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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 9 octobre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
6ème séance de la session
1ère partie
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

VERSEMENT DES RETRAITES

Mme Huguette Bello – Le montant moyen des pensions de retraite du régime général – à peine 600 euros par mois – est très faible ; le nombre de retraités vivant en dessous du seuil de pauvreté, intolérable. Depuis la réforme de 2003, le pouvoir d’achat des personnes retraitées ne cesse de diminuer, et la revalorisation des retraites, en particulier des petites retraites, devient une urgence, d’autant que ces personnes ne bénéficieront pas de l’exonération des heures supplémentaires décidée par le Gouvernement pour améliorer le pouvoir d’achat.

La situation est aggravée par la date du versement des pensions, qui a lieu le 10 du mois suivant, voire, comme à la Réunion, le 15 ! C’est un arrêté ministériel de 1986 qui a instauré ce système, au nom de contraintes de trésorerie. Il en résulte pourtant un décalage insupportable entre le moment où les pensions sont perçues et celui où ces personnes doivent faire face à leurs diverses échéances, décalage qui se traduit, pour les plus modestes, par des découverts bancaires.

Monsieur le ministre du travail, comment comptez-vous revaloriser les pensions pour mettre un terme à la baisse du pouvoir d’achat de ces personnes ? N’est-il pas temps, par ailleurs, de faire en sorte que les pensions soient versées au début du mois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – C’est parce que les cotisations des entreprises sont versées le 5 du mois que les pensions le sont le 8 ou le 9. Un travail a déjà été mené en métropole pour régler les problèmes de délais bancaires, et je suis prêt à mener le même travail outre-mer, afin que personne n’y soit pénalisé.

En ce qui concerne le montant des petites pensions (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), la loi de 2003 a garanti, pour la première fois, leur pouvoir d’achat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Patrick Roy – C’est faux !

M. le Ministre – Les partenaires sociaux, qui se réuniront à la fin du mois de novembre dans la commission d’étude de la revalorisation des pensions, nous diront si, ces trois dernières années, le pouvoir d’achat a baissé. En 2007, en tous cas, les pensions ont augmenté de 1,8 %, pour une inflation de 1,3 % : il y a donc un gain de pouvoir d’achat.

Nous avons été les seuls, durant la campagne électorale, à nous engager à revaloriser les retraites modestes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), car trop de Français vivent avec le minimum vieillesse, qui est insuffisant. Certains retraités du commerce, de l’artisanat, de l’agriculture, se retrouvent même, malgré une carrière complète, en dessous de ce minimum. Nous aurons ce rendez-vous en 2008 ; c’est une question de justice sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre)

FINANCEMENT ET REPRÉSENTATIVITÉ DES SYNDICATS

M. Nicolas Perruchot – De récentes affaires ont replacé sous les feux de l’actualité la question du financement des syndicats : un financement opaque, dénoncé à de nombreuses et vaines reprises. En 2006, le rapport Hadas-Lebel soulignait : « Ce domaine est caractérisé par une grande opacité. Aucun document public ou administratif porté à notre connaissance ne présente de synthèse des ressources financières des syndicats en France, ni même de leurs mécanismes de financement. » Les syndicats sont en effet les seules personnes morales qui ne soient pas contraintes par la loi de tenir une comptabilité. À ce problème s’ajoute celui de la représentativité : seuls 8 % des salariés français sont syndiqués, contre plus de 50 % en Belgique ou en Italie, et près de 90 % en Suède.

Monsieur le Premier ministre, votre Gouvernement s’est engagé à réformer notre pays. Or, les réformes les plus importantes ne pourront se faire sans les syndicats : dans les pays où ceux-ci sont forts, ils ont été à l’origine de réformes majeures. L’enjeu est donc double : il faut jeter les bases d’un financement transparent des syndicats, qui assure leur indépendance, et garantir une représentativité syndicale qui rende possibles des avancées sociales.

Aussi, souhaiterions-nous connaître le montant des subventions que l’État verse aux syndicats, ainsi que le nombre de fonctionnaires mis à disposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), et les mesures que compte prendre le Gouvernement pour rétablir la transparence de leur financement. Qu’entendez-vous faire, par ailleurs, pour relégitimer le rôle de ces organismes en tant qu’acteurs responsables du dialogue social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Oui, nous voulons moderniser la démocratie sociale ; cela a été l’un des thèmes de la campagne électorale. Les partenaires sociaux se sont également exprimés sur le sujet en juin, et le Premier ministre, dans un document d’orientation sur la délibération sociale, a souhaité que la question de la représentativité soit traitée en profondeur.

La représentativité de chaque organisation est liée à son audience, et conditionne à la fois son financement et la force des accords conclus. Poser la question du financement conduira notamment l’ensemble des acteurs à déterminer quelle doit être la part de l’État et celle des entreprises. Tout devra être débattu sans tabou, en respectant les règles du jeu que chacun connaît.

La loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007 incite les partenaires sociaux à se saisir de la question du financement. Ceux–ci avaient prévu de le faire en 2008, mais ils souhaitent désormais accélérer le calendrier, j’y suis très favorable, tant il est patent que nous ne pouvons laisser les choses en l’état, car nous avons besoin de transparence et de règles du jeu modernisées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe Nouveau centre).

RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

M. Georges Fenech – Dès votre arrivée à la Chancellerie, vous avez, Madame la garde des sceaux, lancé l’indispensable réforme de la carte judiciaire. Cela prouve votre courage, et votre volonté d’entreprendre enfin les réformes difficiles que nous attendons depuis vingt ans. Plusieurs de vos prédécesseurs avaient lancé des réflexions à ce sujet, qu’il s’agisse de M. Nallet, de M. Toubon ou de Mme Guigou. D’importants rapports parlementaires ont également été consacrés à cette question, et Patrick Devedjian a conduit, en 2001, une mission parlementaire sur l’évaluation de la justice, laquelle préconisait déjà de réformer la carte judiciaire. Merci, Madame la ministre, de bien vouloir préciser à la représentation nationale la méthode que vous envisagez et le calendrier des options que vous présenterez, car vos décisions intéressent tous les élus de notre Assemblée (Applaudissements de nombreux les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Allô ! Allô !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Le 27 juin dernier, j’ai installé le comité consultatif sur la réforme de la carte judiciaire, et des contributions m’ont d’ores et déjà été remises. Les chefs de cour ont procédé à des consultations et à des concertations de terrain, en vue de concilier l’organisation de la justice avec les contraintes locales, dans une logique d’aménagement du territoire. Ils ont également rencontré les préfets et reçu les élus. Depuis le 30 septembre, tous les chefs de cour m’ont remis des suggestions (« C est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et je me rendrai sur le terrain pour en débattre avec l’ensemble des acteurs concernés. Mon premier déplacement aura lieu vendredi : avec le Premier ministre, nous irons à Lille et à la cour d’appel de Douai pour discuter de l’ensemble des propositions. Par la suite, je me rendrai dans toutes les régions pour mener à bien cette réforme de la carte judiciaire, à laquelle nous n’entendons pas renoncer (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

EADS

M. Gérard Bapt – Le 22 octobre prochain aura lieu, à Amsterdam, une assemblée générale extraordinaire d'EADS à laquelle il sera notamment discuté d’une résolution concernant le renouvellement du mandat d'administrateur de M. Arnaud Lagardère. Or, il y a quelques mois, ce dernier avait argué de son incompétence pour excuser l’état d’ignorance dans lequel il se trouvait des difficultés de production d’Airbus…

L'État est aujourd'hui actionnaire de 15 % du capital d'EADS. Des milliers de suppressions d'emploi sont programmées et des milliers de familles de salariés d'Airbus et de ses sous-traitants vivent donc dans l'angoisse du lendemain. Madame la ministre de l’économie, ma question est simple, et nos concitoyens seront attentifs à votre réponse : dites-nous si, le 22 octobre, à Amsterdam, l'État actionnaire, sur instruction de l'Élysée et du Gouvernement, votera pour ou contre le renouvellement du mandat d'administrateur de M. Lagardère ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Le Gouvernement veut impérativement la transparence sur toute cette affaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), et je me réjouis que le Parlement – via les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat – participe à cet exercice de transparence. Le directeur général de l’Agence des participations de l’État, le directeur général du Trésor et l’état-major de la Caisse des dépôts et consignations ont ainsi été auditionnés…

M. Henri Emmanuelli – Répondez sur Lagardère !

M. Christian Bataille – Nous avons posé une question simple !

M. Arnaud Montebourg – Parlez-nous du « frère » de M. Sarkozy !

Mme la Ministre – Les présidents des commissions des deux chambres du Parlement sont aussi venus inspecter les bureaux de services de l’État à Bercy, pour examiner l’ensemble des documents relatifs à cette affaire. Ces travaux suivent leur cours et j’ai demandé à l’Inspection générale des finances d’examiner tous les agissements des services de l’État, de l’APE, du Trésor, ainsi que leurs relations avec la CDC (Brouhaha persistant sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Un rapport me sera rendu dès jeudi soir : je le mettrai à la disposition de chacun d’entre vous, et de l’ensemble des Français qui voudront le consulter. Nous souhaitons, je le répète, la vérité et la transparence sur cette affaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Je vous rappelle qu’Airbus est dans une situation de concurrence acharnée avec un autre avionneur (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) et qu’il faut laisser la direction de l’entreprise faire son travail pour produire des avions de qualité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

