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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 24 octobre 2007

1ère séance
Séance de 9 heures 30
21ème séance de la session
Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

PLURALISME ET INDÉPENDANCE DES PARTIS POLITIQUES

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au pluralisme et à l’indépendance des partis politiques.

M. François Bayrou – S’agissant de ce texte, « indépendance » est le mot juste !

M. René Dosière – Rappel au Règlement. Hier matin, le Gouvernement a modifié notre ordre du jour pour inscrire ce texte à l’ordre du jour prioritaire au lieu d’en prévoir l’examen à l’un des moments traditionnellement réservés aux propositions de loi, bouleversant ainsi le rythme des travaux de notre Assemblée : la commission des lois s’étant réunie hier après-midi, nous venons à peine de prendre connaissance du rapport, et il faut déjà passer à la discussion du texte. En outre, cette proposition de loi, enregistrée le 17 octobre à la Présidence, n’a été rendue publique que le 19. Quelle précipitation – alors même que le sujet est particulièrement important et sensible !

M. François Sauvadet – En effet.

M. René Dosière – Je souhaite donc que le Gouvernement retire le texte de l’ordre du jour, à titre provisoire, afin de nous permettre d’en débattre plus tard dans des conditions plus sereines – sans quoi, à l’heure où l’on évoque une revalorisation du rôle du Parlement, l’exemple que nous donnerions ce matin en suggérerait bien plutôt la dévalorisation !

M. François Sauvadet – Oh !

M. François Bayrou – Rappel au Règlement, pour les mêmes raisons. Sans attendre l’exception d’irrecevabilité que je soutiendrai tout à l’heure – car le Conseil constitutionnel ne saurait admettre ce qui est en train de se passer –, je demande au Gouvernement de justifier devant la représentation nationale le privilège qu’il accorde à ce texte en recourant à une procédure sans précédent – même lorsque des événements graves ont frappé la nation –, que seul son accord, voire sa volonté, a pu rendre possible et qui ne saurait déboucher que sur un débat précipité, pour ne pas dire bâclé. Moins de 24 heures séparent en effet l’inscription à l’ordre du jour et le vote, ce qui prive les groupes comme la commission du délai indispensable à leur réflexion. Cette hâte est choquante alors que nous sommes confrontés à une crise pétrolière grave, à des mouvements monétaires inquiétants, à un fléchissement de la croissance, à une évolution problématique de l’emploi et à un traitement de notre déficit qui préoccupe l’ensemble de nos partenaires européens.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur de la commission des lois – En 1988, la France décidait, après bien d'autres pays, de se doter d'une législation sur le financement des partis politiques : il s'agissait alors à la fois d'encadrer leur financement privé et de prévoir leur financement public. Le système a ensuite été perfectionné – en 1990, puis en 1993, en 1995, en 2000, en 2003, enfin par la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

M. René Dosière – Mais il n’a jamais été dénaturé !

M. le Rapporteur - Ces lois reposaient sur deux principes : transparence – notamment grâce à la publication des comptes des partis et à l'inscription, chaque année, dans la loi de finances initiale du montant réservé à l'aide publique – et représentativité. C’est ce dernier principe qui conditionne l’aide publique. Ainsi, d’une part, tous les partis et groupements politiques ayant obtenu au premier tour des élections législatives au moins 1 % des voix dans au moins 50 circonscriptions, peuvent bénéficier d'une partie de la première fraction de l’aide – qui s’élève à 40 millions d’euros –, selon une règle établie en 2003 mais appliquée pour la première fois lors des élections législatives de juin 2007 ; auparavant, le nombre minimal de circonscriptions requises s’élevait à 75, ce qui avait entraîné une multiplication des candidatures. En raison des spécificités de la vie politique locale, le nombre minimal de circonscriptions ne s’applique pas aux régions d’outre-mer, où il suffit d'avoir obtenu au moins 1 % des voix.

D’autre part, peuvent bénéficier de la seconde fraction de l'aide publique les partis qui ont eu droit à la première fraction et dont se réclament des parlementaires – députés ou sénateurs. L'aide est alors calculée en fonction du nombre de parlementaires qui se sont rattachés formellement à ce parti au mois de novembre de chaque année. La première fraction de l’aide est modulée selon le respect des règles d'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions électives.

Pour être satisfaisant, un tel système doit être assez souple pour s'adapter aux choix des électeurs et permettre une certaine vitalité dans l’expression des choix démocratiques. Or, l'application de ces règles après le dernier renouvellement général ne permet pas à tous les partis représentatifs de fonctionner de manière satisfaisante.

Il serait paradoxal qu'un parti rassemblant un nombre significatif de députés ne soit pas considéré comme « représentatif », parce qu'il n'est pas éligible à la première fraction de l'aide (« Très bien ! » sur les bancs du groupe NC). Il serait également peu satisfaisant que ces députés soient de fait obligés de se rattacher à un autre parti, afin que leur parti d’origine bénéficie des moyens nécessaires à son fonctionnement. La clarté des choix politiques n'y gagnerait pas. On comprendrait mal qu’un tel parti ne dispose pas des moyens financiers indispensables pour qu’il exerce son rôle.

Je rappelle que la répartition de l'aide publique aux partis politiques n'est pas encore arrêtée pour l’année 2008, les parlementaires pouvant déclarer leur rattachement jusqu’à la fin du mois de novembre, le Conseil constitutionnel devant encore se pencher sur les contentieux en cours et la commission nationale des comptes de campagne se prononcer définitivement. L’aide accordée par l’État ne sera donc pas attribuée avant le 31 décembre. Nous avons le temps d’établir une règle nouvelle.

Mieux vaudrait, en effet, adapter les règles d'attribution de l'aide publique aux choix des électeurs. À cette fin, il est proposé d'étendre l'éligibilité à la première fraction de l'aide aux partis auxquels au moins quinze députés se déclareraient rattachés. Ce critère formerait une alternative avec le critère actuel, qui serait maintenu : au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions, ce qui interdit, dans l’état actuel du droit et sans raison valable, à des partis comptant un nombre raisonnable de candidats élus, mais qui ne sont pas présents dans cinquante circonscriptions, ou qui n’y ont pas obtenu 1 % des voix, de fonctionner normalement et de façon autonome.

