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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 9 juillet 2008

2ème séance
Séance de 21 heures 30
13ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

MODERNISATION DES INSTITUTIONS (deuxième lecture) (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle, modifié par le Sénat, de modernisation des institutions de la Ve République.

ART. 12 (suite)

M. le Président – Je rappelle que le Gouvernement a défendu l’amendement 306 à la fin de la séance de l’après-midi.

M. Jacques Myard – En première lecture, en accord avec le président de la commission, nous avons abrogé le droit de résolution. Il présente en effet le risque très fort que des membres du Gouvernement soient interpellés par le Parlement. Du reste, je ne suis pas certain que notre assemblée soit dans son rôle en votant des résolutions, et l’exemple de ce que l’on qualifie de « Parlement européen » n’est pas pour convaincre – je crois ainsi savoir que ce dernier a jugé bon de voter une résolution sur les singes à Gibraltar (Sourires). En restaurant le droit de résolution, le Sénat ouvre une boîte de Pandore. Je suis contre.

M. Jean-Jacques Urvoas – Je défendrai en même temps les sous-amendements 329 et 330. Le groupe socialiste se félicite que le Sénat ait repris cette disposition…

M. Jacques Myard – C’est tout dire !

M. Jean-Jacques Urvoas – …qu’avait d’ailleurs proposée le comité Balladur. Mais le Gouvernement, par son amendement 306, entend restreindre le droit de résolution, montrant ainsi le peu de confiance qu’il accorde au Parlement. La Ve République n’est pas la IVe

M. Jacques Myard – Elle va le redevenir !

M. Jean-Jacques Urvoas – Dans aucun des pays où existe le droit de résolution, il n’est ainsi encadré. L’amendement du Gouvernement est d’autant plus regrettable que le Parlement a déjà le droit d’adopter des résolutions en matière de droit communautaire…

M. Jacques Myard – Théâtre d’ombres !

M. Jean-Jacques Urvoas – …une possibilité dont on ne peut pas dire qu’il ait fait un tel usage qu’il faudrait s’en méfier. Voilà pourquoi nous proposons que, lorsque le Gouvernement estime qu’une résolution met en cause sa responsabilité, le juge constitutionnel soit chargé de trancher.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Avis défavorable aux deux sous-amendements. Au 329 parce qu’il importe que les règles de dépôt et d’examen des résolutions soient fixées dans ce texte. Au 330 parce qu’il n’est pas souhaitable que le juge constitutionnel intervienne dans un débat plus politique que juridique. Dans l’esprit de la Ve République, à laquelle M. Myard est si fort attaché, le Gouvernement veut pouvoir s’opposer à sa mise en cause dans des conditions irrégulières. C’est pourquoi le droit de résolution doit être encadré.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois – Avis défavorable aux deux sous-amendements.

Les sous-amendements 329 et 330, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 306, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'article 12, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 13

M. Patrick Braouezec – Si, comme le Gouvernement l’affirme, le Parlement est amené à mieux contrôler l’envoi des forces françaises à l’étranger, il doit pouvoir le faire aussi longtemps que les opérations se poursuivent. Or, dans sa rédaction actuelle, il est appelé à donner un blanc-seing au Gouvernement quant à l’avenir du contingent parti en mission. Le malheureux exemple des États-Unis montre pourtant que le risque d’un enlisement ne peut être écarté. Nous proposons donc, par l’amendement 161, un contrôle régulier par le Parlement du bien-fondé du maintien de nos troupes à l’étranger.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission approuve la rédaction retenue par le Sénat, à une réserve près, qui l’a conduit à proposer, dans l’amendement 12 rectifié, que lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumette sa prolongation à l’autorisation du Parlement. La commission exprimera donc un avis défavorable à tous les autres amendements présentés, y compris l’amendement 161.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Le Gouvernement informera désormais le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention, et précisera les objectifs poursuivis.

M. Bertrand Pancher – C’est un progrès considérable !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Mais il faut aussi maintenir un nécessaire équilibre entre l’information du Parlement et la sécurité des personnels en mission. C’est à quoi la rédaction du Sénat est parvenue, sous réserve de l’adoption de l’amendement 12 rectifié de votre commission. Avis, donc, favorable à l’amendement 12 rectifié, et défavorable à tous les autres.

L'amendement 161, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 263 est défendu.

L'amendement 263, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – Dans l’esprit de l’amendement défendu par notre collègue Braouezec, l’amendement 76 tend à redonner au Parlement le pouvoir de contrôle sur l’envoi de forces françaises en mission à l’étranger, en lui permettant de se prononcer par un vote sur l’opportunité d’une éventuelle prolongation des opérations.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 266 est analogue.

Les amendements 76 et 266, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – J’ai déjà présenté l’amendement 12 rectifié.

L'amendement 12 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Myard – Je veux être sûr que, s’agissant de la prolongation des missions, notre assemblée aura le dernier mot. C’est l’objet de l’amendement 93.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je tiens à vous rassurer, il en sera bien ainsi, puisque l’amendement 12 rectifié que nous venons d’adopter précise que le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort. Votre amendement est donc satisfait.

L’amendement 93 est retiré.

M. Jean-Jacques Urvoas – L’amendement 265 est défendu.

L'amendement 265, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – Les amendements 78 et 219 sont défendus.

Les amendements 78 et 219, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Arnaud Montebourg – Il nous faut malheureusement défendre l’amendement 264, qui tend à ce que le Gouvernement informe le Parlement du contenu des accords de défense et de coopération militaire en vigueur, puisque, en dépit des assurances qui nous ont été données en commission et dans cet hémicycle, le problème n’est toujours pas réglé. C’est d’autant plus fâcheux que le Président de la République, dans un discours prononcé en Afrique du Sud, s’est ému de cette anomalie – non, de ce scandale.

Je sais ce que vous allez me dire, Madame la garde des sceaux : inutile d’inscrire cela dans la Constitution ! Mais je suis prêt à retirer l’amendement si vous acceptez de rendre publics tous ces accords. Trêve de discours ! Des actes !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Je suggère à M. Montebourg de consulter le site Internet de Matignon, il y trouvera la liste des accords de défense bilatéraux conclus par la France au 1er janvier 2008.

M. Arnaud Montebourg – Nous voulons en connaître le contenu, non la liste !

M. Noël Mamère – En effet, la liste des accords de défense ne dit rien de leur contenu, qui appartient au domaine réservé du Président de la République, lequel n’est soumis à aucun contrôle. Si nous étions en mesure de nous référer aux accords conclus avec certains pays africains, nous pourrions parler de la politique africaine de la France et de ce qu’on appelle la Françafrique…

M. Jacques Myard – Vive la Françafrique !

M. Noël Mamère – Mais le Gouvernement n’a guère intérêt à lever le voile ! Quoi qu’il en soit, il est absurde de nous renvoyer à une simple liste en la matière : le feriez-vous s’agissant de la CADA ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Pendant quatorze ans, vous n’avez rien fait…

M. Noël Mamère – Nous ne saurions nous contenter d’un inventaire à la Prévert !

M. Manuel Valls – Thierry Saussez donne la liste ! Cela fait peur !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Comme l’a dit M. Morin lors de l’examen en première lecture ici même, puis au Sénat, et conformément à l’engagement pris par le Président de la République, le Parlement sera informé du contenu des accords de défense conclus par la France.

M. Arnaud Montebourg – Mais quand ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Il n’est donc pas nécessaire d’inscrire cette obligation dans la Constitution. Avis défavorable.

L'amendement 264, mis aux voix, n'est pas adopté.

L’article 13 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 14

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 195 est défendu.

L'amendement 195, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 13 apporte une précision.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 268 est défendu.

L'amendement 268, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Myard – Aux termes de l’amendement 94, les présidents des deux assemblées – donc vous-même, Monsieur le Président – peuvent soumettre au Conseil d’État une proposition de loi avant son examen en commission. Le texte en sortira renforcé, ainsi que les pouvoirs du Parlement.

M. le Président – Merci pour cette attention (Sourires).

L'amendement 94, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 14 est défendu.

M. Arnaud Montebourg – Le sous-amendement 300 également.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis favorable au sous-amendement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Nous sommes au-delà de l’ouverture ! (Rires sur tous les bancs)

Le sous-amendement 300, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 14 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – Je défends l’amendement 196, dont je doute qu’il fasse, lui, l’objet d’un avis favorable… Le projet opère plusieurs renvois à des lois organiques ; c’est l’un des principaux reproches que nous lui adressons. La loi organique ayant trait aux droits de l’opposition, nous souhaitons être associés à son élaboration dans des conditions particulières ; voilà pourquoi nous proposons que l’adoption de la loi organique visée par cet article soit soumise à un quorum.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Tous les groupes seront naturellement associés à son élaboration. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis.

L'amendement 196, mis aux voix, n'est pas adopté.

L’article 14 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 15

M. Patrick Braouezec – Nous en venons au débat sur le droit d'amendement. Les dispositions présentées n’accordent en rien de nouveaux pouvoirs au Parlement, bien au contraire. Le Gouvernement devrait s'appliquer à lui-même, afin d'éviter d'encombrer les projets de loi de mesures réglementaires, le régime d’irrecevabilité prévu à l’article 41, qui consacre, comme les articles 40, 44-3 et 49-3, la prééminence de l'exécutif sur le législatif, remettant en cause le droit d’amendement, socle de la démocratie parlementaire.

En effet, la possibilité pour le Gouvernement d'invoquer l'irrecevabilité d'un amendement est totalement arbitraire, et l’histoire récente montre qu’il n’y a recouru que par opportunisme. En outre, l’article 41 se fonde sur le déséquilibre entre domaine réglementaire et domaine législatif instauré par la Constitution de 1958 au profit du premier. Ainsi, l'irrecevabilité au titre de l'article 41 de la Constitution est invoquée au nom d'un empiétement du pouvoir législatif sur le domaine réglementaire. On inflige ainsi une double peine au Parlement en matière constitutionnelle (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP) : écarté du domaine qui devrait relever de sa compétence, il est sanctionné s'il ose faire valoir son droit d’y intervenir !

Puisque vous prétendez vouloir revaloriser le Parlement, nous vous proposons donc, par l’amendement 162, de supprimer l'article 41 de la Constitution.

M. Le Guen remplace M. Accoyer au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Jean-Marie LE GUEN
vice-président

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 197 tend également à supprimer l’article 41. La question fondamentale du droit d’amendement nous inspire une vive inquiétude, qui n’a fait que s’accroître au cours de la navette.

Nous nous étions battus en première lecture pour que le président de l'Assemblée nationale – ou son délégataire, qui peut être un président de commission – ne puisse invoquer l’irrecevabilité des amendements déposés par les députés, dès lors qu’ils franchiraient la limite définie par les articles 34 et 37 de la Constitution, telle qu’il l’interprète. Cette possibilité est aujourd’hui tombée en désuétude, car la Constitution de 1958 l’accorde au seul Gouvernement. Il est inacceptable de faire du président de l'Assemblée un gendarme chargé de faire respecter à ses membres une distinction dont tous s’accordent à dire qu’elle ne sert à rien !

En outre, la séparation artificielle entre les articles 34 et 37 doit être assouplie. De fait, en la matière, les députés ont tendance à s’autocensurer, retirant volontiers leurs amendements dès lors que ceux-ci portent sur le détail d’un arrêté ou d’un décret.

Il est donc inutile d’encadrer ainsi le droit d’amendement, dernière liberté du parlementaire, déjà maintes fois restreinte. Au cours d’une mémorable séance de nuit, un incident nous ayant opposés sur l’article 18, M. Accoyer s’était arraché au sommeil du juste (Rires) pour tenter d’apaiser en personne nos inquiétudes en la matière, en reconnaissant par là même leur fondement ! Monsieur le ministre, c’est là l’un des points sur lesquels les députés socialistes se montreront intransigeants (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; rires sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable à ces amendements.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Même avis. Je ne peux laisser M. Montebourg affirmer que nous restreignons le droit d’amendement : il s’agit au contraire, notamment grâce aux possibilités offertes par l’amendement de la commission, d’étendre les pouvoirs du Parlement !

Les amendements 162 et 197, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 15 est défendu.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 220 rectifié est défendu.

L'amendement 220 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L’article 15 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. Jacques Myard – Je défends l’amendement 95, car l’honneur d’un député est de s’exprimer, surtout sur les amendements qu’il dépose ! Pourquoi examiner en séance publique le texte de la commission et non celui du Gouvernement ? Si celle-ci doit s’exprimer sur le texte du Gouvernement, pourquoi favoriser son travail au point d’empêcher les députés qui n’en sont pas membres de prendre connaissance du texte gouvernemental.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Mais non !

M. Jacques Myard – Il est donc urgent de conserver la pratique actuelle. Obliger le Gouvernement à faire battre la commission pour rétablir son texte, c’est de la politique de Gribouille !

M. Patrick Braouezec – L’amendement 163 est identique. Présenté comme l’article phare du texte, cet article ne change en réalité rien sur le fond et ne fait que réaffirmer les pouvoirs de police du Parlement sur lui-même. Loin de revaloriser le rôle du Parlement, il revient aux IIIe et IVe Républiques, que la majorité ne cesse pourtant de fustiger.

M. Jacques Myard – Il a raison !

M. Patrick Braouezec – Le Gouvernement dispose déjà de tous les moyens nécessaires pour lutter contre l’obstruction. Cet article ne fait donc que réduire les moyens de pression de l’opposition. Il s’agit en réalité de verrouiller la discussion plus en amont qu’aujourd’hui, ce qui réduira d’autant l’intérêt du débat en séance publique. Quelles garanties avons-nous de pouvoir redéposer en séance publique des amendements repoussés par la commission ? Aucune !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Bien sûr que si !

