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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 10 octobre 2007

Séance unique
Séance de 15 heures
7ème séance de la session
1ère partie
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L ’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

GRÈVE DES INTERNES

M. Olivier Jardé – Je voudrais associer à ma question mes collègues Jean-Luc Préel et Claude Leteurtre. La santé est un bien très précieux pour nos concitoyens. Or, notre système de soins souffre de deux maux : une inégale répartition des médecins sur le territoire, mais aussi l’absence de permanence des soins. Ainsi, dans la Somme, quatre cantons sont dépourvus de médecins, ce qui contraint les patients à se rendre aux urgences, dont ce n’est pas la mission.

Refusant l’installation autoritaire, les internes sont aujourd ’hui en grève. À titre personnel, il me semble bon de privilégier les incitations, car elles ont déjà produit des résultats positifs, qu’il s’agisse des bourses d’études, des aides à l’installation ou des maisons médicales, dont le succès est réel. Pourquoi ne pas aller jusqu’à moduler les honoraires, dans un sens ou dans l’autre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Nouveau centre)

Ma question est simple, Madame la ministre de la santé : que comptez-vous entreprendre contre l’inégale répartition des médecins sur notre territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Comme je l’ai indiqué hier après-midi, la démographie médicale fait problème. Vous avez très justement souligné les difficultés qui affectent la Somme ; elles frappent tout autant les zones urbaines que rurales. Face à cela, il faut comprendre et agir.

Il faut comprendre le désarroi des jeunes internes, qui pâtissent des mutations profondes de l’exercice médical. Ceux qui terminent aujourd’hui leurs études appartiennent à une génération où le « numerus clausus » était particulièrement bas : moins de 4 000 étudiants admis à la fin de la première année, contre 7 100 aujourd’hui. Ils ont également le désir légitime de concilier vie professionnelle et vie personnelle, d’autant que la population concernée s’est largement féminisée.

Face à cela, il faut réaffirmer certains principes : nous sommes attachés à la liberté d’installation et il n’est pas question de la remettre en cause (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe Nouveau centre). Le projet de loi de financement de la sécurité sociale sera l’occasion d’ouvrir une négociation conventionnelle, à laquelle je souhaite associer les jeunes médecins, jeunes internes et chefs de clinique, car nous avons trop longtemps décidé de leur avenir sans les consulter (« Très bien » sur les bancs du groupe Nouveau centre).

Enfin, et j’en prends l’engagement devant vous, aucune mesure coercitive ne sera prise (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe Nouveau centre ; exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

EADS

M. Camille de Rocca Serra – L’entreprise EADS est sous les feux de l’actualité. La commission des finances de l’Assemblée, après celle du Sénat, a longuement auditionné le président de la Caisse des dépôts, le directeur général du Trésor et celui de l’Agence des participations de l’État.

M. Maxime Gremetz – Des profiteurs !

M. Camille de Rocca Serra – Nous voulons, Madame la ministre de l’économie, faire le point sur cette affaire avec vous. Les discussions récentes se sont focalisées sur le rôle de l’État, mais il ne faut pas oublier le cœur du problème, à savoir les dysfonctionnements internes d’EADS dans la gestion des retards de l’A380. Les discussions récentes ont également mis en lumière les contraintes tenant au pacte d’actionnaires négocié en 1999.

EADS n’en reste pas moins une très grande entreprise française et européenne. Par-delà les polémiques actuelles, je pense à l’ensemble des 116 000 salariés de l’entreprise et à ses nombreux sous-traitants, qui ont fait de l’aéronautique française une filière d’excellence (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Jean-Pierre Brard – Et que faites-vous d’Arnaud Lagardère ?

M. Camille de Rocca Serra – Pouvez-vous nous dire, Madame la ministre, comment le Gouvernement entend éviter que de telles difficultés se renouvellent ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP ; brouhaha sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi Dès son élection, le Président de la République a fait d’EADS un dossier prioritaire. Le 16 juillet 2007, il annonçait ainsi, en compagnie de Mme Merkel, un réexamen de la gouvernance dans le cadre du maintien de l’équilibre franco-allemand et sur la base d’un commandement unique des entreprises EADS et Airbus, placées sous la présidence de M. Grube et sous la direction de M. Gallois, afin de mettre fin au système de coprésidence, nuisible à l’efficacité de l’entreprise.