Permettez-moi de comparer deux partis, l’un qui n'aurait pas été présent dans cinquante circonscriptions ou qui n'y aurait pas obtenu 1 % des suffrages, mais dont les élus ont rassemblé un nombre de voix cumulées bien supérieur à un autre parti, qui n'aurait pas d'élus mais qui aurait cependant obtenu 1 % des suffrages dans cinquante circonscriptions. Compte tenu du nombre du nombre de citoyens qui ont choisi les candidats du premier parti, qui peut penser qu’il n’est pas le plus représentatif des deux ? Or, en l’état du droit, un parti ayant obtenu à peine 100 000 voix lors des dernières élections législatives peut être considéré comme représentatif, alors qu’un autre parti risque de ne pas l’être, même s’il a rassemblé plusieurs centaines de milliers de voix. Ce serait totalement inéquitable.

M. Maurice Leroy – Très bien !

M. le Rapporteur – Sans attendre de prochaines échéances électorales, la présente proposition de loi tend à apporter les adaptations nécessaires pour instaurer une plus grande justice dans la répartition du financement des partis, en confortant et en actualisant a minima le lien entre le financement public de la vie démocratique et le principe de représentativité. Le choix des électeurs sera ainsi mieux pris en compte.

Nous devrons toutefois réfléchir davantage encore au système de financement, s’agissant notamment de sa capacité d'adaptation à des situations nouvelles : comment traiter l’apparition d’un nouveau mouvement politique significatif ou d'un nouveau groupe en cours de législature ? Aucune aide publique n’étant prévue dans de telles hypothèses, nous risquons de favoriser la captation des voix par certains, et d’accorder des privilèges artificiels d’une formation politique donnée (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Pour toutes ces raisons, je vous demande de suivre la commission des lois, qui a adopté hier cette proposition de loi à l’unanimité (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  À la demande de l’Assemblée elle-même, c’est sur un aspect important de notre vie politique que nous nous penchons ce matin. Aux termes de l’article 4 de la Constitution, les partis et les groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Or, il faut qu’ils disposent des moyens nécessaires pour y parvenir. Si la démocratie n’a pas de prix, elle a un coût. Les partis politiques et les candidats aux élections doivent en effet assumer de nombreuses dépenses dont le financement n’était pas encadré, jusqu’en 1988, par un régime juridique précis, ce qui a favorisé certaines dérives auxquelles le Parlement a entendu mettre un terme.

La loi du 11 mars 1988 a ainsi encadré le financement des dépenses de fonctionnement des groupes politiques, puis des améliorations successives ont été apportées à ce régime grâce à des révisions législatives régulières. L’ordonnance du 8 décembre 2003 a notamment confirmé le principe selon lequel le financement public est réservé aux seules formations politiques qui offrent des garanties suffisantes de représentativité.

Le montant de l’aide publique est ainsi divisé en deux fractions égales, la première étant destinée aux partis et groupements en fonction de leurs résultats aux élections législatives. Depuis 2003, les candidats des partis considérés doivent obtenir au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions. Il s’agissait d’écarter certains partis représentatifs ou constitués pour la circonstance. Compte tenu des données disponibles, 14 partis seraient aujourd’hui éligibles à la première fraction de l’aide publique, contre 32 en 2002. J’ajoute qu’un dispositif comparable, quoique plus souple, s’applique à l’outre-mer, et que si un parti ne présente pas autant de femmes que d’hommes, la première fraction de l’aide est diminuée en proportion de l’écart constaté.

La seconde part de l’aide publique est attribuée aux partis et groupements politiques à raison de leur nombre de parlementaires – à condition qu’ils relèvent d’autre part de la première fraction. Modifiées par l’ordonnance de 2003, ces dispositions ont été appliquées pour la première fois à l’occasion des élections législatives de juin 2007. Je précise que le Gouvernement n’avait pas souhaité modifier à nouveau la loi avant cette échéance, car il était préférable de connaître au préalable les effets de la mesure considérée.

Or, le constat est aujourd’hui indéniable : il y a des failles dans le dispositif. En réservant la première fraction de l’aide aux seules formations politiques ayant atteint 1 % des suffrages dans cinquante circonscriptions, de très petites formations politiques peuvent être aidées alors qu’elles n’ont aucun élu. À l’inverse, une formation politique à vocation représentative, dont au moins 15 membres auraient été élus au suffrage universel, et qui rassemblerait en moyenne 300 000 voix au premier tour – soit bien plus qu’un pour cent des suffrages exprimés dans cinquante circonscriptions –, serait exclue du financement public.

Pour conforter le pluralisme et l’indépendance des formations politiques, il n’est pas incohérent de modifier le système en vigueur. Cette proposition de loi tend donc à ajouter aux possibilités d’aide actuelles un troisième cas : l’élection d’au moins 15 députés rattachés au même parti lorsqu’ils se sont déclarés candidats. Cette condition permettrait à une formation politique de bénéficier des aides publiques prévues. Je précise que l’aide reçue serait dans un second temps attribuée proportionnellement au nombre de députés composant le groupe politique.

Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut refuser son soutien à ce texte, qui assure de façon plus équitable le pluralisme et l’indépendance des formations politiques (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC). La présente proposition de loi est en effet conforme à l’esprit de la loi relative à la transparence financière puisqu’elle permet de financer des partis bénéficiant d’une reconnaissance au plan national, ici définie par le seuil de 15 députés.

La liberté d’inscription des députés à un groupe ou un parti politique est également respectée : pour le calcul de la première fraction, la base retenue serait en effet la déclaration de rattachement à un parti, qui figure dans la déclaration de candidature, et n'est plus modifiable à l'issue de la période de dépôt. Cette condition préviendrait toute difficulté tenant au rattachement postérieur des députés concernés à un groupe parlementaire. En outre, les membres élus de ces partis resteront toujours libres de s'inscrire ou de se rattacher à un autre parti ou groupement politique pour le bénéfice de l'attribution de la seconde fraction de l'aide publique.

En attendant une éventuelle modification des règles relatives à l’ordre du jour, je rappelle que le Gouvernement en a aujourd’hui la maîtrise. Nous n’avons absolument pas inscrit ce texte en urgence, et il y aura naturellement deux lectures si l’Assemblée et le Sénat le souhaitent. En tout cas, je remercie l'Assemblée nationale d’avoir élaboré un texte de cette qualité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe NC).

EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ

M. le Président – J’ai reçu de M. François Bayrou une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. François Bayrou – Ce que nous vivons aujourd’hui est sans précédent dans l’histoire de notre Parlement sous la Ve République. L’exception d’irrecevabilité que je défends est destinée à nourrir votre réflexion, mais aussi celle du Conseil constitutionnel.

