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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 18 octobre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
15ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 – PREMIÈRE PARTIE – (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2008.

APRÈS L'ART. 6 (AMENDEMENT PRÉCÉDEMMENT RÉSERVÉ)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale se poursuit en ce moment en commission, autour de Mme Montchamp, rapporteure pour avis. Certains membres de la commission ne pourront donc pas participer à nos travaux dans l’hémicycle.

J’en viens à mon amendement 148, dont l’objet est de rétablir une certaine équité fiscale entre les titulaires de produits d’épargne solidaire de partage, produits financiers dont une partie des intérêts est consacrée à des œuvres solidaires – aide au développement, insertion par l’emploi ou le logement, lutte contre les exclusions, écologie, éducation. Lorsque l’épargnant opte pour le prélèvement forfaitaire libératoire, il se trouve pénalisé dans la mesure où il acquitte l’impôt non seulement sur les revenus qu’il perçoit effectivement, mais aussi sur ceux qui ont fait l’objet d’un don, et qu’il ne perçoit donc pas.

Or, ce type d’épargne doit être encouragé, comme l’a encore indiqué hier le Président de la République. C’est pourquoi l’amendement 148 tend à fixer à 0 % le taux du prélèvement obligatoire forfaitaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – Votre objectif est louable, mais on peut s’interroger sur les modalités retenues : si l’on vous suivait, la fraction de revenus considérée bénéficierait à la fois d’une réduction de 66 % au titre de l’impôt sur le revenu, parce qu’il s’agit de dons, et d’une exonération du prélèvement libératoire forfaitaire. Ne vaudrait-il pas mieux prévoir un minimum d’imposition, afin de ne pas déroger au principe selon lequel deux aides fiscales ne peuvent être cumulées sur la même assiette ?

M. le Président de la commission - J’entends bien vos réserves, et je suis prêt à rectifier l’amendement, en fixant le taux du prélèvement à 5 % au lieu de 0 %. Cela étant, j’observe qu’il existe une double aide fiscale pour les investissements outre-mer et pour l’ISF, avec des effets bien plus considérables que la mesure en cause…

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Même rectifié, cet amendement 148 reste tout de même assez unique dans notre droit fiscal puisqu’il tend à superposer deux mécanismes d’aide différents : une réduction d’impôt sur le revenu et une taxation des dividendes à 5 % au lieu de 16 %. Est-ce vraiment souhaitable ? Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, et je lève le gage.

L'amendement 148 rectifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7 (AMENDEMENTS PRÉCÉDEMMENT RÉSERVÉS)

M. Michel Sapin – Comme nous l’avons déjà indiqué lors de l’examen de la loi TEPA, celle-ci aboutit à une contradiction : vous avez exonéré d’impôt sur le revenu les heures supplémentaires, mais sans remettre en question leur prise en compte dans le calcul du revenu imposable. De ce fait, certains salariés risquent de perdre le bénéfice des avantages sociaux accordés en fonction de leur revenu fiscal. L’objet de l’amendement 212 est de lever cette contradiction.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. La prime pour l’emploi évolue selon une courbe en cloche en fonction du revenu : d’un montant maximal juste au dessus du SMIC pour un salarié célibataire, elle n’est perçue que si le temps de travail dépasse 30 % de la durée légale – ce qui est normal dès lors que l’objectif est d’encourager le travail. Grâce à la prise en compte des heures supplémentaires, certains travailleurs à temps partiel atteindront ce seuil de 30 % et bénéficieront d’un gain supplémentaire, le revenu fiscal servant de référence pour le versement de la prime. Ceux qui touchent 1,2 ou 1,3 SMIC sortiront certes du dispositif, mais les montants qu’ils percevaient étaient déjà faibles.

Le gain annuel, avant impôt, d’un salarié au SMIC qui continuerait à travailler 39 heures dans une entreprise de moins de vingt salariés sera ainsi de 670 euros, et de 692 euros avec la PPE. Il reste donc gagnant. Un salarié qui passerait de 35 à 39 heures aura un gain annuel avant impôt de 2 194 euros, et 1 880 euros compte tenu de la diminution de la PPE. Il y perd, mais le gain tiré des heures supplémentaires fait plus que compenser cette perte.

Mieux vaut donc intégrer les heures supplémentaires dans le revenu fiscal de référence. Nous favoriserons ainsi ceux qui travaillent à temps partiel, souvent sans l’avoir choisi. Il en résultera seulement une baisse plus importante de la PPE pour ceux qui sont à temps plein, en particulier lorsque leur revenu dépasse légèrement le niveau du SMIC.

M. le Ministre – Avis défavorable à cet amendement contre-productif. Il serait paradoxal, en minorant le revenu fiscal de référence, de restreindre par ricochet l’accès à la PPE.

M. Jean Launay – Je souhaite répondre.

M. le Président – Le Règlement ne le prévoit pas (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

L'amendement 212, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Sapin – L’amendement 239 est défendu.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Les personnes dépendantes bénéficient de l’allocation personnalisée d'autonomie et il n’y a pas lieu de transformer l’actuelle réduction d’impôt en crédit d’impôt comme vous le demandez.

L'amendement 239, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Sapin – L’amendement 217 est défendu.

L'amendement 217, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – Par l’amendement 2, la commission souhaite étendre le bénéfice de la réduction d’impôt aux dons effectués en faveur des associations de défense des consommateurs.

M. le Ministre – Le Gouvernement soumettra sous peu un texte relatif à la consommation où cette mesure aurait toute sa place, mais si votre Assemblée souhaite anticiper et adopter cette mesure dès maintenant, je m’en remettrai à sa sagesse.

M. le Rapporteur général – Je retire l’amendement.

M. le Président – L’amendement 2 est donc retiré, et nous passons…

M. Michel Sapin – Je le reprends.

M. le Président – Il n’est plus temps, Monsieur Sapin, nous sommes passés à l’examen de l’amendement suivant (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Michel Sapin – L’amendement 218 est défendu.

L'amendement 218, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Sapin – L’amendement 278 est défendu, et je ne doute pas que celui-là au moins sera mis aux voix, puisqu’il va dans le sens souhaité par la commission !

M. le Rapporteur général – Cet amendement rejoint en effet l’amendement que je viens de retirer, et la commission l’avait accepté, mais nous ignorions alors que le Gouvernement présenterait prochainement un texte consacré à la consommation. Il serait préférable, par souci de cohérence, d’examiner votre proposition dans ce cadre et je vous invite donc à la retirer.

M. Michel Sapin – Le ministre s’en est tout à l’heure remis à la sagesse de l’Assemblée, montrant ainsi qu’il ne s’opposait pas à l’adoption de l’amendement. Nous le maintenons, car nous souhaitons voir la mesure appliquée au plus tôt.

M. le Président – Le Gouvernement lève-t-il le gage ?

M. le Ministre – Non, Monsieur le président, car le Gouvernement exprime un avis défavorable à l’amendement 278, qui n’est pas exactement identique à l’amendement 2 retiré par votre rapporteur général.

L'amendement 278, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Par l’amendement 186, nous encourageons les lecteurs de journaux à soutenir l'indépendance et le pluralisme de la presse écrite d'information générale et politique. Cet amendement trouve un écho particulier…

M. Michel Bouvard – Où cela ?

M. Jean-Pierre Brard – Les lois de la physique trouvent à s’appliquer jusque dans cet hémicycle, cher collègue ! Il trouve, disais-je, un écho particulier après la publication, le 13 juillet dernier, d'une tribune signée par tous les syndicats de journalistes. Ceux-ci soulignent qu’« une information malade, c'est une démocratie en danger » et dénoncent « l'accumulation de faits alarmants qui représentent une menace fondamentale pour l'indépendance et le pluralisme de l'information en France ». Étant donné l’inquiétante emprise des « Sarkoboys » – Bouygues, Arnault, Lagardère, Dassault – sur les médias, il y a en effet de quoi s’inquiéter.

Dans une lettre adressée au Président de la République, les sociétés de journalistes de vingt-sept médias demandent des mesures légales garantissant l'indépendance de la presse. Licenciement d'Alain Genestar, tentatives de perquisitions au Canard Enchaîné dans le cadre de l'affaire Clearstream : les faits parlent d'eux-mêmes. Sans le Canard Enchaîné, nous n’aurions pas su que Mme Lagarde correspond en anglais avec ses collaborateurs, et nous ignorerions encore que bon nombre des membres du Gouvernement précédent, M. Breton en tête, étaient parfaitement au courant de ce qui se tramait au sein d’EADS. C’est dire, s’il en était besoin, tout l’intérêt pour la démocratie française de disposer d’une presse indépendante de Lagardère et consorts.

Et que dire du hold-up médiatique auquel s'adonne quotidiennement le Président Sarkozy – mais est-il si étrange dans un pays où la presse est sous la protection des amis du Président ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Sa sur-occupation des médias est dénoncée, non sans humour, par le Rassemblement pour la démocratie à la télévision – le RDT –, qui a lancé un appel pour une « Journée nationale sans Sarkozy dans les médias »… (Exclamations sur les mêmes bancs)

M. Jean-Frédéric Poisson – Vous vous égarez ! Quel rapport avec ce dont nous traitons aujourd’hui ?

M. Jean-Pierre Brard – Il est très simple : la défense de la liberté d’expression. Dans cet appel, le RDT souligne que les principes démocratiques sont de plus en plus bafoués par une « dictature médiatique » et incite journalistes et citoyens fatigués par l’omniprésence présidentielle dans les médias à s’y opposer…

M. Jean-Frédéric Poisson – En adhérant au PCF, sans doute !

M. Jean-Pierre Brard – …en diffusant largement cet appel – ce que je fais ici même.

Puisque vous vous dites, Monsieur le ministre, adepte de la transparence, faites donc vérifier que les présentateurs stars de TF1 ont bien leur carte de journaliste et qu’ils ne tirent pas le principal de leur revenu de leurs activités de propagande (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Pour toutes ces raisons, j’invite l’Assemblée à adopter l’amendement 186.

M. le Président – Ne pourrions-nous avoir le sentiment, Monsieur Brard, d’une sorte d’omniprésence de votre part dans la discussion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. le Rapporteur général – La commission a exprimé un avis défavorable, pour des raisons que M. Brard connaît parfaitement. La presse bénéficie d’aides sous de multiples formes – tarifs postaux abaissés, réduction d’impôts, mode de calcul des amortissements…– pour un total de plus de deux milliards. Dans la loi de finances pour 2007 encore, nous avons adopté le principe d’une réduction d’impôt en cas de souscription au capital d’une entreprise de presse. De plus, la rédaction de l’amendement, imprécise, permettrait à des lecteurs de se constituer en association pour investir en franchise d’impôt dans l’entreprise de presse de leur choix. Cela n’est ni raisonnable ni utile.

M. le Ministre – Avis également défavorable, car le secteur bénéficie déjà d’aides, certes légitimes, mais il ne faut pas aller au-delà.

M. Jean-Pierre Brard – Je…

M. le Président – Vous avez épuisé votre temps de parole (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Pierre Brard – Mais enfin ! Je dois pouvoir répondre à la commission et au Gouvernement !

M. le Président – Si c’est en quelques mots, oui.

M. Jean-Pierre Brard – Certes, la presse ne manque pas de soutiens avec Lagardère, Arnault, Bouygues, Dassault… qui la contrôlent en quasi-totalité. Mais je parle, moi, de la presse libre, celle qui n’assure pas votre propagande ni celle des grands groupes qui dominent notre économie, et que vous voulez bâillonner en l’asphyxiant par manque d’argent. La soutenir, tel est le prix de la démocratie !

M. le Président – Monsieur Brard, répondre à la commission ou au Gouvernement n’est pas un droit.

M. Jérôme Cahuzac – Je souhaiterais faire un rappel au Règlement.

M. le Président – Je mets aux voix l’amendement 186.

L'amendement 186, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Cahuzac – Rappel au Règlement. Nos débats se déroulaient très bien ce matin : chacun pouvait défendre son point de vue et répondre quand il le souhaitait. Nul ne peut avoir le sentiment que nous avons perdu notre temps. Or, depuis le début de cette séance, le débat ne se déroule plus aussi bien. Afin qu’il retrouve la sérénité, je demande une suspension de séances.

