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Commission des affaires sociales

Mercredi 29 juin 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 55

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président Puis de M. Pierre Morange vice-Président

– Examen, ouvert à la presse, du rapport d’information sur la fraude sociale en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (M. Dominique Tian, rapporteur)

Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 29 juin 2011

La séance est ouverte à dix heures.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission,
puis de M. Pierre Morange, vice-président)

La Commission des affaires sociales examine le rapport d’information de M. Dominique Tian sur la fraude sociale en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous abordons ce matin l’examen du rapport d’information sur la lutte contre la fraude sociale. Je donnerai tout d’abord la parole à Dominique Tian, rapporteur de la mission d’information sur ce sujet, avant de laisser les deux coprésidents, Jean Mallot et Pierre Morange, s’exprimer.

M. Dominique Tian, rapporteur. Après onze mois de travaux, de nombreuses auditions et quelques déplacements en France et à l’étranger – en Belgique et aux Pays-Bas – sous la présidence conjointe de Jean Mallot et de Pierre Morange et avec la participation active des membres de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), me voici en mesure de présenter à la Commission des affaires sociales le rapport d’information que nous avons adopté à l’unanimité la semaine dernière.

Notre travail consistait à tenter de répondre à ces deux questions : la fraude sociale existe-t-elle dans notre pays ? Quelles mesures législatives faudrait-il adopter pour y remédier ?

La fraude sociale existe en effet, même si elle est quelque peu différente de ce que nous pouvions imaginer. Le bilan des travaux de la mission a été largement relayé par la presse et par le Gouvernement, qui a présenté mercredi dernier un plan de lutte contre la fraude. J’ai relevé cette coïncidence, qui montre l’intérêt que suscitent les travaux de l’Assemblée nationale…

La fraude sociale coûte à notre pays près de 20 milliards d’euros, essentiellement dus au travail illégal, qui est un mal endémique dans notre pays, 2 à 3 milliards étant dus à la fraude aux prestations. Les chiffres de la fraude aux encaissements ont été confirmés par le Conseil des prélèvements obligatoires et ceux relatifs à la fraude aux prestations sont issus des travaux de la Cour des comptes. Ils sont donc peu contestables.

Le Gouvernement s’est exprimé sur ces chiffres par la voix de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé, qui a indiqué que les fraudes aux prestations et aux prélèvements détectées en 2010 représentaient un montant de 458 millions d’euros. Des organismes ont également communiqué au cours de ces derniers mois : la branche famille, qui a relevé plus de 90 millions d’euros de fraudes en 2009 ; la branche maladie, qui a mis en évidence 156 millions d’euros de fraude ; la branche vieillesse dont la fraude détectée est passée de 3 millions d’euros en 2009 à plus de 10 millions d’euros en 2010. Cette augmentation résulte essentiellement de la fraude au départ anticipé pour carrière longue, les salariés ayant pu en effet reconstituer leur carrière sur simple déclaration sur l’honneur. Cette facilité a fait l’objet d’une scandaleuse fraude massive.

La question de la fraude n’est pas nouvelle et nos collègues membres de la MECSS présentent régulièrement des amendements, parfois avec succès, visant à lutter contre elle. L’Assemblée nationale se penche chaque année sur ce thème lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et certains de nos collègues s’investissent particulièrement en la matière, notamment Michel Issindou, qui siège à mes côtés avec deux sénateurs au sein de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF).

Après 28 auditions et sept déplacements, nous avons le sentiment qu’en matière de lutte contre le travail illégal, les moyens engagés par l’État sont insuffisants. La difficulté vient de ce que ce véritable fléau national est souvent le fait de professionnels de la fraude qui profitent des faiblesses et des lacunes du système. La création d’un fichier national des dirigeants ayant fait l’objet d’une condamnation pour interdiction de gérer, attendue depuis longtemps, serait bienvenue. Si le travail au noir peut avoir un côté marginal lorsqu’il représente un complément d’activité pour des personnes peu fortunées, le silence des uns et des autres lorsque le système est industrialisé est inadmissible. Aussi est-ce de manière unanime que nous souhaitons voir l’État lutter plus efficacement contre le travail au noir.

En matière de lutte contre la fraude, le pilotage national, en particulier celui des caisses, est insuffisant. La loi ou le règlement ne sont pas appliqués de la même manière selon les départements et les régions, et cette disparité nous inquiète. Certains grands chantiers de l’État en matière de croisement de fichiers ont pris du retard – je pense au répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), qui ne devrait être opérationnel qu’en fin d’année.

Une autre faiblesse du système tient à la complexité de la réglementation sociale, qui fait l’objet de notes internes quasiment quotidiennes destinées à permettre aux employés des caisses d’allocations familiales d’en comprendre le fonctionnement. Les directives sont souvent comprises différemment selon les régions, ce qui facilite la tâche des fraudeurs.

Les moyens humains et techniques mis à la disposition des caisses et des Urssaf sont notoirement insuffisants. Or, l’on sait que plus on cherche, plus on trouve.

Quant aux contrôles des assurés et aux sanctions pénales et administratives prononcées à l’encontre des fraudeurs, ils nous semblent trop rares pour constituer un signal suffisamment fort.

J’en viens à quelques-unes des propositions de notre rapport d’information, qui devrait d’ailleurs s’intituler « La fraude sociale : une menace pour la solidarité ».

Tout d’abord, le pilotage de la politique de lutte contre la fraude – sujet qui n’est plus tabou – doit être renforcé. Il faut lutter contre les disparités locales, notamment en adoptant une définition nationale de la lutte contre la fraude ainsi que des conventions d’objectifs et de gestion plus contraignantes – c’est d’ailleurs l’une des recommandations de la Cour des comptes. Il faut également développer la formation des agents.

Il convient, en outre, de sensibiliser les assurés et les entreprises aux enjeux de la fraude, comme cela a été fait à plusieurs reprises. Il faut renforcer le plan national de communication, à l’instar de la plupart des pays européens. Il semble nécessaire, à cet égard, de mettre en place des sanctions pénales plus dissuasives, notamment pour les récidivistes, et de développer le recours aux sanctions administratives, plus rapides à mettre en place.

La réglementation applicable à certaines prestations sociales doit être réformée. Il est ainsi proposé de simplifier le critère d’attribution du revenu de solidarité active (RSA) majoré – l’ancienne allocation de parent isolé (API) – en le basant sur le seul isolement économique. Il s’agit de vérifier l’absence de mise en commun des ressources et de toute aide financière – qui paie les charges du ménage, le loyer, la cantine des enfants ? – au lieu de prévenir les personnes à l’avance par courrier recommandé que l’on vient vérifier si elles vivent seules. Sans aller jusqu’au renversement de la charge de la preuve, la notion d’isolement économique nous paraît plus logique et plus acceptable sur le plan intellectuel.

Il est primordial de renforcer les moyens de contrôle. Il faut à cet effet augmenter le nombre de contrôleurs des organismes de sécurité sociale, les doter d’outils tels que les détecteurs de faux papiers, et mettre en place un fichier national interrégimes des personnes ayant commis une fraude en matière sociale. Cette disposition a fait l’objet de longues discussions. La plupart des pays européens ont choisi de concentrer leur action sur les personnes qui présentent un risque de fraude plutôt que de se lancer dans d’importantes missions de contrôles qui se révèlent souvent inopérantes, et des expérimentations de datamining – qui, par un meilleur ciblage des fraudeurs potentiels, permet de gagner du temps et de l’efficacité – sont menées par plusieurs caisses.

Les Urssaf doivent être dotés de moyens supplémentaires pour lutter contre le travail illégal, par exemple la mise en place d’un fichier national d’interdits de gérer. En l’absence de connexion des greffes des tribunaux de commerce, un dirigeant frappé d’une interdiction de gérer peut, en effet, déclarer une société dans un autre greffe. Cette absence de contrôle est condamnable, et les greffes ont une réelle responsabilité à prendre en la matière.