S’agissant, enfin, de la composition du conseil d’administration d’EADS (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), je rappelle que si l’État n’y est pas directement présent, c’est parce que le pacte d’actionnaires négocié sous l’égide de Lionel Jospin ne le prévoyait pas. Ce n’est donc pas l’État qui arrêtera la composition du conseil d’administration ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

EMPLOI DES SENIORS

M. Denis Jacquat – Notre pays se caractérise par un taux d'emploi des seniors – de 55 à 64 ans – très inférieur à la moyenne européenne : 37,6 %, contre 45,3 % pour l'Europe des quinze, en 2006. Le gouvernement précédent avait lancé un plan d'emploi des seniors, qui constitue à l’évidence une première étape essentielle pour faire évoluer les mentalités. Il semble toutefois indispensable d'aller plus loin pour mettre un terme définitif à cette particularité française. Qu'en pensez-vous ?

En outre, il semble que le Gouvernement ait l'intention d'assujettir les indemnités de préretraites et de mises à la retraite d'office aux cotisations sociales et à la CSG. Qu’en sera-t-il, notamment pour les salariés qui n’ont pas forcément choisi de se retrouver dans cette situation ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – S’il y a une exception française dont nous aimerions nous passer, c’est bien celle-ci : seule une personne de plus de 55 ans sur trois est en activité dans notre pays. Devant ce gâchis économique, social et humain, nous n’allons pas tenir un énième discours, mais passer aux actes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale – que, si j’en crois ce que j’entends sur ces bancs, la gauche de cet hémicycle va certainement voter – (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), nous allons taxer massivement les préretraites d’entreprise, ainsi que les mises à la retraite d’office. Pourquoi en effet ne pas permettre à un salarié qui le souhaite de continuer à travailler ? La France s’est émue du cas de Guy Roux, mais il y en a des milliers d’analogues.

En outre, en nous inspirant d’autres pays, nous réfléchissons, Mme Lagarde et moi, à un système de bonus-malus en matière d’emploi des seniors, incitant les entreprises à garder leurs salariés ou à embaucher, et pénalisant celles qui ne jouent pas le jeu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SOINS PALLIATIFS

M. Jean-Pierre Decool – Madame la ministre de la santé, vous étiez aux côtés du Président de la République, quelques jours après son élection, à l’hôpital maritime de Zuydcoote, dans le Nord, pour visiter l’unité de soins palliatifs. Vous avez rencontré le personnel soignant, les familles des malades et les bénévoles, et pu constater les difficultés auxquelles ils sont confrontés et le dévouement dont ils font preuve.

Conscient des épreuves endurées par les malades et de la détresse de leurs proches, le Président de la République avait alors annoncé le doublement du nombre de places en soins palliatifs. A titre d’exemple, le Nord-Pas-de-Calais disposait en 2006 de cinq lits pour 100 000 habitants ; c’est un peu plus que la moyenne, mais c’est néanmoins très insuffisant au regard des besoins (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Pouvez-vous nous indiquer les modalités et le calendrier d’application de cet engagement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Les soins palliatifs sont en effet l’une de nos priorités en matière de santé publique, avec l’action contre le cancer et la maladie d’Alzheimer. Le rapport du professeur Régis Aubry, qui vient de m’être remis, est d’abord un fantastique message d’espoir : au cours des cinq dernières années, le nombre de places a été porté de 700 à 3 000, celui des équipes mobiles est passé de 200 à 350, et les réseaux se sont multipliés – il y en a maintenant une centaine. Mais comme nous l’avons constaté à l’occasion de cette visite à Zuydcoote, qui fut un grand moment d’émotion, il faut plus de formation, plus d’information, plus de places, plus de soutien aux aidants.

Le Président de la République s’est donc engagé, en effet, à doubler le nombre de lits d’ici à la fin de la mandature. D’ores et déjà, 30 millions vont être dégagés dans le cadre du PLFSS. Je vais m’attacher à étoffer les réseaux et les équipes mobiles pluridisciplinaires, ainsi qu’à soutenir la recherche sur ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

TESTS ADN

Mme George Pau-Langevin – Je note que Mme la ministre de l’économie n’a pas répondu à la question de mon collègue Bapt sur le conseil d’administration d’EADS. Je me demande si cette question gêne quelqu’un au Gouvernement, voire le Président de la République… (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Posez votre question ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Mme George Pau-Langevin – Nous avons exprimé l’inquiétude que nous inspirent certaines dispositions du projet de loi sur la maîtrise de l’immigration, qui ne respectent pas nos valeurs essentielles, en particulier le recours à des tests ADN. Les modalités introduites au Sénat n’enlèvent rien au caractère inacceptable de cette intrusion dans la vie familiale, contraire aux règles d’établissement de la filiation dans notre droit civil (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Après la Conférence des évêques, c’est le Conseil national d’éthique qui vient de vous adresser une sévère mise en garde contre ces dispositions contraires à nos lois sur la bioéthique. Une ministre de ce gouvernement a même estimé « dégueulasse » cette instrumentalisation de l’immigration (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le Premier ministre, cet amendement fait honte à la France, pays des droits de l’homme (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP). Quand allez-vous le retirer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement  D’abord, permettez-moi de rendre hommage à la qualité du travail parlementaire sur ce texte. Peut-être avez-vous observé que j’ai écouté vingt-quatre orateurs avant d’exprimer la position du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

La disposition relative aux tests ADN ne figurait pas dans le projet que j’ai présenté, mais résulte d’une initiative parlementaire. Tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, j’ai souhaité apporter des garanties supplémentaires, afin que cette mesure soit la plus protectrice possible.