M. le Président – Vous ne pouvez demander une suspension que pour réunir votre groupe.

M. Jérôme Cahuzac – Eh bien, je vais réunir mon groupe.

La séance, suspendue à 15 heures 30, est reprise à 15 heures 40.

M. Jérôme Cahuzac – L’amendement 240 vise à faire bénéficier les personnes célibataires du même crédit d’impôt que les personnes mariées s’agissant des travaux d’économies d’énergie. En effet, l’importance des travaux nécessaires dans un logement est la même que l’on y vive seul ou en couple. J’espère qu’on ne nous répondra pas qu’il faut attendre les conclusions du Grenelle de l’environnement. En effet, il ne s’agit pas d’instituer un nouveau dispositif, mais seulement d’en finir avec une différence de traitement qui ne se justifie pas.

M. le Rapporteur général – La commission a repoussé cet amendement. Vous aviez, croyiez-vous, prévenu l’objection à laquelle tout le monde pense, mais avant toute nouvelle proposition en ce domaine, il faut dresser un état des lieux, et c’est ce qui sera fait dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Un bilan de tous les dispositifs existants d’aides aux travaux d’économies d’énergie, qui se sont empilés au fil des ans et représentent tout de même la bagatelle de 2,4 milliards d’euros, est nécessaire, afin d’évaluer la réelle efficacité de chacun. Soyez patient, Monsieur Cahuzac. Vous aurez sans doute satisfaction, mais après le Grenelle de l’environnement.

M. le Ministre – Je peux comprendre les motivations d’un tel amendement, mais il faudrait évaluer précisément l’incidence budgétaire d’une telle proposition. Il est de toute façon plus sage d’attendre les conclusions du Grenelle de l’environnement qui examinera ces questions dans leur ensemble.

M. Charles de Courson – Cette niche fiscale-là est l’une des douze niches principales. Les sommes en jeu ne sont pas minces : 400 millions en 2005, 990 millions en 2006, 1,9 milliard en 2007 et 2,4 milliards prévus en 2008. Dernière observation : si l’on commence à « défamilialiser » certains dispositifs de ce type, il faudrait tous les remettre à plat de ce point de vue. La prudence semble donc préférable.

L'amendement 240, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Cahuzac – L’amendement 241 est défendu.

L'amendement 241, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Sapin – L’amendement 265 vise à lever une ambiguïté. En effet, l’administration fiscale refuse aujourd’hui le bénéfice de la TVA à taux réduit et du crédit d’impôt sur les travaux d’économies d’énergie aux particuliers qui s’équipent de panneaux photovoltaïques, dès lors que leur production d’électricité excède leur consommation propre et qu’ils en revendent une partie aux réseaux. Cette position entrave donc le développement de ces équipements, qui serait pourtant nécessaire pour augmenter la part des énergies renouvelables.

M. le Rapporteur général – La commission a rejeté l’amendement, estimant que plutôt que de modifier la loi, il suffirait que le ministre précise la doctrine de l’administration.

M. le Ministre – Je confirme que l’ensemble des installations dont la puissance n’excède pas 3 kw peuvent bénéficier du crédit d’impôt et du taux réduit de TVA, qu’EDF achète la totalité de l’énergie produite ou le seul surplus non consommé. Dans le cas, sans doute marginal, où cette puissance serait dépassée, la revente d’énergie est considérée, conformément au droit communautaire, comme une activité commerciale. Peu importe alors le taux de TVA appliqué, puisque le redevable pourra déduire l’intégralité de la taxe acquittée sur l’installation des équipements. Les pouvoirs publics sont très engagés dans le soutien aux énergies renouvelables et en particulier au photovoltaïque. Ces précisions répondant à vos préoccupations, je vous demande de retirer cet amendement, faute de quoi j’en demanderais le rejet.

M. Michel Sapin – Je vous remercie de ces précisions. Je souhaite qu’elles soient bien diffusées auprès de l’administration, car j’ai été saisi d’un très grand nombre de cas de difficultés d’application. Je retire l’amendement.

L’amendement 265 est retiré.

M. Philippe Goujon – Les voitures de petite taille permettent de lutter contre la pollution et de fluidifier la circulation. Notre amendement 25 tend donc à étendre le bénéfice du crédit d’impôt existant pour les véhicules électriques, hybrides ou roulant au GPL ou au GNV, aux voitures de moins de 3 mètres dès lors que ces véhicules émettent moins de 120 grammes de dioxyde de carbone par km. L’amendement 26 a le même objet, pour les véhicules émettant moins de 100 grammes de dioxyde de carbone. Lors du débat budgétaire de décembre dernier au Sénat, le ministre du budget de l’époque, M. Copé, s’était déclaré favorable à cette mesure. Le Sénat l’avait adoptée, mais la CMP l’a refusée. Elle encouragerait pourtant les constructeurs à produire des véhicules de catégorie A, moins polluants, et les utilisateurs à les choisir. La bataille de la voiture propre est devenue une urgence écologique !

M. le Rapporteur général – Il y a quelques années, quand cette mesure a été proposée pour la première fois, on l’appelait « l’amendement Smart ». Nous l’avons refusé régulièrement. Il y aura un vrai débat dans le cadre du Grenelle de l’environnement sur les différentes incitations. On a multiplié les crédits d’impôt en fonction du carburant ou du type de véhicule, mais jamais encore pour des voitures à moteur classique sous prétexte qu’elles étaient plus petites. Il n’y a pas lieu de modifier cette position, et je ne pense pas que le Grenelle de l’environnement ira dans votre sens. Avis défavorable.

M. le Ministre – Je ne suis pas sûr que la taille soit un critère essentiel du caractère écologique d’un véhicule. Renvoyer au Grenelle de l’environnement, ce n’est pas reporter d’un ou deux ans : il a lieu en octobre 2007. Le volet fiscal en est très important et nous pourrons en discuter en loi de finances ou en loi de finances rectificative. Je vous propose d’examiner avec le groupe de travail sur la fiscalité si l’on peut faire un lien entre la taille du véhicule et les émissions de CO2 et, en attendant, de retirer cet amendement.

M. Philippe Goujon – À Paris, 17 % des voitures qui circulent cherchent une place de stationnement. Les petites trouvent plus facilement à se garer. D’ailleurs les parcs de stationnement de la Ville leur font payer un mi-tarif. Par ailleurs, je ne peux accepter qu’on parle d’« amendement Smart ». Quand on a adopté le crédit d’impôt pour les véhicules hybrides, il n’y avait qu’un seul constructeur. Aujourd’hui, plusieurs constructeurs projettent de construire ces véhicules et attendent le vote du crédit d’impôt. Par ailleurs, les véhicules électriques n’ont pas de succès, le GNV demeure d’usage confidentiel et le GPL pose des problèmes de sécurité, quand ce n’étaient pas des propriétaires de grosses cylindrées qui profitaient du crédit d’impôt pour s’équiper en GPL, ce à quoi on a mis fin. Si cette mesure peut être discutée dans le cadre du Grenelle de l’environnement et l’amendement déposé de nouveau lors du collectif budgétaire, j’accepte de le retirer.

M. Jean-Pierre Brard – Je le reprends et je le défends.

M. le Président – Vous le reprenez, et je le mets aux voix.

L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Rappel au Règlement. Je l’ai repris pour deux raisons.

M. le Président – Ce n’est pas un rappel au Règlement. Vous pouviez reprendre l’amendement, mais non reprendre la parole pour le défendre alors qu’il l’avait déjà été, ni le défendre sous forme de rappel au Règlement.

M. Jean-Pierre Brard – Si je l’avais défendu, il aurait eu plus de chance d’être adopté ! (Sourires) En fait, je voulais simplement signifier qu’il était inacceptable que des collègues déposent des amendements pour impressionner le bon peuple avant de les retirer bien vite, leurs convictions manquant de solidité. C’est un aspect de la stratégie de M. Borloo qui, dans le Grenelle de l’environnement, est de bavarder. Quant aux mesures, M. Woerth l’a dit, on verra cela dans les prochaines lois de finances…

M. le Président – Ce n’est toujours pas un rappel au Règlement.

M. Jérôme Cahuzac – L’amendement 242 est défendu.

M. le Rapporteur général – Grenelle (Sourires).

M. le Ministre – Grenelle (Sourires).

L'amendement 242, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Goujon – Je retire l’amendement 26.

M. Jean-Pierre Brard – Je le reprends !

L'amendement 26, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Sapin – Tout à l’heure, le rapporteur général m’a répondu sur la prime pour l’emploi, c’est-à-dire sur le présent amendement 214. Malheureusement, il n’a rien dit alors sur les autres types d’exonération que visait l’amendement 241. Nous pensons que l’introduction des heures supplémentaires dans le revenu fiscal va faire perdre divers avantages à un très grand nombre de Français, et que ce vous croyez être « travailler plus pour gagner plus » risque en fait de signifier « travailler plus pour gagner moins » !

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Je vous répondrai sur la taxe d’habitation, puisque je ne l’ai pas fait tout à l’heure. Le problème ne se pose tout bonnement pas. Pour les personnes assujetties à la taxe d’habitation, vous avez introduit, en 2000 ou 2001, un mécanisme d’écrêtement à 4,3 % par rapport au revenu. Le revenu comprend naturellement les heures supplémentaires, mais aucun avantage n’est perdu : la taxe d’habitation sera légèrement plus élevée, tout en demeurant soumise au plafond.

M. le Ministre – On est toujours « gagnant net » à faire des heures supplémentaires : nous y avons veillé. Dans la TEPA, nous avons ramené le taux d’écrêtement à 3,44 % pour tenir compte du nouveau barème de l’impôt sur le revenu.

M. Jérôme Cahuzac – Si je comprends bien, pour savoir ce que rapportent réellement les heures supplémentaires, il faut en déduire le montant prélevé au titre de la taxe d’habitation et, s’il reste bien toujours quelque chose, le produit des heures supplémentaires est inférieur à ce que pouvait en espérer le salarié.

Par ailleurs, une interrogation demeure concernant les bourses, les tarifs des cantines, les tarifs sociaux, dont le bénéfice est assorti de conditions de seuil. Que se passera-t-il lorsque le revenu fiscal de référence passera au-dessus de ce seuil ? Une étude a-t-elle été réalisée sur le sujet ? Je crains en effet des effets secondaires, néfastes au regard même du but que vous prétendez poursuivre.

M. Charles de Courson – Il n’y a pas d’effet de seuil, puisque le taux a été abaissé à 3,44 % pour tenir compte de l’abattement de 20 %. Si le seuil est dépassé, il n’est pas possible de payer au-delà de 3,44 %.

Quant aux autres effets de seuil possibles qu’évoque notre collègue, rien n’empêche les collectivités locales d’adapter leurs dispositifs.

M. Michel Vergnier – Entreprise par entreprise, par exemple ? Il n’est pas possible de faire du cas par cas !

M. Charles de Courson – Les assemblées locales sont responsables de la gestion des aides locales.

M. Pascal Terrasse – Et pour les bourses ?

M. Charles de Courson – Elles peuvent adapter leurs barèmes. Je ne comprends pas pourquoi vous ne vous réjouissez pas de cette augmentation du niveau de vie.

L'amendement 214, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 9

M. Jean-Claude Sandrier – L’article 9 étendant les dispositifs d’exonération de l’impôt de solidarité sur la fortune, il est utile de rappeler ce qui existe déjà en la matière. La liste est impressionnante, car vous ne cessez d’en rajouter ! Sont ainsi exonérés, totalement ou partiellement, les objets d’art…

M. Richard Mallié – Merci, Monsieur Fabius !

M. Jean-Claude Sandrier – …, les droits de propriété intellectuelle et artistique, les droits de propriété industrielle, les titres reçus au titre de la souscription au capital de certaines PME, les parts ou actions de sociétés objets d’un engagement collectif de conservation, les biens professionnels, les placements financiers des personnes physiques n’ayant pas de domicile fiscal en France, les bois et forêts, les biens ruraux loués par bail à long terme, les titres détenus par les salariés mandataires sociaux.

M. Jérôme Cahuzac – Quel chemin de croix !

M. Jean-Claude Sandrier – En outre, ouvrent droit à des réductions d’impôt le nombre d’enfants, les investissements dans le capital des PME, certains dons, les stocks de vin et d’alcool. Sans oublier l’abattement porté à 30 % sur la valeur de la résidence principale, la réduction au titre des dons aux organismes d’intérêt général, ou encore le bouclier fiscal à 50 %.

