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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 23 octobre 2007

1ère séance
Séance de 9 heures 30
18ème séance de la session
Présidence de M. Rudy Salles, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

MAÎTRISE DE L’IMMIGRATION (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la CMPNous nous apprêtons à adopter ce projet après plus de cinq semaines de débat, la CMP étant parvenue le 16 octobre à un accord. Ce n’est pas un texte de fermeture ou de repli ; quelles que soient les polémiques souvent exagérées auxquelles il a donné lieu, son application conduira à une gestion plus moderne des flux migratoires, favorisera l'intégration des étrangers et permettra aux demandeurs d'asile de mieux faire valoir leurs droits.

La CMP est tout d'abord parvenue à un accord sur ce qui constitue le cœur de ce projet, à savoir les dispositions visant à favoriser l'intégration dans le cadre de l'immigration pour motif familial. Désormais, une évaluation et une formation à la langue et aux valeurs de la République seront organisées, dans leur pays d'origine, à l'intention des personnes souhaitant s'installer en France dans le cadre du regroupement familial ou pour rejoindre un conjoint de nationalité française. La CMP a décidé que la formation aurait une durée maximale de deux mois, alors que le Sénat avait souhaité ramener cette durée à quinze jours pour les conjoints de Français. En revanche, elle a accepté la dispense judicieusement prévue par le Sénat pour les personnes mariées à un Français établi hors de France, contraint de revenir dans notre pays pour des raisons professionnelles. Elle a également considéré qu'il n'était pas justifié de supprimer la possibilité ouverte en 2006 aux conjoints de Français résidant en France depuis plus de six mois de déposer leur dossier de visa long séjour à la préfecture, sans retourner dans leur pays d'origine.

Concernant le « contrat d'accueil et d'intégration » créé par le projet pour la famille, la CMP a accepté les modifications apportées par le Sénat, notamment l'inclusion du respect de l'assiduité scolaire. Elle a par ailleurs décidé de revenir au texte initial en ce qui concerne l'intervention du président du conseil général, afin de faire précéder toute sanction d'une réponse progressive, par la signature d'un contrat de responsabilité parentale.

Le projet visait également à concrétiser un engagement présidentiel, l’obligation de disposer de revenus du travail suffisants pour faire venir sa famille. La CMP a finalement retenu le dispositif initialement envisagé par le Gouvernement, c'est-à-dire une modulation des ressources en fonction de la taille de la famille, pouvant aller jusqu'à 1,2 fois le SMIC ; c’est une formule intermédiaire entre celles de l'Assemblée nationale – 1,33 SMIC – et du Sénat – possibilité d’une modulation à 1,2 SMIC, mais seulement pour les familles de six personnes ou plus. La modulation sera fixée par règlement, mais la CMP a exprimé le souhait que le montant maximum de 1,2 fois le SMIC ne soit en effet exigé qu'à partir d'une famille d’au moins six personnes.

Concernant enfin les dispositions relatives au regroupement familial, je n'insiste pas sur la possibilité qui sera désormais offerte aux candidats qui ne peuvent faire valoir la réalité de leur état-civil de solliciter la comparaison de leurs empreintes génétiques pour établir leur filiation.

M. Manuel Valls – Il vaut mieux ne pas trop insister, en effet !

M. le Rapporteur – Sur ce point, la CMP a globalement retenu le dispositif du Sénat. Calqué sur la procédure applicable en France en cas de contestation de la filiation, le recours à un test devant être autorisé par le juge civil, il est même à certains égards plus contraignant puisque la recherche de filiation est limitée à la mère, afin d'éviter d'éventuelles révélations menaçant la paix des familles. Gratuit pour les demandeurs, il sera appliqué de façon expérimentale pendant dix-huit mois. Je suis persuadé que sa mise en application montrera à quel point les polémiques étaient infondées.

Quant au droit d'asile, il est conforté. Le projet initial visait à offrir aux étrangers dont l'entrée au titre de l'asile avait été refusée, la possibilité de saisir dans les vingt-quatre heures le juge administratif par la voie d'un référé-liberté, de plein droit suspensif. Les juridictions judiciaires considérant que la Cour européenne des droits de l'homme exigeait un recours au fond, l'Assemblée nationale a remplacé le référé par le recours en annulation. Le Sénat a souhaité que ce recours puisse être déposé dans les quarante-huit heures suivant le refus d'entrée. Ce délai sera suffisant, d'autant que l'étranger sera systématiquement informé des voies et délais de recours lorsque le refus d'entrée lui sera notifié. Le dépôt du recours suspendra tout éloignement en attendant que le juge se soit prononcé, dans un délai maximal que l'Assemblée nationale a souhaité fixer à soixante-douze heures plutôt qu'à quarante-huit ; nous avons privilégié le parallélisme avec la procédure d'urgence relative aux recours en annulation dirigés contre les arrêtés de reconduite à la frontière. Le maintien de l'étranger en zone d'attente sera d'office prorogé jusqu'à la décision du juge administratif ; le Sénat a précisé que le juge de la liberté et de la détention en serait informé. Si le refus d'entrée est annulé, l'étranger sera libéré et pourra obtenir un document provisoire de séjour pour déposer sa demande d'asile. Alors que le Sénat dispensait l'étranger de demander ce document, la CMP a rétabli la solution de l'Assemblée nationale prévoyant sa délivrance sur simple demande – seules les préfectures pouvant le remettre.

L'ensemble de cette procédure donne de nouvelles garanties aux demandeurs d'asile et permettra à la France de respecter pleinement les exigences de la CEDH.

La tutelle de l'OFPRA, largement formelle, ne relèvera plus du ministère des affaires étrangères mais de celui de l'immigration, compétent pour l'ensemble des flux migratoires. L'Assemblée nationale a souhaité conforter l'indépendance juridictionnelle de la Commission de recours des réfugiés en la rebaptisant Cour nationale du droit d'asile, dénomination plus claire et juridiquement plus exacte. C’est un signal fort, avant la séparation entre le budget de cette juridiction et celui de l'administration dont elle juge les décisions, l'OFPRA. Nous avons aussi souhaité faire siéger au conseil d'administration de l'OFPRA un représentant de la France au Parlement européen, pour tenir compte de l'importance croissante des enjeux européens en matière d'asile. Le Sénat a accepté l'ensemble de ces propositions.

Il a en revanche refusé de ramener d'un mois à quinze jours le délai laissé aux demandeurs d'asile pour saisir la Cour lorsque l'OFPRA a rejeté leur demande, alors que ce délai, supérieur à la moyenne européenne, nous avait paru excessif. Dans un souci d'apaisement, la CMP a suivi le Sénat sur ce dernier point. La CMP a également accepté la proposition d'origine gouvernementale, adoptée au Sénat, d'offrir aux réfugiés un accompagnement personnalisé pour l'accès à l'emploi et au logement lorsqu'ils ont signé un contrat d'accueil et d'intégration.

S'agissant de l'outre-mer, le Sénat a accepté que les observatoires de l'immigration dans les DOM se réunissent dans les six mois suivant la publication de la loi. Il a en revanche supprimé une disposition que nous avions introduite pour préciser par la loi la composition de ces observatoires, celle-ci ayant été fixée par décret le 2 octobre dernier. La CMP a accepté cette suppression, ainsi que le rétablissement par le Sénat de la possibilité laissée à l'étranger d'avertir un conseil lorsqu'une mesure d'éloignement lui est notifiée.