Parmi les recommandations auxquelles la mission tient particulièrement figure la procédure de « flagrance sociale ». En matière de lutte contre le travail illégal, les réponses administratives et pénales sont trop longues ne permettant pas la mise en œuvre immédiate de mesures conservatoires. Ainsi, dans le secteur du bâtiment, des chantiers continuent alors même que du travail illégal a été détecté. La procédure de « flagrance sociale » entraînerait l’arrêt immédiat du chantier.

La lutte contre la fraude passe par l’interconnexion des fichiers. La mise en place du répertoire national commun de protection sociale doit être achevée et l’accès des organismes de sécurité sociale au logiciel d’application des dossiers de ressortissants étrangers en France (AGDREF) doit être finalisé. La France est en retard sur ce point par rapport aux autres pays européens.

Certaines expériences innovantes méritent d’être généralisées. Les réseaux de professionnels de santé pourraient s’inspirer de l’expérimentation conduite à Toulouse pour lutter contre le trafic des substituts aux opiacés – le Subutex en l’occurrence – qui a entraîné la diminution sensible des détournements. Pourquoi la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés n’a-t-elle pas généralisé cette expérience ?

Il est également impératif de mettre en place une carte de sécurité sociale sécurisée, qui contiendrait l’ensemble des données de sécurité sociale de l’assuré. Cette carte, d’une durée limitée, serait délivrée par les services d’état civil des mairies dans le cadre d’un face-à-face. Le fait que la photo de la carte Vitale peut être adressée par courrier nous a beaucoup choqués, car cela ne présente pas les garanties de sécurité nécessaires et facilite la tâche de celui qui a l’intention de frauder. Ces cartes de sécurité sociale ne seront pas biométriques, comme le seront bientôt les cartes d’identité lorsque nous aurons voté la proposition de loi adoptée par le Sénat relative à la protection de l’identité que nous examinerons les 5 et 6 juillet prochains. Étendre le face-à-face à un certain nombre de documents ne coûterait pas beaucoup plus cher et rendrait la fraude impossible.

Nous souhaitons également réduire la circulation des ordonnances falsifiées. La situation est assez absurde et les syndicats de pharmaciens ont appelé notre attention sur ce point. Un certain nombre d’ordonnances sont anonymes, et si celles qui sont délivrées à l’hôpital font apparaître le nom du chef de service, il est extrêmement difficile pour les pharmaciens d’en vérifier le signataire. C’est pourquoi nous préconisons les prescriptions électroniques ou, à défaut, l’apposition d’une signature électronique sur les ordonnances.

Nous nous sommes intéressés, tout comme le Gouvernement et la Cour des comptes, au million d’assurés qui perçoivent une prestation de retraite de la Caisse nationale d’assurance vieillesse à l’étranger. Il semble que la fraude massive des centenaires algériens soit une légende. La question n’a pas semblé primordiale à la mission, mais nous ne pouvons continuer à nous contenter du certificat de vie annuel, dont il est impossible de vérifier l’authenticité. Nous avons trouvé un accord sur la création d’une carte de sécurité sociale biométrique pour les assurés partant à l’étranger. La biométrie est utilisée par la plupart des pays européens et d’autres pays du monde, comme en Afrique du Sud où les prestations de retraite peuvent être versées par le biais d’un document biométrique, ou encore aux États-Unis où, à New York, les personnes sans domicile fixe détiennent un document biométrique qui permet de les identifier. Cette solution serait facile à mettre en place, car la France a une grande expertise en la matière. En outre, la biométrie connaît un développement très rapide.

Il est également nécessaire de revoir la procédure d’attribution des numéros de sécurité sociale – ou numéros d'inscription au répertoire (NIR). Certaines personnes ont du mal à prouver leur identité car leur état civil est contestable, voire inexistant. Un texte de loi devrait préciser l’organisme compétent en matière d’attribution du NIR et poser le principe de la nécessité d’avoir un numéro de sécurité sociale certifié pour bénéficier du versement de prestations de sécurité sociale. Il serait pertinent de limiter la durée du numéro d’inscription d’attente à six mois afin de limiter le risque d’attribuer des prestations à des personnes qui n’en auraient pas le droit, délai au terme duquel les services de l’État décideraient si le NIR doit être certifié ou non au vu des documents transmis et de la situation de l’assuré. La MECSS a adopté cette disposition à l’unanimité.

Enfin, les contrôles des arrêts maladie doivent être impérativement développés. Après de longues discussions, nous sommes parvenus à un accord sur la nécessité de multiplier les contre-visites à l’initiative de l’employeur, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Il est intéressant de noter que le nombre des arrêts maladie dans la fonction publique territoriale ne cesse de croître et qu’il est nettement supérieur à celui du secteur privé. Il faut donc trouver une solution. Des primes de « présentéisme » ont fait leur apparition, notamment dans la fonction publique hospitalière. Mais, le fait d’accorder une prime aux personnes qui recourent peu souvent à un arrêt de travail peut paraître relever d’un raisonnement par l’absurde. Pour certains, qui ont exprimé leurs réticences, ce serait du même ordre que payer les collégiens pour qu’ils aillent au collège… Nous nous sommes abstenus de porter un jugement sur ces initiatives, mais nous avons noté que les syndicats et les directeurs d’hôpitaux ont signé cette disposition et que le recours à l’intérim a alors diminué de façon importante, ce qui est une bonne chose pour les finances publiques – comme quoi un raisonnement par l’absurde peut être source de réflexion…

Je remercie les coprésidents du temps qu’ils ont consacré pendant onze mois à cette mission, ainsi que l’ensemble des membres de la MECSS pour leur participation à ses travaux.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je présenterai deux observations, après avoir remercié le rapporteur et les deux coprésidents de la mission d’avoir enrichi la réflexion sur un sujet qui intéresse l’opinion publique.

Tout d’abord, il ne faudrait pas stigmatiser les uns ou les autres : les fraudes aux prestations et les fraudes aux prélèvements sont le fait de toutes les catégories sociales.

Ensuite, je suis surpris de l’énorme différence qui existe entre les régions en matière de prestations. Comment expliquer que le rapport entre le nombre de bénéficiaires varie de 1 à 6 selon le département, une fois corrigé l’effet vieillesse, qu’il s’agisse du revenu de solidarité active (RSA) ou de l’allocation pour adulte handicapé (AAH) ? Des tensions apparaissent de ce fait dans certaines régions, n’ayons pas peur de le dire. C’est le travail des parlementaires de corriger cette situation, et nous devrons présenter des propositions à cet égard à l’occasion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Mallot, coprésident de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Le groupe socialiste n’a pas prévu de contribution spécifique sur ce rapport, mais mon intervention et celles de mes collègues en tiendront lieu, le compte rendu de la présente réunion étant annexé au rapport.

La mission a examiné le rapport de Dominique Tian mardi dernier, le 21 juin et l’a approuvé, tout en exprimant certaines réserves. Elle n’a pas apprécié notamment qu’il ait fait l’objet d’articles de presse dès le 22 juin. Il n’est pas d’usage que le rapporteur transmette son rapport à la presse avant même de le présenter à la Commission des affaires sociales, d’autant qu’il a transmis des versions provisoires de ce rapport avant même qu’il soit examiné par la MECSS. Il a par ailleurs communiqué – ce qui n’est pas correct non plus, je le dis comme je le pense – sur des éléments qui ne figurent pas dans le projet de rapport qui nous est soumis ce matin, mais également sur d’autres tels que le fameux « "FBI" de la fraude sociale », que la MECSS aurait naturellement refusé, ou encore la carte Vitale biométrique, qu’elle a expressément écartée.

