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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 23 juillet 2008

1ère séance
Séance de 15 heures
23ème séance de la session
Présidence de M. Marc Le Fur, Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

ACCORDS ET CONVENTIONS (procédure d’adoption simplifiée)

L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’adoption simplifiée, de trois projets de loi autorisant l’approbation de conventions et accords internationaux.

M. le Président – En conséquence, je mets successivement aux voix l’article unique de chacun de ces projets.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation d’un accord relatif au siège du Bureau international des poids et mesures et à ses privilèges et immunités sur le territoire français, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le comité international des poids et mesures portant amendement de l’accord du 25 avril 1969 relatif au siège du Bureau international des poids et mesures et à ses privilèges et immunités sur le territoire français, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes, mis aux voix, est adopté.

CONVENTION CONTRE LA TORTURE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants – La torture constitue l'une des violations les plus abominables des droits de l'homme. Elle anéantit la dignité de l'être humain et porte atteinte aux valeurs fondant la démocratie et l'État de droit. Plusieurs textes internationaux adoptés sous l'égide des Nations unies proclament l'interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants : la Déclaration universelle des droits de l'homme, du 10 décembre 1948, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, du 16 décembre 1966, et la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, du 10 décembre 1984.

Malgré l'existence de ces instruments juridiques, le recours à la torture persiste, notamment à l’encontre des personnes privées de liberté, l’actualité en porte témoignage. Le texte le plus abouti dans la lutte contre la torture est assurément la convention de New York du 10 décembre 1984, qui pose le principe de l'interdiction absolue de la torture, en mettant à la charge des États parties l'obligation de poursuivre et de punir les auteurs de tels actes, de permettre aux victimes de saisir la justice, et d’appliquer la règle de la compétence quasi-universelle, par laquelle un État est susceptible de poursuivre un auteur présumé d'actes de torture du seul fait de la présence de celui-ci sur son territoire. C'est une avancée majeure.

Cette convention prévoit la mise en place d'un comité contre la torture, chargé d'examiner les rapports périodiques présentés par les parties ainsi que les communications individuelles – les « plaintes » – des particuliers. Le protocole facultatif se rapportant à cette convention contribue à lutter de façon préventive contre la torture ; il s'agit du premier instrument universel instituant un mécanisme de visites préventives des lieux de privation de liberté.

Pour rendre effective l'interdiction de la torture, le protocole prévoit deux mécanismes indépendants. Au niveau international, l'article 2 crée un sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : le sous-comité du comité des Nations unies contre la torture créé par l'article 17 de la convention. Le sous-comité peut visiter les lieux de privation de liberté dans les États parties, et leur fournit, aux termes de l’article 11, toute aide et assistance « afin de renforcer la protection des personnes privées de liberté ». Par la ratification de cet instrument, la France pourra jouer un rôle actif au sein de ce sous-comité. Conformément aux articles 6 et 7, le sous-comité a été institué à l'issue de la réunion des États parties qui s'est tenue le 18 décembre 2006.

Au niveau national, le protocole, dans son article 17, met à la charge des États parties l'obligation de mettre en place, un an au plus tard après l'entrée en vigueur du protocole, un mécanisme national indépendant de prévention de la torture. La France a appliqué par anticipation le protocole dans son volet « mécanisme national de prévention », avec loi du 30 octobre 2007, instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Conformément aux exigences du protocole, le contrôleur général est une institution indépendante : il bénéficie d'une immunité juridictionnelle et exerce un mandat non renouvelable, et il ne peut être mis fin à ses fonctions qu'en cas d'empêchement. Il dispose de toute liberté pour recruter des contrôleurs et collaborateurs, et gère librement son budget.

Il dispose d'une compétence couvrant tous les lieux de privation de liberté, où il peut effectuer des visites, notamment à l'improviste. Le contrôleur peut être directement saisi par « toute personne physique, ainsi que toute personne morale s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux », ou bien s’autosaisir. Si, lors de ses visites, le contrôleur découvre des faits susceptibles d'être qualifiés d'infractions pénales, il a la possibilité de saisir le procureur de la République ainsi que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire. Il peut même, en dehors du rapport annuel qu'il remet au Président de la République et au Parlement, rendre publics ses rapports de visite, après avoir fixé un délai de réponse à l'administration.

Le protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture constitue un pas important vers la prévention des actes de torture et donc vers un plus grand respect de la dignité et de l'intégrité de la personne humaine. En autorisant sa ratification, vous réaffirmerez le caractère central de l'intégrité de la personne humaine dans le dispositif de protection des droits de l'homme, vous rappellerez la responsabilité particulière de la France dans ce domaine, et vous permettrez à notre pays d'occuper toute sa place dans le dispositif des Nations unies (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

M. Jean Glavany, rapporteur de la commission des affaires étrangères – S’il est très difficile de connaître le nombre exact de victimes d’actes de torture, l’existence de par le monde de plusieurs centaines d’associations non gouvernementales luttant contre la torture, les exécutions sommaires, les disparitions forcées et toutes formes d’actes inhumains ou dégradants témoigne de l’ampleur du phénomène.

Amnesty International indique avoir recueilli des informations sur des cas de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans 81 pays en 2007. De son côté, l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture a dressé une carte des pays pratiquant la torture, dont j’ai souhaité joindre un exemplaire à mon rapport. L’étendue des parties en noir sur la carte sont fort impressionnantes…

Parmi ces pays figurent de nombreux pays autoritaires, mais aussi de grandes démocraties, comme le Brésil, l'Inde et les États-Unis.

M. François Rochebloine – C’est vrai !

M. Jean Glavany, rapporteur – Les ONG ont également constaté une nette recrudescence des pratiques de torture dans le monde entier au cours des dernières années, sous l’effet de quatre facteurs : la lutte contre le terrorisme ; la pratique des « assurances diplomatiques » en vertu desquelles certains Etats expulsent des individus vers d’autres pays où se pratique la torture, en échange de simples engagement verbaux ; la pression des opinions publiques, de moins en moins sévères à l’égard de la torture, notamment en raison des actes de terrorisme ; le développement des mécanismes de « restitution », objet d’un rapport du Conseil de l’Europe, qui a enquêté sur les transferts de personnes détenues par la CIA vers des prisons tenues secrètes, y compris dans des pays de l’Union européenne et d’autres États démocratiques.

Il est de notre devoir de démocrates et de défenseurs des droits de l’homme de rappeler que l’on ne combat pas le terrorisme en utilisant ses propres armes. Les images prises dans les prisons d’Abou Ghraib ou de Guantanamo ne font que renforcer le terrorisme. La communauté internationale doit lutter avec vigilance et détermination contre la torture.

Tout instrument renforçant les moyens de lutte contre de telles pratiques est donc utile. Le protocole facultatif se rapportant à la convention de lutte contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, signé le 18 décembre 2002 à New York, dont le présent projet de loi, adopté par le Sénat le 12 juin 2008, vise à autoriser l'approbation par la France, est particulièrement précieux.

Comme vient de l’indiquer le ministre, ce texte prévoit une articulation entre un sous-comité de la prévention à vocation universelle, nouvellement créé, et des mécanismes nationaux de prévention, dont chaque État partie doit se doter. Avant même le dépôt de ce projet de loi, la France a d’ailleurs institué un contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui sera le mécanisme français de prévention de la torture prévu par le protocole.

Permettez-moi de rappeler rapidement quel est le cadre international de la lutte contre la torture et les autres peines ou traitements inhumains ou dégradants. Ces pratiques sont interdites en temps de guerre par le droit humanitaire, constitué des conventions de Genève de 1949, et en temps de paix par le droit international classique.

Déclarée illégale par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, puis interdite par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950, la torture a également fait l’objet d’une convention des Nations unies en 1984. Cette convention est le premier instrument international contraignant portant exclusivement sur la lutte contre cette forme de violation des droits de l'homme. À ce jour, 141 États l’ont ratifiée.

Afin de veiller au respect des principes posé par la convention, il a été institué un comité contre la torture, composé de dix experts indépendants élus par les États parties. Le protocole additionnel que nous examinons aujourd'hui vise à compléter ce dispositif en instituant un sous-comité de la prévention, appelé à coopérer avec le comité contre la torture.

Un organe chargé de la prévention de la torture existe également en Europe depuis 1989. Il a été établi par la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, adoptée en 1987 par le Conseil de l'Europe. Le comité européen pour la prévention de la torture est chargé d'effectuer des visites dans tous les lieux de détention sur le territoire des États parties et de faire des recommandations.

Par rapport au dispositif européen, le présent protocole présente l'avantage d'être universel et d'associer un organe international, voisin du comité européen, à des dispositifs nationaux, propres à chaque État partie.

Adopté en 2002, le protocole est entré en vigueur en juin 2006. Trente-cinq États y sont actuellement parties, et trente-trois autres, dont la France, l’ont signé sans l'avoir encore ratifié. Nous sommes encore loin des 141 États qui sont parties à la convention de 1984. Le fait que près de la moitié des États parties à la Convention ait signé le protocole, moins de six ans après son adoption, est sans doute un signe encourageant. Toutefois, on peut s’inquiéter de l’absence de grands pays tels que l’Inde, les États-Unis, la Russie et la Chine. On peut également y voir la confirmation implicite du constat dressé par les ONG…

Quelques mots sur le volet national du protocole, déjà appliqué de façon anticipée par la loi du 30 octobre dernier, qui a institué un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Considérablement améliorée au cours de son examen parlementaire, cette loi respecte pour l'essentiel les exigences du protocole.