Il nous paraît inopportun d’allonger encore cet inventaire, et d’en accroître le coût pour les finances publiques et la majorité des contribuables. L’amendement 200 tend donc à supprimer l’article 9.

M. Jérôme Cahuzac – L’amendement 254 est identique. La majorité souhaite-t-elle supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune ? Projet de loi de finances après projet de loi de finances, collectif après collectif, l’assiette de cet impôt est constamment réduite.

M. Michel Bouvard – Son produit augmente chaque année !

M. Jérôme Cahuzac – Il est vrai que, cet impôt rapportant quatre milliards chaque année, il vous serait difficile de le supprimer d’un seul coup, compte tenu de la situation préoccupante de nos finances publiques.

Cependant, n’aborder la question des investissements dans les entreprises que par le biais d’une réduction de l’assiette de l’ISF n’est pas sain si l’on considère la situation de sous-investissement des entreprises françaises.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Comment nos collègues expliquent-ils que l’ISF soit l’impôt dont le produit augmente le plus chaque année – entre 15 et 20 % –, et que le nombre des contribuables qui y sont assujettis explose, dans les mêmes proportions ? Ce sont chaque année entre 40 et 50 000 contribuables de plus qui entrent dans le champ de cet impôt. Nous ne le démantelons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen – Alors pourquoi ne pas dire que vous souhaitez développer l’ISF ?

M. le Ministre – Avis défavorable. Nous simplifions la réglementation trop compliquée concernant la transmission des entreprises, qui pose trop souvent problème dans notre pays. C’est dans l’intérêt de notre économie.

M. Jean-Pierre Brard – Il faut suivre les recommandations de l’Académie française, Monsieur le ministre ! Vous êtes en train de changer le sens des mots. Dans votre bouche, « remplir l’assiette des riches » devient « simplifier la réglementation fiscale » ! Voilà deux expressions synonymes dans la « novlangue » gouvernementale ! Eh bien non, nous ne marchons pas ; notre rôle est d’arracher les masques !

Le rapporteur général a dit une chose juste en relevant que le nombre d’assujettis à l’ISF augmente. Or, nous proposons depuis longtemps de modifier l’assiette de cet impôt, et même d’en réduire le taux pour les « petits riches », afin de toucher plutôt les « grands riches », que vous connaissez bien, pour avoir l’habitude de les fréquenter un verre de champagne à la main ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

En appliquant un abattement de 30 % à la résidence principale, vous privilégiez davantage un Bernard Arnault, résidant dans un hôtel particulier, qu’une personne ayant hérité d’un logement bien situé. Vous le faites exprès, afin de décrédibiliser peu à peu l’ISF, de le dévitaliser en quelque sorte, comme le ferait avec art notre collègue Yves Bur – stomatologue – d’une dent. Les propos de Jean-Claude Sandrier sont un réquisitoire pour une nouvelle Nuit du 4 Août !

M. Michel Bouvard – Il est lassant de nous entendre accuser, loi de finances après loi de finances, collectif budgétaire après collectif budgétaire, de vouloir démanteler l’ISF. Gilles Carrez a eu raison de rappeler que le produit de cet impôt augmente chaque année.

M. Jean-Marie Le Guen – Il augmente plus vite que votre capacité à l’exonérer !

M. Michel Bouvard – Mais c’est la valeur des biens immobiliers qui, en augmentant, a assujetti les propriétaires à l’ISF, alors que cette richesse n’est que virtuelle : c’est ce qui a légitimé l’abattement pour la résidence principale et la mise en place du bouclier fiscal.

Rappelons aussi que la tranche haute de l’ISF se vide progressivement et que des familles propriétaires d’entreprises patrimoniales ont été obligées, dans le cadre de successions, de les vendre à des fonds de pension étrangers. Ce dispositif équilibré permettra à la France de ne plus perdre les entreprises patrimoniales, spécificité de notre économie, de réaliser les mutations économiques qui s’imposent, et de préserver le capital et les emplois.

Les amendements 200 et 254, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur général – L’amendement 103 est de précision.

L'amendement 103, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Charles de Courson – Le dispositif adopté dans la loi TEPA, permettant aux personnes assujetties à l’ISF de s’en libérer si elles investissent dans une PME, ne concerne pas les entreprises individuelles – soit 60 % d’entre elles. L’amendement 160 vise à y remédier en prévoyant la création d’un fonds d’intermédiation. Il s’agit d’un amendement d’appel, Monsieur le ministre.

M. le Rapporteur général – La commission a longuement discuté de cet amendement qui soulève un problème : comment faire profiter les entreprises individuelles des incitations fiscales permettant de renforcer les fonds propres ? La notion de « fonds propres » est juridiquement bien identifiée pour les sociétés, elle n’existe pas pour les entreprises individuelles. Malgré la philosophie de cet amendement et son ingéniosité – le fonds d’intermédiation consentirait des prêts à l’entreprise individuelle –, nous avons dû le refuser. Pourtant, le problème reste entier, et il nous faudra l’examiner de nouveau dans le cadre de la revue générale des incitations fiscales.

M. le Ministre – Monsieur de Courson, la question que vous soulevez est cruciale. Mais nous ne sommes pas prêts, et nous devons d’abord soumettre votre dispositif à un examen technique. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Charles de Courson – Monsieur le ministre, vous êtes ouvert à la discussion, ce qui nous change de certains de vos prédécesseurs…

M. Jean-Pierre Brard – Lesquels ? Nous voulons savoir !

M. Charles de Courson – Je retire donc cet amendement. Une autre solution – Nicolas Sarkozy y serait favorable – consisterait à distinguer le patrimoine affecté à l’activité individuelle du patrimoine privé. Mais il s’agirait là de réformer complètement le statut de l’entrepreneur individuel.

L’amendement 160 est retiré.

L'article 9 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART.9

M. Jérôme Cahuzac – Monsieur Bouvard, nous aussi, nous avons des convictions. Elles ne sont tout simplement pas les mêmes que les vôtres. À notre tour, nous pourrions vous reprocher, loi de finances après loi de finances, collectif budgétaire après collectif budgétaire, de réduire l’assiette et le rendement de l’ISF. Sans cela, le produit de cet impôt augmenterait davantage encore, ce qui serait bien souhaitable vu l’état de nos finances publiques – le Premier ministre n’a-t-il pas parlé de « faillite » ?

Mme Lagarde a déclaré que nous étions « à un milliard près ». Nous nourrissons pour notre part de vives inquiétudes sur l’avenir budgétaire du pays. Les régions doivent assurer des financements, notamment pour mener à bonne fin les contrats de plan, sur lesquels l’État s’était engagé. Pouvons-nous nous permettre encore de lester nos finances publiques d’un « bouclier fiscal » – un « boulet fiscal » selon les termes de Laurent Fabius – alors qu’il n’a concerné que 4 000 contribuables cette année…

M. Charles de Courson – 2 500.

M. Jérôme Cahuzac – …, auxquels ont été restitués en moyenne 45 à 50 000 euros ? Cela se fera au détriment d’autres dispositifs. Vous proposez de supprimer les avantages sociaux en zones de revitalisation rurale, ce qui placera de nombreuses associations, organismes et hôpitaux dans une situation financière difficile et affaiblira le service public de proximité. Sommes-nous prêts à sacrifier des services publics de proximité pour économiser 180 millions d’euros ? Si c’est le cas, alors supprimons le principe du « bouclier fiscal » à 60 % ! Tel est le sens de l’amendement 88.

M. Jean-Pierre Brard – L’amendement 174 tend à supprimer le bouclier fiscal. J’en mesure l’audace, tant la justice fiscale n’est pas votre fort. Il est pourtant inspiré par le Président de la République lui-même qui, alors candidat, préconisait un plafonnement du bouclier à 50 %, CSG et remboursement de la dette sociale comprises. Cette mesure a toutes les apparences de la justice, mais les apparences sont trompeuses : le rapporteur général lui-même a reconnu que seuls les contribuables relevant des deux derniers décilles étaient concernés. Et sur les 93 000 bénéficiaires attendus de cette mesure, trois mille à peine s’étaient manifestés fin août.

Aucun inspecteur des finances ne pourrait commettre une erreur d’une telle ampleur. Vous nous avez donc délibérément trompés ! Au fond, le bouclier fiscal n’est qu’un jackpot destiné aux plus riches : les remboursements dépassent 50 000 euros en moyenne en Auvergne, 70 000 en Île-de-France et même 80 000 dans le Nord-Pas-de-Calais, où certaines familles prospèrent dans le secteur des conserves, bien loin des soucis quotidiens d’anciens mineurs ou d’ouvriers du textile !

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Le débat sur le bouclier fiscal a déjà eu lieu en 2006, puis de nouveau l’été dernier.

M. le Ministre – Même avis.

M. Charles de Courson – Ce n’est pas le principe du plafonnement que vous devriez contester, mais plutôt son niveau ! Le bouclier fiscal n’est d’ailleurs pas ce que vous croyez. Au fond, c’est avant tout un mécanisme de détection des fraudeurs.

M. Jean-Pierre Brard – Lagardère, par exemple ?

M. Charles de Courson – Si 2 500 demandes ont été reçues alors que le Gouvernement en attendait dix fois plus, c’est que l’assiette est peut-être sous-estimée…

M. Jean-Pierre Brard – Vous devenez intéressant !

M. Charles de Courson – Dès lors, vous devriez soutenir cet instrument de lutte contre la fraude !

M. Jean-Marie Le Guen – Les fraudeurs continuent pourtant de frauder !

M. Jean-Pierre Brard – S’agissant du bouclier fiscal, le silence du ministre et du rapporteur général ne m’étonne pas : les auteurs de coups tordus n’aiment pas se faire prendre les doigts dans le pot de confiture… Vous aimez d’autant moins qu’on en parle que le peuple nous regarde, à la télévision et sur internet. Si vous étiez de bonne foi, Monsieur le ministre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous seriez plus attentif aux justes propos de M. de Courson. Puisque l’on peut supputer l’existence de 90 000 fraudeurs, n’est-il pas temps de contrôler certains dossiers ? Vous êtes un champion de la lutte contre la fraude dès qu’il s’agit de érémistes ou de titulaires de la CMU ; quand irez-vous débusquer les fraudeurs les plus fortunés ?

M. Michel Bouvard – M. Brard, cette fois-ci, n’a pas complètement tort…

M. Jérôme Cahuzac – Si le bouclier fiscal est effectivement un instrument de lutte contre la fraude, il ne fera qu’accélérer l’exode fiscal qu’il était destiné à décourager !

M. le Ministre – Le bouclier fiscal et la lutte contre la fraude sont deux choses distinctes.

M. Jean-Marie Le Guen – Ouf ! Quel soulagement pour certains !

M. Jérôme Cahuzac – M. de Courson vous a donc vraiment effrayé !

M. le Ministre – Le bouclier fiscal est une mesure de justice fiscale, permettant de fixer un seuil au-delà duquel personne ne peut être imposé. Cessez de caricaturer la France en la réduisant à un affrontement des riches contre les pauvres. Chacun, heureusement, connaît son propre parcours et construit sa propre vie, mais les droits et les devoirs républicains, y compris l’impôt, s’appliquent à tous. Je rappelle que la plupart des bénéficiaires du bouclier fiscal ne sont pas redevables de l’ISF et n’appartiennent donc pas aux catégories que vous couvrez de votre opprobre.

S’agissant de la fraude, elle est contraire à l’égalité républicaine. Il ne s’agit naturellement pas de mettre en cause les titulaires du RMI, mais ceux qui le touchent sans y avoir droit et qui, partant, ponctionnent les finances publiques. Ne tenez donc pas de tels propos !

M. Jean-Pierre Brard – Qu’en est-il de la mafia russe ?

M. le Ministre – Je suis moins spécialiste de cette matière que vous.

Les amendements 88 et 174, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François de Rugy – Nos collègues de l’UMP jugent le rendement de l’ISF trop élevé.