Ces tests seront-ils obligatoires ? Non, ils seront facultatifs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). S’agit-il d’une mesure définitive ? Non, un bilan de l’expérimentation sera dressé au bout de dix-huit mois (Même mouvements). Cela conduira-t-il à un fichage génétique ? La réponse est non (Mêmes mouvements). Cette procédure constituera-t-elle un obstacle financier ? Non, puisqu’elle sera gratuite ! Traitera-t-on les étrangers différemment ? Non, puisque la procédure sera décidée par un juge. Enfin, c’est uniquement la filiation avec la mère qui sera prouvée par le test, afin de la protéger de la révélation publique – par exemple – d’un viol. Ce sont autant de garanties, allant dans le sens de la transparence, de la lisibilité et du respect de la personne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Arnaud Montebourg – Retirez l’amendement !

M. le Ministre – En outre, comment négliger le fait que douze pays européens pratiquent ce test, dont la Grande-Bretagne travailliste, terre de l’Habeas corpus, qui en a effectué 10 000 ? Que le Haut Commissariat aux réfugiés a rappelé, dans une note de mai 2007, que les tests sont de plus en plus utilisés comme moyen d’établir les liens de parenté ? Que la Commission européenne a, le 4 octobre, validé ce dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Évitons les caricatures, les excès et la stérilité des faux procès. Les Français nous demandent de respecter la liberté qu’a notre pays de choisir qui il peut et veut accueillir sur son territoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du Nouveau Centre ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

FUSION DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS
ET DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COMPTABILITÉ PUBLIQUE

M. Sébastien Huyghe – La fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique engage l’avenir de 130 000 agents, concerne la vie quotidienne de nos concitoyens et apparaît comme emblématique de la capacité de l’État à se moderniser. Une réforme similaire, engagée sous le gouvernement Jospin en 2000, n’avait pas abouti. Il est important de la réussir aujourd’hui.

Cette fusion devrait améliorer le service rendu aux usagers, renforcer l’offre de conseil aux élus locaux, rendre l’État plus efficace et plus performant, et enfin, donner des perspectives professionnelles élargies aux agents de ces administrations (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Elle se fera progressivement. En 2008, la direction générale sera créée et les premiers tests de guichets fiscaux uniques effectués. L’équilibre entre les deux administrations sera respecté, dans le cadre d’un dialogue social approfondi. Monsieur le ministre du budget, quel sera l’impact de cette réforme, notamment en milieu rural et dans les zones périurbaines, sur les services publics auxquels les Français sont très attachés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ?

M. Maxime Gremetz – 2 000 suppressions d’emplois !

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Le premier objectif de cette réforme est évidemment de faciliter la vie des usagers, qui ne distinguent plus les guichets de la direction des impôts de ceux de la comptabilité publique. Huit Français sur dix souhaitent aujourd’hui un guichet unique et plébiscitent cette fusion. Nous créerons un service des impôts des particuliers, à l’image du service des impôts des entreprises, fonctionnant depuis plusieurs années.

Cette réforme constitue en outre un bienfait pour les 130 000 agents de l’Etat concernés puisqu’elle leur offre de nouvelles perspectives professionnelles et une mobilité géographique accrue.

M. Patrick Roy – Ce n’est pas leur avis !

M. le Ministre – La Charte des services publics de proximité sera appliquée à la lettre. Les 2 000 trésoreries présentes là où il n’existe pas de centre des impôts prendront en charge l’ensemble du traitement des impôts, de leur calcul à leur recouvrement. Dans les villes où les deux administrations coexistent, les agents de la trésorerie rejoindront le centre des impôts, afin de créer le service des impôts aux particuliers.

Enfin, cette réforme est exemplaire des réorganisations dont est capable l’Etat. Contrairement aux idées reçues, nos agents démontreront à quel point un fonctionnaire sait s’adapter au service public et à ce que souhaitent ses usagers (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz – 2 000 licenciements et pas un mot !

