en concurrence, dans tous les achats et tous les engagements financiers de l’Agence, et à en rendre compte au Parlement, notamment à la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale que j’ai l’honneur de coprésider avec notre collègue Jean Mallot ?

Mme Catherine Génisson. Pourriez-vous nous décrire plus précisément la méthodologie que vous comptez employer pour exploiter les signaux d’alerte faibles et mieux assurer le suivi post-AMM ? C’est essentiel, de même que d’accorder une plus grande place aux usagers. Enfin, comment pensez-vous, dans le cas d’un produit faisant l’objet d’une alerte sans être pour autant retiré du marché, assurer la transparence tout en évitant que l’inquiétude ne l’emporte dans la population ?

M. Simon Renucci. Je tiens, professeur, à saluer votre parcours qui justifie pleinement que vous ayez été pressenti pour occuper la fonction de directeur général de l’AFSSAPS.

L’application du principe de précaution limite les risques qu’encourt tout consommateur d’un médicament puisque, substance active, celui-ci présente toujours une balance bénéfices/risques. Hélas, même parfaitement justifiée, elle entraîne paradoxalement une perte de confiance. Quelles mesures comptez-vous prendre dès votre prise de fonctions pour restaurer très vite la confiance que nos concitoyens ont besoin d’avoir dans les médicaments ? Il faut notamment les assurer que tous les produits actuellement sur le marché font l’objet d’une veille suffisante.

Par ailleurs, il me gêne qu’à la première crise, par manque de confiance et pessimisme sans doute, on jette la suspicion et le discrédit sur l’ensemble de l’AFSSAPS et de ses personnels. S’il y a eu un dysfonctionnement, il faut identifier lequel. Ce n’est pas l’ensemble de l’Agence qui a dysfonctionné.

M. Georges Colombier. Vous avez dit, professeur, que tous les médicaments devaient être surveillés. Il se trouve que l’année dernière j’ai dû être hospitalisé deux mois à la suite d’un accident dû à une pathologie musculaire provoquée – cela a été établi – par un médicament anti-cholestérol. Faut-il faire remonter un tel cas individuel auprès de l’AFSSAPS et comment faut-il alors procéder ? Il serait important que les prescripteurs expliquent bien à leurs patients que les médicaments servent certes à les soigner mais qu’ils ne peuvent pas être dénués de tout danger dans la mesure même où ils comportent un principe actif.

Mme Edwige Antier. Nul doute, on le sent déjà, que vous allez être sous pression, professeur, pour prendre des directives de précaution. Une liste de 77 médicaments sous surveillance a été très largement diffusée. Imaginez la situation des pédiatres ayant vacciné avec le vaccin Prevenar qui figure sur cette fameuse liste, alors qu’il avait été fortement recommandé par le ministère de la santé pour protéger de la méningite à pneumocoque ! La vaccination va connaître de nouveau un coup de frein car il est impossible pour un pédiatre de dire à des parents qu’un produit est sous surveillance mais qu’il va quand même l’administrer à leur bébé. C’est, hélas, une conséquence de la précaution à tout prix.

M. Vincent Descoeur. Comment garantir toute transparence sans susciter la méfiance, sinon la défiance chez les patients ?

Pensez-vous que l’AFSSAPS dispose des moyens suffisants pour mener à bien ses missions, en particulier de coordination avec ses homologues des autres pays européens et avec l’Agence européenne ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Notre collègue Maxime Gremetz, qui a été obligé de nous quitter, me prie de vous indiquer, professeur, que si notre commission était appelée à se prononcer sur votre nomination, ce qui n’est pas le cas, il y serait tout à fait favorable.

M. Dominique Maraninchi. Avant de répondre à la deuxième série de questions, un mot de mes liens avec l’industrie pharmaceutique, sur lesquels j’ai oublié de répondre tout à l’heure. J’ai remis une déclaration d’intérêts détaillée au secrétariat de votre Commission. Vous pouvez également la trouver sur Internet et je la tiens à disposition de ceux d’entre vous que cela intéresse. Je n’ai plus aucun lien d’intérêt depuis que j’occupe des fonctions publiques, c’est-à-dire 2002. J’ai exercé antérieurement des activités de consultant, d’ailleurs très modestes, pour l’industrie pharmaceutique, dans le champ de ma spécialité, notamment autour des biotechnologies. Je vous l’ai dit, mes conseils ont surtout débouché sur l’arrêt de certains développements, et j’en suis plutôt fier. J’ai également eu des liens avec certaines firmes pour évaluer de nouveaux médicaments dans le cadre de travaux académiques. Sur mes 297 publications, 60 concernent des produits pharmaceutiques, dont 27 ont fait l’objet d’un partenariat avec l’industrie. Dans le strict respect de la déontologie, j’ai toujours refusé de signer un article dont je n’assumais pas la totalité.  Je n’ai jamais perçu d’honoraires pour ces publications. J’ai bien sûr participé à des colloques ou des congrès financés par l’industrie pharmaceutique – il aurait d’ailleurs été difficile de faire autrement sachant qu’elle en finance la majorité, ce qui n’est pas sans poser de problème.