Elle a également accepté des dispositions d'origine gouvernementale, adoptées au Sénat, habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances : d’une part pour codifier les textes relatifs à l'immigration outre-mer au sein d'un code de l'entrée et du séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer, auxquelles nous avons ajouté la Nouvelle-Calédonie ; d’autre part pour adapter les dispositions législatives relatives à l'action sociale ainsi que celles du code civil, à l'exclusion du droit de la nationalité, aux contraintes existant à Saint-Martin en matière d'immigration clandestine.

De nombreux articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale ou le Sénat, comme la création d'un livret d'épargne co-développement, d'une carte de résident permanent ou la généralisation du bilan de compétences professionnelles dans le cadre du CAI, ont fait l'objet d'un large accord. S’agissant de l'article autorisant des traitements automatisés permettant la conduite d'études sur la diversité, le Sénat a accepté le dispositif proposé par l'Assemblée nationale, en précisant seulement, comme l'avait souhaité la HALDE, qu’il ne fallait pas permettre l'identification des personnes.

Enfin la CMP, à notre demande, a supprimé l'article 21 relatif à l'hébergement de stabilisation des personnes en situation irrégulière. La mesure proposée ne visait bien sûr pas à interdire l'hébergement d'urgence pour les sans-papiers, mais dans la pratique il est difficile de distinguer hébergement de stabilisation et hébergement d'urgence.

Ce projet constitue une nouvelle étape dans la mise en place d'une politique d'immigration insistant sur l'impératif d'intégration. N'oublions pas que ses mesures les plus importantes concernent l'apprentissage anticipé de la langue française dans le pays d'origine. La commission mixte paritaire vous demande donc de l'adopter et de respecter ainsi l’une des promesses de la campagne présidentielle.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement  Ce texte aura été beaucoup commenté, mais aussi beaucoup enrichi par le Parlement, grâce à quarante-cinq heures de débats constructifs. Le texte adopté par la CMP est équilibré, et il recueille l’accord complet du Gouvernement. Je tiens à remercier le président de la commission des lois, M. Warsmann, ainsi que son homologue du Sénat, M. Hyest, et les deux rapporteurs.

Le moment est venu de soumettre au vote ce projet de loi, qui constitue une étape vers une meilleure maîtrise de l’immigration, répondant à la double ambition du Président de la République et du Gouvernement d’être plus fermes envers les immigrés qui ne respectent pas nos valeurs et principes républicains, et davantage protecteurs pour ceux qui les respectent. C’est ainsi que nous favoriserons l’intégration des immigrés légaux et que nous préserverons la cohésion de notre communauté nationale.

Les dix-huit articles du projet initial ont été adoptés avec des améliorations, sans être dénaturés. Nous nous donnons les moyens de mieux encadrer le regroupement familial en soumettant les candidats, ainsi que les conjoints de ressortissants français, à une évaluation, dans leur pays de résidence, de leur niveau de connaissances de la langue française et des valeurs de la République. Cette mesure est le fruit d’une conviction : celle que la langue est le meilleur vecteur d’intégration. Il ne faut pas attendre d’arriver sur le territoire français pour s’y initier ! Du reste, 74 % des Français approuvent cette mesure, qui contribue à combattre le communautarisme et à récompenser les efforts de ceux qui souhaitent véritablement s’intégrer.

Les candidats au regroupement familial devront également prouver des revenus adaptés à la taille de leur famille. C’est une question de bon sens : comment une famille pourrait-elle élever quatre enfants dans des conditions décentes avec des revenus trop modestes ?

Nous renforçons également le parcours d’intégration avec la création d’un « contrat d’accueil et d’intégration pour la famille », qui offrira une formation sur les droits et devoirs des parents en France, et en particulier le devoir d’instruction de leurs enfants.

Nous confortons la procédure du droit d’asile, auquel la République est attachée de longue date, et qui est inscrit dans le Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Aujourd’hui, 124 000 personnes ont le statut de réfugié politique en France. La question de l’asile est distincte de celle de l’immigration et doit le rester ; l’asile, qui protège des personnes qui ne sont plus protégées dans leur État, ne sera pas une variable d’ajustement de la politique de l’immigration.

Si la tutelle de l’OFPRA m’est confiée, ce n’est pas moi qui prendrai des décisions en matière d’asile. L’office reste souverain pour décider des cas individuels, sous le contrôle de la Commission de recours des réfugiés. Je me réjouis que le débat parlementaire ait permis de renforcer l’indépendance de cette juridiction, qui devient la Cour nationale du droit d’asile.

Par vos amendements, vous avez souhaité enrichir le projet, tout en respectant sa cohérence. Constitué de 18 articles au départ, il en compte à présent 65. Pas moins de 150 articles ont été adoptés : 41 à l’initiative de l’UMP, 5 du Nouveau Centre, 15 des socialistes, 4 des Verts, et 2 des communistes ; et 34 à l’unanimité. Je me félicite de la capacité de la représentation nationale à dépasser les clivages et trouver des points d'accord sur des sujets rassembleurs.

Je souhaiterais mentionner 4 amendements importants. La création du livret épargne-codéveloppement, d'abord, ouvert à tous les immigrés séjournant régulièrement en France, leur permettra d’obtenir une prime de l'État s'ils investissent leur épargne dans leurs pays d'origine.

Ensuite, la généralisation du bilan de compétences a marqué votre souhait d'améliorer l'intégration par le travail. Dans la mesure où nous nous efforçons d’augmenter la part de l'immigration de travail, il est logique que l'ensemble des immigrés s'installant en France bénéficient d'un tel bilan.

De même, vous avez marqué votre refus absolu des régularisations massives – qui doivent conserver un caractère exceptionnel –, en donnant aux préfets la possibilité, au cas par cas, de tenir compte de la capacité d'intégration par le travail. Il ne s'agit nullement de régulariser tous les travailleurs clandestins, mais d'admettre au séjour quelques étrangers dont la compétence professionnelle est particulièrement recherchée.

Enfin, comme je vous l'ai proposé, vous avez souhaité créer une carte de résident permanent, d'une durée illimitée, pour faciliter la vie des étrangers parfaitement intégrés qui séjournent depuis très longtemps en France.

J'en viens, pour finir, à l'amendement qui a suscité les débats les plus denses, concernant le test ADN. Chacun, dans l'hémicycle, dans les médias, a pu s'exprimer en son âme et conscience. Il y a eu des caricatures, des excès, des faux procès ; la tactique politique s'est parfois confondue avec les désaccords de principe. Mais l'important est ailleurs : entourée des garanties nécessaires au respect de la vie privée, la procédure donnera aux étrangers de bonne foi un droit nouveau, qui leur permettra, s'ils le souhaitent, d'apporter un élément de preuve de leur filiation, pour étayer une demande de regroupement familial.

Ce dispositif sera fondé sur le volontariat. Il ne sera ni général ni permanent, mais expérimental : il sera appliqué dans un certain nombre de pays dont les systèmes d'état civil sont déficients, et le Parlement en débattra à nouveau dix-huit mois après l'entrée en vigueur du décret d'application, au vu d'un rapport d'évaluation qui lui sera remis par une commission de sages.

M. Bruno Le Roux – C’est une mesure inutile !

M. Manuel Valls – Il fallait sauver le soldat Mariani !

M. le Ministre – Le test sera gratuit, quelle qu’en soit l'issue. J'ajoute que seul un élément de preuve de la filiation avec la mère pourra être recherché ; cette limitation permettra d'éviter, notamment, la révélation publique d'un viol.

Surtout, nous avons souhaité que le test ADN soit explicitement autorisé par le juge civil. Ainsi la procédure est-elle similaire à celle de l’article 16-11 du code civil, issu de la loi du 29 juillet 1994 relative à la bioéthique, qui prévoit que l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques peut être recherchée en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge, saisi d'une action tendant à l'établissement ou à la contestation d'un lien de filiation.