M. Michel Bouvard – C’est un constat plutôt qu’un jugement !

M. François de Rugy – Pourtant, à sa création, vous craigniez qu’il ne fasse fuir les capitaux et les grosses fortunes.

M. Michel Bouvard – C’est le cas pour le dernier décille !

M. François de Rugy – Mme Lagarde prétendait ainsi que le bouclier fiscal ferait revenir les plus riches, qui n’auraient plus à attendre les Thalys et les Eurostar du vendredi soir pour regagner Paris. Ne devriez-vous pas vous féliciter que l’ISF rapporte davantage, illustrant ainsi le succès d’un nombre croissant de nos compatriotes ? On essaie de nous attendrir sur la hausse des biens immobiliers. Les propriétaires, pourtant, devraient se réjouir que leur bien prenne de la valeur ! Imaginons un patrimoine d’un million d’euros – ce qui permet déjà de posséder quatre résidences…

Plusieurs députés UMP - Cela dépend où !

M. François de Rugy – …ou même deux seulement. De combien le propriétaire sera-t-il redevable au titre de l’ISF ?

Je ne suis pas inspecteur des finances, mais il me semble que le montant ne devrait pas dépasser 1 000 euros, guère plus que la taxe d’habitation et la taxe foncière. Y a-t-il vraiment de quoi pleurer sur la situation de ces contribuables ?

Enfin, au risque de me répéter, il y a deux poids et deux mesures : vous nous demandez sans cesse d’attendre la réalisation d’études d’impact mais de votre côté, vous souhaitez ramener sans attendre le bouclier fiscal à 50 %, et peut-être à 40 % l’an prochain, puis à 30 %... Le titulaire d’un revenu de 10 millions d’euros ne paiera plus six, mais cinq millions d’impôts – si du moins il est mal conseillé, compte tenu du nombre de niches qui existe ! Or, cela risque de lui paraître encore trop… Si l’on suit cette logique, où faut-il s’arrêter ?

Si le problème tient à la valorisation de la résidence principale, alors la solution est simple : adoptons un abattement spécifique au lieu du dispositif général que vous nous proposez. Puisque vous n’avez pas accepté la suppression du bouclier fiscal, l’amendement 48, de repli, tend au moins à revenir sur les modifications que vous y apportez.

L'amendement 48, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Cahuzac – L’amendement 90 est défendu.

L'amendement 90, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Valérie Fourneyron – L’amendement 92 tend à intégrer dans le calcul du revenu l’ensemble des intérêts acquis dans le cadre des supports garantis des contrats d’assurance vie. Contrairement aux intérêts des contrats dits « mono support », dont le capital est garanti, les intérêts des contrats « multi supports » ne sont pas intégrés dans le revenu fiscal, alors qu’il est désormais possible de passer librement de l’une à l’autre formule. C’est une rupture flagrante de l’équité devant l’impôt sur le revenu.

M. le Rapporteur général – Il ne s’agit pas d’une injustice, mais tout simplement de modalités différentes de prélèvement, les contrats « multi supports » offrant un gain de trésorerie.

À l’occasion du débat en commission, nous nous sommes aperçu que le même problème se pose pour la CSG : du fait de l’excellent amendement de Jean-Michel Fourgous, adopté l’an dernier, nous avons certes incité au placement en actions, mais sans prendre garde aux conséquences sur le paiement de la CSG. Même si un contrat multi supports ne comporte qu’une faible part placée en actions, la CSG ne sera en effet acquittée sur l’ensemble qu’au moment du débouclage du contrat. Il va donc falloir y réfléchir à l’occasion du PLFSS.

Cela dit, je suis défavorable à l’amendement 92, parce que trop systématique.

M. le Ministre – Je ne suis pas favorable à une modification de la fiscalité de l’assurance vie avant que soient connues les conclusions de la révision générale des prélèvements obligatoires. Il y a sans doute des ajustements à faire, comme vient de l’indiquer le rapporteur général, mais le moment me semble mal choisi.

M. Jérôme Cahuzac – La réaction du Gouvernement et de la commission me déçoit profondément : nous sommes tous conscients qu’il y a un trou dans notre législation fiscale. Certains contribuables en profiteront pour réduire leurs revenus imposables et profiter encore plus du bouclier fiscal !

Sans mettre en cause votre sincérité, Monsieur le ministre, je regrette que vous nous demandiez d’attendre l’aboutissement des réflexions sur les prélèvements obligatoires. J’aimerais des engagements plus fermes et convaincants sur ce sujet…

L'amendement 92, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Cahuzac – L’amendement 91 tend à instaurer un impôt minimal pour chaque tranche du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune. Comme l’a indiqué Charles de Courson, il existait à l’origine un double plafonnement de l’ISF, supprimé à l’occasion du plan Juppé. De la même façon, il s’agit aujourd’hui de plafonner la déduction obtenue au titre du bouclier fiscal.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable pour les raisons que j’ai déjà exposées.

M. le Ministre – Même position.

L'amendement 91, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Alain Muet – Je regrette que l’amendement précédent n’ait pas été adopté, car il aurait représenté une contrepartie au plafonnement des impôts. L’amendement 94 tend à instaurer un tel impôt minimal en matière de revenus. Nombreux sont ceux, et pas seulement sur les bancs de la gauche, à être choqués que certains contribuables échappent totalement à l’impôt sur le revenu en utilisant au mieux les dispositifs en vigueur.

C’est pourquoi nous vous proposons de plafonner à 40 % la réduction globale de la base imposable du revenu.

L’amendement 93 est défendu.

M. le Rapporteur général – Rejet. Du rapport sur les possibilités d’instaurer un impôt minimal, que nous avions demandé à l’occasion de la loi TEPA, il ressort que toutes les formules d’impôt minimal se heurtent à de réelles difficultés.

Une première solution, la plus simple, consisterait à appliquer un taux d’imposition forfaitaire à l’ensemble des revenus perçus, avant toute déduction, à l’image de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés et de l’impôt forfaitaire annuel. Or, ce mécanisme frapperait essentiellement des contribuables bénéficiant de déductions tout à fait justifiables, notamment ceux assujettis aux BIC, aux BNC et aux bénéfices agricoles, et non les bénéficiaires de niches fiscales.

Tout aussi problématique est l’instauration d’un plancher d’imposition, comme je l’avais proposé voilà deux ans : une fois encore, les deux tiers des contribuables concernés ne seraient pas ceux qui bénéficient des niches fiscales.

J’en viens aux systèmes plus sophistiqués, adoptés notamment au Canada et aux USA. On calcule d’abord l’impôt en prenant en compte les diverses exonérations et réductions en vigueur, avant de refaire le calcul en les laissant de côté : le contribuable doit alors acquitter la différence entre ces deux impositions théoriques. On calcule donc deux impôts sur le revenu avec des mécanismes différents. Trente ans après l’adoption de ce type d’impôt minimal aux États-Unis, un retour en arrière se dessine, car ce dispositif rapporte plus que l’impôt « normal » et touche essentiellement les classes moyennes. Ces mesures ont donc montré leurs limites à l’étranger.

Revenons-en donc à la proposition que nous avions faite lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2006 : répertorions les niches fiscales, et plafonnons-les.

Dans son rapport de 2003, le Conseil des impôts allait jusqu’à considérer le quotient familial comme une niche fiscale… Ce n’est pas le cas, bien sûr, ce mode de calcul relevant de la politique familiale de la nation. De même, étant donné le faible avantage qu’il apporte et le nombre élevé de ses détenteurs – vingt-quatre millions au moins de ces livrets sont en circulation –, il paraît difficile de considérer que le Livret A fait partie des niches fiscales. En revanche, le montant moyen de l’avantage fiscal offert par l’utilisation de certains dispositifs est très élevé, pour un nombre de bénéficiaires très faible et l’on observe de plus l’absence de plafonnement dans plusieurs cas. Il importe donc en premier lieu, Monsieur le ministre, de plafonner chacun de ces dispositifs, ce qui ne dispensera pas, ensuite, d’un « chapeau » général. L’exemple des SOFICA est éclairant : le dispositif est certes plafonné, mais le plafond est très élevé, et l’avantage fiscal moyen qu’en retirent les bénéficiaires est de 50 000 euros. Autant dire que l’approche par niches fiscales permettrait manifestement de progresser…

Je n’ignore pas l’avis du Conseil constitutionnel sur ce point, et je constate, Monsieur le président de la commission et collègues socialistes, qu’en déférant devant lui la loi de finances pour 2006, vous ne nous avez pas facilité la tâche. Notre proposition a été annulée, le Conseil constitutionnel la jugeant insuffisamment intelligible et prévisible par les contribuables. Il revient donc à la commission des finances de proposer un nouveau dispositif de plafonnement des niches fiscales qui, pour être le plus simple possible, ne doit souffrir aucune exception. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission – Je déplore à nouveau l’organisation de notre discussion, qui nous fait revenir maintenant sur une question dont nous avons déjà traité ce matin, et dont nous débattrons à nouveau lors de l’examen de la deuxième partie de ce projet. Je souhaite que les amendements soient retirés pour être soumis à examen lors du débat sur la deuxième partie. La commission aura approfondi sa réflexion en y consacrant le temps nécessaire, après avoir, au besoin, constitué un groupe de travail et procédé aux auditions qui lui sembleraient utiles, et elle sera en mesure de présenter une proposition solide. Le rapporteur général a exposé son point de vue, qui nous est bien connu mais qui n’a pas à ce jour trouvé à s’appliquer. S’agissant par ailleurs des saisines du Conseil constitutionnel, les procès réciproques ne me semblent pas constructifs. Tous les groupes politiques ont, un jour ou l’autre, saisi le Conseil constitutionnel, qui dit le droit. Vous ne pouvez donc nous reprocher de l’avoir fait, mais vous pouvez proposer sa suppression…

M. Jacques Myard – Je suis pour !

M. le Président de la commission – Travaillons, donc, pour aboutir. Voyons si un impôt plancher est possible – ce que nous sommes nombreux à souhaiter – ou si l’on peut plafonner chaque niche fiscale d’une autre manière que cela fut fait l’année dernière, la proposition initiale ayant été vidée de sa substance par des amendements…

M. le Rapporteur général – De tous bords !

M. le Président de la commission – C’est vrai. Le dispositif en a été rendu inopérant et inintelligible. La décision du Conseil constitutionnel nous contraint à revoir la question : faisons-le de manière ordonnée et au terme d’un travail de fond. Je demande donc aux auteurs des amendements de les retirer.

M. Jérôme Cahuzac – Les amendements 94 et 93 sont retirés.

M. Jacques Myard – Cohérence et ténacité étant les vertus cardinales de l’homme politique, vous ne vous étonnerez pas de m’entendre défendre l’amendement 68, qui tend à supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune…

M. Jean-Pierre Brard – C’est de l’entêtement !

M. Jacques Myard – Cet impôt anti-économique, dû par les seuls résidents, donne un avantage démesuré aux investisseurs étrangers, qui s’offrent chaque année des dizaines de nos entreprises, souvent pour les démembrer. Cet impôt, qui rapportera quelque quatre milliards à l’État en 2007, aura causé la perte de 100 à 120 milliards de capitaux, et il vient de nous coûter Business objects, dernière en date des multiples « jeunes pousses » que nous avons perdues par bêtise crasse ! Encore faut-il ajouter le coût de la collecte, loin d’être négligeable, puisque des dizaines, sinon des centaines de fonctionnaires s’y consacrent. Je rappelle à ceux qui l’auraient oublié qu’en Suède, l’ISF a été aboli par un gouvernement socialiste – qui avait bien compris qu’il s’agissait d’une aberration économique. L’atonie des investissements tient à notre fiscalité ; or les investissements d’aujourd’hui sont les emplois de demain.

M. Lionel Tardy – Par l’amendement 12, je propose d’étendre le système du quotient familial qui vaut pour l’impôt sur le revenu au calcul de l’ISF. Actuellement, cette imposition se fait par foyer. Nous touchons ici à une vieille doctrine fiscale, qui veut que l'impôt soit toujours plus favorable quand on est marié – et maintenant pacsé - que lorsque l'on est célibataire. Or, pour l'ISF, on peut avoir fiscalement intérêt à ne pas être marié. Aussi, Monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous donniez votre position : voulez-vous que la politique fiscale continue d'être un soutien à la politique familiale, à la stabilité des unions ?