Nous avons également constitué deux groupes de travail, qui seront chargés de faire des propositions sur l’évolution de l’actionnariat et sur les dispositifs de protection des intérêts nationaux, qui nous semblent indispensables dans une entreprise aussi stratégique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Je voudrais aller dans votre sens, Monsieur le député : nous devons aider cette entreprise, ses 116 000 salariés et tous ses sous-traitants, qui concourent à faire de l’aéronautique française un champion français, allemand et européen (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Je voudrais d’ailleurs saluer leur succès commercial : la première livraison d’un Airbus A380 à Singapore Airlines aura lieu la semaine prochaine. Depuis le début de l’année, 854 appareils ont été commandés, ce qui permet à l’entreprise de rivaliser grandement avec son concurrent Boeing. Soyons-lui en reconnaissants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EADS

M. Jérôme Cahuzac – Les préoccupations concernant la situation actuelle d’EADS – et son avenir – ne sont pas inégalement partagées sur ces bancs : nous nous en soucions tous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Bapt vous a hier interrogé, Madame la ministre, sur le rôle que M. Lagardère pourrait continuer à jouer au sein des instances dirigeantes d’EADS avec l’accord du Gouvernement. Votre réponse n’a pas été convaincante, car vous semblez avoir confondu, involontairement ou non, assemblée générale et conseil d’administration, ce qui m’étonne compte tenu de votre passé professionnel. Je vous repose donc la question. S’exprimant quelques heures après vous, le directeur du Trésor n’a d’ailleurs pas corroboré vos propos : il les a mêmes contredits !

Le 22 octobre prochain se tiendra l’assemblée générale des actionnaires d’EADS. L’État, qui y assistera, dispose de droits de vote. Quelles instructions donnerez-vous donc quand il s’agira de décider si M. Lagardère doit être désigné, ou non, membre du conseil d’administration ? Et n’invoquez pas le pacte d’actionnaires, car l’État n’est en rien contraint de désigner M. Lagardère !

Par ailleurs, M. Pontet, président du conseil d’administration de la SOGEADE – l’un des principaux actionnaires d’EADS – doit être bientôt remplacé. Or, il nous indiquait hier que son successeur serait M. Lagardère (Exclamations bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Demanderez-vous au représentant de l’État de voter en sa faveur ? M. Lagardère préfère être jugé incompétent plutôt que malhonnête, mais le Gouvernement juge peut-être qu’il n’est ni l’un ni l’autre.

M. Maxime Gremetz – Il est les deux !

M. Jérôme Cahuzac – Son habileté à accumuler les profits justifie-t-elle sa désignation dans ces deux instances, alors que dix mille emplois sont supprimés dans cette entreprise en crise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicain ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Je tiens d’abord à rendre hommage aux agents de mon administration qui ont témoigné devant les commissions parlementaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Plusieurs députés SRCDV – C’est la moindre des choses !

Mme la Ministre - Par souci de transparence, j’ai demandé à l’Inspection générale des finances de me présenter dès demain un rapport sur l’attitude des services de l’État dans cette affaire. Il ne fera que confirmer, j’en suis sûre, que chacun s’est acquitté de sa mission en toute bonne foi.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – À quoi tout cela rime-t-il ?

Mme la Ministre – Quant au maintien de M. Lagardère au conseil d’administration d’EADS, il faut se référer au pacte d’actionnaires (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), négocié par le gouvernement de M. Jospin (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP), et aux termes duquel l’État ne désigne aucun des membres de ce conseil. Les deux administrateurs du « bloc français » sont désignés par la SOGEADE sur proposition du groupe Lagardère. Celui-ci a donc proposé la désignation de M. Lagardère, déjà administrateur (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Au secours !

Mme la Ministre - La composition finale du conseil d’administration sera adoptée le 22 octobre à Amsterdam par EADS N.V.

M. Jean-Pierre Brard – C’est la prime au voleur !

Mme la Ministre - Toujours conformément au pacte d’actionnaires, les actions qu’il détient directement ou par le biais de la SOGEADE ne donnent aucun droit de vote à l’État.