On peut toutefois s'interroger sur la création d'une autorité indépendante unique, en charge du contrôle de tous les lieux de privation de liberté, dont le nombre est évalué à 5 800 en France, et dont la réalité est fort diverse – établissements pénitentiaires, locaux de garde à vue, dépôts des tribunaux, centres de rétention, cellules de retenue des douanes… Les spécificités de ces lieux de privation de liberté auraient pu justifier des organes spécialisés.

Deux dispositions de la loi entrent par ailleurs en contradiction avec les stipulations du protocole : les collaborateurs du contrôleur général ne bénéficient pas des immunités et des privilèges prévus par ce texte international ; les autorités peuvent en outre demander, dans certains cas, le report d’une visite, alors que cette faculté n’est ouverte par le protocole que pour les visites du sous-comité de la prévention, et non pour celles des mécanismes nationaux de prévention.

On peut juger trop faible le budget de 2,5 millions d'euros qui a été accordé au contrôleur général en 2008. Mais après plusieurs mois de valses-hésitations, le contrôleur a finalement été nommé. Il s’agit de M. Jean-Marie Delarue, dont les compétences sont unanimement reconnues.

Il est par ailleurs étonnant que ce nouvel organe, tout juste créé, semble condamné à mener une existence des plus brèves : une fois achevé le mandat en cours, qui est de six ans, les fonctions actuelles devraient être confiées au défenseur des droits des citoyens, institué par la révision constitutionnelle qui vient d’être adoptée. Il est regrettable que le sort d'une autorité aussi importante que le contrôleur général des lieux de privation de liberté soit si incertain, quelques mois seulement après sa création.

Alors que l'institution d'une autorité unique chargée de contrôler l'ensemble des lieux de privation de liberté était déjà critiquable, l'idée de la fusionner avec d'autres organes, aux missions fort éloignées, est encore plus contestable. La France doit non seulement ratifier le protocole facultatif, mais également veiller à ce que le mécanisme national de prévention soit irréprochable. Il nous appartient de faire preuve de la plus grande vigilance sur ce point.

Sur la proposition de votre rapporteur, la commission des affaires étrangères a adopté ce projet de loi de ratification (Applaudissements sur tous les bancs).

DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Christian Bataille – Le groupe SRC approuve cet instrument de lutte contre la torture et autres traitements dégradants. Ce texte revêtant une importance éthique particulière, nous nous félicitons que sa ratification s’accompagne d’un débat.

La torture a fait l’objet de multiples condamnations. Intimement liée au passé de l’humanité, elle reste malheureusement pratiquée au quotidien dans de nombreux pays. Cela doit nous interpeller aussi bien en Europe, aux États-Unis, en Chine, qu’en Arabie. Nous devons relever collectivement ce défi.

Notre approbation de ce texte a valeur d'engagement, mais elle est aussi un jugement sur les errements moraux du passé. Notre vote fera également signe vers un manque : celui de l’abolition, une fois pour toutes, de la torture et des traitements dégradants, plus de deux siècles après la première déclaration des droits de l'homme qui en mettait la pratique et le principe hors la loi.

Pourquoi torturait-on hier ? Et pourquoi continue-t-on à le faire aujourd’hui ? Ce n’est pas une simple affaire de curiosité historique, car les arguments utilisés hier pour justifier de telles méthodes restent ceux des tortionnaires contemporains.

Si la torture a été officielle et légale pendant des siècles, c’était pour obtenir rapidement les aveux d'un suspect ou d'un prisonnier de guerre. D’après les tortionnaires, il fallait ainsi préserver des vies humaines et protéger la société. L'Église catholique, la justice des pouvoirs monarchiques et les régimes totalitaires ont institué des services spécialisés usant communément de la torture. Dans Situations, Jean-Paul Sartre rappelait que la torture est d’abord une entreprise d’avilissement : quelles que soient les souffrances endurées, c’est la victime qui décide en dernier recours du moment où elles deviennent insupportables, c’est-à-dire du moment où il faut parler.

Ces organes policiers ou religieux qu’étaient l’Inquisition, la Tcheka, la Gestapo, la Milice, ont douloureusement marqué nos mémoires. Mais la torture s’est paradoxalement perpétuée. Elle a été intégrée dans l'éventail des mesures policières et judiciaires de nos Etats, pourtant démocratiques, et les situations de crise politique et internationale aiguës ont parfois conduit à ce que l’on déborde du cadre démocratique.

Ce fut notamment le cas en France pendant les guerres coloniales, et plus récemment aux États-Unis afin, prétendument, de lutter contre le terrorisme d'Al-Qaida. Le recours et la légitimation de l'innommable ont été justifiés, ici et là, par la raison d'État et par l’efficacité policière. Ces manquements aux valeurs fondatrices de nos démocraties ont dangereusement réactualisé des principes propres aux monarchies médiévales et aux dictatures.

De tels comportements sont inacceptables. L'évolution des mœurs politiques et morales paraissait avoir relégué ces pratiques à d'autres époques, les plus obscures de notre histoire. La montée en puissance d'un nouvel ordre libéral et démocratique à partir de la Révolution anglaise au XVIIe siècle, de l'indépendance des États-Unis, puis de la Révolution française, s'était accompagnée d'une approche laïque et tolérante de la politique, qui avait conduit à la limitation puis à l’abolition du recours à la torture comme instrument de régulation des conflits sociaux et des dissidences.

Le siècle des Lumières – le siècle de Voltaire – a été celui des premières condamnations de la torture et des premières mesures abolitionnistes. La « question » a été abolie en France à la veille de la Révolution. La Déclaration des droits de l'homme de 1793 a solennellement confirmé cette abolition. L'Inquisition et ses méthodes n’ont définitivement disparu qu’au début du XIXe siècle. Le désastre moral du XXe siècle a brutalement ramené I’Europe deux cents ans en arrière. Pire, la technologie a porté l'enfermement, le crime politique et la torture à une échelle inédite. L'effondrement des régimes totalitaires a heureusement créé les conditions d'un sursaut moral. Après la Seconde Guerre mondiale, conséquence du traumatisme provoqué par les pratiques policières et la conception raciale du pouvoir de l'Allemagne hitlérienne et du génocide, un appareil conventionnel international intégrant la condamnation de la torture a été adopté sous les auspices des Nations unies. Le Conseil de l'Europe a également développé le sien. Ce texte s'inscrit dans cette logique conventionnelle, qu'il prolonge et complète.

La France a accepté de placer ses actes de gouvernement sous la tutelle de ces traités qui condamnent la torture. À ce titre, elle reconnaît par exemple le contrôle du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines et traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l'Europe. Le dernier rapport établi par celui-ci sur la situation carcérale en France, le 10 décembre 2007, condamne un certain nombre de faits et nous invite à corriger certains comportements. La Cour européenne des droits de l'Homme, dont la jurisprudence est également admise par notre pays, l’a condamné à plusieurs reprises – décisions des 27 août 1992, 28 juillet 1999, 1er avril 2004, 24 octobre 2006 – pour de mauvais traitements infligés à des détenus. Il ne faut donc pas baisser la garde. Signer et ratifier des accords internationaux ne suffit pas : il faut tenir compte des avis et des recommandations de ces organismes internationaux.

De façon plus solennelle, j’attire votre attention sur un dossier qui réclame une prise de conscience et une reconnaissance. Je veux parler de la torture pratiquée par certaines forces de l'ordre françaises en Algérie. Au-delà des faits, qui sont dégradants pour notre pays et éthiquement révoltants, il y va de l'avenir de nos institutions, potentiellement altérées par une amnistie. Les témoignages vérifiés existent, qu'ils soient le fait de témoins, de victimes ou d'historiens. Je pense par exemple au livre d’Henri AIleg, La Question. Pourtant, la torture en Algérie n'est toujours pas considérée comme un crime imprescriptible par la justice française. Cette situation autorise toutes les dérives. L'impunité est ainsi offerte aux acteurs de cette guerre sale. L'un d'entre eux, le général Aussaresses, a publiquement justifié l'usage de la torture à la télévision et dans un livre. La revendication ultérieure par la majorité UMP du rôle positif de la colonisation française en Afrique du Nord est inscrite dans cette logique de l'oubli collectif.

M. Patrice Martin-Lalande – C’est vraiment désagréable.

M. Christian Bataille – On peut légitimement redouter d’autres dérives. L’amnistie conduit tout naturellement à l’oubli sélectif et à la réhabilitation de ce passé sombre, qui porte gravement atteinte à nos valeurs républicaines. Une boîte de Pandore a été ouverte. Elle légitime de façon perverse les pratiques de torture au nom d'objectifs présentés comme nobles – préserver des vies humaines, lutter contre le terrorisme. Faut-il rappeler que les méthodes utilisées par la France dans ses anciennes colonies sont périlleuses pour nous-mêmes, qu’elles ont été prises pour modèle par les dictatures latino-américaines ? Un documentaire de Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l'école française, l'a récemment rappelé. Les États-Unis eux aussi ont dérapé et pratiqué la torture dans la prison d'Abou-Ghraïb ou dans le centre de détention de Guantanamo. Notre amnésie officielle décrédibilise les critiques que nous adressons aux gouvernements étrangers coupables du crime de torture. Les démocraties se doivent d'être exemplaires si elles veulent être entendues des régimes qui pratiquent sans état d'âme torture, traitements dégradants et peine de mort. Le respect des principes et des valeurs démocratiques ne souffre pas d'exception. Le recours à des mesures dérogatoires au nom de la raison d'État finit par pervertir l'esprit des lois.