M. Jean-Pierre Brard – Serait-ce le suppléant de Mme Boutin ?

M. le Rapporteur général – La commission a repoussé ces deux amendements. S’agissant de l’ISF, nous avons pris des mesures tendant à préserver les entreprises et l’emploi. Désormais, qui s’engage à conserver pendant cinq ans les parts d’une entreprise bénéficie d’un abattement de 75 % de l’ISF, et le même abattement vaut pour ceux qui investissent en fonds propres dans une entreprise. On peut donc considérer que le problème de l’ISF est réglé pour les entreprises. Il n’y aura plus de ventes ni de délocalisations du fait de cet impôt, comme nous en avons hélas trop longtemps connu.

Pour ce qui est de la résidence principale, la loi TEPA a porté l’abattement de 20 % à 30 %. Nous sommes, je le crois, parvenus à un point d’équilibre et il faut s’en tenir là. Je vous invite donc à retirer ces amendements.

M. le Ministre – Je demande moi aussi leur retrait. Nous avons eu un long débat sur le sujet lors de l’examen du projet de loi TEPA et diverses mesures ont été prises pour rendre l’ISF à la fois plus juste et plus supportable. Le Gouvernement a ainsi relevé l’abattement sur la résidence principale et donné la possibilité aux contribuables de déduire 50 000 euros de leur ISF à condition de les investir dans une PME. Enfin, Monsieur Tardy, le quotient familial ne peut pas s’appliquer au calcul de l’ISF qui n’est pas un impôt sur le revenu.

M. Jean-Pierre Brard – Ne voyez-vous donc pas, Monsieur Myard, que le rapporteur et le ministre vous invitent à n’aller pas trop loin ? Laissez donc le Gouvernement avancer de son air doucereux et attendez que les municipales passent, vous implorent-ils ! C’est comme pour la TVA sociale. Ne prononcez pas ici et maintenant le mot tabou d’ISF !

Monsieur Woerth, vous nous faites regretter M. Juppé qui avait fait, lui, adopter le principe d’un plafonnement du plafonnement de l’ISF.

M. Michel Bouvard – Mais qui donc a supprimé ce plafonnement ?

M. Jean-Pierre Brard – L’ISF dans sa forme actuelle nous coûte des dizaines d’entreprises chaque année, nous dit M. Myard. Mais qu’on nous donne enfin une liste de ces entreprises, que nous puissions examiner ensemble. Je propose la création d’une commission d’enquête sur le sujet.

M. Jacques Myard – Volontiers !

Mme Muriel Marland-Militello – L’enquête a été déjà menée à l’OCDE.

M. Jean-Pierre Brard – L’OCDE n’est pas une assemblée élue.

Une commission d’enquête parlementaire disposerait, elle, de réels pouvoirs d’investigation, mais le Gouvernement refuse que nous puissions lever le coin du voile sur l’obscénité des grandes fortunes de notre pays.

Je suis très étonné, Monsieur Myard, vous qui d’habitude défendez le patriotisme, de vous voir ici couvrir ceux qui trahissent l’intérêt national.

M. Jacques Myard – Pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard – Comment pouvez-vous soutenir ceux qui fuient notre pays, leurs pépites sous le bras, qui sont les mêmes que ceux dont Danton disait : « Qu’ils partent, ils n’emporteront pas la patrie à la semelle de leurs souliers » ? Il faut prendre des mesures coercitives permettant à la nation de se défendre. Le Gouvernement regrette l’exil de « talents » comme Johnny Hallyday ou certains footballeurs – qui ne doivent leur réputation qu’au fait qu’ils jouent en équipe nationale, soit dit au passage pourquoi les autoriser à jouer en équipe nationale s’ils sont domiciliés à l’étranger ?

M. Jacques Myard – Je parle, moi, des entrepreneurs.

M. Jean-Pierre Brard – La France est l’un des tout premiers pays pour les investissements étrangers. Il est donc faux de faire croire que notre fiscalité serait dissuasive. Vous connaissant, Monsieur Myard, j’aurais préféré que vous présentiez des propositions pour faire rendre gorge à ceux qui trahissent notre pays.

L'amendement 68, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Lionel Tardy – La politique familiale, surtout dans une société en manque de repères, devrait être au cœur de notre politique fiscale, y compris en matière d’ISF. J’espère que vous en tiendrez compte dans le futur. Pour l’heure, afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu, j’accepte de retirer l’amendement 12.

L'amendement 12 est retiré.

M. Jérôme Cahuzac – Je remercie nos collègues Myard et Tardy d’avoir permis que nous abordions un tant soit peu la question de l’ISF. Je signale à M. Myard que le gouvernement actuellement au pouvoir en Suède n’est plus social-démocrate. Par ailleurs, si ce gouvernement a pu supprimer l’ISF, c’est sans doute que les finances publiques suédoises sont en bonne santé, ce qui n’est pas le cas des nôtres. Enfin, le rapporteur général ayant indiqué que le problème de l’ISF était désormais réglé pour les entreprises, j’espère que plus aucun projet de loi de finances ni aucun collectif ne comportera de dispositions visant à réduire encore l’assiette de cet impôt.

M. Jacques Myard – La France est le seul pays européen à avoir un ISF de ce type. Et Monsieur Cahuzac, ne réécrivez pas l’histoire suédoise : c’est un gouvernement socialiste qui a supprimé l’ISF en Suède car les socialistes suédois, eux, sont intelligents !

Mon amendement 69 vise à exclure la résidence principale de l’assiette de calcul de l’ISF, et ce au nom de la justice même. Je connais des personnes très modestes qui s’y trouvent assujetties du simple fait qu’elles possèdent un bien immobilier dont le prix s’est envolé, sans qu’elles y puissent mais.

M. Jean-Pierre Brard – Et ce, quel que soit le château ?

M. Jacques Myard – Vive les châteaux !

M. Claude Goasguen – Je ne peux résister à saluer M. Brard…

M. Jean-Pierre Brard – Bonjour, monsieur le représentant de l’arrondissement des archiduchesses ! (Sourires)

M. Claude Goasguen – Pas du tout, je suis élu du 16e sud. Les archiduchesses se concentrent au nord ! (Sourires)

Je vous l’ai déjà fait observer l’an passé, le prix des terrains augmente également à Montreuil, et même davantage en proportion que dans le 16e arrondissement. Je vous mets donc en garde contre le changement de composition de votre électorat. Quand je visite votre ville, je suis surpris de voir à quel point les promoteurs immobiliers y construisent – je vous félicite d’ailleurs pour votre esprit d’initiative et aimerais beaucoup que le maire de Paris suive votre exemple. Mais, méfiez-vous, Montreuil va devenir partie de la ceinture bleue qui entoure Paris et vous aurez la désagréable surprise de vous y trouver assujetti à l’ISF.

Je veux bien que l’on soit attaché à cet impôt par idéologie mais enfin, comment défendre que la résidence principale soit incluse dans son assiette ? Si les prix de l’immobilier se sont envolés, les propriétaires n’y sont pour rien. Peut-on continuer à imposer des personnes qui ont acheté il y a trente ou quarante ans des biens qu’ils ont rénovés et dont le prix a aujourd’hui explosé ? De surcroît, la facture de l’ISF, du fait de la rétroactivité applicable pour cet impôt, ne leur est bien souvent présentée qu’à l’occasion d’un héritage, les contraignant à vendre le bien.

Le Gouvernement, dans sa grande sagesse, a relevé, comme l’avait souhaité le Président de la République, l’abattement sur la résidence principale de 20 % à 30 %. Je l’invite à poursuivre dans cette voie en proposant par mon amendement 20 d’exclure totalement la résidence principale de l’assiette de l’ISF ou, par mon amendement 21, de repli, de porter l’abattement à 40 %. Pensez à ce pauvre M. Brard qui va bientôt devoir payer l’ISF ! (MM. Myard et Tardy applaudissent)

M. Jean-Claude Sandrier – L’amendement 181 vise à plafonner l’abattement sur la valeur de la résidence principale au montant du RMI. Le mal-logement et la misère demeurent, hélas, d’actualité dans notre pays, certes moins aigus que dans les années cinquante, mais cela est encore plus insupportable car globalement notre pays vit mieux. Beaucoup reste à faire pour que tous nos concitoyens soient logés de manière convenable : 100 000 sans domicile fixe, autant de personnes vivant en camping ou dans un mobil-home à l’année, 500 000 dans des meublés, un million dans des logements surpeuplés, un million encore dans des logements sans le confort minimal.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable.

M. le Ministre – Avis défavorable.

L'amendement 69, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Myard – A l’année prochaine !

L'amendement 20, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l’amendement 21.

L'amendement 181, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – En proposant de modifier le taux appliqué à la résidence principale, Monsieur Goasguen, vous avantageriez les propriétaires d’hôtels particuliers. Nous voulons au contraire instaurer un abattement forfaitaire qui profitera aux petits propriétaires. Élargir l’assiette de l’ISF et en diminuer le taux serait beaucoup plus juste. Mais vous ne voulez pas en entendre parler.

Depuis le retour de la droite au pouvoir en 2002, faute de pouvoir, politiquement, supprimer l’ISF, vous le videz de sa substance en multipliant abattements et autres allégements. Pour conserver à cet impôt son « dynamisme » comme on dit en jargon, il faut élargir l’assiette et supprimer des niches fiscales. Notre amendement 180 vise à inclure dans l’assiette les œuvres d’art, sous certaines réserves..

M. Michel Bouvard – C’est ce que le gouvernement Jospin a refusé.

M. Jean-Pierre Brard – Mais l’Assemblée l’avait adopté dans sa sagesse et il a fallu une deuxième délibération pour l’annuler. Une exonération protégerait la création contemporaine et les propriétaires qui présentent les œuvres au public. M. Woerth préfère poursuivre la fraude fiscale, alors qu’inclure ces œuvres dans l’assiette de l’ISF les ferait sortir de l’obscurité propice, parfois, au blanchiment d’argent sale.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable à cet amendement que M. Brard présente régulièrement. Les œuvres d’art ont été exclues de l’assiette de l’impôt sur la fortune dès sa création en 1982 pour protéger le marché de l’art et la production artistique.

M. le Ministre – Défavorable.

L'amendement 180, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Cahuzac – Les amendements 253, 219 et 221 sont défendus.

Les amendements 253, 219 et 221, repoussés par la Commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Muriel Marland-Militello – L’amendement 79 rectifié est défendu.

L'amendement 79 rectifié, repoussé par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Goasguen – Le Gouvernement indexe parfois certains dispositifs sur l’inflation. Je suggère qu’on tienne également compte, parfois, de la spéculation, pour indexer les bases. Mon amendement 19 tend ainsi à porter de 700 000 euros à un million le seuil d’imposition de l’ISF. Lors de la campagne présidentielle, j’avais le sentiment que l’on avait l’intention de rendre plus juste cet impôt, par ailleurs absurde économiquement.

M. Jean-Pierre Brard – Ce sera pour après les municipales.

M. Claude Goasguen – Si l’on pouvait vous entendre ! Mais je n’en suis même pas sûr. Faisons donc cet effort dès aujourd’hui, nous serons sur la ligne du Président de la République.

L'amendement 19, repoussé par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Cahuzac – L’amendement 220 est défendu. Il s’agit de la réduction de l’assiette de l’ISF par investissement dans une entreprise.

L'amendement 220, repoussé par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Lionel Tardy – La loi TEPA donne la possibilité aux assujettis à l’ISF d’en déduire les investissements réalisés dans les PME. Par cohérence, l’amendement 13 ouvre cette possibilité au contribuable qui investit dans sa PME.

M. le Ministre – Cette disposition encouragerait les entrepreneurs à investir dans leurs propres sociétés. Mais le Gouvernement ne peut en accepter la rédaction qui en fait un outil d’optimisation fiscale. Je propose donc, par sous-amendement, d’accorder aux dirigeants d’entreprise éligibles au régime des biens professionnels qui investissent dans leur propre société le bénéfice de l’avantage fiscal accordé aux autres souscripteurs, sous réserve que les sommes restent investies dans la PME pendant au moins cinq ans.