DÉMOGRAPHIE MÉDICALE

M. Michel Raison – En milieu rural, l’accès aux soins est le plus important des services publics. Or, la désertification médicale prend une ampleur inquiétante dans nombre de régions. Nombre de mes collègues, dont Jean-Pierre Door et le regretté Jean-Claude Lemoine, qui vient de nous quitter, ont montré leur attachement à cette question. Ainsi, la Haute-Saône compte plusieurs cantons classés en situation déficitaire, et le renouvellement des médecins y est difficile. Cela inquiète nos concitoyens, les élus locaux et les professionnels de santé, qui s’alarment quant à leur avenir et au suivi de leurs patients.

Alors que la pyramide des âges laisse craindre une détérioration de la situation dans ces zones, d’autres attirent un excédent de généralistes et de spécialistes. Ces disparités devraient nous interpeller. Des mesures ont été votées par le Parlement ces trois dernières années : relèvement du numerus clausus, majoration des actes, meilleure reconnaissance de la spécialité de médecine générale, soutien au regroupement en maisons médicales pluridisciplinaires. Mais, comme la Cour des comptes l’a souligné dans son rapport du 12 septembre, elles n’ont pas encore eu l’impact souhaité sur les installations de médecins.

Madame la ministre de la santé, le Gouvernement a-t-il pris la mesure de ce phénomène ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Les mesures incitatives suffiront-elles à inverser la tendance ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

C’est à la ministre de répondre, pas aux socialistes ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Le rééquilibrage des installations ne risque-t-il pas de fragiliser les vocations ? Quelle réponse comptez-vous apporter à cette question majeure de santé publique, comme d’aménagement du territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Si notre pays connaît en effet des problèmes de démographie médicale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), ils ne se réduisent pas au milieu rural mais touchent aussi les zones urbaines. Est-il normal que quatre millions de nos concitoyens aient du mal à consulter un médecin généraliste ? Qu’il n’y ait plus de pédopsychiatres en Lozère alors que l’Hérault limitrophe en compte trente et un ? Que la Loire-Atlantique compte dix fois plus de cardiologues que la Mayenne alors qu’elle ne compte pas dix fois plus d’habitants ?

Face à ces difficultés indéniables, certains prônent des mesures coercitives. Telle n’est pas la philosophie du Gouvernement, résolument attaché – je le répète solennellement – à la liberté d’installation des professionnels médicaux (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), comme le montrera le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Nous ouvrirons un dialogue conventionnel avec les médecins, dialogue auquel devront être associés les jeunes, qui n’ont guère l’occasion de discuter avec leurs aînés, et qui pourront ainsi débattre non seulement des conditions financières mais également des conditions concrètes de leur installation. Afin que cette discussion demeure totalement libre, aucune échéance ne sera imposée : car nous voulons faire progresser cette question, mais par le dialogue et la concertation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

M. Bernard Lesterlin – Madame la Garde des sceaux, à l’issue d’une consultation de l’ensemble des professions judiciaires et des élus, vous avez demandé à vos magistrats de formuler des propositions relatives à la réforme de la carte judiciaire. Alors que vous vous étiez engagée à mener cette réforme dans la transparence, nous venons d’apprendre que vous aviez demandé à ce que leurs recommandations ne soient plus publiées sur Internet. Vous vous apprêtez à supprimer par décret, dans l’obscurité la plus totale, plus de deux cents tribunaux d’instance, plus de cent conseils de prud’hommes…

Un député UMP - C’est faux !

M. Bernard Lesterlin – …et une cinquantaine de tribunaux de grande instance. Des millions de justiciables seront donc contraints à des trajets longs de plusieurs heures pour rencontrer le juge (Protestations sur les bancs du groupe UMP), les délais de jugement seront prolongés et la proximité sera bannie du service public de la justice (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Avec quels moyens pourrez-vous reloger les juges délocalisés d’autorité ou indemniser les fonctionnaires de greffe, aux revenus modestes, déplacés de force ? Nombreux sont ceux, au sein de l’opposition mais aussi de la majorité, qui souhaitent voir mise en œuvre une autre méthode.

Un député UMP - Pas la vôtre !

M. Bernard Lesterlin – Ainsi, M. Max Roustan, député UMP du Gard, a-t-il entrepris une vaste enquête dont nous nous félicitons ; nous espérons pouvoir débattre des propositions qui en résulteront. Répondrez-vous enfin, Madame la Garde des sceaux, aux questions de la représentation nationale ? Nous communiquerez-vous, comme vous vous y êtes engagée, les propositions des magistrats ? Surseoirez-vous à toute décision relative à la carte judiciaire jusqu’à la remise des conclusions du rapport Roustan ? Enfin, vous engagez-vous à organiser sur cette question un débat au Parlement suivi d’un vote ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Je l’ai dit tout à l’heure, le comité consultatif mis en place le 27 juin dernier m’a soumis des propositions de décisions et de schémas relatifs à la carte judiciaire. Les magistrats et les chefs de cour m’ont notamment proposé des mesures qui tiennent compte des réalités locales et de l’aménagement du territoire. S’agissant de cette consultation, qui n’est pas terminée, la transparence a été totale et les résultats sont ou seront consultables en ligne, comme je m’y suis engagée (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

