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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 24 octobre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
22ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

PHARMACIES

M. Yvan Lachaud – Pour les Français, le pharmacien est l’un des premiers professionnels de santé de proximité. Cependant, même si nous avons une densité d’officines parmi les plus élevées d’Europe, leur implantation ne correspond pas toujours à l'évolution démographique. Ceux de nos concitoyens qui habitent à la campagne ou dans les quartiers sensibles de nos villes n'ont pas toujours accès à une pharmacie près de chez eux car il est difficile d’en créer ou d’en transférer une. Vous avez pu, Madame la ministre de la santé, le constater lors de votre visite à Nîmes avec M. le Premier ministre, dans un quartier très sensible de plus de 4 000 habitants, qui aujourd’hui n’en dispose plus.

Au moment où nous discutons du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pourriez-vous nous dire ce que vous comptez faire pour permettre à tous les Français d'avoir accès aux médicaments, c’est-à-dire pour éviter cette rupture d’une mission de service public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Permettez-moi tout d’abord de vous remercier d’avoir souligné le rôle irremplaçable des pharmaciens (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Ce qui pose problème, en effet, n’est pas leur nombre mais, comme pour d’autres professionnels de santé, leur répartition sur le territoire. Là où les officines sont trop nombreuses, leur viabilité n’est pas assurée ; ailleurs, on en manque, comme dans ce quartier de Nîmes où le Premier ministre et moi-même nous sommes rendus vendredi dernier, et où la pharmacie a fermé.

C’est pourquoi l’article 39 du PLFSS vise à permettre les transferts d’officine non plus seulement à proximité, comme c’était le cas jusqu’à présent, mais entre tous points du territoire ; ainsi pourra être assuré un meilleur maillage du territoire (Applaudissements sur bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP).

POUVOIR D’ACHAT

Mme Arlette Grosskost – Le pouvoir d’achat est souvent cité en tête des priorités économiques des Français. Les syndicats, dans leur grande majorité, en ont fait une revendication prioritaire.

Aussi le Président de la République, Nicolas Sarkozy (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), dans son discours de politique sociale de mercredi dernier, en a-t-il fait une priorité nationale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Le Gouvernement a donc réuni hier les partenaires sociaux pour débattre de l'enjeu de la politique salariale, des allégements de charges patronales, des revenus de solidarité active et des minima sociaux. Il est ressorti de cette conférence tripartite des axes majeurs de réflexion, notamment sur le mode de fixation du SMIC, alors même que 71 branches professionnelles sur 160 de plus de 5 000 salariés gardent des minima salariaux inférieurs au SMIC.

Pouvez-vous, Monsieur le ministre du travail, nous préciser les intentions du Gouvernement pour préparer cette réforme, qui va dans le sens d'une responsabilité accrue des partenaires sociaux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe NC)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Christine Lagarde, Luc Chatel, Martin Hirsch et moi-même nous sommes en effet réunis hier à Bercy avec les partenaires sociaux pour ouvrir un cycle sur le pouvoir d’achat. Plusieurs décisions ont été prises.

En ce qui concerne le SMIC, nous voulons changer sa date d’augmentation. En effet lorsqu’il est fixé le 1er juillet, rien ne se passe pendant au moins trois mois dans les branches professionnelles ; cela explique que 71 sur 160 n’aient pas encore augmenté leurs minima. Le changement de date évitera le décalage actuel avec la date d’ouverture des négociations, ce qui permettra aux salariés de bénéficier plus rapidement des augmentations.

En second lieu, nous voulons qu’une commission indépendante (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) éclaire le Gouvernement sur la fixation du SMIC. Notre ambition est que même les personnes qui sont au SMIC aujourd’hui puissent gagner plus que le SMIC dans les mois et les années qui viennent (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Quant aux allègements de charges, qui coûtent 20 milliards à l’État et servent, en limitant le coût du travail, à éviter des délocalisations, nous voulons veiller à leur activation. Si donc une branche professionnelle refuse d’ouvrir des négociations salariales, les allègements qui lui sont accordés pourront être revus. L’objectif est de ne pas pénaliser les entreprises qui jouent le jeu des négociations.

Enfin, je souhaite qu’il n’y ait plus de branches professionnelles dans lesquelles les minima soient inférieurs au SMIC (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POUVOIR D’ACHAT

Mme Frédérique Massat – Monsieur le Premier ministre, hier, à deux reprises, les députés socialistes ont demandé à M. Woerth de prendre l’engagement, après les cadeaux fiscaux de l’été, de n’augmenter en 2008 ni la TVA, ni la CSG, ni la CRDS.

Hier, à deux reprises, M. le ministre des comptes publics a esquivé, éludé, contourné la question pour, finalement, ne donner aucune réponse.

Aujourd’hui, Monsieur le Premier ministre, c’est à vous que je m’adresse. Après les cadeaux fiscaux de cet été, vu l’état de faillite dans lequel vous avez placé le pays (Protestations sur les bancs du groupe UMP), prenez-vous l’engagement, oui ou non, de n’augmenter en 2008 ni la TVA, ni la CSG, ni la CRDS ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Si vous ne répondez pas à cette question précise, c’est que vous avez l’intention de procéder à ces augmentations après les élections municipales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) La représentation nationale a le droit de savoir, les citoyens également (Mêmes mouvements).

M. le Président – La parole est à M. le ministre des comptes publics (vives protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est la troisième fois !

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – J’ai plaisir à vous répondre pour la troisième fois en effet… (le brouhaha sur les bancs du groupe SRC couvre la voix de l’orateur)

M. le Président – Laissez M. le ministre s’exprimer.

M. Christian Bataille – Pas lui, il ne répond pas !

M. le Ministre – Nous avons voté hier la première partie de la loi de finances, et non, nous n’augmenterons pas les impôts. Ils ont été clairement définis dans le budget. Il ne sert à rien de vouloir entretenir cette idée parce que vous n’êtes pas à l’aise devant la politique que nous menons (Applaudissements sur quelques les bancs du groupe UMP). Regardez les choses en face. La première partie du budget a été votée (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et la réponse est claire : pas d’augmentation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PRÉLÈVEMENTS FISCAUX

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur le Premier ministre, vous dites que l’État est en faillite. Ce qui est vrai, c’est que vous conduisez les Français les plus modestes à la faillite. Vous avez un amour immodéré pour les privilégiés. De 2002 à 2007, vous leur avez offert 14 milliards de réductions d’impôt, alors qu’en même temps, le Gouvernement procédait au déremboursement de médicaments, à l’instauration d’une franchise médicale, à des augmentations de la taxe sur le carburant, de cotisations de retraite, de la CSG. Mais cela ne suffisait pas et vous avez fait preuve de la même imagination que votre prédécesseur pour rembourser de l’argent à ceux qui payent l’impôt sur la fortune. Que les gens modestes, les smicards et les retraités le sachent : grâce au bouclier fiscal, à Paris, ceux qui ont demandé le remboursement de leur excédent d’impôt ont reçu en moyenne 91 554 euros chacun, alors que même les plus pauvres payent 2 700 euros de TVA par an sur ce qu’ils consomment.

Mais cela ne suffisait pas. Dans ce projet de loi de finances, sur proposition de M. Tardy, le Gouvernement a accepté la fraude légalisée : on pourra s’autorembourser sur l’ISF qu’on doit en créant une société de droit personnel. Encore un cadeau pour les plus riches, sous le regard amoureux de Mme Lagarde et de M. Woerth,…

M. le Président – Posez votre question.

M. Jean-Pierre Brard – …et l’attention vigilante de Nicolas Sarkozy. Après avoir accordé 15 milliards aux plus riches, Monsieur le Premier ministre, vous faites travailler vos services sur la TVA, sociale et écologiques que vous instituerez après les élections municipales. Quels en seront les taux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Un mensonge, même souvent répété, reste un mensonge. Le projet de loi présenté par Mme Lagarde en août était tourné vers la relance, l’investissement, la croissance.

M. Jean-Pierre Brard – 15 milliards de cadeaux !

M. le Ministre – Plus exactement 9 milliards cette année et 13 milliards l’an prochain, c’est ce que nous investissons dans l’économie française. C’est ainsi qu’il faut présenter les choses, pas de la manière éhontée dont vous le faites. Et cela comprend des mesures pour tous (Exclamations sur les bancs du groupe des députés de la Gauche démocrate et républicaine communistes et républicains et du groupe bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) : heures supplémentaires, crédit d’impôt recherche, droits de succession. Vous êtes dans l’erreur, vous y persistez, c’est votre droit. On connaît votre goût pour la littérature. Là, vous tombez dans l’affabulation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POIDS DES CARTABLES

M. Jean-François Chossy – Ma question s’adresse pour l’instant au ministre de l’éducation nationale, mais pourrait bien s’adresser plus tard à la ministre de la santé. Il s’agit du poids des cartables. Un enfant, en 6e ou en 5e, porte en moyenne 8 kg sur les épaules. Pour un adulte, cela correspond à 20 kg. On prépare des scolioses, des douleurs pénibles. Tous les professionnels en sont d’accord, il faut agir. Va-t-on faire accompagner chaque enfant par un auxiliaire jusqu’à l’école ? Il faut plutôt des solutions raisonnables efficaces. Vous y avez réfléchi, et je suis sûr que vous nous offrirez des réponses fiables.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Du poids des cartables, on parlait depuis trente ans, sans résultat. Il était grand temps de passer de l’incantation à l’action ; c’est ce que nous avons fait. Le poids étant d’abord celui de l’objet lui-même, j’ai lancé auprès des écoles professionnelles un concours doté de 25 000 euros visant à la conception d’un cartable pesant moins d’un kilogramme qui, une fois produit, sera prescrit à la grande distribution et placé sur la liste des fournitures recommandées distribuée en début d’année scolaire. La lourdeur de la charge tient aussi aux manuels. Nous avons donc demandé aux éditeurs d’en réduire le grammage, et nous ferons du poids des livres scolaires un des critères des appels d’offres de l’éducation nationale. De plus, les éditeurs devront désormais mentionner, au dos, le poids des ouvrages. L’allègement des cartables passera aussi par la réduction du nombre de pages des cahiers et nous ferons des recommandations en ce sens aux chefs d’établissements. Par ces mesures, nous entendons réduire de moitié le poids des cartables. Par ailleurs, nous devons profiter des progrès technologiques, grâce auxquels l’équivalent de plusieurs dizaines d’ouvrages tient sur une disquette de 300 grammes. À cette fin, nous expérimenterons dans une cinquantaine de classes de sixième l’utilisation du livre numérique. Ces efforts, soutenus par les collectivités territoriales et par l’État, permettront de passer du « cartable fardeau » au « cartable santé » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

FIEVRE CATHARRALE

M. Jean Auclair – Ma question, à laquelle s’associent tous les députés du groupe UMP du bassin allaitant concernés par la catastrophique épizootie de fièvre catarrhale, s’adresse à Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, que je tiens à remercier pour le formidable travail qu’il a accompli en réussissant à convaincre nos partenaires européens, les Italiens et les Espagnols en particulier, que les éleveurs du bassin allaitant peuvent exporter des animaux sains. Toutefois, quelques questions demeurent. Pouvez-vous préciser la date à laquelle le nouveau règlement européen sera publié ? S’agissant de la durée de validité des résultats des prélèvements sanguins, je vous demande de fixer le délai le plus long possible, car nous craignons qu’un délai de sept jours soit insuffisant pour mener la procédure à son terme. D’autre part, la commercialisation des animaux passe par les centres d'allotement ou les marchés ; des délais spécifiques pour stocker les animaux dans ces structures seront-ils accordés ? Les prises de sang sont-elles obligatoires pour exporter les animaux après soixante jours de désinsectisation ? Des prises de sang seront-elles obligatoires pour faire sortir les animaux des zones interdites vers les zones réglementées ? Les laboratoires agréés pourront-ils procéder à des analyses biologiques groupées, ce qui permettrait d'accélérer la livraison des résultats et de limiter les coûts ? Comment ces analyses de sang et, par la suite, la vaccination, seront-elles prises en charge sur le plan financier ? Si des difficultés persistent, envisagez-vous des mesures de soutien aux éleveurs concernés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche  Vos questions traduisent l’inquiétude des éleveurs qui, dans cinquante départements, doivent faire face aux conséquences de l’épizootie. Le nouveau règlement européen sera publié le 27 octobre après avoir été traduit en vingt-deux langues, et il sera applicable cinq jours après sa publication, soit un mois après qu’il a été signé. La validité des tests sera de sept jours pour les animaux regroupés dans les centres d’allotement. Les analyses biologiques ne seront pas obligatoires pour les animaux protégés du vecteur de l’épizootie pendant soixante jours. Le nouveau règlement prévoit encore l’abolition de la distinction entre périmètre interdit et zones de protection. Les analyses groupées seront possibles ; nous y travaillons avec les laboratoires. Les vaccins seront disponibles en avril ; c’est tard, je le sais, mais pas trop tard. Nous avons lancé un appel d’offres pour trente-trois millions de doses, et je m’efforce d’obtenir de nos partenaires la définition d’une stratégie européenne. Mais sans attendre, un premier crédit de 13,5 millions a été débloqué pour venir en aide aux éleveurs les plus touchés.

Vous avez bien voulu, Monsieur le député, reconnaître le travail accompli. Ce n’est pas le mien seul mais celui de mes services, des vétérinaires, des laboratoires et aussi des dirigeants professionnels, des éleveurs et des exploitants dont je salue le grand esprit de responsabilité au cours de cette crise (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

AMIANTE

M. Bernard Cazeneuve – Je précise, Monsieur Woerth, que si, séance après séance, nous posons inlassablement la même question, ce n’est pas que nous soyons obsédés par une idée fixe : c’est que nous attendons désespérément d’obtenir une réponse du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR, exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Ma question, qui s’adresse au ministre de la santé et à celui du travail, porte sur la difficile question de l’amiante, mais elle pourrait aussi porter sur la silicose et sur toutes les malades atteints de pathologies graves qui attendent une juste réparation de la solidarité nationale. Le 13 octobre, une grande manifestation a eu lieu à Paris, organisée par les représentants des victimes de la contamination par l’amiante. Il s’agissait pour les manifestants de rappeler que, selon les épidémiologistes, près de 100 000 travailleurs de l’amiante développeront une pathologie très grave au cours des vingt prochaines années. Ils ont demandé à vous rencontrer, Madame la ministre, sans que ce vœu ait pour l’instant été exaucé. Pourtant, l’inquiétude monte car, alors que le nombre des malades augmente, les ressources du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante – le FIVA – baissent, la part de l’État dans le financement des fonds d'indemnisation et particulièrement du FIVA, qui était de 17 % au début des années 2000, étant tombée à 5 %. Comme la Cour des comptes l’a souligné, il en résulte un déficit cumulé de 238 millions et elle propose en conséquence de réserver l'allocation de cessation d'activité aux seuls travailleurs malades, alors que cette allocation avait pour objectif de compenser, par un départ en retraite anticipée, la réduction de l'espérance de vie des travailleurs de l'amiante. Est-ce juste ? D’autre part, ces malades devront-ils s’acquitter des franchises médicales ? Que le Gouvernement entend-il faire pour garantir aux victimes de l’amiante la solidarité nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Je vous propose de voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale ! Il prévoit, à l’article 56, l’augmentation des fonds destinés à l’indemnisation. Je vous propose aussi, sur un sujet aussi grave, de laisser de côté la polémique (Huées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Roy – Justice pour les victimes !

M. le Ministre – MM. Lemière et Godefroy, parlementaires de la Manche, votre département, ont souligné avec d’autres – M. Le Garrec, notamment – combien la réforme du fonds de cessation d’activité anticipée des travailleurs de l’amiante est urgente. Loin de toute polémique, nous vous proposons de poursuivre dans cette voie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et NC), en concertation avec les syndicats et les associations comme l’ANDEVA ou la FNATH.

