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Commission des affaires sociales

Mardi 8 mars 2011

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 32

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président puis de M. Pierre Morange, Vice-président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle, sur la mise en œuvre de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (MM. Gérard Cherpion et Jean-Patrick Gille, rapporteurs)

– Présences en réunion 26

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 8 mars 2011

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission,
puis de M. Pierre Morange, vice-président)

La Commission des affaires sociales entend, en audition ouverte à la presse, Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle, sur la mise en œuvre de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (MM. Gérard Cherpion et Jean-Patrick Gille, rapporteurs).

M. le président Pierre Méhaignerie. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle, sur la mise en œuvre de la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

Je vous indique par ailleurs que la Conférence des présidents de ce matin a décidé d’organiser un débat en séance publique lors de la semaine de contrôle, le mercredi 30 mars après-midi, sur la mise en œuvre de la loi.

Madame la ministre, cette loi, à laquelle j’ai beaucoup cru, doit nous permettre d’améliorer la compétitivité et l’accès à la formation tout au long de la vie. Mais il reste des progrès à faire. Le système reste cloisonné et il y a un trop grand nombre de pilotes sur le terrain. J’ai ainsi pu constater que les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), la région et l’État mettent souvent quatre ou cinq mois pour se mettre d’accord pour mettre en place des formations pour les salariés en chômage partiel. Une attente s’exprime donc sur la nécessité d’avoir un leader ou un responsable qui puisse rendre des comptes.

M. Gérard Cherpion, rapporteur. Le rapport que Jean-Patrick Gille et moi-même allons vous présenter ensemble, en intervenant tour à tour, est fondé sur l’application de l’article 145-7 de notre Règlement. Cet article nous donne pour mission de faire « état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de la loi, ainsi que de ses dispositions qui n’auraient pas fait l’objet des textes d’application nécessaires. »

La première partie du rapport est donc dédiée au suivi de la parution des textes réglementaires. Trente-deux des soixante-deux articles de la loi ne demandaient pas que soient pris des textes d’application. Pour la mise en œuvre des autres articles, vingt décrets d’application à proprement parler ont déjà été publiés, auxquels il convient d’ajouter de nombreux autres textes réglementaires ou assimilables, tels qu’arrêtés ministériels, circulaires, instructions ou décrets de nomination. Ces textes permettent la pleine entrée en vigueur de seize articles. Cependant, il reste quatorze articles dont tout ou partie des dispositions renvoie à des textes d’application qui ne sont pas encore parus, sachant que la nécessité de tels textes est discutée pour l’un de ces articles et que, pour un autre, la parution du décret d’application ne devait légitimement pas être envisagée avant le printemps dans la mesure où la consultation des partenaires sociaux devait se poursuivre jusqu’en décembre 2010. En outre, parmi ces articles dont le texte d’application n’a pas été publié à ce jour, l’article 54, qui prévoyait le transfert de propriété, à titre gratuit, à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), des biens de l’État mis à sa disposition, a été déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 17 décembre 2010.

Par ailleurs, la loi mentionne le dépôt de trois rapports du Gouvernement au Parlement. Aucun n’a été déposé jusqu’à présent.

Nous avons souhaité compléter l’exercice de suivi des textes réglementaires par un premier bilan de la mise en œuvre concrète de la réforme de la formation professionnelle opérée par la loi du 24 novembre 2009, bilan qui est l’objet de la deuxième partie du rapport. À peine plus d’un an après la publication de la loi, il ne saurait évidemment être question d’évaluer les réformes qu’elle porte : il s’agit seulement d’observer comment les mesures qu’elle contient se déploient sur le terrain et quelles sont les premières appréciations que ces dernières suscitent. Pour ce faire, nous avons procédé à plus de trente auditions ou tables rondes – à l’occasion desquelles plus d’une centaine de personnes ont été entendues – qui se sont déroulées dans un excellent climat de travail.

Ces auditions ont montré qu’à l’échéance d’un an les chantiers de réforme sont inégalement avancés. Nos interlocuteurs ont plus évoqué les difficultés que les éléments positifs, ont plus souvent vu le verre « à moitié vide » que le verre « à moitié plein ». Comment pourrait-il en être autrement ? Au demeurant, le législateur avait pris en compte la nécessité de délais d’adaptation significatifs, par exemple en laissant plus de deux ans pour la réorganisation du paysage des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).

Il est certain que la mobilisation de toutes les parties prenantes est massive et que l’adhésion aux principes et aux objectifs de la réforme est générale. Pour ce qui est de la mise en œuvre pratique de cette dernière, les réactions comportent une part d’interrogations, voire d’appréhensions, ce qui est compréhensible dans la mesure où tous les effets de cette réforme importante ne sont pas encore connus. Néanmoins, elle va certainement bousculer bien des routines, ce qui va dans le sens que vous souhaitez, monsieur le président, même si le système n’est pas simplifié au bout du compte.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. J’ai, moi aussi, trouvé beaucoup d’intérêt à mener ce travail avec Gérard Cherpion.

L’article 1er de la loi affirme le principe issu de l’accord national interprofessionnel (ANI) de janvier 2009, selon lequel la formation professionnelle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. Vingt-six mois plus tard, on peut se demander si les moyens inscrits dans cette loi pour y parvenir sont suffisants et efficaces, d’autant que le second principe posé par l’ANI, le droit à la formation initiale différée, n’a pas été transcrit.

L’article 1er élargit aussi les missions du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV). Le décret d’application est, semble-t-il, en cours de signature, après qu’un premier projet a été rejeté par le conseil national lui-même en juin 2010. Ce retard fait que le conseil national ne pourra pas jouer le rôle prospectif, que la loi lui confie, avant l’élaboration des futurs contrats de plans régionaux de développement des formations professionnelles, sauf à repousser l’échéance fixée en juin.

Ce décret comporte des sujets sensibles, tels que le détail de la composition de l’instance ou encore les conditions de désignation des membres de ses commissions spécialisées. Le Gouvernement peut-il indiquer précisément ce qu’il envisage, en particulier sur la représentation des parlementaires au conseil et la pondération des voix ? Est-il normal que les représentants de l’État soient au nombre de huit et qu’ils aient une voix triple dans les votes de l’instance ?

Par ailleurs, l’élargissement des missions du conseil ne s’est apparemment pas accompagné de moyens supplémentaires substantiels, alors même que la Cour des comptes observait déjà il y a deux ans l’insuffisance des moyens pour remplir les missions d’alors. Madame la ministre, allez-vous doter le conseil des moyens matériels nécessaires à la mise en œuvre de ses missions ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. La notion de service public de l’orientation tout au long de la vie constitue l’un des principaux apports parlementaires au projet de loi. Un point très positif est que la loi entraîne, c’est du moins ce qui ressort des auditions, une réelle mobilisation ; elle est un outil efficace entre les mains de ceux qui veulent faire évoluer et décloisonner l’orientation professionnelle.

Cela dit, on n’est encore qu’au début des réalisations concrètes. La nomination du nouveau délégué à l’information et à l’orientation (DIO), M. Jean-Robert Pitte, a pris un certain temps : il a été nommé le 23 juin 2010 et sa lettre de mission lui a été adressée le 31 août 2010.

La mise en œuvre opérationnelle du nouveau service dématérialisé de première information et de premier conseil, qui doit servir de point d’entrée dans le système d’orientation, est maintenant annoncée pour l’été 2011. Cette échéance peut-elle être confirmée ? Un débat existe aussi sur les moyens qui seront nécessaires. L’ambition affichée est de mettre en place, outre un site Internet, des plateformes d’accueil, notamment téléphonique – bien que ce type d’outil n’ait pas jusqu’à présent, à en croire le bilan des plateformes mises en place par certaines régions, rencontré un grand succès. Pour le moment, les partenaires sociaux ont prévu d’y consacrer 5 millions d’euros en 2010, puis en 2011. Des personnes auditionnées ont estimé qu’un tel montant est plus que suffisant pour avoir un outil Internet, mais insuffisant pour se doter d’un système de plateformes téléphoniques bien dimensionné. Quelle est la position du Gouvernement sur cette question des moyens ?

L’autre élément concret du service public de l’orientation est la procédure de labellisation des organismes. Le décret d’application n’a pas été publié à ce jour ; il vient d’être examiné par le Conseil d’État, après que le CNFPTLV a pris la décision de sursis à statuer sur un premier projet, puis émis un avis défavorable sur une nouvelle version. Manifestement, cette question de la labellisation suscite beaucoup d’attentes, tous les grands réseaux souhaitant en bénéficier. Mais elle suscite aussi beaucoup d’interrogations. À quoi correspond la notion de « lieu unique » où les services devraient être disponibles, quand les projets de décret disent qu’un lieu unique peut être un « réseau territorial constitué de plusieurs organismes » ? Quelles sont les garanties pour une bonne couverture du territoire ? Fondamentalement, quel est le but de la démarche de labellisation : vérifier simplement la compétence des organismes d’orientation, ou aller vers la mise en place d’un réseau national structuré ?

L’article 5 de la loi porte sur le sujet connexe des conditions de recrutement et de formation des conseillers d’orientation psychologues de l’éducation nationale. Une modification consécutive du décret de 1991 sur le recrutement de ces personnels est apparemment dans les tuyaux. Pouvez-vous nous en dire plus, madame la ministre ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), a été conçu comme un instrument de réduction des inégalités d’accès à la formation professionnelle grâce à une mutualisation accrue des fonds de la formation professionnelle, pour former 700 000 personnes en plus.

L’essentiel des actes juridiques nécessaires à la mise en place du fonds, à savoir de nombreux décrets et arrêtés, mais aussi des délibérations des partenaires sociaux et la négociation d’une convention-cadre avec l’État, ont été pris entre décembre 2009 et mars 2010. Le fonds a donc été mis en place rapidement et a engagé plus de 800 millions d’euros en 2010, alors que le fonds unique de péréquation (FUP) qu’il remplace en avait engagé 441 en 2009. Le renforcement de la mutualisation est donc réel.

Un certain nombre de questions restent cependant ouvertes.