M. le Rapporteur général – En adoptant ce dispositif dans la loi TEPA, nous souhaitions prendre quelques précautions, et notamment interdire à un entrepreneur d’investir dans un bien professionnel, exonéré de l’ISF, une fraction de l’ISF dû au titre d’autres éléments de patrimoine. Une telle pratique se comprend sur le plan fiscal, moins sur le plan économique. Le dispositif retenu permet donc d’investir une partie de l‘ISF dans une autre entreprise. Quant à l’amendement qui permet d’investir dans sa propre entreprise, il n’est acceptable qu’au bénéfice du sous-amendement qui oblige à laisser son apport pendant cinq ans dans l’entreprise. C’est uniquement assorti de cette clause que nous pouvons l’accepter.

M. Jean Launay – L’amendement nous a surpris, le sous-amendement plus encore. On paye un impôt ou on ne le paye pas, mais on ne l’investit pas.

Il n’est pas correct de se verser un impôt à soi-même.

M. le Président de la commission – Il faut que nous soyons conscients de ce que nous allons voter. Loin d’être un amendement de cohérence, c’est un amendement qui accroît très sensiblement les possibilités de s’exonérer de l’ISF, pour des chefs d’entreprise déjà exonérés au titre des biens professionnels. Cet amendement remet sérieusement en cause le régime de l’ISF.

M. Jérôme Cahuzac – Et quel en est le coût ?

Le sous-amendement 299, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre – Je lève le gage sur l’amendement 13.

L'amendement 13, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Louis Cosyns – La loi TEPA ayant introduit une distinction entre fondations et associations reconnues d’utilité publique, l’amendement 23 vise à rétablir une égalité de traitement entre les deux statuts. Un amendement semblable avait été déposé à la loi TEPA par M. Michel Bouvard, avant d’être retiré, suite à des remarques inexactes concernant la reconnaissance d’utilité publique et le domaine réglementaire. Des associations aussi réputées qu’AIDES, l’Alliance française, la SPA, Action contre la Faim, Les Familles de France, Les Paralysés de France, Les Restos du cœur, d’autres encore, bénéficieraient des dispositions de cet amendement.

M. Michel Bouvard – Mon collègue Le Fur et moi-même avions effectivement déposé un amendement à la loi TEPA pour maintenir l’égalité entre fondations et associations reconnues d’utilité publique que rompait le projet. Les unes et les autres poursuivant des buts parfois très proches, il serait logique qu’elles puissent bénéficier des mêmes ressources financières. Tel est le sens de mon amendement 64.

M. le Rapporteur général – Avis favorable. L’exposé des motifs de la loi TEPA indiquait qu’outre l’investissement au capital des PME, « dans le but de soutenir l’effort en faveur de la recherche et de l’insertion des personnes, le dispositif d’investissement d’ISF serait étendu aux entreprises d’insertion et aux œuvres d’intérêt général comme la recherche ou les universités. » Il y a une incohérence dans le fait de permettre aux fondations qui œuvrent dans les domaines de la recherche ou de l’insertion de bénéficier du dispositif, tout en excluant les associations compétentes dans ces mêmes domaines.

M. le Ministre – Je ne pense pas qu’il faille étendre outre mesure le dispositif. Le Gouvernement souhaite que la cotisation d’ISF s’investisse d’abord dans le capital des entreprises, pour doper la croissance. Nous l’avons certes étendu aux fondations reconnues d’utilité publique, mais pour aller plus loin, il faudrait examiner la situation plus en détail, à tout le moins nous donner du temps avant le passage au Sénat. Sinon, le champ du dispositif risque d’être trop large.

M. Louis Cosyns – Puisque vous souhaitez réexaminer le champ de la reconnaissance d’utilité publique, j’accepte de retirer mon amendement.

M. Michel Bouvard – Moi de même.

Les amendements 23 et 64 sont retirés.

M. Claude Goasguen – L’impôt de solidarité sur la fortune est soumis à un droit de reprise qui s’étend sur dix ans. C’est un fait exceptionnel, que rien ne justifie. Est-ce que cet amendement 22 concerne les duchesses, Monsieur Brard ? Non, car les duchesses, comme les PDG, ont à leur service des experts comptables qui les informent en temps utile des impôts auxquels ils sont soumis.

M. Jean-Pierre Brard – C’est intéressant !

M. Claude Goasguen – Or, l’assiette de l’ISF est parfaitement aléatoire. Comment être sûr, lorsqu’on n’est pas duchesse, que l’on a passé la barrière fatidique des 760 000 euros de patrimoine ? On regarde anxieusement Le Point et L’Express, dont les évaluations immobilières ne coïncident jamais entre elles, et si l’on peut bien soupçonner parfois approcher du seuil, on n’en est jamais sûr. S’agissant d’un impôt déclaratif, à tout moment, un contrôle fiscal peut tomber et appliquer le droit de reprise.

Il y a là véritablement une niche fiscale à l’envers ; c’est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de ceux qui ont commis l’erreur de ne pas donner d’argent à des fondations ou à des entreprises, et qui ont cru – les primaires ! – qu’il fallait acheter son appartement : acte subversif, terroriste !

Une telle rétroactivité est une pénalité exorbitante. Et il ne s’agit même pas d’une mesure sociale, ni d’une mesure qui rapporte quoi que ce soit à l’État ! Cela fait des années que nous demandons l’abaissement de cette rétroactivité inique, le Gouvernement en rejetant systématiquement l’idée, dans une injustifiable rigidité !

L'amendement 22, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Cahuzac – Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir notre groupe, car ce qui se passe est peu digne du débat parlementaire. Nous avons vu avec quel enthousiasme le Gouvernement a accepté un amendement sous-amendé par ses soins, sans que personne ne sache le coût des mesures ainsi adoptées.

On passe de l’impôt à l’impôt choisi et de l’impôt choisi à celui que l’on se verse à soi-même ! Je vous demande une suspension de séance de 15 minutes.

M. le Ministre – Ce n’est pas une question d’enthousiasme ! Le sous-amendement était cohérent, et adopté en conséquence. Ce dispositif ne coûte rien, puisque l’investissement aurait de toute façon été effectué dans une autre entreprise.

La séance, suspendue à 18 heures est reprise à 18 heures 10.

M. Jérôme Cahuzac – Rappel au Règlement. Ce qui s’est passé tout à l’heure n’est pas à l’honneur de nos débats, que nous nous efforçons de mener avec dignité. La notion d’un impôt que l’on se verserait à soi-même n’est pas recevable. M. le ministre nous a répondu que cette mesure n’entraînerait aucun coût : pourquoi alors était-elle gagée et pourquoi a-t-il fallu lever le gage ? Il a ajouté que l’investissement aurait lieu ailleurs de toute façon : cela prouve que cette disposition est inutile ! Si le dispositif est maintenu, il suffira de créer une entreprise unipersonnelle et d’y verser, pendant cinq ans, la somme dont on était redevable au titre de l’ISF pour être définitivement à l’abri.

J’espère que le Parlement aura l’occasion de revenir sur cette disposition, adoptée – faut-il le dire ? – par surprise.

M. Jean-Pierre Brard – Une partie de la majorité a été prise de court, mais non le Gouvernement, puisqu’il avait un sous-amendement : c’est donc bien un coup monté. Mais l’UMP a ses extrémistes : aujourd’hui, M. Tardy prend le relais de M. Mariani. M. le ministre, quant à lui, qui prétend combattre la fraude, ne fait rien moins que la légaliser ! Le montant de l’ISF, une fois acquitté, appartient à l’État. Or, vous allez créer un mécanisme de siphon grâce auquel on pourra se reverser cet impôt à soi-même ! Votre aplomb, votre cynisme même forceraient l’admiration si l’affaire n’était pas si grave. Une telle perversité choque même dans vos rangs, de M. Bouvard, dont chacun connaît la rectitude, à M. Chartier, chef de file de l’UMP pour ce débat ! Certains de ses collègues ont manqué de prudence…

M. le Rapporteur général – Lors de la discussion de l’article 6 de la loi TEPA, nous avions décidé de ne pas limiter le réinvestissement de l’ISF dans les PME parce qu’il permettait d’en développer les fonds propres – c’est d’ailleurs ce même objectif qui avait poussé nos collègues de l’opposition à minorer le taux de l’impôt sur les sociétés en 1999. J’avais néanmoins proposé un amendement empêchant toute personne s’acquittant de l’ISF d’investir dans une PME dont sa famille est propriétaire à plus de 25 %, mais l’expérience a vite montré qu’il était illogique. De nombreux entrepreneurs se sont plaints au cours de l’été de la contradiction qu’il y avait à pouvoir réinvestir l’ISF dans une entreprise concurrente sans pouvoir le faire dans la sienne.

L’aménagement proposé par M. de Courson et le Gouvernement lève cette contrainte dans un cadre précis : les fonds placés resteront bloqués pendant cinq ans et ne pourront faire l’objet d’aucun remboursement. Pour autant, c’est un dispositif dont nous avons déjà discuté : ce n’est pas aujourd’hui que vous le découvrez !

M. Jérôme Chartier – Le groupe UMP soutient l’amendement et le sous-amendement. La France compte beaucoup de très petites entreprises, mais son tissu de PME est moins riche qu’ailleurs en Occident, surtout celles de 10 à 150 salariés et puis encore de 20 à 50. C’est pourquoi la loi TEPA encourage l’investissement dans les PME. Est-il pour autant normal de pouvoir aider son voisin sans pouvoir répondre à ses propres besoins ? Telle est la logique du dispositif en question.

À titre personnel, toutefois, j’insisterai pour que le réinvestissement soit limité dans le temps – et je fais confiance au Gouvernement pour choisir un délai raisonnable. Voilà qui permettrait d’encourager nos PME sans pour autant nuire aux business angels.

M. Jean Launay – Vous n’avez pourtant pas voté l’amendement : quel beau revirement !

M. Jérôme Cahuzac – Comme l’est celui du rapporteur général, qui avait fait adopter en juillet dernier un amendement précisant qu’aucune réduction d’ISF ne pouvait être obtenue à la faveur d’un investissement dans sa propre entreprise. L’explication de ce changement d’avis est d’ailleurs peu convaincante : peu d’entrepreneurs investissent chez leurs concurrents pour que ceux-ci réussissent ! Par ailleurs, l’exonération portant sur 75 % du montant de l’ISF, le quart restant sera transformé en dividendes. Nous voilà passés de l’impôt simple à l’impôt choisi, que l’on se reverse à soi-même et qui, de surcroît, vous rapporte quelque chose ! Cette affaire est tout simplement honteuse.

M. Charles de Courson – Pourquoi l’exonération profiterait-elle à ceux qui investissent ailleurs et non à ceux qui le font dans leur propre entreprise ? Rien n’empêcherait, dès lors, deux entrepreneurs d’investir chacun dans la PME de l’autre.

M. Jérôme Cahuzac – Argument de séance !

M. Charles de Courson – J’ajoute que 20 % environ des contribuables qui s’acquittent de l’ISF sont propriétaires d’une PME ; tous les autres sont donc des business angels en puissance !

M. le Ministre – L’expérience du terrain a démontré, en effet, que beaucoup ne comprenaient pas pourquoi il leur était possible d’investir chez le voisin sans pouvoir le faire chez eux.

Le dispositif actuel risque de créer, comme l’a dit M. de Courson, des mécanismes de compensation incontrôlables entre les PME : mieux vaut encadrer la pratique, comme le proposait le sous-amendement du Gouvernement. Cela étant, je veux bien que nous nous penchions ensemble, d’ici le vote au Sénat, sur le fonctionnement du dispositif anti-abus. Je le répète : notre seule intention est en effet de faciliter l’investissement dans le capital des PME tout en évitant les abus.

M. Jérôme Chartier – Voilà un Gouvernement attentif aux attentes du Parlement !

M. Nicolas Dhuicq – L’amendement 97 tend à aligner sur le régime des plus-values les droits de mutation à titre gratuit applicables en cas de transmission d'entreprises familiales, dont le taux d’exonération passerait ainsi de 75 à 100 %. Le Président de la République a en effet pris l’engagement de faciliter la transmission des patrimoines représentant le fruit d’une vie de travail.