S’agissant des maladies professionnelles, la charge de la preuve n’est pas inversée comme dans beaucoup d’autres pays.

M. Daniel Paul – Pas encore, mais vous l’envisagez !

M. le Ministre – Dès le mois de novembre, nous mettrons sur pied un groupe de travail qui nous permettra de réformer le FCAATA comme le souhaitent les victimes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PROJET DE LOI SUR LA CONSOMMATION

M. Jean-Paul Charié – Il y a quelques années seulement, plus de 700 grossistes assuraient la distribution de la grande majorité des produits alimentaires, activité que se partagent désormais cinq centrales d’achat. C’est dire combien la grande distribution est devenue incontournable. Ce sont de ses pratiques que dépendent le bon fonctionnement de la libre concurrence, qui ne peut se réduire à la loi de la jungle, mais aussi l’équilibre de la relation entre producteurs et revendeurs, ainsi que le maintien de la qualité des produits et la baisse des prix. En quoi le projet de loi que le Gouvernement prépare protègera-t-il les consommateurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – Le Gouvernement a entrepris d’améliorer sans délai la législation en matière commerciale afin de libérer le pouvoir d’achat des Français et d’insuffler plus de transparence dans les relations entre industriels et distributeurs. Une mission parlementaire a constaté les dérives de la loi Galland. Avec l’explosion des marges arrière et la poursuite de leurs propres intérêts, les industriels et les distributeurs ont fini par oublier le consommateur. M. Sarkozy, alors ministre de l’économie, fut d’ailleurs le premier a réunir l’ensemble de ces acteurs afin que les prix baissent. La loi Dutreil de 2005, préparée par M. Jacob, a ainsi permis de réformer peu à peu les marges arrière pour rendre leur pouvoir d’achat aux consommateurs. Depuis, les prix des grandes marques ont baissé de 3 % et les mœurs s’adoucissent. Loin de s’en contenter, le Gouvernement vous soumettra, d’ici à la fin novembre, un projet de loi pour que les consommateurs bénéficient, dès le 1er janvier, de tous les avantages commerciaux négociés entre grands industriels et distributeurs. Le consommateur, trop oublié, doit revenir au cœur des relations commerciales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

AIDE ET SOINS À DOMICILE

M. Dino Cinieri – Plus de 80 % des Français revendiquent le droit pour les personnes dépendantes d’être prises en charge à domicile. La société change, de la recomposition de la famille à la féminisation du travail. Les services d’aides, d’accompagnement et de soins à domicile nous concernent tous, et pas seulement les publics les plus fragiles. Le domicile, en effet, est le lieu où chacun protège le mieux sa dignité et son identité.

La liberté de choix doit être garantie pour tous sur l’ensemble du territoire. Les personnes qui ont besoin de soins à domicile doivent pouvoir faire un choix en toute connaissance de cause. Comment le Gouvernement envisage-t-il d’harmoniser les services d’aide à la personne afin que toutes les structures, des associations sociales aux sociétés privées, soient soumises aux mêmes règles de fonctionnement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – Chacun sait que les personnes âgées dépendantes souhaitent rester chez elles le plus longtemps possible. Chacun a le droit de choisir librement s’il veut être soigné à domicile ou dans un établissement de santé : tel est l’axe principal de notre politique. C’est pourquoi le projet de loi de financement de la sécurité sociale consacre 650 millions à des mesures nouvelles en faveurs de nos aînés.

M. Marc Bernier – Très bien !

Mme la Secrétaire d'État - Nous continuons de créer des places en services de soins infirmiers à domicile. L’effort est conséquent : 4 000 places par an ont été créées entre 2004 et 2006 ; 6 000 le seront en 2007, puis en 2008.

Il est essentiel d’harmoniser ces services sur chaque territoire et je veux saluer, à ce titre, le travail des associations de services à la personne. Je veillerai à ce que l’exigence de qualité soit préservée, conformément à la loi.

Favoriser le maintien à domicile, c’est aussi penser à l’entourage des personnes en perte d’autonomie. Les aidants familiaux ont besoin d’un « droit au répit » : 2 125 places d’accueil de jour et 1 125 places d’hébergement temporaire, destinées notamment aux personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer, seront créées en 2008. Les frais de transport des personnes seront, de plus, pris en charge.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Avec 2 euros de franchise !

Mme la Secrétaire d'État – Sachez que les centres communaux d’action sociale, que vous défendez, finançaient jusqu’à présent les frais de transport vers les accueils de jour. Aujourd’hui, ils se désengagent (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). L’État doit accompagner l’effort des collectivités, non pas s’y substituer !

Monsieur le député, le Gouvernement suit avec détermination la feuille de route du Président de la République et notre ministère est mobilisé pour assurer à nos aînés le libre choix (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

PRIORITÉS DU GOUVERNEMENT

Mme Sandrine Mazetier – Le Conseil économique et social vient de publier un rapport alarmant sur le surendettement, et notamment sur le phénomène inquiétant du surendettement alimentaire. De plus en plus de nos concitoyens s’endettent pour nourrir leur famille. Après la flambée des prix des produits de première nécessité – pâtes, lait, viande, fruits et légumes –, le prix du repas des cantines scolaire devrait augmenter de 8 % à 10 % prochainement. Cela conduira inéluctablement des milliers de familles à priver leurs enfants du repas du midi !

Pendant que les Français se débattent dans des difficultés épouvantables, nous sommes stupéfaits de découvrir que ce qui fait urgence pour votre Gouvernement et pour cette majorité, c’est le financement de vos amis du Nouveau centre. Inscrite en urgence hier à l’ordre du jour de notre assemblée, la proposition de loi qui a été examinée ce matin est honteusement intitulée « Indépendance et pluralisme des partis politiques ». Ne devrait-on pas dire plutôt « Cuisine électorale et dépendances politiques » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Monsieur le Premier ministre, sortez de votre cuisine politicienne pour traiter d’urgence les problèmes qui se posent aux Français ! Renoncez à l’examen de cette proposition de loi du Nouveau centre pour services rendus à l’UMP ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Le financement de la vie politique a été prévu par la loi de 1988, modifiée à huit reprises depuis. Nous avons commencé l’examen de la proposition de loi du Nouveau centre.

M. Arnaud Montebourg – En urgence !

M. le Secrétaire d'État - Ce texte n’aggrave en rien la charge publique, puisqu’elle est à périmètre constant. Est-il anormal (« Oui » sur les bancs du groupe SRC) qu’un groupe politique de vingt-et-un députés puisse présenter un tel texte ? Je rappelle que des groupes n’ayant aucun élu à l’Assemblée ou au Sénat reçoivent de l’argent public ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Il est tout à fait normal que, dans le cadre de la diversité et de l’équilibre des forces politiques, nous étudiions ce texte. Il sera inscrit à l’ordre du jour prioritaire, afin que nous en poursuivions l’examen (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

NOUVELLE-CALÉDONIE

M. Michel Diefenbacher – En signant l’accord de Nouméa en 1999, la France a pris l’engagement de préparer le territoire à se gouverner lui-même, à consulter sa population sur le maintien ou non au sein de la République, à respecter le choix qui sera fait. Les gouvernements successifs ont respecté ces engagements et nul ne conteste que c’est à la Nouvelle-Calédonie seule qu’il reviendra de choisir librement son destin.

Certains, en particulier les indépendantistes, en ont déduit que l’État devrait se mettre en retrait, se contentant d’accompagner les initiatives locales, s’interdisant de s’exprimer sur le devenir du territoire. Ainsi donc, tout le monde pourrait exprimer sa conviction, sauf le Gouvernement de la République ?

Monsieur le ministre, lors de votre voyage en Nouvelle-Calédonie, vous avez souhaité sortir de cette ambiguïté.

Un député GDR – Il a tout cassé !

M. Michel Diefenbacher – Vous avez exprimé l’attachement de la France à cette terre et sa fidélité à ses habitants, quelles que soient leur origine et la couleur de leur peau. Respecter la volonté des autres, ce n’est pas renoncer à ses propres convictions. Ce faisant, d’aucuns ont laissé accroire que vous vouliez remettre en cause l’accord de Nouméa. Pouvez-vous donc préciser la position du Gouvernement à l’égard de la Nouvelle-Calédonie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer – J’ai effectivement souhaité rompre le silence sur le rôle de l’État en Nouvelle-Calédonie.

Un député SRC – Il a fait une grosse bêtise !

M. le Secrétaire d'État - Le Premier ministre et le Président de la République m’ont demandé de rappeler la volonté de l’État de respecter les accords de Nouméa. Ils m’ont aussi demandé de relancer le dialogue avec l’ensemble des acteurs politiques, économiques et sociaux. À cet égard, le comité des signataires sera réuni avant la fin de l’année, pour la première fois depuis 2006. Le Premier ministre a précisé que cette réunion se tiendrait à Matignon, afin de lui conférer plus de solennité.

M. Christian Paul – C’est moins dangereux !

M. le Secrétaire d'État - Elle sera l’occasion de dresser un état des lieux sur le transfert des compétences, pour renforcer encore l’autonomie. Elle permettra aussi d’évoquer le développement économique de la Nouvelle-Calédonie, le plus dynamique des territoires d’outre-mer : le nombre de demandeurs d’emploi a baissé de 35 % ces quatre dernières années, la croissance a été de 6,5 % en 2006 et de 7,9 % en 2007 ; le PIB par habitant est supérieur à la Nouvelle-Zélande et à l’Australie.

L’État entend accompagner en toute impartialité cette autonomie, en matière d’aménagement du territoire et d’équilibre territorial, comme il l’a démontré avec l’usine du Sud.

Bonne nouvelle : le Premier ministre l’a rappelé la semaine dernière, grâce à l’aide de l’État – une défiscalisation de l’ordre de 230 millions d’euros –, la société Xstrata respectera sa promesse de construire une usine dans la province Nord. J’ai eu l’occasion de m’en entretenir lors de mon déplacement sur place avec le président du Congrès, le président du gouvernement et le président de la province du Nord, qui s’en félicitent comme moi.

Ainsi pourrons-nous fédérer les acteurs politiques, économiques et sociaux, tout en espérant que, le moment venu, dans le strict respect des accords de Nouméa, l’ensemble des Calédoniens – toutes origines culturelles ou sociales confondues – souhaiteront que le destin de la Nouvelle-Calédonie s’accomplisse au sein de la République française. Pour ma part, je veillerai ardemment à ce que les élus et la population calédonienne, quelle qu’en soit la sensibilité politique, oeuvrent ensemble pour assurer à la Nouvelle-Calédonie un avenir de paix et de prospérité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

M. Gérard Charasse – Peut-être M. le Premier ministre pourra-t-il répondre à ma question, destinée à Mme la Garde des sceaux, dont je regrette l’absence (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Reprenant une réforme de la carte judiciaire à laquelle ses prédécesseurs avaient renoncé…

Un député du groupe UMP – Comme vous-mêmes !

M. Gérard Charasse – …, Mme la Garde des sceaux l’a justifiée par la nécessité de renforcer la qualité de la justice et de son administration et a choisi de recourir à la méthode de la concertation – méthode approuvée par les élus locaux, les parlementaires et les professionnels de la justice, qui espèrent parvenir ainsi aux compromis les plus satisfaisants. Mais cette méthode doit reposer sur l’échange et sur la transparence.

Or les questions posées par les parlementaires – dont mes trois collègues du département de l’Allier et moi-même –, notamment sous forme de questions écrites, sont restées sans réponse. Quant à la transparence, comment accepter – pour ne citer que ce seul exemple – que des décisions qui impliquent la suppression de juridictions de proximité soient annoncées à l’occasion de visites dans les cours d'appel menées au pas de charge, sans que soient rendus publics les travaux des vingt-et-un experts que Mme la Garde des sceaux a elle-même désignés – seraient-ils défavorables à la position du Gouvernement ?

En outre, les barreaux et plusieurs magistrats ont sérieusement travaillé sur les objectifs annoncés – que l’on espère sincères –, proposant notamment un redéploiement au siège des tribunaux de grande instance afin de diminuer la charge immobilière, mais aussi et surtout de mieux orienter le justiciable. Cette proposition suscite l’adhésion de nombreux professionnels du secteur comme des élus, qui ont suggéré de nouvelles solutions immobilières – ainsi le président de la communauté d'agglomération de Vichy-Val-d'Allier, maire de Cusset, siège du deuxième TGI d'Auvergne, après celui de Clermont-Ferrand. Mais elle a été écartée d'un revers de manche, de façon discrétionnaire.

Quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition de redéploiement ? D’autre part, quand la concertation débutera-t-elle réellement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Vous le savez, l’absence de Mme la Garde des sceaux est due à un déplacement officiel à l’étranger.

Par la loi comme par les crédits alloués au titre du projet de loi de finances pour 2008, le Gouvernement entend privilégier la justice. Or il serait irresponsable de ne pas réformer une carte judiciaire restée inchangée depuis près de 40 ans et de ne pas tenter de rendre la justice plus efficace et plus rapide en en fédérant et en en optimisant les moyens. Le Gouvernement a choisi de fonder cette réforme sur la concertation (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC). Ainsi a été mis en place le 27 juin dernier un comité consultatif dont les travaux, qui visent à permettre de prendre concrètement en considération la réalité et la diversité du territoire, ont été publiés. Mme la Garde des sceaux a également demandé aux chefs de cour et aux préfets d’organiser une concertation locale.

Toutes les propositions qui en ont résulté sont désormais examinées, cour par cour, tribunal par tribunal. Quatre schémas d’organisation viendront s’ajouter cette semaine aux huit que Mme la Garde des sceaux a déjà eu l’occasion de présenter afin d’en vérifier la pertinence sur le terrain.

Quant à votre département, monsieur Charasse, les différentes propositions relatives à la cour d’appel de Riom sont actuellement étudiées par la chancellerie et aucune n’est écartée s’agissant des trois tribunaux de grande instance du département de l’Allier. Le projet d’organisation de la cour d’appel sera naturellement présenté aux élus et aux acteurs judiciaires concernés dès qu’il sera achevé.

Aux yeux du Gouvernement, une justice de proximité est une justice disponible, rapide, cohérente, que son autorité fait rayonner au-delà des murs à l’intérieur desquels elle est rendue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance est suspendue à 15 heures 55.

La séance est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Jean-Marie Le Guen.

PRÉSIDENCE de M. Jean-Marie LE GUEN
vice-président

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2008 (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

M. le Président – Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Mme Valérie Boyer – Comme vous, je suis fière de notre système de santé, qui reste l’un des meilleurs du monde en dépit des difficultés qu’il connaît. Puissions-nous parvenir à l'améliorer afin qu'il perdure !

C’est un projet de loi ambitieux et courageux qui nous est soumis. Conformément aux engagements du Président de la République, ce texte pose en effet la première pierre d'une réforme structurelle de l'assurance-maladie, qui s'accompagnera notamment des réformes annoncées en matière d’hôpitaux et des agences régionales de santé. À côté d’autres dispositions novatrices, comme l'expérimentation de nouveaux modes de rémunération, ou la généralisation de la tarification à l’activité, plusieurs mesures de santé publique tendent à mettre le malade et sa famille au coeur des dispositifs. Le plan de lutte contre la maladie d'Alzheimer prend ainsi en compte les souffrances qui frappent une famille française sur quatre.

J’en viens à la démographie médicale, qui inquiète tout autant les Français que les professionnels de santé. Même la région PACA, où j’ai été élue, sera malheureusement confrontée à ce problème dans les années à venir. Nous devons donc trouver dès maintenant des solutions. Il faut saluer le courage du Gouvernement qui a décidé de réunir des états généraux de la démographie médicale.

M. Christian Paul – Cela ne suffira pas.

Mme Valérie Boyer – Nous devrons associer l'ensemble des professionnels concernés, internes, chefs de cliniques, praticiens hospitaliers et médecins de ville. Il faudra faire preuve d’ambition et d’imagination.