La défense des droits de l'homme et celle de la démocratie sont constitutives de l'identité républicaine. Les socialistes y sont particulièrement attachés. Nous condamnons résolument les violations de ces droits et tout ce qui, de près ou de loin, justifie torture et traitements dégradants. Après la publication du rapport du Conseil de l’Europe sur les prisons françaises, plusieurs députés ont ainsi interpellé le Gouvernement. Nous avions d’ailleurs déposé en 2004 une proposition de loi visant à créer un poste de contrôleur général des prisons. Les députés socialistes ont donc participé aux débats sur la création d'un poste de contrôleur général des lieux de privation des libertés et sur la rétention de sûreté. Nous avons par ailleurs protesté contre la décision de réduire les subventions accordées à l'Observatoire international des prisons. Le groupe socialiste participe aussi à l'adoption de conventions internationales visant à renforcer la condamnation de la torture, la protection des victimes et la défense des droits de l'homme. Nous avons ainsi demandé l'examen en séance publique de la convention d'adhésion au pacte international visant à abolir la peine de mort. Nous avons de même demandé, à l'occasion de l'adoption de la convention sur les personnes disparues, la prise en compte de cas concrets. Je souhaite rappeler ici celui de l’opposant tchadien Oumar Mahamat Saleh, dont nous sommes sans nouvelles depuis janvier. Est-il encore prisonnier, ou a-t-il succombé à de mauvais traitements ? Le Président de la République, si prompt à exiger « quoi qu'ils aient fait » le retour de compatriotes mis en examen à N'Djamena pour enlèvement d'enfants, est resté bien discret. Monsieur le ministre, pouvez-vous aujourd'hui nous donner une information sur la situation exacte de M. Oumar Mahamat Saleh ? La France a-t-elle entrepris des démarches ?

Avec les autres groupes de gauche, les socialistes ont également demandé sous la précédente législature la création d’une commission d'enquête sur la participation de militaires français à la répression en Amérique du Sud. Elle aurait permis de mesurer les redoutables effets collatéraux de l’amnistie persistante sur la torture pratiquée en Algérie par des soldats égarés. Mais notre demande a été rejetée par la droite, alors même qu’elle reconnaissait par un vote des effets bénéfiques à la colonisation ! Il y a là deux poids, deux mesures…

Sous réserve de ces remarques et des questions que je vous ai posées, notre groupe approuve la convention contre la torture et les traitements dégradants (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. François Rochebloine – Malgré toute l’estime et l’amitié que je vous porte, Monsieur le ministre, je regrette l’absence de Mme la secrétaire d’État chargée des droits de l’homme, sans doute retenue par d’autres obligations.

« Qu'as-tu fait de ton frère ? » L'interpellation biblique adressée à Caïn retentit à travers les temps. Notre débat d'aujourd'hui montre hélas qu'elle conserve toute sa force : dans de nombreux pays, la torture est couramment admise et pratiquée ; elle est une forme de la violence politique ; bien plus, elle demeure un moyen ordinaire de constitution de la preuve dans les procès pénaux. Le rapport d'Amnesty International en fournit chaque année de trop nombreux exemples.

Qu'il me soit permis de rendre hommage à cette organisation et à toutes celles qui, à l'image de l'ACAT – Action des chrétiens pour l'abolition de la torture –, agissent sans désemparer pour la défense des victimes.

C'est, en effet, la défense de la personne humaine qui est le fondement le plus solide de l'action contre la torture. Comme le rappelle le rapporteur, la définition juridique de la torture est « une question en partie subjective, qui dépend aussi des conceptions philosophiques et religieuses de chacun ». Mais il reconnaîtra avec moi que l'affirmation de la dignité de la personne humaine est un impératif moral qui préexiste à toute définition. Les souffrances, les blessures physiques et morales, l'asservissement durable que crée la relation entre le torturé et le bourreau en appellent immédiatement à la conscience. Aucune considération politique, philosophique ou religieuse ne justifie de telles pratiques, et la solidarité avec les victimes s'impose à tout homme droit.

Je m'inquiète donc que la guerre contre le terrorisme semble donner une nouvelle justification à la torture, au nom de l'efficacité et de la proportionnalité de la réponse à une menace collective d'ampleur inédite. Le recours à la torture se nourrit de la bonne conscience : faut-il vraiment reconnaître des droits à des personnes dont on a des raisons solides de penser qu'elles n'ont pas un grand respect de la vie des autres ? Pour ma part, je pense fermement que oui : la torture avilit le bourreau, même s’il prétend agir au nom de la justice.

Je regrette également que les États-Unis, la Chine ou la Russie aient refusé de signer ce protocole. Y aurait-il une sorte d'immunité de la puissance ? Je déplore que plusieurs pays signataires de ce protocole tolèrent des actes qu'ils condamnent par leurs engagements internationaux. Et puisqu'on a cité nommément le Brésil, comment ne pas saluer ici la mémoire du frère Tito de Alencar, dominicain brésilien qui se suicida à l'été 1974 dans un couvent français à l'âge de 29 ans, n'ayant pu surmonter les séquelles des tortures qu'il avait subies lors d'un emprisonnement dans son pays ?

Ce drame, qui a marqué les esprits, fut largement analysé, y compris sur un plan psychanalytique, et peut fournir, si besoin était, une justification à ce protocole. Les pratiques tortionnaires ne sont pas des accidents localisés. Elles peuvent cacher les pires crimes. Le psychanalyste Jean-Claude Rolland y voit d’ailleurs le début d'un génocide. En tout état de cause, les actes de torture infligent toujours des lésions profondes que les secours reçus peuvent atténuer, mais non effacer.

Il faut donc tout faire pour empêcher les conditions qui donnent naissance à la torture. Il faut viser la protection des personnes plus que l'examen des législations : l'effort de prévention ne doit pas porter seulement sur les situations d'exception, même s'il apparaît plus immédiatement nécessaire dans ces cas. Il faut prévoir l'intervention d'autorités indépendantes aux différents niveaux de la responsabilité politique. Le protocole de 2002 prévoit ainsi à la fois des inspections internationales et des procédures nationales. La nomination d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté, en particulier, permet de mieux respecter la dignité des personnes détenues et évite d’ajouter à une peine légitime la sanction illégitime d'un traitement dégradant. Il est envisagé de confier ses tâches au défenseur des libertés créé par la réforme constitutionnelle. Comme nos collègues rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée, je m'interroge sur les modalités de la succession et souhaiterais être assuré que cette agrégation au vaste champ d'intervention du défenseur des libertés n'est pas contraire au protocole de 2002.

La logique de prévention explique aussi sans doute le fait que les personnes qui, par de fausses déclarations, auraient déclenché à tort l'intervention d'une autorité d'inspection soient exemptées de poursuites pénales. Cette disposition, qui prend tout son sens dans les pays qui ne garantissent pas pleinement le respect du principe de légalité et où la perspective de poursuites peut dissuader de dénoncer des faits de torture, est de toute évidence moins adaptée à l'état de notre droit. La France a émis une déclaration interprétative rappelant l'existence dans son droit positif du délit de dénonciation calomnieuse. Cette déclaration suffit-elle à contrarier la jurisprudence qui donne effet immédiat aux traités internationaux ? Les auteurs de fausses déclarations intentionnelles peuvent-ils voir engager leur responsabilité civile ? Par ailleurs, j’ai noté que le comité européen de prévention des actes de torture demeure à l'écart de la procédure prévue par le protocole. Je souhaiterais avoir des informations complémentaires sur ses activités sur notre territoire.

Même si l'accumulation des procédures peut créer une impression de confusion, je pense que la multiplication des contrôles, augmentant la menace d'un appel efficace à l'opinion internationale, est de nature à favoriser la disparition de la torture. Ainsi que l’a dit Jean-Étienne de Linarès, délégué général pour la France de l'ACAT, « nous luttons contre la torture parce que nous le devons aux victimes ». Le vote positif du groupe Nouveau Centre sur ce projet de loi de ratification est une manière d'honorer cette dette d'humanité (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et du groupe UMP).

Mme Marie-Louise Fort – Il y a à peine une semaine, la diffusion du premier enregistrement vidéo de l’interrogatoire d’un détenu de Guantanamo, réalisé en 2003, montrait un adolescent de 16 ans dans un état de détresse absolu devant les enquêteurs. Aujourd’hui âgé de 21 ans, je jeune homme est toujours à Guantanamo. Sans préjuger du fond, son exemple est saisissant. Sans revenir sur les éléments techniques de ce protocole facultatif, je voudrais insister sur certains points.