M. Patrick Braouezec – Quelles garanties avons-nous en ce qui concerne le rôle du Gouvernement dans les commissions ? Aucune ! Cet article ne garantit donc en rien l’exercice effectif par les parlementaires de leur droit d’amendement. Rappelons que l’article 15 renforce déjà les conditions de recevabilité, et que l’article 18 multiplie les possibilités d’examen simplifié en commission. La Conférence des présidents pourra également réduire notre temps de parole dans l’Hémicycle, alors même qu’il a déjà été réduit pour les motions de procédure. On nous parle d’abus, mais c’est aussi un moyen pour les parlementaires de s’expliquer. Or, comme vient de le rappeler Jacques Myard, c’est notre devoir de nous expliquer publiquement.

Les amendements 95 et 163, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 271 est défendu. Le 85 de M. Migaud est identique.

Les amendements 85 et 271, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 16 vise à ramener le délai minimal d’examen d’un texte par la première assemblée saisie à six semaines. Il s’agit d’un retour au texte de l'Assemblée nationale.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Favorable.

M. Jean-Jacques Urvoas – Nous sommes en désaccord avec la commission. Cet article constituait une réelle avancée pour le Parlement, qui regrette souvent d’avoir à légiférer trop vite. Le rapport Balladur, qui reste pour nous une référence, proposait un délai de deux mois, que l'Assemblée nationale a ramené à six semaines. Le Sénat propose huit semaines : une fois n’est pas coutume, nous voulons défendre le Sénat ! (Sourires)

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 17 fixe le délai minimal d’examen par la deuxième assemblée saisie à quatre semaines, ce qui est un progrès.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 272 est défendu.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 18 rectifié également.

L'amendement 272, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 18 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 269 est défendu.

L'amendement 269, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 164 vise à mettre un terme au recours systématique à la procédure d’urgence. Quel que soit le contexte, le Parlement doit prendre le temps d’examiner les textes qui lui sont soumis. Or, l’urgence est aujourd’hui dévoyée de son fondement – entre 2002 et 2007, elle a été déclarée 59 fois –, ce qui réduit les parlementaires à des machines à voter. Le recours à l’urgence n’a pourtant de sens que s’il reste exceptionnel : trop d’urgence tue la solennité ! Nous proposons donc que cette procédure ne puisse être adoptée que sur avis conforme des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée.

L'amendement 164, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Urvoas – Bien que l’urgence soit trop souvent déclarée – les gouvernements surchargent l’ordre du jour prioritaire, ce qui peut conduire à la disparition de l’ordre du jour complémentaire –, le Parlement doit pouvoir faire correctement son travail. Huit jours sont un minimum pour examiner un projet de loi, rédiger un rapport et déposer le cas échéant des amendements. C’est donc le délai que propose l’amendement 270. Nous proposerons également dans la suite de la discussion d’encadrer le nombre de déclarations d’urgence par session.

L'amendement 270, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 16 modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 17

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 136 a été repoussé en première lecture, mais je le défends à nouveau. Pour corseter le Parlement et rendre plus difficile l’exercice de sa mission de contrôle du Gouvernement, le constituant de 1958 a réduit excessivement le nombre des commissions permanentes – elles sont aujourd’hui six. Le texte propose huit commissions permanentes, ce qui reste très en retrait de ce qui existe dans les autres démocraties – 32 commissions permanentes au Royaume-Uni, 23 en Espagne, une vingtaine au Parlement européen. Pour notre part, un nombre de dix nous paraît raisonnable.

M. François de Rugy – L’amendement 221 est identique. Il s’agit là d’un point important, sur lequel nous attendions un geste du Gouvernement. Présenter comme une grande avancée le passage de six à huit commissions permanentes, c’est se cantonner à une réforme décorative : comme je l’ai dit en première lecture, on hésite entre réformette et brin de toilette ! Or, le contrôle du Parlement sur le Gouvernement est directement lié au nombre de ces commissions, qui doivent pouvoir jouer un rôle de contrepoids pour chaque grand domaine ministériel. De nombreux pays comptent vingt à trente commissions permanentes. Nous en proposons dix, comme le comité Balladur, ce qui permettrait – si l’on fusionne celles des affaires étrangères et de la défense – d’en créer cinq.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 273 est identique.

M. Bertrand Pancher – J’avais moi-même souhaité un renforcement du nombre des commissions permanentes. Huit me paraissent mieux que six (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC). Cela vous permettra, Monsieur Mamère, d’honorer la promesse que vous avez faite à la télévision lors de la signature du pacte de Nicolas Hulot : mais si vous ne votez pas la réforme de la Constitution, il n’y aura pas de commission dédiée à l’environnement ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

Les amendements 136, 221 et 273, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 19 est rédactionnel.

L'amendement 19, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – La tradition veut que la composition des commissions permanentes reflète celle des assemblées. L’amendement 137 propose de constitutionnaliser cette pratique – et par la même occasion les groupes parlementaires. Il y a des moments où le texte vaut mieux que la tradition !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Même avis.

L'amendement 137, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 17 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 18

M. Jacques Myard – L’article 44 de la Constitution est on ne peut plus clair : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. » Or, il nous est proposé dans cet article de renvoyer les conditions d’exercice de ce droit au règlement intérieur de chacune des assemblées. Je ne fais le procès ni à ce Gouvernement ni à l’actuel président de la commission des lois de vouloir restreindre l’exercice de ce droit imprescriptible, dans lequel réside toute la capacité d’agir du parlementaire. Mais qui nous dit que demain, même dans les conditions fixées par une loi organique, ce droit ne sera pas encadré, au prétexte de rationaliser le travail parlementaire ? Loin d’une revalorisation du Parlement, je vois là une pente dangereuse. Je ne peux accepter qu’on renvoie à une loi organique ou à un règlement intérieur ce qui constitue l’instrument de travail du député. D’où mon amendement 96 tendant à supprimer l’article 18 (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 275 est identique. Nous en arrivons à l’un des points majeurs de conflit sur ce texte, qui a d’ailleurs donné lieu en première lecture, sous la présidence de M. Le Fur, à un incident mémorable… Renvoyer les conditions d’exercice de notre droit d’amendement à une loi organique que le Sénat coproduirait avec nous…

M. Jacques Myard – Par-dessus le marché !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  C’est faux.

M. Arnaud Montebourg – Pas du tout. Comment pourrions-nous accepter que l’exercice de notre droit d’amendement puisse être déterminé par une majorité sénatoriale particulièrement conservatrice et qui n’a pas manifesté beaucoup d’enthousiasme pour défendre d’une manière générale les droits de l’opposition ?

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs rappelé, dans sa décision récente sur la loi relative aux OGM, que les règlements intérieurs des assemblées, qui ne font pas l’objet d’un contrôle de constitutionnalité, pouvaient contenir des dispositions réglementaires qui n’étaient pas nécessairement soumises à une loi organique. Cette décision récente du juge constitutionnel nous amène à penser que le règlement intérieur, celui que le Président Accoyer nous proposait tout à l’heure de rédiger en commun, pourrait être beaucoup plus restrictif que la loi organique ou la Constitution.

Comme M. Myard, nous ne pouvons accepter que l’exercice de notre droit imprescriptible d’amendement soit renvoyé à un règlement intérieur. Il ne peut dépendre de la volonté d’une majorité politique au détriment d’une opposition qui la gênerait.

Nous avons déjà des preuves de la scélératesse que nous dénonçons en cette affaire. Dans Le Figaro d’avant-hier, sont ainsi rapportés des propos tenus par M. Laffineur lors de l’examen du projet de loi relatif à la démocratie sociale et au temps de travail – durant lequel il m’a d’ailleurs traité de menteur. M. Laffineur a ainsi déclaré que les amendements déposés par les groupes SRC et GDR constituaient « un détournement manifeste du Règlement de l’Assemblée », ajoutant : « ce qui montre que la réforme de notre règlement intérieur est vraiment nécessaire ». Voilà ce qui se cache derrière les bonnes paroles du Gouvernement et de la commission. Certes, M. Laffineur ne détient pas l’alpha et l’oméga de la pensée de la majorité, mais il est tout de même vice-président de notre assemblée. Nous avons la preuve que se prépare un mauvais coup contre le droit d’amendement des députés de l’opposition, et cela, nous ne pouvons l’accepter. Vos paroles, Monsieur le ministre, ne pourront effacer les arrière-pensées exprimées par M. Laffineur (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Noël Mamère – Après l’intervention remarquable de notre collègue Montebourg, je ne puis que redire que se fomente un mauvais coup pour restreindre notre droit d’amendement. Or, comme notre collègue Myard, je considère que ce droit est imprescriptible pour chacun d’entre nous, porteur d’une part de la souveraineté nationale. Nous ne pouvons pas accepter dans une démocratie qu’il y soit porté atteinte.

Ce qui nous est proposé risque en outre d’entraîner des contradictions entre le règlement intérieur de notre assemblée et la loi organique : c’est bien un bloc constitutionnel qui est remis en cause.

Ce n’est pas là une coquetterie de notre part, mais une position de principe fondamentale que nous défendons contre tous les mauvais coups que prépare la majorité dans ce pseudo-projet de réforme marqué par l’insincérité.

M. Jean-Luc Warsmann – Ces propos sont scandaleux.

M. Noël Mamère – Le Conseil constitutionnel, saisi par l’opposition sur la loi relative aux OGM, a en effet rendu une décision précisant les ambiguïtés qu’il y a à faire appel au Règlement de l’Assemblée, dans la mesure où certaines des dispositions de ce Règlement peuvent être contraires à la loi organique.

Laissons donc de côté ces magouilles, ces vils calculs de mécanicien, et respectons le droit imprescriptible des députés. La démocratie ne pourra qu’y gagner.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Que d’excès et de contrevérités ! Ainsi concernant la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative aux OGM. C’est une jurisprudence constante du juge constitutionnel depuis 1978 que de considérer que le seul fait de n’avoir pas respecté un point du Règlement intérieur d’une assemblée n’entraîne pas automatiquement l’inconstitutionnalité d’une loi.

Enfin, le Président de l’Assemblée lui-même l’a dit tout à l’heure, il n’est pas question de toucher au droit d’amendement, mais seulement de définir les règles de son exercice. Je m’étais longuement expliqué sur ce point en première lecture. La commission, défavorable à ces amendements de suppression, vous proposera tout à l’heure un amendement rédactionnel de précision.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Même avis.

M. Bertrand Pancher – Ce qui me choque le plus dans cet hémicycle, ce sont en permanence tous ces bancs vides. Mais s’ils le sont, c’est que le bavardage et le verbiage sont devenues les deux mamelles intarissables de notre assemblée (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Voilà ce qui décourage les parlementaires qui souhaiteraient pouvoir travailler dans des conditions normales, notamment savoir quand ils pourront défendre leurs amendements. Un minimum d’organisation ne pourrait que profiter à notre assemblée qui aurait tout lieu de s’en enorgueillir. Certes, la télévision filme toujours les orateurs, et non les travées vides, mais le public qui assiste à nos débats, lui, ne peut pas ne pas les voir. Voilà pourquoi nous souhaitons un règlement nous permettant tout simplement de travailler.

M. Jérôme Chartier – Le droit d’amendement des parlementaires est assurément l’un des fondements de la République. Il n’est pas question de le remettre en cause. Cela n’interdit pas en revanche d’organiser nos débats au mieux. L’objectif est que l’on ne puisse abuser du droit d’amendement, ce qui dénature le travail parlementaire et peut donner à nos concitoyens le sentiment que le Parlement perd son temps. Organisons nos débats, veillons à ce qu’ils soient toujours constructifs et à ce que les amendements soient justifiés. Nous pourrons être fiers d’une telle réforme.

M. Manuel Valls – Chers collègues de la majorité, vous avez peur du Parlement alors même que vous disposez de tous les pouvoirs. Que voulez-vous faire croire en expliquant que nos bancs se vident et que notre Parlement se dévalorise du fait du dépôt d’un trop grand nombre d’amendements. Il y a certes eu des excès, de part et d’autre, au cours des dernières législatures. Mais c’est au contraire en donnant plus de droits au Parlement, notamment de contrôle et d’initiative, qu’on approfondira la démocratie et qu’on renforcera l’intérêt de nos travaux.

Le droit d’amendement est sacré. Si nous avions, lorsque nous étions au pouvoir, proposé de le restreindre, vous auriez tous été vent debout contre une telle réforme – à juste titre ! Il faut donc supprimer cet article qui restreint le droit d’amendement au prétexte de mieux organiser nos débats, car cela est inacceptable. Je demande une suspension de séance de cinq minutes.

La séance, suspendue à 22 heures 30, est reprise à 22 heures 35.

M. Arnaud Montebourg – Les échanges qui viennent d’avoir lieu méritent de faire date dans l’histoire de nos débats. M. Chartier s’est voulu rassurant : il ne s’agit que d’organiser les débats, nous dit-il. Au contraire : en empêchant un amendement rejeté en commission d’être à nouveau présenté en séance publique, c’est la perte du droit imprescriptible d’amendement que vous tramez ! Notre confiance en vos engagements étant limitée, nous voulons des garanties. Vous ne pouvez vous contenter de renvoyer au droit coutumier : en France, le droit est écrit ! Souffrez, dès lors, que nous insistions !