N’oublions pas non plus les mesures de lutte contre les abus et les fraudes : intégrées au plan de lutte contre la fraude fiscale et sociale, ces dispositions sont indispensables pour que nous puissions réaliser d’ambitieux projets au service de nos concitoyens. Selon le rapport du conseil des prélèvements obligatoires, la fraude aux impôts et aux cotisations représenterait entre 1,7 et 2,3 % du PIB, soit entre 29 et 40 milliards d’euros. Le travail au noir réduirait les cotisations sociales de 6 à 12 milliards, tandis que les estimations de la fraude aux cotisations et aux prestations varient entre 8 et 11 milliards d'euros.

Afin de relever le défi de la responsabilité et de la solidarité, ce projet de loi tend à renforcer la lutte contre le travail dissimulé, principale source de fraude aux ressources, tout en clarifiant les conditions de résidence, laquelle devra être stable et régulière, et en renforçant le contrôle des arrêts de travail. Il y a également urgence à conforter les pouvoirs des agents des organismes sociaux en décloisonnant leur action et en leur donnant la possibilité de communiquer enfin entre eux.

Rapporteure pour avis sur le budget de la solidarité, j’aimerais également insister sur les dysfonctionnements qui affectent la CMU et la CMU complémentaire. Par voie d’amendement, je proposerai que l’on exige désormais des pièces authentiques et originales, et que l’on élargisse les possibilités d’accès au fichier du fisc. Il me semble tout aussi nécessaire de fixer un plafond de valeur du logement pour le forfait « logement », car les dérives actuelles discréditent l’ensemble du système. Je propose par ailleurs de mettre un terme à l’affiliation automatique des bénéficiaires du RMI à la CMUc.

Une prestation justement versée signifiant une plus grande solidarité, il me semble enfin légitime d’appliquer aux bénéficiaires de la CMUc les dispositifs de responsabilisation destinés à l’ensemble de la population. En effet, l’instauration du parcours de soins n’a pas seulement une incidence financière : elle répond avant tout à une préoccupation de santé publique. Nous devrons donc appliquer des méthodes plus simples pour assurer le respect du parcours de soins et la diffusion des génériques. Le bénéfice de la CMUc devrait notamment être conditionné à la désignation d’un médecin traitant.

Toutes ces mesures renforceront la crédibilité de notre système de santé, tout en luttant contre le sentiment d’injustice parfois ressenti par nos concitoyens. Je suis certaine que nous aurons tous à cœur, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, d’améliorer le financement et le fonctionnement de notre système de soins. Souvenons-nous seulement que les prestations versées aux Français les moins aisés augmentent leurs revenus de 56 %...

Au-delà des considérations partisanes, nous devons faire en sorte de préserver et de conforter notre système de santé et de prestations sociales. Je le répète : ce PLFSS est ambitieux et courageux. C’est un bon projet de loi, et c’est pourquoi je le voterai (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Paul – L'état de l’assurance maladie est tel que son déficit pourrait être au coeur de nos débats. La crise qui affecte l'organisation des soins est toutefois si grave que je limiterai mon propos à une seule question, que j’adresse au Gouvernement.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Je vous écoute.

M. Christian Paul – La France est-elle, oui ou non, capable d’enrayer la désertification médicale ?

Mme la Ministre - Question pertinente !

M. Christian Paul – Consulter un médecin généraliste, obtenir un rendez-vous avec un spécialiste, accéder à un hôpital, ou encore joindre un service d'urgence, tout cela relève du parcours du combattant, et c’est inacceptable. Les causes se cumulant, des dizaines de départements deviennent ainsi des déserts médicaux. Or, les réponses du Gouvernement ne sont absolument pas à la mesure du défi.

Le Gouvernement hésite en matière de démographie médicale, car il est écartelé entre l’exaltation corporatiste de la liberté d’installation et la défense de l’intérêt général. Faut-il rappeler que la présence de médecins sur l’ensemble de notre territoire est une obligation nationale ? Contrairement à la liberté d’installation, le droit à la santé figure dans notre Constitution. La nation doit donc le garantir. Il faudra mener un débat national et une négociation dans des conditions loyales, puis choisir.

Le déconventionnement me semble une mesure peu efficace, car il affecterait essentiellement les patients au lieu de contraindre les praticiens. Le mal est aujourd’hui profond : c’est la condition même de médecin qui est en jeu, c’est l'ensemble du système d'exercice professionnel qu’il faut revoir. Le dialogue doit donc s'ouvrir, y compris avec les internes, les étudiants d'aujourd'hui étant les médecins de demain. Puis viendra le temps des choix.

Les incitations financières et fiscales n'amènent pas ou peu de médecins dans les zones déficitaires. Ce n'est pas d'abord une affaire d'argent. Il y a aussi les incitations qualitatives, avec les maisons de santé pluridisciplinaires, qui sont indispensables ; on en compte sept en voie de réalisation dans ma circonscription. Mais elles ne suffiront pas.

C'est pourquoi nous vous demandons avec gravité d'engager un processus de réformes, non un Grenelle, mais un Ségur de la santé. Les solutions sont diverses : refonte des études médicales pour garantir un équilibre entre les filières et mieux orienter vers le très beau métier de généraliste ; régionalisation de l'offre de soins, avec un plan répondant aux besoins des territoires, y compris pour la médecine de ville ; bourses d'études et d'installation, avec obligation de servir plusieurs années dans les zones déficitaires de la région d'études ; appel sans complexe à la médecine salariée, s'appuyant sur des structures locales, associatives ou mutualistes, sur des hôpitaux ou des collectivités ; planification orientée par l'assurance maladie, par un usage ferme de la convention – et nous avons l’exemple des infirmières libérales, qui ont accepté de ne pas s'installer dans les zones excédentaires, sauf pour remplacer un départ.

Si cela ne suffit pas, c'est à l'État qu'il appartiendra, le moment venu, de prendre ses responsabilités pour que le droit à la santé soit respecté : la puissance publique a une obligation de résultat.

Le désert médical, c'est aussi l'hôpital de proximité brutalement amputé d'un service ou d'une maternité, c'est un SMUR dont la création est attendue pendant des années, ce sont des équipes que l'on casse au motif de rationalisation, doux nom du rationnement budgétaire. Ce n’est pas en fermant les petits hôpitaux qu’on va sauver les CHU – il n’y a que Bernard Debré pour le croire.

Tout est lié : le désert fait peur aux malades, et il fait fuir les médecins.

Je vous demande donc solennellement de reconsidérer l'extension accélérée de la T2A et ses risques pour les petits hôpitaux, et d'accepter notre amendement sur les « dotations de structure ».

Je vous demande également de prononcer un moratoire sur les restructurations hospitalières non négociées.

Enfin, je demande à la majorité d'accepter le principe d'une mission d'information parlementaire, qui sera prochainement demandée par le président Ayrault, pour préparer nos choix et en finir avec les déserts médicaux (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Marc Le Fur – S’il est une crainte dont nos concitoyens nous font souvent part, c’est bien celle de ne plus disposer demain des médecins dont ils ont besoin.

Le paradoxe, c’est que considéré globalement, le nombre de médecins en France est satisfaisant. Avec une densité de 340 médecins pour 100 000 habitants, nous sommes au-dessus de la moyenne de l'OCDE, et même au-dessus de la moyenne européenne. En revanche, il y a un problème de répartition sur le territoire : la densité médicale de l’Ile-de-France est égale à deux fois et demie celle de la Picardie ; et entre la Mayenne et les Bouches-du-Rhône, le rapport est de 1 à 3. À l’intérieur d’une même région, les disparités sont criantes : en Bretagne, le rapport est de 1 à 10 entre le pays de centre-est, qui est le moins bien doté, et celui de Rennes.

Cette situation a été dénoncée par bien des collègues, notamment par Marc Bernier. Elle pose des problèmes dans les régions à forte densité, où des médecins ont tendance à multiplier les actes, voire les arrêts de travail de complaisance, et des problèmes plus graves encore dans les régions à faible densité, banlieues et monde rural.

Jusqu’à présent, nous y avons répondu par l’incitation. Les collectivités locales y ont contribué, ne serait-ce que par des travaux immobiliers permettant d’accueillir des médecins – et c’est ainsi qu’à Loudéac, pôle d’excellence rurale, nous avons fait en sorte d’associer différents professionnels de santé. Nous avons encouragé l’association et nous avons pris des dispositions fiscales et sociales, mais elles ne suffisent pas. En effet, comme l’indique le sénateur Charles Descours dans son excellent rapport, les études réalisées concluent toutes que la décision d'installation n'est pas motivée par les revenus anticipés. Les médecins des zones rurales ont d’ailleurs des revenus satisfaisants.

Pour autant, je ne préconise pas des mesures coercitives. La solution que je propose, c’est l’orientation.

J'ai déposé à cet effet une proposition de loi, qui a été signée par une trentaine de collègues, et dont les termes sont assez simples.

Dans les zones où les médecins sont en nombre satisfaisant, voire excédentaire, il serait possible de s’installer sous réserve de remplacer un confrère : c’est la même logique que pour les pharmacies. Évidemment, cela va entraîner des pas-de-porte, mais il en existait il y a encore quelques années. Dans les zones à faible densité, la liberté d’installation resterait totale ; on peut donc espérer que les nouveaux médecins – 7 100 à partir de 2011-2012, du fait de la remontée du numerus clausus – iraient plus naturellement s’y installer. Ce n’est pas un dispositif coercitif ; la liberté d’installation demeure, mais elle est organisée.

Le problème des gardes que nous connaissons aujourd’hui n’est qu’un prélude de ce qui nous attend, qui est d’autant plus grave que dans les zones rurales, où la densité médicale est faible, les habitants sont plus âgés qu’ailleurs, et donc ont des besoins médicaux plus importants !

Je vous fais confiance, Madame la ministre, pour faire preuve à la fois de pédagogie et d’esprit de décision, afin que dans dix ans, on ne puisse pas nous dire : « ils n’avaient pas prévu ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Dominique Orliac – Si certaines mesures contenues dans ce PLFSS sont justifiées, d'autres sont critiquables, et l’on recherche en vain une vision d'ensemble. On peut en tout cas faire un constat sans appel : la réforme de l'assurance maladie de 2004 a échoué.

La Fédération hospitalière de France considère que le déficit des hôpitaux publics va s'aggraver lourdement. Les associations de patients protestent contre les franchises, véritables taxes sur la maladie. La fixation de l’ONDAM à 3,2 % fait réagir l'ensemble des acteurs qui auront à le gérer au quotidien.

Les mesures de régulation de l'installation des médecins, brutales et simplistes, doivent être abandonnées : les députés radicaux de gauche soutiennent les amendements de suppression des articles 32 et 33. Les mesures coercitives ont clairement prouvé leur inefficacité dans plusieurs pays, notamment au Québec et en Allemagne.

Mme la Ministre de la santé – Il faut dire cela à M. Paul.

Mme Dominique Orliac – Comment a-t-on pu déréguler notre organisation des soins à ce point ?

Les mesures prises depuis plus de vingt ans visant à limiter l'offre de soins n'ont pas permis de lutter contre le déficit croissant de l'assurance maladie, mais elles ont conduit au déficit de médecins, qui va se généraliser à tous les territoires.

Ce projet est une remise en cause profonde du système de soins français. Le déconventionnement des médecins serait un pas supplémentaire vers un désengagement de l'État dans sa mission constitutionnelle d'égal accès aux soins. Un transfert de pans entiers de l'assurance maladie vers les assurances privées deviendrait alors inéluctable. Est-ce vraiment ce que souhaite ce gouvernement ?

En fait, 58 % des jeunes médecins sont prêts à s'installer dans des zones sous-médicalisées, mais avec un véritable accompagnement. Il est donc urgent que les mesures incitatives qui datent de début 2007 soient enfin appliquées et portées à la connaissance des étudiants. Souvent de jeunes médecins redoutent de s’installer dans une zone isolée, car leur cursus ne les a pas formés à travailler en l’absence de réseau de soins.

D’autre part, l’État ne remplit pas sa mission d’aménagement du territoire. Comment exiger que seuls les médecins aillent là où les services publics ont eux-mêmes démissionné ?

Il est temps d'instaurer un maillage de maisons de santé pluridisciplinaires afin de faciliter le travail en réseau et la permanence des soins, et de travailler en amont à l'orientation des étudiants. Les mesures incitatives ne doivent pas être uniquement d'ordre financier ni intervenir quelques mois avant l’installation. Il faut susciter des vocations, favoriser notamment les stages en milieu rural et permettre la délégation de tâches à d’autres professionnels de santé.

Les internes et les jeunes médecins, intelligents et responsables, savent bien quelles sont les mesures les plus appropriées. Et il est presque indécent de leur proposer une discussion dans le cadre d'États généraux de la démographie médicale, qui s'ouvrirait après l'adoption de ce PLFFS !

Enfin, la féminisation de la profession médicale est une réalité, mais il est probable qu'hommes et femmes auront la même activité professionnelle moyenne. Ils privilégieront les conditions de travail et la qualité de vie : « Travailler plus pour gagner plus » n'est pas leur priorité.

Il faut désormais mettre en place une politique cohérente, de long terme. La ministre annonce vingt ans de grosses difficultés. On peut enrayer plus vite la chute de la démographie médicale en agissant vite. C’est une question de volonté politique. Quelles sont les vraies mesures que le Gouvernement compte prendre pour réorganiser le système de soins de manière pérenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Philippe Vitel – En votant ce PLFSS, nous voulons tous assurer à nos concitoyens la meilleure protection sociale possible. Il faut pour cela concilier rigueur et pragmatisme avec la fidélité au système universel et solidaire, assurer l’équilibre comptable d’un système qui, malgré la courageuse réforme de 2004, reste en déficit, instaurer une meilleure gouvernance, responsabiliser les acteurs et lutter sans merci contre les fraudeurs. Ces défis, nous voulons les relever par la négociation, la confiance, non dans la rigidité et la coercition.

Ce PLFSS est fondateur. Chaque acteur doit être mis à contribution, sinon la maîtrise des dépenses ne sera pas possible. Conformément aux engagements du Président de la République, il pose les bases d’une nécessaire réforme structurelle de l’assurance maladie. Parmi les nombreux chantiers que nous avons ouverts, trois me semblent prioritaires : ceux de la permanence des soins et de la démographie médicale, de la réforme hospitalière, enfin du parcours de soins. C’est sur ces points que je souhaite des précisions.

Sur la démographie médicale, nous entendons bien des contrevérités et des caricatures. Il n’y a jamais eu autant de médecins dans notre pays, puisqu’ils sont 252 746 inscrits au Conseil de l’ordre, dont 213 995 en activité ; il y a 340 médecins – à égalité des généralistes et des spécialistes – pour 100 000 habitants. Pourtant 4 millions de Français ont du mal à accéder à un médecin généraliste, et la répartition des médecins est affectée par l’héliotropisme et l’attrait de la capitale. Le problème ne concerne d’ailleurs pas seulement les zones rurales, mais aussi les banlieues et certains quartiers des villes. Il n’est pas nouveau.

J’ai été reçu en 1982 à l’internat de région sanitaire. Nous pouvions bénéficier d’une formation de qualité dans différents services mais aussi sur le terrain, ce qui conduisait un certain nombre d’entre nous à s’installer dans le secteur. La suppression de cet internat et des certificats d’études spécialisées en 1984 fut à l’origine du phénomène que nous connaissons, aggravé par le numerus clausus ubuesque qui a existé jusqu’en 2003.