Les propositions recueillies lors de chacun de mes déplacements seront en ligne le soir même, région par région. Ce sera le cas dès ma visite à Lille, vendredi prochain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PESTICIDE EN MARTINIQUE

M. Jacques Remiller – Notre collègue Alfred Almont, retenu à Bruxelles par une séance plénière du comité des régions de l’Union européenne, m’a chargé de m’adresser en son nom à M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Élu d’une région où l’agriculture occupe une part essentielle de l’activité économique, il s’inquiète de l’extraordinaire campagne médiatique dont la Martinique et la Guadeloupe ont fait l’objet au cours de ces dernières semaines, à propos des conséquences de l’utilisation d’un pesticide dans les exploitations bananières de 1981 à 1993. Des affirmations apparemment dépourvues de tout fondement scientifique font ainsi la une de la presse locale et nationale. Or les conséquences en sont extrêmement dommageables pour la population martiniquaise : annulations de séjours touristiques, qui forcent les professionnels à des efforts désespérés pour rendre la région plus attractive ; chute des ventes de la production agricole, catastrophique pour les exploitants locaux, malgré les mesures de contrôle périodique des sols ; craintes pour la santé des personnes concernées – c’est là le plus grave.

M. le Président – Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jacques Remiller – L’État doit, au plus haut niveau, informer la Martinique comme la métropole des travaux de recherche déjà menés à bien ou en cours et des mesures prises ou envisagées, afin que la gestion du risque sanitaire soit parfaitement transparente (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer – Ces préoccupations rejoignent celles de nombreux élus de Martinique ou de Guadeloupe, qui, à peine pansées les blessures infligées par le cyclone Dean, ont vu s’abattre une nouvelle tempête, médiatique cette fois.

Nous avons l’exigence de répondre aux inquiétudes de nos compatriotes de Martinique et de Guadeloupe. C’est une exigence de vérité : il faut savoir dans quelles conditions l’utilisation du chlordécone a été autorisée jusqu’en 1993. En matière sanitaire, des enquêtes épidémiologiques sont actuellement conduites sous l’autorité de Roselyne Bachelot, d’autres – rassurantes pour certaines – nous sont déjà parvenues, et celles que nous attendons apporteront de nouvelles précisions. C’est aussi une exigence de rigueur : à la demande du Premier ministre, nous allons tripler le nombre de contrôles sur les légumes, les fruits et les produits de la terre qui sont prélevés, commercialisés ou exportés, et des poursuites sévères seront engagées contre les contrevenants aux normes en vigueur.

Mais nous voulons également ouvrir des perspectives à la Guadeloupe et à la Martinique. Aux agriculteurs qui ont des produits de qualité, je veux dire que nous veillerons, Michel Barnier et moi-même, à ce qu’un label garantisse cette qualité. Quant à ceux dont les terres sont contaminées, nous les accompagnerons non seulement pour décontaminer ces terres, mais aussi pour assurer leur reconversion dans des filières comme la biomasse. Il nous faut enfin rétablir la confiance. La haute saison va commencer : avec Luc Chatel, nous veillerons au lancement d’une grande campagne de promotion. La Martinique est belle, la Guadeloupe est belle. Elles sont accueillantes et produisent aussi des produits de qualité que nous voulons garantir. Mais entre les intérêts économiques et la santé publique, nous ne transigerons jamais ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

FRANCHISES MÉDICALES

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Monsieur le Premier ministre, vous voulez instaurer dès le 1er janvier 2008 de nouvelles franchises médicales afin, dites-vous, de financer la lutte contre la maladie d’Alzheimer, le développement des soins palliatifs et la lutte contre le cancer. Mais les Français ne sont pas dupes : le vrai but de ces franchises est de combler le déficit croissant de l’assurance maladie, qui dépassera cette année les 6 milliards d’euros. Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer devront s’acquitter de ces nouvelles franchises, puisque, comme tous les patients en affection de longue durée, elles ne seront pas exonérées. Cette politique est hypocrite : vous reprenez d’une main ce que vous donnerez de l’autre.

Le Président de la République a annoncé à grand renfort médiatique un plan Alzheimer, mais qu’en reste-t-il ? L’instauration de ces nouvelles franchises va coûter 50 euros à certains malades, et ce dès les premiers mois de l’année. Or, le reste à vivre de personnes âgées accueillies en maison de retraite médicalisée n’excède pas 70 euros par mois ! Ces franchises médicales vont peser lourdement sur les personnes âgées les plus malades, les plus modestes, celles qui vivent avec le minimum vieillesse. Avez-vous décidé de tourner le dos au principe de solidarité entre malades et bien portants qui est l’un des fondements – sinon le fondement – de notre système de sécurité sociale et du pacte républicain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Il y a au moins un point sur lequel nous sommes d’accord : la maladie d’Alzheimer est un drame (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) pour les personnes qui en sont atteintes, pour leurs familles et pour ceux qui les accompagnent. Il faut donc mobiliser des moyens supplémentaires. C’est pourquoi le Président de la République a souhaité que la maladie d’Alzheimer soit, avec les soins palliatifs et la lutte contre le cancer, une de nos priorités de santé publique.