M. Bernard Deflesselles – Vous avez votre réponse !

Mme la Ministre - Nous ne faisons donc qu’appliquer un pacte conclu par le gouvernement de M. Jospin ! Quant à la SOGEADE, il a été décidé en juillet dernier qu’elle serait présidée par M. Lagardère, afin de préserver l’équilibre franco-allemand du groupe (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

POLITIQUE FISCALE

M. Jean-Claude Sandrier – Pourquoi, Monsieur le Premier ministre, faire aux plus riches un cadeau fiscal de quinze milliards alors que l’État est annoncé « en faillite » ? Vous trompez nos concitoyens sur le prétendu « trou » de la Sécurité sociale, que le remboursement de ce que lui doit l’État et la taxation des stock-options suffiraient à combler. Vous réclamez 800 millions de franchises médicales à la majorité des Français, tout en offrant la même somme en exonérations fiscales à quelques-uns, et vous osez encore parler d’égalité ! Au fond, vous persistez à dilapider les ressources de l’État (Protestations sur les bancs du groupe UMP) pour mieux déplorer sa faillite. Les inégalités ne cessent de croître, et la croissance de ralentir.

M. Yves Nicolin – Baratin !

M. Jean-Claude Sandrier – Faute de libérer l’initiative, vous n’avez fait que libérer les dividendes des gros actionnaires en une course au fric qui permet à une véritable voyoucratie financière de s’épanouir dans les paradis fiscaux (Protestations sur les bancs du groupe UMP), et sous votre protection, qui plus est !

L’argent coule à flots. De quelle faillite parlez-vous donc ? S’agit-il de la chute du pouvoir d’achat des Français, de la précarisation de leurs emplois ? À qui profite cette politique ? (Acclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Nos longs débats de cet été auraient dû vous éclairer sur la politique du Gouvernement en matière d’emploi et de pouvoir d’achat. Je vous en rappelle les points principaux : le financement des heures supplémentaires d’abord, mieux rémunérées et non imposées. À qui profite cette politique ? Aux travailleurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) La déductibilité des intérêts d’emprunt, ensuite : à qui profitera-t-elle ? À la majorité de nos concitoyens, qui s’endettent pour devenir propriétaires ! (Mêmes mouvements) Les exonérations sur les droits de succession, enfin : ils profiteront à 95 % des Français ! (Mêmes mouvements) Telle est notre politique : récompenser le travail et faciliter la transmission de son fruit ! (Même mouvement, exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

INDEMNISATION DES VICTIMES D’INFRACTIONS PÉNALES

M. Jean-Philippe Maurer – Plus de 70 000 victimes d’infractions pénales attendent l’indemnisation qu’elles ont obtenue par jugement. Tel est le cas, par exemple, d’une victime dont la voiture a été dégradée au cours de violences urbaines. L’auteur a été condamné à lui verser mille euros, mais elle ne les a toujours pas reçus un an après les faits, et n’a donc pu effectuer les réparations nécessaires.

Elle a pourtant fait appel à un huissier de justice, et donc engagé des frais, mais sans garantie de résultat. Les victimes, déjà atteintes psychologiquement, sont donc dans l’obligation de dépenser du temps et de l’argent si elles ne veulent pas abandonner tout espoir de récupérer la somme que le juge leur a allouée. Quelles dispositions entendez-vous prendre pour remédier à cette situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Je souhaite replacer les victimes au cœur du système judiciaire et j’ai reçu hier toutes les associations concernées pour leur présenter des mesures en ce sens, l’une des plus attendues étant la création d’un service d’assistance au recouvrement des indemnisations des victimes d’infractions. Actuellement, trois quarts des victimes ne sont pas indemnisées, d’abord parce qu’elles n’ont souvent pas les moyens de faire exécuter la décision de justice, et surtout parce que, pour la plupart, elles ne souhaitent pas avoir de contact avec la personne condamnée. Ce service procédera au recouvrement des indemnisations et pourra faire des avances forfaitaires aux victimes, qui n’auront aucun contact avec l’auteur des faits. C’est aussi cela, la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre)