Aujourd’hui, la solution passe par l’incitation. Nous ne l’apportons que sur le plan financier et avec une communication insuffisante. Il faut remettre une dynamique en marche, avec l’appui des URML et des caisses d’assurance maladie. Il faut surtout trouver remède au sentiment d’isolement des jeunes qui les empêche de tenter l’aventure, grâce à une politique d’aménagement sanitaire du territoire qui passe par la construction de maisons de santé de proximité, la requalification de petites structures hospitalières, peut-être avec des partenariats public-privé. Il faut aussi inclure dans le parcours de formation des stages auprès des praticiens de terrain, et le contrat formation installation en zone déficitaire est une très bonne mesure. N’est-il pas temps de réfléchir à la mise en place du LMD et, le plus rapidement possible, de revoir avec les étudiants la définition de l’examen classant national afin d’agir sur les disparités ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – Exactement.

M. Philippe Vitel – Nous attendons beaucoup des futurs États généraux début 2008.

Le second sujet est la réforme hospitalière. Dans son rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes s’est interrogée sur l’utilisation des 59 milliards de charges et produits et sur la fiabilité des comptes des établissements publics de santé – déficits masqués, comptabilité analytique insuffisante, achats de médicaments avec des écarts de prix de un à trois, voire un à dix entre établissements… Ce n’est pas le signe d’un grand professionnalisme. Ce rapport est en tout cas très bon.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  Tout à fait.

M. Philippe Vitel – Le Président de la République a souligné l’importance d’accorder l’autonomie de gestion aux établissements. La tarification à l’activité à 100 % pour les courts séjours serait instaurée en 2008. Il est en effet absurde que les ressources d’un établissement dépendent de sa situation budgétaire vingt ans auparavant. Confirmez-vous cette très bonne nouvelle ? Nous l’attendons depuis le moment où la tarification à l’activité a été imposée aux établissements privés, avec le succès que l’on constate.

Le troisième défi est le parcours de soins, pierre angulaire de la réforme de 2004. Il s’articule sur le médecin traitant, et le dossier médical personnel, dont nous souhaitons la mise en place la plus rapide possible. Il doit devenir un instrument quotidien, qui révolutionnera la consultation ou la visite, et l’on n’en mesure pas encore tous les développements à l’avenir. Gardons lui sa cohérence globale, c’est-à-dire médicale. Où en est la réflexion du GIP-DMP ? Des professionnels de santé y participent depuis quelques mois. Il était temps !

On nous envie notre système de santé. Amenons-le au nécessaire équilibre financier en conservant ses caractères d’universalité et de solidarité. Surtout, donnons à chacun la possibilité de recevoir en tout temps, partout sur le territoire national, les bons soins auxquels il a droit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Danièle Hofman-Rispal – Lors de la discussion du PLFSS pour 2006, nous nous étions élevés contre l’instauration d’une franchise de 18 euros sur les actes médicaux lourds. Elle était censée permettre à la sécurité sociale de revenir à l’équilibre cette année. Quel échec ! Le déficit est toujours là. Mais vous voulez instaurer de nouveaux déremboursements. La méthode ne fonctionne pas ? Ce n’est pas grave, continuons.

Mais je voudrais insister sur les conséquences de vos mesures sur le pouvoir d’achat des 13 millions de retraités, dont 600 000 perçoivent une pension inférieure à 800 euros par mois. Le candidat Sarkozy avait promis d’augmenter de 25 % le minimum vieillesse, de revaloriser les petites retraites et pensions de réversion. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. En fait, vous annoncez une revalorisation des retraites d’à peine 1,1 %, soit moins que l’inflation. En effet, nous explique Monsieur Bertrand, l’an dernier la revalorisation avait été supérieure de 0,5 % à l’inflation ! Alors, tant pis, cette année, pour tous ceux qui vivent avec 800 euros par mois et à qui vous dites scandaleusement qu'ils devront se contenter d'une hausse de 105 euros par an alors que, cet été, grâce à votre bouclier fiscal, 2 398 contribuables ont reçu 50 000 euros en moyenne (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Roy – La vérité blesse !

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Certes, vous annoncez que la commission de revalorisation des pensions se réunira fin novembre et qu’elle « pourrait » proposer un coup de pouce – qui n’aurait aucune traduction concrète avant le 1er janvier 2009…

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Mais c’est la loi qui le veut !

M. Pascal Terrasse – Votre loi !

Mme Danièle Hoffman-Rispal – …ou, « éventuellement », lors du rendez-vous sur les retraites du printemps 2008. Que de conditionnels ! Si c’est possible au printemps 2008, pourquoi attendre ?

M. le Ministre du budget – Toujours dépenser plus !

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Vous avez bien réussi à trouver 15 milliards cet été pour votre paquet cadeau fiscal ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre du budget – Démagogie !

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Le pouvoir d'achat, c'est aussi une question de dépenses. Or non seulement vous n'allez pratiquement pas augmenter les pensions des retraités les plus démunis mais vous allez leur imposer des dépenses supplémentaires en instaurant de nouvelles franchises médicales qui, contrairement à ce que vous affirmez, Madame la ministre, ne constituent en rien un élément de solidarité intergénérationnelle. En effet, on peut estimer à 4,6 millions des 13 millions de Français âgés de plus de 60 ans le nombre de ceux qui seront reconnus, à la fin de l’année souffrant d'une affection longue durée. Ils représentent 10 % des 45 millions de Français concernés par les franchises, et ils vont devoir débourser à eux seuls 230 des 850 millions attendus, soit au moins 27 % – un rapport de 1 à 3. C'en est fini de la solidarité intergénérationnelle et de la solidarité entre malades et bien-portants – sans même parler des conséquences de ce nouvel impôt pour les personnes âgées résidant en EHPAD.

La seule rupture que traduit ce projet est grave : vous rompez avec les principes fondateurs de la sécurité sociale. L'allongement de la durée de la vie est une chance pour chacun de nous, mais ce ne serait plus le cas si de telles mesures étaient adoptées. Il en encore temps de faire marche arrière. Faites-le ! Revalorisez les petites retraites, et supprimez ces nouvelles franchises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Patrick Roy – Eh oui ! À certains on promet 25 % et on donne 1 %, à d’autres on promet 15 milliards et on les leur donne bel et bien !

M. Marc Bernier – Alors que la France n'a jamais compté autant de praticiens en activité, les Français ne sont pas égaux devant l'offre de soins. Je ne reviendrai pas sur les raisons de cette pénurie, que j'avais signalées dès 2003 dans mon rapport sur la démographie médicale rendu au nom du groupe d'études de notre assemblée sur les professions de santé, conclusions confortées par plusieurs rapports successifs. À ce jour, dans certaines zones de dix-neuf départements, dont la Mayenne, on compte moins de 0,5 généraliste pour mille habitants, alors que la densité moyenne nationale est de 1,7 – l'une des plus importantes des pays membres de l'OCDE. De plus, ces inégalités territoriales risquent de s'aggraver fortement puisque, selon l'Ordre national des médecins, quelque 60 % des étudiants et des jeunes médecins n'envisagent pas de s'installer en zone rurale, réticents à l’idée des contraintes que cela implique en termes de disponibilité. Il est donc urgent d'enrayer cette tendance.

Le Gouvernement et le Parlement ont proposé, depuis 2005, des mesures financières incitatives destinées à favoriser l'installation ou le maintien des médecins dans les zones déficitaires en offre de soins, mais ces dispositions, que j’avais pour la plupart recommandées dans mon rapport de 2003, n'ont pas eu l'effet escompté. L'information a manqué, et l’on note qu'aucun audit d'évaluation n'a été entrepris deux ans après l’entrée en vigueur de ces mesures.

Le bon sens et l'urgence commandent donc d’optimiser les incitations existantes et de les combiner à des modes d'organisation innovants. C'est ce que propose le projet en son article 31, à titre expérimental. Dans la Mayenne, un projet conforme à l'esprit de la loi que nous sommes appelés à voter est déjà à l'étude, soutenu par les médecins libéraux, les professions paramédicales, les pharmaciens et l'hôpital local. La démarche séduit donc les praticiens exerçant en milieu rural.

La rédaction trop juridique et quelque peu indigeste des articles 32 et 33 a suscité des polémiques qui en ont dénaturé le sens. Il s’agit pourtant de permettre aux médecins et à l'assurance maladie de négocier conventionnellement les critères de définition des zones déficitaires et les moyens incitatifs de répartition des médecins sur le territoire. Je comprends les inquiétudes des internes en médecine, qui craignent une remise en question de leur exercice professionnel, mais la désinformation fausse le débat que vous proposez d'ouvrir.

Pour garantir la liberté d'installation, vous avez, Madame la ministre, pris l'engagement d'exclure du champ de la négociation le principe du non conventionnement et toute mesure coercitive, d’ouvrir des « États généraux de la démographie médicale » auxquels les représentants des internes et des jeunes médecins seront associés, et de leur donner une voix délibérative lors des négociations conventionnelles proposées à l'article 33. La disposition proposée n'oppose donc en aucune manière le principe de l’égalité devant l'offre de soins et celui de la liberté d'installation des médecins.

Je ne saurais conclure sans saluer l'initiative de Jean-Luc Préel, qui a déposé un amendement – que j'ai co-signé – visant à favoriser la création des maisons médicales de garde et les maisons pluridisciplinaires, en incitant les collectivités à participer à leur financement. J’encourage l’Assemblée à adopter cette mesure, qui a déjà fait ses preuves, depuis décembre 2005, dans ma commune de Vaiges.

Convaincu du bien-fondé de ce PLFSS, je le voterai. Pour autant, il importe que tous les acteurs de la santé acceptent de négocier pour garantir le respect du principe d'égalité des citoyens devant l'offre de soins sur l'ensemble du territoire national, sans aucune exception (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Monique Iborra – Le régime général de la sécurité sociale était excédentaire en 2001, une situation qui ne s’est pas reproduite depuis votre arrivée au pouvoir. Pour ce qui est de la branche « maladie », l’équilibre promis en 2004 par ceux qui sont encore au Gouvernement aujourd’hui est bien loin d’être atteint – le déficit, qui ne cesse de s’aggraver, signe l’échec patent de la réforme de 2004. Mais, alors que le « reste à charge » des assurés sociaux continue de croître, vous persistez en instaurant de nouvelles taxes dites « franchises médicales » et, cinq ans après votre arrivée aux affaires, vous semblez découvrir les inégalités territoriales. D’évidence, le dispositif de solidarité nationale construit en 1945 est menacé, et ce projet préfigure la privatisation de notre système de protection sociale vers laquelle vous tendez.

S’agissant de la démographie médicale, vous dites tout et son contraire, expliquant que vous ne remettrez pas en cause la liberté d’installation tout en prévoyant des déconventionnements en cas d’installation dans des zones considérées comme surmédicalisées. Même si vos déclarations récentes montrent une évolution, force est de constater que si vous prévoyez de consulter les médecins, vous vous refusez à abroger les articles du projet qui prévoient des sanctions, lesquelles devront s’appliquer avant même que la négociation ait eu lieu. En réalité, vous fuyez vos responsabilités en n’assumant pas les réformes de fond nécessaires, préférant laisser à l’assurance maladie le soin de régler des problèmes qui la dépassent très largement. Après que votre politique a conduit, sciemment, à la fermeture de services publics toujours plus nombreux, vous en venez maintenant à sanctionner les malades en prévoyant le déconventionnement…

Mme la Ministre de la santé – Mais non ! Ce n’est pas de cela qu’il s’agit !

M. Pascal Terrasse – Nous serions donc les seuls à n’avoir pas compris !

Mme Monique Iborra – …une mesure injuste et inefficace, destinée à ouvrir la voie aux assurances privées. Et, demain, l’avis d’un médecin mandaté par un employeur pourrait entraîner la suspension des indemnités journalières ! Il s’agit là d’une grave remise en cause du rôle de l’assurance maladie, qui disqualifiera les médecins généralistes (Mme la Ministre de la santé proteste). Dans le même temps, vous proposez de taxer les stock options à une dose homéopathique très éloignée des recommandations de la Cour des comptes, sans doute pour vous donner bonne conscience ou pour apaiser l’opinion publique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nous sommes décidément bien loin du principe fondateur de la sécurité sociale qui était – faut-il le rappeler ? – « de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ». C’est l’inverse que vous proposez à nos concitoyens, et c’est pourquoi nous voterons contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Thierry Lazaro – La sécurité sociale est l’un des grands acquis de notre République. Solidarité et responsabilité : telles doivent être les priorités du PLFSS. Il doit dynamiser l’action sociale – je pense notamment à celle des centres sociaux, dont l’importance sur les territoires est capitale, comme je le constate dans le Nord. Les personnes fragilisées trouvent en leur sein la chaleur d’un accueil individuel et l’occasion de participer à des projets collectifs. Qu’il s’agisse de l’accueil des enfants, de l’accompagnement des jeunes, de l’organisation de vacances pour des familles qui, souvent, en ont oublié l’existence, les centres sociaux améliorent la vie des quartiers. Leur action est essentielle en matière d’insertion sociale, de médiation sanitaire ou de lutte contre l’isolement.

La méthode qui les régit est simple : c’est l’animation globale, thème central des journées professionnelles organisées par la fédération nationale des centres sociaux à Lille, en février dernier. Elle repose sur une évaluation partagée des besoins et l’élaboration commune de projets adaptés. Usagers, habitants, salariés et partenaires sont tous impliqués. Veillons à ne pas fragiliser cette action originale et à préserver les précieuses ressources qui lui sont affectées. Le rapport « Sénat Banlieues » de 2006 soulignait le rôle décisif des centres sociaux dans de nombreux quartiers en difficulté. Chacun reconnaît aujourd’hui leur pertinence. Or, leur financement se fragilise au fil des exercices budgétaires : désastre !

M. Pascal Terrasse – Eh oui ! C’est ainsi depuis cinq ans !

M. Thierry Lazaro – La réorganisation de nos politiques publiques ne doit pas entraîner la remise en cause des centres sociaux, d’autant que leur dotation est infime au regard du budget de la branche famille. Une diminution de leurs ressources affecterait gravement les collectivités et les habitants. Le présent projet ne peut préjuger en la matière de la future négociation entre l’État et la CNAF relative aux objectifs pour 2009-2012. Songez que chaque centre créé est un nouveau foyer d’initiative, d’émancipation et de tissage du lien social ! Or, de nombreux territoires n’en disposent pas. En décembre dernier, M. Debré, alors président de l'Assemblée nationale, avait réuni parlementaires et représentants de centres sociaux pour mettre en évidence la nécessité de leur développement à l’échelle locale et nationale. Il nous faut passer à l’acte ! Ne pénalisons pas la branche famille en amoindrissant cette part de financement qui permet à la CNAF et aux CAF locales de poursuivre leur mission ambitieuse et humaniste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. René Couanau – Les hôpitaux publics traversent d’importantes mutations.

M. Pascal Terrasse – Et leur situation est dramatique !

M. René Couanau – Le passage de l’aberrante dotation globale à la nécessaire tarification à l’activité suppose un profond changement des comportements. Trois écueils sont à éviter : provoquer une transition brutale, imposer une convergence aveugle avec les tarifs du privé et rendre la gestion des établissements encore plus opaque qu’elle ne l’est déjà.

Le projet de loi évite les deux premiers en aménageant la transition pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique, et en attendant les mesures d’impact pour organiser la convergence tarifaire, cette révolution financière. Hélas, j’ai peur qu’il ne s’échoue sur le troisième écueil : la responsabilisation des hôpitaux est certes une bonne chose, mais leur gestion devient si technocratique – et donc opaque – qu’il faut presque sortir de l’École nationale de la santé publique pour en deviner les règles du jeu !

M. Pascal Terrasse – Une très bonne école !

M. René Couanau – Dans un rapport de 2003 que nous avions intitulé « Le désenchantement hospitalier » (« Excellent rapport ! » sur les bancs de la commission), la commission des affaires sociales présentait plusieurs pistes pour redonner confiance à l’hôpital public. La T2A, selon nous, ne serait efficace qu’accompagnée d’une réforme profonde. Malgré quelques mesures d’amélioration de la gouvernance, nous sommes encore loin du compte ! Nous proposions bien plus : donner une véritable autonomie aux établissements.