Il suffit de contempler la composition de l’hémicycle à cet instant pour tout comprendre (Rires). Cette proposition vise à accorder à un groupement politique – représenté ce matin par tous ses membres – la faculté d’obtenir un financement public alors qu’il n’a pas satisfait aux obligations de la loi. Comme la presse l’écrivait ce matin : on n’est jamais si bien servi que par soi-même ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Or, il n’est pas conforme aux principes de notre droit et de notre Constitution de se servir soi-même ! Pour éviter que d’aucuns se servent eux-mêmes, nos institutions prévoient un certain nombre de procédures, ici bafouées. Ainsi, chacun sait que la voie d’une proposition de loi n’a été préférée à un projet gouvernemental que pour éviter contourner le Conseil d’État, lequel n’eût pas manqué de relever les nombreux manquements aux principes fondamentaux du droit qui émaillent le texte.

J’ai été heureux d’apprendre à l’instant que l’urgence n’avait pas été déclarée. C’est pourtant ce que l’on peut lire dans toute la presse. En tout état de cause, je salue les délais records dont a bénéficié la proposition de nos collègues : déposée le 17 octobre et rendue publique le 19, elle a été inscrite le 23 à l’ordre du jour prioritaire de nos travaux, au prix, dans une période pourtant sensible, d’un bouleversement du calendrier parlementaire ; elle a été examinée par la commission des lois hier après-midi, le rapport a été imprimé dans la nuit et nous voici convoqués à 9 heures 30. Cette précipitation ne sert pas la sérénité des travaux parlementaires, et cette nouvelle manifestation du mépris dans lequel est tenu le Parlement me donne un premier motif de considérer ce texte comme irrecevable.

À cet instant, je regarde dans les yeux ceux qui, avec moi, ont dénoncé pendant des années la manière dont le Parlement était humilié dans cette République. Que ne se sont-ils reportés à leurs déclarations antérieures avant de proposer de tels manquements aux principes élémentaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, M. Sauvadet hoche la tête)

Plusieurs députés du groupe NC – Voyez qui vous applaudit !

M. François Bayrou – Il y a dans cette assemblée des républicains (Protestations sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP) et je suis très heureux qu’ils puissent se réunir lorsqu’on manque aux principes de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Maurice Leroy – C’est un scandale. Il n’y a ici que des élus républicains !

M. François Bayrou – Monsieur Leroy, je vous ai suffisamment entendu brocarder, dans des termes offensants, les gens qui sont aujourd’hui au pouvoir pour ne pas aimer que vous soyez devenu leur serviteur (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il faut être un peu cohérent !

Les principes généraux du droit interdisent de défendre des lois ad hominem. Or, le texte qui nous est soumis, destiné à un seul groupement, n’est pas d’intérêt général.

M. Jean Dionis du Séjour – Mais si !

M. François Bayrou – Au reste, des membres éminents de l’UMP partagent mes réserves. M. Mariton a déclaré que le Nouveau centre « valait bien une messe » – dans un rappel à Henri IV que j’ai apprécié. D’autres ont regretté que l’on fasse ainsi appel aux contribuables pour financer ce nouveau parti à six mois des municipales. La vérité, c’est que la démarche choque un grand nombre de députés, sur tous les bancs… (Murmures sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP)

M. Maurice Leroy – Pas les communistes !

M. François Bayrou – Réécrire les principes de la loi de 1988 relative à la transparence financière de la vie politique pour un groupement qui n’a pas été capable, aux législatives de juin dernier, d’obtenir le score – somme toute accessible – d’un pour cent des voix dans au moins 10 % des circonscriptions : était-ce bien urgent, raisonnable et conforme à l’idée que l’on peut se faire de l’intérêt général ?

M. René Dosière – Non, non et non.

M. François Bayrou – Au surplus, peut-on négliger le fait que la majorité des candidats présentés par ce mouvement étaient de complaisance ?

M. Maurice Leroy – Il y a eu d’autres cas !

M. François Bayrou – Le Nouveau centre a manqué de respect aux électeurs en multipliant les candidatures artificielles, dénuées de tout lien avec la circonscription. Parmi les 85 candidats se réclamant de ce mouvement, on trouvait pêle-mêle épouse, frères, neveux, nièces, collaborateurs parlementaires, secrétaires, attachée de presse, chef de cabinet, webmestre et chauffeur d’une seule personne ! L’on pourrait respecter la démarche de ce cercle familial très élargi si elle témoignait d’une aspiration profonde à s’engager en politique pour défendre des idées. Mais ces candidats factices n’avaient jamais mis les pieds dans « leurs » circonscriptions, au point d’ignorer où elles se situaient et qui étaient les sortants ! Cela a du reste donné lieu à quelques articles désopilants dans la presse régionale, ces candidats de pacotille étant incapables de surmonter leurs propres contradictions.

Bien entendu, les électeurs n’ont pas été dupes et ils ont sèchement rejeté ces candidatures factices, de sorte que plus de la moitié de ces candidats n’ont pas même obtenu 1 % des voix. Voilà la sanction que le corps électoral réserve à une telle conception, bien singulière en vérité, de l’engagement politique ! On a voulu tromper les Français, dans le seul dessein de récupérer la manne financière qui est en jeu aujourd’hui. La sanction des électeurs a du sens : elle doit, chers collègues, nous guider dans l’examen du présent texte.

Le fond de la proposition de loi qui nous est soumise, c’est de changer une loi sage, longuement débattue par le Parlement, au bénéfice d’un seul parti, sans mesurer toutes les conséquences d’une telle réforme. Nous ne pouvons accepter un texte de circonstance et à usage unique.

Choquante au plan des principes, cette proposition l’est également du point de vue juridique, et les arguments ne manqueront pas au Conseil constitutionnel pour censurer un texte qui altère la sincérité du scrutin législatif par son caractère rétroactif, rompt avec l’égalité des citoyens et des formations politiques devant la loi et aggrave les charges publiques – en violation de l’article 40 de la Constitution.

Ce texte altère la sincérité du scrutin législatif et attente au principe élémentaire de transparence du scrutin qui est au fondement de toute démocratie. Depuis la promulgation de la loi de 1988 relative au financement public des partis, les Français savent que leur vote au premier tour d’une élection législative emporte deux conséquences, la première étant électorale – sélectionner les candidats du second tour – et la seconde concernant le financement public de la vie politique. À ce titre, chaque voix compte. En changeant après-coup la règle du jeu, on attente donc à la sincérité et à la transparence du scrutin de juin dernier (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe SRC).