Plusieurs dispositifs ont déjà permis de limiter, sous condition, le coût de transmission des entreprises – plus values et droits de mutation. L’objet de cet amendement est de parachever cet édifice conformément aux engagements du Président de la République.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Il est de jurisprudence constante que l’avantage fiscal consenti doit être proportionné à son objectif. Il s’agit ici d’assurer la pérennité de l’entreprise, qui ne doit pas disparaître ou être absorbée par un groupe étranger au moment d’une succession parce que les héritiers ne pourraient pas acquitter les droits de mutation.

Je rappelle que nous avons déjà récemment porté à 75 % le mécanisme d’exonération qui existe depuis une quinzaine d’années. Une telle incitation fiscale me semble suffisante au regard de l’objectif.

M. le Ministre – Je suggère à M. Dhuicq de retirer son amendement, qui ne tend pas à diminuer l’impôt dû, mais à le supprimer totalement. Nous avons déjà instauré différents régimes, comme les pactes d’actionnaires, dont l’effet est de faciliter la transmission d’entreprise. Mais il est difficile de vous suivre aussi loin que vous le souhaitez.

M. Nicolas Dhuicq – Je me range à l’avis du Gouvernement.

L'amendement 97 est retiré.

M. Charles de Courson – L’amendement 163 concerne les biens ruraux loués par bail à long terme, qui bénéficient d’une exonération de 75 % en dessous de 76 000 euros et de 50 % au dessus. Il s’agit, à ma connaissance, du seul dispositif d’incitation à l’investissement qui soit plafonné et soumis à deux tranches différentes. Pourquoi ne pas instaurer un taux unique de 75 % ?

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. À partir du moment où la pérennité des exploitations est assurée, je ne vois pas en quoi le dispositif en vigueur poserait problème… Il existe déjà non seulement une exonération au titre des biens professionnels, mais aussi un abattement en cas de transmission dans le cadre d’un pacte d’actionnaires.

M. le Ministre – Le régime actuel me semble effectivement très favorable. Je souhaiterais donc que cet amendement soit retiré.

L'amendement 163 est retiré.

M. Jean Launay – Une grande partie des transmissions de patrimoine s’effectue aujourd’hui dans le cadre de l’assurance vie, qui permet de léguer à chaque héritier jusqu’à 152 500 euros en franchise de droit, seuil au-delà duquel s’applique un taux d’imposition de 20 %.

Afin d’éviter une défiscalisation totale des successions, compte tenu du paquet fiscal voté cet été, l’amendement 227 tend à ramener cette exonération à 100 000 euros, soit le même montant que pour les successions proprement dites.

L'amendement 227, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 6 rectifié revient sur une mesure adoptée dans la loi TEPA, qui limitait la possibilité de bénéficier d’une exonération d’imposition sur les plus-value des stock options par l’intermédiaire d’une donation. Par cet amendement, nous demandons que la plus-value soit fiscalisée à partir de la levée de l’option, et non plus à partir de son attribution, comme le prévoit la loi TEPA.

M. le Ministre – Une fois n’est pas coutume, je suis en désaccord avec le rapporteur. Ne revenons pas sur la loi TEPA. Le droit est le droit, nous nous heurtons à un problème de rétroactivité : les acteurs économiques ont pris des décisions, et il ne serait pas sain de revenir maintenant sur les règles du jeu. Restons-en à la loi TEPA : c’est la date d’attribution qui doit compter.

M. le Rapporteur général – Si le ministre estime que la mesure serait rétroactive, ce dont je n’étais pas certain, je retire l’amendement.

L'amendement 6 rectifié est retiré.

ART. 10

M. Lionel Tardy – L’amendement 17 tend à favoriser les transactions entre l’administration fiscale et les contribuables. Cette voie de règlement des contentieux est en effet trop peu utilisée alors qu’elle évite des procédures lourdes et coûteuses et permet de traiter plus rapidement les dossiers.

En intégrant les montants payés au titre des transactions fiscales dans les charges – déductibles – de l’entreprise, nous rendrons cette solution plus attractive.

L'amendement 17, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 10

M. le Rapporteur général – Je laisse M. de Courson présenter l’amendement 3, qui a été adopté par la commission.

M. Charles de Courson – L’acquisition d’un bien ne peut être inscrite en compte d’exploitation que si sa valeur ne dépasse pas 500 euros, seuil au-delà duquel on considère qu’il s’agit d’une immobilisation, qui doit faire l’objet d’un amortissement.

Afin de simplifier les bilans, j’avais proposé de porter à 1 500 euros ce seuil, qui n’a pas été réévalué depuis des années. Toutefois, nous nous sommes mis d’accord en commission sur un montant de 1 000 euros.

M. Jean-Pierre Brard – C’est votre dernier prix ?

M. Charles de Courson – En adoptant l’amendement 3, qui semble modeste, nous simplifierons grandement la vie des entreprises.

M. le Ministre – Cet amendement induirait une distorsion entre les principes comptables et fiscaux. Il faudrait en effet instaurer un dispositif complexe destiné à retraiter fiscalement les amortissements ainsi comptabilisés, ce qui coûterait cher à l’État et aux collectivités locales, la taxe professionnelle étant assise sur le prix de revient des immobilisations. Par conséquent, avis défavorable.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. le Président de la commission – L’amendement 4 s’inspire, en précisant sa portée, de celui que l’Assemblée nationale avait adopté sur proposition de la commission des finances à l’instigation de notre collègue Michel Bouvard, lors de l’examen du projet de loi TEPA. L’article avait ensuite été supprimé par le Sénat, et la commission mixte paritaire avait maintenu cette suppression. Alors que le Gouvernement avait renoncé au bénéfice de cette mesure d’équité qui aurait permis de donner à la loi « TEPA » une autre dimension, voici une nouvelle occasion de limiter l’avantage fiscal associé aux rémunérations qualifiées de « parachute doré ». Au-delà d’un million pour un même attributaire, ces sommes ne seraient plus, comme aujourd’hui, déduites du bénéfice imposable de l’entreprise. Ainsi, le budget de l’État ne subirait plus de perte de recettes au titre des « parachutes » les plus généreux. Au demeurant, le code général des impôts contient déjà des éléments constitutifs de cette équité élémentaire en son article 39, que le présent amendement propose de compléter.

J’avais proposé que l’on s’en tienne à un montant plus limité. La commission, qui avait proposé un plafond de deux millions il y a deux ans, a fixé le plafond des rémunérations déductibles à un million par bénéficiaire.

M. le Ministre – L’amendement sera coûteux pour les entreprises (M. Michel Bouvard marque sa désapprobation) et ne concerne que peu de cas…

M. Michel Bouvard – Justement !

M. le Ministre – Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.

M. Michel Bouvard – Le dispositif adopté dans le cadre de la loi TEPA était manifestement incomplet. Chacun a à l’esprit des cas précis ; pour autant, il ne s’agit pas de légiférer ad personam mais de mettre au point un dispositif de portée générale propre à entraîner une prise de conscience chez ceux qui décident d’octroyer de tels avantages. Les cas visés sont d’autant plus visibles qu’ils sont peu nombreux. Une moralisation est nécessaire.

M. Jérôme Cahuzac – Le sous-amendement 296 est défendu.

Le sous-amendement 296, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Reynès – Par l’amendement 99, nous proposons d’étendre aux commerçants de détail en fruits et légumes le bénéfice de l’avantage fiscal consenti aux producteurs locaux vendant leurs propres produits. La mesure proposée, outre qu’elle favoriserait la commercialisation de ces productions, renforcerait l’attrait des centres villes et faciliterait l’accès de tous à des produits sains, contribuant ainsi à la lutte contre les désordres alimentaires, notamment chez les enfants.

M. le Rapporteur général – La commission n’a pas adopté cet amendement. Les recettes accessoires sont assimilées aux bénéfices agricoles mais elles ne sont pas exonérées d’impôt. Il est vrai que, rapportés aux bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices agricoles jouissent de certains avantages, au demeurant plafonnés, mais la distorsion n’est pas importante. Elle le serait par trop si l’amendement était adopté.

M. le Ministre – Je partage l’avis de votre rapporteur général, mais la question générale du commerce de détail appelle une réflexion de fond. Je sais que vous souhaitez constituer un groupe de travail à ce sujet. Si vous les souhaitez, les services du ministère y participeront. Dans l’intervalle, j’en appelle au retrait de l’amendement.

M. Bernard Reynès – Je suis conscient que sa rédaction pourrait être améliorée, et je le retire. Je prends acte de votre proposition, Monsieur le ministre, pour m’en féliciter, et je souhaite qu’un groupe d’études sur le commerce de détail soit également créé au sein de notre Assemblée : je plaiderai en ce sens auprès de mes collègues.

M. le Rapporteur général – Très bien.

L'amendement 99 est retiré.

M. le Président de la commission - Le régime fiscal des micro-entreprises ne peut s’appliquer que sous un certain seuil, ce qui n’est pas sans poser problème aux entreprises qui connaissent une progression sensible de leur chiffre d’affaires. Pour ne pas pénaliser les entreprises qui franchissent ce seuil, je propose par l’amendement 144 de lisser la sortie de ce régime sur deux ans au maximum, à condition que le dépassement n’excède pas 50 % du seuil fixé. La proposition améliorerait le mécanisme existant, limité à un an et dont les modalités d’application sont différentes. Par ailleurs, pour lisser un deuxième effet de seuil, l’amendement tend aussi à relever, pour l’application du régime des micro-entreprises, les montants de la franchise en base de TVA – qui n’ont pas été revalorisés depuis 1998…

Nous avons tous connaissance dans nos circonscriptions de difficultés nées de cette non-revalorisation des seuils depuis très longtemps.

M. le Rapporteur général – Tout en partageant l’objectif de son président, la commission n’a pas adopté cet amendement pour des raisons techniques. Il conduirait en effet à déconnecter les seuils fixés pour les revenus des micro-entreprises et pour la TVA des petites entreprises, ce qui n’est pas souhaitable. Enfin, la proposition de notre collègue pourrait, dans certains cas, se révéler moins favorable que le régime actuel de la micro-entreprise, notamment en cas de léger dépassement du seuil puisque dans ce cas, aujourd’hui, le régime de la micro-entreprise reste applicable l’année qui suit le dépassement. Il faut regarder cela de plus près. Nous allons y réfléchir d’ici au collectif.

M. le Ministre – Le Gouvernement partage le souci du président de la commission des finances mais le dispositif proposé ne serait sans doute pas aussi favorable qu’il y paraît. En outre, le relèvement simultané des seuils applicables en cas d’imposition des bénéfices et de TVA coûterait plus d’une centaine de millions d’euros. Je vous propose de réfléchir à la question d’ici au collectif, où une mesure pourra vous être présentée après étude plus approfondie.

M. le Président de la commission – Compte tenu de l’ouverture du ministre et du rapporteur général, j’accepte de retirer mon amendement.

L'amendement 144 est retiré.

M. Michel Bouvard – Beaucoup d’agriculteurs se sont d’ores et déjà engagés dans le développement d’énergies renouvelables – méthanisation, biomasse… –, mais les initiatives demeurent limitées. Cela s’explique notamment par le fait que la vente d’énergie produite à partir de produits ou sous-produits d’exploitation agricole est imposée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, ce qui est dissuasif pour les particuliers comme pour les sociétés. Les tolérances autorisées par l’article 75 du code général des impôts permettant de rattacher des recettes non agricoles accessoires aux bénéfices agricoles sont assez inopérantes, car ces recettes accessoires ne doivent pas excéder 50 000 euros par an ni représenter plus de 30 % des recettes agricoles. Aussi proposons-nous par notre amendement 76 rectifié de qualifier d’agricole la vente, par un exploitant agricole, de biomasse dès lors qu’elle est majoritairement issue des produits ou sous-produits de l’exploitation, et de rattacher aux bénéfices agricoles la production d’électricité photovoltaïque ou éolienne réalisée par un exploitant sur son exploitation, à condition que les recettes provenant de ces activités n’excèdent pas les recettes agricoles majorées des recettes accessoires fiscalisées en bénéfices agricoles. Nous proposons enfin, s’agissant de productions particulières, que les exploitants exerçant ces activités soient de droit soumis à un régime réel d’imposition.

Cet amendement, qui aidera à la production et à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les exploitations agricoles, améliorera le revenu des exploitants et facilitera l’atteinte de nos objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre.

M. le Rapporteur général – La commission a accepté cet amendement sous réserve que ces recettes accessoires soient plafonnées à la fois en valeur absolue et en pourcentage.