Les moyens nécessaires sont considérables, qu’il s’agisse de la prise en charge des soins, du secteur médico-social - c’est la raison pour laquelle Xavier Bertrand a ouvert le chantier de la cinquième branche de sécurité sociale – ou de la recherche – avec des crédits en augmentation que Valérie Pecresse dédiera en partie à la maladie d’Alzheimer. Mais en ce qui concerne la santé, il faut dégager des moyens supplémentaires. Les franchises permettront de consacrer 850 millions d’euros à une meilleure prise en charge des soins.

Les plus fragiles bénéficieront cependant de garanties : 15 millions de nos concitoyens sont exonérés des franchises, de surcroît plafonnées à 50 euros par an, soit 4 euros par mois. Les malades dont vous parlez – malades atteints de la maladie d’Alzheimer ou de cancers, malades en soins palliatifs – sont évidemment exonérés du ticket modérateur, puisqu’ils sont pris en charge dans le cadre des affections de longue durée. Le reste à charge est donc très faible. La solidarité permettra en revanche d’aller plus loin dans la prise en charge des soins (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Voilà une vraie politique de solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

ÉLOGE FUNÈBRE DE PAUL-HENRI CUGNENC

M. le Président – (Mmes et MM. les députés et membres du Gouvernement se lèvent). C'est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris la mort, le 3 juin dernier, de notre collègue et ami Paul-Henri Cugnenc.

Député, professeur de médecine, viticulteur, Paul-Henri Cugnenc était un homme de talent, de passion, de fidélité. Il était de ceux dont la vaillance et le cœur élèvent tout ce qu'ils font et honorent tous ceux qu'ils croisent. C'est à sa juste mesure qu'il était estimé et respecté sur tous nos bancs, c'est à sa juste mesure qu'il nous manquera et qu'il nous manque déjà.

Paul-Henri Cugnenc, c'était d'abord un grand médecin. Professeur en chirurgie digestive et générale, chef de service à l'hôpital Georges-Pompidou, président du pôle Cancérologie de ce même hôpital, président du syndicat des chirurgiens des hôpitaux de Paris, il était l'une des hautes éminences de sa spécialité. Grand médecin par ses titres, ses responsabilités, ses compétences, il l'était encore par le dévouement exceptionnel avec lequel il exerçait son magistère. Il travaillait sans relâche. Il portait à ses malades une remarquable attention, pleine de bonté et de délicatesse. Il soignait les corps sans oublier les âmes. Combien de fois l'avons-nous vu quitter cet hémicycle tard dans la nuit pour retourner à l'hôpital prendre soin d'un de ses patients ?

C'est avec le même dévouement, la même excellence, que Paul-Henri Cugnenc s'engagea en politique. D'abord à Béziers, où étaient ses racines, puis aux côtés de son ami Bernard Debré au ministère de la coopération, parmi nous enfin. Élu député dans la 6e circonscription de l'Hérault en 2002, il fut brillamment réélu quelques jours seulement avant de mourir.

C'est toujours une chance et un honneur pour la politique que de grands professionnels tel que Paul-Henri Cugnenc décident de servir leur pays en plus de leur métier, que de grands médecins au service de chacun par l'exercice de leur art veuillent encore être au service de tous et de l'intérêt général au sein de la représentation nationale.

À l'Assemblée, Paul-Henri Cugnenc fut le même travailleur acharné qu'à l'hôpital. Il ne concevait pas son mandat autrement que son métier : tous deux l'obligeaient avec la même ardeur. Jamais il ne délaissa l'un pour l'autre, allant sans cesse d'une salle d'opération à une réunion de commission, d'un colloque à une séance publique, jusqu'à en négliger sa propre santé.

Il était l'un des membres les plus assidus de la commission des affaires sociales. Il nous éclairait de son expérience, de son intelligence, avec sa délicatesse, son ouverture au dialogue et son respect pour les opinions qui n'étaient pas les siennes, et a ainsi enrichi nos travaux. Son concours, sur les questions de santé et d'éducation nous fut précieux.

Président du groupe d'étude de notre Assemblée sur le cancer et la santé publique, Paul-Henri Cugnenc a largement contribué à la création et à l'installation de l'Institut national du cancer voulu par le président Chirac ; le cancer qui, par une terrible ironie du sort, devait l'arracher à la vie qu'il aimait tant à l'âge de 61 ans seulement, comme si ce mal terrible avait voulu se venger de celui qui l'avait si souvent vaincu par la pratique de son art pour sauver les autres.