Quant à la loi de 2003, elle a été votée pour prévenir toute utilisation frauduleuse du scrutin à des fins « alimentaires » par tel ou tel groupement. Relisons ce que disait alors le ministre de l’intérieur, M. Nicolas Sarkozy : « Les groupements les plus divers se sont mis à présenter des candidats aux élections législatives, dans le but, non de concourir à l’expression du suffrage, mais de bénéficier d’un financement public. Ce n’est ni plus ni moins qu’un détournement de l’esprit des lois, caricatural et choquant. Il faut limiter le versement de l’aide publique aux groupements et partis qui concourent effectivement à l’expression du suffrage universel. Voilà pourquoi le Gouvernement propose d’exiger des partis souhaitant bénéficier de l’aide publique qu’ils aient présenté au moins cinquante candidats – comme auparavant –, et que ces candidats aient obtenu au moins un pour cent des suffrages exprimés. »

« Très bien ! » s’est alors exclamé l’un des signataires de la présente proposition de loi, M. Leroy. Et Nicolas Sarkozy concluait en précisant que le seuil de 1 % des suffrages exprimés lui paraissait suffisant pour éliminer « les candidatures farfelues ou alimentaires », sans porter atteinte au principe de la représentation des minorités. Il faut goûter rétrospectivement le sel de ses déclarations !

Vous vous trompez donc, Monsieur le rapporteur, lorsque vous écrivez dans votre rapport que la loi interdit « sans raison valable » aux partis qui n’ont pas été capables d’obtenir 1 % des suffrages dans cinquante circonscriptions de bénéficier de l’aide publique. La « raison valable » existe, et elle est double. C’est parce que les électeurs ne l’ont pas voulu que ce financement n’est pas accordé, et parce que les candidatures étaient animées de motivations alimentaires, pour reprendre les mots du ministre de l’intérieur de l’époque. Ce texte brise rétroactivement le contrat qui a été passé avec les électeurs, en les privant du droit de ne pas accorder l’aide publique à des groupements politiques qui ne leur paraissaient pas mériter leurs suffrages. Le Conseil constitutionnel ne manquera pas de le relever.

Il ne manquera pas non plus de relever que ce texte rétroactif intervient dans un domaine – celui du droit électoral – où il est de tradition constante de ne modifier la loi que pour l’avenir. Chaque fois qu’un texte touchant aux élections ou au financement a été voté, il ne s’est appliqué que pour les élections suivantes (« Absolument ! » sur les bancs du groupe SRC). La loi du 15 janvier 1990 – qui crée les deux fractions de financement – n’a été appliquée qu’à compter des élections de 1993 ; celle de 2003 – qui fixe le seuil de 1 % des suffrages exprimés – qu’à compter des élections de 2007. Le rapporteur de la seconde précisait d’ailleurs qu’en fonction de ce principe, la réforme ne pourrait s’appliquer « évidemment que lors du prochain renouvellement, c’est-à-dire en 2007 ». Le Conseil constitutionnel n’admet la rétroactivité que si elle répond à un intérêt général suffisant – le président Mazeaud l’a rappelé lors de la présentation des vœux du Conseil constitutionnel au Président de la République en 2006 – et ne prive pas de garanties légales les exigences constitutionnelles. On cherchera en l’espèce où peut bien se nicher l’intérêt général, puisqu’il ne s’agit que de l’intérêt d’un seul groupement. Ce changement rétroactif heurte à n’en pas douter les exigences constitutionnelles de transparence et de sincérité du scrutin.

Autre motif d’inconstitutionnalité : la rupture d’égalité des citoyens et des formations politiques devant la loi. Le législateur de 1988 et de 1990 a prévu que l’obtention de l’aide publique dépend du choix des électeurs au premier tour des élections législatives. On ne peut obtenir de financement au titre de la deuxième fraction que lorsqu’on est éligible à la première. Il s’agit par là de remettre entre les mains des électeurs – et non des élus – la décision de principe d’accorder le financement à tel ou tel parti, et d’empêcher la constitution de partis de complaisance ou de coalitions d’intérêts bien compris entre des parlementaires motivés par la seule perspective de faire fonctionner une entreprise collective.

Avec la manipulation législative que nous subissons ce matin, ce ne sont plus les électeurs qui décideraient de l’attribution d’un financement public, mais les partis dominants. Si on accepte que 15 députés suffisent à obtenir ce financement, il suffit de se voir concéder 15 circonscriptions – comme cela a été le cas aux élections de juin 2007. Il n’y a plus d’indépendance des partis ; ce ne sont plus les électeurs qui décident, mais les partis dominants (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), au bénéfice de ceux qui acceptent la soumission et au détriment de ceux qui la refusent ! Ce texte transfère des électeurs aux partis dominants le privilège d’accorder le financement public à une formation politique. C’est un changement complet de l’esprit de la loi !

S’il y a deux fractions pour l’attribution de l’aide publique, c’est bien pour que le choix des électeurs ne puisse être parasité par celui des élus. S’il n’y a de financement au titre de la deuxième fraction que pour les partis ayant satisfait à l’obligation de remporter 1 % des voix dans cinquante circonscriptions, c’est pour que ce soient les électeurs qui décident qui sera financé et qui ne le sera pas. On ne peut renverser ainsi la situation en donnant aux élus – et donc aux partis qui leur concèdent les circonscriptions – le privilège de décider du financement public. Il y aurait là un manquement à l’égalité.

J’en viens à un troisième motif d’inconstitutionnalité : l’article 40 et l’aggravation des charges publiques qui résulteraient de l’adoption de ce texte. De deux choses l’une : ou bien celle-ci augmentera les charges publiques, parce qu’un groupement nouveau deviendra éligible à l’aide publique, ou bien le financement de cette aide sera pris sur l’enveloppe existante – inscrite chaque année en loi de finances –, et des partis qui n’ont pas satisfait à la condition fixée par la loi recevront une aide publique au détriment de ceux qui y ont satisfait (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Le Conseil constitutionnel n’acceptera pas que des partis qui ont obtenu la confiance de nombreux électeurs – plus de 1 % dans cinquante circonscriptions – se voient privés de l’aide publique à laquelle ils ont droit pour le bénéfice personnel et particulier d’un groupement politique qui, lui, n’a pas rempli cette obligation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Je suis certain que beaucoup d’entre vous, y compris sur les bancs de la majorité, reconnaissent en leur for intérieur que cela ne répond pas à l’idée que nous nous faisions de l’équilibre de nos institutions.

Pour défendre leur proposition, ses signataires arguaient tout à l’heure du fait que les communistes l’avaient voté.

M. Pierre Gosnat – Pour l’instant nous n’avons rien voté !

M. François Bayrou – S’ils l’ont fait, c’est pour une raison simple : le chiffre de 15 n’a pas été choisi au hasard. 15 élus, c’est le seuil qui pourrait un jour conditionner la formation d’un groupe politique dans notre Assemblée.