RÉFORME DES RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE

Mme Marie-Anne Montchamp – Monsieur le ministre du travail, vous recevez aujourd’hui les partenaires sociaux et les représentants des entreprises publiques pour discuter d’une réforme très attendue par les Français (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), car c’est une réforme d’équité : la réforme des régimes spéciaux de retraite. Vous avez fait le choix de la concertation et du débat, avec tous les acteurs concernés certes, mais aussi au Parlement. Des premiers échanges de vues a été tiré un document d'orientation qui sert de base aux rencontres d’aujourd’hui. Quel est votre sentiment sur l’avancement des discussions et quelles sont les réactions des partenaires sociaux aux principaux axes d’orientation de la réforme ? Quelles sont enfin les prochaines échéances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Cette réforme attendue est essentielle, car les Français souhaitent être à égalité en matière de retraite, notamment en ce qui concerne la durée de cotisation. Il faut bien sûr apporter des garanties aux agents des régimes spéciaux concernés et leur assurer une bonne visibilité, mais, faute de réforme, d’ici quinze ans le versement des pensions ne pourrait plus être assuré. J’ai donc engagé, comme l’ont souhaité le Président de la République et le Premier ministre, une concertation qui doit durer toute la journée. Tous les interlocuteurs sont venus, sans exception. Je leur ai communiqué un document d’orientation fixant les principes de l’harmonisation : en 2012, l’ensemble des agents auront à cotiser quarante années et seront assujettis au régime de la décote et de la surcote, comme l’ensemble de la fonction publique. Les pensions de retraite suivront la hausse des prix, ce qui garantit le maintien de leur pouvoir d’achat, et les clauses qui obligent les agents de certaines entreprises à partir à 50 ou 55 ans même s’ils n’ont pas une pension complète, seront supprimées.

Des négociations doivent aussi avoir lieu dans les entreprises, afin de tenir compte de la spécificité des métiers : le système actuel des bonifications sera maintenu pour les agents en poste au nom des droits acquis, mais il devra être rediscuté pour l’avenir. La question des avantages familiaux et celle du handicap feront aussi partie de ces discussions d’entreprise. La détermination du Gouvernement est entière, car il s’agit d’une question d’équité et de justice sociale.

Le document d’orientation donne la possibilité aux entreprises d’engager ces négociations sans tarder, afin d’assurer enfin la justice sociale attendue par nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

PULVÉRISATION DE PESTICIDES À LA RÉUNION

M. Patrick Lebreton – Le scandale de l'usage massif d'un puissant pesticide dans la culture de la banane à la Martinique a révélé les insuffisances du dispositif d'évaluation des risques et des structures de contrôle, mais également le faible cas que les autorités semblent accorder d'une manière générale aux départements d’outre-mer. Début 2006, afin de lutter contre la prolifération des moustiques vecteurs de la maladie du chikungunya à la Réunion, l’État a organisé une pulvérisation massive d'insecticides à base de fénitrothion, substance active nocive à l'usage précisément encadré. Elle est utilisée principalement pour le traitement local d'arbres fruitiers ou la désinfection de locaux fermés, mais en aucun cas il n’est question de pulvérisations massives, comme cela a été le cas à la Réunion. En outre, les autorisations de mise sur le marché des produits à base de fénitrothion révèlent toutes le caractère nocif de cette substance notamment par les voies respiratoires, et recommandent de tenir ces produits hors de portée des enfants. Plus préoccupant encore est le retrait définitif par la commission d'étude de la toxicité des produits phytosanitaires, en juin 2006, de l'autorisation de mise sur le marché des produits Fenitrothion dusting powder et Fenitrothion wettable powder commercialisés par la société Rentokil.

M. le Président – Monsieur Lebreton, veuillez poser votre question (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Patrick Lebreton – Quels sont précisément les produits et les substances qui ont été utilisés à la Réunion lors de la campagne d'éradication ? Y a-t-il eu du fénitrothion, en quelle quantité et pendant combien de temps ? Aucune évaluation préalable des risques liés à l'épandage massif de pesticides n’ayant été effectuée, avez-vous envisagé, avant que des effets irréversibles n’apparaissent, de créer un comité d'étude sur l’impact des pesticides sur la santé de la population de la Réunion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Tous ces produits, qu’il s’agisse des pesticides, utilisés dans les cultures, ou des biocides, destinés à la protection des individus et la lutte anti-vectorielle, font l’objet d’une surveillance constante et très détaillée. Leur utilisation à la Réunion ne doit pas être rapprochée de celle du chlordécone aux Antilles, car les cultures de la Réunion sont beaucoup moins consommatrices de ces produits que celles de la banane ou du coton par exemple.