Le rapport traite de la fraude sociale – à savoir la fraude aux cotisations, c’est-à-dire le travail illégal, et la fraude aux prestations – et définit opportunément la fraude à partir de trois éléments constitutifs : une infraction, le dommage qu’elle cause aux finances publiques et son caractère intentionnel.

Nous sommes tous d’accord pour condamner fermement la fraude sociale et vouloir la réduire, à défaut de pouvoir l’empêcher totalement. Cela étant, si la fraude aux prestations est estimée entre 2 et 3 milliards d’euros, la fraude aux prélèvements est estimée entre 8 et 15,8 milliards d’euros, soit quatre à cinq fois plus. Or, s’agissant de la fraude sociale détectée, qui a représenté 458 millions d’euros en 2010, le travail dissimulé représente 40 % de ce montant, contre 60 % pour la fraude aux prestations. Le déséquilibre est en quelque sorte inversé.

L’effort de contrôle doit donc porter en priorité sur le travail illégal, dont je rappelle qu’il est majoritairement le fait de personnes de nationalité française ou en tout cas en situation parfaitement régulière – certains amalgames méritent donc d’être corrigés.

J’observe, en outre, qu’en faisant un peu d’arithmétique à partir de ces différentes estimations, on peut situer le total de la fraude sociale entre 10 et 18,8 milliards d’euros – et non 20 milliards comme cité par la presse. Le rapprochement – naturellement innocent – entre ce chiffre choc de 20 milliards et le montant du déficit de la sécurité sociale pour 2011, laissant entendre que supprimer la fraude pourrait être une solution à la situation dégradée de nos finances sociales, relèverait à cet égard de la manipulation puisque même en multipliant la fraude détectée par quatre, nous ne corrigerions le déficit que de 10 %. Ce ne serait certes pas rien, mais même un tel pourcentage ne serait pas à la hauteur du problème.

J’observe enfin, concernant les prestations, que le montant des fraudes estimées représente entre 0,5 et 0,75 % des prestations versées. On ne saurait, sur cette base, rejeter des dispositifs sociaux qui fonctionnent correctement à plus de 99 % et jeter ainsi l’opprobre sur des personnes qui bénéficient de façon tout à fait régulière de dispositifs auxquels elles ont droit et pour lesquels elles paient le plus souvent des cotisations.

Dans la version qui nous est soumise aujourd’hui, les préconisations du rapport sont convenables, sous réserve de quelques précisions. Le fait que les modalités d’attribution de l’allocation pour adulte handicapé fassent apparaître d’importantes disparités selon les départements n’est pas en soi constitutif de fraude sociale. Ce constat nous conduit simplement à nous interroger sur le bien-fondé de ces disparités, qui ne sont pas le fait des allocataires et ne sont pas de nature à garantir une égalité de traitement.

La mission, après réflexion, a accepté que soit mise à l’étude la délivrance d’une carte biométrique aux retraités résidant à l’étranger, pour permettre leur contrôle. Cette étude devra notamment examiner le coût de l’opération au regard du gain escompté, ainsi que la faisabilité de ce contrôle dans les pays concernés. Car à quoi servirait-il de délivrer une carte biométrique si personne n’est en mesure de la vérifier ?

En revanche, la mission a expressément écarté la proposition d’une carte d’assuré social biométrique tous régimes et toutes branches. Un tel système serait très coûteux et ferait double emploi avec la carte d’identité biométrique. L’objet d’une carte d’assuré social est d’abord d’établir des droits, certes de façon sécurisée, non de vérifier l’identité du porteur, vérification à laquelle les professionnels de santé refuseront sans nul doute de procéder.

La proposition d’utiliser de faux dossiers pour tester la capacité des organismes à repérer les fraudes, de même que celle relative au développement de primes de « présentéisme », notamment dans la fonction publique, peuvent être mal perçues et considérées comme relevant de méthodes de management contestables. Nous restons donc prudents sur cette dernière proposition, bien qu’elle ait été conservée.

Enfin, s’il est mis en place, le fichier des fraudeurs devra faire l’objet d’une étude préalable avec la Chancellerie et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

C’est sous toutes ces réserves que la MECSS s’est prononcée favorablement sur ce rapport, et notre groupe votera favorablement à sa publication.

M. le rapporteur. Il faut certes distinguer la fraude intentionnelle et les abus, mais il faudrait alors aussi compter notamment les 10 milliards d’euros, dus en particulier à des surfacturations, que l’hôpital public, selon Jean Leonetti, président de la Fédération hospitalière de France, aurait gaspillés. C’est pourquoi nous avons préféré fonder notre raisonnement sur la fraude intentionnelle

Quant au coût de la fraude, nous l’avons toujours estimé à près de 20 milliards d’euros– si ce chiffre n’est pas atteint cette année, il le sera un jour ou l’autre. Ce chiffre, il est vrai, nous a paru plus médiatique que 18,8 milliards… Le rapport précise cependant qu’en Grande-Bretagne, les prestations sociales feraient l’objet d’une fraude à hauteur d’environ 1,3 %, et que les chiffres retenus par les pays européens qui ont travaillé sur ce point sont largement supérieurs à ceux que la mission a retenus.

S’agissant de l’allocation pour adulte handicapé, la Cour des comptes, dans l’un de ses rapports, s’étonnait que le nombre d’attributaires soit cinq fois plus important dans certains départements que dans d’autres. Si ce n’est pas de la fraude, il n’en reste pas moins que c’est de l’argent public qui est en cause : soit il est attribué à tort à des personnes qui ne le méritent pas, soit il ne bénéficie pas à des personnes dont le statut de handicapé mériterait pourtant d’être reconnu. Quoi qu’il en soit, les disparités régionales ne sont pas acceptables, surtout s’agissant du handicap. La MECSS devrait d’ailleurs s’intéresser bientôt à cette question.

Enfin, je précise que la carte de retraite biométrique serait attribuée de manière expérimentale.

M. Pierre Morange, coprésident de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. En tant que coprésident de la MECSS et ayant été à l’initiative de cette institution en 2004, je tiens à appeler l’attention de tous sur l’originalité de sa philosophie. Sa composition paritaire lui permet de s’exonérer des alternances dans le cadre d’un travail collectif. De surcroît, elle s’est donné pour seule et unique grille de lecture la recherche permanente d’une meilleure efficacité à moindre coût, afin d’utiliser au mieux les deniers publics au service de notre système de protection sanitaire et sociale qui est l’illustration la plus aboutie du pacte républicain.

À travers un exercice de pédagogie et de clarification qui a permis d’exprimer des sensibilités différentes, nous avons abordé avec sérénité le sujet particulièrement difficile de la fraude sociale, considéré par certains comme un sujet sulfureux. Je salue la qualité des travaux de la mission, en particulier le travail accompli par le rapporteur, Dominique Tian, qui nous a permis d’accomplir un travail d’analyse, de synthèse et de pédagogie. Je salue également l’objectivité de nos collègues de l’opposition.

La cinquantaine de préconisations formulées par le rapporteur a été validée à l’unanimité des membres de la MECSS. Les trois derniers rapports – celui de Catherine Lemorton sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments, celui de Jean Mallot sur le fonctionnement de l’hôpital et celui de Dominique Tian sur la lutte contre la fraude sociale – ont fait l’unanimité au sein de la mission.

Nos préconisations ont vocation à être matérialisées sur le terrain : celles relatives au médicament seront ainsi reprises par le Gouvernement à la fin de l’année dans le cadre du prochain projet de loi et nous avons bon espoir qu’il en aille de même concernant le fonctionnement interne de l’hôpital. Je formule un vœu similaire pour celles contenues dans le rapport sur la lutte contre la fraude sociale.

M. le rapporteur. Je remercie les coprésidents Pierre Morange et Jean Mallot pour la qualité de leur travail et la totale liberté qu’ils m’ont laissée. D’une façon générale, travailler avec l’ensemble des membres de la MECSS a toujours été un plaisir pour moi.