M. Charles de Courson – Le sous-amendement 297 prévoit en effet que les recettes accessoires concernées ne peuvent excéder 50 % des recettes tirées de l’exploitation agricole, ni 100 000 euros.

M. le Ministre – Avis favorable à l’amendement sous-amendé.

M. François de Rugy – Je soutiens cet amendement. Il faut tout faire pour développer les énergies renouvelables dans notre pays. Tous les Français doivent devenir de petits entrepreneurs de l’écologie, et sur ce point, les agriculteurs peuvent jouer un rôle-clé. Tout ce qui peut favoriser leur pluriactivité et leur simplifier la vie en ce domaine va dans le bon sens.

M. Jérôme Cahuzac – Quel sera le régime de TVA applicable à cette vente d’énergie fabriquée à partir de produits ou sous-produits agricoles ?

M. le Ministre – Nous vous apporterons la réponse dans les meilleurs délais. Bien entendu, je lève le gage.

Le sous-amendement 297, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 76 rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Lionel Tardy – Je défendrai en même temps les amendements 15 et 16 qui portent tous deux sur l’imposition forfaitaire annuelle.

La loi de finances 2006 a modifié le barème de l’IFA et, surtout, interdit désormais qu’elle soit imputée sur l’impôt sur les sociétés. Elle est maintenant déductible du bénéfice imposable, ce qui ne revient pas du tout au même. Alors que l’IFA était auparavant perçue comme une avance sur l’IS, elle est devenue une imposition à part entière, d’autant plus mal vécue par les chefs d’entreprise qu’elle est exigible, même en l’absence de profits. Au moment où on parle de libérer la croissance, on continue de taxer les PME, qui en sont pourtant le moteur. Le Président de la République l’a bien compris, qui s’est engagé durant la campagne à régler la question.

Mes deux amendements visent donc à réformer l’IFA. Je suis conscient du coût de la mesure et de la nécessité de ménager les finances publiques. C’est pourquoi je suis prêt à retirer l’amendement 16, supprimant totalement cette imposition, au profit de l’amendement 15, de repli, qui remonterait le seuil d’exigibilité de 400 000 à 7,5 millions d’euros HT de chiffre d’affaires, ce qui exonérerait nombre de PME. Un geste de la part du Gouvernement dès cette année serait un signal positif, de nature à renforcer la confiance des dirigeants de PME.

M. le Rapporteur général – Tout en reconnaissant que l’IFA pose un réel problème, notamment depuis que son mode de perception a été modifié, la commission a repoussé cet amendement. L’IFA représente une recette de 1,9 milliard d’euros, dont nous ne pouvons nous priver dans le contexte budgétaire actuel. Ce n’est qu’une fois que nous aurons retrouvé des marges de manœuvre que nous pourrons nous attaquer à sa réforme.

M. Lionel Tardy – Je suis bien conscient du coût de la mesure, je l’ai dit. Je pense que cela doit être réexaminé dans le cadre de la révision générale des prélèvements obligatoires. Pour l’heure, je retire mes amendements.

M. le Ministre – J’ai bien compris le sens de votre demande. L’IFA pose un problème, que nous ne pouvons régler en un seul exercice. Votre amendement de repli représenterait tout de même une charge de 800 millions. Mais je m’engage à examiner la question dans le cadre de la révision générale des prélèvements obligatoires dont est chargée Mme Lagarde.

Les amendements 15 et 16 sont retirés.

M. le Président de la commission – On s’interroge depuis quelques temps sur l’usage de la fiscalité pour aider les entreprises et les orienter dans un sens plus favorable à la production et au travail ; le Président de la République lui-même s’est exprimé dans ce sens. Mon amendement 142 rectifié tend à moduler le taux de l’impôt sur les sociétés selon que les bénéfices sont ou non réinvestis dans l’entreprise. Si l’on veut favoriser l’investissement productif par la politique fiscale, il y a là un outil pertinent que plusieurs pays voisins utilisent.

M. le Rapporteur général – Réduire le taux d’imposition quand le bénéfice est réinvesti est une idée très séduisante. Mais elle a été mise en place en 1997, et abandonnée en 2001 en raison de la difficulté technique qu’il y avait à vérifier qu’une fraction des bénéfices était réinvestie et à lui appliquer un taux différentiel. L’Allemagne, qui pratiquait ce système, l’a également abandonné. Il ne subsiste qu’en Estonie.

M. le Ministre – Le Gouvernement est très sensible à cette idée. Elle a été mise en œuvre brièvement et abandonnée en raison de la complexité qu’il y a à suivre l’utilisation des bénéfices. Je ne peux donc retenir cet amendement.

M. le Président de la commission – Je suis très sensible à cet intérêt, et je maintiens l’amendement car il y a là un objectif partagé. Il sera peut-être possible d’y revenir après avoir travaillé sur les modalités.

L'amendement 142 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président de la commission – Pour renforcer notre appareil productif, il faut lier politique de la demande et politique de l’offre. Celle-ci ne figure guère dans le projet que sous la forme de crédit d’impôt recherche. D’autre part, nous devons essayer d’aider nos PME à se développer à l’exportation. Notre amendement 143 maintient en faveur des PME le taux réduit d’impôt sur les sociétés jusqu’à des seuils compatibles avec les exigences européennes concernant les aides d’État ; les exportations visées sont d’ailleurs celles que les entreprises effectuent hors de l’espace économique européen. Cette mesure est bien plus ambitieuse que le crédit d’impôt pour prospection commerciale, dont l’impact est d’ailleurs limité.

M. le Rapporteur général – La commission a été très séduite par cet amendement bien ciblé, puisqu’il vise les PME qui font 50 % de leur chiffre d’affaires à l’exportation, et hors de l’Union européenne. Mais s’agissant d’aides à l’exportation, il nous faudrait notifier préalablement la mesure à la Commission européenne et obtenir son autorisation. Inscrire à l’avance ce dispositif dans la loi n’y prédisposerait pas. Pour parvenir au même objectif, je vous invite à réfléchir ensemble à un dispositif qui permettrait aux PME d’imputer leurs pertes à l’exportation sur leur résultat en France.

M. Jean-Pierre Brard – C’est un succès d’estime.

M. le Ministre – Dans la rédaction actuelle, effectivement, la Commission ne donnera pas son autorisation. Mais nous pouvons travailler ensemble à une alternative.

M. Jean-Pierre Brard – C’est un gouvernement d’ouverture (Sourires).

M. le Président de la commission – Si l’idée peut être reprise, je suis prêt à retirer l’amendement. Pour ce qui est de la Commission, on pourrait aussi faire valoir que le Gouvernement sera plus fort face à elle s’il s’appuie sur un vote du Parlement. La réglementation européenne permet ce type d’aides. Il s’agit seulement de les notifier. Si le ministre s’engage à voir ce qu’on peut faire d’ici la fin de l’année, je retire l’amendement. Une telle mesure peut en tout cas aider sensiblement les PME qui exportent.

L’amendement 143 est retiré.

M. Jean-Pierre Brard – Il y a deux conceptions de l’Union européenne. Pour nous, aller à Bruxelles, ce n’est pas aller à Canossa.

Notre amendement 182 tend à retirer aux compagnies pétrolières les avantages exorbitants que leur procure le mécanisme fiscal de provision pour hausse du baril. Cela rapporterait 1,2 milliard. Les compagnies font des profits considérables, même lorsque le prix est orienté à la baisse. Avec un rythme de croissance ralenti, les bénéfices peuvent quand même progresser de 165 % à 300 %.

Selon la fédération américaine des consommateurs, en 2004 aux États-Unis la hausse des prix de l’essence a profité pour 78 % aux sociétés pétrolières et pour 22 % seulement aux distributeurs. Chez nous, Total qui possède des puits et des pompes, gagne sur les deux tableaux. La hausse des prix n’est pas inéluctable. Elle n’est permise que par votre passivité.

Il est urgent de réagir, car ces coûts supplémentaires sont payés par le contribuable en raison des compensations accordées par l’État aux transporteurs routiers, aux agriculteurs, aux taxis et aux pêcheurs, et par le consommateur, les hausses de carburant se répercutant sur les prix de détail. Le plein d’une petite cylindrée coûte désormais 60 euros. À ce rythme, il faudra dépenser 600 euros de plus par an pour aller travailler. N’est-ce pas un véritable prélèvement obligatoire ? Pour arrêter les pratiques spéculatives, nous proposons de taxer les bénéfices qu’apporte aux compagnies la hausse du prix du baril.

M. Jérôme Cahuzac – Nos amendements 291 rectifié et 258 vont dans le même sens. Ils apporteraient à l’État des recettes supplémentaires qui pourraient être utilisées à nous désendetter ou à assurer un meilleur traitement aux familles.

Avec l’amendement 291 rectifié, nous proposons de taxer de façon exceptionnelle les compagnies pétrolières et de prendre en considération, par le biais d’une diminution plafonnée de cette imposition, leurs investissements réalisés en France.

En 2006, Total a réalisé un bénéfice de 13 milliards, compte non tenu de la distribution de dividendes, ni de la part dans ce bénéfice du rachat d’actions en vue de faire monter le prix de ses actions, au moment précis où certains dirigeants de la compagnie liquidaient leurs stock-options. Ces pratiques sont extrêmement choquantes. Dans une situation budgétaire tendue, où des efforts ont été demandés aux Français, il me semble que Total elle aussi pourrait consentir quelques efforts.

L’amendement 258, inspiré par les mêmes considérations, permettrait de donner des moyens aux politiques issues du Grenelle de l’environnement.

J’espère que le Gouvernement acceptera ces propositions, qui lui garantiraient un budget un peu moins tendu, tout en lui donnant l’occasion de montrer qu’il est attaché à moraliser certaines pratiques (M. Launay applaudit).

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Des amendements semblables ont déjà été défendus l’an dernier. Nous avons pensé qu’il valait mieux, plutôt que de créer un impôt, demander aux entreprises de prendre des engagements. Ainsi, Total s’est engagée à investir dans des capacités de raffinage, le développement des énergies renouvelables et la distribution de bioéthanol dans 250 stations service. Un an après, il s’agit de savoir où l’on est.

M. Michel Bouvard – Très bonne question ! Il faudrait également que l’on puisse vérifier.

M. le Rapporteur général – En tout état de cause, cette solution était préférable à un impôt, compte tenu des risques de délocalisation.

M. Jérôme Cahuzac – Total n’est rien à l’étranger sans les pouvoirs publics français !

M. le Rapporteur général – Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire ce qu’il en est des engagements de Total aujourd’hui ?

M. le Ministre – Il est vrai que les compagnies pétrolières gagnent beaucoup d’argent et non moins vrai qu’elles sont beaucoup taxées.

M. Jean-Pierre Brard – Et les paradis fiscaux ?

M. le Ministre – Si elles sont surtaxées, elles peuvent choisir de délocaliser leurs bénéfices. Nous devons prendre garde. C’est pourquoi nous avons préféré discuter avec la filière. Total s’est engagée à investir 3 milliards d’ici à 2010. À la date d’aujourd’hui, 1,65 milliard a déjà été investi, dans des projets conformes à ses engagements.

M. Jean-Pierre Brard – Et tout cela est vérifié, bien entendu !

M. le Ministre – C’était la bonne manière de procéder, et ce sera la base des discussions futures avec la filière.

M. Jérôme Cahuzac – Des stations distribuant de l’éthanol ? Je sais que M. Breton en avait inauguré une à la Porte d’Orléans, à Paris ; dix jours plus tard, elle n’y était plus. Et pour cause, les pompes étaient vides !

Quant aux engagements de 3 milliards sur quatre ans, pour une société qui, chaque année, réalise 10 milliards de bénéfices et peut dépenser plus de 7 milliards pour racheter ses actions, c’est vraiment dérisoire ! La menace de la délocalisation n’est pas sérieuse non plus. Sans l’appui des pouvoirs publics, Total n’aurait obtenu, et ne pourrait obtenir, aucune licence de forage à l’étranger. Il est absolument choquant de laisser une compagnie s’engager sur des montants aussi dérisoires au regard de ses bénéfices et de la rémunération immorale de certains de ses dirigeants !

L'amendement 182, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 291 rectifié et 258.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 40.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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