Une surveillance continue a été mise en place aux Antilles, à la Réunion et, naturellement, en métropole, sous trois formes : surveillance des pesticides dans l’eau ; plan de réduction des risques liés à l’exposition aux produits phytopharmaceutiques – ni l’un ni l’autre ne révèlent d’indicateur dérivant à la Réunion ; surveillance de la contamination des milieux naturels par les produits utilisés dans le cadre de la lutte antivectorielle, dont j’ai demandé qu’elle repose de manière privilégiée sur des moyens mécaniques. J’ai également demandé à l’Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail – l’AFSSET – une étude très précise sur les coûts, les bénéfices et les risques respectifs de chaque produit afin de recourir aux produits les moins toxiques. En outre, des consignes extrêmement détaillées à destination de la population encadrent les périodes de démoustication. Quant au produit que vous avez évoqué, couramment appelé téméphos, s’il a fait l’objet d’une autorisation très limitée dans le cadre de la lutte antivectorielle contre l’épidémie de chikungunya, il a été retiré du marché dès février 2007 (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

PRIX NOBEL DE PHYSIQUE

M. Philippe Vitel – La science française est une nouvelle fois à l’honneur. Quelle fierté et quelle joie que la remise à notre compatriote Albert Fert du prix Nobel de physique, qu’il partage avec le physicien allemand Peter Grünberg ! (Vifs applaudissements sur tous les bancs). C’est la 49e fois – et la 12e fois pour la physique – que notre pays se voit décerner le prix Nobel, prix que Marie Curie est la seule à avoir reçu à deux reprises. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette nouvelle consécration, après l’attribution du prix Nobel de chimie à Yves Chauvin et de la médaille Fields 2006 à Wendelin Werner, représentant d’une école mathématique française performante et dynamique. Mais n’oublions pas que la recherche et l’innovation reposent moins sur la célébration du passé que sur les promesses de l’avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre)

Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, quelles leçons peut-on tirer de ces succès ? De quelle manière la politique que vous mettez en œuvre aujourd’hui garantira-t-elle demain l’excellence scientifique de notre pays ? Comment assurerez-vous une relève de qualité dans les métiers de la recherche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche – La remise, hier, du prix Nobel de physique au professeur Alfred Fert pour ses travaux sur la magnétorésistance géante honore en effet la recherche française, l’université d’Orsay et le CNRS. Elle récompense des recherches sur l’infiniment petit, qui ont permis l’élaboration de disques durs minuscules entrant notamment dans la composition des téléphones mobiles ou des lecteurs MP3.

Quels enseignements en tirer ? Tout d’abord, les nanosciences – qui permettent de construire de nouveaux objets molécule après molécule, atome après atome – constituent un défi prometteur que devra relever la recherche ; c’est à juste titre que le Président de la République les considère comme l’une de nos cinq priorités en matière de recherche (Acclamations sur quelques bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

En outre, ce prix incarne l’indispensable décloisonnement entre recherche fondamentale et recherche appliquée, comme entre recherche publique et privée, puisque c’est au sein d’un laboratoire commun Thalès-CNRS-Orsay que le professeur Fert a mené à bien ses travaux, dont les conséquences sur l’informatique, les télécommunications et les médias seront considérables. C’est là une autre des priorités du Gouvernement (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Nous devons également développer bien davantage la culture des brevets au sein de nos laboratoires de recherche (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). Je me félicite de l’avancée que constitue à cet égard la ratification du protocole de Londres par le Parlement (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Nous devons aussi développer la coopération franco-allemande en la matière, pour créer un espace européen de la recherche.

Quant à l’attractivité des métiers de la recherche pour les jeunes générations, à l’heure où 20 % des membres du CNRS s’apprêtent à prendre leur retraite, elle passe à mes yeux par la revalorisation du doctorat, qui doit constituer une expérience professionnelle à part entière. C’est pourquoi, le 1er octobre dernier, la rémunération mensuelle des allocataires-moniteurs a été augmentée de 8 %, ce qui l’élève à 2 000 euros.

Enfin, pour que nos chercheurs bénéficient de conditions de travail dignes du xxie siècle, le Gouvernement consacrera à l’université et à la recherche 9 milliards d’euros au cours des cinq années à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