Ainsi entouré de garanties, le dispositif pourra être mis en œuvre par la France à titre expérimental, aux côtés des douze pays européens qui le pratiquent déjà ou sont en passe de l’instituer. Pour la plupart, ces pays sont dirigés par des majorités de gauche : le Royaume-Uni, pays d’habeas corpus – mon homologue britannique m’a dit que 12 000 tests étaient pratiqués chaque année sans difficulté –, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, l'Autriche, la Finlande, la Lituanie, la Norvège et la Suède !

Le HCR a du reste relevé, en mai, que les tests ADN étaient de plus en plus utilisés pour prouver les liens de parenté dans le cadre du regroupement familial, et il considère cela comme une évolution logique et inéluctable. Quant à la Commission européenne, elle considère que les tests ADN sont compatibles avec le droit européen.

En décidant aujourd'hui de la politique d'immigration, nous dessinons le visage de la France d'après-demain. À la tête d'un ministère novateur, je souhaite contribuer à définir une politique d'immigration qui permette à la fois l'enrichissement et la préservation de notre communauté nationale. Parce qu'il est ferme et parce qu'il protège, le projet va dans le bon sens, celui d'une France vigilante, fière d'elle-même, désireuse de préserver son équilibre, mais ouverte à l'autre, accueillante à ceux qui veulent la rejoindre pour s'y intégrer ; celui d'une France diverse mais unie, riche de son harmonie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Patrick Braouezec – Si la navette et la CMP ont apporté quelques améliorations au projet, de nombreuses questions restent en suspens. Nous avons été écoutés, mais non entendus ! Je suis quelque peu sceptique quant à la volonté du Gouvernement de garantir le respect des droits de l’homme lorsque j'entends dire qu'un certain nombre de femmes et d'hommes, installés sur notre territoire et vivant avec nous, sont indésirables. Il a été décidé de s'en débarrasser en les mettant dehors.

Pour augmenter le chiffre et le rythme des expulsions, il existe des techniques rodées : convocation piège dans les préfectures, interpellation des enfants dans les écoles ou des parents à leur domicile – comme à Amiens et à Paris, avec les conséquences tragiques que l'on connaît – ; interpellation lors de distribution de repas par les Restaurants du cœur, interpellation dans les hôpitaux… La police française s’étant vu fixer des objectifs chiffrés, cette chasse tient désormais de la rafle (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Arlette Franco – N’exagérez pas !

M. Patrick Braouezec – Le Robert définit la rafle comme une « arrestation massive opérée à l’improviste » : c’est bien de cela qu’il s’agit ! Je ne suis pas le seul à recourir à ce terme, qu’ont également employé le président de la Ligue des droits de l’homme ou la Cimade, experte dans ce domaine. Alors que les personnes arrêtées n'ont commis d’autre délit que d’être là parce qu’elles ont migré, en vertu d’un droit humain fondamental dont bénéficie tout citoyen quelle que soit son origine, le Gouvernement les désigne comme responsables des problèmes sociaux. Ainsi le texte vient-il renforcer l'arsenal déjà opposé à la migration.

L'article 1er fait ainsi référence à une formation de deux mois, alors même que la procédure actuelle de regroupement familial est déjà longue, puisqu’elle suppose dix-huit mois de séjour régulier – aux termes de la loi du 24 juillet 2006 – auxquels s’ajoute le délai de six mois imparti au préfet pour faire connaître sa décision, sans compter les délais exorbitants d’obtention du visa auprès des services consulaires. Le maintien de ce délai supplémentaire, nouvelle atteinte au droit à une vie familiale normale, demeure en outre anticonstitutionnel et contraire à l'exigence, fondamentale dans une démocratie, de conciliation équilibrée entre droits individuels et intérêt général.

Pourquoi l’article 2, relatif aux conditions de ressources, n’applique-t-il pas aux familles étrangères le même seuil que celui qui garantit aux familles françaises des conditions de vie acceptables – un revenu égal au SMIC –, comme l’avait préconisé le Sénat en 2006 ? Cette distinction discriminatoire laisse présager de dangereuses dérives, car elle prive les familles des droits que leur garantissent l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, sur le respect de la vie privée et familiale, et l’article 3–1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui fait de l'intérêt de l'enfant une priorité pour toute décision administrative ou juridictionnelle.

En ce qui concerne les violences faites aux femmes, les associations ont été entendues : les victimes mises à la rue avant la délivrance du premier titre de séjour pourront obtenir un titre auprès des services de la préfecture. Mais nous aurions préféré que cette possibilité devienne une obligation préfectorale, seul moyen d’éviter une décision arbitraire.

Quant au regroupement familial pour les conjoints de Français, l’obligation d’une formation d’une durée maximale de deux mois dans le pays où ils sollicitent leur visa n’a pas été annulée, malgré plusieurs amendements. Elle ne fait pourtant que s’ajouter aux nombreuses procédures entravant déjà le regroupement familial pour les couples mixtes : difficultés à obtenir la transcription des unions célébrées à l'étranger, multiplication des refus de visa ou de titre de séjour, éloignement des conjoints de Français en situation irrégulière, arrestations à domicile, enquêtes de police sur la communauté de vie, non- reconnaissance du droit au séjour des couples mixtes vivant hors mariage. Une relation amoureuse avec un étranger devient ainsi hors la loi. Décidément, rien n'arrête le gouvernement : le droit à vivre en famille comme le droit à la vie privée sont aujourd'hui inaccessibles à une partie des citoyens vivant ou voulant vivre en France.

Mais le texte va plus loin : le candidat ressortissant d'un pays dont l'état civil est défectueux peut demander à être identifié par ses empreintes génétiques. C’est le fameux « amendement Mariani », à propos duquel rien n'aura fait reculer le gouvernement : ni les déclarations des évêques de Saint-Denis et de Belfort-Montbéliard ou de la Fédération protestante de France, ni l'appel des scientifiques, ni même une pétition qui a réuni quelque 78 000 signatures en trois semaines. Toujours inadmissible malgré quelques améliorations, cette disposition, contrairement à ce qu'a affirmé le premier ministre, ne se réduit pas à un « détail ». D’après un communiqué de presse de l'Union juive française pour la paix, « le fichage génétique et la traçabilité des origines raciales évoquent les périodes historiques – les plus sombres de l'humanité – au cours desquelles des mesures similaires avaient frappé les Juifs...

M. le Rapporteur – Vous oubliez le président du CRIF !

M. Patrick Braouezec – « Un détail ? », poursuit le communiqué. « Pas plus que ne l’était la traçabilité des origines raciales mise en place par l’Allemagne et par d'autres pays européens dans les années trente (Protestations sur les bancs du groupe UMP). C'est par ce type de détails simplistes et profondément idéologiques, qui assimilent les migrants à des voleurs, à des criminels, à des terroristes et à des profiteurs, que l'on aboutit à des dérives. » Je ne fais là que citer l’UJFP !

M. le Rapporteur – Sans conviction !

M. Patrick Braouezec – Au contraire.

L’introduction dans la loi de ces mesures est incompatible avec les valeurs et les pratiques démocratiques. Comment accepter, sous couvert de légalité, d’établir une discrimination en raison de l’origine ? Il en va de même de l'article 20, qui vise à mesurer la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration, dont il faudrait pourtant se refuser à faire état, quelle que soit la complexité de l'étude menée. Car ce n’est pas en focalisant l’attention sur certaines populations que l’on empêchera les discriminations !

Permettez-moi de citer un journal qui n’a rien de commun avec L’Humanité : dans son éditorial du 21 octobre, le New York Times note que les tests ADN n’ont pas leur place dans une loi sur l'immigration, sujet propice à la manifestation des pires instincts des hommes politiques. Et il appelle à supprimer un texte « hideux ».