La communauté internationale tente depuis de nombreuses années maintenant de lutter contre la torture : la convention de New York date de 1984 et le présent protocole facultatif a été adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 2002 et signé par la France le 16 septembre 2005. La torture et les traitements inhumains ou dégradants font l’objet de définitions extrêmement disparates selon les États, malgré les efforts de la communauté internationale. Le cas du jeune homme de Guantanamo, les images de la prison irakienne d'Abou Ghraib sont particulièrement marquants, mais pour ces images largement diffusées, combien dont nous n'aurons jamais connaissance ? Si les tortionnaires d'Abou Ghraib ont été condamnés à de lourdes peines, combien d'autres sont en liberté ?

Si ces actes sont pratiqués par de nombreux régimes autoritaires, de grandes démocraties comme les États-Unis ou le Brésil sont régulièrement accusées d'y avoir aussi recours. Les organismes internationaux s'accordent pour dire que le phénomène est en augmentation, même s'il est extrêmement difficile à quantifier. Mais l’est-il vraiment, ou disposons nous d'outils plus efficaces pour l’appréhender ? Notre conscience politique accrue nous rend-elle plus sensibles qu’auparavant ? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre. Or un inquiétant sondage, réalisé en 2008 dans dix-neuf pays, révèle que 57 % de personnes se déclarent pour l'interdiction absolue de la torture, mais que 35 % y sont favorables si cela peut sauver des innocents et que 9 % défendent même son utilisation par l'État. Les pays confrontés directement au terrorisme sont les plus concernés : en Inde, en Turquie ou aux États-Unis, une majorité de citoyens considèrent que la torture peut être employée dans le but de sauver des vies. Cette réalité épargne les pays européens : dix-neuf pays de l'Union ont signé ou ratifié le protocole facultatif, parmi lesquels l'Espagne, durement touchée par le terrorisme, international ou basque, ou le Royaume-Uni, qui a considérablement renforcé sa législation anti-terroriste à la suite des attentats de Londres. Notre continent fait donc figure d'exemple. Nos concitoyens doivent en avoir bien conscience. Ayant visité des centres de rétention, je tiens notamment à dire que les gens y sont traités dans le respect de leurs droits. Je ne dis pas que ce sont des endroits agréables, mais que les personnes y sont traités avec humanité et respect. Notre pays a certes des progrès à faire – les rapports sur l'état de nos prisons sont inquiétants et exigent des efforts considérables de modernisation – mais le Gouvernement s'y attelle, même si cela prendra du temps.

Le principal apport de ce protocole facultatif est l'établissement d'un système de visites régulières des lieux où la torture ou des traitements inhumains ou dégradants sont susceptibles de se produire. C'est la démarche de prévention qui est favorisée. La France n'a d'ailleurs pas attendu la ratification du protocole, puisque la loi du 30 octobre 2007 a institué un contrôleur général des lieux de privation de liberté. C’est Jean-Marie Delarue qui a été nommé, le 11 juin dernier, pour six ans. Avant de lancer des polémiques inutiles sur la pérennité du poste, attendons donc que son titulaire ait pu se mettre au travail.

À la lecture du rapport, force est de constater que peu de pays sont exempts des pratiques que nous dénonçons. Mais quelle fierté pour nous ! Si nous ne devions discuter qu'avec des pays « fréquentables », nous n’aurions guère d’occasions. Les orages libérés de Colombie nous l'ont dit : la France est entendue, et attendue. Sans jamais transiger avec les principes, nous n'oublions pas que derrière chaque responsable politique il y a des peuples et des causes à défendre. Derrière Kadhafi, il avait les infirmières bulgares ; derrière notre intervention en Afghanistan, les petites filles et les femmes afghanes ; derrière Bachar el-Assad, les espoirs de paix d’une région ravagée ; derrière notre présence à l'ouverture des Jeux Olympiques de Pékin, la liste des dissidents politiques confiée au Président de la République. Il faut en être fiers, sans occulter les difficultés ni faire de concessions à nos principes, ni surtout sombrer dans les querelles franco-françaises dont nous sommes si friands. Nous avons la chance de faire partie d’un îlot de paix, de stabilité et de démocratie. Nous sommes la preuve que c’est possible. C’est cela, notre message au monde.

La ratification de ce protocole est nécessaire pour permettre une meilleure prévention de ces pratiques, et a surtout valeur d'exemplarité à l'heure où elles semblent s’amplifier à travers le monde. Valentina Siropulo, l’une des infirmières bulgares libérée, a dit : « pour moi la France est la patrie de la démocratie. C'est un modèle que tous les autres pays du monde devraient suivre ». La France, pays des droits de l'homme, ne peut s'affranchir de ses responsabilités. C’est pourquoi le groupe UMP votera la ratification de ce protocole (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État – On peut débattre, Monsieur le rapporteur, de l’existence d’une autorité unique, mais il me semble que c’est bien la diversité des contrôles qui permettra d’assurer l’autorité du contrôleur général. Je ne peux préjuger de la disparition possible du contrôleur général de lieux de privation de liberté après la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle, mais il est certain que les discussions qui auront lieu ne pourront que renforcer le contrôle des libertés fondamentales, conformément à l’esprit de la réforme.

S’agissant de la possibilité pour les autorités de demander un report de la visite du contrôleur, elle est fortement encadrée ; cette pratique ne pourra être qu’exceptionnelle, liée à des motifs graves et impérieux. Par ailleurs, le Parlement pourra, sur la base du rapport du contrôleur général, évaluer la pertinence d’éventuelles décisions de ce type.

Seul le contrôleur général dispose d’une immunité. Le décret du 12 mars 2008 précise les garanties apportées aux fonctionnaires concernés quant au déroulement de leur carrière. En tout état de cause, il sera impossible de prendre à leur encontre une mesure qui leur soit défavorable. Je tenais à vous apporter ces précisions et à vous remercier pour la qualité de votre rapport.

Monsieur Bataille, vous ne pouvez taxer la France d’immobilisme : le général Aussaresses a été condamné par les tribunaux. Cette décision a ensuite été déférée à la Cour européenne des droits de l’homme.

S’agissant du Tchad, je sais, pour avoir été à ses côtés, que le Président de la République s’est entretenu avec les familles de disparus et qu’il s’est montré insistant auprès des autorités tchadiennes. Il est vrai que nous ne sommes pas en mesure de vous transmettre les informations que vous nous avez demandées sur l’une de ces personnes. La commission d’enquête doit déposer prochainement son rapport sur ces disparitions et la France, attentive à cette question, a délégué au Tchad un expert indépendant.

Monsieur Rochebloine, des poursuites pénales et une action civile sont prévues à l’encontre des auteurs de fausses déclarations, qui peuvent avoir des conséquences dramatiques pour les personnes concernées.

Vous avez regretté l’absence de Rama Yade ; à la demande de Bernard Kouchner, la secrétaire d’État représente la France au sommet Union européenne – Asie qui se tient actuellement à Singapour.

L’intégration des missions du contrôleur général au sein des missions du futur défenseur des libertés se fera dans le respect du protocole. Il est vrai qu’il est impossible de déterminer quelle est l’organisation la plus adéquate, tant les systèmes adoptés par les États sont divers. Pour autant, ils respectent tous l’esprit de ce texte.

Madame Fort, je ne peux que saluer la qualité de votre intervention et le soutien sans faille que vous avez apporté à ce texte. S’agissant du ressortissant canadien Omar Khadr, mineur au moment de son arrestation et détenu sans jugement à Guantanamo, la France estime que cette personne devrait être déférée rapidement à la justice pour mineurs du Canada.

M. Jean Glavany, rapporteur Monsieur le ministre, faisons la part du débat politique et de l’analyse juridique. Il est vrai que, tant sur l’avenir de l’institution que sur les moyens budgétaires qui lui seront consacrés, nous nous inscrivons dans le débat politique. Mais s’agissant de l’immunité des collaborateurs du contrôleur général et du report d’une visite, vos réponses sont tout au plus des commentaires. Pourtant, il existe un décalage entre la loi que nous avons adoptée il y a quelques mois et le protocole que nous ratifions aujourd’hui, qui prévoit non pas des garanties mais l’immunité, et qui exclut toute exception au contrôle.

L'article unique du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

RÈGLEMENT DES COMPTES DE 2007 (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007.

M. Michel Bouvard, rapporteur de la commission mixte paritaire C’est la première fois qu’un projet de loi de règlement fait l’objet d’une CMP. Je ne suis pas certain que la revalorisation de la loi de règlement doive se mesurer à l’existence, chaque année, d’une CMP !

La CMP, saisie de trois articles, est parvenue à un accord sur chacun d'entre eux. Le premier de ces articles vise à améliorer l'information du Parlement sur le coût des grands programmes d'armement. L'article 104 de la loi de finances pour 2007 prévoyant que l’information ne s'applique pas aux programmes en cours, le Sénat a voulu remédier à cette lacune : l’échéancier remis à jour des programmes d’armement sera communiqué chaque année au Parlement. La CMP a adopté la rédaction du Sénat sans la modifier.

Elle a ensuite examiné les modifications que le Sénat proposait d'apporter aux conditions de transmission des observations de la Cour des comptes. Elle a maintenu la disposition votée par le Sénat, prévoyant de ramener de trois à deux mois le délai laissé au Gouvernement pour répondre aux référés de la Cour des comptes.