La première porte sur l’équilibre de la gouvernance du fonds. Le poids de l’État est contesté par les partenaires sociaux, qui s’interrogent, notamment, sur la présence dans leur conseil d’administration d’un commissaire du Gouvernement avec droit de veto suspensif sur leurs décisions, alors même que, par l’obligation de négociation d’une convention-cadre entre le fonds et l’État, ce dernier a déjà un moyen de contrôle important. Le prélèvement de 300 millions d’euros décidé unilatéralement pour 2011 ne facilite évidemment pas les relations entre les partenaires sociaux et l’État qui, en fait, n’abonde pas le fonds, comme on avait pu l’espérer, mais, au contraire, le ponctionne pour financer ses missions traditionnelles. Les prélèvements précédents sur l’ancien FUP étaient, eux, conventionnés, donc un peu négociés, et d’un montant moindre, de l’ordre de 100 millions d’euros par an en moyenne. J’ajoute que ce prélèvement va à l’encontre de la volonté explicite du législateur, puisque nous avions approuvé, tous groupes confondus, l’amendement du rapporteur du Sénat, Jean-Claude Carle, qui s’efforçait d’interdire de telles pratiques. Madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer et nous dire qu’une telle ponction, qui remet en cause l’esprit du dispositif et fragilise sa trésorerie, ne se reproduira pas ?

Se pose par ailleurs la question de ce que l’on appelle le « hors champ », c’est-à-dire les secteurs d’activité dont les organisations patronales ne se reconnaissent pas dans les trois confédérations patronales dites « nationales interprofessionnelles ». Les présidents de trois grandes organisations, l’Union nationale des professions libérales (UNAPL), l’Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social (UNIFED) et l’Union de syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale (USGERES), qui représentent un cinquième des salariés, ont demandé dans une lettre commune, datée du 14 octobre 2010, que leurs organisations intègrent les commissions spécialisées du fonds. Quelle est la position du Gouvernement sur cette revendication ?

La deuxième interrogation porte sur le système des appels à projets au bénéfice des publics cibles. Ce système est perçu comme complexe : seuls les OPCA et les organismes paritaires collecteurs agréés du congé individuel de formation (OPACIF) y accèdent directement, ce qui est critiqué par des entreprises comme par des régions.

Enfin, une série d’interrogations concernent les ressources du fonds.

Tout d’abord, lors des débats parlementaires, la liberté laissée aux branches dans la répartition de l’imputation du prélèvement – de 13 % en 2010 et de 10 % cette année – au bénéfice du FPSPP entre la collecte au titre de la professionnalisation et les obligations au titre du plan de formation avait suscité des inquiétudes sur la préservation du financement des contrats de professionnalisation. Sur 38 accords recensés, 34 prévoient de prélever davantage sur la collecte « professionnalisation » que le droit commun, et 3 imputent même la totalité du prélèvement sur cette collecte ! Dans ces conditions, le Gouvernement envisage-t-il d’encadrer cette liberté des branches et des OPCA, comme la loi l’y autorise à la suite d’amendements parlementaires ?

Ensuite, s’agissant de la fixation annuelle du taux de prélèvement sur les fonds de la formation au bénéfice du FPSPP, des personnes auditionnées ont souhaité que la date de cette fixation, qui a lieu pour le moment en automne – parfois tardivement – soit avancée, par exemple au premier semestre.

Une autre proposition concrète serait d’échelonner dans l’année les versements des OPCA au FPSPP. Avec un versement à une seule date, on a forcément des moments de trésorerie très élevée au FPSPP – ce qui explique certainement les ponctions de l’État –, tandis que des OPCA peuvent être mis en difficulté.

Le Gouvernement est-il prêt à s’engager dans une démarche permettant plus d’anticipation, plus de prévisibilité dans les flux financiers ? Est-il prêt à s’engager à ne plus imposer de prélèvements ?

Je passe à la réforme des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), qui comprend des enjeux multiples, sur lesquels les auditions ont permis de revenir : l’élargissement des missions, notamment avec le renforcement de l’offre de service au profit des petites et moyennes entreprises ; le processus, en cours, de regroupement des organismes ; la préparation de conventions d’objectifs et de moyens (COM) conclues avec l’État, entre autres.

L’article 43 de la loi a prévu l’entrée en vigueur des nouveaux agréments des OPCA au plus tard le 1er janvier 2012. Mais, derrière les questions pointent de véritables inquiétudes, et il serait bon, madame la ministre, que vous puissiez nous éclairer sur plusieurs sujets.

Premier sujet : si le décret d’application de la réforme des OPCA a été publié le 22 septembre dernier, l’arrêté ministériel relatif aux frais d’information et de gestion des organismes n’a toujours pas été pris, à notre connaissance. Or, pour de nombreuses personnes entendues, il s’agit d’un élément important pour la négociation, qui commence, des conventions triennales d’objectifs et de moyens. « Comment négocier si l’on ne connaît pas les règles du jeu ? », nous ont demandé, en substance, les OPCA. Quand cet arrêté sera-t-il publié ? Quelle en sera la teneur, pour ce qui concerne à la fois les taux « plafonds » des frais d’information et de gestion, et la définition des différents types de dépenses mentionnés par le décret du 22 septembre 2010 ?

Deuxième sujet : des groupes de travail sont en place pour accompagner la réforme. L’un porte sur la question des conventions d’objectifs et de moyens, l’autre sur la rénovation du plan comptable des OPCA. Sur chacun de ces deux chantiers, où en est-on ?

Troisième sujet : le processus de regroupement des OPCA est engagé. Certes, la loi et le décret se fondent sur une logique financière : atteindre le seuil minimal de collecte de 100 millions d’euros. C’est là un véritable « moteur » pour l’application de la réforme. Mais comment s’assurer que cette logique financière de seuil n’enferme pas les OPCA dans une pure logique de branche ne facilitant pas les reconversions et, surtout, qu’elle soit dans le même temps une logique de service aux entreprises, une logique de proximité ? Et quelles précautions sont prises pour que le développement des services des OPCA aux entreprises ne pose pas de difficultés par rapport au droit de la concurrence ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. La loi du 24 novembre 2009 comporte un ensemble de mesures pour l’insertion des jeunes. Sans en faire le tour, on doit signaler quelques interrogations.

S’agissant tout d’abord de l’article 36, qui donne la base légale nécessaire à un système national de repérage et de prise en charge sans délai de latence pour les élèves qui ont « décroché » du système scolaire, le décret d’application a été publié et l’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés obtenue. Le dispositif informatique national est-il déjà fonctionnel ? Par ailleurs, une mission a été confiée à M. de Saintignon, membre de l’IGAS. Peut-on déjà en tirer des enseignements ?

Pour ce qui est de la poursuite du déploiement des écoles de la deuxième chance, qui est l’objet de l’article 38 de la loi, combien de places avions-nous fin 2010 ? Quand atteindrons-nous l’objectif de 12 000 places ? Faut-il aller au-delà ?

Reste la question des stages étudiants, traitée à l’article 30 de la loi. Cet article, qui permet d’améliorer la « gratification » des stagiaires et d’interdire les stages hors cursus, était très attendu. Cependant, des interrogations se font encore jour. Concernant l’obligation de gratification, le questionnement porte sur la multiplication des exceptions qui y sont faites : collectivités territoriales, établissements publics de santé, étudiants auxiliaires médicaux, bientôt étudiants travailleurs sociaux à en croire la proposition de loi des sénateurs Nicolas About et Sylvie Desmarescaux adoptée par le Sénat le 29 avril 2010. Dans le même temps, dans le cadre de la loi portant réforme des retraites, nous avons adopté un article 94 demandant le dépôt d’ici à juin 2011 d’un rapport sur la prise en compte des stages pour les droits à pension. La question semble aussi devoir être abordée dans la négociation sociale sur l’emploi des jeunes. Le Gouvernement devra donc clarifier sa position tant sur les exceptions à l’obligation de gratification que sur la possibilité de prendre en compte les stages défrayés pour la retraite.

Concernant l’interdiction des stages hors cursus, le décret d’application du 25 août 2010 prévoit plusieurs cas particuliers, le Gouvernement voulant, d’après la réponse qui nous a été faite, réprimer les abus, mais aussi éviter de gêner le développement des stages, qui constitue l’une de ses priorités, ce que j’approuve. Ces deux objectifs sont sans doute délicats à concilier et il subsiste des ambiguïtés, selon certaines personnes entendues. Une circulaire va-t-elle préciser les règles ?

D’une manière plus générale, au regard de la négociation lancée par les partenaires sociaux sur l’emploi des jeunes, qui aborde notamment les thématiques des stages, du tutorat, des objectifs chiffrés d’emplois de jeunes, et compte tenu aussi des déclarations récentes du Président de la République, quel est le plan de bataille du Gouvernement pour l’emploi des jeunes ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. La loi comporte un titre dédié à l’alternance. De nombreuses mesures sont prévues pour renforcer le contrat de professionnalisation, encourager l’apprentissage, développer les périodes de professionnalisation. Il nous semble un peu prématuré de faire un bilan de ces mesures. Pourtant, une loi spécifique sur le sujet est déjà annoncée pour le printemps.

Cependant, d’ores et déjà, il semble que l’extension du contrat de professionnalisation à des publics bénéficiaires de minima sociaux sous une forme renforcée n’ait pas encore produit tous ses effets. Comment l’expliquer ? N’y a-t-il pas eu un défaut de communication ou d’information ?

De même, quelle est l’explication de l’échec de la mesure expérimentale – à laquelle j’étais fortement opposé – consistant à permettre, à la rentrée de 2010, l’entrée en CFA d’apprentis n’ayant pourtant pas trouvé de maître d’apprentissage ? Il n’y a eu qu’un peu plus de 200 jeunes concernés.

Le décret instaurant le dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA) pour les jeunes de moins de seize ans est paru, mais il faut réfléchir à son articulation avec les dispositifs existants de classe de préapprentissage.