M. Marc Dolez – En effet, je ne suis pas sûr que l’Assemblée soit tout à fait éclairée. Au fond, le Gouvernement nous propose de neutraliser une jurisprudence du Conseil constitutionnel, dont une décision du 19 février 2007 précise que le droit d’amendement doit pouvoir s’exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi, sans autres conditions que celles de la recevabilité et du lien de l’amendement avec l’objet du texte.

Vous supprimerez donc le caractère automatique du droit qu’a tout parlementaire de soumettre ses amendements au groupe auquel il appartient, afin qu’ils soient débattus en séance plénière. L’exposé des motifs du projet de loi est clair : la modification de l’article 44 permettra d’instaurer une procédure simplifiée pour les textes de nature technique, la séance plénière ne servant plus qu’à ratifier le travail accompli en commission. En outre, elle ouvrira la voie à d’autres modifications de nos travaux telles que la fixation, par la Conférence des présidents, d’une durée maximale des débats au-delà de laquelle la discussion serait close – une sorte de crédit-temps, en somme.

Cette atteinte au droit d’amendement, pourtant imprescriptible, est gravissime. L'Assemblée nationale doit s’y opposer !

Les amendements 96 et 275, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Patrick Braouezec – Comme le Gouvernement et les commissions, les parlementaires doivent disposer du droit d’amendement tout au long des débats. L’amendement 165, inspiré d’une proposition du comité Balladur, tend à limiter la capacité d’amendement du Gouvernement. En effet, celui-ci peut, pour limiter la durée des débats, exiger un vote bloqué sans discussion, article par article, ou encore un vote unique sur tout ou partie d’un texte, modifié par les amendements qu’il accepte, alors que ceux qu’il repousse ne peuvent qu’être discutés sans vote. Ces procédures attentent aux droits des parlementaires, déjà largement amputés.

Le ministre et le rapporteur ont tenté de minimiser la portée de cet article en jurant leurs grands dieux que le droit d’amendement ne serait pas renié. Ils n’ont convaincu ni l’opposition, ni certains membres de la majorité – MM. Cuq, Debré ou Lagarde, par exemple, qui ont tous plaidé pour la suppression de cet article.

Dans ce contexte, l’amendement 165 tend à supprimer la procédure dite du vote bloqué, afin de restaurer un droit imprescriptible du Parlement.

L'amendement 165, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 198 tend à garantir la recevabilité des amendements et en commission et en séance publique, et non pas dans l’une ou dans l’autre, comme vous l’envisagez de manière bien peu consensuelle. Ainsi, la discussion ne risquera pas d’être amputée.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

M. Arnaud Montebourg – Pourquoi ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Parce que loin de vouloir toucher au droit d’amendement, nous voulons simplement définir les modalités de son exercice, qui diffèrent selon que le débat a lieu en commission ou en séance publique.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement de M. Montebourg est important, car maintenir l’alternative entre commission et séance publique ouvrirait la possibilité d’interdire à un député de présenter un amendement dans l’hémicycle lorsqu’il l’a déjà fait en commission.

Il nous est arrivé à tous de voir une proposition qui nous tenait à cœur être rejetée en commission, et nous avons voulu la défendre ensuite en séance même en sachant qu’elle serait finalement refusée. Ce n’est pas du verbiage, Monsieur Pancher, c’est justement pour défendre nos idées que nous avons été élus ! Ce sera encore plus important lorsque le texte issu de la commission sera débattu en séance. La faculté de défendre un amendement en séance n’a rien à voir avec de l’obstruction : c’est tout simplement un de nos droits, et sa disparition restreindrait énormément notre capacité d’expression, et surtout celle de l’opposition. Ce droit mérite d’autant plus d’être gravé dans le marbre de la Constitution que les débats des commissions ne sont pas publics. Sinon, on pourra toujours dire que les pouvoirs du Parlement sont renforcés, les parlementaires seront privés d’une grande part de leur capacité d’exprimer leurs convictions, surtout lorsqu’ils ne sont pas d’accord avec leur propre groupe politique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Marc Dolez – Très bien !

M. le Président – Sur l’amendement 198, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

M. Noël Mamère – Au risque de déplaire à M. Chartier, qui trouve que nous discutons beaucoup pour pas grand-chose, je dois rappeler que la plupart des 98 lois que nous avons votées depuis le début de la législature ont été examinées en urgence. Ce choix du Gouvernement porte atteinte à notre capacité de voter de bonnes lois. C’est une première amputation de nos droits. Au cours de la session extraordinaire, vous nous aurez fait voter à toute vitesse des lois très importantes, comme celle d’hier qui remet en cause des années de conquêtes sociales. Dans le texte de ce soir, ce que vous appelez « organiser les débats » revient en fait à réduire le droit d’amendement des députés. On pourrait se demander si vous n’auriez pas peur en fait de cette possibilité que donne le bloc constitutionnel aux députés d’exercer leur part de souveraineté. C’est pourquoi nous pensons que cet article est l’un des plus dangereux du projet.

M. Manuel Valls – Rappel au Règlement. Le président du groupe UMP a fait de nombreux appels à la jeune génération et à la rénovation. Il y a assurément de nombreuses raisons politiques pour refuser de voter votre projet, comme le redécoupage des circonscriptions ou le temps de parole du Président de la République. Mais s’il ne devait en rester qu’une, ce serait la disposition dont nous parlons à présent. La modernité, c’est de respecter tous les droits du Parlement, et le droit premier de toute assemblée, depuis toujours, c’est le droit d’amendement. Si vous voulez de nouvelles relations entre les responsables politiques, Monsieur Copé, il faudra faire preuve d’une autre attitude. En laissant la suspicion s’installer sur la question du droit d’amendement, vous rendez un très mauvais service à la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-François Copé – Ils ne valent pas cher, vos arguments…

M. Paul Giacobbi – Je voudrais moi aussi faire un rappel au Règlement. Certains voudraient que nous parlions le moins possible ici, et seraient même heureux que cette assemblée soit réduite à une machine à voter (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Ils voudraient rationaliser le débat au point qu’il exclue la parole. Dois-je vous rappeler ce qu’avait répondu Winston Churchill, lorsqu’on lui reprocha de trop parler : le Parlement est fait pour parler. C’est la fonction tribunicienne.

M. Jérôme Chartier – Certainement pas !

M. Paul Giacobbi – Cette fonction est aussi importante que toute autre. Tout ce qui tendrait à limiter le temps de parole est incompatible avec le concept même du Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Ce ne sont pas des rappels au Règlement !

M. Jérôme Chartier – Rappel au Règlement. Depuis quelques minutes, nous vivons un véritable psychodrame : la majorité voudrait empêcher le débat dans l’hémicycle. Il faut donc rappeler que si, en 1970, 970 amendements avaient été débattus dans l’hémicycle – je n’ai pas le sentiment que quiconque ait été privé de débat cette année-là – au cours de la douzième législature, 272 000 amendements ont été déposés, et un grand nombre débattus – je n’ai franchement pas le sentiment qu’ils aient donné lieu à un débat plus intéressant. L’opposition a simplement utilisé le droit d’amendement comme un moyen d’obstruction (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Arnaud Montebourg – Les choses sont dites !

M. Jérôme Chartier – Alors ne laissez pas croire que la majorité voudrait limiter le droit d’expression. Le Parlement a une fonction de débat, Monsieur Giacobbi, ce qui n’est pas la même chose qu’une fonction tribunicienne au sens romain. La discussion a été jusqu’à présent très mesurée et très courtoise. J’aimerais qu’elle le demeure et pour cela, il faut arrêter de faire des procès d’intention à la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Je me demande si l’on n’aurait pas dû se pencher sur la question douloureuse des séances de nuit (Sourires)

M. Jean-François Copé – Votez la Constitution et on s’attaque au sujet !

À la majorité de 83 voix contre 33 sur 116 votants et 116 suffrages exprimés, l’amendement 198 n’est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 20 a été présenté tout à l’heure.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Sagesse.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’article 18 prévoit que le Règlement fixe les conditions dans lesquelles s’exerce le droit d’amendement. Notre président rapporteur a régulièrement expliqué qu’il ne s’agissait que de conditions matérielles, telles que des délais ou heures de dépôt, mais le texte initial contenait les termes « conditions et limites ». Notre Règlement intérieur étant soumis au Conseil constitutionnel, et celui-ci devant lire nos débats pour interpréter la volonté du Constituant, il est important de répéter qu’il ne s’agit réellement plus que de ces conditions matérielles. L’exposé sommaire laisse en effet planer le doute, puisqu’on y lit que la notion de limite est intégrée dans celle de condition. Or, si l’on veut préserver le droit d’amendement, il ne peut être question de limites. On doit pouvoir déposer des amendements en commission comme dans l’hémicycle. Il est donc important de confirmer l’interprétation du terme, sauf à admettre qu’on veut bel et bien limiter le droit d’amendement.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Comme l’a fait au Sénat le rapporteur Hyest, je confirme que la notion de limite est incluse dans celle de condition.

M. Jean-Christophe Lagarde – C’est clair !

L'amendement 20, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 199 est défendu.

L'amendement 199, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 222 est défendu.

L'amendement 222, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 109 est défendu.

L'amendement 109, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – M. Chartier, excédé semble-t-il par notre volonté de défendre le caractère imprescriptible du droit d’amendement, a lâché le mot d’obstruction. Lorsque l’opposition veut défendre ses idées, lorsqu’elle fait des propositions, elle ferait de l’obstruction.

M. Jérôme Chartier – Caricature !

M. Noël Mamère – Pour mieux illustrer l’inflation des amendements, M. Chartier est remonté à 1970. Mais s’il y a aujourd’hui beaucoup d’amendements, c’est la preuve que les députés travaillent et qu’ils veulent débattre.

M. Jérôme Chartier – Dites plutôt que l’informatique travaille !

M. Noël Mamère – Sur cet article 18, le débat n’a malheureusement pas lieu. Vous nous répondez par l’invective, en nous montrant du doigt, comme si nous faisions de l’obstruction. C’est le Gouvernement qui préfère l’urgence à l’examen sérieux des textes.

L’amendement 80 vise tout simplement à faire respecter les parlementaires en supprimant le vote bloqué, dont l’usage revient à nous dire : « circulez, il n’y a rien à voir ». Au Parlement, rien n’est à prendre ou à laisser : il faut débattre.

L'amendement 80, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 274 a pour objet de limiter la possibilité dont abuse le Gouvernement de déposer des amendements de dernière minute. Cela déstabilise en effet les débats en nous empêchant de travailler normalement. Tout le monde doit suivre la même procédure, même si cela signifie que l’on fait la queue. Nous devons travailler ensemble !

Je m’étonne que la commission n’ait pas accepté cet amendement, qui s’inspire des propositions du comité Balladur. Serait-ce une proposition trop à gauche pour vous ? Au lieu de vous acharner contre le droit d’amendement des parlementaires, aidez-nous plutôt à combattre les abus gouvernementaux, en compagnie de M. Balladur…

L'amendement 274, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 18, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 19

M. Patrick Braouezec – Par l’amendement 166, nous demandons la suppression des commissions mixtes paritaires, qui sont trop souvent opaques et peu représentatives du pluralisme politique de nos assemblées. Le Sénat y est trop représenté et il n’existe pas de véritable débat en leur sein. Ajoutons à cela que ces instances ne reproduisent la composition du Parlement que de façon minimaliste.

À nos yeux, le débat en dernière lecture ne doit avoir lieu que devant l’Assemblée, qui seule doit avoir le dernier mot en raison de son mode d’élection. Tout autre dispositif n’est qu’un faux-semblant, comme la loi sur les OGM l’a bien montré.

L'amendement 166, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 278, relatif à l’égalité du temps de parole dans la discussion générale, satisfera immédiatement une des promesses de M. Accoyer. Donnons corps à l’accord qui s’est fait sur cette question, au perchoir comme à droite et à gauche de cet hémicycle.

J’exhorte nos honorables collègues à adopter l’esprit d’ouverture dont s’est réclamé le président de leur groupe. Soyons unanimes sur cet amendement tant attendu, tant désiré et enfin réalisé (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Manuel Valls – Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Au risque de vous décevoir, Monsieur Montebourg, avis défavorable. Avez-vous lu votre propre amendement ? Vous demandez une répartition égalitaire du temps de parole… Imaginez ce qui en résultera : si la Conférence des présidents décide que la discussion générale durera quatre heures, chaque groupe pourra s’exprimer une heure.

M. Jean-Christophe Lagarde – Excellent amendement !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Il ne me paraît pas équitable que chaque groupe dispose du même temps de parole, quel que soit le nombre de ses membres.

L'amendement 278, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 21 rectifié vise à élargir le droit d’amendement en première lecture : serait autorisé tout amendement présentant un lien, y compris indirect, avec le texte déposé.

Sans remettre en cause la théorie de l’« entonnoir », qui limite le droit d’amendement en deuxième lecture, nous reviendrons ainsi sur une jurisprudence restrictive du Conseil constitutionnel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 277 rectifié est identique.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État – Avis favorable – ce qui prouve bien que nous ne voulons en rien restreindre le droit d’amendement (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Arnaud Montebourg – Une question au rapporteur et au Gouvernement : qu’est-ce qu’un amendement recevable en « première lecture » ? Si un amendement a été repoussé en commission, sera-t-il recevable en séance ? C’est la question du « et » et du « ou » dont nous avons déjà débattu.