DRAME DE LORMONT

M. Jean-Paul Garraud – Madame la ministre de la santé, dimanche dernier, à l’aube, un homme interné à l’hôpital psychiatrique de Cadillac, où il bénéficiait d’une permission de sortie, aurait égorgé et mutilé à l’arme blanche sa propre mère. Cet acte de sauvagerie, qui s’est déroulé à Lormont, dans la banlieue de Bordeaux, évoque la tuerie de Pau, au cours de laquelle deux infirmières avaient été assassinées par Romain Dupuy, déclaré par la suite pénalement irresponsable. L’auteur présumé du crime de Lormont est déjà connu pour des actes de violence graves et répétés : en mars 2001, il égorgeait un codétenu à la maison d’arrêt de Gradignan ; c’est en outre la quatrième fois qu’il doit être maîtrisé par le Groupe d’intervention de la police nationale – le GIPN. Mais, depuis 2001, il n’est plus placé sous main de justice – selon la formule du procureur de la République de Bordeaux – et a été admis dans l’unité pour malades difficiles – UMD - de l’hôpital de Cadillac, où il a été soigné pendant des années avant d’être transféré dans une clinique psychiatrique conventionnelle, puis de bénéficier de permissions de sortie après avis médical.

Ce drame met une nouvelle fois en cause l’évaluation de la dangerosité de certains délinquants et malades mentaux. Le 18 octobre 2006, après six mois de collaboration avec le ministère de la justice et vos services, Madame la ministre, j’ai remis au Premier ministre un rapport contenant 21 propositions préconisant notamment le renforcement des UMD, la mise en place rapide des unités hospitalières spécialement aménagées – UHSA -, l’amélioration de la coordination entre ministères de la justice, de la santé et de l’intérieur, l’obligation de soins ambulatoires, la modification du régime de la sortie d’essai et la préparation des suites de la levée de l’hospitalisation d’office.

Même si le « risque zéro » n’existe pas, quelles mesures envisagez-vous afin de protéger nos concitoyens de la folie meurtrière de quelques malades mentaux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Le drame de Lormont était aussi imprévisible qu’épouvantable : les visites que le malade rendait à sa famille depuis le début de l’année, grâce à une permission de sortie fortement encadrée par les autorités médicales et administratives, semblaient se dérouler très bien. Une enquête médico-administrative est en cours, menée par la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales – DDASS - de Gironde. J’en attends les conclusions.

Quelles mesures le Gouvernement a-t-il prises ou compte-t-il prendre concernant les malades mentaux dangereux ? Un projet de loi est en préparation à la Chancellerie… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Arnaud Montebourg – Encore une loi !

M. le Président – Il s’agit d’une question particulièrement délicate ; veuillez écouter la ministre.

Mme la Ministre - …, auquel mes services et moi-même contribuerons activement. Par ailleurs, nous allons ouvrir en 2008 une cinquième unité pour malades dangereux, portant la capacité de ces unités à 500. De même, j’ouvrirai neuf nouvelles unités hospitalières spécialement aménagées en 2008, soit une augmentation de 460 places. Pour le suivi des personnes après leur incarcération, j’ai triplé le nombre des médecins coordonnateurs, tout en augmentant significativement leur rémunération, pour rendre ces carrières plus attractives et développer le suivi médico-judiciaire. Cette question est une priorité du Gouvernement. Vos préconisations, que nous avons reprises, ont été extrêmement utiles (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

CESSION DE GAZONOR

M. Jean-Pierre Kucheida – Monsieur le Premier ministre, la société Charbonnages de France, qui doit réaliser ses actifs avant sa fin prévue le 1er janvier 2008, entend céder sa filiale Gazonor, exploitante du gaz de mine, ou grisou, dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, à l’opérateur australien EGL, soutenu par l’homme d’affaires belge Albert Frère et basé – pour la transparence – à Monaco (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Le bassin, qui a connu tous les malheurs, ne peut imaginer que votre gouvernement autorise cette opération. Tous ses élus, de droite comme de gauche, se sont mobilisés pour défendre notre population et notre industrie, en proposant un projet régional viable et innovant, car le grisou doit devenir un élément de notre renaissance.

Sans faire d’amalgame avec d’autres affaires (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), et au nom de nos mineurs, victimes des catastrophes, des accidents du travail ou de la silicose, comme au nom de leurs veuves, ne laissez pas des financiers sans scrupules se saisir de ce symbole de l’épopée minière ! Quelle sera votre décision ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi La certitude, au moins, c’est que vous parlez d’énergie. On ne sait pas toujours de laquelle ; ici, il s’agit des Charbonnages de France ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. le Président – Un peu de calme, je vous prie.