La loi favorise la prise en charge financière, par les OPCA, des frais de tutorat. Mais la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites contient aussi une mesure prévoyant l’utilisation des fonds de la formation à destination de l’emploi des seniors. Les auditions ont révélé un besoin de clarification sur ces dispositions.

Plus généralement, la relance de l’alternance est présentée comme une priorité par le Gouvernement. Des annonces ont été faites le 1er mars par le Président de la République – sans attendre, il faut le noter, les propositions des partenaires sociaux. Un certain nombre de points semblent cependant devoir être précisés, notamment quant au financement des mesures : que va précisément mettre l’État et quelle participation attend-il des régions ?

Je voudrais aussi vous interroger, madame la ministre, sur la pérennité des mesures envisagées. Dans le cadre du plan de relance, plusieurs aides à l’emploi des jeunes ont été mises en place, prolongées une première fois, puis arrêtées au 31 décembre dernier. Maintenant, il semble que l’on veuille instituer de nouvelles mesures assez voisines. Qu’en est-il des garanties de stabilité des règles pour les entreprises ? De même, le plan de relance avait permis aux missions locales de procéder à près d’un millier d’embauches principalement pour l’accès en entreprise. Alors que la nouvelle convention pluriannuelle d’objectifs des missions locales met fortement en avant ce critère d’évaluation, le budget de 2011 ne permet plus de financer ces postes. Le Gouvernement préfère annoncer 7 000 contrats d’autonomie supplémentaires, confiés à des opérateurs privés, alors que cette mesure d’un coût élevé n’a pas fait preuve de son efficacité, au point que la rapporteure Chantal Brunel avait demandé sa suppression lors de l’examen des crédits de l’emploi durant le débat budgétaire.

Enfin, si l’ambition de passer de 600 000 à 800 000 jeunes en alternance en trois ans doit être saluée, les mesures annoncées seront-elles suffisantes pour la réaliser ? En outre, n’y a-t-il pas là une forme de transfert de charge des lycées professionnels – financés par l’État – vers les centres de formation pour apprentis (CFA) – financés par les régions ?

La réforme du financement de l’apprentissage semble par ailleurs à l’étude : quelles voies privilégiez-vous ? Quelles seront les caractéristiques des nouvelles générations de contrats d’objectifs et de moyens ? Concerneront-ils uniquement l’investissement ou également le fonctionnement ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. Un ensemble de dispositions de la loi du 24 novembre 2009 vise à améliorer et compléter la panoplie des dispositifs de la formation continue.

Sans toutes les présenter, on doit relever qu’elles s’inscrivent dans un esprit général de suppression ou d’atténuation des cloisonnements existants. Il s’agit ainsi, à travers la préparation opérationnelle à l’emploi (POE) et la portabilité du droit individuel à la formation (DIF), de permettre à des demandeurs d’emploi d’accéder aux fonds des OPCA, de permettre aux fonds de gestion du congé individuel de formation (FONGECIF) de financer des formations hors du temps du travail, et non plus le seul congé individuel de formation, de créer des passerelles entre l’apprentissage et les procédures de certification des branches débouchant sur des certificats de qualification professionnelle (CQP), par exemple.

Cette démarche de décloisonnement oblige, pour la mise en œuvre des nouveaux dispositifs, à l’établissement de partenariats concrets entre des acteurs qui s’ignoraient jusqu’à présent, tels que Pôle emploi et les OPCA. D’où, d’ailleurs, une certaine complexité et des retards dans l’application pratique de mesures telles que la POE. D’où, aussi, des incertitudes qui devront être tranchées, en particulier s’agissant de la portabilité du DIF : qui doit la gérer, les OPCA ou Pôle emploi ? Le DIF portable doit-il être considéré comme un droit de tirage pour les salariés ayant perdu leur emploi, comme le texte de la loi semble l’impliquer, ou bien les OPCA et/ou Pôle emploi peuvent-ils s’opposer aux demandes qui ne correspondent pas à leurs priorités ?

La portabilité du DIF a aussi de réels enjeux financiers car, à terme, 20 millions d’euros par an, comme prévu en 2010 et 2011, risquent d’être insuffisants. Cette question renvoie plus généralement à celle du coût potentiel du DIF, qui pourrait être énorme si tous les salariés faisaient valoir leur droit à formation. Le rapport demandé à l’article 7 de la loi sur le traitement comptable et fiscal du DIF va-t-il être déposé et, dans l’affirmative, à quelle date ?

De manière plus générale, ne peut-on aller plus loin s’agissant de la nécessité de décloisonner les dispositifs ? Certaines auditions ont notamment mis en lumière le fait que, dans la vie interne des entreprises, notamment les grandes où la vie conventionnelle est importante, le législateur a plutôt créé des cloisonnements que décloisonné ces dernières années, en distinguant – et parfois en imposant avec des sanctions financières à la clé – de multiples négociations sociales : gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), égalité professionnelle, seniors, entre autres. Parallèlement, nous avons toujours le plan de formation de l’entreprise, qui n’a pas à être négocié. Les entreprises suivent les termes de la loi en développant séparément les différentes politiques qu’on leur demande, alors que leur connexité justifierait leur articulation. Peut-être faudrait-il faire évoluer ces instruments.

La consécration des certificats de qualification professionnelle a été saluée par de nombreuses personnes au cours des auditions, même si l’écueil de certificats « au rabais » a aussi été évoqué. La manière dont seront articulés les certificats avec l’apprentissage et la professionnalisation sera décisive, ce qu’illustre l’accord très intéressant conclu le 15 avril 2010 dans l’hôtellerie-restauration, qui établit des « passerelles » entre l’apprentissage et la certification professionnelle, sur le fondement de la validation des acquis.

Pour ce qui concerne la réforme des missions de la Commission nationale de la certification professionnelle, le décret d’application n’est pas encore paru, non plus d’ailleurs que le rapport demandé dans la loi. Pourquoi ce retard ?

D’un mot, il faut évoquer la question des dispositions de la loi pour faciliter le remplacement des salariés en formation dans les petites entreprises. De l’avis des personnes auditionnées, les mesures d’aide au financement du remplacement, ou de recours aux groupements d’employeurs, pourraient ne pas suffire. Quel regard porte le Gouvernement sur cette question difficile et récurrente, qui constitue une véritable entrave au développement de la formation professionnelle dans les PME et les TPE ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. La clarification de l’offre de formation était l’un des objectifs de la loi. Le défi était de taille, et force est de constater qu’il était difficile, en une année, de le relever. Deux exemples, sur lesquels nous souhaiterions avoir votre réaction, conduisent à cette conclusion, madame la ministre.

D’une part, la loi a prévu la publication d’une liste nationale, actualisée, des organismes de formation. Cette liste doit être disponible sur Internet. Ce site devrait voir le jour en 2011.

D’autre part, à l’initiative du président Méhaignerie, le Parlement avait adopté l’article 48 de la loi, demandant au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie d’établir chaque année – et cela est ambitieux – un bilan par bassin d’emploi et par région des actions de formation professionnelle réalisées. Or le conseil nous a indiqué les difficultés qu’il rencontre pour honorer un nombre croissant de missions, alors que ses moyens ne sont pas toujours suffisants.

Sujet brûlant : la situation de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) montre les effets néfastes que peut avoir la loi, surtout quand elle est issue d’amendements tardifs du Gouvernement. Nous avons à l’esprit deux sujets traités par la loi.

Le premier est le transfert de personnels de l’AFPA procédant à l’orientation des demandeurs d’emploi vers Pôle emploi, prévu à l’article 53. Ce transfert a été mené à bien, dans les temps, avec la conclusion rapide d’un accord collectif sur le statut des personnels de l’AFPA intégrés à Pôle emploi. Cependant, les auditions ont montré que les charges, pour Pôle emploi, liées à ce transfert n’ont pas été compensées ; cela a représenté 54 millions d’euros en 2010 et représentera 70 millions d’euros en 2011. Par ailleurs, l’incidence effective de ce transfert sur le chiffre d’affaires de l’AFPA est estimée par les syndicats à 75 millions d’euros. De plus l’AFPA a dû se réorganiser, créer en interne une sorte de « service clientèle » pour assurer le recrutement des stagiaires, ce qui a aussi un coût.

Le deuxième sujet concerne l’apport en pleine propriété à l’AFPA des biens appartenant à l’État mis à sa disposition dans le cadre de son activité, prévu à l’article 54. Mais cet article venant d’être censuré par le Conseil constitutionnel, la question reste ouverte, tandis que l’AFPA se retrouve confrontée à une situation financière difficile : des charges immobilières considérables et pas d’actifs immobiliers à inscrire à l’actif en contrepartie. De toute manière, la Commission européenne n’aurait pas manqué de soulever le problème que pose ce transfert par rapport à la réglementation communautaire des aides publiques. De plus, il se serait agi d’un cadeau empoisonné dans la mesure où il faut avoir les moyens d’entretenir un patrimoine. Comme l’a indiqué récemment le président de l’AFPA, on ne peut pas voter une loi sans vérifier sa constitutionnalité, ni élaborer un dispositif sans être sûr que Bruxelles l’approuvera. C’est pourtant, je le crains, ce qui a été fait dans la précipitation par le biais d’amendements tardifs du Gouvernement.

Aujourd’hui, l’AFPA est en péril, avec 11 millions de pertes en 2010 et un découvert de 50 millions d’euros, à tel point que le comité central d’entreprise a déclenché son droit d’alerte et que les syndicats, mais aussi les régions, réclament à l’État 80 millions d’euros non payés au titre du contrat de progrès et 80 millions au titre de l’entretien du patrimoine.

Madame la ministre, comment comptez-vous sauver l’AFPA et ses 9 200 salariés au moment où le Gouvernement met l’accent sur l’effort de formation et de qualification pour endiguer la montée du chômage ? Pourquoi ne pas mandater clairement l’AFPA sur la formation des publics non qualifiés et lui octroyer des droits spéciaux, ce qui permettrait de régler la question avec Bruxelles ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. L’institution des nouveaux contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles a été un sujet très discuté au moment de la préparation de la loi. Passer d’une simple concertation à une véritable coordination au niveau régional, tel était l’objectif de cette mesure et le sens de la nouvelle dénomination de « contrat de plan ».