La préservation du respect de la vie privée par l’établissement de la seule filiation maternelle – mais qu’en sera-t-il d'un regroupement demandé par le père lorsque la mère est décédée ou introuvable ? –, l’obligation pour les pays concernés de donner au préalable leur avis ou la réalisation du test aux frais de l'État ne rendent pas cette disposition plus admissible. Les tests ADN servent essentiellement à prouver une filiation après décision de justice et à identifier les coupables de crimes et délits ; c’est à ce titre que l’ADN de plus de 500 000 personnes est stocké au Fichier national automatisé des empreintes génétiques, créé en 1998. Le traçage par l’ADN de candidats au regroupement familial, qui ne sont ni des délinquants ni des criminels, est liberticide.

Par ailleurs, le projet limite aux seuls demandeurs d'asile le droit à un recours suspensif, à l’exclusion, malgré plusieurs amendements déposés à l'Assemblée nationale comme au Sénat, des étrangers maintenus en zone d'attente, même mineurs, malades ou victimes de violences. En outre, le refoulement des étrangers auxquels s’impose l'obligation d'un recours effectif, c'est-à-dire nécessairement suspensif, risque de violer la Convention européenne des droits de l'homme – ses articles 2 et 3, s’agissant non seulement des demandeurs d'asile, mais également des étrangers dont l'état de santé nécessite des soins dont il serait grave de les priver et dont ils ne pourraient effectivement pas bénéficier dans le pays où ils sont refoulés ; mais aussi son article 8, dans le cas d’un mineur isolé ou d’un étranger en situation irrégulière qui vit habituellement en France avec sa famille et qui, à la suite d'un voyage, se trouve bloqué hors du territoire.

Le doublement du délai de recours pour le référé-liberté, porté à quarante-huit heures, ne permet toujours pas un recours effectif. En outre, les conditions de recevabilité des requêtes sont draconiennes, puisqu’elle obligent à faire la preuve d’une atteinte grave et manifeste à une liberté fondamentale. Au-delà de ce délai, la police aux frontières est libre de renvoyer un demandeur d'asile, quels que soient les autres recours qu'il pourrait exercer – saisine de la CEDH en vue de mesures provisoires, ou saisine du juge pour enfants lorsqu'il s'agit d'un mineur isolé. Afin d'éviter ce véritable filtrage, la requête en référé doit être très circonstanciée et sa rédaction nécessite un long travail préalable. Dans l'affaire Gebremedhin, c'est précisément l'usage abusif de la procédure au « tri » qui a conduit la Cour européenne des droits de l'homme à prononcer, en 2005, une mesure provisoire à l’encontre de la France afin d’empêcher le renvoi du demandeur. Le droit français reste donc contraire aux exigences de la CEDH comme à d'autres obligations internationales de protection des droits de l'homme qui s’imposent à la France. En effet, ce délai insuffisant, en rendant irrecevables de nombreux recours, porte atteinte au droit d'asile et aux droits de la défense. Combinée avec la possibilité de rejeter par simple « ordonnance », sans audition des demandeurs, les recours insuffisamment motivés, cette disposition prive un grand nombre de réfugiés d'un examen au fond de leur dossier.

Parce que ce texte institutionnalise la xénophobie et qu’il est porteur de nouvelles formes de racisme – comme l’ont souligné plusieurs rapports du Conseil des droits de l'homme de l'ONU –, et parce qu'il met à mal de nombreux instruments garantissant le respect et l'effectivité des droits humains, le groupe GDR le juge irrecevable et se joindrait à une saisine du Conseil constitutionnel s’il était adopté.

M. Éric Diard – Le groupe UMP a été choqué d’entendre M. Braouezec parler de « rafle ».

M. Patrick Braouezec – Je ne faisais que citer les propos de plusieurs experts.

M. Éric Diard – Ce n’est pas seulement une caricature, c’est aussi une insulte à la mémoire des milliers de Juifs, de tziganes et de résistants arrêtés, torturés et déportés, le plus souvent pour ne jamais revenir (Protestations sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Le test de connaissance du français et des valeurs de la République – analogue à celui qu’ont institué les Pays-Bas en 2006 – favorisera d’autant plus l’intégration que l’ignorance de notre langue expose les immigrés aux aigrefins et aux voyous. En outre, le texte soutient le parcours d’intégration des immigrés, qui concluront avec l’État un contrat par lequel ils s’engageront à favoriser l’intégration de leurs enfants une fois le regroupement familial accordé.

Quant aux tests ADN, vos propos ont été là encore caricaturaux et mensongers. La mesure – on l’a dit et répété – repose sur le principe du volontariat et exclut tout traçage, les résultats étant non pas stockés, mais détruits. En outre, provisoire, elle devra être évaluée au plus tard le 15 décembre 2009. Ni conditionnée par les ressources de la famille – puisque l’État en remboursera intégralement le coût quel que soit le résultat du test –, ni contraire à son intégrité – puisque les recherches ne porteront que sur la filiation maternelle, elle empêchera d’autant moins les enfants de rejoindre leur famille en France que les tests, volontaires, ne seront évidemment pas demandés par les parents adoptifs.

Ce texte a fait l’objet d’un débat de plus de 45 heures et il a été enrichi par l'Assemblée nationale, le Sénat et la CMP. Plus de cent amendements ont été adoptés, dont une quinzaine avait été déposée par le parti socialiste, 4 par les Verts et 2 par les communistes. Ce fut donc un débat riche et ouvert. Si l’article 21 a été supprimé, le programme du Président de la République a été respecté. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre l’exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Blisko – Certains ont pu être choqués par la description de Patrick Braouezec, mais elle est tout à fait exacte. C’est un climat de défiance, de peur et d’incompréhension qui s’est instauré à l’intérieur de notre pays et avec certains pays étrangers (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Le groupe socialiste ne refuse pas à l’État le droit de définir une politique d’immigration, mais celle-ci doit être mesurée et conforme au besoin d’aller et de venir de millions de personnes dans le monde, ainsi qu’aux besoins économiques, sociaux, culturels, universitaires et scientifiques de nos pays développés. Nous n’avons jamais prétendu le contraire. Nous demandons seulement que cette politique soit respectueuse des personnes : il faut notamment prendre en compte les conditions de vie des immigrés dans leur pays d’origine – et c’est pourquoi nous soutenons le co-développement – et favoriser une intégration aussi réussie que possible dans notre pays.

Dans son récent rapport sur la « carte bleue », qui pourrait devenir l’équivalent européen de la « carte verte » américaine, la Commission vient d’ailleurs de rappeler que nous aurons besoin de plus de vingt millions d’immigrés d’origine extracommunautaire d’ici à 2020. Une fois que les personnes sont arrivées, nous devons les intégrer en respectant les droits de l’homme, les libertés fondamentales et les droits de l’enfant. Or, ce texte en est loin !

Comme l’a indiqué Patrick Braouezec, nous avons également un devoir particulier en matière de droit d’asile, car la France n’est pas n’importe quel pays. Terre d’accueil pour de nombreux réfugiés – plus de 30 000 demandes par an - et pays signataire de la Convention de Genève dès 1952, la France doit veiller à ce qu’un droit effectif à l’asile soit respecté.

Cet équilibre délicat de la politique d’immigration, que vous avez continuellement remis en cause depuis 2002, est une nouvelle fois menacé, du fait de cette loi défendue par M. Hortefeux et rectifiée par M. Mariani, à l’image de certains canons qui furent rectifiés pendant la première guerre mondiale afin de causer plus de dégâts. (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Lionnel Luca – Alors là, c’est la grosse Bertha !