M. le président Pierre Méhaignerie. L’affaire des fraudes aux prestations sociales de Nantes et les accusations de polygamie ont choqué l’opinion publique. Les avez-vous évoquées au sein de la mission ?

M. le rapporteur. J’ai choisi de citer des exemples frappants, tels celui de cet homme aux treize reconnaissances de paternité frauduleuses ou encore celui de cette personne qui percevait la pension de réversion de sa mère décédée depuis vingt et un ans. Ces faits n’ont cependant été cités que dans des renvois en bas de page, afin de ne pas faire d’exemples caricaturaux des généralités.

Quant à l’affaire de Nantes, la notion d’isolement économique que nous préconisons aurait pu permettre de l’éviter, puisqu’elle aurait obligé les différentes épouses du monsieur en question à prouver qu’elles étaient bien isolées économiquement, c’est-à-dire qu’elles réglaient les frais de scolarité, la cantine voire le loyer.

M. Georges Colombier. Je remercie à mon tour Dominique Tian et les coprésidents Pierre Morange et Jean Mallot, bien que celui-ci ait exprimé quelques réserves. Je confesse que je n’ai pas été présent à toutes les réunions de cette mission, mais il est difficile d’assister à tout.

La politique de lutte contre la fraude sociale a déjà porté ses fruits, mais il faut mener une politique plus volontariste, sans stigmatiser qui que ce soit. J’apprécie d’ailleurs que Michel Issindou et Dominique Tian, qui suivent cette réflexion au niveau national au sein de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, soient parvenus à un certain consensus en la matière.

Le ministre M. Xavier Bertrand, que nous avons auditionné il y a peu de temps, est persuadé lui aussi de la nécessité de prendre des mesures afin que nos concitoyens gardent leur confiance en notre système de protection sociale. Je souhaite donc que ce rapport ne reste pas dans un tiroir, comme nombre d’autres, et que le Gouvernement mette en œuvre les préconisations prônées par la mission.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous y veillerons.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Nous discutons de la fraude sociale depuis de longs mois, ce qui nous a permis de clarifier de nombreux points, en particulier la question du travail illégal. C’est un sujet sensible qui exige que nous soyons attentifs et responsables.

Les disparités qui existent s’agissant du versement de l’allocation pour adulte handicapé ne constituent pas une fraude généralisée. Faute de connaître la situation réelle en l’absence de données statistiques sérieuses et fiables – comme d’ailleurs sur d’autres questions –, gardons-nous de tirer des conclusions hâtives sur des sujets aussi sensibles, même si certaines analyses convergent.

Nous sommes naturellement d’accord sur la nécessité d’exercer des contrôles, réguliers et de qualité, mais nous sommes confrontés à la question des moyens. Il faut donc doter les organismes de moyens suffisants et éviter de stigmatiser les situations marginales. Nous devons prendre nos responsabilités et nous montrer vigilants, mais nous ne pouvons prendre le risque de jeter le discrédit et la suspicion sur des populations fragiles qui ont besoin des prestations qui leur sont versées.

Mme Jacqueline Fraysse. Le travail que nous avons accompli a permis aux uns et aux autres de comprendre comment les choses fonctionnement et d’en faire la synthèse. L’objectif du rapport est de mesurer l’ampleur et la nature de la fraude et de proposer des mesures de nature à l’éradiquer, au moins à la réduire de manière significative.

Sur tous ces aspects, nous sommes profondément d’accord. Personne ne peut justifier la fraude. Mais le rapport ne nous satisfait pas pleinement, car il traduit un déséquilibre entre le constat et les préconisations formulées.

Au-delà de son importance financière, la fraude aux prélèvements est d’autant plus dommageable qu’elle porte atteinte à la fois aux ressources de la protection sociale et aux droits des salariés, puisque les personnes concernées perdent leurs droits.

Si je n’ai aucune hésitation sur la nécessité de lutter contre la fraude, celle-ci ne saurait justifier cependant la stigmatisation de qui que ce soit et l’atteinte aux libertés individuelles. Je tiens à rappeler ici une évidence, que je n’ai pas trouvée dans les commentaires de la presse : dans leur immense majorité, nos concitoyens sont des personnes honnêtes. Ainsi, la préconisation concernant les arrêts de travail me choque beaucoup, car toutes les études montrent que les arrêts de travail ont une raison. Je ne nie pas qu’il existe des abus, mais n’oublions pas que le nombre des suicides liés aux conditions de travail est en forte croissance. Nous devons être raisonnables, et respectueux de l’ensemble des salariés.

Au-delà de ce déséquilibre, certaines propositions nous paraissent démesurées, par exemple la carte Vitale sécurisée dont le coût est extrêmement élevé – d’autant qu’il serait supporté par les municipalités – par rapport aux économies attendues.

Le rapport souffre aussi de certains manques. La fraude de certains établissements de santé n’est pas traitée à la hauteur de ce qu’elle représente financièrement, et la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui constitue un manque à gagner considérable, n’y est pas abordée.

Il est indiscutable que la lutte contre la fraude doit être améliorée. Les outils existent, mais la sécurité sociale souffre d’un manque de moyens – les diverses auditions l’ont confirmé –, tout comme la justice qui ne peut prononcer les condamnations nécessaires. La révision générale des politiques publiques (RGPP) ne facilite pas la lutte contre la fraude.

Le groupe des députés communistes s’abstiendra de voter pour la publication de ce rapport, moins parce que nous contestons les préconisations formulées qu’à cause du déséquilibre qu’il traduit entre la fraude aux prestations et la fraude aux prélèvements.

M. Jean-Luc Préel. Je pense pour ma part que ce rapport doit être publié, car cela permettra à chacun de se faire une opinion. Je regrette à cet égard de ne pas avoir pu participer aux travaux de la MECSS comme je le fais habituellement, mais les différentes missions organisent souvent des réunions au même moment.

M. le président Pierre Méhaignerie. C’est pourquoi je suis prudent lorsqu’on me demande d’organiser une multitude de missions d’information ou de commissions d’enquête, car recevoir des auditeurs qui s’expriment devant quelques rares députés ternit l’image de notre Assemblée.

M. Jean-Luc Préel. La fraude est inacceptable, car elle génère des pertes de ressources et des dépenses injustifiées, sans oublier la question de la justice.

Notre rôle est de tout faire pour limiter cette fraude, à défaut de la supprimer – le jeu du gendarme et du voleur n’est pas prêt de s’arrêter. Si le montant global de la fraude approche les 20 milliards d’euros, il est normal finalement de le comparer au déficit de la protection sociale, car il suffirait alors – ce que nous souhaiterions tous – de supprimer la fraude pour équilibrer notre système de protection sociale !

La fraude aux prestations représente un coût de l’ordre de 2 à 3 milliards. Ce montant est beaucoup trop important évidemment, mais il est difficile de lutter contre cette fraude. Aussi les préconisations avancées à ce sujet sont-elles intéressantes.

En ce qui concerne la fraude à la tarification à l’activité (T2A), la Caisse nationale d’assurance maladie a fait des efforts, mais le procédé suivi me paraît contestable, car c’est en se fondant sur l’utilisation d’échantillons et sur la vérification du codage qu’elle sanctionne les établissements, avec d’ailleurs une pénalité supplémentaire. Or, cela ne va que dans un sens : il n’y a pas en effet de reversement d’indus si la cotation le voudrait. Il devrait en aller de même pour les prestations familiales : lorsque la caisse fait une erreur, c’est elle qui est responsable.

La fraude majeure, à savoir le travail illégal, est le fait majoritairement des employeurs, car une personne à qui l’on propose un travail non déclaré n’est pas toujours en situation de le refuser. C’est notre rôle que de pointer du doigt le travail illégal – ce que fait le rapport, mais de manière insuffisante –, de le condamner fermement et de faire de vraies propositions en la matière. Cela me semblerait plus intéressant que de voir, comme dans la presse, dénoncer des dérives de la part de personnes qui ne sont pas forcément responsables d’un versement indu, faute d’avoir voulu frauder intentionnellement.