Ces premiers contrats devront être conclus au 1er juin 2011, et il est trop tôt pour juger de la bonne application de ce dispositif. Selon les régions, les travaux préparatoires ont débuté entre le premier trimestre et le mois de décembre de 2010 et ont avancé à des rythmes très variables. En janvier 2011, la plupart d’entre elles en étaient encore à la phase de diagnostic. Néanmoins, certaines interrogations ont été exprimées au cours des auditions.

Elles portent d’abord sur les questions de méthodologie. Une circulaire a été publiée, et les éléments que nous avons pu recueillir auprès des services ministériels sont positifs sur la manière dont les choses se passeraient dans les régions et, en particulier, dans les comités de coordination régionaux de l’emploi et de la formation professionnelle (CCREFP) qui doivent préparer les contrats de plan. Lors des auditions, nous avons toutefois entendu des inquiétudes quant à l’association effective des partenaires sociaux, de l’AFPA ou des réseaux consulaires à l’élaboration des contrats.

La deuxième interrogation porte sur la gouvernance : la coordination est une chose, mais qui jouera, dans les faits, le rôle du pilote ? Tous les partenaires qui devraient être engagés dans le contrat de plan le seront-ils effectivement ? Les questions des branches professionnelles, qui ne sont toujours pas représentées au CCREFP, et surtout de Pôle emploi, qui est dans la même situation, ont été soulevées. La question de la coordination de l’intervention respective de l’État et de la région se posera aussi en matière d’apprentissage, car les régions disposent de la compétence de droit commun, cependant que l’État reste un acteur central à travers les contrats d’objectifs et de moyens.

Je conclurai en évoquant l’article 19 de la loi, qui comportait des mesures d’accompagnement conjoncturelles de la crise, en matière d’emploi.

Il s’agissait d’abord d’assouplir la définition légale du chômage partiel, pour prendre en compte le chômage partiel par roulement et affirmer la possibilité pour les salariés en cause de suivre des actions de formation hors temps de travail. Parallèlement, les premiers appels à projets du FPSPP ont bien pris en considération cette dimension, puisque le Fonds a décidé en 2010 de cofinancer près de 122 000 formations de salariés en chômage partiel. Pour autant, des progrès restent à faire pour mieux articuler chômage partiel et formation, si l’on en croit le rapport public pour 2011 de la Cour des comptes : ce rapport, se fondant sur l’expérience récente de la crise financière, regrette « une articulation encore embryonnaire » entre les deux, en l’absence d’obligations légales ou réglementaires en la matière et compte tenu du cloisonnement des dispositifs de formation et de leurs financements. Nous devons réfléchir, madame la ministre, à des améliorations en la matière.

Il s’agissait aussi de proroger d’un an la mesure expérimentale qu’est le contrat de transition professionnelle (CTP). Sur ce point, j’espère que les partenaires sociaux, qui ont entamé les négociations le 4 mars, sauront, dans leur nouvelle convention d’assurance chômage, unifier le CTP et la convention de reclassement personnalisé (CRP), en gardant et pérennisant le meilleur des deux dispositifs.

La loi a aussi permis l’extension du CTP à de nouveaux bassins d’emploi et, de fait, des décrets l’ont étendu à sept nouveaux bassins. Avec le déploiement progressif du dispositif, voulu par le Président de la République, on est passé d’à peine 2 000 entrées en CTP en 2008 à 17 000 en 2009, puis à 20 000 en 2010. Par ailleurs, trois appels à projets du FPSPP ont concerné en 2010 la formation des bénéficiaires de la CRP et du CTP, en vue de former 28 500 personnes au total.

En conclusion, je dirai qu’une grande partie de la loi est appliquée. À mon sens, celle-ci a modifié l’état d’esprit des différents acteurs qui, désormais, travaillent en commun. Pour autant, il nous reste du travail dans la mesure où nous n’avons pas réellement simplifié les choses.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Si nous avons bien travaillé ensemble, nous avons aussi eu les divergences que nous avions au moment de l’examen de la loi.

Comme le disait le président Méhaignerie, vingt-six mois après la signature unanime de l’ANI et quinze mois après la promulgation de la loi, la véritable question est de savoir ce qui a réellement changé pour le salarié ou le demandeur d’emploi en quête de formation. Pour le moment, encore peu de choses, je le crains.

L’opérateur Pôle emploi peine à s’emparer de la question de la formation et de sa prescription ; j’ai d’ailleurs noté que le ministre lui a fixé cet objectif pour l’année en cours. En matière d’orientation, nous en sommes encore à des bonnes intentions qui tardent à se concrétiser. L’outil de formation du service public, l’AFPA, est entré en agonie. Enfin, si l’accès à la formation des publics les plus éloignés commence à s’améliorer avec l’action du FPSPP, les dispositifs de sécurisation des parcours relèvent encore pour une bonne part de l’expérimentation.

Quant à la clarification et à la simplification de la gouvernance, tout dépend du bon vouloir des acteurs, car les responsabilités sont encore plus diluées qu’auparavant. État, régions, partenaires sociaux, tout le monde s’occupe désormais de tous les publics, mais qui est vraiment responsable ?

Cette loi marque un certain retour de l’État qui met un coup d’arrêt au processus de décentralisation – ce que nous avions déploré – et encadre, pour ne pas dire plus, la gestion des partenaires sociaux, lesquels, je dois le dire, sont plus réactifs que l’État dans sa mise en œuvre. Mais, comme vous l’avez dit en introduction, monsieur le président, il n’y a toujours pas de pilote clairement identifié dans un dispositif de formation professionnelle de plus en plus sophistiqué.

M. le président Pierre Méhaignerie. Madame la ministre, les interventions de nos deux rapporteurs, dont je salue la passion, montrent qu’il y a encore beaucoup d’interrogations et trop de cloisonnements. En dressant moi-même le bilan sur mon territoire, j’ai constaté que relativement peu de choses avaient changé dans la perception des entreprises et des salariés, à trois exceptions près : premièrement, l’école de la deuxième chance, lorsqu’elle fonctionne, permet de tirer d’affaire les exclus du système scolaire ; deuxièmement, le début de regroupement des OPCA marque un progrès important ; troisièmement, et c’est le plus grand progrès social, le financement de la formation en cas de chômage partiel permet de sécuriser les parcours professionnels et de faire en sorte que ce ne soit pas toujours l’industrie qui paie les frais des mutations.

Notre débat en séance publique le 30 mars après-midi sur la mise en œuvre de la loi mettra en évidence le besoin d’une nouvelle étape de progrès et notre espoir de voir les différents partenaires faire preuve de volonté, sachant que le débat politique sur le choix entre la centralisation ou la décentralisation est essentiel pour trouver la meilleure des solutions.

Mme  Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle. La loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie est, à mes yeux, historique car elle introduit une nouvelle façon de faire travailler ensemble les acteurs de la formation professionnelle, mais aussi parce qu’elle apporte des réponses à nos concitoyens dans un contexte de crise économique et financière majeure.

Vous avez tous reçu dans vos permanences des personnes qui, confrontées à une fermeture d’entreprise ou d’usine, ne bénéficiaient pas d’une formation alors qu’elles souhaitaient se réorienter dans leur vie professionnelle. Effectivement, un ouvrier sur sept seulement a accès à la formation professionnelle, contre un cadre sur deux !

Vous avez aussi tous reçu des personnes qui, ayant travaillé toute leur vie sur une chaîne, ne savaient pas se servir d’un ordinateur. C’est la preuve que, dans une économie globalisée, nous avons besoin de prendre à bras-le-corps la question de la formation professionnelle tout au long de la vie, mais aussi celle de l’orientation, qui est un levier majeur pour l’emploi des jeunes. La formation duale n’est-elle pas mise en œuvre depuis des décennies de l’autre côté de la frontière ? En Allemagne, en effet, la formation théorique et pratique, qui permet aux jeunes de pouvoir entrer beaucoup plus facilement sur le marché de l’emploi, est entrée dans les mentalités.

Vous avez souligné des avancées, mais aussi la nécessité d’améliorer les dispositifs sur certains points. En toute humilité, je tiens d’abord à rendre hommage à Laurent Wauquiez, qui a porté cette loi. Ensuite, je souhaite vous dire que le président de la République a souhaité l’existence – pour la première fois – d’un ministre dédié à l’orientation, à l’apprentissage et à la formation professionnelle pour porter une politique forte sur ces sujets. J’y consacrerai pleinement mon action pendant les quelque quinze mois qui nous séparent de l’élection présidentielle, ainsi qu’à l’application de la loi.

Le regroupement des OPCA est un enjeu majeur pour la formation professionnelle. Je suis particulièrement attentive au bon déroulement de cette réforme qui se mettra en place dès le 1er janvier 2012 et nous permettra d’améliorer la transparence des circuits de financement, de renforcer le dialogue et la concertation entre tous les acteurs du financement de la formation professionnelle et de continuer à faire vivre le dialogue social avec les partenaires sociaux dans le cadre du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. J’ai signé avec Xavier Bertrand la convention financière qui lie l’État et le fonds paritaire pour un montant global de 800 millions d’euros. Cet engagement va permettre notamment de promouvoir la préparation opérationnelle à l’emploi (POE), qui est une mesure originale et efficace. Une convention entre Pôle emploi et AGEFOS-PME a également été signée à mon ministère. Elle vise un objectif de 5 000 POE en 2011. La POE est le fruit de la détermination commune des partenaires sociaux et de l’État. Sur 164 millions d’euros dédiés à la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, 25 millions sont consacrés à la POE.

L’emploi est la priorité du Gouvernement. Vous avez parlé des dispositifs centrés sur l’individu : je veux que l’accès à la formation soit le plus adapté possible aux besoins spécifiques de nos concitoyens. Nous devons donc simplifier les dispositifs de formation car, vous avez raison, monsieur le président, plus nous irons vers des systèmes simplifiés, plus nous serons efficaces. C’est pourquoi je veille avec beaucoup d’attention au déploiement de la portabilité du droit individuel à la formation (DIF) et du financement des formations hors du temps de travail.