Le Sénat avait également prévu que toutes les observations de la Cour des comptes seraient transmises au Parlement. La CMP a considéré qu'une transmission systématique serait excessive, tant ces observations sont nombreuses et d’une importance variable. En outre, une obligation de transmission de toutes les observations de la Cour risquerait de faire disparaître la hiérarchie entre les différentes suites que la juridiction peut donner à ses contrôles. En conséquence, la CMP a modifié la disposition afin de donner aux commissions parlementaires la possibilité de demander que leur soient transmises les observations dont elles souhaitent avoir connaissance.

Enfin, le troisième article concerne la récapitulation des mesures fiscales et relatives aux cotisations sociales adoptées en cours d'année. En première lecture, afin de concrétiser une proposition de la mission d'information sur les niches fiscales, l'Assemblée nationale a créé une annexe au projet de loi de finances qui récapitule l'ensemble des mesures fiscales adoptées en cours d'année, leur objet, leur durée d’application et leur coût. Un dispositif similaire est proposé en matière de cotisations sociales, par la création d'une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Contre l'avis du Gouvernement, le Sénat a supprimé cet article, en lui opposant l’argument juridique selon lequel seule la LOLF pourrait créer une annexe au projet de loi de finances, et un argument d’opportunité, considérant que ces annexes sont « une variante moins vertueuse en termes de gouvernance » qu'un dispositif constitutionnel de validation, par la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale, des dispositions fiscales votées en cours d'année.

La CMP a jugé ce raisonnement infondé. La LOLF fait en effet la distinction entre les annexes explicatives – les « bleus », qui ne peuvent être créées ou modifiées que par une loi de finances ou une loi ordinaire – et les annexes générales – les « jaunes », prévues par les lois de règlement. Or l'article 10 du projet de loi de règlement prévoit précisément une annexe jaune, conformément au dernier alinéa de l'article 37 de la LOLF qui dispose que « la loi de règlement peut également comporter toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ».

En outre, la CMP a considéré que les deux annexes proposées sont d'autant plus justifiées que le dispositif constitutionnel de validation a été abandonné. Elles donneront au législateur financier, au moment où il proroge l'état du droit fiscal en votant l'article 1er de la loi de finances, qui autorise la perception des impôts, toutes les informations nécessaires pour supprimer ou modifier les mesures votées en cours d'année. En conséquence, la CMP a rétabli l'article 10 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Je vous invite à voter l'ensemble du projet de loi de règlement pour 2007, compte tenu des modifications adoptées par la CMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. André Santini, secrétaire d’État chargé de la fonction publique – L’examen du projet de loi de règlement devient un moment important de la vie parlementaire. Vous avez fait preuve d’une grande vigilance en organisant un nombre important d’auditions. Ce regard vers l’arrière est primordial, car il nous permet de mieux éclairer le chemin de l’avenir : c’est le cercle vertueux institué par la LOLF.

Cette année, pour la première fois, la procédure d’examen du projet de loi de règlement a mené jusqu’à la réunion d’une commission mixte paritaire : plutôt que le signe d’un désaccord, nous y voyons celui d’un dialogue plus soutenu. Les outils d’une meilleure information du Parlement se mettent en place, puisque c’est vers cela que tendaient les articles restant en discussion. Dans cette volonté d’améliorer l’évaluation et le contrôle de l’action publique, le Gouvernement vous soutient pleinement.

Les conclusions de la commission mixte paritaire sont donc très favorablement reçues par lui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Lefebvre – Ce projet de loi montre les résultats d’une année de réformes structurelles, durables, que nous serons fiers de défendre devant les Français – l’UMP organise d’ailleurs une caravane de l’été pour dire la vérité sur notre politique.

Nous avons souvent souligné que le temps passé à l’examen de la loi de règlement était trop court : la loi de finances initiale était souvent discutée sans grand souci de l’exécution du budget. Or il faut souligner que le déficit pour l’année 2007 s’élève à 38,4 milliards d’euros, soit une amélioration de 3,6 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale – et ce chiffre ne tient pas même compte de la vente d’une part du capital d’EDF. Les dépenses stricto sensu ont diminué en volume, donc augmenté moins vite que l’inflation : c’est du jamais vu depuis des dizaines d’années dans notre pays.

La loi TEPA engage 14 milliards en année pleine pour amortir les effets de la crise économique internationale, pour soutenir l’emploi, pour distribuer du pouvoir d’achat grâce au travail : ce choix est celui qui donnera des résultats durables. La gauche est curieusement, mais unanimement, silencieuse à ce sujet. Le travail a été revalorisé et il est mieux rémunéré – le nombre d’heures supplémentaires a augmenté de 40 % entre le premier trimestre 2007 et le premier trimestre 2008 : c’est, là encore, du jamais vu dans notre pays. Il a fallu pour cela du courage au Gouvernement, et notamment à vous, Monsieur Santini, qui avez tenu les engagements sur la réduction du nombre de fonctionnaires, qui s’est faite dans le dialogue.

2007 a été le début d’une rupture économique et politique : nous examinons pour la deuxième fois cette loi de règlement dans le cadre de la procédure instituée par la LOLF. Lorsque la gauche et la droite travaillent d’un commun accord, nous obtenons des résultats : il est dommage que la même gauche moderne n’ait pas voté la récente réforme institutionnelle.

M. Didier Migaud – Il faut que la volonté de collaboration soit réciproque !

M. Jean-Louis Idiart – C’était la même gauche !

M. Frédéric Lefebvre – Il faut que les dépenses fiscales augmentent au même rythme que l’inflation. Je me félicite du compromis trouvé par la CMP sur l’amendement présenté par MM. Gilles Carrez et Pierre Méhaignerie, qui concrétise une proposition de la mission d’information sur les niches fiscales : le législateur financier disposera ainsi de l’information nécessaire à la validation des mesures fiscales et des mesures relatives aux cotisations fiscales adoptées en cours d’année. Il faudra aussi mettre en place un plafond global des niches fiscales – nous en discuterons sans doute dès la rentrée.

Cette loi de règlement marquera l’histoire, puisqu’une CMP est pour la première fois nécessaire – c’est le signe qu’une réforme profonde a eu lieu. Le groupe UMP votera ce projet avec enthousiasme : il souligne l’exécution parfaite, meilleure que prévue, des budgets des différents ministères (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre-Alain Muet – Puisque nous sommes au dernier jour de la session, je commencerai par quelques appréciations positives, en guise de cadeau ; rassurez-vous toutefois, j’ai prévu une seconde partie.

M. Michel Bouvard – In cauda venenum ! (Sourires)

M. Pierre-Alain Muet – Le temps consacré à l’examen du projet de loi de règlement était naguère une véritable peau de chagrin : un progrès important a donc été accompli. Conformément à l’esprit de la LOLF, notre assemblée a examiné l’exécution budgétaire de plusieurs missions dans le cadre des commissions élargies. Cela montre un début de rééquilibrage entre le temps consacré au projet de budget et le temps consacré aux lois de règlement.

Le rétablissement de l’article 10 dans cette loi de règlement par la CMP est aussi un point positif. M. Woerth a évoqué le « mitage » de l’impôt sur le revenu par les niches fiscales : c’est un diagnostic que nous sommes nombreux à partager.

Le travail de la Cour des comptes est remarquable, et ses rapports sont extrêmement précieux pour nos débats : cette institution indépendante rend lisible des comptes publics qui ne sont pas toujours transparents, et dont les concepts sont mouvants. Pour l’ensemble des administrations publiques, l’inscription dans un traité européen d’objectifs en termes de dette et de déficit oblige à l’utilisation de concepts stables, qui ne soient guère manipulables et qui permettent la comparaison avec nos partenaires européens. Dans le domaine du budget de l’État, ces définitions reconnues et stables manquent encore ; elles nous permettraient seules de nous appuyer sur des données incontestables.

Un résultat, toutefois, est incontestable : la situation de nos finances publiques s’est dégradée en 2007, tant pour l’ensemble des administrations publiques que pour les comptes de l’État. Le déficit des premières est passé de 2,4 % en 2006 à 2,7 % en 2007, et la dette a continué à croître : notre dette n’est pas sur la voie de la stabilisation. Depuis 2002, notre pays n’a pas réussi à s’éloigner des rives des déficits excessifs, ni même à s’en tenir à un déficit qui stabiliserait la dette. M. Gilles Carrez a déjà souligné que la France ne peut rester l’un des seuls pays européens dont la dette frôle les 3 % du PIB, et qu’à un niveau aussi élevé, un tel déficit entretient l’inquiétude de nos compatriotes, qui se demandent de quoi demain sera fait. Les dernières enquêtes de l’INSEE montrent que la confiance des ménages se situe à un niveau particulièrement bas, et c’est l’une des origines de notre faible croissance.

Ce déficit élevé a une double origine. La première, c’est qu’en contradiction avec les discours sur la maîtrise des dépenses tenus par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002, la part des dépenses publiques s’est constamment accrue : elle était de 51,6 % du PIB en 2001, et de 52,6 % du PIB en 2007. Force est de constater que c’est la gauche qui a été bonne élève. Nous en avons moins parlé que vous, mais nous avons agi : la part des dépenses publiques dans le PIB a culminé en 1996 à 54,5 % ; elle était revenue à 51,6 % en 2001. Nous avions réduit la dette et les déficits.