Mais Paul-Henri Cugnenc c'était aussi la terre, sa terre du beau pays de l'Hérault où il était né et auquel il restait profondément attaché. Sa terre et ses vignes, car non content d'être grand médecin et homme politique, Paul-Henri Cugnenc était aussi viticulteur, ou vigneron plutôt, comme on disait jadis et comme il aimait le dire.

Médecin, député, viticulteur, Paul-Henri Cugnenc l'était tout à la fois. Il fut celui –comment l'oublier – qui défendit les bienfaits du vin. « Consommé de façon raisonnable, il fait plus de bien que de mal », répétait-il sans cesse, indifférent aux critiques. Il parlait en médecin, mesurant les vertus des plaisirs, quand d'autres ne croient qu'à leurs vices.

« Chaque mort laisse un bien, un petit bien, sa mémoire, et il demande qu'on la soigne », disait Michelet. Soignons la mémoire de Paul-Henri Cugnenc, comme il a soigné ses patients, comme il a servi son pays. Nous ne l'oublierons pas !

À son épouse, à sa mère, à sa famille et à ses proches, je renouvelle, au nom de notre Assemblée, l'expression de notre peine et de notre profonde sympathie.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement Je tiens, au nom du Gouvernement tout entier, à m'associer à l'hommage que l'Assemblée nationale rend à Paul-Henri Cugnenc, député de l'Hérault, qui nous a quittés dans la nuit du 3 juillet dernier.

L'annonce de ce départ subit nous a tous laissés interdits, tant l'image de cet homme dans la force de l'âge, à l'activité débordante et très engagé, nous habitait tous.

Être un enfant de la Libération prédestine, diront certains, à l'engagement et à la dévotion à une noble cause. Paul-Henri Cugnenc en aura été l'exemple éclatant : jouant sa vie sur des scènes bien différentes, à chaque fois avec un égal succès, il a toujours été mû par une seule volonté et animé par une seule passion, qui firent de lui un gaulliste de cœur et d'actes : le service de son pays. Pour lui, cela ne signifiait rien d'autre que le service des autres.

Passionné, Paul-Henri Cugnenc l'était d'abord par ses vignes et par sa terre, celle des ceps noueux du Languedoc et du village qui l’a vu naître, Thézan-lès-Béziers. C'est pour défendre cet héritage que ce viticulteur s'est engagé dans le syndicat des vignerons vinifiant en cave particulière et s'est illustré comme membre de la délégation à l'agriculture de la ville de Béziers. Son goût pour la défense de ses idées le fit alors entrer sur une autre scène : celle de la politique.

Il y acquit « une certaine idée de la France », celle de sa grandeur, l'idée d'une France éternelle, et l'idée qu'il n'est de grandeur ni d'éternité sans terre.

Pour défendre ces valeurs à la manière de celui qui les porta si haut et qu'il admira tant, le général de Gaulle, son engagement fut inlassable. Conseiller municipal dès 1989 puis adjoint au maire de Béziers à partir de 1995, il devint ensuite conseiller technique de Bernard Debré, alors ministre de la coopération.

En 2002, il fut élu député de l'Hérault. Ses dernières jours furent marquées par son éclatante réélection à ce poste : les 58 % de voix qu'il recueillit forcent encore l'admiration de ses proches collaborateurs, de ses amis députés, des médias, et portent l’ultime témoignage de l'immense sympathie et de l'absolue confiance que lui vouaient ses électeurs.

Passionné, Paul-Henri Cugnenc l'était enfin par son métier. Professeur des universités en chirurgie, il était dans sa spécialité un expert reconnu, un chef de service estimé et un incomparable président du pôle cancérologie de l'hôpital européen Georges Pompidou. Il profita de son mandat de député pour se montrer particulièrement actif au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, et consacra temps et énergie à la cause des enfants malades.

Et voilà qu'après avoir combattu sans relâche le cancer qui le rongeait, après avoir sauvé tant de vies que menaçait cette maladie, il finit par lui donner la sienne.

Sa présence manquera à sa famille, à ses proches, à sa terre, à ses amis politiques, à son groupe, à ses amis au-delà de son groupe.

Son amitié manquera à ses collaborateurs de la commission des affaires sociales et à tous ceux qui l’ont fréquenté ici. Elle me manquera aussi, car j’ai eu l'honneur d'être son ami et compagnon d'armes de nombreuses années durant.

Sa voix manquera à l'Assemblée nationale.

Permettez-moi, au nom du Gouvernement tout entier, d'adresser à sa famille, à ses proches, à ses collègues et amis, mes plus sincères condoléances (Mmes et MM. Les députés et membres du Gouvernement observent une minute de silence).

La séance est suspendue à 16 heures 10.

© Assemblée nationale