M. Maurice Leroy – C’est déjà le cas au Sénat !

M. François Bayrou – Il n’est pas acceptable de confondre les deux. Je n’ai rien contre le fait que l’on constitue des groupes à 15 mais cela ne doit pas avoir de lien avec le financement public des partis. Un tel mélange des genres serait préjudiciable à la lisibilité de notre action.

Je suis en outre persuadé que ce texte d’intérêt particulier aurait des conséquences très négatives sur notre vie publique (Murmures sur les bancs du groupe NC). Il invite en effet à un émiettement de la vie politique. Monsieur Sauvadet, qui faites aujourd’hui le fier, certains ont réuni à l’élection présidentielle les suffrages de 7 millions de Français…

M. le Rapporteur – Tout seul !

M. François Bayrou – Cela leur donne en effet le droit de s’opposer à l’émiettement de la vie politique ! (Interruptions sur divers bancs)

M. le Président – Laissez M. Bayrou finir.

M. François Bayrou – L’émiettement de la vie politique à usage alimentaire pour obtenir un financement public illégitime sur le seul critère d’une quinzaine de députés est dangereux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, interruptions sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP)

M. Henri Emmanuelli – À la soupe !

M. Jean Auclair – Vous fâchez vos anciens alliés !

M. Jean-Luc Préel – Un tel niveau est indigne d’un ancien candidat à la présidence !

M. François Bayrou – Utiliser l’affectation de députés plutôt que les suffrages des citoyens pour créer des groupements politiques est dangereux ! Nous dénoncions déjà ces dérives lors du débat sur la loi de 2003 : il est juste de faire de même aujourd’hui.

M. Maurice Leroy – C’est une intervention coupe-feu !

M. François Bayrou – Le Conseil constitutionnel ne manquera pas de sanctionner ce texte qui bafoue les principes généraux du droit et de la Constitution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, ainsi que de M. Jean Lassalle)

M. le Rapporteur – J’écoute toujours M. Bayrou, pour qui j’ai grande estime, avec beaucoup d’attention, sauf lorsqu’il s’abandonne à l’excès ou à l’approximation et, en l’occurrence, aux intérêts politiciens (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Henri Emmanuelli – Quelle honte !

M. le Rapporteur – Je comprends l’émoi du parti socialiste, devenu le principal avocat de celui dont il jugeait, il y à quelques semaines à peine, qu’il n’avait rien à dire (Applaudissements sur les bancs du groupe NC). À vous entendre, Monsieur Bayrou, ce texte mettrait la République en péril. Évitons tout excès : l'Assemblée nationale a modifié à huit reprises les modalités de représentation.

M. François Bayrou – Jamais de manière rétroactive !

M. le Rapporteur – Ainsi, la loi de 2003 que nous modifions aujourd’hui permit à certains petits partis, tels que celui de la loi naturelle que d’aucuns jugent sectaires, d’obtenir un financement public. Pourquoi ne vous y êtes-vous pas opposé à l’époque ?

M. Henri Emmanuelli – N’importe quoi !

M. François Bayrou – Cela ne se fait que pour les élections suivantes !

M. le Rapporteur – Vous prétendez, Monsieur Bayrou, que cette proposition ne peut être adoptée qu’au détriment de la dotation accordée à d’autres partis que le mien. Étudiez votre sujet, avant d’en parler ! Ainsi, la dotation de votre mouvement sera fixée en fonction du nombre de voix et d’élus qu’il aura recueillis.

Vous invoquez l’article 40. Mais la somme accordée – en l’espèce 80,4 millions – est fixe depuis 1988. Il n’y a donc pas de charge supplémentaire pour l’État.

M. Henri Emmanuelli – Ce n’est pas le problème !

M. le Rapporteur – Je n’aime pas non plus que l’on parle de candidats de complaisance. Tous les candidats que notre famille politique présenta en 2002 connaissaient-ils vraiment leur circonscription ? Loin de là !(Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

M. Henri Emmanuelli – Ne parlez pas d’honnêteté !

M. le Rapporteur - Vous dites que les électeurs choisissent de ne pas financer tel ou tel parti. Cet argument-là est recevable, quoique l’on voie mal comment cela serait possible dès lors que l’élection est fragmentée en 577 circonscriptions. Les Français savaient certainement ce qu’ils faisaient, mais n’en envisageaient pas toutes les conséquences (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC). Songez au mouvement SEGA, dont certains d’entre vous ignorent jusqu’à l’existence.

M. Alain Claeys – Nous préférons Ségo !

M. le Rapporteur – Ce groupe, qui a recueilli moins de 75 000 voix, bénéficie du financement public alors qu’il n’a ni activité ni représentation politique ! Je pourrai multiplier les exemples – du mouvement écologiste indépendant à celui du Trèfle – de groupes aussi mal représentés, et pourtant financés par les deniers publics. Pourquoi un parti qui recueille 506 000 voix et dont les élus participent à toutes les assemblées du pays n’y aurait-il pas droit lui aussi ? Vous savez bien que le Nouveau centre n’a rien à voir avec ces groupuscules en quête d’un refinancement alimentaire ! Vous nous aviez habitué à défendre une toute autre conception de la démocratie et du pluralisme… Ou peut-être le pluralisme ne vaut-il que pour votre mouvement ?

Enfin, vous prétendez que la loi ne s’adressera qu’aux grandes formations bien installées. C’est tout le contraire ! Elle permettra à de petits groupes ayant recueilli un nombre significatif de voix de bénéficier d’un financement public. À défaut, ces petits partis seraient contraints de s’en remettre à l’un ou l’autre des grands partis. C’est peut-être ce que souhaitent nos collègues socialistes, qui pourraient ainsi maintenir sous l’éteignoir leurs alliés communistes, écologistes ou radicaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Henri Emmanuelli – Minable !

M. le Rapporteur – Dès lors qu’ils sont représentés dans les différentes assemblées, parlementaires et locales, leur existence autonome est légitime. Le système actuel ne profite qu’aux partis les plus visibles : est-ce votre conception du pluralisme ?

M. Henri Emmanuelli – Que ce discours est long !

M. le Rapporteur – Si vous êtes pressé, changez de métier, Monsieur Emmanuelli. En février dernier, Monsieur Bayrou, vous annonciez que le pluralisme devrait être imposé quoi qu’il arrive, et j’étais d’accord avec vous. Or, le pluralisme, ne vous en déplaise, repose sur un financement équilibré des partis. J’ai peur que votre intervention soit surtout motivée par votre dépit envers un mouvement qui s’adresse aux électeurs que vous convoitez. Quant à moi, je défends cette proposition qui concerne de nombreux petits partis, des communistes aux radicaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Guy Geoffroy – Libérons les communistes !