Le groupe Nouveau Centre est en tout cas favorable à la publication de ce rapport, ce qui permettra à chacun de se faire une opinion sur le problème des fraudes sociales, étant souligné que le travail illégal est un problème majeur de notre pays qu’il faut absolument résoudre, sachant les conséquences inacceptables, en particulier en matière de retraite, de la non-déclaration de personnes salariées.

M. le rapporteur. Concernant la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, dont le travail a été salué par Georges Colombier, il me semble utile de rappeler qu’il s’agit d’un lieu d’échanges qui réunit administrations, ministres et parlementaires. La volonté de transparence des organismes sociaux et de l’État qui y prévaut donne tout son intérêt à cette délégation qui permet, avec cette fonction d’échanges d’expériences entre victimes de la fraude, d’accélérer la lutte dans ce domaine.

S’agissant du travail illégal, contre lequel Martine Carrillon-Couvreur a souligné, comme Jean-Luc Préel, la nécessité de lutter, il ne s’agit pas de jeter la suspicion sur les publics fragiles. Cela a même été le fil conducteur de la mission. Pour reprendre l’exemple de l’allocation aux adultes handicapés, il est simplement choquant sur un plan intellectuel et social que son attribution dépende du département dans lequel on habite. Je ne reviendrai cependant pas sur cette question de l’application de critères nationaux puisque la MECSS devrait se saisir du sujet.

Jacqueline Fraysse a indiqué que son groupe s’abstiendrait lors du vote sur ce rapport, mais comme elle n’a pas douté de l’utilité de ce dernier, je retiens surtout que l’ensemble des groupes pense qu’il convient de lutter activement contre la fraude. Quant au fait que le rapport ferait preuve d’un déséquilibre entre fraude aux prélèvements – estimée entre 15 à 16 milliards d’euros – et fraude aux prestations – évaluée entre 2 et 3 milliards –, cette différence de montant nous a, au contraire, conduits à reprocher aux pouvoirs publics de n’avoir pas beaucoup avancé sur ce sujet, alors qu’il s’agit d’une exploitation inacceptable de publics fragiles. En tout cas, il n’est pas difficile, techniquement, de lutter contre le travail illégal. C’est une question d’organisation et de volonté.

Pour répondre également sur ce point à Jean-Luc Préel, si nous n’avons mis personne en cause, nous avons cependant souligné que l’on avait affaire, en matière de lutte contre la fraude, à une certaine passivité, ce qui n’était pas là non plus acceptable, car cela créait des distorsions de concurrence, notamment dans les appels d’offre. Il y aura peut-être un jour un effort particulier à faire sur le travail illégal.

Pour ce qui concerne les arrêts de travail, le raisonnement par l’absurde qui a conduit à la prime de « présentéisme » a au moins le mérite d’exister : plusieurs syndicats ont d’ailleurs signé des accords en la matière.

Quant à la carte Vitale sécurisée, elle n’est pas à la charge des municipalités : une compensation financière les dédommagera. Simplement, à partir du moment où la décision a été prise de faire établir les passeports dans les mairies, il serait dommage de ne pas mettre en place un tronc commun pour la délivrance également de la carte Vitale, afin de faire des économies.

Si Jean-Luc Préel a eu raison de souligner qu’il ne fallait pas rapprocher le montant évalué à 20 milliards d’euros pour la fraude sociale de celui de 20 milliards de déficit de la sécurité sociale, le président de la Cour des comptes – qui semble pugnace en l’occurrence – a toutefois indiqué qu’il était urgent que celle-ci soit en équilibre. Certes, le déficit de la xécurité sociale ne sera pas comblé par la lutte contre la fraude, mais la branche maladie a d’ores et déjà accentué son effort, puisque ce sont 156 millions d’euros de fraudes qui ont été découverts selon les chiffres de la caisse nationale. Quant aux fraudes relatives au Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) et aux indus, nous nous sommes contentés de reprendre les chiffres de la Cour des comptes.

Bien évidemment, l’ensemble des professionnels de santé doit rendre des comptes. Cependant, si nous avons repris, sur la recommandation de Pierre Morange, le cas de 120 médecins hyperprescripteurs – dont l’activité débordante devrait tout de même conduire à se poser des questions –, nous n’avons pas ciblé l’ensemble des professionnels. Cependant, pour avoir, par exemple, entendu la plainte des pharmaciens qui s’estiment soumis à trop de contrôles, un équilibre devrait être trouvé entre le libre exercice de la profession médicale et les contrôles, et nous avons proposé quelques pistes à cet égard.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Tout le monde s’accorde à reconnaître la nécessité de lutter contre les fraudes intentionnelles, mais, comme l’a souligné au début des travaux de la mission M. Libault, directeur de la sécurité sociale, la majorité des fraudes tient au travail dissimulé, et c’est là qu’il faut agir. En effet, si, pour la branche famille, le montant des fraudes s’est élevé en 2009 à près de 90 millions d’euros, cela ne représente que 0,096 % du montant total des dépenses de la branche ! Au contraire de l’idée qui veut que toutes les fraudes sociales relèvent de la responsabilité des familles, le rapport va enfin démontrer que ce ne sont pas celles-ci les premières responsables des fraudes – d’autant que la moitié de ces 90 millions a déjà été récupérée en 2010 et que le reste le sera en 2011 et 2012.

Je citerai à cette occasion une étude menée en Loire-Atlantique sur 1 263 dossiers d’indus : ces derniers étaient la conséquence à 47 % d’un changement de situation professionnelle des intéressés, à 20 % d’un changement de leur situation familiale, à 8 % à un déménagement, à 5 % d’erreurs de déclaration, à 19 % d’erreurs de la caisse d’allocations familiales et seulement à 1 % de la fraude. Ces chiffres posent d’ailleurs la question de la façon dont les indus sont récupérés par la caisse, manière qui met parfois les familles en situation très difficile. Il faut donc vraiment bien faire la différence entre les erreurs des allocataires de bonne foi et les cas – rares – de fraude intentionnelle.

S’agissant, enfin, de la notion de parent isolé, si le rapport précise qu’il convient de mieux la définir, encore faut-il aboutir à une définition qui soit juste.

M. Élie Aboud. Si la puissance publique a fourni un effort concernant la branche famille, certains comportements restent scandaleux au sein de la branche maladie. Je regrette profondément que les soignants, comme le soulignait Jean Mallot, refusent de participer au contrôle du dispositif. Autant on peut le comprendre pour les soignants hors convention, autant on peut le déplorer pour ceux qui dépendent d’une chaîne complète, associant le contribuable.

Si le président Méhaignerie a pu exprimer des regrets sur les différences pouvant exister entre les départements, je reviendrai pour ma part sur le cas des Français qui ont fait le choix, légitime, de vivre à l’étranger : comment se fait-il en effet, pour prendre l’exemple du certificat de vie, que dans certains pays les autorités consulaires vérifient sa validité et pas dans d’autres ? Il conviendrait d’uniformiser les procédures car de telles différences sont mal comprises par nos concitoyens.

M. Dominique Dord. Sur un tel sujet, mes chers collègues, je nous trouve collectivement en dessous de tout ! Alors que le consensus est presque réuni pour reconnaître l’existence d’un montant de 20 milliards d’euros de fraude, voilà que l’on ergote par crainte de stigmatisation de tel ou tel. Ne devrions-nous pas plutôt exiger du Gouvernement – voire en nous enchaînant aux grilles de la rue de Varenne – que, dès demain matin, tout soit fait pour lutter contre cette fraude ? Les chefs d’entreprise qui trichent sont des voleurs qu’il faut mettre au ban de la société, et cela non pas peut-être un jour, comme le disait notre rapporteur, mais demain matin.