M. Serge Blisko – Le fichage génétique a été dénoncé par toutes les Églises, par toutes les forces spirituelles et même par d’éminentes personnalités gaullistes ou de l’UMP. Ce n’est pas une simple question d’opposition au Gouvernement, mais de bon sens et de démocratie. N’oublions pas les dérives qui ont eu lieu dans notre pays voilà soixante ans…

J’ajoute qu’il n’y avait nul besoin d’introduire des statistiques raciales et ethniques dans la loi. Nous savons déjà qui est victime de discriminations dans ce pays, et nous avons des outils pour évaluer ce phénomène. Vous allez altérer l’image de la France, déjà dégradée depuis le grossier discours prononcé par le Président de la République devant les jeunes étudiants de Dakar. (Protestations sur les bancs du groupe UMP). En désignant nommément onze pays d’Afrique subsaharienne dont l’état civil serait entaché d’erreurs, vous allez aggraver nos relations avec ces pays. Au lieu de les aider, vous érigez un mur d’incompréhension ! Ne vous étonnez s’ils tournent le dos à notre pays en dépit de leur éducation francophone. Loin de leur tendre la main, vous dressez de nouvelles barrières à l’entrée de leurs jeunes et de leurs universitaires.

M. le Président – Votre temps est écoulé, Monsieur Blisko.

M. Serge Blisko – J’en termine. Notre tradition d’accueil est écornée, et les quelques garde-fous introduits par le Sénat n’empêcheront pas ce texte d’être contraire à la Convention européenne des droits de l’homme et à tous les traités internationaux, notamment la Convention internationale sur les droits de l’enfant.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera l’exception d’irrecevabilité.

L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme George Pau-Langevin – Le Gouvernement et sa majorité n’auront pas ménagé leurs efforts pour faire adopter ce projet hâtif, dérangeant et peu applicable, qui n’a qu’un seul avantage pour vous : envoyer un signal à la frange la plus dure de votre électorat, celle qui s’habitue à considérer que tous ses problèmes viennent de l'immigration et qu'elle mènerait une vie plus enviable si celle-ci était diminuée ou arrêtée.

Vous êtes restés sourds aux appels d'une fraction non négligeable du peuple français, des Églises, des associations, des autorités morales et des intellectuels, qui se sont tous prononcés contre votre instrumentalisation malsaine de l'immigration. Certains députés de la majorité, et même certains ministres, ont d’ailleurs exprimé leur malaise face à des mesures qui vous fascinent, mais n’amélioreront pas les relations humaines.

À l'époque où les marchandises circulent bien plus rapidement grâce au transport aérien, où les informations et les capitaux font le tour de la planète en un temps record, où l’on correspond sur Internet avec la terre entière, croire que des obstacles administratifs pourront empêcher les Français et les étrangers de se rencontrer, de se connaître et de s'aimer, c’est encore plus vain que l'édification de la ligne Maginot !

Montant en épingle quelques cas malheureux, vous aimeriez faire croire que les mariages des Français avec des étrangers reposent sur l’intérêt, l’esprit de lucre ou la fraude. Vous vous trompez, car les Français, rebelles, indisciplinés et le plus souvent antiracistes, aimeront ceux qu’ils veulent, quelle que soit la couleur de peau et la nationalité. Par vos lois, vous pourrez retarder les échéances et contrarier les unions en obligeant les intéressés à vivre séparés plus longtemps que de raison, mais il vous faudra bien admettre que, dans la majorité des cas, c’est librement et en toute conscience que des Français choisissent d'épouser des asiatiques ou des Ukrainiennes, et que des Françaises s'unissent à des Maliens ou à des Indiens.

Que certaines de ces unions se concluent par un échec, pour toutes sortes de raisons, notamment à cause des différences de culture ou de religion, cela ne signifie pas qu'elles soient entachées de fraude. L'actualité récente a montré que les intermittences du cœur existent même dans les plus hautes sphères (Sourires). Il ne sert à rien de légiférer pour traquer l'impalpable. Lorsque des couples de Français dits « de souche » adoptent des enfants colombiens, malgaches ou haïtiens, l'absence de filiation biologique ne change rien au bonheur apporté dans les foyers par la présence de ces enfants.

Innovation insolite, les conjoints de ressortissants français devront désormais passer de longues semaines, voire des mois, à étudier le français loin de la France et de leur foyer, alors qu’il eût été plus facile de progresser avec leur conjoint. Nous touchons à l’absurde !

Le Sénat et la CMP n’ont pu que limiter la nocivité de ce texte en supprimant ou en atténuant les mesures les plus aberrantes et les plus contestables. À l'article premier, la formation requise sera ainsi soumise à des délais et il sera possible d’en dispenser des étrangers pour des motifs légitimes. Je regrette néanmoins que le texte reste peu explicite sur ce dernier point.

La discrimination en fonction des ressources a également été limitée, le niveau de ressources exigées ayant été plafonné à un SMIC majoré d’un cinquième. S’agissant des personnes âgées ou malades, la formulation adoptée par le Sénat nous semble plus acceptable que la sèche formulation initiale. Ces quelques améliorations ne changeront néanmoins rien à l’inopportunité de telles mesures : c'est le principe même de la majoration qui nous choque. Si une famille française peut se contenter du SMIC, pourquoi une famille étrangère ne pourrait-elle pas en vivre ? Ne serait-il pas plus simple et plus efficace d’œuvrer pour une amélioration de tous les salaires ?

Ce texte nous semble également inopportun parce qu’il stigmatise l’étranger dans l’exercice de sa fonction parentale. Vous souhaitez donner au préfet le pouvoir de sanctionner l’étranger qui ne serait pas un assez bon parent, au prétexte qu’il ne suivrait pas bien ses cours sur les droits et devoirs des parents en France, mais ce sont les présidents de conseils généraux qui devront adopter les sanctions, puisqu’ils disposent seuls des compétences en matière de contrats de responsabilité. Pourquoi brandir une menace en agitant un sabre de bois ? En cas de volonté caractérisée d'enfreindre les obligations parentales, est-il besoin d'un texte spécifique ? Il suffit d’appliquer les sanctions déjà prévues par la loi.

En rétablissant une disposition adoptée par le Sénat l’an dernier, qui dispense le conjoint d’un Français résidant en France depuis plus de six mois, de repartir à l’étranger pour présenter une demande de visa de long séjour, vous êtes enfin revenu à la raison. Mais il a fallu bien longtemps pour que le Gouvernement se range à une volonté clairement exprimée par le Parlement.

J’observe enfin que le texte marque une singulière défiance à l’endroit des magistrats. Leur présence dans les commissions du titre de séjour constituait plutôt une bonne chose : vous l’avez supprimée, au prétexte fallacieux qu’il y aurait conflit d’intérêt.

M. le Rapporteur – Ils ne venaient pas !

Mme George Pau-Langevin – Alors dites-le, et demandez-vous si cette absence n’est pas due à la faiblesse des pouvoirs que vous reconnaissez à ces commissions !

Alors qu’une grande partie des syndicats de magistrats entendus ont déploré leur charge de travail et le fait que le contentieux des étrangers supplante désormais tous les autres, vous créez en matière de demande d’asile à la frontière un recours de droit commun devant les tribunaux administratifs, qui sont priés de statuer en 72 heures. Les juges administratifs apprécieront !