M. Yves Bur, rapporteur – Et les contractualiser !

M. René Couanau – Pour cela, il faut modifier la composition du conseil d’administration – dont le président élu nommerait le directeur d’établissement – qui diversifierait le recrutement des praticiens ; il faut aussi poursuivre la création de pôles de responsabilité et assouplir le statut de l’hôpital pour les marchés publics. Songez que pour faire appel à un anesthésiste remplaçant au cours de l’été, il faut recourir aux services d’une agence d’intérim, ce qui double les frais de l’assurance maladie ! Par ailleurs, toute nouvelle règle devrait être soumise à une étude d’impact et assortie d’une dotation adaptée. Enfin, le plan de financement des gros investissements publics doit être établi en fonction de contrats souscrits avec les établissements.

Telles sont certaines des mesures que nous avons osé proposer. Espérons que l’on ressortira ce rapport du troisième tiroir d’un bureau quelconque avant le prochain PLFSS… (Sourires) L’hôpital public y gagnerait, à qui l’on permettrait ainsi de valoriser tous ses talents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Aurélie Filippetti – La France est en retard en matière de santé et de sécurité au travail. Les pays scandinaves font heureusement pression pour étendre à l’Europe leur législation protectrice, qui renforcerait le rôle préventif de l’inspection du travail et contraindrait les entreprises à tenir compte de la dégradation continue des conditions de travail.

Les maladies professionnelles en effet progressent à grands pas. Amiante, poussières toxiques, solvants et colorants, bruit, pénibilité, stress : le nombre de victimes de ces affections et d’autres encore a augmenté de 184 % entre 1997 et 2003 ! Les seules victimes de l’amiante seront bientôt près de cent mille ; la France est le seul pays où les femmes victimes d’accidents du travail sont de plus en plus nombreuses. Et encore toutes ces tendances sont-elles certainement sous-estimées, car bien des pathologies restent méconnues.

Le Gouvernement, pourtant, est apathique, comme le montre ce projet de loi. Les précédents plans relatifs à la santé au travail avaient déjà échoué, alors qu’une catastrophe telle que l’amiante, particulièrement grave en Moselle, devrait être une priorité nationale. Il faudrait organiser la prévention des risques professionnels, revoir la prise en charge des maladies professionnelles et préciser la reconnaissance des victimes, encore trop inégale sur le territoire. Une réflexion sérieuse doit être menée pour réaffirmer notre objectif de solidarité, en définissant des critères d'attribution aux victimes plus justes. Mais ce PLFSS ne marque pas de volonté politique sur ce sujet.

Il n’aborde pas davantage la question de la réforme, nécessaire et urgente, de la branche accidents du travail–maladies professionnelles. Selon un principe identique au « pollueur-payeur », les cotisations des entreprises devraient être modulées en fonction des accidents du travail et des maladies professionnelles constatées dans l’entreprise, ou fortement réduites quand l’entreprise s’efforce d’améliorer les conditions de travail et de réduire les risques. Le Gouvernement n’agissant pas, il reste à espérer que les partenaires sociaux se saisiront de ce dossier, longtemps bloqué par le représentant du Medef.

La sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles justifie un reversement forfaitaire annuel à la charge de la branche AT-MP, afin de compenser les dépenses indûment supportées par la branche maladie. Selon le rapport Diricq de 2005, la sous-déclaration entraîne un transfert illégitime vers la branche maladie d’un montant compris entre 356 et 749 millions d'euros. Le Gouvernement, qui depuis trois ans, retient systématiquement la fourchette basse, propose à nouveau pour l’année 2008 un versement de 410 millions, au prétexte de « l'absence d'élément nouveau », faisant fi d’une étude récente de l’Ined. Cet arbitrage, qui ne permet pas de solder les créances de la branche AT-MP à l'égard de la branche maladie, n’est pas à la hauteur des enjeux. Il revient à faire supporter à l'assurance maladie une partie du financement des risques professionnels et à opter ainsi pour un transfert de charges inacceptable (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Rémi Delatte – Dans la droite ligne des ordonnances de 1946, nos débats visent avant tout à permettre aux Français de vivre le plus longtemps possible en bonne santé, de profiter des joies de leur famille et du bonheur d'une retraite méritée. Notre système de protection sociale est envié par de nombreux pays, mais il est mis à mal par l’envolée des coûts. Dans ce contexte, vous proposez un PLFSS volontaire et réaliste.

Vous ne vous contentez pas d’un énième plan de sauvegarde de la sécurité sociale ; vous proposez d’adapter le système grâce à des réformes structurelles courageuses, tout en maintenant la qualité de prise en charge en matière de santé. Vous ne vous contentez pas d'explications théoriques et de mesures abstraites ; vous proposez des actions concrètes, permettant de maîtriser les coûts pour 2008.

L’article 29 vise à améliorer la connaissance médico-économique sur les stratégies de soins, tandis que les articles 28, 30 et 32 ont pour objet de maîtriser les coûts d'intervention en fixant leur cadre conventionnel. Je suis plus réservé sur l’article 25, qui permet de suspendre l’entrée en vigueur d’une mesure conventionnelle en cas de dépassement de l'ONDAM. Ce dispositif me semble éthiquement et techniquement peu recevable. Il sera en effet difficile d’analyser de manière objective les raisons de ce dépassement et de savoir si l’on peut l’attribuer à une conduite peu vertueuse des professionnels. Cet article devra être appliqué avec prudence.

La démographie médicale constitue l'enjeu majeur des dix prochaines années. Si nous en sommes là, c’est que les gouvernements ont préféré, dans les années 1980, diminuer l’offre de soins plutôt que d’agir sur la demande. Ils ont ainsi décrété que la France se contenterait de former moins de 4 000 médecins par an, alors que le vieillissement de la population laissait imaginer une augmentation de la demande de soins. Aujourd’hui, la France manque de médecins alors qu’un numerus clausus drastique a empêché de nombreux jeunes de se former à ce noble métier.

Madame la ministre, comme vous l’avez rappelé devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, l'évolution de la démographie médicale n'est pas une fatalité, mais elle « doit être l’occasion de réfléchir aux moyens de mieux assurer la proximité et la permanence des soins ». Il faudra beaucoup de pédagogie et de dialogue pour que nous trouvions, avec ces jeunes médecins victimes de l’incurie des pouvoirs publics des années 1980, la façon de remédier à ce problème.

Mesdames et Messieurs les ministres, avec les franchises médicales, vous osez enfin aborder le problème des coûts de fonctionnement de notre système de protection sociale par le bon côté. Les coûts ne peuvent qu'augmenter ; il nous faut donc trouver des recettes nouvelles pour investir dans le plan Alzheimer, dans les soins palliatifs et dans la lutte contre le cancer. La mise en place des franchises, proposée par Nicolas Sarkozy pendant la campagne, permet de responsabiliser le consommateur, sans pour autant pénaliser les personnes les plus fragiles. Elle est à l’image de ce PFLSS : volontaire et réaliste.

Ce PFLSS scelle un nouveau pacte social.

Mme Catherine Lemorton – Et quel pacte !

M. Rémi Delatte – Celui-ci ouvre des voies nouvelles pour sauver et pérenniser notre système de protection sociale. Certaines pistes ne sont pas encore explorées, comme la gouvernance du système de santé dans le cadre des ARS ou la TVA sociale.

La tâche est immense ! Mobilisons-nous ! Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, il est de notre responsabilité de faire ainsi œuvre utile pour les Français et les générations futures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Domergue – ll existe trois catégories de médecins : ceux qui sont installés, ceux qui ne sont pas encore entrés dans le cursus, et ceux qui sont « dans la seringue », externes ou internes. Comme l’a dit le Président de la République, il est difficile d’imaginer changer les règles du jeu en cours de partie pour ces derniers.

Toutefois, le mérite de l’article 33 a été de faire comprendre à nos jeunes collègues que l’on ne pouvait en rester là et que la médecine avait évolué. Le problème de la pénurie de médecins montre combien il faut travailler sur l’organisation médicale, qu’il s’agisse des établissements de santé ou de la répartition des professionnels.

Agir sur la démographie médicale est aussi compliqué que de manœuvrer un pétrolier. L’inertie est extraordinaire. Si l’on n’a pas le courage de prendre des décisions aujourd’hui pour ceux qui ne sont pas encore dans le cursus, rien ne bougera demain.

Ce PLFSS a le mérite de poser de bonnes questions. Mais les méthodes utilisées pour y répondre sont-elles adaptées ? Les jeunes internes sont légitimement inquiets.

M. Pascal Terrasse – À Montpellier, ils sont même en colère !

M. Jacques Domergue – Ce n’est pas en quelques jours de discussion que nous réglerons le problème. Proposons donc l’ouverture d’états généraux.

Mme la Ministre de la santé – Nous le leur avons déjà promis !

M. Jacques Domergue – Par ailleurs, la France a la particularité d’être le pays qui consomme le plus de médicaments, de transports sanitaires, d’arrêts de travail.

Mme Catherine Lemorton – Qui prescrit ?

M. Jacques Domergue – En effet, les médecins prescrivent trop. Mais nos concitoyens sont aussi soumis à une trop grande sollicitation.

M. Pascal Terrasse – Vous voulez parler des laboratoires ?

M. Jacques Domergue – Je pense qu’il faut inciter les médecins à conduire des consultations sans prescription. J’ai déjà fait cette proposition, mais on m’a dit qu’elle serait traitée dans le cadre de la convention. Cela n’a pas été le cas, je la réitère donc. La consultation sans prescription doit être valorisée.

M. Pascal Terrasse – Cela s’appelle le « médecin référent » !

M. Jacques Domergue – Non. Si le médecin peut régler le problème médical de son patient sans prescrire un médicament, un examen complémentaire ou un transport, sa consultation sera mieux rémunérée. Songez qu’une consultation dont le montant s’élève à une vingtaine d’euros débouche sur une prescription qui représente 80 euros en moyenne…

M. Pascal Terrasse – C’est la prime au rationnement !

M. Jacques Domergue – …ce qui rejaillit non seulement sur la santé des patients, mais aussi sur l’équilibre budgétaire. Parfois, les mots valent mieux que des médicaments ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pascal Terrasse – Les mots ou les maux ?

M. Jean-Louis Touraine – L’ancien président de la commission des affaires sociales vient de faire acte de repentance dans un quotidien du soir : il regrette de ne pas s’être suffisamment battu pour sauver l’hôpital public du coma dans lequel celui-ci sombre inexorablement. La situation de l’hôpital public, particulièrement malmené au cours des six dernières années, mériterait que les ministres de la santé successifs se repentent eux aussi. Au tournant du siècle, la France était pourtant, aux yeux de l’Organisation mondiale de la santé, le pays le plus performant en matière de qualité des soins et d’accès à la santé.

M. Pascal Terrasse – Ce n’est plus le cas !

M. Jean-Louis Touraine – À l’époque, les comptes sociaux étaient équilibrés, voire en excédent ! Il est vrai que le Gouvernement était alors socialiste…

Le déficit actuel est abyssal – 12 milliards d’euros au moins –, malgré plusieurs réformes destinées à rétablir l’équilibre dès 2007. Dès lors, il ne suffit plus de se repentir : il faut cesser de persister dans l’erreur – par exemple celle de la taxe supplémentaire que vous prétendez appliquer aux malades, la prétendue « franchise médicale ». Erreur, parce qu’elle remettrait en cause le principe de solidarité sociale que le Conseil national de la résistance a placé au fondement de la sécurité sociale ; parce qu’elle inverse le principe de financement des soins, pénalisant les plus fragiles au profit des bien-portants ; parce qu’elle vise à faire peser sur les malades la réduction de la consommation médicale, alors que c’est des professionnels de santé qu’émanent les prescriptions…

Mme Catherine Lemorton – Bravo !

M. Jean-Louis Touraine – …et parce que l’obstacle financier, décourageant le recours aux soins primaires, retardera le diagnostic et le traitement de maladies graves, qui deviendront dès lors incurables. Invoquer des efforts en matière de prévention, de dépistage et de diagnostic précoce tout en recourant à ce type de mesures revient à prétendre encourager l’usage des transports en commun en triplant le prix du ticket ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC)

En outre, contrairement à ce que vous affirmez, les franchises ne suffiront pas à financer la prise en charge de la maladie d’Alzheimer et du cancer : comme les vignettes automobiles, qui devaient permettre de venir en aide aux personnes âgées, elles disparaîtront dans le tonneau des Danaïdes de vos vieux déficits !

Du reste, les Français sont majoritairement opposés à cette mesure comme au démantèlement de la sécurité sociale et à l’ensemble de votre PLFSS.

Plusieurs députés du groupe UMP – Démagogie !

Mme Catherine Lemorton – Non, réalisme !

M. Jean-Louis Touraine – Mais loin de nous contenter de dénoncer vos erreurs, nous formulerons des propositions appropriées (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). L’augmentation de l’espérance de vie et l’élaboration de nouveaux traitements efficaces, mais coûteux, nécessitent en effet de nouvelles ressources de financement (« Où ? » sur les bancs du groupe UMP) et une maîtrise authentiquement médicalisée – et non comptable – de l’évolution des dépenses.

La justice sociale exige de faire reposer le financement non sur les plus pauvres, les plus vulnérables ou les plus âgés, mais bien sur ceux qui sont en mesure de faire preuve de solidarité sans pour autant se sacrifier.

M. Daniel Mach – Vous ne l’avez jamais fait !

M. Jean-Louis Touraine – Si, et les comptes étaient alors équilibrés !

Asseoir ce financement sur les stock-options – même si elles sont quelque peu réduites à terme –, les parachutes dorés, les divers produits financiers, les exonérations de cotisation d’entreprises florissantes, sur les héritages luxueux et sur les dettes de l'État envers les comptes sociaux peut suffire à équilibrer très rapidement notre budget social. La création de vrais emplois nouveaux, plutôt que le recours aux seules heures supplémentaires, en assurerait la pérennité, comme en témoigne la manière dont les créations d’emplois voulues par le gouvernement Jospin ont permis de revenir à l’équilibre. C’est également l’avis de la Cour des comptes ; j’espère donc que la sagesse ou la raison vous inciteront à rectifier votre programme en ce sens.

L’excédent qui pourrait même être ainsi dégagé serait affecté à la prévention, à l'hôpital public, aujourd’hui malade…

Un député du groupe UMP – À qui la faute ?

M. Daniel Mach – Vous avez tout saccagé !

M. Jean-Louis Touraine – …à la médecine générale, à la répartition des médecins sur le territoire national par des mesures incitatives positives – et non par des contraintes qui pèsent injustement sur les internes, les jeunes médecins et les patients eux-mêmes. Telles sont les bonnes « ruptures » qu’exigent les valeurs humanistes qui inspiraient le CNR comme les besoins spécifiques du XXIe siècle, et qui feront à nouveau du système français de santé un véritable modèle.

Votre réforme, Madame la ministre, n’est ni nécessaire ni vouée à l’efficacité, à l’instar de celles qu’avaient engagées en leur temps MM. Douste-Blazy et Bertrand. Elle pénalisera durement les malades et fera régresser l'état sanitaire de notre pays. Une réforme, oui, mais pas celle-là !

Espérez-vous vraiment rétablir l'équilibre ou suggérez-vous implicitement de substituer délibérément un système d’assurance individuel à la solidarité sociale dès lors que les risques les plus graves ne sont pas en jeu ? Vous apprêtez-vous à annoncer l'apoptose de la sécurité sociale, de l'esprit du CNR, des ambitions de la réforme hospitalière inspirée par le professeur Robert Debré ? Nous ne nous y résoudrons pas : il nous appartiendra, le moment venu, de supprimer vos franchises afin de restaurer la justice sociale en France (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Georges Colombier – Ce débat annuel sur le PLFSS nous donne l’occasion d’aborder un sujet qui nous touche tous : la santé. Nous devons répondre aux attentes de nos concitoyens, très attachés, comme nous, à notre modèle de protection sociale et à la qualité de notre système de soins. Tous souhaitent que les patients et les assurés demeurent au cœur de ce système.