Jacqueline Fraysse craignait que les pauvres ne soient stigmatisés avec ce rapport, et j’entendais parler de stigmatisation, de discrédit, de suspicion. Mais ce qu’il s’agit de poursuivre, ce sont des tricheurs. Alors que tout le monde fait aujourd’hui des grands discours sur la nécessité de l’indignation, nous devrions tous être des indignés de la fraude !

M. Paul Jeanneteau. Ce rapport, dont je tiens à féliciter l’auteur, est important car si le sentiment d’injustice se développe dans notre pays c’est parce que nos concitoyens ont l’impression, à juste titre le plus souvent, de travailler et de payer des cotisations sociales tandis que certains bénéficient de prestations indues. Lutter contre la fraude est non seulement normal de point de vue de l’honnêteté, mais moral du point de vue du comportement et également juste du point de vue sociétal. Il ne s’agit pas de jeter le discrédit sur tel ou tel : un fraudeur est un fraudeur, et il doit être sanctionné.

• Concernant le contrôle de l’attribution de l’allocation pour adulte handicapé, le rapport d’information reprend plusieurs propositions de celui du Sénat. À l’époque, le président de la Commission des finances, Didier Migaud, et le président de notre Commission s’étaient tournés vers Jean-Marie Binetruy et moi-même afin de disposer d’une étude sur l’évolution de cette allocation. La Cour des comptes a alors mis en évidence des disparités territoriales très fortes, soulignant « une porosité importante entre AAH et RSA », certains départements orientant les bénéficiaires de l’AAH vers le RSA. Aussi avons-nous demandé une nouvelle étude dont les résultats devraient nous parvenir à la rentrée prochaine, et je souhaite, monsieur le rapporteur, que vous soyez attentif à ses conclusions qui permettront peut-être de compléter votre excellent rapport.

M. Bernard Perrut. Nos concitoyens sont, comme nous-mêmes, très attachés à la justice, à l’équité et au respect des règles, mais il n’en est pas toujours ainsi sur le terrain. Aussi, ce rapport permet-il de poser les données du problème, et je rejoindrai là Dominique Dord, avec une petite nuance cependant : il faut absolument faire quelque chose, encore que nous soyons tous responsables de la situation d’aujourd'hui car aucun gouvernement, de droite comme de gauche, n’a eu la volonté de faire tout simplement respecter les règles. Il faudra certes un certain temps pour que les premiers résultats apparaissent, mais il faut vraiment que toutes les structures qui en ont la compétence mettent en place un système fiable – en évitant, par exemple, que les gens soient prévenus la veille du contrôle dont ils vont faire l’objet.

Je souhaite insister également sur le rôle des élus locaux, car souvent dans les petites communes ils connaissent, plus que dans des villes moyennes ou des grandes communes, les habitants. Mais alors que l’on sait qui fraude, qui bénéficie de dispositifs sans en avoir le droit, rien n’est fait. Les maires que nous sommes par ailleurs doivent aussi prendre leurs responsabilités pour ne pas avoir un langage à Paris et un autre sur le terrain. J’appelle en tout cas à la responsabilité de chacun dans les quelque 36 000 communes de France.

M. Christophe Sirugue. Je tiens à souligner tout l’intérêt de tels rapports d’information, car en deux rapports successifs – celui sur l’évaluation de l’aide médicale de l’État que j’ai rendu avec mon collègue Claude Goasguen au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, et celui qui nous est présenté aujourd'hui – on voit des a priori disparaître. De la même façon que Dominique Tian le reconnaissait dans sa présentation, Claude Goasguen le soulignait en effet lors de la remise de notre rapport : les différences entre ce que l’on imagine et ce que l’on découvre conduisent à de profondes divergences dans les analyses. Telle est toute la richesse du travail parlementaire : pouvoir éviter des a priori.

En l’occurrence, on a toujours tendance à considérer que la fraude est d’abord le fait des bénéficiaires des différentes prestations. Certes, cette fraude existe et elle représente quelque chose de scandaleux qu’il faut combattre, mais elle n’est pas responsable de l’ampleur des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. En effet, ainsi que le rapporteur le précise, 10 % environ des fraudes concernent les prestations et le reste les prélèvements. Aussi faut-il bien cibler nos interventions.

À cet égard, on ne peut laisser renvoyer à plus tard la lutte contre le travail au noir. Si ce sujet représente 90 % de la fraude, il faut le traiter tout de suite. De même, on ne peut laisser dire que puisque les cas individuels sont plus faciles à cerner, il faut les traiter maintenant. Les deux fraudes sont indéfendables, et il faut lutter contre les deux.

Pour autant, veillons à ne pas remettre en cause des dispositifs qui, par nature, seront toujours contournés. Ce n’est pas le dispositif qu’il faut cibler, mais bien les problématiques qui sont à la base des détournements de la loi de la République.

M. le président Pierre Méhaignerie. L’analyse du revenu de solidarité active a montré qu’un suivi des bénéficiaires évitait toute difficulté et donc tout changement de la législation. Mais, il est vrai que les bonnes pratiques sont plus faciles à mettre en œuvre dans les territoires à dimension humaine que dans les conurbations.

M. Michel Issindou. Que la fraude concerne les prestations ou les prélèvements, nous sommes tous d’accord pour lutter contre elle. Encore faut-il éviter tout excès de communication. Or, la fraude aux cotisations sociales est beaucoup moins soulignée que celle aux prestations, alors que les seules ressources possibles sont à chercher du côté de la lutte contre le travail au noir – je suis prêt à m’enchaîner avec Dominique Dord si c’est de cela qu’il s’agit !

Quant au rapprochement parfois fait entre les 20 milliards d’euros de déficit de la sécurité sociale et les 20 milliards de fraude fiscale, Jacqueline Fraysse a eu raison de souligner que l’amalgame était trop rapide. Certes, la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, à laquelle nous participons Dominique Tian et moi, a le mérite d’exister, mais outre qu’elle n’accueille qu’une fois par an, au cours d’une grand-messe, le ministre responsable qui vient demander des résultats à tous ceux qui sont en charge de la lutte contre la fraude – je me souviens de la dernière intervention sur ce point de M. Xavier Bertrand –, je relèverai deux gros défauts : d’une part, l’absence de moyens – si l’on veut lutter contre le travail au noir, plutôt que gesticuler, il faut recruter des inspecteurs du travail – et, d’autre part, la non-connexion des fichiers, ceux-ci étant prétendument incompatibles techniquement, mais étant en fait le précarré de chaque administration.

Si vraiment nos collègues de la majorité veulent lutter contre la fraude, qu’ils fassent en sorte que les moyens soient mis plutôt sur celle aux cotisations sociales que pratiquent certains artisans et petits patrons que sur celle aux prestations : nous verrons alors si, sur le terrain, ils ont le courage de leurs affirmations.

Mme Catherine Lemorton. Concernant la proposition du rapport de généraliser les expérimentations innovantes, je souhaite préciser que, contrairement à ce qui est indiqué, l’expérimentation conduite par la caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Garonne n’a pas été stoppée car elle n’aurait pas respecté le principe du libre du libre choix du médecin et du pharmacien. Par ailleurs, il n’y a jamais eu de fichier stigmatisant les patients bénéficiant des traitements de substitution aux opiacés, mais simplement un repérage des méga-consommateurs : le système fonctionnait même tellement bien que l’on ne recensait à la fin aucun méga-consommateur à plus de 300 milligrammes, ce qui n’était pas le cas des autres régions bien que la nôtre se situe dans un secteur frontalier avec l’Espagne et constituant donc une plaque tournante en matière de toxicomanie.