Mme la Ministre - Le Gouvernement a défini des critères pour la cession de la filiale Gazonor, en souhaitant que cette opération contribue au maintien de l’activité d’extraction de gaz de mine et à la pérennisation d’une activité durable dans le bassin d’emploi du Nord-Pas-de-Calais, qui a grand besoin d’une industrie qui le revitalise. La direction des Charbonnages de France m’a assuré que la société EGL avait élaboré un véritable projet d’entreprise pour Gazonor. La procédure de mise en concurrence a été parfaitement régulière et transparente, au terme de laquelle EGL s’est montrée la mieux-disante sur les plans tant financier qu’industriel (Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

En outre, ce groupe, qui dispose déjà de licences d’exploitations en Europe, a un plan d’investissement de vingt ans dans la région. Il s’agit d’une opération pérenne ! Nous n’avons rien contre les investisseurs internationaux ; rien non plus contre l’Australie, sauf peut-être au rugby ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe Nouveau Centre ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

UNIVERSITÉ ET HANDICAP

Mme Françoise Guégot – Les étudiants handicapés rencontrent de nombreuses difficultés, parfois insurmontables, au moment de la rentrée universitaire, faute pour les établissements d’avoir préparé suffisamment en amont leur accueil. Aujourd’hui, 9 000 personnes handicapées suivent des études à l’université, parmi lesquelles 20 % de handicapés moteurs, 15 % de déficients visuels et 11 % de déficients auditifs. Même si leur nombre augmente – à la rentrée 2006, 840 jeunes handicapés de plus ont pu entrer à l’université, nous sommes encore loin des 60 000 étudiants handicapés que compte la Grande-Bretagne !

La loi sur l’autonomie des universités, adoptée cet été, confie au président d’université la responsabilité de l’accessibilité des locaux et des enseignements aux personnes handicapées. Dans le prolongement de la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, cette réforme appelle la mobilisation de tous les acteurs. À Rouen, par exemple, un véritable lieu d’accueil a été créé au sein de la maison de l’université. Des solutions innovantes, adaptées et personnalisées sont nécessaires.

Madame la ministre de l’enseignement supérieur, vous avez signé, le 5 septembre, une Charte « université handicap », avec vos collègues Xavier Bertrand et Valérie Létard, et le premier vice-président de la Conférence des présidents d’université, M. Finance. En quoi cette Charte répond-elle aux attentes de ces jeunes et de leurs familles ? Enfin, trop d’élèves de terminale renonçant à poursuivre leurs études, quelles sont les pistes envisagées pour favoriser leur insertion dans l’enseignement supérieur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre)

Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche – Vous avez tout dit ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) En Grande-Bretagne : 60 000 étudiants handicapés ; en France : seulement 9 000 ! C’est tout l’enjeu. Et c’est pourquoi le Gouvernement s’est fixé l’objectif d’accueillir mille personnes handicapées supplémentaires à l’université chaque année.

La loi du 11 février 2005 a fait bouger l’ensemble de la société française. Elle impose aux universités de se rendre accessibles d’ici 2001, à tous les étudiants, personnels et enseignants-chercheurs. Au-delà de l’accessibilité des bâtiments, il y a la question fondamentale de l’accès aux savoirs et à la connaissance. Je pense à l’étudiant déficient visuel qui a besoin d’outils informatiques adaptés, à l’étudiant sourd qui a des difficultés à prendre des notes tout en lisant sur les lèvres ou en suivant une traduction en langue des signes, à l’étudiant polyhandicapé qui a besoin d’être accompagné dans tous les actes de la vie quotidienne. Il faut, pour chacun, une réponse individualisée. C’est pourquoi j’ai signé le 5 septembre dernier, avec Xavier Bertrand, Valérie Létard et les présidents d’université, la charte Université et handicap que vous avez évoquée, en vue de généraliser les dispositifs qui existent déjà à Rouen, avec un service d’accueil chargé de définir un projet adapté au handicap de chacun.

Nous devons en outre poursuivre l’effort de construction de logements adaptés aux situations de grande dépendance, même s’il faut se réjouir que chaque résidence CROUS en comporte désormais.

Enfin, dans la loi pour l’autonomie des universités, nous permettons aux établissements de recruter des étudiants en qualité d’auxiliaires de vie, en vue d’intégrer de manière solidaire les étudiants handicapés.

Je tiens à saluer l’action des associations qui nous aident à relever tous ces défis. 4 millions d’euros supplémentaires à la rentrée, 14 millions de plus en 2008 : tels sont les moyens que nous allons mobiliser pour l’accueil des étudiants handicapés, et je vérifierai à chacun de mes déplacements sur le terrain que l’intégration continue de progresser (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe Nouveau centre).