S’agissant du développement des instruments de pilotage et d’évaluation, tout le monde doit répondre présent et remplir ses responsabilités. On parle de pilote dans l’avion, mais il y a aussi l’équipage ! Je rappelle que nous sommes dans un État décentralisé où il y a des partenaires sociaux et des financements des entreprises – l’État étant le deuxième financeur de la formation professionnelle après ces dernières, d’où, évidemment, son rôle moteur. La mise en place du service public de l’orientation, auquel vous tenez tous, constitue un chantier important que je suis avec la plus grande attention. J’ai reçu M. Pitte et je travaille pour que nous arrivions à des dispositifs qui soient les plus efficaces et pragmatiques possibles pour l’ensemble de nos concitoyens.

Quant à l’état des textes, la loi a traduit la négociation des partenaires sociaux engagée début 2009. Plusieurs dispositifs souhaités par les partenaires et repris par la loi ont dû être précisés par voie réglementaire. Trente articles sur soixante-deux appelaient des mesures d’application réglementaire, lesquelles nécessitaient, pour un grand nombre d’entre elles, l’examen du Conseil d’État. L’essentiel des textes est aujourd’hui pris : vingt sont publiés, cinq sont à la signature ou en examen au Conseil d’État et trois sont en cours d’élaboration. Deux ne peuvent pas être pris, celui relatif au passeport orientation et formation, qui a reçu un avis négatif du Conseil d’État, et celui sur la dévolution à l’AFPA du patrimoine à titre gracieux des biens de l’État puisque l’article 54 a été déclaré inconstitutionnel, et donc abrogé. Ainsi, en un an, 83 % des textes d’application ont été pris.

Trois des rapports à remettre au Parlement seront déposés très rapidement. Ils portent sur le financement du DIF – ce rapport sera déposé fin mars, –, sur l’évolution de la Commission nationale des certifications professionnelles et sur la formation dans les zones transfrontalières. Les autres rapports évoqués par les rapporteurs ne relèvent pas de la responsabilité du Gouvernement. Je souhaite que le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, dont le statut a été revu, puisse rapidement fournir le travail d’évaluation qui lui a été demandé. C’est un outil important de pilotage dont nous ne disposions pas jusqu’à présent.

Dès les premiers jours de ma prise de fonctions, j’ai reçu le président de ce conseil, M. Dominique Balmary, avec lequel j’ai échangé sur l’ensemble des sujets – gouvernance, moyens et décrets d’attribution –, et j’ai écouté une équipe confiante et prête à s’investir dans l’exercice de ses nouvelles missions. Le texte relatif à l’extension des missions du conseil national a été présenté en juin 2010 et transmis au Conseil d’État à l’été, lequel n’a pu l’examiner qu’en janvier de cette année en raison d’une forte actualité réglementaire. Le texte est désormais prêt à être signé. Pour prévenir tout problème juridique, il est souhaitable que les textes qui ont été soumis au préalable au conseil national – je pense notamment au décret sur la labellisation des organismes d’orientation – soient publiés avant cette signature.

La loi a étendu le champ de compétence du conseil national. Ses moyens de fonctionnement, comme ceux de l’État et de ses opérateurs, sont contraints dans un contexte de réduction de la dépense publique. Pour tenir compte de ses nouvelles missions, un cadre de haut niveau de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a été affecté pour renforcer son équipe. Il faut laisser le temps à cette instance de s’installer et de fonctionner pour ajuster, si besoin, la question des moyens.

L’État est l’un des trois acteurs majeurs du système de la formation professionnelle. Il est donc naturel qu’il exprime sa voix. La pondération des voix au conseil national, telle qu’elle a été organisée par le projet de décret et validée par le Conseil d’État, ne contrevient nullement au principe de l’égalité. Elle répond au contraire à un souci de bonne gestion et de juste représentation sans multiplier les acteurs. Le futur décret permettra donc de rééquilibrer le poids des collèges dans les délibérations sans modifier la composition du conseil national. Ce système n’est pas novateur : il a déjà été employé dans d’autres instances, comme les agences régionales de santé (ARS). Je tiens à souligner que la place des parlementaires restera la même.

Sur le service public de l’orientation tout au long de la vie, le décret relatif à la labellisation vient d’être examiné par le Conseil d’État dans une rédaction parfaitement conforme à la volonté du législateur. Pour bénéficier de la labellisation, chaque organisme devra, même s’il a passé une convention, répondre aux clauses d’un cahier des charges et proposer un socle minimal d’informations. Aux termes du cahier des charges, chaque personne pourra être accueillie et recevoir une information de premier niveau, objective et exhaustive, aux heures de disponibilité des personnes.

Le service dématérialisé prévu par le délégué à l’information et à l’orientation (DIO) devra s’appuyer, d’une part, sur la plateforme Internet intégrant l’expérience déjà acquise par les organismes d’information placés sous la tutelle des ministères chargés de l’éducation nationale et de la formation professionnelle – l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) et Centre Inffo –, 2 millions d’euros ayant été investis pour le portail, et 300 000 euros pour la maintenance ; d’autre part, sur un service d’accueil et de premier conseil téléphonique doté d’un numéro unique, qui pourra s’inspirer de l’expérience déjà acquise par le service du numéro 3939. Il convient de mutualiser nos dispositifs pour être très opérationnels et le faire au moindre coût. Je rejoins votre position sur la priorisation à opérer sur le site Internet pour aller le plus vite possible. Je reçois régulièrement M. Pitte et son équipe : sur ce dispositif, nous avançons très vite.

Comme vous le savez, une convention financière lie le DIO et le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels pour un montant de 5 millions d’euros. La qualité du futur service ne doit pas être évaluée à l’aune de l’ampleur de son financement, mais sur l’homogénéité et la qualité des informations et des services rendus à l’usager. Les équipes du DIO s’appuient sur l’expertise technique de la direction générale de la modernisation de l’État (DGME) et travaillent en lien étroit avec celles de l’ONISEP et de Centre Inffo – je vous invite d’ailleurs à consulter le site de ce dernier, remarquable et facile d’accès. Cette expertise permet de limiter les coûts de développement du nouveau service.

Le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels est un instrument fondamental au service de l’emploi. En 2010, 404 millions d’euros ont été programmés pour la sécurisation des parcours de 255 000 bénéficiaires attendus, à l’aide de 29 millions d’heures de formation ; 13 appels à projet ont été publiés et 135 opérations programmées. Cela est considérable et montre l’utilité de ce mode d’action vers ceux qui en ont le plus besoin. Pour 2011, l’annexe financière signée le 28 décembre 2010 a prévu un budget de 799 millions d’euros, dont 100 millions au titre du Fonds social européen. Je serai particulièrement vigilante à ce que les OPCA, qui s’engagent dans les enveloppes des appels à projet, réalisent effectivement les actions, ce qui permettra au fonds paritaire une meilleure régularité de ses décaissements. Le taux de prélèvement sur la collecte des OPCA au bénéfice du fonds paritaire a été fixé, conformément à l’avis des partenaires sociaux, à 10 %. Vous souhaitez que ce taux soit fixé plus tôt dans l’année : je suis ouverte à cette proposition, mais il faudrait alors que les partenaires sociaux me fassent part de leur avis plus tôt.

La liberté conventionnelle en matière de répartition – entre le plan de formation et la professionnalisation – de l’imputation du prélèvement relève d’abord de la négociation entre les partenaires sociaux. Aujourd’hui, le risque d’un déséquilibre dans le financement des contrats de professionnalisation n’est pas avéré. Il convient d’être vigilant, et je le serai.

S’agissant du prélèvement de 300 millions d’euros sur le fonds paritaire, il n’affecte pas les prévisions budgétaires pour 2011 : les fonds programmés pour 2011 sont conformes à ceux engagés en 2010. Je rappelle également que les fonds prélevés vont directement au financement de la formation professionnelle. Je rappelle enfin que les partenaires sociaux ont tout intérêt à éviter la thésaurisation : il faut que les programmes s’appliquent et que l’argent soit consommé ; c’est la meilleure façon d’être efficace au service de ceux qui ont besoin d’une formation. Pour autant, je suis d’accord sur la nécessité d’anticiper les ressources à venir. Ce choix relève des partenaires sociaux qui peuvent proposer plus tôt dans l’année un taux de prélèvement sur les fonds de la formation, ce qui améliorerait la visibilité des entreprises.

J’en viens au calendrier de la mise en œuvre de la réforme des OPCA. Les groupes de travail ont été mis en place par la DGEFP, et l’ensemble du corpus réglementaire sera connu fin mars. Trois arrêtés sont à venir, sur le plafonnement des frais de gestion, sur la procédure d’agrément et sur le plan comptable. Les OPCA auront donc eu entre neuf mois et trois ans pour se préparer.

Vous êtes très engagés sur le point central de la réforme que constitue la révision du plan comptable des OPCA et du fonds paritaire, avec des enjeux multiples : modernisation, clarification, transparence des comptes, amélioration de l’homogénéité des écritures comptables et actualisation des textes permettront la bonne traduction de la réforme dans l’activité même des OPCA.

Les contrats d’objectifs et de moyens ont pour objectif de fixer les besoins des OPCA au regard de la politique de formation définie par les partenaires sociaux de la branche qui compose l’OPCA. Le niveau de frais sera donc adapté à l’offre de service rendu. L’État, je le rappelle, n’a pas vocation à s’immiscer dans les priorités de gestion des OPCA. C’est la raison pour laquelle l’arrêté qui fixera les plafonds des frais sera pris après que les groupes de travail sur les COM auront été tenus, et ce pour prendre en compte les spécificités de chaque OPCA. La fixation des taux ne peut être assimilée à un préalable. C’est plutôt l’inverse qui doit se produire : d’abord, analyser les besoins et les objectifs ; ensuite, fixer le taux des plafonds, tout simplement pour éviter trop de demandes de précaution.