Le débat parlementaire a certes permis d’améliorer le texte, puisque vous avez dû y introduire quelques mesures positives pour donner le change. Je me réjouis que les étrangers puissent désormais solliciter une carte de séjour à validité permanente. Vous êtes aussi revenus à la raison en ce qui concerne l’hébergement d’urgence pour les sans-papiers. Je me félicite par ailleurs de l’amendement qui a été adopté sur le compte épargne développement : il rend hommage à l’effort d’épargne des migrants, qui en dépit d’une situation souvent modeste, contribuent mieux que toutes les instances officielles au développement et à l’équipement de leur pays d’origine. J’attends cependant de connaître le montant de la prime qui sera allouée pour juger de l’intérêt de cette disposition. J’apprécie enfin la disposition – que nous réclamions – qui permet à la femme victime de violences de ne pas perdre son titre de séjour.

Pour le reste, ce texte inutile se contente, hélas, de distiller le soupçon à l’égard des étrangers et de leur droit – légitime – à vivre en famille. Il met en péril des principes fondamentaux pour faire la chasse à quelques enfants étrangers. Vous avez introduit ces tests ADN condamnés par l’opinion, et vous avez voulu en maintenir le principe même après la discussion au Sénat. Il aurait mieux valu, comme un sénateur du centre vous l’a demandé, décomposer la démarche et revenir clairement à la possession d’état, qui est la règle en France. C’est alors seulement, si le tribunal de grande instance de Nantes constatait que tous les documents et la possession d’état ne suffisaient pas, que l’on se serait tourné vers des moyens complémentaires pour établir la filiation. Vous avez préféré confirmer la stigmatisation des étrangers avec ce dispositif dérogatoire au droit commun. Même limité, il reste inacceptable. Non seulement il est discriminatoire pour les parents étrangers, mais il ne repose pas – quoi que vous en disiez – sur un accord volontaire. Or, en droit français, il ne peut y avoir de consentement libre sous la contrainte. L’étranger se retrouvera confronté à d’inextricables difficultés de procédure. J’attends d’ailleurs avec intérêt de connaître les moyens budgétaires qui sont prévus pour permettre au TGI de Nantes de faire face aux conséquences de la mise en place des tests ADN.

Les audiences vidéo pour les demandeurs d’asile sont tout aussi inacceptables. Là encore, on met le doigt dans un engrenage dangereux et on traite les magistrats avec désinvolture. Bientôt, nous assisterons à des simulacres de procès : on expérimente avec les étrangers des procédures qui risquent tôt ou tard d’être étendues à l’ensemble des Français.

Les précédentes lois sur l’immigration ont eu beau être expliquées dans la presse par un ministre très médiatique, elles n’ont guère brillé par leurs résultats. Il en ira de même pour celle-ci. Les malheureuses familles qui ne supporteront plus de vivre séparées tenteront l’impossible : vous encouragerez donc l’immigration irrégulière.

M. Serge Blisko – Très bien !

Mme George Pau-Langevin – Nous ne saurions donc accepter ce texte, même modifié, pas plus que ces statistiques ethniques introduites sans garanties particulières au mépris de notre tradition juridique. S’il est voté, nous saisirons le Conseil constitutionnel : on ne peut faire ainsi fi de nos principes fondamentaux (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Éric Ciotti – Les propos de Mme Pau-Langevin étaient beaucoup plus mesurés que ceux de M. Braouezec, et je m’en réjouis, car ces derniers versaient vraiment dans l’outrance et la caricature. Nous contestons bien sûr vos arguments, Madame, mais nous les respectons. Le débat sur l’immigration est un débat grave, qui conditionne l’avenir de millions de personnes. Il mérite donc d’être dépassionné : nous devons trouver le consensus national que la plupart des pays de l’Union européenne ont su trouver. Il me semble que nous pourrions nous retrouver sur au moins trois idées : favoriser l’intégration, lutter contre l’immigration clandestine et assurer le développement des pays d’origine. Ce débat aurait été plus fructueux si nous l’avions cantonné à ces trois grandes questions. Malheureusement, vous avez une nouvelle fois privilégié les débats polémiques, ceux qui font peur et se fondent sur les contrevérités et les fantasmes. Si nous voulons avancer sur ce dossier de l’immigration, il faut pourtant que vous fassiez votre révolution idéologique. Il y va de l’intérêt même des étrangers dans notre pays. Il n’est plus acceptable, en effet, que certains d’entre eux soient victimes de sentiments de racisme ou de haine. Or, ceux-ci seront d’autant plus condamnés – comme ils doivent l’être – que vous bannirez de vos propos certains excès. Ce débat est utile et pertinent. Saluons donc l’action de M. le ministre, qui a fait considérablement progresser par ce texte l’appréciation des Français en faveur d’une immigration choisie.

Les motivations de cette question préalable ne sont donc pas pertinentes. Nous ne vous permettons pas de penser que nous serions animés par des arrière-pensées qui ne seraient pas conformes aux valeurs de la République. Vous n’avez pas le monopole de la générosité et de l’anti-racisme ! Ce texte offre en réalité une protection aux étrangers. Ne faut-il pas favoriser l’apprentissage de la langue française par ceux qui vont rejoindre notre sol ?

M. Patrick Braouezec – Favoriser, ce n’est pas contraindre !

M. Éric Ciotti – Ne doivent-ils pas connaître les valeurs de la République ? Ce texte offre des garanties en la matière ! Il aidera les étrangers à réussir leur parcours d’intégration. Loin d’être dangereux, il constitue un garde-fou contre certaines dérives. Ce qui nous différencie fondamentalement, c’est notre volonté de lutter de toutes nos forces contre l’immigration irrégulière, qui porte atteinte à la cohésion de notre pacte social. Ce sont les mesures de régularisation massive décidées en 1997 qui ont fait le plus de tort aux étrangers.

M. Patrick Braouezec – N’importe quoi !

M. Éric Ciotti – Ce projet répare une coupable erreur, et c’est pour cela que nous rejetterons cette question préalable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marietta Karamanli – Nous soutenons bien évidemment cette question préalable, car ce texte est dangereux. Les lois sur l’immigration votées sous la dernière législature attendent toujours leurs décrets d’application. Lorsque la loi Clément sera effectivement appliquée, c’est non seulement à l’enfant immigré, mais aussi à sa mère que l’on refusera l’entrée sur le territoire, et c’est la validité du mariage que l’on mettra en cause.

Non, mes chers collègues, ce texte n’est pas abouti et ses inspirateurs ne mesurent pas l’effet qu’aura l’amendement ADN dans nos consulats. La possession d’état s’estompant, les candidats au regroupement familial n’auront pas d’autre choix que de passer les tests, sous peine d’être soupçonnés de fraude. Votre logique scientiste de confiance aveugle dans la génétique est contraire à toute la tradition républicaine et nous ne pouvons la cautionner. Enfin, Monsieur Ciotti, loin de la combattre, ce texte risque, en édictant des règles inacceptables, de favoriser l’immigration clandestine (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Patrick Braouezec – À chaque nouveau texte sur l’immigration, la majorité prétend que c’est le dernier…

M. le Rapporteur – Non, un autre viendra. Mais celui-ci est le meilleur ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Braouezec – …et que toutes nos objections relèvent de l’outrance. Pourtant, la réalité nous donne souvent raison et je renvoie notamment à la définition du mot « rafle » dans tous les dictionnaires : elle correspond mot pour mot à la situation que vivent un trop grand nombre de familles sur notre territoire, que vous le vouliez ou non. Car enfin, comment qualifier autrement la reconduite dans leur pays – qui appartient du reste à l’espace européen – de dizaines de Roms, embarqués de force dans des cars au petit matin ?