La seconde raison, c’est la légèreté, voire l’irresponsabilité, dont le Gouvernement a fait preuve il y a un an en dilapidant 15 milliards d’euros dans le paquet fiscal. Ce dernier ne joue, certes, qu’un faible rôle en 2007, mais il pèsera lourdement par la suite. M. Gilles Carrez, ainsi que la Cour des comptes, l’ont souligné : des 20 milliards de recettes spontanées supplémentaires en 2007, si l’on parle en termes bruts, 12 milliards sont allés aux allègements d’impôts – d’ailleurs passés de 6 à 12 milliards sous l’effet des mesures prises après le vote de la loi de finances initiale. Dans la situation de nos finances publiques, cette politique est pour le moins désinvolte.

Je souscris à la proposition de M. le rapporteur général de ne plus prendre de mesures tendant à diminuer les recettes fiscales tant que notre déficit restera aussi élevé – que ne l'a-t-il dit l'an dernier à la même époque lorsque nous discutions du paquet fiscal ! Le rapport Pébereau, longuement discuté pendant la campagne présidentielle, avait rappelé qu’un tel déficit n’autorisait aucune baisse de prélèvements ; il est vrai qu'à la même époque un candidat – dans un moment d'égarement – avait annoncé qu'il baisserait de 4 % le taux des prélèvements obligatoires.

Mais le résultat est là : la France est mal armée pour affronter les conséquences de la crise financière et d’un choc pétrolier dont les conséquences sont encore devant nous. Elle l’est parce que sa croissance est beaucoup plus faible que celle de ses partenaires européens : 2,2 % en 2006 et en 2007, contre respectivement 2,9 % et 2,6 % pour la zone euro. Elle est mal armée aussi parce que notre pays, à la différence de tous les autres, n'a pas mis à profit cette période de forte croissance européenne pour réduire sa dette et ses déficits…

M. Michel Bouvard – Ce que M. Jospin n’avait pas fait davantage.

M. Pierre-Alain Muet – Mais si ! L’audit réalisé en 1997 à son arrivée au Gouvernement faisait état d’un déficit de 3,5 % du PIB, que nous avons réduit à 1,5 %. C’est, d’autre part, la seule période pendant laquelle la dette a baissé !

M. Michel Bouvard – En valeur relative.

M. Pierre-Alain Muet – Il ne me paraît pas qu’une majorité qui l’a augmentée de huit points de PIB soit la mieux placée pour se poser en donneuse de leçons. Nous devons impérativement réduire notre dette.

La France est aussi mal armée en raison d’un déficit extérieur considérable, qui n'a cessé de se creuser depuis 2004. Je trouve profondément choquant le discours de la majorité qui, à ce sujet, incrimine les 35 heures alors que notre compétitivité s’est continuellement améliorée de 1997 à 2002, avec une inflation moindre que celle de nos partenaires européens et des excédents extérieurs compris chaque année entre 15 et 25 milliards. À l’inverse, depuis 2004, notre le déficit n'a cessé de se creuser pour atteindre le malheureux record de 39 milliards en 2007.

Enfin, étant donné l'accélération de l'inflation, des mesures urgentes auraient dû être prises pour sauvegarder le pouvoir d'achat de tous les salariés. Vous ne l’avez pas fait, si bien qu’ils perdent en pouvoir d’achat, et notre croissance s’en ressentira cette année et l’année prochaine.

En conclusion, l’examen de la situation financière en 2007 montre que pour remettre notre pays sur le chemin de la confiance et de la croissance, vous devriez changer radicalement de politique économique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

La discussion générale est close.

L’ensemble du projet de loi, mis aux voix compte tenu du texte de la CMP, est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 18 heures.

DROIT D’ACCUEIL DES ÉLÈVES (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la CMP – Le texte final de ce projet est l’exemple même de ce que la coproduction législative chère à Jean-François Copé permet d’obtenir. Sur neuf points, des améliorations très substantielles ont été apportées par le Sénat et l'Assemblée nationale, acceptées par le Gouvernement et confirmées par la CMP.

Tout d’abord, il est désormais clair que le droit à l’accueil ne saurait être un substitut à l’obligation qu’a l’éducation nationale de remplacer les enseignants absents.

M. Christian Eckert – On verra !

Mme Delphine Batho – Ce n’est pas écrit !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la CMP – Lisez donc l’article 2, chère collègue !

Ensuite, le pourcentage d’enseignants grévistes à partir duquel l’accueil est pris en charge par les communes a été notablement relevé : de 10 % par commune dans le texte initial, il a été porté à 20 % par école au Sénat, puis à 25 % à l’Assemblée ; c’est ce dernier chiffre qui a été validé en CMP.

En troisième lieu, la contrepartie financière que versera l’État aux communes a été augmentée et mieux définie. L’article 8 dispose qu’il sera tenu compte du nombre d’élèves accueillis, mais également, si ce critère est plus favorable, du nombre d’enseignants ayant fait grève. En outre, un forfait minimal sera versé à toute commune ayant organisé le service.

En quatrième lieu, un amendement de la CMP à l’article 7 bis précise que les personnes susceptibles d’assurer l’accueil devront présenter les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer des enfants. La liste sera communiquée à l’inspecteur d’académie pour que celui-ci consulte le fichier national des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

En cinquième lieu, un article 8 bis a été introduit dans le projet de loi pour traiter la question essentielle de la responsabilité. S’agissant de la responsabilité administrative, l’État sera substitué à la commune. S’agissant de la responsabilité pénale, un amendement voté à l’Assemblée et repris par la CMP dispose que l’État doit accorder sa protection au maire en cas de poursuites.

En sixième lieu, un amendement adopté par la CMP à l’article 9 permettra aux EPCI déjà compétents pour le fonctionnement des écoles et pour les activités périscolaires de mettre en œuvre la présente loi sans avoir à modifier leur statut.

En septième lieu, à l’initiative de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée, suivie par la CMP, l’accueil sera également organisé dans les établissements privés sous contrat. Toutefois, ce sont les organisations gestionnaires, et non les communes, qui, dans ce cas, s’en chargeront.

En huitième lieu, des dispositions spéciales permettront, à Paris, Lyon et Marseille, d’impliquer les maires d’arrondissement et les présidents des caisses des écoles. Enfin, l’ensemble du dispositif fera l’objet, à la fin de sa première année d’application, d’une évaluation, sous la forme d’un rapport du Gouvernement. Mes chers collègues, c’est donc un projet de loi sensiblement amélioré que je vous propose d’adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau Centre).

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Le Président de la République a souhaité que nous mettions fin à cette contradiction qui veut que, dans notre pays, la liberté de travailler ne bénéficie pas de la même reconnaissance que celle de faire grève. C’est pourquoi il m'a demandé de créer un droit à l'accueil des écoliers pendant le temps scolaire obligatoire.

Ce droit s'imposera d’abord à l'État, qui s'engage à moderniser la politique du remplacement, et il vaudra également en cas de grève, puisque la loi pose le principe de l'accueil des enfants les jours de grève – étant entendu qu’il n’a jamais été question de remplacer, dans ce cas, les enseignants suspendus. En dessous de 25 % de grévistes, l'État se charge de l'accueil ; au-delà, c’est la commune qui l’organise. Le texte contribuera en outre à la modernisation du dialogue social au sein de l'éducation nationale, en créant une obligation de négociation entre l’employeur et les syndicats.

Grâce à ce projet, à partir du 1er septembre, les familles n'auront plus à rechercher dans l'urgence des solutions de garde, voire à cesser leur activité professionnelle en cas de mouvement social dans l’éducation nationale. La loi protège donc la liberté de travailler sans rien retirer au droit de grève. Les familles ne s'y sont pas trompées et la plébiscitent à près de 80 % ! Nous pouvons tous être satisfaits du travail accompli.

M. Frédéric Lefebvre – Un travail exemplaire, partagé entre le Gouvernement et le Parlement !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Nous pouvons même en être fiers, je crois, car nos échanges ont permis de répondre à toutes les interrogations qui s’étaient exprimées. Je tiens à remercier vos deux rapporteurs, M. de la Verpillière et Mme Guégot, pour leur volonté farouche d'améliorer et de faire aboutir ce texte, ainsi que tous les députés qui y ont contribué.

Le texte adopté par la CMP porte d’ailleurs la marque de cette contribution de l’Assemblée. Vous avez ainsi souhaité que l'État se substitue à la commune pour assurer la protection juridique du maire en cas de faits non intentionnels ayant causé des dommages à un enfant dans le cadre de l'accueil. Je veux à nouveau, sur cette question, saluer le travail de MM. Pélissard et Lefebvre.

Vous avez également institué un « filet de sécurité » garantissant aux communes une rémunération minimale dans l'hypothèse où le nombre d'élèves accueillis serait très inférieur à ce qu’elles prévoyaient. Cette disposition a été saluée par l'Association des maires de grandes villes de France.

Enfin, vous avez étendu le dispositif à l'enseignement privé sous contrat. Le texte précise que l'accueil est alors assuré par les organismes gestionnaires, ce qui me paraît raisonnable.

Tout au long de la discussion, vous avez veillé à ce que cette loi n'impose ni norme nouvelle, ni contraintes superflues aux communes. Je crois que nous y sommes parvenus. Le texte qui vous est soumis est donc équilibré et donne satisfaction à l'ensemble des parties concernées. Je suis fier d’avoir contribué avec vous à faire une nouvelle fois de l’école un lieu de progrès social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau Centre).