M. le Secrétaire d'État – Le Gouvernement soutient cette proposition, dont il n’est pourtant pas à l’origine (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC).

M. Arnaud Montebourg – Quel humour dans l’hypocrisie !

M. le Secrétaire d'État – L’Assemblée est le lieu du débat par excellence, et j’ai écouté l’argumentation de M. Bayrou avec attention. Elle me paraît incorrecte, d’abord parce qu’il n’y aura aucun alourdissement de la charge publique. Nous l’avons dit : le financement se fera à périmètre constant. D’autre part, je ne suis pas sûr que le financement des partis soit la première préoccupation de l’électeur dans l’isoloir. Chacun des 577 députés est élu personnellement, quelle que soit son étiquette.

M. Henri Emmanuelli – Peut-être, mais ces affaires de financement se règlent avant l’élection !

M. le Secrétaire d'État – Certains s’exclament qu’il suffira aux grands partis de réserver certaines circonscriptions aux petits partis pour qu’ils soient financés, comme l’UMP a pu le faire avec le Nouveau centre, par exemple. Mais le parti socialiste ne fait-il pas de même avec les radicaux, les Verts ou d’autres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Mme Catherine Génisson – Avant les élections, pas après !

M. Arnaud Montebourg – Les lois rétroactives sont toujours suspectes !

M. le Secrétaire d'État - Ces accords sont logiques et normaux dans un scrutin majoritaire à deux tours. Contestez le scrutin si vous le voulez, mais pas les alliances électorales !

M. Henri Emmanuelli – C’est de la magouille !

M. le Secrétaire d'État - Par ailleurs, trouvez-vous juste qu’une formation comme « Le Trèfle, homme-nature-animaux » soit financée et qu’un parti ayant un groupe constitué à l’Assemblée nationale ne le soit pas ?

M. Henri Emmanuelli – C’est le prix de la trahison !

M. le Secrétaire d'État - La commission des lois a voté ce texte à l’unanimité.

M. René Dosière – C’est faux !

M. le Secrétaire d'État - Les socialistes ne se sont pas exprimés contre ce texte hier (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy – Absolument !

M. François Sauvadet – Je voudrais dire à François Bayrou mon sentiment de tristesse J’ai peine à le voir renoncer au combat pour le pluralisme, que nous avions mené ensemble avec tant de conviction et d’engagement. Je crains que cette attitude ne soit dictée par un sentiment de rancœur et de revanche. Nous nous sommes référés au parti politique que nous avons créé pour servir l’idée d’une démocratie vivante, et les électeurs ont tranché.

Mme Michèle Delaunay – Ils ont voté pour lui aussi !

M. François Sauvadet – Vous avez employé des mots insultants, Monsieur Bayrou. Nous avons fait des choix politiques différents des vôtres, après un premier tour qui nous avait unis. Nous les avons assumés auprès de nos électeurs et aujourd’hui, nous détenons, avec mes 21 collègues, une part de la représentation nationale.

Mme Catherine Génisson – Ce n’est pas la question !

M. François Sauvadet – Va-t-on respecter le choix des électeurs en assurant le financement d’un nouveau parti ? Face au parti socialiste – qui se mobilise comme un seul homme, parce qu’au-delà, c’est le bipartisme qui est en question – l’UMP, et je m’en réjouis, considère que la démocratie passe aussi par le soutien financier.

Mme Michèle Delaunay – Ralliez l’UMP !

M. François Sauvadet – Oui, nous participons à une majorité présidentielle et nous l’assumons devant nos électeurs.

Trouvez-vous légitime qu’un parti nouvellement créé, disposant d’un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, ayant des présidents de conseils généraux, ne puisse pas bénéficier du financement public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP) Vous défendez des intérêts partisans, alors qu’il s’agit de faire vivre de manière sereine notre démocratie. Nous repousserons cette exception irrecevable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et du groupe UMP)

M. Henri Emmanuelli – Donnez pour le Denier de Judas !

M. René Dosière – Souvenez-vous la façon dont nous avons mis un terme aux pratiques opaques de la vie politique. Cela n’a pas été simple et le financement public des partis politiques, mal perçu de l’opinion publique, demeure incompris vingt ans après. Nous avons modifié à plusieurs reprises cette législation pour en corriger les effets pervers, jamais pour la complexifier davantage. En 1988, le financement tenait compte du nombre de parlementaires. Lorsque l’on s’est aperçu que certains en profitaient pour créer leur propre parti, le financement a été basé sur le pourcentage des voix obtenues.

De plus, chaque modification de la législation a été précédée d’une étude approfondie, menée par l’ensemble des groupes politiques – faut-il rappeler la commission Le Garrec ou le groupe de travail mis en place par Philippe Séguin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; MM. Bayrou et Lassalle applaudissent également) Nous devons traiter ce sujet avec sérieux, et non dans la précipitation comme nous le faisons ce matin.

En outre, ces modifications n’ont jamais été rétroactives ! (même mouvements) Les nouvelles dispositions n’ont été appliquées qu’après le renouvellement ultérieur, la règle du jeu fixée avant les élections étant respectée pendant la durée de la mandature.

Le groupe socialiste ne manquera pas de reprendre les arguments développés par M. Bayrou dans sa saisine du Conseil constitutionnel. Il soulignera aussi que si cette proposition de loi devait être adoptée, les dispositions concernant la parité deviendraient caduques : en effet, le financement ne porterait plus sur le nombre de candidats et de suffrages recueillis, mais sur le nombre de députés, alors que la pénalisation pour non-respect de la parité est fonction du nombre de candidats aux élections législatives.

Mme Michèle Delaunay – C’est essentiel !

M. René Dosière – Monsieur le rapporteur, si cette proposition devait être adoptée, les 44 300 euros attribués pour chaque parlementaire élu seraient prélevés sur les dotations des autres partis politiques.

Enfin, Monsieur le ministre, vous avez dit que le parti socialiste n’était pas hostile aux accords financiers…

M. le Secrétaire d'État - Politiques, pas financiers.

M. René Dosière – Compte tenu de la législation, ce sont aussi des accords financiers. Vous faites allusion aux accords entre les socialistes et les radicaux de gauche.

M. Arnaud Montebourg – Qui existent depuis vingt ans !

M. René Dosière – Ce regroupement est très clairement perçu par les électeurs et la redistribution se fait au prorata du nombre de parlementaires : il n’existe pas de magouilles après les élections ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

J’aime à citer Charles Péguy. « La mystique, a-t-il écrit, c’est quand on se bat pour la République ; la politique, c’est quand on se sert de la République. » Eh bien, je trouve détestable qu’un groupe politique, au lieu de se battre pour des idées généreuses ramène le financement de la vie publique à des problèmes alimentaires.