Ce texte renforce les dispositifs visant à désigner les étrangers comme la source de tous les maux dont souffre le pays. Dirigé contre le regroupement familial, il va diviser les familles et priver des enfants du droit fondamental de vivre avec leurs parents. Dans son édition de ce matin, Le Parisien décrit pourtant, au travers de deux exemples très parlants, la situation très difficile que vivent déjà nombre de familles immigrées, installées en France de longue date et n’aspirant qu’à vivre dans la sérénité.

Au fil des lectures, l’amendement Mariani a été vidé de son contenu et ne relève plus aujourd’hui que de l’idéologie…

M. Jean-Marc Roubaud – Venant de vous…

M. Patrick Braouezec – Son seul objet est de désigner l’étranger comme bouc émissaire et vous ne pouvez ignorer que nombre d’élus, dans vos propres rangs, s’interrogent sur son bien-fondé.

M. Jean-Marc Roubaud – Ce sont des postures !

M. Patrick Braouezec – Bien entendu, nous voterons la question préalable et, si celle-ci n’est pas adoptée, contre ce texte. Ensuite, nous soutiendrons la saisine du Conseil constitutionnel, au moins pour que l’article sur les tests ADN soit retiré.

M. Jean-Paul Lecoq – J’ouvrirai mon propos en évoquant la déclaration de l’Union des juifs pour la paix, qui considère que les mesures prévues dans le présent texte ne sont pas un « détail », non plus que n’était anecdotique la traçabilité des origines raciales mise en œuvre par l’Allemagne dans les années 1930. Non, cette loi n’est pas un détail, pas plus dans sa motivation que dans ses effets prévisibles, et le chiffre des expulsions réalisées sur notre territoire n’est pas un détail de l’actualité.

Une frontière dangereuse a même été franchie, puisque votre projet contient des dispositions relevant de ce que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU désigne sous la qualification de « nouvelles formes de xénophobie, racisme et discrimination ». Pour vous, le migrant ou le demandeur d’asile est un tricheur, un profiteur et une menace pour notre « identité nationale » ; dès lors, il serait justifié d’aggraver la répression en organisant rafles, razzias et expulsions et en faisant pression sur les élus. Au vrai, c’est la démocratie elle-même que cette loi met en péril.

Le Gouvernement et les députés UMP qui le soutiennent attentent aux normes internationales relatives à la protection des droits fondamentaux et au droit d’asile qui lient la France. Le fait que l’asile soit tombé sous la compétence d’un ministère à l’intitulé alambiqué est en outre révélateur de la paranoïa dont vous souffrez ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Dois-je rappeler que l’asile ne relève pas du bon vouloir du prince et que c’est un devoir d’État ?

L’amalgame entre droit d’asile et flux migratoires relève de la pure démagogie, d’autant plus condamnable que l’ensemble de votre politique, répressive, discriminatoire et rétrograde, tend à stigmatiser l’étranger. Or, si les pauvres fuient massivement leur pays d’origine, c’est parce que la politique économique mondiale ne corrige aucun déséquilibre. Et la politique menée par la France au sein des institutions financières internationales n’est pas étrangère au pillage des ressources des pays du Sud. Si tant de citoyens fuient leur pays, c’est parce que l’Occident, « guidé » par les États-Unis, a créé sur terre les conditions d’un véritable enfer : guerres d’agression, invasion de pays souverains, occupations violentes, utilisation systématique de la torture, enlèvements – y compris de ressortissants européens sur le territoire européen –, exécutions sommaires – en Iraq et ailleurs. Telles sont les véritables causes du désordre international ! Demander l’asile est souvent le seul moyen de tenter d’échapper à cet enfer.

Il est également inadmissible, Monsieur le ministre, que votre département – dont l’intitulé est la traduction d’un slogan démagogique – soit aussi en charge du codéveloppement. Au reste, ce rapprochement scandaleux ne trompe personne.

Avec ce texte, la droite au pouvoir révèle une nouvelle fois son immoralité et son inhumanité. Comme le crient les voix de plus en plus nombreuses qui le dénoncent, ce projet rappelle les heures les plus sombres de notre histoire (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous vous avions pourtant prévenu, en dénonçant sans relâche son caractère xénophobe et liberticide.

M. Jean-Marc Roubaud – Scandaleux !

M. Jean-Paul Lecoq – C’est votre texte qui est scandaleux ! Il vous reviendra d’assumer les conséquences de vos actes ignobles… (Même mouvement)

M. le Rapporteur – Quelle modération !

M. Jean-Paul Lecoq – Bien entendu, nous ne pouvons cautionner vos dérives et nous voterons résolument contre ce projet de loi.

M. Éric Ciotti – Qu’il me soit permis d’abord de faire part de l’indignation que provoquent chez moi les propos scandaleux qui viennent d’être tenus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Lecoq – L’histoire jugera !

M. le Rapporteur – Nos collègues communistes sont extraordinaires !

M. Éric Ciotti – En tout cas, nous sommes au moins aussi actifs qu’eux pour défendre les valeurs de la République…

M. Jean-Paul Lecoq – Prouvez-le !

M. Éric Ciotti – Au terme d’un débat qui fera date…

Mme George Pau-Langevin – Ça, c’est certain !

M. Éric Ciotti – Nous pouvons saluer la constance du Gouvernement et sa capacité à maintenir le cap, en dépit des attaques les plus outrancières qu’il a essuyées. Je rends hommage, Monsieur le ministre, à la considération que vous nous avez témoignée et à l’équilibre entre fermeté et humanisme dont vous ne vous êtes jamais départi.

Ce texte répond à l’attente des Français de voir le Gouvernement conduire, conformément aux engagements du Président de la République, une politique d’immigration selon laquelle l’arrivée de nouveaux entrants est voulue et maîtrisée. Notre conviction absolue, c’est que l’intégration ne peut réussir que si les flux d’entrées sont maîtrisés.

Dès lors, comment ne pas regretter que l’opposition ait si peu parlé des dispositions relatives à la préparation du parcours d’intégration, du contrat d’accueil et d’intégration, du seuil de ressources ou de la connaissance des valeurs de la République ? De même, nos détracteurs se sont bien gardés d’évoquer les mesures visant à améliorer la situation des migrants, qu’il s’agisse de l’application de la jurisprudence de la CEDH tendant à accélérer le traitement des recours ou du livret d’épargne développement.

Au final, le texte qui nous est soumis est juste, équilibré et efficace. S’agissant de l’immigration familiale, il réalise un équilibre bienvenu, compte tenu du fait que l’on ne peut laisser dériver à l’infini cette source d’entrée. Il faut savoir qu’en 2006, plus de 90 000 titres ont été délivrés au titre de l’immigration familiale, contre 11 000 pour l’immigration économique. Le projet de loi tend à y remédier en favorisant une immigration économique choisie, fondée sur le respect de notre identité nationale et la maîtrise de notre langue.

Il en va de même de l’apprentissage des valeurs de la République, sur lesquelles la France s’est construite – la laïcité, l’égalité entre les hommes et les femmes, la liberté de conscience.

M. Jean-Paul Lecoq – Et l’accueil ?

M. Éric Ciotti – Par ailleurs, l’intégration ne peut réussir que par le travail, non par l’assistance. C’est tout le sens de l’engagement du Président de la République concernant la vérification que l’étranger souhaitant faire venir sa famille dispose de ressources suffisantes pour la faire vivre décemment, sans recourir aux prestations sociales. Cette disposition serait, selon certains, attentatoire aux droits de l’homme, mais le fait de laisser entrer des étrangers qui n’ont pas les moyens de vivre dignement le serait-il moins ? Qu’est-ce que le « droit à une vie familiale normale » quand dix personnes vivent dans quelques mètres carrés ? Il est de notre devoir de ne plus laisser se développer des situations de précarité insupportables.