Le suivi post-AMM est un enjeu majeur. Il faudra établir des priorités car les médicaments disposant d’une AMM sont extrêmement nombreux. Il faudra tout d’abord réexaminer pour ainsi dire « au kilomètre » la balance bénéfices/risques des plus anciens, en regardant ce que font les autres pays, notamment les États-Unis, et la commission de la transparence. Les produits ne présentant plus de bénéfice évident n’ont pas nécessairement à être retirés du marché, seulement de la prescription et du remboursement. Certains produits de santé possédant des propriétés intéressantes sur le plan cosmétique sans pour autant comporter un principe actif très efficace ni présenter donc un bénéfice pour la santé peuvent demeurer commercialisés: l’important est de s’assurer qu’ils ne présentent aucun risque. Je rappelle que la surveillance des produits cosmétiques fait partie des missions de l’Agence.

Pour le suivi post-AMM des spécialités les plus récentes, c’est un devoir que d’impliquer les industriels. Une AMM n’est pas octroyée à vie. Elle peut d’ores et déjà être conditionnelle et cela devrait devenir de plus en plus fréquent. Il faut donner rapidement accès aux médicaments mais il faudrait aussi, systématiquement, deux ou trois ans plus tard, procéder à une réévaluation en exigeant des firmes qu’elles fournissent des dossiers établis avec ce recul. Le suivi doit être dynamique et on ne doit bien entendu pas se fier seulement aux industriels. Il faut encourager des études post-AMM académiques indépendantes, qui ne soient pas financées par l’industrie pharmaceutique. Cela exigera de mobiliser des fonds publics.

L’AFSSAPS est aujourd’hui sous les feux de la critique. Cela ne doit pas faire oublier le travail remarquable qu’elle a réalisé par le passé, prenant parfois des décisions très impopulaires. Ainsi, en 2003, a-t-elle pris ses responsabilités en indiquant clairement que les traitements hormonaux substitutifs de la ménopause augmentaient le risque de cancer. Un million de femmes s’en sont alors dispensé et l’incidence des cancers du sein, de même que leur mortalité, a diminué dans notre pays. Ces traitements demeurent très utiles dans des indications précises, mais on ne peut les prendre à vie pour simplement gagner en confort.

Plus récemment, l’Agence a de même signalé, en accord avec le directeur général de la santé, que la prise d’hormone de croissance pouvant entraîner de graves effets secondaires à long terme – plusieurs hémorragies cérébrales et trois ostéosarcomes ont été observés : cela suffit à inviter à la prudence –, ce produit devait être réservé aux seuls cas de nanisme et ne pas être administré à des enfants qu’on jugerait simplement trop petits. Elle a aussi indiqué qu’il ne fallait en aucun cas doubler les doses car cela pouvait augmenter les risques de cancer. Un courrier a été adressé à tous les pédiatres et tous les parents concernés. L’Agence européenne a également été saisie.

Faut-il informer plutôt les patients ou les médecins ? À mon avis, l’information doit être symétrique. Il ne saurait être question de court-circuiter le corps médical mais il faut également informer la population dans un langage qui lui soit compréhensible. Certaines campagnes de communication, claires et bien coordonnées, en direction du grand public ont été très efficaces, je pense à l’usage des antibiotiques. Tous les acteurs, corps médical, agences, assurance maladie, INPES, s’étaient coordonnés pour dire d’une même voix « les antibiotiques, ce n’est pas automatique ». Mais sans coordination, l’information ne sert à rien.

L’un d’entre vous a évoqué des effets indésirables d’une famille des statines. Certaines sont indiquées dans la prévention de l’hypercholestérolémie, d’autres dans son traitement. L’AMM doit être strictement respectée car les effets secondaires sont plus difficilement acceptables dans la prévention, la balance bénéfice/risque n’étant pas la même.