M. Henri Emmanuelli – Quelle morale !

M. René Dosière – En 2003, alors que le projet de loi tendant à relever le seuil à 1 % des suffrages allait être présenté au Parlement, on put lire dans le communiqué du conseil des ministres du 29 janvier qu’il était nécessaire de limiter le versement de l’aide publique aux partis et groupements concourrant à l’expression du suffrage, mettant ainsi un terme au fait que les groupements les plus divers présentent des candidats non pas pour concourir à l’expression du suffrage mais pour bénéficier d’un financement public. Il est désolant de constater que c’est ce qui se passe aujourd’hui (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; MM. Bayrou et Lassalle applaudissent également).

M. Pierre Gosnat – Nous assistons à une querelle byzantine entre amis d’hier. Quant à nous, nous ne voterons donc pas cette motion, parce que le principe de la reconnaissance du pluralisme doit valoir pour tous les groupes. Le régime actuel n’est malheureusement pas très respectueux de ce pluralisme et le texte devrait permettre d’y remédier (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Chartier – Si vous le permettez, Monsieur le président, je vais développer mon explication de vote et je ne reprendrai pas la parole dans la discussion générale (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – J’ai laissé M. Dosière dépasser son temps de parole. La discussion est très importante, et j’ai l’intention de laisser chacun s’exprimer.

M. Bernard Roman – Toutes les discussions sont importantes, mais les règles sont appliquées ! L’UMP est en minorité pour l’instant. Tout ce que vous voulez, c’est leur laisser le temps d’arriver !

M. Jérôme Chartier – L’origine du texte qui nous est proposé n’est pas gouvernementale, Monsieur Dosière, mais parlementaire. Le 23 octobre 2002, en tant que rapporteur spécial des crédits du ministère de l’intérieur, j’avais proposé de fixer un seuil de 1 % des suffrages exprimés, car j’avais constaté qu’une quinzaine de groupements bénéficiaient de financements alors qu’ils n’avaient pas d’existence politique à proprement parler. Le Gouvernement avait soutenu cette idée et l’Assemblée l’avait adoptée. La modification qui est proposée aujourd’hui n’avait pas été envisagée un seul instant, parce que personne n’imaginait qu’en quelques semaines, une famille politique pouvait prendre deux chemins opposés. Nous sommes ici pour régler les conditions du divorce (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

L’objet du présent texte est de donner les moyens à toutes les sensibilités de s’exprimer. Il reconnaît donc la légitimité du Nouveau centre, représentant d’un courant de pensée qui doit être soutenu (Interruptions sur les bancs du groupe SRC).

M. Philippe Vuilque – Il joue la montre !

M. le Président – Laissez chacun s’exprimer ! M. Bayrou et M. Dosière ont aussi dépassé leur temps de parole, mais j’ai préféré laisser se dérouler le débat. Sur des sujets de cette nature, il est indispensable de s’écouter les uns les autres avant de voter.

M. Jérôme Chartier – Le premier argument d’irrecevabilité de M. Bayrou concernait les candidatures de complaisance. Or, toutes les formations politiques ont déjà envoyé dans des circonscriptions des candidats qui n’y habitaient pas. Si vous le souhaitez vraiment, on peut inscrire dans la loi que le candidat doit habiter la circonscription où il se présente, mais il faudrait alors articuler cela avec le principe selon lequel le député représente la nation tout entière, et pas seulement les électeurs de sa circonscription.

Le second argument était que les lois sur le financement des activités politiques n’ont jamais été rétroactives. Or, il y a eu deux exceptions. D’abord, la loi du 29 janvier 1993 (La voix de l’orateur est couverte par des exclamations sur les bancs SRC)

M. le Président – Je vous en prie !

M. Bernard Roman – Il double son temps de parole !

M. Jérôme Chartier – À chaque fois que vous m’interrompez, vous prolongez le débat !

Plusieurs députés du groupe SRC – Il faut voter !

M. le Président – Nous sommes en pleine explication de vote ! Quelle image donnez-vous du Parlement ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Jérôme Chartier – Lorsque M. Dosière s’est exprimé, je l’ai écouté avec intérêt, sans faire la moindre remarque !

Plusieurs députés du groupe SRC – Votons !

M. Jérôme Chartier – La loi de 1993 a créé un lien dans la répartition entre la première et la deuxième fraction du financement des activités politiques, fractions créées par la loi du 15 janvier 1990, la première dépendant du nombre de votes obtenus au premier tour des élections législatives et la seconde étant attribuée en fonction du rattachement de députés et sénateurs au groupement politique. Dès 1990, les sénateurs bénéficiaient donc du dispositif sur le financement des activités politiques : l’Union centriste a par exemple créé une structure ad hoc pour pouvoir financer les activités de ses sénateurs. En 1993, il a semblé souhaitable de rattacher l’action des sénateurs à un parti politique : première modification rétroactive (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC). Seconde exception : la loi du 19 janvier 1995 sur le financement des campagnes électorales, qui a retiré aux entreprises le droit de participer au financement des campagnes électorales alors qu’une campagne était en cours, celle des présidentielles, et que le compte de campagne était déjà ouvert. Nous avons donc déjà connu deux modifications rétroactives (Interruptions sur les bancs du groupe SRC).

M. Pierre Bourguignon – Un quart d’heure !

M. Bernard Roman – Cela devient grotesque !

M. Henri Emmanuelli – Inique !

M. Jérôme Chartier – Troisième argument d’irrecevabilité de M. Bayrou (Interruptions sur les bancs du groupe SRC)…

M. André Vallini – Scandaleux !

M. Arnaud Montebourg – Il faut appliquer le Règlement, Monsieur le Président !

M. Jérôme Chartier – …cette proposition aggraverait les charges publiques. Mais la dotation est fixe, et répartie entre les partis éligibles à la première fraction. Avec ce texte, si un nouveau parti politique est autorisé à entrer dans la répartition, les autres disposeront simplement d’un peu moins de crédits, mais la charge globale reste la même pour les comptes publics (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Vous n’avez vraiment aucun intérêt pour ce que je dis.

M. le Président – Monsieur Chartier, il est temps à présent de conclure (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC).

M. Jérôme Chartier – J’en termine, mais j’ai été interrompu à plusieurs reprises. Pour un débat sur l’expression démocratique, c’est un comble (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – Monsieur Chartier, concluez.