Vous m’avez interrogée sur l’emploi des jeunes, notamment sur le décrochage scolaire, sujet sur lequel le Président de la République est très impliqué et a demandé au Gouvernement des résultats concrets. Je me réjouis que le décret relatif au décrochage scolaire soit paru le 31 décembre 2010. Le fichier des « décrocheurs » scolaires concerne à la fois les élèves du cursus ordinaire et les apprentis. Une circulaire du mois de janvier fixe le déploiement opérationnel de ce dispositif. Une vingtaine de départements est d’ores et déjà prête. Un lancement opérationnel devrait être possible au mois d’avril.

Concernant les écoles de la deuxième chance, la loi a entériné une situation de fait en considérant que ce dispositif ne pouvait rester fermé aux mineurs de seize à dix-huit ans, souvent « décrocheurs ». Ces jeunes, s’ils sont volontaires, doivent pouvoir bénéficier du dispositif. La moyenne d’âge des jeunes en école de la deuxième chance est de vingt ans. En 2010, 10 % environ des jeunes accueillis dans ces écoles avaient moins de dix-huit ans.

Le Président de la République a fait de la couverture complète et équilibrée du territoire par le réseau des écoles de la deuxième chance une priorité. Cette volonté s’est concrétisée dans le plan Espoir banlieue et dans le plan Agir pour la jeunesse. L’objectif est de faire en sorte qu’il y ait une école dans chaque région. Fin décembre 2010, il y avait 25 écoles et 81 sites, dans 15 régions et 39 départements, dont 3 DOM. Pour l’heure, le déploiement de ces écoles suit son cours : 82 % de l’objectif des 12 000 places a été atteint fin 2010, avec 10 700 places. Ce sont 50 projets qui sont en cours. Nous espérons atteindre l’objectif des 12 000 places l’an prochain, mais il faut aussi que les régions s’engagent. L’État a en effet tenu ses engagements en apportant le tiers du financement des écoles : plus de 50 millions d’euros leur ont été dédiés pour la période 2009-2011, dont 27 millions sur la seule année 2011. En relevant désormais du programme 102 de la loi de finances, et non plus de financements ponctuels – je pense au plan de relance –, le financement des écoles de la deuxième chance est désormais pérennisé.

Vous m’avez interrogée sur la gratification des stages étudiants et l’interdiction des stages hors cursus. Nous attendons de connaître les intentions des partenaires sociaux, qui se sont saisis de ces sujets.

Le plan de bataille pour l’emploi des jeunes nous concerne tous. Le Président de la République a annoncé la relance de l’alternance, ainsi que les mesures que préparent les contrats d’objectifs et de moyens. Les premiers retours des partenaires sociaux, qui ont ouvert une discussion globale sur le sujet, montrent qu’ils sont prêts à s’engager de manière pragmatique et à avancer des réponses concrètes. L’alternance est un des principaux leviers de l’insertion professionnelle des jeunes. Aux termes de la feuille de route établie par le Président de la République, nous visons le nombre de 800 000 alternants d’ici à 2015, pour atteindre à terme celui d’un million.

Reste à inciter les entreprises à recruter des alternants. Pour celles qui emploient plus de 250 salariés, nous appliquerons un dispositif de bonus-malus prévoyant une modulation, ce qui permettra au système de gagner en simplicité et en justice. Il serait absurde de taxer uniformément à 0,1 % de la masse salariale celles qui font l’effort d’atteindre le taux de 2,9 %, au lieu des 3 % attendus, et celles stagnent à 0,5 %. Pour les entreprises de moins de 250 salariés, nous privilégierons l’incitation par le biais de la mesure « zéro charges apprentis » pendant six mois. Une autre manière de valoriser l’alternance est d’offrir aux jeunes qui s’orientent vers l’apprentissage les mêmes droits qu’aux étudiants, notamment l’accès aux services des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) et l’obtention de tarifs préférentiels dans les transports et les lieux culturels.

En vue de développer l’offre des centres de formation des apprentis (CFA), nous moderniserons l’outil de formation. Cinq cents millions d’euros provenant du grand emprunt seront consacrés à la modernisation ou à la construction de centres. Les appels à projets ont été lancés. Nous attendons 50 projets novateurs pour créer de nouveaux CFA, ainsi que 15 000 places d’hébergement qui font actuellement défaut, ce qui freine l’orientation des jeunes vers l’apprentissage.

La nouvelle génération de contrats d’objectifs et de moyens (COM) liera les régions à l’État, qui consentira un effort financier de 1,7 milliard sur cinq ans, soit 350 millions par an. Plus de 60 millions par an proviennent de la surtaxe acquittée par les entreprises n’ayant pas atteint le quota de 3 % d’apprentis. Les COM financeront les travaux nécessaires pour augmenter le nombre de places d’apprentissage et assurer le fonctionnement des sections dont la création a été prévue soit par les COM 1 ou 2, soit dans le cadre du grand emprunt. Une aide pour les classes de préapprentissage sera versée au titre de la mobilité européenne. J’ai également souhaité qu’une réflexion soit menée dans les COM 2 sur les personnes handicapées, notamment les jeunes. Leur situation n’avait pas été prise en compte dans l’ensemble du territoire ; or il faut leur offrir la possibilité de recevoir sur tout le territoire une formation professionnelle en alternance. Cela dit, si l’État consacre des moyens financiers aux COM 2, il souhaite que les régions s’engagent autant que lui. Au titre des COM 1, elles dépensaient 20 centimes quand il versait 1 euro. Pour les COM 2, l’effort national, qui concerne l’ensemble des opérateurs, sera partagé pour moitié entre l’État et les régions.

Je demanderai à Pôle emploi et aux caisses d’allocations familiales d’informer pleinement les bénéficiaires de minima sociaux de la possibilité de signer des contrats de professionnalisation.

Le droit individuel à la formation (DIF) portable, dispositif novateur créé en 2004, permet de cumuler vingt heures de droits à formation par an dans la limite de six ans, soit un total de 120 heures. Le dispositif monte lentement en charge. En 2009, seuls 6 % des intéressés l’ont utilisé, contre 5 % en 2008. La Cour des comptes a évalué à 287 millions d’euros le coût annuel potentiel de la portabilité du DIF, sachant que le coût annuel potentiel de l’ensemble du DIF serait 14 milliards, si tous les salariés demandaient en même temps à en bénéficier, situation qui paraît évidemment impossible. Actuellement, la portabilité du DIF est systématiquement autorisée, conformément au vœu des partenaires sociaux. L’information est garantie par le décret du 18 janvier 2010, qui oblige à faire figurer les droits acquis à ce titre dans le certificat de travail. Le demandeur d’emploi sollicite directement le financement, qu’assume l’OPCA de l’ancien employeur ou, durant les deux années qui suivent la nouvelle embauche, celui du nouvel employeur. Un rapport sur ce dispositif sera publié de manière imminente.

L’article 22 du projet de loi modifie certaines dispositions du code de l’éducation, en confiant de nouvelles missions à la Commission nationale de la certification professionnelle. Par ailleurs, il modifie le code du travail en ce qui concerne les certificats de qualification professionnelle. Le Conseil d’État examine en ce moment même un projet de décret relatif au répertoire national des certifications professionnelles et à la Commission nationale de la certification professionnelle. Commencé en mai 2010, le rapport au Parlement sur l’évolution du statut de la Commission nationale de la certification professionnelle est en cours de finalisation.

Pour le remplacement des salariés en formation professionnelle dans les entreprises de moins de dix salariés, le décret d’application du 17 mars 2010 instaure un taux minimum de prise en charge calculé sur la base du taux horaire du SMIC brut et prévoit un plafond de 150 heures de formation. Les premiers retours de cette mesure expérimentale, qui figureront dans les états statistiques et financiers des OPCA au titre de 2010, seront exploitables en juin 2011.

Pour permettre le contrôle des organismes de formation, la production d’une attestation de fin de formation est désormais requise. Elle sera délivrée par le prestataire du stagiaire, et mentionnera les objectifs, la nature et la durée de la formation, ainsi que le résultat de l’évaluation des acquis. Elle fera l’objet d’une vérification. L’extension des pouvoirs de contrôle à de nouveaux agents renforcera les moyens disponibles.

La réorganisation de l’AFPA est un sujet brûlant, comme l’ont souligné les rapporteurs. L’article 54 du projet de loi a été annulé par le Conseil constitutionnel, ce qui crée une situation complexe sur le plan juridique. Parce qu’il souhaite que l’AFPA fonctionne de manière optimale, le Gouvernement a chargé une mission d’experts de rechercher avec elle les solutions qui lui permettront de remplir sa tâche. Les membres de la mission, qui appartiennent à l’inspection générale des finances ou au Conseil d’État, seront installés dans les prochains jours. Ils rendront leurs conclusions en mai. J’attends qu’ils explorent toutes les pistes structurelles, y compris celles qui permettront à l’AFPA d’agir de manière pérenne. La délégation intersyndicale sera reçue à mon cabinet pour faire le point sur ces questions.

Afin de construire le contrat de plan régional de développement de la formation professionnelle, la circulaire de la DGEFP du 22 octobre propose un cadre de construction détaillé adaptable à tous les contextes régionaux. Celui-ci prévoit trois temps : définition d’un diagnostic partagé, élaboration par le conseil régional d’un projet de contrat de plan régional et de fiches d’action, concertation entre les collectivités territoriales, Pôle emploi et les représentants d’organismes de formation professionnelle. Le contrat de plan régional sera signé par le président du conseil régional, le préfet de région et le recteur. La démarche vise à permettre le développement cohérent des filières de formation professionnelle initiale et continue.

La demande que vous avez formulée vous-même, monsieur le président, d’une évaluation des effets de la loi par bassin d’emploi répond à la volonté du Président de la République. M. Bertrand a reçu les sous-préfets qui vérifieront dans leur bassin la mobilisation de tous les acteurs. On vérifiera ainsi l’adaptation des formations aux besoins des demandeurs d’emploi.