M. Jean-Paul Lecoq – Chiche !

Mme George Pau-Langevin – Des HLM à Neuilly, ce serait bien !

M. Éric Ciotti – Il ne suffit pas d’invoquer de grands principes ; nous, nous faisons le choix du courage et du pragmatisme.

Enfin, la réussite de l’intégration ne sera possible que si l’immigration clandestine est combattue avec la plus extrême vigueur car c’est elle qui explique, sans l’excuser, le rejet des étrangers. Le caractère massif des régularisations opérées par les gouvernements socialistes a à cet égard beaucoup coûté à notre pays. Malheureusement, les socialistes n’ont toujours pas compris… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Le débat sur les tests ADN, totalement irrationnel, avait un caractère irréel. Pour ma part, comme l’immense majorité des députés de l’UMP, j’ai accepté le recours à ces tests – droit offert, je le souligne, aux étrangers, et qui, en outre, répond à l’impérieuse nécessité de mieux lutter contre les fraudes. La fausse générosité, l’humanisme de salon ne permettent pas de répondre aux problèmes. Je salue l’approche équilibrée qu’a su trouver le ministre dans ce débat. Les garanties apportées – gratuité du test et recours à un juge – nous rapprochent des dispositions qui sont appliquées sans drame, sans polémiques stériles, dans douze pays de l’Union européenne.

Je regrette que dans cette affaire, certains aient délibérément trompé les Français ; à gauche, les contrevérités et les outrances ont servi à masquer l’absence de position cohérente sur l’immigration ; de façon plus surprenante, de l’autre côté de l’échiquier politique, quelques-uns ont voulu à bon compte se racheter une virginité morale qu’ils ont perdue depuis bien longtemps.

Monsieur le ministre, il est à votre honneur d’avoir tenu fermement le cap pour garantir l’efficacité de ce projet, que nous voterons avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Laffineur remplace M. Salles au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Marc LAFFINEUR
vice-président

Mme Marietta Karamanli – Aujourd’hui, nous perdons l’occasion de traiter avec humanité et efficacité de l’immigration. Cette loi est en effet la traduction d’un engagement présidentiel qui est un leurre politique : sans donner de meilleures bases à la lutte contre l’immigration clandestine, qui devrait être notre priorité, elle ne va réussir qu’à troubler nos valeurs.

Nos concitoyens retiendront de nos débats que l’immigré doit parler français avant de venir chez nous ; dans bon nombre de pays, une connaissance de la langue est certes exigée, mais pour acquérir la citoyenneté, non pour venir ! Si une telle condition était posée en Grèce, mes enfants ne pourraient peut-être pas aller y rejoindre leurs grands-parents…

M. le Rapporteur – Vous dites n’importe quoi ! Le projet ne s’applique pas aux ressortissants de l’Union européenne !

Mme Marietta Karamanli – Que nous réserve demain ?(Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Moi, j’ai connu le régime des colonels, pas vous ! (Même mouvement). Les valeurs de la République que vous prétendez inculquer aux autres, vous les incarnez mal…

M. le Rapporteur – Lesquelles ? Vous ne dites jamais lesquelles !

Mme Marietta Karamanli – Nos concitoyens retiendront aussi que l'immigré, pour faire venir sa famille, « peut » recourir à des tests biologiques. On nous dit qu’ils se pratiquent ailleurs, mais attention : il y a aussi des pays qui appliquent la peine de mort ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Nous, députés socialistes et de progrès, croyons aux valeurs de la famille. Les familles ont le droit d'être réunies sans vexations, sans manifestations de méfiance. Je n'en dirai pas plus, espérant que l'escalade s'arrêtera là...

On a choisi de faire peur à ceux qui respectent la loi et de laisser tranquilles les passeurs et les employeurs clandestins !

L’opinion retiendra encore de nos débats que nous avons fixé un délai pour déposer un recours suspensif contre une décision de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile, et que nous ne garantissons pas une assistance juridique aux personnes : nous nous posons en défenseurs des droits de l'homme, mais nous sommes bien regardants lorsqu’il s’agit d’en faire profiter tous les hommes...

L’opinion retiendra aussi la grande confusion qui a été faite entre candidats à l’immigration légale et immigré illégaux. Traitant de l’immigration légale, nous aurions dû et pu célébrer les apports de l’immigration à notre société ; au lieu de cela, vous avez joué sur la peur et la méfiance.

Nous, députés de l'opposition, nous retiendrons que la volonté présidentielle s'est accomplie, sans qu’on recherche l'accord entre majorité et opposition ; aux États-Unis, où fonctionne un vrai régime présidentiel, le Président propose mais ce sont les parlementaires qui font la loi ; et une initiative bipartisane a modifié fondamentalement la grande loi sur l'immigration qu'avait présentée le Président.

Je regrette que nous ayons manqué une occasion, et peut-être finirons-nous tous par le regretter (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Braouezec – Depuis 2003, les lois pensées par le Gouvernement sont attentatoires aux libertés, tant individuelles que collectives (Protestations sur les bancs du groupe UMP). La vie des migrants est fracassée par cette violence institutionnelle. Un enfant de douze ans a été ainsi récemment séparé de son père, qui a été expulsé alors que, arrivé en France en 1999, il s’est vu refuser sa demande d’asile mais a appris le français, a trouvé du travail et a fait venir sa femme en 2002, puis sa fille en 2006. Celle-ci poursuit une bonne scolarité à Pantin, mais son père est désormais en Chine – l’annulation de son ordre d’expulsion n’ayant pas été appliquée. Quand se reverront-ils ?

Des citoyens européens ont eux aussi été expulsés manu militari, le 10 octobre à 6 heures du matin, à Saint-Denis : la police est entrée dans un camp de Roms où vit depuis plus de trois ans une communauté de 80 personnes. Dans le cadre d’une « expulsion groupée », nouvelle procédure sur laquelle nous n’avons toujours pas obtenu de détails, les familles ont dû choisir entre être embarquées par la police ou monter dans des bus en partance immédiate pour la Roumanie… Cela rappelle des procédés inadmissibles.

Toutes ces familles ont fui la peur et la misère ; si elles fuient leurs pays, c’est parce que les relations économiques, commerciales et financières internationales entraînent la violation massive des droits humains par le démantèlement des compétences des pouvoirs publics. Ce sont des pays où la réduction des dépenses publiques pour la santé, l’éducation, la culture ou d’autres domaines sensibles, sont faits quotidiens.

C’est la refondation de l’ordre international de la misère qui doit être visée, en menant une véritable politique de développement, notamment par une aide aux pays du Sud au niveau de 0,7 % du PIB ; même s’il y a eu des progrès, ils sont encore insuffisants.

La politique dite de l’immigration choisie est contraire au respect des droits fondamentaux. Un pays se juge à la façon dont il accueille les étrangers ; pour éviter que la France soit montrée du doigt, notre groupe demande que le droit d’asile redevienne dans les faits un droit fondamental, que le droit de vivre en famille et le droit au respect de la vie privée soient reconnus, et que toute restriction au regroupement familial soit supprimée. La Convention internationale des droits de l’enfant doit être prise en compte de façon à ce que le droit supérieur de l’enfant prime toute autre considération dans les décisions administratives ou judiciaires. Le droit à la santé doit être garanti pour tous, Français ou étrangers, avec ou sans papiers. Enfin, il est urgent que les pratiques policières, judiciaires et administratives soient respectueuses des droits de la personne. Aujourd’hui, ce n’est pas la France qui est en danger ; ce sont les migrants qui y sont en danger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

La discussion générale est close.

M. le Président – Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur le texte de la CMP auraient lieu cet après-midi, après les questions au Gouvernement.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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