Pouvez-vous garantir que la recevabilité de ces amendements sera pleine et entière, c’est-à-dire qu’elle vaudra aussi bien en commission qu’en séance ? Nous espérons des déclarations très précises sur ce point.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Cela n’a rien à voir. Il est question des « cavaliers » adoptés par voie d’amendement. Nous ne voulons plus que le Conseil constitutionnel les censure au motif qu’ils sont trop éloignés du projet de loi initial. Nous autoriserons l’adoption de dispositions portant sur des sujets connexes, à condition que l’on reste dans la même matière.

M. Arnaud Montebourg – Permettez-moi de reprendre la parole un instant. Le rapporteur nous avait dit qu’il déposerait un amendement élargissant les conditions de recevabilité en première lecture, sous réserve des articles 40 et 41 de la Constitution. Or, vous nous dites que cela n’a rien à voir.

En restreignant la portée de ces dispositions aux seuls « cavaliers », vous refusez de nous donner des garanties sur la recevabilité de tout amendement en première lecture, que ce soit en commission ou en séance.

M. le Président – Souhaitez-vous ajouter un mot, Monsieur le rapporteur ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – J’ai été suffisamment clair.

M. le Président – Les amendements sont identiques, mais vos avis divergent…

Les amendements 21 rectifié et 277 rectifié, mis aux voix, sont adoptés.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 279 est défendu.

L'amendement 279, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Les amendements 22 et 23 tendent à corriger des erreurs matérielles.

Les amendements 22 et 23, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 276 est défendu.

L'amendement 276, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Noël Mamère – Avec l’amendement 81, nous souhaitons éviter un accident politique semblable à celui qu’a subi la majorité à propos des OGM. Suite à l’adoption de la motion Chassaigne, une CMP a été convoquée alors que le texte n’avait pas été examiné par l’Assemblée. C’est une anomalie que nous devons interdire.

M. Marc Dolez – Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Cela ôterait à l’Assemblée la faculté d’avoir le dernier mot sur des projets de loi

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État – Même position.

M. Noël Mamère – Cet argument est fallacieux. Lorsqu’un accident semblable s’est produit sous le gouvernement de Lionel Jospin au sujet du PACS, un autre texte a été déposé un mois plus tard. Au lieu de passer en force, l’exécutif a respecté le Parlement.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Le Gouvernement a alors déposé un nouveau texte et recommencé la procédure. Je le répète : cette disposition priverait l’Assemblée d’avoir le dernier mot. Ce serait une remise en cause fondamentale du fonctionnement de notre Parlement.

L'amendement 81, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 285 est défendu.

M. Noël Mamère – De même que l’amendement 224.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État – Même avis.

M. Noël Mamère – Nous demandons que l’urgence ne puisse plus être déclarée que cinq fois par session. Déjà, 97 textes ont été adoptés depuis le début de la législature, souvent dans l’urgence. Pour adopter de bonnes lois, il convient d’éviter la précipitation.

Les amendements 285 et 224, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère – L’amendement 223 est défendu.

L'amendement 223, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 19 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 20

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 24 est défendu.

L'amendement 24, accepté par le commission, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 286 est défendu.

L'amendement 286, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – Parce que l’Assemblée nationale doit se prononcer en dernier ressort et parce que la capacité du Sénat à s’auto-réformer nous laisse sceptiques, nous proposons par l’amendement 167 la suppression du droit de veto du Sénat.

M. Arnaud Montebourg – On ne peut laisser le Sénat, cette anomalie sinon ce scandale politique (Protestations sur les bancs du groupe UMP), exercer son droit de péage dès qu’il le peut. Nous proposons donc également, par l’amendement 280, de supprimer l’avant-dernier alinéa de l’article 46 de la Constitution.

Les amendements 167 et 280, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 20, mis aux voix, est adopté.

ART. 21

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 317 rectifié est défendu.

L'amendement 317 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 25 est défendu.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  L’amendement 237 est identique.

Les amendements 25 et 237, mis aux voix, sont adoptés.

M. Noël Mamère – L’amendement 226 est défendu.

L'amendement 226, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  L’amendement 238 est défendu.

L'amendement 238, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'article 21, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 22

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 26 rectifié rétablit la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture.

M. Arnaud Montebourg – Les sous-amendements 282,283 et 284 sont défendus.

Les sous-amendements 282, 283 et 284, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 26 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 168 est défendu.

L'amendement 168, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – Le Président de notre assemblée a promis que tous les groupes parlementaires pourraient constituer une commission d'enquête, mais chaque fois que nous demandons que cette garantie figure dans la Constitution, on nous répond que cela est d’ordre réglementaire. Telle n’est pas notre interprétation, et nous tenons que la mesure doit figurer dans la Constitution pour pouvoir être inscrite dans le règlement de notre assemblée. Nous proposons donc, par l’amendement 281, de l’introduire dans le texte, et de préciser que ces commissions peuvent aussi enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires. Tous les Parlements modernes ont cette possibilité, le Bundestag en particulier, mais le règlement intérieur de notre assemblée ne pourrait le prévoir sans ancrage constitutionnel. C’est pourquoi nous vous demandons instamment, Monsieur le rapporteur, de soutenir cette proposition.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable, mais je donnerai un avis favorable à l’amendement 260 à l’article 24, qui précise notamment que les conditions de création des commissions d’enquête sont fixées par le règlement de chaque assemblée.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Nous sommes favorables à ce que tous les groupes parlementaires puissent obtenir des commissions d'enquête, et nous ne sommes pas défavorables à une accroche constitutionnelle. Mais nous ne souhaitons pas qu’elle soit trop détaillée. Pour cette raison, l’amendement 260 à l’article 24 nous semble mieux convenir que l’amendement 281.

M. Arnaud Montebourg – Monsieur le ministre, je n’ai pas eu de réponse : les commissions pourront-elles aussi être constituées pour enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires ? La procédure actuellement suivie est d’un grand classicisme : quand un sujet fâche, le Gouvernement engage des poursuites, et il n’est plus possible au Parlement d’enquêter. Les exemples sont légion !

Mme Marylise Lebranchu – C’est vrai !

M. Arnaud Montebourg – Il faut surmonter cet obstacle.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Nous avons eu ce débat en première lecture, et nous avons dit que nous n’étions pas favorables à la concurrence des pouvoirs.

M. Arnaud Montebourg – L’objet d’une seconde lecture n’est-il pas d’approfondir la réflexion ? Pour nous, il n’y a pas concurrence des pouvoirs mais complémentarité car les commissions d’enquête parlementaires ne rechercheraient pas les preuves d’une responsabilité pénale, ce qui relève des services de police et de la justice, mais une responsabilité politique ou administrative, qui peut également être très grave. C’est tout autre chose, et c’est pourquoi nous insistons, aimablement (Sourires), pour que vous vous rendiez à notre argumentation.

L'amendement 281, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marylise Lebranchu – Où est la garde des sceaux ?

L'article 22 mis aux voix, est adopté.

ART. 23

M. Jean-Pierre Brard – Vos réponses, Monsieur le ministre, sont si lapidaires qu’ont les dirait parfois exprimées en morse… Par l’amendement 169, nous voulons supprimer le dernier alinéa de l’article 49, ce symbole du parlementarisme que par une aimable litote on qualifie de « rationalisé » mais qu’il faudrait plutôt dire muselé. On sait que la disposition a été décidée au sortir d’une période d’instabilité…

M. Jacques Myard – À laquelle il ne faudrait pas revenir.

M. Jean-Pierre Brard – Ce n’est pas une raison pour accepter la monarchie absolue ! Les temps ont changé, et le gouvernement Jospin a montré que l’on peut gouverner sans recourir à ce procédé, à condition que l’on travaille en amont et que la majorité soit en accord avec elle-même. En conservant l’article 49-3 de la Constitution, vous indiquez vouloir passer outre le débat parlementaire. Vous aviez, dans un premier temps, semblé vouloir limiter le recours à cet article, mais les sénateurs vous ont rattrapés et ont élargi le champ d’application de la mesure. Nous qui étions contre le texte proposé par le Gouvernement en première lecture ; nous sommes encore plus opposés à la rédaction du Sénat, qui nous renvoie au statu quo.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 27 de la commission tend à revenir au texte de l'Assemblée nationale.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 287 est défendu.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Avis naturellement favorable à l’amendement 27, et défavorable aux amendements 169 et 287. Nous avons débattu du 49-3 en première lecture ; M. Brard ne peut prétendre le contraire !

M. Jérôme Chartier – Très bien !

M. Jean-Pierre Brard – Mais à quoi sert un débat qui ne débouche sur rien ? (Sourires) De grâce, écoutez-nous, pour permettre un débat digne de ce nom au lieu d’un jeu convenu ! Vous persévérez dans l’autisme !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Sans détailler à nouveau notre argumentation, je rappelle que la rédaction du Gouvernement, débattue ici même, puis modifiée au Sénat, et sur laquelle nous revenons, est raisonnable, car intermédiaire entre ceux qui veulent supprimer le 49-3 et ceux qui souhaitent qu’il soit utilisé sans cesse. Elle accroît les pouvoirs du Parlement sans limiter la capacité d’action du Gouvernement, qui pourra recourir au 49-3 sur un texte important par session ordinaire, outre le PLF et le PLFSS.

L'amendement 169, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 27, mis aux voix, est adopté, et l’article 23 est ainsi rédigé.

La séance, suspendue à 23 heures 35, est reprise à 23 heures 40.

ART. 23 BIS

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 28 est défendu.

L'amendement 28, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L’article 23 bis ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 24

M. Jacques Myard – L’amendement 97 tend à supprimer l’article, car il est inutile d’inscrire dans la Constitution les renvois au Règlement de chaque assemblée, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer les droits des groupes.

M. Richard Mallié – Très bien !

M. Jacques Myard – En outre, la notion de groupe est floue…

M. Jean-Christophe Lagarde – Absolument pas !

M. Jacques Myard – Si, Monsieur Lagarde ! (Sourires) Comme le droit d’amendement, tous les droits des parlementaires appartiennent aux députés ; ce n’est pas en les caporalisant au sein d’un groupe que l’on revalorisera le Parlement !

M. Jean-Christophe Lagarde – Provocateur ! (Sourires)

L'amendement 97, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 170 est défendu.

L'amendement 170, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – Les amendements 289 et 288 sont défendus.

L’amendement 289, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l’amendement 288.

Mme Sylvia Pinel – L’amendement 260 tend à inscrire dans la Constitution la possibilité pour le Parlement de créer des commissions d’enquête au titre de ses missions de contrôle et d’évaluation telles que définies par le nouvel article 24 de la Constitution. Il précise en outre que les conditions de création des commissions d’enquête seront fixées par le Règlement de chaque assemblée.

Nous attendons du Gouvernement qu’il prenne clairement position sur ce point, car la création des commissions d’enquête et le droit de tirage doivent faire partie des prérogatives que le projet accorde aux groupes parlementaires – à ceux de la majorité et de l’opposition, mais aussi aux groupes minoritaires.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis favorable, comme je m’y étais engagé ici même en première lecture.

M. Jean-Christophe Lagarde – Encore un geste d’ouverture !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Avis favorable à cet amendement, qui précise la place des commissions d’enquête au sein des prérogatives accordées au Parlement par l’article 24. Aux termes de l’ordonnance du 17 novembre 1958, la loi fixe pour l’essentiel leurs modalités d’organisation et de fonctionnement, mais il appartiendra à chaque Règlement de définir les conditions concrètes de leur création – notamment celles qui permettront de faire droit aux initiatives de l’opposition – et d’apporter des précisions sur les postes de rapporteur ou de président ouverts aux membres de l’opposition ou des groupes minoritaires aux termes du nouvel article 51-1 de la Constitution.

M. Noël Mamère – L’amendement de nos collègues radicaux de gauche semble résulter d’une négociation avec le Gouvernement : sans être dépourvu de qualités, il est bien moins précis que celui de M. Montebourg, conforme à la lettre que le président de l'Assemblée nationale a adressée aux présidents de groupe à propos du droit de tirage, et qui permettait en outre de créer des commissions d’enquête parlementaires parallèlement aux commissions d’enquête judiciaires, car elles ne sont pas concurrentes, mais complémentaires. Nous restons donc circonspects : que se passera-t-il le 21 juillet à Versailles ?

M. Paul Giacobbi – Nous n’avons pas coutume de recevoir des leçons ; il y aurait beaucoup à dire sur les négociations menées par les uns et les autres (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)… Les parlementaires doivent pouvoir débattre, présenter des amendements, et discuter avec le Gouvernement – lequel d’entre nous ne l’a jamais fait en dehors de l’hémicycle ? C’est cela, le travail parlementaire ! (Rires et exclamations sur tous les bancs)

Le vote des députés radicaux de gauche, le 21 juillet, sera entièrement libre ; nous manifestons notre opposition en termes suffisamment clairs pour ne pas faire l’objet de procès d’intention ! Les signataires de cet amendement ont droit à la liberté d’expression !

M. Jacques Myard – Et d’amendement !

L'amendement 260, mis aux voix, est adopté.

L’article 24 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 24 BIS

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 29 tend à supprimer l’article.

M. Jacques Myard – L’amendement 98 est identique.

Les amendements 29 et 98, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés, et l’article est ainsi supprimé.

ART. 24 TER

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 30 tend à supprimer l’article.

M. Jacques Myard – L’amendement 99 également.

Les amendements 30 et 99, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés, et l’article est supprimé.

ART. 25

M. Jacques Myard – L’amendement 100 supprime cet article.

L’amendement 100, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Par l’amendement 204, nous proposons de modifier le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel, qui pourraient être majoritairement nommés par le Parlement dans le respect du pluralisme : trois des quinze membres seraient désignés par le Président de la République, neuf par l'Assemblée nationale et neuf par le Sénat. Ainsi assurée par le vote du Parlement, leur désignation serait plus transparente et plus démocratique.