Mme Colette Le Moal – Ce texte institue un droit nouveau pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires, publiques et privées sous contrat : celui d'être accueillis lors des mouvements de grève dans l'éducation nationale. Au terme d'un débat passionnant et passionné sur un sujet qui nous tient profondément à cœur, puisqu'il touche à l'éducation de nos enfants, je tiens à rendre hommage à l'important travail de proposition fourni par les deux assemblées. Grâce aux amendements, ce texte a pu être progressivement adapté aux réalités du terrain comme aux préoccupations des acteurs concernés.

Je regrette en revanche que l'école serve parfois de prétexte à des prises de position caricaturales, ou qu'elle soit instrumentalisée pour exacerber des clivages partisans. La question qui nous était posée était pourtant fort simple en l’occurrence : que faire pour aider les parents d'élèves qui se trouvent dans des situations difficiles lorsqu'ils sont confrontés à des mouvements de grève dans l'éducation nationale ? Le projet de loi apporte une solution adaptée au problème, en répondant à trois préoccupations : veiller aux intérêts des enfants, préserver la liberté des parents et garantir les droits des enseignants.

Nous servons ainsi tous les acteurs de la communauté éducative : les élèves tout d’abord, qui prendront conscience que l'obligation scolaire doit être respectée tous les jours, y compris les jours de grève. Ensuite, les parents, notamment les plus modestes d'entre eux. Pour les autres, il existe bien souvent un moyen de s'arranger ; mais qu'en est-il des familles isolées qui ne peuvent faire appel à des grands-parents ou à des amis, des familles monoparentales, ou encore des familles auxquelles leurs revenus ne permettent pas d’employer une nourrice ? Elles sont obligées de s'organiser dans l'urgence, en utilisant des journées de congés et de RTT, au détriment de leur service dans leur entreprise. Nous ne sommes pas tous égaux face à une grève dans les écoles et ce texte met donc fin à une injustice sociale.

Le projet de loi prend enfin en compte l'intérêt des enseignants qui pourront désormais faire valoir leurs revendications avant de sacrifier une journée – ou plus – de leur salaire.

Certains ont affirmé, au cours des débats, que ce texte remettait en cause le droit de grève. Or, c’est faux. Tout le monde le sait et le Conseil constitutionnel l'a confirmé à propos de la loi instituant un service minimum dans les transports. Que les enseignants décident de faire grève, c'est leur droit. Mais un droit ne peut en éclipser un autre : celui des parents de pouvoir travailler.

En garantissant une négociation entre les organisations syndicales et l'État, préalablement au dépôt d'un préavis de grève, ce texte offre la possibilité aux enseignants de faire valoir leurs revendications dans le cadre d'un dialogue social rénové. C'est pourquoi nous nous félicitons de cette disposition.

Au nom du groupe Nouveau Centre, je voudrais vous remercier, Monsieur le ministre, d’avoir repris l'amendement d'Yvan Lachaud qui étend le service d'accueil aux élèves des écoles maternelles et primaires privées sous contrat. Le texte initial n'étant destiné qu'aux élèves des écoles publiques, un problème d'équité se posait. Cet amendement permettra aux 900 000 élèves concernés de bénéficier de ce droit nouveau accordé aux familles.

J’ajoute que la charge de l'accueil reposera sur les organismes de gestion des établissements, auxquels l'État versera une compensation financière, ce qui allégera l'organisation du droit d'accueil pour les communes.

Je tiens également à saluer votre attitude attentive et constructive tout au long des débats, Monsieur le ministre. Nous avons pu améliorer le texte initial, notamment en prenant en compte les craintes exprimées par les maires et leur représentant, M. Pélissard.

En acceptant l'amendement cosigné par Yvan Lachaud, qui porte à 25 % le seuil des enseignants grévistes pour le déclenchement du service d'accueil, vous laissez la possibilité aux nombreuses écoles de cinq classes de répartir les élèves du seul enseignant gréviste entre les quatre autres classes, ce qui évitera de solliciter trop souvent les communes.

En accordant la protection de l'État aux maires, lorsque ces derniers feront l'objet de poursuites pénales pour des faits liés à l'organisation du service d'accueil et n'ayant pas le caractère de faute détachable de l'exercice de leurs fonctions, vous avez également rassuré les élus locaux.

Le montant de la compensation financière accordé par l'État aux communes qui organisent le droit d'accueil avait besoin d'être précisé, afin de rassurer en particulier les maires des communes rurales qui craignaient de ne pas disposer des moyens nécessaires pour assurer ce service. Que la compensation ne puisse être inférieure à un montant égal à neuf fois le SMIC horaire par enseignant ayant participé au mouvement de grève, cela nous semble une garantie raisonnable.

Même si nous ne doutons pas de l'efficacité de ce dispositif, le groupe Nouveau Centre sera particulièrement attentif à l'évaluation du service d'accueil qui interviendra l'année prochaine, notamment en vue d’apprécier les difficultés rencontrées par les communes.

L'enjeu de ce texte était de concilier le droit de grève des enseignants avec le droit au travail des parents. Vous y êtes parvenu, Monsieur le ministre. C'est pourquoi le Nouveau Centre apportera son soutien à votre projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Merci, Madame

M. Frédéric Lefebvre – La majorité ne boude pas son plaisir – je le dis devant M. Guy Geoffroy, qui a beaucoup travaillé sur ces sujets qu’il connaît bien – au moment de voter définitivement ce texte si important et si symbolique, qui témoigne du volontarisme politique que vous avez incarné, Monsieur le ministre. Malgré les attentes de nos concitoyens, personne n’avait eu le courage de légiférer sur cette question difficile. Nous avions pourtant besoin d’un cadre législatif.

Les précédents orateurs ont parfaitement rappelé les avancées consacrées par ce texte. Je trouve en particulier très important le compromis adopté en CMP – grâce au président de la commission des lois – sur la sélection des personnels chargés de l’accueil. Ce sera sécurisant pour les parents d’élèves, mais aussi pour les élus dont la responsabilité est engagée.

Ce dernier point a d’ailleurs suscité de nombreuses inquiétudes, à droite, comme à gauche. Jacques Pélissard a su s’en faire l’écho. Grâce à un travail remarquable et à une collaboration exemplaire avec le Gouvernement, nous avons pu trouver un point d’équilibre nécessaire, que notre collègue a lui-même salué.

Les débats n’ont certes pas été faciles, car on a visiblement eu bien du mal, de l’autre côté de l’hémicycle, à accepter ce nouveau droit d’accueil. En suivant les discussions en cours au parti socialiste, j’ai pourtant entendu dire qu’il fallait éviter les réflexes pavloviens… (Rires sur bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Idiart – Évitez plutôt de regarder par le trou de la serrure !

M. Frédéric Lefebvre – Ce texte arrive à point nommé pour vous fournir l’occasion de démontrer votre capacité à abandonner de telles attitudes. Je le dis devant Claude Goasguen, qui est de nombreuses fois intervenu à bon escient dans nos débats : j’espère que nous voterons unanimement en faveur de ce nouveau droit pour les parents d’élèves.

En matière de responsabilité pénale, dont nous avons débattu en CMP, les représentants socialistes du Sénat ont salué les avancées que nous avons réalisées, par la bouche de notre collègue Lagauche. Je me réjouis que « la gauche » nous soutienne ! (« Excellent » ! et applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C’est une bonne nouvelle pour nous tous…

La question était délicate, mais nous avons su avancer ensemble pour préserver les élus au cas où leur responsabilité serait mise en cause. Si nous votions tous ce texte, nous en sortirions grandis. En tout cas, l’UMP ne boudera pas son plaisir. De nombreux textes importants ont été adoptés depuis un an, sur le service minimum dans les transports, sur les ports et sur d’autres sujets, qui demandaient un courage particulier. En voici un nouveau et le groupe UMP est particulièrement heureux d’avoir un ministre qui a fait preuve de courage, ainsi que d’esprit d’écoute, afin de parvenir à un texte qui marquera la première année du gouvernement de François Fillon.

Chacun prendra ses responsabilités en votant en conscience sur ce droit nouveau donné aux parents d’élèves, notamment aux plus modestes d’entre eux, démunis face à la grève, soit parce qu’ils ne peuvent se faire aider par un membre de leur famille, soit parce qu’ils ne disposent pas de ressources suffisantes. Les enseignants qui le souhaitent pourront continuer à faire grève, mais les parents d’élèves seront préservés des nuisances de cette même grève, puisqu’ils bénéficieront d’un véritable droit d’accueil : c’est une avancée que nous allons voter avec grand plaisir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Delphine Batho – Dans quelques minutes, les télévisions et les radios diront que l’Assemblée a définitivement adopté la loi sur le service minimum à l'école en cas de grève. Les parents qui prennent la route des vacances se diront qu'ils peuvent dormir sur leurs deux oreilles…

M. Charles de La Verpillière, rapporteur – Peut-être pas au volant… (Sourires)

Mme Delphine Batho – …et qu'à la rentrée leurs enfants seront quoi qu'il arrive accueillis dans les écoles. Puis viendra la rentrée, avec son lot d'imprévus et de mauvaises surprises (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). La réduction du nombre des enseignants et la nouvelle organisation du temps scolaire liée à la semaine de quatre jours conduiront fatalement à des désorganisations (Même mouvement). Comme par malchance, des enseignants seront absents. Seront-ils remplacés, puisque ce texte substitue à l’exigence de remplacement une simple obligation d'accueil ?