La santé représente 10 % de notre PIB et emploie 1,2 million de personnes dont la répartition homogène, enjeu de l’aménagement du territoire, assure un accès aux soins de proximité et de qualité. Parmi eux, les pharmaciens, qui risquent d’être encore davantage pénalisés par l'article 39 du PLFSS – destiné à favoriser les regroupements et les transferts d'officines sur l'ensemble du territoire – alors que la législation actuelle entrave déjà la création d'officines, l'installation des jeunes pharmaciens et l’adaptation aux évolutions démographiques rapides que connaissent les zones rurales et périurbaines. Or citoyens et élus locaux se montrent très exigeants envers l'offre de services aux publics et de services à la personne.

M. Jean-Pierre Door et moi-même avons donc déposé deux amendements, que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a adoptés : l'un vise à appliquer aux demandes actuelles de création la législation en vigueur au moment du dépôt des dossiers, pour éviter qu’une modification des règles en cours de route ne réduise à néant les investissements humains et financiers consentis ; l’autre vise à réduire de dix à cinq ans la période de gel des licences libérées après un regroupement.

En outre, l'article 39 néglige la situation spécifique des zones rurales et périurbaines, à propos desquelles je déposerai deux amendements, afin de permettre aux communes situées en zone de revitalisation rurale d’accueillir une pharmacie de manière plus souple, d’une part, et de modifier d’autre part la carte départementale des pharmacies lorsque l'évolution démographique le justifie, notamment pour tenir compte des recensements partiels de population, ce que les règles applicables du code de la santé publique ne permettent pas aujourd’hui.

Quant aux médecins, si les internes hostiles aux articles 32 et 33 du PLFSS sont décidés à envisager une régulation géographique de l'offre de soins, ils craignent – et je les comprends – que les mesures « désincitatives » incitent de nombreux médecins libéraux à préférer le déconventionnement (qui exclut le remboursement par la sécurité sociale) à un cadre conventionnel trop contraignant, ce qui nuirait aux patients.

Je connais, Madame la ministre, votre attachement au principe de la liberté d’installation, et je me félicite du dépôt d’un amendement visant à associer les organisations d'étudiants et d'internes en médecine à la négociation conventionnelle entre les syndicats de médecins et l'assurance maladie – signal fort qu’ont apprécié les internes. Mais d’autres moyens que le déconventionnement permettraient de lutter contre les « déserts médicaux » : obligation de stage, au cours des études de médecine, auprès d’un médecin libéral ou création de maisons médicales pluridisciplinaires – dont j’ai pu constater, en tant que président et rapporteur, de septembre 2006 à janvier 2007, de la mission d'information sur la prise en charge des urgences médicales, les effets bénéfiques sur la remédicalisation du milieu rural et l’implication des médecins amenés à administrer des soins permanents.

Madame la ministre, pouvez-vous fournir à la représentation nationale des informations propres à apaiser l’inquiétude des médecins et de l’ensemble de nos concitoyens ? Je n’ignore ni votre détermination à assurer la pérennité de notre système de soins et à garantir l’égalité d’accès aux soins pour tous, ni votre souhait d’adapter notre système aux multiples défis – démographiques et sanitaires – auxquels nous sommes confrontés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Ministre du budget – Merci pour toutes ces contributions intéressantes, qui ont enrichi et vivifié nos débats.

Comme l’a rappelé M. Bur, le déséquilibre des finances sociales pèsera sur les générations futures. Nous devrons donc aller plus loin et plus vite, en gardant le cap fixé par cette loi de financement de la sécurité sociale. J’ajoute que la clarté des comptes est nécessaire pour engager une discussion de qualité, et surtout pour relever les défis qui nous attendent.

Sur ce point, M. Door a eu raison de rappeler les mesures qui sont destinées, au sein de ce PLFSS, à moderniser notre système de santé et à mieux maîtriser les dépenses – Mme Bachelot y reviendra sans doute. Comme d’autres orateurs, M. Door a également souligné la nécessité de lutter contre la fraude et les abus.

S’agissant de la revalorisation des pensions en 2008, Monsieur Jacquat, il faut rappeler que les retraités ont bénéficié d’un supplément de pouvoir d’achat en 2007… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Regardons la vérité en face : le taux de revalorisation a été de 1,8 %, contre 1,3 % d’inflation. Je le répète, Madame Hoffman-Rispal : nous appliquons la loi, qui nous semble d’ailleurs très juste. Il faut tenir compte du taux d’inflation réel, et reconnaître que nous avons donné plus qu’il ne fallait… Puisqu’il a été décidé que les pensions seraient indexées sur l’inflation, il faut rester cohérent. Ne versons pas dans la démagogie !

M. Patrick Roy – Et la promesse d’augmentation de 50 % ?

M. le Ministre du budget – Nous irons plus loin en matière de retraites, mais en adoptant une démarche segmentée. Nous n’oublions pas les « petites retraites », mon collègue Xavier Bertrand y veillera.

Il est tout aussi excessif d’affirmer que la branche « famille » serait traitée comme un parent pauvre. M. Féron fait peu de cas de la modulation de l’allocation de rentrée scolaire, demandée en septembre par les associations familiales et appliquée cette année… Nous allons également améliorer la prestation d’accueil du jeune enfant, tout en majorant les allocations familiales. Ce n’est pas rien ! Nous n’avons pas à rougir de la réactivité du Gouvernement !

J’en viens à la barémisation des allègements de charges et à la mention de la PPE sur la feuille de paie, sujets évoqués par M. Méhaignerie. On entend souvent dire que les cotisations patronales - 40 % du salaire - sont bien trop élevées. Mais c’est oublier tous les allégements de charges consentis - plus de 30 milliards d’euros à la charge de l’État, soit 26 ou 28 points en moins au niveau du SMIC.

La barémisation rendrait effectivement plus visibles les allégements de taux, mais elle contribuerait à figer la situation alors que les allégements de charge sont utilisés par la puissance publique en fonction des données économiques : avec un barème, il eût été techniquement plus difficile d’exonérer les heures supplémentaires, comme vient de le faire la loi TEPA. Il faudra donc poursuivre la réflexion en veillant à rendre les allégements de charges plus clairs – sans rigidifier pour autant la donne.

D’un coût d’environ 4 milliards d’euros, la PPE est également un dispositif mal connu, que nous augmentons de 260 millions cette année. Il serait bon d’en faire mention sur la feuille de paie afin de responsabiliser ses bénéficiaires, mais cela n’a rien de simple. La mensualisation de la PPE pose en effet bien des difficultés quand les situations individuelles changent : il faut alors demander un remboursement des sommes versées, au risque de dégrader la situation financière des personnes concernées. La mission confiée à M. Martin Hirsch permettra sans doute de revenir sur ce sujet dans le cadre plus large de l’articulation des minima sociaux et des revenus de l’activité.

Mme Montchamp a souligné les effets positifs de l’instauration d’un ministère des comptes publics, et je l’en remercie. Permettez-moi de rappeler que l’État a remboursé 5,1 milliards d’euros au régime général pour en finir avec l’accumulation des déficits, source de bien des querelles de clocher. Il était temps que l’État assume ses responsabilités ! Quant aux programmes de qualité et d’efficience, leur but est effectivement de mieux évaluer l’efficacité du système, à l’image des programmes annuels de performance prévus par la LOLF.

Faisant référence à l’annexe B du PLFSS, M. Terrasse estime que la sécurité sociale devrait rester dans le rouge en 2012. Or, cette annexe n’est pas un objectif…

M. Pascal Terrasse – Espérons-le !

M. le Ministre du budget - C’est une simple prévision que nous vous apportons par souci de transparence. À nous de faire en sorte qu’elle ne réalise pas !

S’agissant de la réforme de l’assiette des cotisations, réclamée par M. Desallangre, le Conseil économique et social étudie actuellement ce sujet à la demande du Président de la République. J’ajoute que nous payons aujourd’hui le prix du dérapage des comptes pendant la période où l’opposition actuelle était au pouvoir…

M. Marcel Rogemont – Les comptes étaient alors équilibrés !

M. le Ministre du budget – Mais vous n’avez pas profité de la croissance pour réduire la dépense.

M. Patrick Roy – Le disque est rayé ! Mais répéter un mensonge ne fait pas une vérité !

M. le Ministre du budget - La sécurité sociale n’était en équilibre que grâce à un accroissement substantiel des recettes, que vous avez malheureusement gaspillé, faute d’adopter des réformes structurelles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. Pascal Terrasse – Donnez-nous un peu de croissance, et nous en reparlerons !

M. le Ministre du budget – Comme l’a indiqué M. Tian, ce sont les réformes structurelles qui importent. Il ne s’agit pas d’assurer l’équilibre financier pendant un seul exercice, mais au contraire pendant plusieurs années… Le courage, c’est la constance ! Nous comptons vous le démontrer.

Contrairement à ce que prétend M. Bapt, la réforme de 2004 n’est pas un échec. Comme Xavier Bertrand l’a rappelé hier, nous avons infléchi la croissance des dépenses d’assurance maladie. Il faudra continuer cet effort, mais le déficit serait bien plus grave aujourd’hui sans cette réforme. Je précise, à l’intention de Mme Billard, que nous avons assumé toutes nos responsabilités : le retour à l’équilibre exige des conditions saines d’exploitation, et tel est précisément notre objectif.

Merci enfin à Mme Valérie Boyer d’avoir insisté sur la nécessité de lutter contre la fraude. Il s’agit d’une priorité du Gouvernement, qui entend instaurer une délégation interministérielle à la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Je suis d’ailleurs prêt à ce que les travaux menés dans ce cadre soient ouverts à l’opposition. La lutte contre la fraude est une question d’équité et d’éthique républicaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la ministre de la santé – Je voudrais d’abord remercier l’ensemble des orateurs d’avoir participé à ce débat très important. Je ne sacrifierai pas à l’exercice consistant à répondre à chacun individuellement, tant les interventions ont été nombreuses, mais je le ferai point par point dans le cadre de la discussion des articles.

Merci à Yves Bur, dont j’approuve l’optimisme raisonnable. Je partage son analyse sur les remèdes à apporter. Et je le rassure, s’il en était besoin, quant à mon engagement sur l’interdiction de fumer au 1er janvier 2008.

Mes remerciements vont aussi au président Méhaignerie pour son soutien. Responsabilité, solidarité : tels sont bien en effet les deux axes de ce PLFSS.

Merci également à M. Door, qui a eu raison de parler de PLFSS fondateur. Comme il l’a dit, il faut maintenant engager les réformes, qu’il s’agisse de la démographie des professions de santé, de l’organisation régionale ou de la mise en œuvre de la T2A.

S’agissant des franchises, le débat s’est largement développé…

M. Patrick Roy – Et ça va continuer !

Mme la Ministre de la santé – Je me suis expliquée lors des motions de procédure ; ces franchises, associées à un ONDAM ambitieux mais réaliste, sont un moyen de répondre à de nouveaux défis de santé : Alzheimer, cancer, soins palliatifs (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

S’agissant de la démographie médicale, il a été rappelé que nous avons d’ores et déjà des déserts médicaux, bien que globalement nous ayons la densité médicale la plus élevée des pays de l’OCDE. Il nous faut donc agir ; j’ai entendu des propositions sur tous les bancs. Je veux que le débat sorte des cercles habituels, et qu’y participent non seulement les jeunes médecins, mais aussi les collectivités territoriales, les associations de malades et l’ensemble des acteurs. Comme le Président de la République s’y est engagé, nous lancerons des états généraux de la démographie médicale et de l’organisation des soins, qui auront lieu au début de l’année prochaine.

Il n’est pas question de déconventionnement ni de conventionnement sélectif, je le dis une nouvelle fois. Comme l’a déjà dit M. Woerth à l’adresse de l’opposition, ce n’est pas parce qu’on répète indéfiniment un mensonge qu’il devient vrai !

En ce qui concerne les ARS, c’est bien parce que notre organisation est devenue trop complexe, illisible, et nous fait perdre en efficience que je vous invite à participer à la réflexion engagée au ministère ; la discussion est largement ouverte.

La revalorisation de la formation universitaire en médecine générale est indispensable. Que le taux d’occupation des postes ouverts en médecine générale soit passé de 73 % en 2006 à 82 % en 2007 montre que la revalorisation lancée par mon prédécesseur commence à produire ses effets. Les stages de médecine générale en deuxième cycle permettront de faire naître des vocations, et aussi d’apporter à l’ensemble des médecins une connaissance en ce domaine. L’arrêté définissant le contenu de ce stage a été publié l’an dernier. 400 stages seraient déjà mis en place ; c’est insuffisant, et il nous faut trouver plus de maîtres de stage. J’ai récemment annoncé une revalorisation de 10 % de leur indemnité. Par ailleurs, il faut davantage faire connaître le dispositif aux médecins.

Nous avons également un programme de simplification administrative pour la médecine libérale, sur lequel j’aurai l’occasion de m’expliquer.

Concernant les hôpitaux, je tiens à dire que toutes les restructurations font l’objet d’un dialogue très approfondi avec les responsables des collectivités. C’est ce qui permet de parvenir à des solutions qui satisfont tout le monde, comme à Saint-Affrique.

Quant à la T2A, elle a été appelée de ses vœux par le côté gauche de l’hémicycle.

M. Jérôme Cahuzac – Ce n’est pas la T2A qui pose problème, c’est la gouvernance !

Mme la Ministre de la santé – Le passage à ce système se fera avec des mesures de lissage.

S’agissant de la réforme des ALD, j’attends vos préconisations.

En ce qui concerne l’amiante, M. Xavier Bertrand a répondu dans le cadre des questions au Gouvernement.

M. Patrick Roy – Il a d’ailleurs menti !

Mme la Ministre de la santé – Les flocages ont été interdits dès 1977, et l’interdiction totale d’utilisation date de 1997. Je viens de saisir à nouveau la HAS, qui l’avait déjà été en août 2006, pour qu’elle se prononce sur la pertinence d’un dépistage des personnes qui ont été exposées et sur les protocoles de surveillance à adopter. Je lui ai demandé de formuler ses recommandations pour la fin de l’année.

Par ailleurs, je viens d’adresser une note d’information à tous les médecins, disponible également sur le site internet du ministère, pour leur rappeler la conduite à tenir face à un patient potentiellement exposé par le passé ainsi que le dispositif d’indemnisation par le FIVA. Enfin, j’ai demandé que le plan de surveillance du cancer de la plèvre, qui existe depuis 1998, soit étendu à l’ensemble du territoire.

Je proposerai qu’un groupe de travail interministériel étudie les mesures à prendre au sujet des risques liés tant à l’amiante qu’à d’autres expositions.

Pour conclure, je reprendrai les mots de M. Bapt. Il a indiqué que ce PLFSS avait le mérite d’évoquer des réformes de structures : je l’en remercie, et je le prends comme un éloge. Nous vous soumettons un PLFSS de fondation, et je vous remercie de participer à ce débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – À mon tour de saluer le travail des rapporteurs, de les remercier ainsi que le président Méhaignerie, et de remercier aussi tous ceux qui ont apporté leur contribution à ce débat.

Monsieur Bur, vous avez eu raison de souligner les grandes avancées qu’ont constituées la réforme des retraites en 2003, celle de l’assurance maladie en 2004, la création de la CNSA et celle de la PAJE, qui permet de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Mais les réformes les plus importantes sont celles qui nous restent à faire, comme s’y est engagé le Président de la République. Ce PLFSS les amorce, avec l’encouragement à l’emploi des seniors, l’effort en faveur de la garde d’enfants, l’effort en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées.

Nous connaissons tous le rôle majeur que Mme Montchamp a joué pour l’adoption de la loi fondatrice du 11 février 2005. Nous savons pouvoir compter sur son soutien et son implication.