Il est en effet curieux que les anciens présidents de la République soient membres de droit du Conseil, ce qui en fait, comme le disait plaisamment M. Dosière, une sorte de maison de retraite pour anciens présidents, bientôt surpeuplée du fait du passage au quinquennat et de la limitation du nombre de mandats ! Si cet amendement est adopté, à défaut d’être composé de sages, le Conseil serait au moins représentatif des rapports de forces dans le pays !

L'amendement 204, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – J’ai déjà défendu l’amendement 290.

L'amendement 290, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 31 est défendu.

L'amendement 31, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 291 est défendu.

L'amendement 291, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 25 modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 25 BIS

M. Jacques Myard – L’amendement 101 vise à supprimer cet article. Si le projet de loi sur l’élection du Président de la République avait été soumis au Conseil constitutionnel, nous n’aurions jamais pu l’élire au suffrage universel ! La même règle doit valoir pour une proposition de loi : si elle est acceptée par le peuple, elle vaut au besoin réforme de la Constitution !

L'amendement 101, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 25 bis, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 25 TER

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 32 vise à supprimer cet article.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Favorable.

M. Jean-Christophe Lagarde – En première lecture, l’Assemblée nationale avait déjà refusé aux groupes parlementaires le droit de saisir le Conseil constitutionnel. Le Sénat, souvent présenté comme rétrograde, a, lui, introduit cette disposition dans le texte, tant pour les conventions internationales que pour les lois ordinaires. Notre assemblée s’apprête à revenir en arrière, et je le déplore. Cette disposition n’aurait pas perturbé le fonctionnement du Conseil, qui est déjà saisi sur presque tous les textes. En la refusant, vous privez de l’accès au juge constitutionnel les groupes qui ne sont pas composés d’au moins 60 députés ou 60 sénateurs, ce qui empêchera notre groupe de voter le texte à l’unanimité.

M. Jacques Myard – Je ne suis pas de cet avis. Cela suppose en effet que les groupes soient monolithiques, ce qui n’est pas du tout le cas – j’en suis la preuve ! Mon amendement 102 vise donc également à supprimer cet article.

Les amendements 32 et 102, mis aux voix, sont adoptés, et l’article 25 ter est ainsi supprimé.

ARTICLE 26

M. Émile Blessig – Cet article permet à tout justiciable de soulever – à l’occasion d’un procès – une exception d’irrecevabilité à propos d’une disposition législative. C’est une avancée dont les conditions de mise en œuvre doivent être précisées, en particulier vis-à-vis du droit local applicable dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Ce droit local couvre bon nombre de domaines de la vie courante. Il a été maintenu en vigueur après le retour de ces territoires à la France en 1918. Les lois d’introduction de 1924 l’ont rétabli et reconnu en en faisant un élément de la légalité républicaine. Le droit local est donc une institution. Quatre-vingt dix années d’intégration dans le système juridique français ont fait de ce droit local une déclinaison spécifique de certains droits et libertés.

Mon intervention ne vise ni à sanctuariser, ni à cristalliser ce droit local, mais à lui permettre d’évoluer. À l’occasion de ce débat, les députés alsaciens et mosellans souhaitent voir réaffirmer sa légitimité.

M. Jean-Pierre Brard – J’ai écouté notre collègue avec autant d’intérêt que de perplexité. Ce débat est trop complexe pour être tranché aujourd’hui. Nous verrons cela dans cinquante ans ! L’amendement 171, que nous avons déjà défendu en première lecture, vise à supprimer l’article 26. Le contrôle de constitutionnalité a priori – avant la promulgation de la loi – confère au Conseil constitutionnel un rôle éminemment politique, que traduit d’ailleurs son mode de désignation. S’il devient de fait – comme vous le proposez – une cour constitutionnelle, il faut repenser les qualités requises pour y siéger et les modalités de la désignation de ses membres. Nous estimons de toute façon que le Conseil constitutionnel ne sera jamais une juridiction comme les autres : ses décisions relèvent par nature du politique, puisqu’elles portent sur les règles communes de la cité. Il s’apparente donc à une troisième chambre, dont les débats sont secrets et les décisions sans appel. Nous ne sommes pas pour autant opposés au contrôle de constitutionnalité, à condition que son exercice aboutisse non à la suppression de la loi, mais à une nouvelle discussion. Nous sommes en revanche très réservés sur la disposition proposée : elle n’est pas tant un nouveau pouvoir citoyen qu’un nouveau pouvoir confié au Conseil.

L'amendement 171, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Ueberschlag – Nous sommes certes en train de légiférer tambour battant, mais je voudrais revenir sur les incidences de cet article sur le droit local. Nombre d’entre vous peinent à cerner ce que représente le droit local en Alsace et en Moselle. Il est lié à l’histoire de ces départements : ce n’est pas de leur faute si la France les a « lâchés » deux fois en moins de trente ans.

M. Jean-Pierre Brard – Ce sont les Prussiens qui se sont servis, plutôt !

M. Jean Ueberschlag – Quoi qu’il en soit, cet article 26 pourrait constituer une bombe à retardement mettant en danger l’existence de ce droit local. Celui-ci déroge en effet à certains articles de la Constitution, notamment l’article premier, qui dispose que la France est un État laïc. Le texte initial du Gouvernement excluait la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel à propos des dispositifs en vigueur avant 1958. Notre assemblée a levé cette restriction en première lecture. Afin de prémunir notre droit local contre toute exception d’inconstitutionnalité, l’amendement 107 propose de revenir au texte initial du Gouvernement. L’amendement 108 est un amendement de repli, qui précise que les dispositions du droit local ne sont pas susceptibles de recours devant le Conseil constitutionnel. Il y aurait une autre possibilité : inscrire dans la Constitution que la République reconnaît la légitimité de la législation particulière aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

Les Alsaciens tiennent à ce droit local comme à la prunelle de leurs yeux. Sa mise en cause ferait donc figure de provocation. « Laissez-les parler leur langue, pourvu qu’ils ferraillent en français ! » disait Napoléon des Alsaciens enrôlés dans son armée. « Ne touchez pas aux choses de l’Alsace » disait pour sa part Louis XIV à ses conseillers. J’aimerais que vous soyez conscients de l’intérêt de ces amendements pour nos concitoyens de ces trois départements (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Pour des raisons de forme, la commission est défavorable à ces deux amendements. Je remercie cependant notre collègue de les avoir déposés : ils permettront au Gouvernement de donner une interprétation précise qui fera foi et qui consolidera l’existence de ce droit local.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Le Gouvernement comprend l’attachement légitime des populations des trois départements d’Alsace et de Moselle à ce droit local. Le respect de ces spécificités a fait l’objet d’un engagement politique et local des plus hautes autorités de l’État en 1918, lorsqu’ils sont revenus sous la souveraineté française. En 1946 et en 1958, le constituant a choisi de restaurer ce droit local, qui avait été mis entre parenthèses durant l’annexion allemande. Le droit local alsacien a donc été incorporé dans notre tradition républicaine. Vous n’avez donc rien à craindre de sa confrontation avec le bloc de constitutionnalité.

Contrairement à une idée reçue, le droit local d’Alsace-Moselle est déjà soumis au contrôle des juges. Le Conseil d’État, qui contrôle la compatibilité des lois antérieures à 1946 avec la Constitution de 1958 et avec le préambule de la Constitution de 1946, a toujours jugé les lois locales compatibles avec ces textes. Il a déjà rejeté de nombreux recours formés contre le régime des cultes d’Alsace-Moselle ou contre la législation locale sur les associations. De même, depuis une décision du 25 janvier 1985, le Conseil constitutionnel contrôle la conformité des lois antérieures à 1958 à l’occasion de leur modification, et jamais une seule disposition du droit local n’a été déclarée contraire à la Constitution. Vous pouvez donc être rassuré, Monsieur le député. Les juges n’ont jamais remis en cause ce droit local. Il n’y a aucune raison de penser que la jurisprudence puisse évoluer dans un sens différent après la présente réforme constitutionnelle. L’exception d’inconstitutionnalité, qu’il est proposé d’instaurer, pourra au contraire marquer l’ancrage constitutionnel de ce droit local, lequel est toujours sorti légitimé et renforcé de sa confrontation avec le bloc de constitutionnalité.

Le principe constitutionnel d’unité législative du droit des libertés publiques ne soulève pas de difficultés dès lors que le droit local dispose d’une base législative. Vous nourrissez des craintes particulières s’agissant du régime des cultes. Celui-ci a déjà été jugé conforme à la Constitution par le Conseil d’État dans un arrêt du 6 avril 2001. Le régime des cultes en vigueur en Alsace-Moselle ne méconnaît pas nos principes constitutionnels, comme l’avait confirmé la commission Stasi.

Votre amendement 108 propose d’exclure de la procédure d’exception d’inconstitutionnalité les dispositions législatives maintenues en vigueur par les lois du 1er janvier 1924. Sanctuariser ainsi le droit local risquerait de le cristalliser, au risque de rendre difficile toute évolution. Sans remettre en cause l’objectif de cet amendement, le Gouvernement vous invite à le retirer. À défaut, il y sera défavorable.

Votre amendement 107 propose, lui, de revenir au texte initial du Gouvernement en supprimant la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel d’une loi antérieure à 1958. L'Assemblée nationale et le Sénat en première lecture, mais aussi le Conseil d’État, ont jugé que cette restriction n’était pas justifiée sur le plan juridique. Le Gouvernement s’est donc rangé à la position des deux assemblées. Le Gouvernement vous invite donc à retirer cet amendement également.

Il serait dommage qu’en tentant d’ériger une protection que n’impose pas la procédure d’exception d’inconstitutionnalité et qui n’est pas juridiquement nécessaire, vous contribuiez, paradoxalement, à jeter le doute sur la compatibilité du droit local d’Alsace-Moselle avec notre Constitution.

M. Jean-Pierre Brard – Chers collègues d’Alsace-Moselle, nous avons beaucoup de respect pour vous mais il est des sujets dans notre pays dont il n’est pas certain qu’ils fassent consensus s’ils sont soumis à la discussion et qu’il est donc préférable de ne pas ouvrir. La sagesse commande de respecter la tradition qui s’est ainsi établie.

Ainsi, moi qui suis républicain et laïc, trouve extrêmement choquant qu’il faille en Alsace-Moselle demander à être dispensé d’enseignement des religions. De même, s’agissant de l’école publique et de l’école privée, je suis de ceux qui considèrent que l’argent public doit aller à l’école publique et l’argent privé à l’école privée. Souhaitez-vous que nous rouvrions des débats comme ceux-là ? La situation qui prévaut en Alsace-Moselle est globalement acceptée. Soulever le couvercle de la marmite, cher collègue Ueberschlag, serait dangereux. La prudence et la raison commandent de ne pas aller plus loin dans la discussion de ces amendements. Et me mêlant de ce qui ne me regarde pas, je vous conseille de les retirer.

M. Jean Ueberschlag – Je remercie le rapporteur et la ministre de leurs propos. Pour le reste, Monsieur Brard, nous n’avons pas honte de notre droit local et ne souhaitons pas le cacher…

M. Jean-Pierre Brard – Ce n’est pas la peine de l’exhiber non plus !

M. Jean Ueberschlag – Les Alsaciens tiennent à ce droit local comme à la prunelle de leurs yeux. Le Gouvernement confirme-t-il bien que celui-ci ne court aucun risque d’inconstitutionnalité ? Si tel est bien le cas, je suis prêt à retirer mes amendements 107 et 108 (Mme la garde des sceaux donne des signes d’assentiment).

Les amendements 107 et 108 sont retirés.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 292 rectifié est défendu.

L'amendement 292 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 112 précise que lorsque le Conseil constitutionnel est saisi par voie d’exception, il statue en tant que juridiction en soumettant ses décisions aux fondements et principes communs à toutes les juridictions – procédure contradictoire, procès équitable, délais raisonnables, indépendance des magistrats…

L'amendement 112, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 293 est défendu.

L'amendement 293, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 201 est défendu.

L'amendement 201, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 26, mis aux voix, est adopté.

M. Accoyer remplace M. Le Guen au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Bernard ACCOYER

ART. 28

M. Arnaud Montebourg – Les rapports entre l’exécutif et la justice sont pour nous un point essentiel sur lequel nous souhaitions être rassurés. Nous nous sommes battus tout au long du débat sur la composition du CSM, sur la nécessité de son indépendance vis-à-vis de l’exécutif et de la neutralité dans le fonctionnement de l’institution judiciaire. Hélas, nous l’avons déploré à plusieurs reprises, le compte n’y est pas. Nous avons déposé quantité d’amendements pour tenter de vous convaincre que la question de la parité entre magistrats et non-magistrats au sein du CSM était une question fondamentale. Robert Badinter lui-même a dit au Sénat combien la singularité française en ce domaine était une erreur. La majorité sénatoriale eût été avisée de l’entendre...