Il nous faut maîtriser l’information pour n’être pas débordé par celle, pléthorique et anarchique, que l’on trouve sur Internet ou celle, nécessairement orientée, du marketing des industriels. Ce sera l’une de mes priorités que de produire régulièrement et de manière coordonnée, une information de référence et sans complaisance sur l’ensemble des médicaments – pas seulement sur 77 d’entre eux – et sur les maladies. Je ne pense pas être utopiste. La Food and Drug Administration (FDA) l’a fait. L’information sur les médicaments y gagnera en dignité et en déontologie.

Si la crise actuelle autour du Mediator est française, les crises autour de médicaments sont fréquentes partout dans le monde. Les débats sont permanents au Royaume-Uni. La FDA a été, à certaines périodes, aussi ébranlée que l’est aujourd’hui l’AFSSAPS. Sa réponse a été de renforcer encore et toujours la transparence. C’est dans cette voie que nous devrons nous aussi nous engager, en rappelant que ce n’est pas parce qu’un médicament est autorisé qu’on est obligé de le consommer, a fortiori à outrance. On consomme beaucoup plus de médicaments en France sans y être en meilleure santé que dans les autres pays européens. Un élagage de certaines ordonnances ne serait pas inutile.

Les « permanents » européens de l’AFSSAPS ont été critiqués. L’Agence doit être très présente au niveau européen, où elle est à l’avant-garde. Ses représentants doivent être des personnalités bien visibles. S’ils changent tous les ans ou tous les deux ans, la confiance ne pourra pas s’instaurer. Je souhaite que nous soyons encore plus présents à l’Agence européenne, de façon à y défendre nos valeurs. Ce sera un excellent investissement. Ne reprochons pas à certaines personnes de s’être totalement investies dans les relations avec l’Agence européenne, comme le fait l’IGAS dans son rapport. C’était plus un problème de management interne.

Un dernier mot sur la responsabilité. Dans une instance comme l’AFSSAPS, elle incombe en dernier ressort au directeur général et il ne saurait être question que celui-ci s’y dérobe et puisse la faire porter à tel ou tel, même s’il doit bien sûr déléguer. Si je suis nommé, j’accepterai de porter la responsabilité des actes de tous les personnels de l’Agence. J’en serai même fier car ils sont, dans leur immense majorité, extrêmement motivés et compétents.

Mme Catherine Lemorton. Vous avez prouvé, professeur, que, contrairement à ce qu’on entend dire parfois, trop de transparence ne crée pas la suspicion, bien au contraire. C’est en déclarant de façon très claire et très précise les liens que vous avez pu avoir à tel ou tel moment de votre parcours professionnel avec tel ou tel laboratoire que vous nous avez redonné confiance, et je m’exprime ici au nom de notre groupe tout entier.

Nombre des pistes que vous avez ouvertes figurent dans mon propre rapport sur le médicament. Nous serons tous ici exigeants et vigilants sur le travail de l’AFSSAPS.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je partage pleinement la confiance que vient de vous exprimer notre collègue. Votre tâche sera d’autant plus difficile que s’il est facile d’accrocher par des analyses et des avis univoques, la vérité n’est jamais que dans la nuance.

Il me reste à vous remercier et à vous souhaiter plein succès dans vos nouvelles fonctions.

La séance est levée à onze heures trente.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La Commission des affaires sociales a désigné M. Guy Lefrand, rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’organisation de la médecine du travail (n° 3120).

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 16 février 2011 à 9 heures 30

Présents. - M. Élie Aboud, Mme Edwige Antier, M. Gérard Bapt, M. Jean Bardet, Mme Gisèle Biémouret, M. Jean-Louis Borloo, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, M. Vincent Descoeur, M. Jacques Domergue, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Laurence Dumont, Mme Cécile Dumoulin, Mme Catherine Génisson, M. Maxime Gremetz, Mme Pascale Gruny, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M Christian Hutin, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, M. Yves Jégo, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Jean-Claude Leroy, M. Claude Leteurtre, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, M. Jean Mallot, M. Pierre Morange, M. Philippe Morenvillier, Mme Dominique Orliac, M. Étienne Pinte, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-Luc Préel, M. Simon Renucci, M. Arnaud Richard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Marie Rolland, Mme Valérie Rosso-Debord, Mme Françoise de Salvador, M. Fernand Siré, M. Dominique Tian

Excusés. - Mme Martine Billard, M. Jean-François Chossy, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Patrick Gille, Mme Monique Iborra, M. Guy Lefrand, M. Roland Muzeau

Assistait également à la réunion. - M. Régis Juanico