Les enfants n'auront donc pas classe, et ce pour une durée indéfinie puisque l’article 2 ne la limite pas. Aux parents qui protesteront, on répondra que tout cela est parfaitement légal, puisque inscrit dans la loi sur le service d'accueil. Aux élus qui demanderont des explications au rectorat, on opposera la notion d'absence « imprévisible », qui donnera lieu à de doctes explications de texte.

M. Christian Eckert – Très bien !

Mme Delphine Batho – On dissertera sur la signification de ce fameux article 2, et notamment sur l’impossibilité de remplacer un enseignant derrière laquelle l'administration pourra se réfugier pour manquer à ses obligations.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Que fait-elle aujourd’hui ?

Mme Delphine Batho – On constatera tout simplement que le droit à l’éducation a été remplacé par un droit à la garderie.

Les absences non remplacées étaient déjà fréquentes, c’est vrai. Mais vous en faites la norme !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – J’ai dit le contraire.

Mme Delphine Batho – Présenté comme une arme anti-grève, ce texte servira en fait à gérer la pénurie d'enseignants que vous organisez. Bravo pour ce tour de passe-passe, Monsieur le ministre : pendant que le service minimum accapare l'attention et que votre majorité bat du tambour et déploie les banderoles contre le droit de grève, vous inscrivez dans la loi un permis de non-remplacement des instituteurs absents (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Mais non !

Mme Delphine Batho – Voilà votre recette pour faire face aux conséquences du manque d'enseignants ! Je vous accorde que les réductions de postes sont plus subtiles dans le primaire que dans le secondaire. Elles n'en seront pas moins douloureuses. La démographie scolaire est pour vous un argument à géométrie variable, qui sert à justifier les 11 200 suppressions de postes, auxquelles s’ajouteront 13 500 autres, qui touchent le secondaire. Mais, dans le primaire, l'arrivée de 37 000 nouveaux élèves ne donne lieu qu'à 700 créations de postes, soit un enseignant pour 53 élèves. Il y aura donc plus d’enfants pour moins d’enseignants.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – 900 élèves de moins cette année !

Mme Delphine Batho – L’article 2 est en lui-même une première raison d'appeler l'Assemblée nationale à rejeter ce texte.

J'en viens à la raison d'être officielle de ce projet : les 0,37 jours d'absence par an et par enseignant dans le primaire pour cause de grève.

Tout au long du débat, le groupe socialiste a montré que votre dispositif était inapplicable et inacceptable. Nous voterons contre ce texte, car son objectif essentiel est, lorsque se produira un conflit social dans l'éducation – conflit que vous prenez la responsabilité de provoquer et de faire durer –,de détourner le mécontentement sur les élus locaux.

La manœuvre est cousue de fil blanc et les élus locaux ne sont pas plus rassurés aujourd'hui qu'hier, comme le prouve le communiqué de l'Association des maires ruraux de France daté du 18 juillet : « Si certaines améliorations ont été apportées par l'Assemblée nationale, l’Association constate amèrement que le problème demeure inchangé pour la plupart des communes rurales. Faute de personnels suffisants, celles-ci seront bien souvent dans l'incapacité matérielle d'assurer un service d'accueil pourtant devenu obligatoire, sauf à recruter n'importe qui pour faire du gardiennage, avec tout ce que cela impliquera en termes de responsabilité non seulement juridique, mais également politique en cas de problème. C'est pourquoi l’AMRF défend l'idée d'un système facultatif pour les communes de moins de 3 500 habitants. Faute d'une telle inflexion, le législateur prendrait le risque de placer en toute connaissance de cause les maires ruraux dans l'illégalité. »

Voilà donc pour ce qui concerne les 89 % des communes de moins de 3 000 habitants dotées d'écoles primaires. Pour ce qui est des autres, notamment des villes de banlieue, je vous renvoie ici au témoignage de notre collègue François Pupponi, qui a expliqué chiffres à l'appui les difficultés que vous alliez leur créer.

Établir la liste des personnes susceptibles d'assurer le service d'accueil ; veiller à ce qu'elles aient les « qualités requises pour encadrer » – pardon, les « qualités nécessaires pour accueillir » les enfants ; vérifier le nom de chaque personne auprès de l'autorité académique afin de s’assurer qu’elle ne figure pas sur le fichier des délinquants sexuels ; informer chaque personne dont le recrutement est envisagé que son nom figurera sur la liste ; faire valider cette liste par le conseil d'école ; récupérer les informations envoyées par l'académie sur le nombre d'enseignants déclarés grévistes ; requérir, la veille de la grève, les personnes chargées du service d'accueil en nombre suffisant et organiser le dispositif ; informer les familles de la mise en place du service d'accueil ; notifier enfin à l'académie les éléments nécessaires au calcul de la modique compensation financière de l'État... Voilà la liste des charges nouvelles qui pèseront sur les maires avec ce texte, sans parler de la responsabilité pénale, problème que vous n’avez pas résolu. Ce faisant, vous portez atteinte au principe de libre administration des collectivités locales inscrit dans la Constitution.

Mais vous n’avez été guidés que par la volonté de prendre votre revanche après les dernières élections municipales ! L'adoption du fameux amendement modifiant la loi PLM tout comme les interventions de nos collègues de la majorité nous ont même laissé penser que le service minimum d'accueil n'avait vocation qu'à être un tract de l'UMP en vue des municipales de 2014 (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Cette loi n'est qu'une loi d'affichage. Dans un premier temps, vous avez tenu le discours de l'apaisement. Vous ne juriez alors que par l'expérimentation volontaire des communes et le dialogue social, la loi n'étant envisagée que comme un ultime recours. C'était le temps où le Président de la République – lui aussi – ne jurait que par le dialogue social et publiait le 19 avril, dans un grand quotidien du soir, une tribune dont le titre résumait tout : « Pour des syndicats forts ».

« Notre histoire sociale est suffisamment jalonnée de projets menés à la hussarde, sans concertation, et qui se sont soldés par de retentissants échecs…

M. Charles de La Verpillière, rapporteur – Les 35 heures, par exemple.

Mme Delphine Batho – …pour qu'on en finisse une bonne fois pour toutes avec l’idée d'un Etat qui serait seul à même de savoir ce qui est bon pour notre pays », écrivait-il.

En un temps record, vous avez tourné le dos à ces engagements. Est venu le temps de l'offensive au pas de charge, avec la déclaration présidentielle du 15 mai, l'inscription d'un texte en urgence, sans aucune concertation, sa discussion lors d'une session extraordinaire expéditive, le tout accompagné de déclarations va-t-en guerre sur les grèves dont il ne faut plus s'apercevoir…

La rupture, était-ce de faire des expérimentations ? Moins de 10 % des communes ont mis en place le service minimum. Vous contraindrez donc les 90 % de communes récalcitrantes par la loi !

La rupture, était-ce le dialogue social ? Vous l'avez délibérément écarté et méprisé (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Chassez le naturel, il revient au galop ! À mille lieues de la modernité proclamée, vous avez été rattrapés par vos vieux démons et la méthode du passage en force qui conduit à l'impasse.

Ce texte fait partie d'une panoplie. Après le paquet fiscal de l'été 2007 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), voilà l'esprit de confrontation sociale de juillet 2008.

Temps de travail, chômeurs et enseignants : tout ce que vous faites a un sens. Il y a dans cet ordre du jour une cohérence idéologique marquée. Et dans cette offensive tous azimuts, il vous fallait coûte que coûte une victoire, un trophée symbolique dans l'éducation. Vous-même, Monsieur le ministre, l'avez revendiqué ici en conclusion de nos débats en affirmant votre volonté de « fâcher les personnels ».

Cette frénésie législative estivale vise en fait à créer des foyers d'agitation pour détourner l'attention, vous éviter de rendre des comptes et masquer votre échec éducatif, votre échec économique, votre échec majeur sur le pouvoir d'achat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il faudra plus que cela pour faire oublier aux Français leurs conditions de vie !

M. Lefebvre pratique la provocation pour se faire un nom. Je ne lui donnerai donc pas le plaisir d'y répondre. Mais il a défendu une nouvelle pensée unique, celle où ressortent, dès que l'on exprime un désaccord, les caricatures et la vieille rengaine des procès en archaïsme, en corporatisme, en sectarisme. Vous rêvez finalement d'une opposition qui passerait son temps à être d'accord avec vous ! Vous aimez l'opposition quand elle est courbée, ou plutôt vous voudriez qu'il n'y ait plus d'opposition. Mais si vous étiez aussi sûrs de votre politique et de l'adhésion des Français, auriez-vous besoin de nier à l'opposition jusqu’au droit d'être l'opposition ?

Ce texte trompe les parents, oublie l'intérêt des enfants, accable les élus locaux. C'est notre devoir d'élus de le dire, et vos sommations et vos provocations n'y changeront rien (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

La discussion générale est close.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix compte tenu du texte de la CMP, est adopté.

Prochaine séance ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 18 heures 45.

Le Directeur du service
du compte rendu analytique,

Michel KERAUTRET

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