Il faut éviter deux écueils, d’un côté le corporatisme, de l’autre la politisation. Vous êtes, hélas, tombés du côté de la politisation. De nombreux syndicats de magistrats ont dénoncé dans vos pratiques, Madame la Garde des sceaux, la « caporalisation » des magistrats du parquet, encouragée au plus haut niveau par les déclarations du Président de la République. Avec des pressions, des limogeages annoncés sur la place publique…, les magistrats subissent aujourd’hui la pression de l’exécutif et ce n’est pas cette réforme qui y changera quelque chose. Depuis le début de ce débat, nous défendons avec force la séparation des pouvoirs. Or, ce texte ne fait qu’organiser leur confusion. D’où notre amendement 294 qui récrit cet article (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Même avis. Par cet article 28, le Gouvernement souhaite à la fois renforcer l’indépendance de la magistrature et la mettre à l’abri des critiques de corporatisme. Ainsi, le CSM ne sera plus présidé par le Président de la République ; toutes les nominations de magistrats du parquet, y compris celles des procureurs généraux, seront soumises à l’avis du CSM et sa composition sera plus ouverte aux non-magistrats. Le Gouvernement a été très attentif aux propositions des parlementaires en première lecture. Ainsi votre assemblée a-t-elle consacré la formation plénière du CSM et reconnu le droit pour les justiciables de saisir directement le Conseil, comme l’avait d’ailleurs préconisé la commission dite d’Outreau. Le Gouvernement a de même accepté au Sénat que les formations disciplinaires du CSM soient composées à parité de magistrats et de non-magistrats. Un équilibre satisfaisant a été trouvé qui devrait permettre l’adoption de cet article dans les mêmes termes par les deux assemblées.

Le Gouvernement est donc défavorable aux modifications proposées. Tout d’abord, sur la parité au sein des formations chargées de se prononcer sur les nominations de magistrats, laquelle ne permettrait pas de couper court aux critiques de corporatisme ou d’immobilisme. L’indépendance de la justice doit aller de pair avec son ouverture. Dois-je rappeler que le projet de loi porté par Elisabeth Guigou en 1998 rendait les magistrats minoritaires au sein du CSM ? Dans plusieurs pays d’Europe, l’instance compétente pour les nominations est composée d’une majorité de non-magistrats – et même d’une majorité de parlementaires dans certains Länder allemands. Le Conseil supérieur de la magistrature n’est donc pas une exception. Seuls ses équivalents espagnol, italien et néerlandais comprennent une majorité de magistrats.

Le Gouvernement souhaite confier la présidence du CSM aux deux plus hauts magistrats de France – le Premier président de la Cour de cassation et le procureur général. Leur autorité incontestable constituera une garantie de l’indépendance du Conseil.

Ensuite, il n’est pas souhaitable que les magistrats du Parquet soient nommés après avis conforme du CSM, ni que celui-ci statue à leur égard en tant que conseil de discipline, car leur situation diffère des magistrats du Siège. Aux termes de l’article 5 du statut de la magistrature, ils sont placés sous l’autorité du garde des sceaux. Afin de garantir l’efficacité de sa politique publique, le Gouvernement doit conserver une marge d’action pour toute décision les concernant. Un procureur de la République doit obéir aux instructions d’un Gouvernement par exemple en matière de lutte contre la récidive – action pour laquelle il est mandaté. Les Français, qui ont élu une majorité, attendent qu’elle mette en œuvre sa politique avec cohérence.

S’agissant des procureurs généraux, je précise que ceux-ci sont nommés en Conseil des ministres pour une durée ne pouvant excéder sept années, et que le Gouvernement a le pouvoir de décider de leur déplacement.

Enfin, j’ai reçu la grande majorité des juges d’applications des peines à la Chancellerie – c’est une première. Notre politique d’aménagement des peines porte ses fruits, et les magistrats du Siège n’ont en rien le sentiment d’être caporalisés.

M. Arnaud Montebourg – Ils le disent eux-mêmes !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Libre à vous de vous faire l’écho des caricatures.

M. Noël Mamère – Loin des caricatures, nous ne faisons que témoigner des inquiétudes que suscite la composition du CSM que vous nous proposez. Non, Madame la ministre, elle n’est pas conforme à ce qui se fait chez nos voisins – où la parité entre magistrats et non-magistrats est généralement respectée. À l’aube de sa présidence de l’Union, la France ne commettrait-elle pas une erreur extravagante en instaurant un système largement en deçà de la norme européenne ?

La liberté du CSM serait renforcée, nous dit-on, parce que le Président de la République ne le préside plus. Pourtant, l’article 65 de la Constitution n’a pas été modifié de telle sorte que le CSM soit le garant de l’indépendance de la justice. Confier sa présidence au Premier président de la Cour de cassation et au procureur général ne constitue en rien une garantie d’indépendance, compte tenu des modalités de la désignation.

Loin de tout corporatisme, les magistrats eux-mêmes ont demandé qu’il soit permis aux citoyens de saisir le CSM. Le Gouvernement, lui, continue de faire pression sur eux tout en préservant les apparences, prétendant que les pouvoirs du CSM sont renforcés. Si le Président de la République ne le préside plus, je rappelle que le garde des sceaux conserve voix au chapitre en matière disciplinaire.

M. Yves Bur – Heureusement !

M. Noël Mamère – Au lieu de garantir l’indépendance de la justice, le CSM sera soumis au bon vouloir et aux éventuels errements du pouvoir politique davantage encore qu’auparavant.

Nous soutenons donc l’amendement présenté par M. Montebourg, car vous nous proposez un démantèlement du CSM et la soumission de l’ordre juridique à l’ordre politique.

M. Arnaud Montebourg – Parce que le Gouvernement souhaite contrôler le Parquet en lui donnant des ordres conformes à sa politique, certains procureurs de la République se transforment en procureurs du Gouvernement. Or, le Gouvernement n’est pas la République ! Au motif de vouloir – à raison – contrôler l’application de votre politique pénale, vous allez faire pression sur des magistrats. Où est la séparation des pouvoirs lorsque vous disposez à votre guise de la carrière des juges ou que vous faites trembler des magistrats soumis dans les parquets sensibles au moyen des affaires signalées ? Voilà comment vous enterrez les affaires les unes après les autres ! Nous réprouvons ces pratiques, et l’opinion publique ne tardera pas à faire de même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

L'amendement 294, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 229 tend à préciser que le CSM garantit l’indépendance de la justice.

L'amendement 229, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 230 tend à instaurer la parité au sein du CSM entre magistrats et non magistrats, comme c’est le cas ailleurs en Europe.

L'amendement 230, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 113 est défendu.

L'amendement 113, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 114 exige que les membres du CSM n’aient jamais exercé de fonction publique élective, afin de s’assurer de leur complète indépendance politique.

L'amendement 114, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 323 est rédactionnel.

L'amendement 323, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 295 rectifié est défendu.

L'amendement 295 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – Je défends l’amendement 231.

L'amendement 231, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je défends l’amendement 115.

L'amendement 115, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Et moi l’amendement 173.

L'amendement 173, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 116 est défendu.

L'amendement 116, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 202 également.

L'amendement 202, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 28, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 30

L'article 30, mis aux voix, est adopté.

ART. 30 QUATER

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 33 est rédactionnel.

L'amendement 33, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 30 quater, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 30 QUINQUIES

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 34 est de coordination.

L'amendement 34, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 30 quinquies, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 30 SEXIES

M. Arnaud Montebourg – Nos collègues de l’outre-mer se sont émus que cet article habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances pour adapter les dispositions législatives à leurs territoires. Leur rôle n’est-il pas précisément de débattre de ces questions ici même ? Pourquoi cette délégation automatique concernant l’adaptation du droit à l’outre-mer ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 36 est de cohérence, le 37 est rédactionnel.

Les amendements 36 et 37, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 30 sexies, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 30 SEXIES

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 38 vise à réintroduire dans la version votée par l’Assemblée l’alinéa relatif aux langues régionales, selon lequel « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Il constituerait l’article 75-1 de la Constitution.

M. Marc Le Fur – L’amendement 86 est identique. Un certain nombre de parlementaires ont essayé, à l’occasion de plusieurs débats de révision constitutionnelle, d’introduire dans la Constitution une référence aux langues régionales. Nous avons d’abord eu un succès d’estime, puis nous avons progressé. Un débat a notamment été organisé dans cette enceinte le 7 mai, au cours duquel a été annoncée une loi, très attendue, sur leur défense et leur rayonnement. Le 22 mai enfin, notre assemblée adoptait à la quasi-unanimité cet amendement. Mais le Sénat nous a beaucoup déçus. La solution du rapporteur, qui consiste à reprendre notre texte en l’insérant à un autre endroit de la Constitution, nous paraît excellente. Cela ne change rien pour les langues régionales, puisqu’il n’y a pas de hiérarchie des articles, et le geste sera apprécié de nombre de nos concitoyens. Je tiens à saluer le soutien constant du Gouvernement sur cette question ainsi que l’initiative du rapporteur et président de la commission des lois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Bur – Je voudrais à mon tour remercier le rapporteur pour avoir su trouver cette solution consensuelle, ainsi que Marc Le Fur pour sa ténacité. Il est important de reconnaître ce que les langues régionales apportent à notre patrimoine. Cette inscription dans la Constitution ne sauvera pas pour autant les langues régionales : pour cela, il faut les parler. Il n’est pas question non plus, par l’introduction de cet article, de créer des droits nouveaux qui pourraient se retourner contre nous – et je sais que l’alsacien est la langue régionale la plus parlée dans notre pays. Ceux qui avaient cette crainte peuvent être rassurés.

M. Jean-Jacques Urvoas – Il faut effectivement se féliciter de retrouver le consensus de la première lecture. L’introduction des langues régionales dans la Constitution ne porte en rien atteinte à l’unité de la République, mais est indispensable pour permettre leur développement. Mon groupe regrette le comportement du Sénat, dont la majorité a agi pour des raisons qui n’ont échappé à personne. Il nous faut donc revenir à notre texte. En première lecture, nous avions souhaité qu’il soit introduit à l’article 2 de la Constitution, parce que nous ne souhaitons pas qu’il n’ait qu’un effet déclaratif, mais qu’il emporte des conséquences juridiques. Dans un esprit de compromis, nous avions accepté que l’amendement figure dans l’article premier. Vous proposez désormais un article 75-1, mais il n’y a aucune raison d’insérer cette disposition dans le titre consacré aux collectivités territoriales. On pourrait même y voir un aveu que la promotion des langues régionales n’est pas une préoccupation du Gouvernement, ce qui soulève le doute sur la loi qu’a promise Mme Albanel. Ce nouvel article renvoie explicitement une compétence aux collectivités sans leur en donner les moyens. Certes, les articles de la Constitution ne sont pas hiérarchisés, mais cette décision est un fâcheux symbole du peu d’intérêt que porte le Gouvernement à cette question (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Enfin, on a entendu en commission que la promotion des langues régionales créait un risque d’enfermement régionaliste. Mais les Bretons savent que tous ceux qui étaient à Valmy ne parlaient pas la même langue, n’adoraient pas les mêmes dieux et n’utilisaient même pas les mêmes unités de mesure. Ainsi que l’a dit Condorcet, la France comptait 26 millions de Français, dont 6 savaient lire et écrire notre langue, mais c’est pourtant eux qui ont fait la République.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 117 est identique, et le 305 a le même objet, mais insère le texte proposé à l’article 2 de la Constitution. Ce n’est pas la première fois que nous tentons d’inscrire les langues régionales dans la Constitution. Je me réjouis qu’on y arrive enfin, sans pouvoir comprendre comment le Sénat, qui représente théoriquement, puisqu’il paraît qu’il a une légitimité, les territoires, peut refuser de reconnaître cet élément fondamental de leur identité. Mes collègues Francis Hillmeyer, d’Alsace, Thierry Benoit, Breton, et Philippe Folliot pour le sud-ouest seront particulièrement heureux que cette belle avancée soit votée quasiment à l’unanimité de cette assemblée, et inscrite dans notre Constitution – si ce projet est adopté à Versailles.

M. Dominique Raimbourg – L’inscription des langues régionales dans la Constitution ne porte bien évidemment pas atteinte à la prééminence du français. La faire figurer à l’article 2 lui conférerait toute sa portée juridique, plutôt qu’un effet seulement déclaratif. C’est un signal positif pour les nombreux citoyens qui ont pu considérer à juste titre qu’ils n’étaient pas suffisamment considérés. Enfin, cette reconnaissance préfigure, à l’heure où l’anglais est devenu langue internationale, notre capacité à défendre le français lorsqu’il deviendra, comme l’allemand ou l’Italien, une langue minoritaire dans le monde.

M. Hervé Mariton – Ce n’est pas le meilleur argument !

M. Paul Giacobbi – L’amendement 250 rectifié tend à insérer la même disposition, mais à l’article 2. Ces amendements ont effectivement une longue histoire et après le vote quasi unanime de notre assemblée, ce qui n’est pas si fréquent, le Sénat puis l’Académie française se sont illustrés – par leur ignorance. À croire que l’Académie n’a jamais lu Villon, qui écrit l’argot, Hugo qui le magnifie, Balzac qui donne tant de force aux parlers régionaux et Molière qui montre la diversité du parler français. Les langues régionales font partie de l’identité française, point n’est besoin d’avoir lu Braudel pour s’en rendre compte. Et le débat au Sénat a laissé passer des vulgarités et des sottises comme rarement on en entend.

M. Jean-Christophe Lagarde – Sauf au Sénat.

M. Paul Giacobbi – Penser que les langues régionales menacent le français, c’est ignorer le fait fondamental que la richesse des langues, leur créativité naît de leur diversité. Vouloir une langue pure et parfaitement conservé, c’est la tuer. La disposition qui va être votée aura une portée juridique indirecte : elle n’ajoute rien au droit actuel, mais si elle n’était pas adoptée, le Conseil constitutionnel pourrait s’appuyer sur la reconnaissance du français comme langue de la République – disposition étrange qui n’ajoute pas grand-chose à l’ordonnance de Villers-Cotterêts – pour annuler certaines dispositions du projet de loi sur les langues régionales qu’on nous annonce.