M. le président Pierre Méhaignerie. Avant de vous quitter, je vous ferai part d’une expérience et d’un rêve, qui ne s’est malheureusement pas concrétisé. Il y a une quinzaine d’années, chargé de rédiger un rapport sur la formation aux États-Unis, j’ai pu constater que le parking des collèges et des universités du Texas était plein durant toute la journée du samedi et jusqu’à vingt-deux heures en semaine. C’est ainsi que les ouvriers devenaient techniciens, et les techniciens, ingénieurs.

Par contraste, le dispositif français reflète toute la lourdeur d’un système étatico-corporatiste. Quel pays nous l’envierait ? Dans mon bassin d’emploi, nous avons voulu ouvrir un CFA, mais il fallait tant d’autorisations que l’opération s’est transformée en mission impossible. J’ai rêvé d’un système qui, grâce aux collèges ou aux universités, permettrait de se qualifier tout au long de la vie, mais cela ne me semble pas réalisable en France.

(M. Pierre Morange, vice-président de la Commission, remplace
M. Pierre Méhaignerie à la présidence de la séance)

M. Michel Issindou. Nous nous rejoignons sur la nécessité de réussir la formation tout au long de la vie dans une société où l’on change et où l’on changera de plus en plus souvent de métier, mais, si certains veulent voir la bouteille à moitié pleine, je regrette pour ma part qu’elle soit à moitié vide.

On se souvient du contexte dans lequel est née la loi de 2009. La presse ayant préparé habilement le terrain, tout le monde déplorait que la formation professionnelle se traduise par un gaspillage annuel de 26 à 28 milliards. Le Président de la République a voulu remettre de l’ordre, et reprendre en main un domaine tombé en 2004 dans la compétence des régions. Peut-être aurait-il dû revenir sur les mesures de décentralisation en 2009, puisqu’il entend que l’État soit désormais aux commandes. La nouvelle donne jette le trouble parmi les représentants des régions et des partenaires sociaux, qui n’ont jamais réclamé que l’État s’empare de la formation professionnelle ni de l’argent qui lui était dévolu.

Le dispositif qu’ont présenté les rapporteurs et la ministre pendant une heure et quart est fort complexe. Le service public d’orientation, qui n’est pas encore en place, ne permettra pas de répondre aux besoins. Le portail Internet ne créera pas de véritable contact.

La formation se ressent aussi du mauvais fonctionnement de Pôle emploi, né de la fusion hâtive de l’ANPE et des ASSEDIC. Pour savoir ce qui se passe à l’AFPA, le Gouvernement en est réduit à diligenter une mission d’enquête. Il fait de l’alternance son cheval de bataille, mais celle-ci ne créera aucun emploi. En somme, même si les intentions de Mme la ministre sont louables, il reste beaucoup à faire pour que la réforme de 2009 profite à tous.

M. Francis Vercamer. Merci aux rapporteurs, qui ont fourni un travail de qualité.

Afin d’utiliser d’une manière plus efficace les 30 milliards consacrés chaque année à la formation professionnelle, la loi de 2009 envisageait plusieurs pistes. La première était d’adapter en permanence le salarié aux besoins de l’entreprise et aux innovations technologiques. La seconde concernait la mobilité professionnelle et la qualification des salariés. La troisième, qu’on a parfois oubliée, consistait à former ceux qui en ont le plus besoin et qui sont malheureusement exclus des systèmes de formation. Les objectifs n’ont pas été atteints. Le dispositif général reste complexe et, même si la loi va dans le bon sens, beaucoup de décrets n’ont pas été pris.

Sur le DIF portable, que les partenaires sociaux, particulièrement les syndicats, avaient demandé pour que chacun puisse bénéficier d’une formation même après un licenciement, on attend toujours un bilan. Les salariés ne savent pas comment il fonctionne et les entreprises, particulièrement les PME, ont du mal à le mettre en œuvre. D’autre part, la ponction de 300 millions d’euros opérée par l’État sur le fonds paritaire de sécurisations des parcours professionnels (FPSPP) n’a pas incité les partenaires sociaux, déjà très réservés sur ce fonds, à l’alimenter à hauteur de 13 %, comme le leur permettait la loi : ils s’en sont tenus à 10 % pour 2011. Il aurait mieux valu le laisser prospérer pendant quelques années avant que d’y puiser. Quoi qu’il en soit, au cours de 2010, ce fonds destiné aux populations les plus éloignées de la formation professionnelle a-t-il atteint son but ? Ses 250 000 bénéficiaires ont-ils été formés et ont-ils trouvé un emploi ?

Enfin, l’orientation professionnelle est le grand absent du texte, même si l’on a beaucoup parlé des bilans d’étape professionnels. C’est là que le bât blesse. Il faut orienter les jeunes vers des métiers d’avenir.

M. Paul Jeanneteau. Je salue à mon tour la qualité du travail accompli par les rapporteurs, mais quelles solutions proposent-ils pour simplifier le fonctionnement du FPSPP et ses modalités d’intervention, qu’ils ont jugées complexes ?

Peut-on aller plus loin dans le regroupement des OPCA ? Combien d’organismes de ce type sont réellement nécessaires ?

M. Bernard Perrut. Il ressort des différentes interventions qu’il faut beaucoup d’exigence et de compétence pour mener une politique d’emploi et de formation. Dans notre pays, plus de 3 millions de personnes en âge de travailler, 15 % des demandeurs d’emploi et 8 % de ceux qui travaillent sont en situation d’illettrisme. Quelles mesures proposez-vous à leur égard ?

En 2011, dans le cadre du programme « Compétences clés », 54 millions sont consacrés au renforcement des savoirs de base, mais le financement permettant aux OPCA d’intervenir dans ce domaine est-il suffisant ?

La formation et l’emploi des jeunes ont suscité depuis trente ans quatre-vingts mesures différentes. Celles-ci doivent-elles être réorganisées ? Pour l’heure, nous travaillons à mieux évaluer les missions locales. Nous reviendrons sur ce point en séance publique.

M. Michel Heinrich. Madame la ministre a parlé d’un texte « historique ». Il est vrai qu’on revient de loin ! La France est l’un des pays européens dans lequel les salariés ont le moins recours à la formation professionnelle. Y a-t-il eu un progrès depuis que la loi a été votée ?

Par ailleurs, notre pays se caractérise par une polarisation des niveaux de rémunération : les bas et les hauts salaires se développent au détriment des salaires intermédiaires, alors que l’évolution salariale est quasiment linéaire en Allemagne. Avons-nous progressé dans ce domaine ?

Enfin, j’ai plusieurs fois été alerté par les travailleurs sociaux sur les problèmes que pose la gratification des stages. La loi de 2006 pour l’égalité des chances avait prévu une rémunération à partir de trois mois, délai que celle de 2009 a réduit à deux mois. Il apparaît néanmoins que ces dispositions, que j’avais votées sans réserve, réduisent le nombre de formations. Les maisons d’enfants à caractère social ou les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, qui dépendent des départements, offrent moins de stages, tout comme l’administration pénitentiaire. Comment remédier au problème ?

M. Lionel Tardy. Je suis sensible aux mesures en faveur de l’insertion des jeunes et de l’alternance, mais je regrette, en tant que chef d’entreprise, que rien ne soit fait pour permettre l’accès des apprentis mineurs aux machines dites dangereuses, qui utilisent des cisailles ou des outils tranchants, et aux travaux en élévation propres au bâtiment, à la charpente ou à l’arboriculture. De ce fait, même motivés, les jeunes de seize à dix-huit ans en apprentissage sont condamnés à porter des cartons. Le code du travail prévoit des dérogations, mais, fuyant leurs responsabilités, la médecine scolaire, l’inspection du travail et l’inspection du travail se renvoient la balle. En 2008, le ministère du travail et celui de l’éducation nationale, que j’avais saisis à ce sujet, avaient annoncé une réforme. Mais la situation n’a pas progressé. Il faut mettre fin à ce blocage si l’on veut développer l’apprentissage !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. La formation, qui reste un domaine complexe, est essentielle, surtout pour les jeunes qui ont « décroché » ou qui, en raison de certaines difficultés, ne peuvent accéder à l’emploi.

Il est bon que les stages étudiants soient désormais pris en compte dans le cursus et intégrés au calcul de la retraite. Cependant, l’argent manque dans certains secteurs. D’où la proposition de loi du Sénat visant à exonérer les établissements de santé ou médico-sociaux de l’obligation de rémunérer les stagiaires. Il s’agit à mon sens d’une mauvaise solution. Le budget des établissements doit prendre en compte le financement des stages.

Le problème des jeunes en situation de handicap, plus touchés que les autres par le chômage, a-t-il été envisagé ? Les CFA spécialisés peuvent-ils leur offrir par convention ou de manière progressive l’accès à des formations qualifiantes ?

Mme Cécile Dumoulin. L’orientation professionnelle est un sujet essentiel si l’on veut résoudre le problème de l’emploi. Je regrette que Pôle emploi, acteur majeur dans ce domaine, suscite tant de critiques. La préparation opérationnelle pour l’emploi est un moyen judicieux de rapprocher l’offre et la demande. Quelles mesures sont envisagées dans ce domaine ? Pôle emploi ne devrait-il pas utiliser le travail qu’effectuent sur le terrain les agences d’intérim ?

L’apprentissage est peut-être une voie royale, mais les apprentis ne trouvent pas toujours d’entreprises pour les accueillir. Le Président de la République a rappelé que la proportion d’apprentis devait augmenter dans les grandes entreprises. Peut-être les collectivités territoriales pourraient-elles participer à l’effort de formation, en accueillant un quota d’apprentis. S’il est normal qu’on demande beaucoup aux entreprises, le secteur public devrait aussi s’emparer du sujet.

M. Pierre Morange, président. Il est exact que Pôle emploi peut être ressenti comme un concurrent par les entreprises d’intérim.

Mme Pascale Gruny. En pleine période de chômage, je suis toujours étonnée qu’un grand nombre de postes offerts ne soient pas pourvus, ce qui traduit un réel problème de formation. Mais pourquoi faire reposer la plus grande partie de la formation des chômeurs sur Pôle emploi, qui ne reçoit que 18 % des offres d’emploi, alors que les entreprises se tournent plus volontiers vers les agences d’intérim ?