INFRASTRUCTURES FERROVIAIRES DANS LES MASSIFS MONTAGNEUX

M. Joël Giraud – Permettez-moi de dire que la question grave qu’a posée tout à l’heure M. Kucheida méritait, de la part de Mme la ministre de l’économie et des finances, une réponse moins désinvolte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

La deuxième conférence internationale sur le changement climatique et le tourisme vient de s'achever à Davos, et les experts mondiaux sont formels : devant la croissance continue du secteur du tourisme, les émissions de gaz à effet de serre vont augmenter de 150 % dans les 30 prochaines années, les trois-quarts de cette augmentation étant liées aux transports. Il faut donc créer des conditions favorables à la mobilité interne et externe, en développant les transports collectifs dans les zones touristiques, en particulier en montagne où le réchauffement climatique est particulièrement dévastateur. Cela impose de mener une politique volontariste de création d'infrastructures ferroviaires dans les massifs, là où elles font défaut, ou lorsque le trafic des poids lourds devient trop intensif. Dans les régions les plus touristiques, il faut en outre donner aux collectivités les moyens financiers d'organiser la mobilité interne.

Pour l’heure, Monsieur le ministre d’État, les signes négatifs s'accumulent : le plan fret ferroviaire sacrifie des branches entières, notamment dans les zones de montagne où le transport des eaux issues des usines d’embouteillage est reporté sur la route ; nombre de grandes infrastructures ne sont pas financées, à l’instar de l’accès français au Lyon-Turin ; la recherche de partenariats public-privé semble abandonnée, comme si l'on craignait d’accompagner les entreprises privées alors qu’elles s'intéressent de plus en plus au développement durable ; quant au système du versement transport, il prend en compte les populations carcérales - dont la mobilité est pourtant réduite ! - mais pas la population touristique, comme si le pays pouvait encore ignorer son industrie touristique. Enfin, comment ne pas déplorer l’inertie de la France, censée présider la conférence alpine, sur le thème, pourtant choisi par elle, du tourisme durable – inertie qui consterne les gouvernements allemand, suisse et autrichien, qui ont su, eux, anticiper.

Ma question est triple, et devrait soulever l'enthousiasme de celui qui est à l'origine du Grenelle de l’environnement, dont nous sommes nombreux à chercher en vain le volet transports. D’abord, êtes-vous prêt à modifier rapidement le décret relatif au versement transport pour prendre en compte les populations touristiques et permettre aux collectivités concernées d'organiser efficacement leur mobilité interne ? Ensuite, êtes-vous prêt à restreindre le trafic des poids lourds, en imposant au gouvernement italien, d'ici à la prochaine conférence intergouvernementale franco-italienne, de réduire les zones de dérogation que votre prédécesseur a imprudemment accordées, afin de revenir sous les seuils d'insécurité des cols alpins… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Concluez, je vous prie.

M. Joël Giraud – Enfin, êtes-vous prêt, conformément aux engagements du contrat de projets 2007-2013, à lancer le débat public qui permettra le désenclavement ferroviaire des Alpes du sud, afin de leur éviter de se transformer en couloirs à camions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports – Dans le cadre du Grenelle de l’environnement organisé sous l’autorité de Jean-Louis Borloo (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), le fret ferroviaire figure parmi les priorités, car nous avons besoin d’intermodalité, de co-modalité et de report modal. Nous mettrons donc l’accent sur les autoroutes ferroviaires et la modernisation de la société nationale, car il est anormal que le fret ferroviaire gagne des parts de marché dans tous les pays européens, même l’Angleterre, et recule en France.

Le Premier ministre et le ministre d’État souhaitent que soit dressée une nouvelle carte des infrastructures ferroviaires, dans laquelle la liaison Lyon-Turin revêtira une importance toute particulière. Nous avons demandé des financements à la Commission européenne, et l’Italie est désormais extrêmement motivée : je gage donc que le projet avancera rapidement.

Je retiens, Monsieur le député, votre très pertinente suggestion de modifier le versement transport dans les zones touristiques : je vous propose que nous l’examinions ensemble, avec l’association des maires des communes touristiques. Quant à la réduction du trafic des poids lourds dans l’arc alpin, elle est tout à fait conforme à nos objectifs, et je suis persuadé que le Grenelle nous permettra de dégager des solutions alternatives adaptées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue à 16 heures.

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