Par ailleurs, il faut être conscient que la pratique du français s’effondre dans le monde, et dans les organisations internationales. Heureusement que les Québécois sont là pour le soutenir. Reconnaître les langues régionales comme un patrimoine, c’est aussi reconnaître que ce patrimoine est menacé – et c’est une partie de la France qui disparaîtrait avec elles. Or, le français se comporte dans le monde comme les langues régionales en France. À quand l’anglais dans cette salle ?

M. Jean-Pierre Brard – Demandez à Mme Lagarde !

M. Jean-Pierre Brard – L’amendement 303 a le même objet que le 250 rectifié. Le sujet est important. Le recul du français dans le monde nous confronte à nos propres responsabilités. Chacun connaît en effet l’inanité des politiques menées en faveur de la francophonie : les moyens qui leur sont alloués restent médiocres et nous sommes incapables d’utiliser l’espace de la francophonie comme un levier au service de la coopération économique.

Soyons clairs : sans contester la place du français comme langue de la nation toute entière, notre plurilinguisme régional nous ouvre sur la richesse culturelle. Nous devons accepter la pluralité linguistique qui est ancrée dans nos territoires.

Contrairement à ce qui a été dit au Sénat, ni l’unicité du peuple français, ni l’indivisibilité de la République, ni le principe d’égalité devant la loi ne seront remis en cause, bien au contraire. N’enterrons pas le résultat des riches débats que nous avons eus en première lecture : nous étions parvenus à une solution satisfaisant une large partie de l’hémicycle en amendant l’article premier de la Constitution.

En reconnaissant les langues régionales, nous répondrons aux souhaits de nombreuses associations et nous consacrerons la participation active et vivante de ces langues à notre patrimoine linguistique commun, au même titre que le français – même si ce n’est pas à la même place. Je ne reviendrai pas sur les bienfaits du respect et de la promotion des langues régionales, car ce sujet a déjà été abordé. Je fais miens les propos de Marc Le Fur sur ce point.

La proposition de créer un article 75-1, adoptée par la commission des lois, est un retour en arrière. Il est certes plus facile pour l’État de se défausser une fois encore sur les collectivités territoriales, déjà victimes de nombreux transferts de compétences sans affectation des recettes financières correspondantes, mais cela revient à abdiquer nos responsabilités. Une politique linguistique n’a pas le même sens, ni d’ailleurs le même poids, selon qu’elle émane de l’État, d’une région ou d’un département.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission préfère naturellement son amendement 38 ainsi que les 86 et 117 qui lui sont identiques. Avis défavorable aux autres amendements.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Vos débats ont témoigné de votre attachement aux langues régionales, et un amendement complétant l’article premier de la Constitution avait été adopté en première lecture pour reconnaître l’héritage qu’elles constituent.

Le Sénat a toutefois repoussé cette disposition, certains de ses membres considérant qu’elle n’avait pas sa place dans la Constitution, faute de valeur normative ; d’autres ont au contraire estimé que l’amendement remettait en cause les principes d’égalité des citoyens, d’indivisibilité de la République et d’unicité du peuple français.

Il est aujourd’hui proposé de reprendre cette disposition au sein du titre XII de la Constitution, relatif aux collectivités territoriales. Une telle solution de compromis éviterait que les langues régionales soient mentionnées avant le français dans le texte constitutionnel, ce qui ouvre la voie à un accord du Sénat.

Avis favorable à l’amendement 38, dont l’adoption satisfera les amendements 86 et 117 ; défavorable aux autres amendements.

M. Jacques Myard – Vous me permettrez de m’interroger, même si cela doit rompre ce beau consensus… Nul ne peut contester que les langues régionales appartiennent à notre patrimoine national. Ces langues sont là, elles sont parlées par certains de nos concitoyens, et elles nous apportent une richesse linguistique supplémentaire, sans que cela fragilise pour autant la primauté de la langue française, qui est reconnue par l’article 2 de la Constitution.

Toutefois, il ne faudrait oublier que ce texte n’est pas le seul en jeu : il y a aussi la charte des langues dites minoritaires, issue des travaux menés dans l’entre-deux-guerres par la SDN en faveur des nations enclavées dans d’autres pays. À l’origine, il n’était pas du tout question d’une protection des langues régionales…

Je ne voterai pas cette disposition, car on ne mesure pas bien les dangers de l’utilisation politique des langues. La Charte nous y expose, sans que nous mesurions la dynamique qui nous attend. Le Gouvernement peut-il d’ailleurs nous indiquer s’il envisage de ratifier ce texte ? Ce serait mettre la main dans un engrenage que nous ne maîtrisons pas.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Il n’en est pas question.

Les amendements 38, 86 et 117, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – Les amendements 305, 250 rectifié et 303 tombent en conséquence.

ARTICLE PREMIER B (précédemment réservé)

L'article premier B, mis aux voix, est adopté.

ART. 31

M. Jacques Myard – L’amendement 103 tend à supprimer l’article.

M. Jean-Pierre Brard – L’amendement 174 est identique.

Les amendements 103 et 174, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Marylise Lebranchu – L’amendement 296 est défendu.

L’amendement 296, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marylise Lebranchu – L’amendement 203 est défendu.

L'amendement 203, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 31, mis aux voix, est adopté.

ART. 31 BIS

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 40 est rédactionnel.

L'amendement 40, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 31 bis, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 31 BIS

M. le Président – L’amendement 66 n’est pas défendu.

ART. 32

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 118 donnera au Gouvernement français le même poids qu’ont d’autres exécutifs européens en lui permettant de s’appuyer sur le Parlement lors des négociations communautaires.

Faute de nous informer en amont, le Gouvernement français ne peut généralement pas se réclamer de notre soutien, contrairement au Gouvernement britannique, qui ne manque pas d’invoquer les prises de position de son Parlement pour se défendre.

Sans engager le Gouvernement par un vote, cet amendement demande que nos prises de position soient prises en considération en matière communautaire. Cela permettra non seulement au Gouvernement de renforcer son positionnement dans les négociations, mais aussi à la représentation nationale de s’exprimer a priori, et non seulement a posteriori, comme c’est encore trop souvent le cas.

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne C’est déjà ce qui se passe… Les textes sont communiqués à la délégation, qui rend un avis, puis la commission compétente est saisie. Quand le Gouvernement participe aux négociations, nous avons déjà émis un avis.

M. Jacques Myard – Dont il se tamponne !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne C’est faux. Il est toutefois vrai que notre avis n’est pas contraignant, contrairement à d’autres pays. Au Danemark, le Parlement donne ainsi des instructions précises, ce qui restreint d’autant les marges de manœuvre du Gouvernement au sein des négociations communautaires, et le met parfois en difficulté.

Comme M. Myard le sait parfaitement, le Gouvernement français suit l’avis de la délégation dans 99 % des cas. Je suis d’accord avec M. Lagarde sur le fond, mais son amendement me semble superfétatoire.

L'amendement 118, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Myard – Pourquoi évoquer des résolutions « européennes » ? La matière est certes européenne, mais les résolutions votées sont par définition françaises. Tel est le sens de l’amendement 105.

L'amendement 105, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 297 est défendu.

L'amendement 297, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 41 rectifié restaure la dénomination de « commission », utilisée par de très nombreux autres pays, au lieu de « comité ».

M. Daniel Garrigue – Je retire l’amendement 50 rectifié, identique, au profit de l’amendement du rapporteur.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je fais de même pour l’amendement 119.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État – Sagesse.

Les amendements 50 rectifié et 119 sont retirés.

L'amendement 41 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Myard – Par l’amendement 104, je demande que le comité chargé des affaires européennes se transforme en comité de salut public, chargé de faire respecter la souveraineté nationale et le principe de subsidiarité, fort malmené.

L'amendement 104, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 32, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 33

M. Jacques Myard – Par l’amendement 106, je propose la suppression de l‘article 33. Le référendum doit valoir pour l’adhésion de tous les États ou pour aucun. Il ne s’agit pas de stigmatiser un pays particulier et je déplore que les termes du débat aient été posés comme on le sait. Mais je suis convaincu que l’on évoluera vers un ensemble où tous les États de la Méditerranée trouveront leur place, et que le débat s’épuisera de lui-même.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – À titre personnel, avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceauxAvis défavorable.

L'amendement 106, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Richard Mallié – L’amendement 304, cosigné par 95 de nos collègues, émane à l’origine de M. Lequiller. Tout en maintenant l’esprit de l’article 88-5 de la Constitution, introduit en mars 2005 sous la présidence de M. Chirac, il permet au Parlement, par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par l’Assemblée nationale et par le Sénat, à la majorité des trois cinquièmes dans chaque assemblée, d’autoriser qu’un projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne soit adopté selon la procédure de l’article 89-3 – c’est-à-dire soit par la voie référendaire, soit par la voie parlementaire. Ainsi donne-t-on plus de poids au Parlement.

M. Jean-Pierre Brard – Tu parles !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Sous réserve de l’adoption du sous-amendement rédactionnel 322, avis favorable à l’amendement, qui permet la ratification par trois procédures.

M. Serge Blisko – Nous voici donc parvenus au terme d’une tragi-comédie qui, si elle n’avait pas des implications diplomatiques et économiques et si elle n’avait pas porté atteinte à l’image de la France, aurait pu prêter à sourire. Cet effort fébrile d’entente entre sénateurs et députés UMP, entre ceux qui veulent de la Turquie, ceux qui n’en veulent pas et ceux qui veulent que l’on n’en parle surtout pas, conduit à une construction incompréhensible, puisque l’on est pour tout en étant contre, l’objectif principal étant de se défausser de la décision sur quelqu’un d’autre…

Si l’on décidait d’emblée que la négociation d’adhésion ne pouvait pas aboutir, il ne fallait pas l’ouvrir ; mais on n’aurait pas dû, comme l’a fait le Président de la République, initialement hostile à cette négociation, prétendre l’ouvrir sans jouer franchement le jeu, c’est-à-dire en n’acceptant de négocier que si l’adhésion ne se faisait pas. À tout compliquer, on risque, en 2013, une grave crise au sein de l’Union européenne : soit l’on aura fait travailler des diplomates pendant quinze ans pour rien, soit l’on mettra au point une formule encore plus boiteuse que celle qui nous est proposée ce soir. Ce compromis trouvé il y a 48 heures et dont l’UMP se félicite bruyamment laisse très sceptique car le texte illisible qui en résulte n’est pas du bon travail législatif. Si un article du texte est décevant, c’est bien celui-là, dont le seul objectif est de mettre d’accord deux fractions de la majorité.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux L’amendement sous-amendé par votre commission permettra que la ratification intervienne au terme d’un référendum organisé par la voie ordinaire, ou par la voie parlementaire si le consensus se fait, dans les deux assemblées, sur le fait qu’un référendum n’est pas nécessaire. Le Gouvernement soutient ce compromis, qui dispensera aussi d’organiser des référendums trop rapprochés, sans enjeux réels, au risque de favoriser l’abstention. Avis favorable.

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne  Contrairement à ce qu’a dit M. Blisko, j’avais préparé cet amendement avant le commencement de la discussion en ces murs, mais il a été pris en considération plus tard.

M. Arnaud Montebourg – Des preuves !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne  Une distinction s’impose selon qu’il s’agit de ratifier l’adhésion de pays tels la Turquie ou l’Ukraine, pour lesquels il est légitime de prévoir un référendum parce que leur taille et l’ampleur de leur population modifieraient les équilibres européens, ou celle d’autres pays comme la Macédoine, pour laquelle le Parlement peut estimer que l’on peut se dispenser d’organiser un référendum. Nous sommes parvenus à une solution simple (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) qui donne au Parlement le rôle d’arbitre, tout en laissant le Président de la République libre de choisir la voie qui lui paraît la meilleure.

M. Jean-Pierre Brard – C’est une démocratie élastique que la vôtre ! Qui décidera s’il y a ou s’il n’y a pas problème ? La majorité de trois cinquièmes dans les deux chambres serait, à vous entendre, une garantie absolue. Vous avez la mémoire bien courte : en 2005, le Parlement s’était prononcé à 90 % en faveur du traité constitutionnel, mais 55 % des Français vous ont ensuite fort légitimement botté les fesses ! Ce système n’est pas satisfaisant. Que se passera-t-il si le Vatican veut adhérer à l’Union ? Qui décidera si l’adhésion d’une théocratie pose problème ? M. Myard a raison, c’est le destin des peuples qui est en jeu, et seuls les peuples doivent décider, et non pas ceux qui exercent le pouvoir en leur nom. Voyez ce qu’il est advenu en Nouvelle-Calédonie : le taux de participation au référendum a été très faible, mais que la loi ait été adoptée de cette manière a permis que, cahin-caha, la situation se stabilise, et que l’évolution institutionnelle se fasse paisiblement. Le dispositif que vous proposez, parce qu’il muselle la démocratie, mène à une impasse.

M. Richard Mallié – M. Blisko se focalise sur un certain pays. C’est à croire qu’il ne pense qu’à cela, au point peut-être d’en rêver la nuit (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)… On connaît ma position sur ce point, et je l’assume (Mêmes mouvements).

M. Manuel Valls – L’Albanie ! Monaco !

M. Richard Mallié – D’autre part, la position du Président de la République sur l’entrée de la Turquie dans l’Union est parfaitement claire ; on ne peut en dire autant de celle des socialistes, dont nous n’avons pas de leçons à recevoir. La solution mise au point est simple et démocratique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Le sous-amendement 322, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 304 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté, et l’article 33 est ainsi rédigé.