Si l’expérimentation a été stoppée à la demande de la Caisse nationale d’assurance maladie, c’est parce que nous avions outrepassé – mais seulement un tout petit peu – les possibilités offertes par le code de la sécurité sociale. Il s’agissait d’abord de lutter contre les méga-consommateurs – revendeurs en fait de substances – et non de jeter l’opprobre sur tous ceux qui suivent le traitement correctement. En aucun cas, ensuite, nous ne savions quel pharmacien et quel médecin avaient été choisis pour le traitement. En effet, lorsqu’un méga-consommateur était repéré, une lettre était envoyée à tous les médecins et les pharmaciens du département indiquant que cet assuré ne les avait pas choisis comme médecin ou pharmacien référent pour une liste donnée de médicaments. Certes, on a pu voir là une violation du secret professionnel, puisque personne n’était censé savoir que le patient prenait notamment une substance dont l’usage pouvait être détourné. Aussi conviendrait-il que, dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, une adaptation législative soit proposée afin que l’on remette en place un tel réseau qui encadrait les assurés et donnait de bons résultats.

M. Rémi Delatte. Je remercie le rapporteur et les membres de la MECSS qui ont fait là un travail utile en permettant une évolution de notre appréciation de ce dossier, qui se révèle aujourd'hui plus consensuelle, plus objective et plus volontariste. Il faut s’en réjouir.

Nous ne ferons cependant œuvre utile que si nous nous engageons résolument dans des actions susceptibles de lutter contre toutes les fraudes et non seulement contre certaines comme on semble parfois le vouloir. C’est, en effet, sur l’ensemble qu’il faut intervenir, car la fraude tend également à accroître le déficit des comptes sociaux au détriment de nos concitoyens qui sont placés dans les conditions de précarité les plus difficiles. C’est donc aussi une question de moralité et de justice.

Concernant les arrêts maladie non justifiés, si je suis favorable aux contrôles inopinés, encore faut-il qu’ils soient suivis d’effet. Tant qu’il n’y a pas de sanction possible, leur portée ne peut être que limitée, même s’il faut reconnaître qu’ils ont un effet pédagogique et dissuasif, à partir du moment où l’on sait qu’ils sont possibles

(M. Pierre Morange, vice-président, remplace M. Pierre Méhaignerie à la présidence de la réunion).

Mme Pascale Gruny. Je tiens à mon tour à adresser mes félicitations à Dominique Tian pour son rapport, mais également pour son engagement dans la lutte contre la fraude, laquelle devrait ainsi trouver davantage de ressources pour aider a contrario les plus démunis. À ce sujet, madame Fraysse, notre groupe politique n’a jamais prétendu qu’une majorité de Français était malhonnête. Simplement, l’injustice est difficile à accepter pour toutes ces personnes honnêtes que nous rencontrons sur le terrain et qui en ont assez de travailler avec un sentiment de déperdition de leurs efforts.

Quant au débat entre fraudes aux prélèvements et fraudes aux prestations, je ne le comprends pas : ne vaudrait-il pas mieux parler de fraudes en général plutôt que de les distinguer, en mettant en œuvre tous les moyens possibles pour lutter contre elles – sachant cependant qu’il peut se révéler difficile, en matière de travail illégal, de cerner des heures supplémentaires non déclarées dans une entreprise.

Par ailleurs, la bataille de chiffres à laquelle on assiste m’amuse énormément : si les chiffres existent, cela ne signifie-t-il pas que l’on connaît la fraude et donc qu’il serait simple de l’éradiquer ?

Pour venir du monde de l’entreprise, je me réjouis en tout cas de la volonté de bonne gestion qui semble enfin s’instaurer avec un véritable engagement de lutte contre la fraude. Ne serait-ce qu’au sein de mon groupe, combien de fois ai-je pu entendre que l’on ne s’attaquerait pas au problème, cela pour ne pas stigmatiser certains ? Aujourd'hui, il semble que l’on ait compris que s’attaquer à la fraude, c’est justement pouvoir donner plus à ceux qui en ont besoin.

Le problème des indus est un sujet complexe, surtout quand les déclarations ont été faites correctement, d’autant qu’il est souvent difficile d’avoir une réponse positive à une demande d’échéancier de remboursement. Il faut vraiment que quelque chose soit fait sur ce point.

Quant aux différences de prise en charge du handicap auxquelles il a été fait allusion, elles sont intolérables. Cela me conduit d’ailleurs à souligner l’insuffisance de coordination entre les différents organismes et le manque de cohérence entre les systèmes informatiques.

Mme Bérengère Poletti. Je tiens également à féliciter Dominique Tian pour sa persévérance en la matière, sachant, comme le rappelait Pascale Gruny, qu’à l’époque on en avait fait un sujet tabou dans la crainte de stigmatiser certains. Ses travaux nous ont au contraire permis d’en finir avec des a priori qui nuisaient à la cause de la lutte contre les fraudes. Lors de son déplacement dans mon département à la caisse d’allocations familiales des Ardennes, il a pu notamment se rendre compte que l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) pourrait parfaitement éditer la carte Vitale biométrique.

Je n’oublie pas le travail effectué par les coprésidents Jean Mallot et Pierre Morange qui ont eu le souci de trouver des thèmes rassembleurs sur un sujet auquel nos concitoyens sont extrêmement sensibles. On ne peut leur demander des efforts continuels sans veiller à un comportement exemplaire de tous, sauf à laisser s’insinuer un sentiment d’injustice.

S’agissant du travail illégal, il faut se donner les moyens de lutter contre les entreprises connues pour y recourir, d’autant que le travail illégal est lié au développement de l’immigration clandestine et donc à l’exploitation d’immigrés sur le territoire national. Pour autant, le travail au noir est parfois voulu par les employés eux-mêmes : il arrive que des particuliers employeurs qui voudraient déclarer la personne qui fait des ménages n’arrivent pas à la convaincre, car celle-ci double ainsi son salaire en faisant des heures en plus. Il faut donc arrêter de stigmatiser les uns et les autres dans quelque sens que ce soit et aborder la problématique sur un plan général.

Concernant enfin les excès de communication qui ont été soulignés, je trouve au contraire qu’il faut parler de la fraude parce que les Français en parlent : il n’est pas une réunion publique que j’organise sans que le sujet soit abordé. Les gens qui se comportent honnêtement ne comprennent pas que pendant autant de temps on ait fait de la fraude un sujet tabou et que l’on n’ait pas proposé de solution. Il faudra donc maintenant veiller à l’application des mesures proposées.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je souhaite à mon tour souligner la constance de Dominique Tian, car si j’avais été étonnée lors de mon arrivée ici en 2007 qu’il en ait fait son cheval de bataille, force est de constater qu’il est dans le vrai, la preuve étant que le Gouvernement se saisit maintenant du sujet. Le montant de 458 millions d’euros de fraudes constatées aux prestations et aux prélèvements en 2010 est, en effet, loin d’être anecdotique.

Quant au non-croisement des fichiers, c’est un sujet sur lequel il convient vraiment d’avancer. Lors de son audition, Mme Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, se demandait à cet égard : « Les caisses s’abriteraient-elles derrière la CNIL pour ne pas avancer ? Le problème vient-il du flou qui entoure les exigences de la CNIL ? ». Il est ubuesque, alors que tout le monde est d’accord pour traiter le problème, que l’on en soit encore à se poser des questions de procédure !

Il conviendrait également, ainsi que cela a été souligné avant moi, d’en appeler à la responsabilité des élus. Si j’avais encore des doutes, la simple visite d’une épicerie sociale dans le Haut-Jura à Saint-Claude, dont je pourrais parler longuement, me les a ôtés.

Enfin, au-delà des 458 millions de fraudes détectées et de la stigmatisation du fraudeur, c’est surtout la notion d’injustice que cela engendre chez nos concitoyens qui pose problème.