S’agissant de la revalorisation des pensions de réversion, Monsieur Jacquat, le Gouvernement est disposé à approfondir la réforme commencée en 2003. Nous donnerons la priorité à l’amélioration des petites pensions, engagement présidentiel fort. Sur les avantages familiaux et conjugaux, les travaux du conseil d’orientation des retraites nous permettront de disposer d’un diagnostic global ; je suis évidemment toute disposée à étudier conjointement avec le ministère de la défense la situation spécifique des veuves de guerre.

Quelques mots sur les propositions que vous avez formulées dans la perspective du rendez-vous 2008 sur les retraites. Vous souhaitez que la dernière année d’activité soit prise en compte pour le calcul du salaire de référence. Mais elle n’est pas forcément complète, et son inclusion pourrait aussi se révéler défavorable aux assurés. Mes services vont étudier l’impact de votre proposition. Vous avez soulevé le problème des carrières interrompues et de la sécurisation des retraites, comme du parcours professionnel. Actuellement, les régimes prennent en compte les périodes de chômage, formation et maladie selon divers systèmes de solidarité. Nous sommes disposés à examiner des évolutions qui iraient vers plus d’équité, ce qui oblige à les considérer de manière globale. Quant aux travailleurs frontaliers, leurs années à l’étranger sont déjà prises en compte dans la durée de cotisation. On ne pourrait inclure les salaires perçus à l’étranger dans le calcul du revenu de référence que si les mêmes règles qu’en France s’appliquent : il faudrait voir cela pays par pays. Vous avez souligné que le droit à l’information est une réussite. Cette année, des documents personnalisés ont été envoyés à 1 400 000 personnes. En 2010, c’est dès l’âge de 35 ans que les assurés recevront un relevé de leurs périodes de cotisation.

Monsieur Préel, je partage votre analyse sur le taux de revalorisation des retraites. J’ai entendu les inquiétudes de Mme Hofman-Rispal à ce sujet. Il s’agit de garantir le pouvoir d’achat des retraités grâce à l’indexation des pensions sur les prix. Si le chiffre retenu est inférieur à la hausse des prix, c’est qu’en 2007, il a été supérieur à l’inflation.

M. Patrick Roy – Quelle mesquinerie !

Mme la Secrétaire d'État – La commission de revalorisation des retraites se réunira dans un mois avec les partenaires sociaux. C’est elle qui se prononcera sur l’évolution du pouvoir d’achat des retraités. Si elle la juge défavorable, le Gouvernement prendra ses responsabilités dans le cadre du rendez-vous de 2008.

M. Pascal Terrasse – Ce sera pour 2009.

Mme la Secrétaire d'État – M. Préel a également présenté l’idée novatrice d’une retraite par points. M. Issindou, lui, s’est contenté de critiquer les réformes en cours. Le rendez-vous de 2008 s’inscrira bien dans le cadre prévu par la loi de 2003. Il convient d’examiner en priorité les petites pensions, conformément aux engagements du Président de la République…

M. Patrick Roy – D’une augmentation de 25 % !

Mme la Secrétaire d'État - Ce sujet devra également être débattu de manière approfondie avec les partenaires sociaux début 2008.

Mme Poletti et M. Gaudron ont insisté sur l’importance du chantier concernant la maladie d’Alzheimer lancé par le Président de la République. La commission présidée par le professeur Ménard rendra ses conclusions début novembre. Dès cette année, un effort est prévu dans le PLFSS en faveur des personnes âgées dépendantes, particulièrement celles qui souffrent de la maladie d’Alzheimer. En 2008, quelque 1 600 places spécifiques seront créées dans les EHPAD, ainsi que 3 200 places d’accueil de jour et d’hébergement pour soulager les familles. 

M. Gaudron a rappelé les principales mesures pour la famille. Nous voulons renforcer le choix du mode de garde pour les familles modestes. Monsieur Féron, vous auriez pu souligner le succès de notre politique familiale, puisque le taux de reproduction est de 1,9 enfant par femme…

M. Pascal Terrasse – C’est grâce au président de la République ?

Mme la Secrétaire d'État - Il ne se passe pas une semaine sans qu’une délégation étrangère ne vienne en visite pour s’inspirer de notre modèle. Nous proposons plusieurs mesures : la majoration unique des allocations familiales à 14 ans correspond bien à la période à laquelle le coût de l’enfant augmente vraiment, selon l’INSEE ; la modulation de l’allocation de rentrée scolaire est une demande des associations. Nous confortons la PAJE et proposons simplement que les plus modestes aient davantage de choix pour le mode de garde. Vous avez omis de rappeler que nous facilitons la vie des parents en fusionnant les déclarations fiscales et de ressources. Pour le fonds de protection de l’enfance, 30 millions seront inscrits en 2008 et l’État sera au rendez-vous. Le droit de garde opposable, selon un engagement du Président de la République, devra être lié en premier lieu au travail. Un droit opposable universel n’est ni politiquement ni financièrement souhaitable. Avant de le mettre en œuvre, il faudra travailler sur l’innovation des modes de garde, le développement des métiers, l’implication des entreprises dans la conciliation entre vie privée et vie professionnelle.

Vous avez dit que la branche famille était le parent pauvre de ce projet. Mais il y a un domaine dans lequel votre majorité n‘a pas agi, c’est la fraude. Quand vous étiez aux affaires, on avait inséré dans la charte de la CNAF le principe de l’avertissement préalable au contrôle. Avec M. Bertrand, nous écrirons à la CNAF à ce sujet. Je ne reviens pas sur la communication par des tiers d’informations aux organismes de sécurité sociale. La lutte contre les fraudes est indissociable d’une politique de justice sociale.

M. Hervé Féron, rapporteur – Vous liez fraude et pauvreté !

Mme la Secrétaire d'État – Ce sont ceux qui en ont vraiment besoin que nous devons vraiment aider.

Enfin, la politique de la famille ne se résume pas à la branche Famille. Le Gouvernement veut donc mettre en place une instance pérenne pour faire des travaux prospectifs, mais M. Bertrand a bien indiqué aux acteurs qu’il y aurait une rencontre solennelle chaque année.

M. Renucci a fait le rêve d’une société qui prendrait mieux en charge les enfants fragiles. Le Gouvernement a bien l’intention de le réaliser. Comme le prévoit la loi de 2007, nous proposons d’étendre le bénéfice de la prestation de compensation du handicap aux enfants. Les familles pourront choisir la formule la plus favorable.

M. Hervé Féron, rapporteur – Vous appliquez des critères plus stricts pour les enfants.

Mme la Secrétaire d'État - Effectivement, Monsieur Lazaro, les centres sociaux sont en partie financés par les crédits d’action sociale de la CNAF. Je partage vos préoccupations, mais cette question relève de la convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la CNAF. Celle-ci arrive à échéance fin 2008. Je vous garantis que nous serons très attentifs à la pérennisation des crédits pour les centres sociaux dans la convention 2009-2012. Nous savons tous quel rôle ces centres jouent dans les quartiers sensibles, où ils assurent un véritable service public de proximité.

M. Régis Juanico – Pourquoi avez-vous mis fin aux contrats aidés ?

Mme la Secrétaire d'État – Mme Filipetti a dressé un tableau trop noir des accidents du travail et maladies professionnelles. En vingt ans, le nombre d’accidents mortels a été diminué par trois, le nombre d’accidents graves par deux. Certes, il reste beaucoup à faire. La conférence sur les conditions de travail organisée le 4 octobre par M. Bertrand a fait des propositions concrètes que le Gouvernement entend mettre en œuvre : une campagne nationale de sensibilisation du grand public aux troubles musculosquelettiques, la mise en place d’une mission sur les troubles psychosociaux, dont le rapport est attendu en janvier, la poursuite des inspections et contrôles sur les cancérigènes mutagènes. Quant à l’amiante, il s’agit d’un vrai drame humain. La dotation du FCAATA sera de 850 millions en 2008, en augmentation de 8 %.

M. Patrick Roy – Mais le nombre de victimes augmente et les indemnités diminuent !

Mme la Secrétaire d'État - Une réforme de ce fonds est en cours. Ses effectifs ont été augmentés en 2007.

S’agissant du financement de la branche accidents de travail et maladies professionnels, renforcer le principe du bonus-malus en faveur des plus vertueux est intéressant. Nous y travaillons sur la base d’un accord de 2007 entre partenaires sociaux.

Mme Boyer a souligné l’importance de la lutte contre les fraudes. Elle a déposé un certain nombre d’amendements à ce sujet et nous partageons son ambition. La sécurité sociale constitue un bien commun dont nous devons tous nous sentir responsables (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Je suspends brièvement la séance.

La séance, suspendue à 18 heures 40, est reprise à 18 heures 50.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J’ai reçu de M.  Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

Mme Marisol Touraine – Les critiques et les contre-propositions entendues au cours de la discussion générale justifient pleinement le renvoi en commission du PLFSS pour 2008 et vos réponses, Mesdames et Messieurs les ministres, n’ont pas suffi à emporter notre conviction.

M. Christian Paul – Et pour cause, elles étaient d’un vide sidéral.

Mme Marisol Touraine – Notre système de protection sociale connaît une crise majeure qui traduit l’échec de votre politique. Une crise financière d’abord, et d’une ampleur si grande qu’elle suscite une crise de confiance chez nos concitoyens. Nous attendions donc des mesures fortes de rétablissement des comptes. Or, contrairement à ce que vous avancez, votre projet n’est pas de refondation mais de restriction et de rationnement. Ce n’est pas davantage un projet de rupture, c’est un texte de renoncement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Renoncement à rétablir les comptes, je l’ai dit, mais renoncement aussi à garantir l’avenir des retraites, et renoncement encore à assurer l’efficacité de l’assurance maladie. Le projet du Gouvernement, parce qu’il ne permet de répondre à aucun des défis de l’époque, attise les craintes.

Les réformes indispensables pour sauvegarder notre protection sociale solidaire ne sont pas faites. Est-ce irresponsabilité ou serait-ce que, par calcul délibéré, vous précipitez ainsi les Français vers les assurances privées ? (Approbations sur les bancs du groupe SRC ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre du budget – Les grands mots !

Mme la Ministre de la santé – Vous n’y croyez pas vous-même !

Mme Marisol Touraine – La faillite est réelle, mais vous vous refusez obstinément à la reconnaître. Votre seule réponse, indéfiniment répétée, consiste à reporter la faute sur nous qui, je le rappelle pour le déplorer, ne sommes plus aux affaires depuis cinq ans. Pendant combien d’années encore refuserez-vous d’assumer votre responsabilité, vous qui invoquez si souvent ce principe ? Les chiffres, têtus, établissent de manière flagrante que la loi Fillon de 2003 sur les retraites et la loi Douste-Blazy-Bertrand sur l’assurance maladie n’ont pas permis de redresser les comptes sociaux… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul – Un fiasco intégral !

Mme Marisol Touraine – Le constat est sévère : plus de six milliards de déficit pour l'assurance maladie, pour moins de quatre annoncés ici même, et plus de quatre milliards de déficit pour la branche vieillesse. Au total, en 2008, le déficit cumulé sera de quatorze milliards et non de douze comme vous l'aviez annoncé. Et ce n'est que le prolongement d'une terrible série, puisque, pour la sixième fois consécutive, vous présentez un compte en déficit de plus de dix milliards. Alors que les comptes passés étaient irréalistes et même «factices» - le terme est celui qu’a employé le président de la Cour des comptes…

M. Christian Paul – Il n’est pas socialiste, mais il est lucide !

Mme Marisol Touraine – …vous récidivez ! Trente milliards seraient nécessaires pour refinancer la sécurité sociale en 2007, et quarante le seront l’année prochaine. Tous les comptes sont déficitaires et le plus préoccupant est qu’à l’évidence vous ne tablez pas sur votre politique pour les rétablir. En 2004, vous annonciez le retour à l'équilibre pour 2007 ; en 2006 il était prévu pour 2009. Cette année, selon vos propres prévisions, le retour à l'équilibre se ferait, dans le meilleur des cas, en 2012, mais « le meilleur des cas » suppose un scénario d’un tel optimisme que vous n'y croyez pas vous-même, avec l’hypothèse d’une croissance du PIB de 3 %, alors que nous n'atteindrons pas les 2 % cette année. Vous qualifiez l’objectif d'« ambitieux » ce qui, en langage moins diplomatique, signifie qu'il est irréaliste.

M. Yves Bur, rapporteur Vous allez un peu vite en besogne !

Mme Marisol Touraine – Vous ne croyez pas vous-mêmes à votre politique ! Pourquoi les Français devraient-ils y croire ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Bur, rapporteurIls y ont cru !

Mme Marisol Touraine – Or, les risques à prendre en charge évoluent radicalement. La sécurité sociale nous a été léguée comme un élément majeur de cohésion démocratique. Pour être simple, l'idée n'en était pas moins révolutionnaire et renforçait le pacte républicain. Afin qu’il continue d’en être ainsi, notre système de protection sociale, conçu alors que l'emploi et les structures familiales étaient stables, doit tenir compte de l'évolution des risques. La dépendance constitue un risque nouveau, insuffisamment pris en charge ; la maladie reste un risque, mais il peut de plus en plus être prévu, ce qui oblige à repenser la relation entre prévention et soin. Un nouveau pacte est donc nécessaire. Il ne suffit pas de prolonger les modèles passés, il faut inventer les solidarités de demain (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Or, étant donné l'opacité du système de remboursement issu de la loi de 2004 et la brutalité des franchises annoncées, étant donné l’incertitude sur les pensions, étant donné la triste réalité de la baisse du pouvoir d'achat des retraités, les Français se mettent à douter de notre système de protection sociale. Comment n'auraient-ils pas le sentiment d'une dérive assumée ? Comment ne comprendraient-ils pas que vous les incitez à placer leur confiance ailleurs, dans les systèmes d'assurance privés par exemple ? Notre collègue Jean-Marie Le Guen l’a dit hier : classes moyennes et catégories populaires se demandent désormais quelle confiance durable elle peuvent accorder à un système qui leur demande de plus en plus pour leur donner de moins en moins.

Après avoir été très fort, l’effet redistributif des comptes sociaux s’est stabilisé. Personne ne peut prétendre qu’un euro de plus dépensé est un euro utile.

Mme la Ministre de la santé - D’accord.

Mme Marisol Touraine – Mais pour qu’il en soit ainsi, des réformes structurelles sont nécessaires. Or, elles ne sont pas proposées.

M. Yves Bur, rapporteur – Que proposez-vous ?

Mme Marisol Touraine – Cela fait de ce projet un texte de renoncement et d'illusion – renoncement à rétablir les comptes et illusion de la réforme des retraites. Une réforme des retraites est nécessaire et urgente, mais encore doit-elle être juste (« Que ne l’avez-vous faite ! » sur les bancs du groupe UMP). Nous avons fait plus que vous ne le dites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Votre majorité a choisi d'asseoir la réforme sur l'allongement de la durée de cotisation. Ce choix, qui se justifie au regard de l'allongement de la durée de la vie, suppose en retour que soient effectivement garantis le niveau des retraites et le pouvoir d'achat des retraités. Ce n'est pas le cas : le niveau des retraites ne cesse de baisser. Alors que vous prétendiez stabiliser la pension du régime de base à 50 % du plafond de la sécurité sociale, elle n’en représente plus que 45 %. Le Conseil d'orientation des retraites l'affirme dans son dernier rapport : les pensionnés perdent 22 % de leur pouvoir d'achat en vingt années de retraite. Pour être juste, toute réforme des retraites doit s’appuyer sur le fonds de réserve créé par le gouvernement Jospin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Claude Greff – Jospin est de retour !

M. Patrick Roy – Eh oui : avec Jospin, tout allait bien, mais sous Fillon, plus de bonbons !

Mme la ministre de la santé – Parlez-nous plutôt de Mme Royal !