ART. 33 BIS

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 298 est défendu.

L'amendement 298, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 43 est rédactionnel.

L'amendement 43, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, et l’article 33 bis est ainsi rédigé.

ART. 34

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Les amendements 44, 324, 325 rectifié, 45, 46 et 326 sont de coordination.

Les amendements 44, 324, 325, 45, 46 et 326, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 47, deuxième rectification, est également de coordination.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Sagesse.

L'amendement 47, deuxième rectification, mis aux voix, est adopté.

L’article 34 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 35

M. Jean-Pierre Brard – Afin de nous montrer républicains, et au risque de déplaire à la garde des sceaux, au ministre et à nos collègues de l’UMP, nous tenons à vous rappeler que le traité de Lisbonne est mort et enterré…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Mais non !

M. Jean-Pierre Brard – …depuis le vote sans appel des Irlandais, qui rejoint celui que nous avions exprimé en 2005. L’amendement 176 est donc de cohérence : il n’y a plus aucune raison d’évoquer, comme vous le faites par esprit de provocation…

M. Richard Mallié – La provocation est dans votre camp, Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard – …« l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne », puisque M. Kaczynski et le président de la République tchèque ont joint leurs voix à celles des Irlandais (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Puisque l’unanimité, indispensable, fait défaut, il n’y a plus de traité de Lisbonne ! Prenons-en acte.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Brard – Pourquoi ? (« Parce que ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Même avis.

L'amendement 176, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avec l’autorisation de M. Caresche et des autres signataires de l’amendement 299 rectifié, je retire l’amendement 48 rectifié au profit de ce dernier, dont la rédaction est meilleure.

M. Arnaud Montebourg – Pourquoi ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Elle est plus souple.

L'amendement 48 rectifié est retiré.

L'amendement 120 est retiré.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 299 rectifié est défendu.

L'amendement 299 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité !

L’article 35 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jean-Pierre Brard – Certes, il est tard, mais ce n’est pas une raison pour que nous, constituants, concluions ce débat à l’esbroufe ! Même si nos compatriotes dorment, ils devront savoir de quoi il retourne !

Votre texte confirme la monarchisation du pouvoir, illustrée par le droit d’intervention devant le Parlement, sans débat, accordé au Président de la République, qui le réclamait comme un enfant qui fait un caprice à la veille de Noël ! Le nombre et le rythme croissants des révisions constitutionnelles l’atteste : la Ve République est à bout de souffle ! Pour autant, vous n’avez rien concédé d’essentiel pour démocratiser le régime – ainsi sur le 49-3 ; vous n’avez pas pris en considération les propositions formulées par l’opposition, sauf pour reconnaître, comme vient de le faire le président de la commission en un geste d’autocritique, que la rédaction qu’elle proposait l’emportait sur la sienne ! En somme, vous en restez à la sémantique.

En réalité – mais vous ne voulez pas le reconnaître –, ce qui bloque la démocratie, l’étiole et l’anémie, c’est le fait majoritaire…

M. Marc Dolez – Très bien !

M. Jean-Pierre Brard – …qui vous transforme, parfois malgré votre bonne volonté, en godillots réduits à lever et à baisser la main !

M. le Président – Monsieur Brard, vous n’expliquez pas votre vote ; du reste, nous en ignorons la teneur (Sourires).

M. Jean-Pierre Brard – Vous êtes trop perspicace pour cela ! (Même mouvement)

Madame la garde des sceaux, Monsieur le ministre, votre démarche est dérisoire au regard des préoccupations concrètes de nos concitoyens, qui peinent à vivre et à imaginer l’avenir de leurs enfants. Nous avons besoin d’une nouvelle Constitution, qui fasse vivre notre devise républicaine en permettant au peuple de se réapproprier les affaires de notre pays, lesquelles déterminent son quotidien et son avenir. Mais l’évolution que vous nous proposez, purement régressive, contribue à éloigner le peuple de la vie publique, désormais confisquée par les privilégiés dont vous vous faites, consciemment ou non, les fondés de pouvoir en trahissant chaque jour les grands principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ! Pour notre part, par fidélité à la République, nous voterons contre ce texte.

M. Arnaud Montebourg – Nous nous étions dits prêts à avancer ; de fait, ce marathon intellectuel passionnant, parfois difficile, sut aussi nous réunir ; ainsi l’amendement Caresche, que nous venons d’adopter, modifiera-t-il sensiblement la construction de la subsidiarité au sein de l’UE. Sur plusieurs aspects du dispositif, souvent mineurs, mais non insignifiants, nous avons ainsi pu nous rejoindre.

Mais notre pays est confronté à des difficultés majeures ; sans mentionner les problèmes économiques et sociaux qui nous opposent régulièrement, les Français ont soif de démocratie, car ils veulent exprimer leurs difficultés et peser sur les solutions qui leur sont apportées. Que la Ve République laisse place à un système différent, qui fasse droit à la délibération, à l’opposition, qui modifie l’équilibre qui domine les médias pour y faire entendre des voix nouvelles, qui revitalise le débat démocratique et crée de nouvelles règles de représentativité, c’est-à-dire de nouveaux modes de scrutin, voilà ce que nous espérions ; mais nos attentes ont été déçues. Votre réforme n’est pas à la hauteur des besoins du pays.

Pour autant, permet-elle de progresser vers ce que nous souhaitons tous ? Ayons l’honnêteté d’en reconnaître les points positifs, que j’ai relevés au cours du débat, mais aussi les aspects décevants, voire inquiétants. Ainsi, lorsque vous refusez de modifier les modes de scrutin sous prétexte qu’ils ne relèveraient pas de ce texte, nous comprenons qu’un charcutage électoral se prépare (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Gest – Quel procès d’intentions !

M. Richard Mallié – C’est scandaleux !

M. Arnaud Montebourg – Vous prétendez ne pas accroître les pouvoirs du Président, mais vous lui permettez de s’exprimer devant le Congrès à la place du Premier ministre, confisquant ainsi le pouvoir du Gouvernement – si symbolique que soit cette disposition. En outre, vous venez de voter une autre extension de ses pouvoirs, à laquelle nous nous sommes opposés avec plusieurs de vos collègues, que nous remercions et félicitons pour le courage dont ils ont fait preuve en résistant aux pressions qu’ils nous ont avoué subir (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Mallié – C’est le baiser de Judas !

M. Arnaud Montebourg – Chacun cherche à concilier ses engagements et sa conscience. Mais ces pressions augurent mal du résultat final (Protestations sur les bancs du groupe UMP), car une majorité ne s’obtient pas par la force !

Vous avez ressuscité le « tourniquet » de la IVe République en accroissant les pouvoirs du Président et en consacrant l’affaiblissement structurel des fonctions du Gouvernement et du Premier ministre.

S’agissant des médias, vos provocations ont atteint un degré particulièrement scandaleux. Nous avons demandé à cette tribune – M. Karoutchi s’en souvient – non que l’on bâillonne le Président de la République – qui le pourrait ?

M. Manuel Valls – Impossible !

M. Arnaud Montebourg – …mais que l’opposition bénéficie, en contrepartie du temps de parole qui lui est accordé, de la règle des trois tiers. Ce serait la garantie que nous sommes encore dans un système pluraliste. Ajoutez-y la prise de contrôle des chaînes de télévision, des chaînes de radio et des médias écrits : nous entrons dans le couloir poutinien de la fin du pluralisme à la française ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Il va vous falloir indiquer le sens de votre vote (Sourires).

M. Arnaud Montebourg – J’y viens.

Nous n’avons aucune garantie non plus en ce qui concerne le contrôle de la justice, Madame la garde des sceaux.

Augmentation de la puissance présidentielle, atteinte aux droits de l’opposition, lettre – arrivée avec deux mois de retard, Monsieur le président ! L’avez-vous fait exprès ? Vous aviez dit que vous mettriez tout sur la table : tout était ailleurs, et c’est finalement il y a quelques heures que la lettre d’intention est arrivée ! Nous demandions des actes : nous n’avons eu que des paroles et des bouts de papier !

C’est donc une occasion manquée devant l’Histoire. Je le dis à ceux qui pensent pouvoir compter sur quelques défections : le 21 juillet, nous serons tous là, et nous voterons malheureusement tous non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-Christophe Lagarde – Ce texte n’est certes pas parfait – il n’a d’ailleurs pas la prétention de l’être. Mais au-delà des effets de tribune et des jeux politiques, il comporte de nombreuses avancées.

La Constitution de 1958 a remplacé les excès de la IVe République par ses propres excès : ce « parlementarisme rationalisé » qui est en réalité une soumission du Parlement à un exécutif encore renforcé par l’élection au suffrage universel du Président de la République et l’institution du quinquennat. L’adoption de ce texte permettra de rééquilibrer les pouvoirs sans menacer la stabilité gouvernementale qui est le principal acquis de la Ve République. Le Parlement maîtrisera davantage son ordre du jour ; l’usage de l’article 49-3 sera limité ; les délais d’examen des textes seront plus longs ; il pourra adopter des résolutions et débattre sur le texte de la commission – et non du Gouvernement ; il sera informé des interventions militaires et pourra décider de leur prolongation ; même en matière de subsidiarité, il y aura des progrès – en témoigne le dernier amendement que nous avons adopté.

Le Nouveau Centre a obtenu des avancées importantes. Le texte qui nous a été présenté favorisait le bipartisme. Celui que nous allons voter favorise le pluralisme, avec le référendum d’initiative populaire, la responsabilité budgétaire, l’impartialité de l’État – pour la première fois, les nominations par le Président de la République seront publiques et surtout contrôlées par le Parlement. Avec l’exception d’inconstitutionnalité et la création d’un défenseur des droits des citoyens, ceux-ci se voient reconnaître des droits nouveaux.

Nous avons cependant des regrets sur le Conseil supérieur de la magistrature, le droit de saisine du Conseil constitutionnel ; nous avons une inquiétude sur le droit d’amendement. Il reste que le texte corrige une partie des excès de la Ve République et la lâcheté que fut la révision de l’an 2000…

M. Alain Gest – Tout à fait.

M. Jean-Christophe Lagarde – …décidée par le gouvernement de Lionel Jospin avec l’accord de Jacques Chirac.

M. Alain Gest – Et de François Bayrou !

M. Jean-Christophe Lagarde – Valéry Giscard d’Estaing expliquait à l’époque qu’on ne changeait qu’un mot dans la Constitution, alors qu’on bouleversait l’équilibre institutionnel et que le gouvernement de l’époque a refusé d’en tirer les conséquences.

J’ai apprécié la tonalité du discours de M. Montebourg. Mais j’ai envie de lui dire qu’il est très exigeant aujourd’hui sans l’avoir été avec le gouvernement Jospin. Si ce texte est rejeté par le Congrès, le Parlement restera infantilisé, enfermé et marginalisé. Les imperfections du texte valent en effet mieux que le statu quo, et c’est pourquoi nous voterons ce texte – et je suis sûr que même à gauche, il y aura des élus qui ne voudront pas rater cette occasion. Les radicaux ont d’ailleurs eu une attitude constructive lors de nos débats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Chartier – Nous avons œuvré durant ces deux jours à harmoniser les points de vue des deux assemblées. Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, nous cherchons depuis longtemps à faire en sorte que le travail parlementaire se déroule dans les meilleures conditions possibles. Ce projet de loi n’est certes pas parfait…

M. Hervé Mariton – Oh non !

M. Jérôme Chartier – …mais il apporte nombre d’améliorations. On peut bien sûr attendre le grand soir comme Arnaud Montebourg…

M. Arnaud Montebourg – Le petit matin ! (Sourires)

M. Jérôme Chartier – Mais il ne viendra pas : c’est progressivement que nous arriverons à améliorer notre démocratie. Or, nous avons là une occasion unique d’améliorer le travail parlementaire. Arnaud Montebourg parlait tout à l’heure des convictions et de l’engagement partisan. Puisse-t-il avoir assez la force de ses convictions pour ne pas confondre le Congrès de Versailles et celui de Reims…

M. Hervé Mariton – C’est une affaire de sacre ! (Sourires)

M. Jérôme Chartier – …et puissent d’autres parlementaires socialistes faire de même ! Et s’il choisit le sacre de Versailles plutôt que celui de Reims, peut-être réussirons-nous à voter à quelques voix de majorité ce texte qui est une avancée considérable pour le Parlement.

Rien n’est acquis. Nous avons encore du travail pour réunir le nombre de voix nécessaires. C’est aux convictions de chacun que je fais appel, Monsieur Montebourg, Monsieur Valls, Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard – Ça, vous pouvez toujours courir ! (Rires sur plusieurs bancs)

M. Jérôme Chartier – J’emploierai donc tout le temps qui nous reste d’ici le Congrès à tenter de rallier une majorité. Nous avons une chance unique d’améliorer nos conditions de travail : il faut la saisir ! Grâce au travail des rapporteurs – et je remercie Jean-Luc Warsmann –, nous avons pu rapprocher les points de vue des deux assemblées. Ne ratons pas cette occasion de nous saisir de davantage de responsabilités ! Pour ma part, j’y crois. Sachons transcender les logiques partisanes pour voter ce texte !

M. Arnaud Montebourg – On a déjà beaucoup transcendé…

M. Jérôme Chartier – Nous sommes à l’aube d’une grande chance pour la démocratie. Je ne désespère pas de vous convaincre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'ensemble du projet de loi constitutionnelle, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance mardi 15 juillet 2008 à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 40 le jeudi 10 juillet.

Le Directeur du service
du compte rendu analytique,

Michel KERAUTRET

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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