M. Fernand Siré. Dans notre pays, les lois sociales sont bien faites, et si nous connaissons tous en tant qu’élus certains abus ponctuels, tout le monde ne peut que trouver inadmissible la fraude qui est devenue en France un sport national.

Je m’étonne cependant que l’on puisse chiffrer à la virgule près, soit à 18,3 milliards comme on peut le lire dans le rapport, le montant de la fraude. Que les pouvoirs publics suppriment donc déjà cette fraude connue en s’en donnant les moyens, et en s’attaquant également au potentiel que représente la fraude inconnue !

M. le rapporteur. Marie-Françoise Clergeau, qui connaît bien la branche famille puisqu’elle en est la rapporteure dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, a fait part de statistiques montrant, s’agissant des indus, qu’ils étaient pour la plupart dus à des erreurs déclaratives. L’idée de la mission est justement d’en finir avec le déclaratif pour passer à des éléments plus tangibles dans la constitution des dossiers. Quant à la notion de parent isolé, il nous semble simplement absurde de prévenir les gens qu’ils vont être contrôlés. C’est comme si sur la route l’on prévenait la veille d’un contrôle radar. Ce que nous cherchons, c’est la preuve de l’isolement économique, ce qui permettrait selon nous d’éviter de manière raisonnable les abus.

Élie Aboud, auteur d’une proposition de loi de lutte contre les fraudes aux retraites, a fait état de problèmes concernant les certificats de vie. Sachant qu’aucune convention internationale n’a été signée à propos des retraites servies à l’étranger, la mise en place à titre expérimental de la carte Vitale biométrique nous semblerait une bonne solution.

Dominique Dord ayant déclaré qu’il irait jusqu’à s’enchaîner rue de Grenelle, nous suivrons cela avec intérêt... Quant à son idée de créer les indignés de la lutte contre la fraude, il est vrai que nous sommes tous un peu surpris par l’absence de réaction des pouvoirs publics concernant certaines fraudes. Nous l’avons d’ailleurs souligné dans le rapport avec une grande liberté de ton.

Paul Jeanneteau a évoqué certains dysfonctionnements dans l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés. La MECSS doit se saisir du sujet.

Bernard Perrut a demandé que les maires soient un peu plus au cœur du dispositif. Savoir si les maires doivent jouer un rôle plus actif dans la prévention contre la fraude est cependant un sujet un peu controversé. En tout cas, il serait possible de donner un peu plus de pouvoirs aux services municipaux dans l’établissement des documents administratifs. Je suis, pour ma part, partisan de l’implication des maires, mais encore faut-il fixer certaines bornes : non seulement ils ne sont pas toujours les mieux placés pour lutter contre la fraude, mais il faudrait alors bien définir ce que l’on peut révéler à un élu. Des règles et des procédures existent et les organismes sociaux devraient déjà les appliquer, le maire jouant plutôt un rôle social de médiateur.

Christophe Sirugue a souligné la nécessité d’en finir avec les a priori en rétablissant la vérité. C’est bien ce que nous avons essayé de faire avec cette mission.

Michel Issindou a eu raison de souligner l’utilité de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, mais je partage son point de vue s’agissant non seulement de la voir se réunir plus d’une fois par an comme aujourd'hui en moyenne, mais aussi de faire en sorte qu’elle soit plus efficace.

Catherine Lemorton, faisant état de l’expérimentation conduite en Haute-Garonne, dont l’intérêt est manifeste, a souhaité que celle-ci fasse l’objet d’un support législatif lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je suis très favorable à ce que la MECSS présente un amendement en ce sens, cosigné par tous les groupes.

Rémi Delatte a souligné le caractère immoral de la fraude et le sentiment d’injustice que celle-ci entraînait dans l’esprit de nos concitoyens. L’idée d’en parler – je réponds là également à Marie-Christine Dalloz – remonte au temps de notre précédent président, Jean-Michel Dubernard, qui s’était demandé avec d’autres parlementaires – notamment Pierre Morange et Dominique Dord – comment la commission des affaires sociales pouvait ne pas parler d’un sujet qui fait pourtant l’objet de débats constants dans la rue et dans nos permanences. Je ne suis pas pour ma part un obsédé de la fraude. J’ai simplement pensé que quelques-uns d’entre nous devaient se dévouer pour aborder ce problème qui, depuis, est passé du statut de sujet tabou et caricaturé à celui de sujet sinon de consensus du moins pour lequel chacun a fait beaucoup de chemin, et je m’en félicite.

Pascale Gruny est bien placée pour appeler à la mobilisation des pouvoirs publics dans la lutte contre la fraude, et je sais qu’elle relaie notre combat. Je comprends sa remarque concernant la bataille des chiffres, mais s’il est un peu gênant de vouloir évaluer à la virgule près le montant des fraudes, nous avons voulu, avec les coprésidents Jean Mallot et Pierre Morange, des chiffres incontestables. On ne peut cependant pas avoir de certitude scientifique sur le montant de la fraude. Sinon, comme le faisait remarquer Fernand Siré, on aurait déjà récupéré les montants concernés. Je préfère m’en tenir à l’adage selon lequel plus on cherche plus on trouve.

J’ai en tout cas le sentiment, après examen des expériences d’autres pays européens, que ceux-ci sont plus avancés que nous, s’agissant en particulier – comme s’en inquiétait Marie-Christine Dalloz – des croisements de fichiers. De tels échanges ne parviennent pas à fonctionner de manière efficace dans notre pays. C’est un peu une atypie française par rapport par exemple au système belge où la carte de sécurité sociale belge, qui existe depuis des années, comporte l’ensemble des informations disponibles.

Bérengère Poletti a rappelé la visite très intéressante que nous avons effectuée à Charleville-Mézières à l’Agence nationale des titres sécurisés. Il semble que ses responsables soient demandeurs pour être chargés de missions supplémentaires, ce que nous appuierons s’agissant notamment de la carte vitale. Cependant, la décision ne nous appartenant pas, il revient aux pouvoirs publics d’assumer leurs responsabilités en la matière.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je souhaite simplement préciser, s’agissant de l’étude que j’ai citée, que si sur 1 263 dossiers de familles avec indus, 47 % notamment étaient la conséquence de changement de situation professionnelle, il ne s’agit pas en l’occurrence de fraude, mais d’un décalage entre la déclaration de l’allocataire et le traitement du dossier, suite à une petite activité de moins de 70 heures, à un chômage indemnisé ou non, à une radiation des Assedic, à une formation professionnelle, à une maladie ou à une invalidité, à une mise à la retraite, à une incarcération ou encore à une fin de RMI ou de RSA. Ce que je voulais démontrer, c’est que les indus ne signifiaient pas forcément fraudes.

La Commission autorise à l’unanimité le dépôt du rapport d’information sur la lutte contre la fraude sociale en vue de sa publication

La séance est levée à douze heures.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 29 juin 2011 à 10 h

Présents. - M. Élie Aboud, Mme Edwige Antier, M. Jean Bardet, Mme Gisèle Biémouret, M. Jean-Louis Borloo, M. Yves Bur, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, M. Vincent Descoeur, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Laurence Dumont, Mme Cécile Dumoulin, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Patrick Gille, Mme Pascale Gruny, M. Michel Heinrich, M. Christian Hutin, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, M. Yves Jégo, M. Guy Lefrand, Mme Catherine Lemorton, M. Jean-Claude Leroy, M. Claude Leteurtre, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, M. Philippe Morenvillier, Mme Marie-Renée Oget, Mme Dominique Orliac, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, M. Étienne Pinte, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-Luc Préel, M. Arnaud Richard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Marie Rolland, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine

Excusés. - Mme Martine Billard, Mme Valérie Boyer, Mme Michèle Delaunay, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Roland Muzeau, Mme Anny Poursinoff, Mme Valérie Rosso-Debord, Mme Françoise de Salvador

Assistait également à la réunion. - M. Régis Juanico