La loi a-t-elle permis aux moins qualifiés d’obtenir une formation ? Il semble très difficile de remplacer le personnel employé à la production.

Le DIF, dont la portabilité me semble un bon principe, se révèle être une usine à gaz. Soit le salarié ne l’utilise pas, soit l’entreprise lui demande de l’employer pour suivre une formation interne.

Enfin, si les centres d’orientation qui accueillent les jeunes n’ont pas changé depuis les années 1970, les maisons de l’emploi labellisées « Cité des métiers » offrent un accompagnement certain en matière d’orientation, ainsi qu’un lien avec les entreprises et les professionnels.

Mme Gisèle Biémouret. La responsable du CFA de mon département m’a signalé que, même lorsqu’on repère des apprentis souffrant d’illettrisme, aucun financement ne permet de les prendre en charge. La région et l’État se renvoient la balle. Les difficultés qu’éprouvent ces jeunes expliquent sans doute qu’ils renoncent souvent à terminer leur apprentissage.

M. Fernand Siré. La formation initiale est assurée par l’éducation nationale, qui propose aux jeunes des CAP, des brevets, des BEP ou des bacs professionnels, sans parler des bacs généraux ou des formations universitaires. Comment se fait-il que ces formations soient si peu en rapport avec les emplois futurs ? Avant de corriger tardivement d’éventuels échecs, il faudrait déjà réfléchir au fait qu’en matière d’orientation, on se préoccupe plus de remplir les classes que de prendre en compte les désirs des jeunes ou la réalité du marché de l’emploi.

D’autre part, quand un allocataire d’un minimum social âgé de plus de trente ans réussit le concours d’élève infirmier ou d’aide-soignant, il perd, en devenant étudiant, certains avantages comme la couverture maladie universelle (CMU), et sa situation devient catastrophique. Peut-on remédier à cette situation ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. M. Tardy trouvera la réponse à sa question aux pages 36 et 37 de notre projet de rapport et à la page 8 de la synthèse.

Mme la ministre. Monsieur Issindou, il n’y a pas lieu de parler de recentralisation, mais, dès lors que l’État assume sa mission et procure des financements, les régions doivent en faire autant. Chacun doit jouer son rôle en matière de formation. D’ailleurs, quand j’ai reçu le président de l’Association des régions de France, j’ai senti qu’il avait la volonté d’avancer. Nous sommes tous comptables de la réussite et de l’emploi des jeunes. Agissons donc en partenariat, dans un souci d’efficacité.

Je partage l’opinion de monsieur Vercamer sur la nécessité de simplifier et de mieux informer les salariés sur le DIF. Le texte que nous proposerons, M. Bertrand et moi, ira en ce sens.

Monsieur Jeanneteau, ce sont les OPCA et les OPACIF qui portent les appels à projet éligibles au FPSPP, ce qui garantit la viabilité des projets à financer et prouve notre exigence en matière de droit à la concurrence. Des négociations sont en cours pour simplifier et réformer les OPCA, qui devront justifier d’une collecte d’au moins 100 millions d’euros par an. Le système sera opérationnel en janvier 2012.

Monsieur Perrut et madame Biémouret ont eu raison de rappeler que 3 millions de personnes entre dix-huit et soixante-cinq ans, dont 60 % occupent un emploi, sont en situation d’illettrisme, parce qu’elles n’ont pas appris ou qu’elles ont désappris les savoirs de base. L’effort financier consenti par l’État sur ce dossier, en augmentation de 43 % depuis 2009, se monte à 54 millions en 2011. Le Premier ministre en a fait une priorité. Le 29 mars, j’organiserai une action de sensibilisation comprenant une table ronde au Conseil économique, social et environnemental. Il faut renforcer les partenariats entre tous les acteurs afin de mieux mesurer et de mieux détecter le phénomène. Ainsi, quand on remarque qu’une personne a du mal à remplir seule un dossier de demande de revenu de solidarité active (RSA), on peut l’orienter pour qu’elle bénéficie d’un programme adapté. Un plan est en cours, et les moyens sont prévus.

Monsieur Heinrich et madame Carrillon-Couvreur, j’étais au banc du Gouvernement quand le Sénat a adopté la proposition de loi tendant à faciliter l’accès aux stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux, dont l’Assemblée nationale n’a pas encore été saisie. Les partenaires sociaux se penchent sur le sujet. Le problème est crucial, puisque 430 000 personnes devront être recrutées dans le secteur médico-social, dont 60 000 dans celui de la petite enfance. Je rencontrerai bientôt les partenaires sociaux. Les entreprises comme les établissements médico-sociaux doivent consentir un effort. Puisqu’il faudra bientôt embaucher les jeunes, on doit pourvoir à leur formation, même si la rémunération de leurs stages pose manifestement problème.

Monsieur Tardy est conscient de la difficulté de prendre un décret autorisant les mineurs à travailler sur les machines dites dangereuses. On songe d’abord à garantir leur sécurité, même si la tradition française, à laquelle s’ajoute désormais le principe de précaution, entraîne peut-être une surprotection. Quand j’ai pris le décret assouplissant les modes de garde, il a fallu réduire certaines contraintes pour prendre en compte les réalités.

Monsieur Siré, je partage votre avis sur l’importance de privilégier la formation initiale et d’orienter d’emblée les jeunes vers les bonnes filières. Une campagne de communication sera lancée prochainement sur le sujet. On doit rechercher une adéquation entre l’offre et la demande dans les bassins d’emplois. L’avenir de nos enfants en dépend, tout comme leur épanouissement. Cessons, par exemple, de nous focaliser sur le bac S, car toutes les filières sont nobles pourvu qu’elles mènent à l’emploi ! C’est parce qu’on a sacrifié les métiers manuels que 400 000 emplois ne sont pas pourvus !

Cependant, si la formation initiale est un angle d’attaque prioritaire, la formation professionnelle est essentielle dans une économie mondialisée, où les technologies évoluent et où l’on peut avoir à changer plusieurs fois d’emplois au cours de sa vie. Les formations doivent permettre d’évoluer tout au long d’une carrière. C’est pourquoi formation initiale et formation professionnelle me semblent complémentaires.

La préparation opérationnelle à l’emploi est un bon dispositif, qui permettra de mettre en adéquation les besoins de l’entreprise et la formation des demandeurs d’emploi. En ma présence, AGEFOS PME a signé avec Pôle emploi un accord portant sur 5 000 POE. Le 22 mars, je réunirai l’ensemble des OPCA pour leur présenter des objectifs chiffrés, en insistant sur le fait que le dispositif peut concerner les jeunes.

Madame Martine Carrillon-Couvreur, la nouvelle génération des COM comprendra un volet pour les jeunes handicapés, auxquels les CFA ou les CFA intégrés pourront dispenser des formations. En 2008, 4 000 travailleurs handicapés ont bénéficié de contrats en alternance. Le chiffre est en augmentation, et nous devons continuer dans cette voie. J’ai reçu les responsables de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH). Je continue de rencontrer le Comité d’entente des associations représentatives de personnes handicapées. Quand j’étais en charge de la solidarité, j’avais mis en place le comité interministériel sur le handicap. Il s’agit là d’un domaine transversal, dans lequel tous les ministères doivent agir.

Monsieur le président Méhaignerie a fait part d’un de ses rêves. Ayant à cœur de réaliser les miens, je souligne que la loi a permis des avancées significatives, même si nos structures sont plus complexes que celles qui existent aux États-Unis. J’entends mettre en place une labellisation, pour que, dans la jungle des formations, le salarié en puisse trouver une de qualité. Nous allons dans la bonne direction. À présent, il convient de mettre en œuvre l’application de la loi de 2009. Tel est le sens de ma nomination à ce ministère.

Je n’ignore pas que la tâche est lourde. Il faut adapter et simplifier l’orientation et la formation. Je veux qu’un portail soit dédié à l’alternance pour que les chefs d’entreprise puissent remplir les contrats d’apprentissage en ligne. Je travaille avec Viadéo afin que les apprentis disposent d’un réseau social et économique. Pour valoriser l’apprentissage, j’ai installé un comité de personnalités qui ont réussi, après avoir commencé comme apprentis : Franck Provost, Patrick Sicard, président du directoire de Lenôtre, les chefs Guy Savoy, Michel Roth et Hélène Darroze. Et, puisque nous sommes le 8 mars, Journée de la femme, je saluerai également le parcours d’une jeune fille devenue chef de chantier chez Eiffage. Actuellement, 69 % de ceux qui entrent en apprentissage sont des garçons. Il faut élargir le champ d’activité et de présence des filles. Entre autres porte-parole de l’apprentissage, je citerai enfin Robert Mahler, ancien apprenti devenu président d’Alstom en France. Les mentalités de nos concitoyens doivent changer. À nous de réussir cette révolution culturelle et de mettre en adéquation, à travers la formation, entreprises et demandeurs d’emploi.

M. Pierre Morange, président. Madame la ministre, je vous remercie, non sans insister sur les préconisations de la mission d’information sur la flexisécurité, qui rejoignent votre souci de simplification, de rationalisation et de coordination.

La Commission autorise, en application de l’article 145-7 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 8 mars 2011 à 16 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, M. Rémi Delatte, Mme Cécile Dumoulin, M. Jean-Patrick Gille, Mme Pascale Gruny, M. Michel Heinrich, M. Michel Issindou, M. Paul Jeanneteau, M. Jean-Claude Leroy, M. Céleste Lett, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, M. Philippe Morenvillier, Mme Marie-Renée Oget, M. Bernard Perrut, M. Simon Renucci, M. Arnaud Richard, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Louis Touraine, M. Francis Vercamer

Excusés. – M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, Mme Michèle Delaunay, M. Christian Hutin, M. Claude Leteurtre, M. Michel Liebgott, M. Jean-Marie Rolland

Assistaient également à la réunion. – M. Régis Juanico, M. Lionel Tardy