M. Jérôme Chartier – Il est tout à fait légitime que le groupe du Nouveau centre puisse financer son activité politique (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe SRC)…

Plusieurs députés du groupe SRC – C’est honteux ! Passons au vote !

M. Jérôme Chartier – C’est invraisemblable. Le groupe UMP votera contre cette exception d’irrecevabilité et demande un rappel au Règlement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – M. Sauvadet a lui aussi demandé un rappel au Règlement. Je lui laisse la parole.

Plusieurs députés du groupe SRC – Ce n’est pas possible !

M. le Président – Je prends les choses dans l’ordre.

Plusieurs députés du groupe SRC – Il ne peut pas y avoir de rappel au Règlement maintenant !

M. François Sauvadet – L’état d’esprit qui règne ici est tout à fait affligeant, surtout pour un sujet de cette nature. Je demande donc une suspension de séance, pour que les débats retrouvent une certaine sérénité (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Nous sommes en train de parler du pluralisme et de la démocratie française ! L’agitation dont vous faites preuve me paraît préjudiciable à la qualité du débat.

M. le Président – Monsieur Ayrault, vous m’aviez demandé la parole après le vote mais je vous la donne volontiers maintenant.

M. Jean-Marc Ayrault – Je vous ai fait savoir que je demanderais un rappel au Règlement et une suspension de séance après le vote. Mais pour l’instant, nous avons entendu les explications de vote et le Règlement de cette assemblée exige que nous passions au vote. La manœuvre qui est en train de se dérouler est inacceptable (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jérôme Chartier – La façon dont le groupe socialiste s’est comporté pendant que je m’exprimais est inacceptable et scandaleuse. Il n’est pas convenable de ne pas écouter ses collègues (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Je demande donc une suspension avant de passer au vote.

M. le Président – La présidence ne peut accepter un vote dans de telles conditions. Je suspends la séance (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC).

La séance, suspendue à 11 heures 15, est reprise à 11 heures 20.

M. le Président – Je suis saisi par M. François Sauvadet, président du groupe Nouveau centre, d’une demande de vérification du quorum avant le vote sur l’exception d’irrecevabilité, en application de l’article 61 du Règlement (Protestations sur les bancs du groupe SRC). Cette vérification est de droit (De nombreux députés des groupes UMP et NC se lèvent et quittent l’hémicycle sous les huées des députés du groupe SRC). Je constate que le quorum n’est pas atteint (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC). Le vote est donc reporté et la séance suspendue pour une heure.

La séance, suspendue à 11 heures 25, est reprise à 12 heures 25.

M. le Président – Sur le vote de l’exception d’irrecevabilité, je suis saisi par le groupe Nouveau centre d’une demande de scrutin public.

À la majorité de 230 voix contre 157 sur 388 votants et 387 suffrages exprimés, l’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.

M. François Bayrou – Je tiens à remercier tous ceux qui ont pris part au débat de ce matin. Malgré le brouhaha, bien compréhensible sur des sujets aussi sensibles, des choses importantes ont été dites et je gage que nos échanges seront très éclairants pour le Conseil constitutionnel. Je remercie M. Chartier de sa franchise… (Rires et applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC) Dans son intervention liminaire, il a en effet déclaré qu’il s’agissait de régler un divorce. Je n’avais pas vu les choses sous cet angle mais cela éclaire nos travaux d’un jour nouveau : l’objectif serait donc de fixer une pension alimentaire ! (Rires et vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC) C’est dire le caractère éminemment particulier du présent texte. Or, dans notre système, les lois ad hominem – ou ad partem – sont interdites, ce qui signifie que le Parlement n’a pas vocation à régler des problèmes particuliers.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois – Ce n’est pas un rappel au Règlement ! Et nous ne sommes pas juges aux affaires familiales… (Sourires)

M. François Bayrou – S’agissant de la conformité de ce texte à l’article 40 de la Constitution, MM. Lagarde et Chartier ont tenu des propos contradictoires. Je rappelle que cet article de la norme suprême dispose que les propositions et amendements formulés par des membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence la création ou l’aggravation d’une charge publique.

M. Arnaud Montebourg – Et quelle charge en l’occurrence !

M. François Bayrou – Il m’est objecté par M. Lagarde que le texte ne propose qu’une nouvelle répartition d’une dotation existante, inscrite au budget de l’État.

M. le Rapporteur – En effet !

M. François Bayrou – En réalité, il s’agit bien de créer une charge publique reportable dans le temps (Non ! sur les bancs du groupe UMP). Le Conseil constitutionnel tranchera. Si les inscriptions budgétaires sont annuelles, la charge publique qu’il est proposé de créer sera aggravée chaque année, et l’article 40 peut donc être opposé à l’article unique de ce texte.

Au reste, dans l’hypothèse où mon interprétation ne serait pas retenue, M. Chartier a lui-même admis que les montants afférents seraient prélevés sur les dotations inscrites en faveur des autres partis et groupements politiques. Si tel était le cas, l’égalité entre partis serait rompue, puisque l’on donnerait un avantage aux mouvements qui ne satisfaisaient pas aux critères de financement en vigueur au moment du scrutin en vertu de la loi précédente (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Merci, donc, d’avoir enrichi le débat. Pour l’heure, je demande, avant que nous le poursuivions, que le bureau de la commission des finances se prononce sur la recevabilité de ce texte au regard de l’article 40 de la Constitution.

M. le Président – Conformément à l’article 92 du Règlement, le bureau de la commission des finances sera saisi. Avant de lever la séance, je donne la parole à M. le secrétaire d’État.

M. Jérôme Cahuzac – Caramba, encore raté ! (Sourires )

M. le Secrétaire d'État – Nous avons eu ce matin un débat tout à fait intéressant (Rires sur les bancs du groupe SRC). Mais je ne suis pas sûr que le sujet justifiait une aussi vive polémique…

M. Henri Emmanuelli – Allons, il s’agit de principes importants !

M. le Secrétaire d'État – Le Gouvernement souhaitait simplement que la diversité politique puisse s’exprimer (Rires et interruptions sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). S’agissant de la recevabilité du texte au regard de l’article 40, je réfute catégoriquement l’interprétation de M. Bayrou, puisqu’il a été dit et répété que la nouvelle loi s’appliquerait à périmètre financier constant…

M. François Bayrou – C’est impossible !

M. le Secrétaire d'État – Le bureau de votre commission des finances étant saisi et de nouvelles motions de procédure ayant été déposées, l’examen de ce texte sera repris lors d’une prochaine séance, dans le cadre de l’ordre du jour prioritaire de vos travaux.

La suite de la discussion est renvoyée à une séance ultérieure.

Prochaine séance, cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 45.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Ch. CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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