Mme Marisol Touraine – Encore faudrait-il que ce fonds dispose de ressources suffisantes, soit cinq fois plus en 2020 que les 30 milliards actuels.

M. Yves Bur, rapporteur Vous l’avez créé, nous l’avons entretenu !

M. Philippe Vitel – Oui : c’était une coquille vide !

Mme Marisol Touraine – En refusant, pour des raisons idéologiques, d’abonder ce fonds depuis 2002, vous trompez les Français sur le versement de leurs retraites. Bien au contraire, il faudrait élargir l’assiette de cotisation ! Le groupe SRC, quant à lui, propose l’instauration d’une taxe (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) de 8,70 % sur les plus-values réalisées sur les stock options, afin d’alimenter le FRR.

Vous n’en faites rien, car vous exigez des Français, au fond, qu’ils travaillent plus pour gagner moins (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Claude Greff – Allez donc proposer cette taxe dans votre circonscription !

Mme Marisol Touraine – Autre illusion : la revalorisation de 1,1 % des petites pensions. À qui ferez-vous croire que vous préserverez ainsi le pouvoir d’achat des seniors, alors que 16 % d’entre eux – les femmes veuves surtout – vivent sous le seuil de pauvreté (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC) ? Loin d’enrayer la spirale, vous vous contentez de revaloriser le minimum contributif de 3 % et renvoyez injustement toute autre revalorisation à l’année prochaine. Je vous rappelle que c’est en décembre que les partenaires sociaux se réunissent au sein de la commission de revalorisation des retraites. Puisque vous vous souciez tant du pouvoir d’achat des retraités, pourquoi ne pas prévoir la revalorisation dans ce PLFSS, afin qu’elle soit confirmée par la commission ? Sans doute préférez-vous garder cette arme pour la négociation de l’an prochain…

Illusion encore : l’allongement de la durée de cotisation. Chacun sait que les entreprises ne forment plus leurs salariés de plus de quarante ans et qu’elles cherchent à se séparer de ceux qui en ont plus de cinquante. Les carrières incomplètes se multiplient. Vous n’avez pas su soutenir l’emploi des seniors, l’un des plus faibles d’Europe, au point que M. Bertrand a dû, une fois n’est pas coutume, reconnaître l’échec de son plan : vingt-deux emplois créés en tout et pour tout… Qu’importe, vous échangez la carotte contre le bâton : l’article 10 du projet prétend dissuader les entreprises de proposer des départs en préretraite en relevant le taux de CSG de 24,15 à 50 % : soit. Cependant, croyez-vous vraiment qu’un salarié pourra choisir librement entre préretraite et licenciement (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC) ?

M. Patrick Roy – C’est inique !

Mme Marisol Touraine – Pour toute solution, vous ouvrez la porte au cumul entre emploi et retraite. Puisque les retraites vont baisser, les seniors feraient mieux de retourner au travail ! Ainsi, ils pourront compléter leur petite retraite par un petit salaire. C’est inacceptable !

J’en viens à deux points qui illustrent la menace que vous faites planer sur l’assurance maladie. Les franchises, d’abord : « inévitables », dites-vous. Il ne s’agit pourtant que d’une taxe supplémentaire sur la maladie, qui s’ajoute à la liste déjà longue des déremboursements.

Mme la Ministre de la santé Vous avez ouvert la voie avec le forfait hospitalier !

Mme Marisol Touraine – Cette mesure purement comptable grèvera d’autant plus le budget des Français qu’elle se traduira aussi par une hausse du prix des assurances complémentaires.

Mme Claude Greff – Croyez-vous vraiment ce que vous dites ?

Mme Marisol Touraine – Vous parlez de « responsabilisation ». Soit, mais comment pouvez-vous croire qu’un patient atteint d’un cancer ou de la maladie d’Alzheimer renoncera à son traitement par esprit de « responsabilité » ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Évidemment !

Mme Marisol Touraine – L’article 35 prévoit un plafond à fixer par décret. Nul doute que dans quelques mois vous l’augmenterez sans tambour ni trompette…

M. Christian Paul – Après les élections municipales, par exemple !

Mme Marisol Touraine – M. Sarkozy l’annonçait lui-même dans son livre, Libre.

M. Pascal Terrasse – Ils n’ont pas dû le lire !

M. Philippe Vitel – Au contraire : nous l’avons lu et apprécié !

M. Yves Bur, rapporteur – À défaut de projet, ils lisent les livres des autres !

Mme Marisol Touraine – Or, M. Sarkozy envisageait là quatre franchises de cent euros chacune. Plus prudente, la convention santé de l’UMP, en 2006, s’est heurtée néanmoins à une levée de boucliers dans le pays. Marche arrière toute ! M. Bertrand a sonné la retraite en expliquant que la franchise se substituerait aux forfaits existants. Pas convaincu, le Président de la République ne s’en est jamais caché : l’augmentation de la franchise financera tout déséquilibre de l’assurance maladie. La boucle est donc bouclée, puisque vous nous promettez un déséquilibre durable : les franchises augmenteront !

M. Marcel Rogemont – La démonstration est imparable !

Mme Marisol Touraine – Vous allez créer un système de santé à plusieurs vitesses, alors qu’un Français sur huit – et un jeune sur quatre ! – renonce déjà à se soigner.

Deuxième point : la désertification médicale. Avec les articles 32 et 33 du projet, vous avez réussi à mettre tous les internes de France dans la rue. Les inégalités spatiales d’accès aux soins sont choquantes, en effet : dépassements d’honoraires ici, concentration de spécialistes là. Votre seule réponse ? La coercition ! Cette mesure eût-elle émané de la gauche que vous auriez hurlé à l’étatisme, au fanatisme même. Pourtant, c’est bien vous qui allez accroître le manque de généralistes, vider les zones difficiles de leurs médecins et orienter les plus chers d’entre eux vers les zones attractives ! Médecine à deux vitesses, donc : même parmi les classes moyennes, car certains pourront payer de bonnes assurances, et d’autres ne le pourront pas.

Pourquoi voulez-vous imposer à des médecins – libéraux – ce que l’État ne s’impose pas à lui-même ? Fermeture de classes, suppression autoritaire de tribunaux d'instance, regroupement des trésoreries, « rationalisation » de la carte des hôpitaux de proximité : vous demandez à ces jeunes médecins de s’installer là où vous-mêmes estimez que les services publics de proximité ne sont pas nécessaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Peut-être serait-il préférable de réfléchir aux conditions d'exercice de la médecine libérale, aux attentes des jeunes praticiens qui veulent échanger, se former à proximité, partager les tâches administratives, se regrouper ?

Vous nous proposez des rustines et des faux-semblants quand la crise du système de santé appelle des mesures fortes de structure. Vous imposez les franchises, nous proposons une réforme structurelle du système de soins. Vous imposez le déconventionnement des médecins…

Mme la Ministre de la santé – C’est faux !

Mme Marisol Touraine – …nous proposons l'installation de maisons médicales pluridisciplinaires, l'évolution des modes de rémunération, l'engagement d'une réflexion sur les études médicales. Vous refusez la revalorisation des retraites, nous proposons de prévoir dès cette loi que l'augmentation prévue par la commission tripartite entrera en vigueur immédiatement. Vous êtes muets sur le financement durable de nos retraites, nous proposons l'élargissement de l'assiette des cotisations et, immédiatement, un prélèvement complémentaire sur les stock options pour alimenter le fonds de réserve !

Le renvoi en commission s’impose pour toutes ces raisons. Il serait également utile pour instaurer une péréquation interrégionale de l'ONDAM hospitalier, refuser d’aligner la tarification à l'activité des hôpitaux sur celle des cliniques privées, évaluer l'ampleur des sous-déclarations des accidents du travail et des maladies professionnelles, harmoniser les règles d'ouverture des droits à l'allocation de cessation d'activité pour les travailleurs de l'amiante, mettre fin aux discriminations touchant les couples homoparentaux pour les congés parentaux. Je vous invite donc à l’adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme la Ministre de la santé – Une motion de renvoi en commission tend à prouver qu’un texte n’aurait pas été suffisamment examiné. Or, le débat a eu lieu, les rapporteurs ont travaillé, les ministres ont été auditionnés, de nombreuses réunions se sont tenues. Cette motion n’est donc pas fondée.

Je ne répondrai pas à l’ensemble de vos propos, trop souvent inspirés par la polémique et les procès d’intention. Vous nous accusez de ne pas mener de réforme de structure. Mais que vous faut-il ?

M. Yves Bur, rapporteur Ils n’ont pas lu le PLFSS !

Mme la Ministre de la santé – Ce texte met en place des outils de maîtrise médicalisée : stabilisateurs automatiques à l’article 25, mise sous accord préalable pour les comportements de prescription dérivants, contrats individualisés, nouveaux modes de rémunération – que d’ailleurs, vous appelez de vos vœux.

S’agissant de la démographie médicale, nous intégrerons les jeunes médecins à la réflexion. Le dialogue engagé est constructif, j’espère qu’il aboutira bientôt.

Les franchises permettront de dégager de nouveaux financements pour les chantiers prioritaires.

M. Patrick Roy – Ce sont de nouveaux impôts !

Mme la Ministre de la santé – Nous invitons l’hôpital public à optimiser sa gestion, à se moderniser, notamment grâce à la généralisation de la tarification à l’activité. Ce PLFSS prend tout son sens dans une architecture de réformes – transformation des ARH en ARS, coordination entre l’hôpital et la médecine de ville, entre l’hôpital et le secteur médico-social, meilleure prise en charge des ALD.

Je vous invite à rejeter cette motion. M. Bertrand, retenu par les négociations sociales, répondra sur certains points à l’occasion de l’article 10 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales La commission n’a tenu pas moins de cinq réunions, qui ont duré 10 heures 40 en tout. Elle a examiné 626 amendements, dont 206 ont été adoptés.

M. Pascal Terrasse – Quelle maîtrise comptable !

M. le Président de la commission - Je vous demande d’ailleurs, Monsieur le président, de permettre à la commission de se réunir à 21 heures 15 afin d’examiner les derniers amendements.

M. Marcel Rogemont – Vous voyez bien qu’il faut renvoyer le texte en commission !

M. Philippe Vitel – J’ai écouté avec attention ce catalogue caricatural. Vous faites une lecture doctrinaire et réductrice, et nous avons retrouvé quelques vieux adages socialistes : qui ne pense pas comme vous a forcément tort ; lorsqu’il y a un problème, on crée un impôt ou une taxe – en attendant que l’opposition revienne au pouvoir.

Vous parlez de dépenses utiles : serait-ce qu’il existe des dépenses inutiles ? Les malades jugeront. Le Parlement a démontré lors de la dernière législature qu’il disposait des outils nécessaires pour vérifier que les lignes budgétaires votées étaient engagées. Nous sommes fiers d’assumer cette tâche régalienne.

En tout cas, nous ne pouvons accepter de leçons de votre part, vous qui avez systématiquement botté en touche et refusé de traiter le problème des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous avons eu le courage – et la fierté – de résoudre des problèmes que vous aviez feint d’ignorer depuis de trop nombreuses années.

M. Marcel Rogemont – Six ans de déficit, voilà votre bilan !

M. Philippe Vitel – Ce sont les lois de 1983 et de 1984 sur les études médicales qui sont à l’origine de la situation actuelle, à cause d’un numerus clausus stupide.

M. Marcel Rogemont – Vous auriez eu le temps de le changer !

M. Philippe Vitel – Nous l’avons doublé en 2003 !

M. Marcel Rogemont – Et avant ?

M. Philippe Vitel – Ce texte a donc été parfaitement examiné en commission, et il n’y aucune raison de l’y renvoyer. Nous ne voterons donc pas cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Catherine Lemorton – Ce PLFSS est injuste, inefficace et incohérent. L’instauration des franchises sur les médicaments est inacceptable, car elle accentue la médecine à deux vitesses enclenchée par la réforme de M. Douste-Blazy – dont je constate la disparition du paysage politique.

Vous avez habilement présenté le plafonnement de 50 euros en le lissant sur 12 mois, allant jusqu’à vous demander qui serait dans l’incapacité de consacrer quatre euros par mois à sa santé…

Mme la Ministre de la santé – Je n’ai jamais dit cela !

Mme Catherine Lemorton – …alors que la franchise peut atteindre 15 à 20 euros dès la première prescription,– vous le savez très bien. En tout cas, je tiens des exemples à votre disposition !

Comment les Français qui se lèvent tôt - pour reprendre la formule chère au Président de la République – pour gagner 900 euros par mois, sans avoir la possibilité de « travailler plus pour gagner plus », pourront-ils se soigner convenablement puisqu’ils ne seront pas exonérés de franchises ?

Il est également injuste d’appliquer les franchises aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Vous prétendez responsabiliser les patients, mais cela n’a pas de sens dans le cas d’un ouvrier du bâtiment qui tombe de son échafaudage ou d’un malade qui souffre d’un cancer de la plèvre parce qu’il a été exposé à l’amiante au travail ; il s’agit bien plutôt de les culpabiliser ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul – Exactement !

Mme Catherine Lemorton – Vos mesures ne sont pas seulement injustes, elles sont inefficaces : elles entraînent, au lieu du retour à l’équilibre promis pour 2007, un déficit abyssal – près de 7 milliards d’euros pour la seule branche de l’assurance-maladie – que l’on prétend faire payer à l’assuré social alors que la consommation de biens médicaux dépend du prescripteur, c’est-à-dire du médecin !

Hier, le ministre du budget a refusé de me répondre au cours de la séance de questions (Protestations sur les bancs du groupe UMP) lorsque je l’interrogeais sur l’augmentation éventuelle du montant des franchises. Cela laisse présager le pire.

Injuste et inefficace, ce PLFSS est aussi incohérent : vous prétendez répartir les médecins sur l'ensemble du territoire, mais vous laissez disparaître les services publics de proximité – par exemple en ne remplaçant pas un fonctionnaire sur trois partant à la retraite – et vous créez une contraction du réseau officinal (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous mettez en libre service des médicaments non soumis à prescription – fussent-ils disponibles en pharmacie –, tout en cherchant, par l’instauration d’un dossier médical personnel, à réduire le nombre d’accidents d'origine médicamenteuse ; vous déplorez la consommation excessive de médicaments en France lorsqu’il s'agit de les rembourser, mais vous la favorisez quand c’est à l'assuré de payer !

En réalité, ce sont le démantèlement de l’assurance-maladie pour tous et l’avènement des groupes d’assurances privés pour quelques-uns – autrement dit, la défense des intérêts particuliers au mépris de l’intérêt général et de la santé publique – qui donnent sa cohérence au projet. L’adoption de la motion permettrait de réexaminer ceux de nos amendements qui ont été rejetés par la commission et qui auraient au contraire nourri le texte pour en corriger les effets néfastes sur la santé publique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Roland Muzeau – Comme l’a rappelé Mme Touraine, l’adoption de cette motion vous donnerait l’occasion, Madame la ministre, de remédier à l’injustice que vous avez commise envers les associations de défense des victimes d’accidents du travail. En effet, après vous être engagée le 13 octobre dernier à étudier dans un délai de huit jours les modalités d’application des franchises à ces victimes, et de rencontrer la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés ainsi que l’Association nationale de défense des victimes de l'amiante, vous avez opposé à ces deux associations une fin de non-recevoir – tandis que vous trouviez le temps de rencontrer les internes en médecine ! Ainsi, les franchises s’appliqueront aux victimes d’accidents du travail, ce qui revient à réduire le montant de leur indemnisation et à faire d’elles les seules victimes d’un accident corporel condamnées à assumer une partie des frais médicaux qui en découlent – car aucune victime d’un accident de la route n’est censée assumer ses frais médicaux au lieu de se tourner vers l’assureur du chauffard qui l’a renversée ! Plus que d’un signe de mépris, il s’agit d’un véritable non-sens juridique.

S’il faut faire grève, comme les médecins, pour être reçu par la ministre, les malades n’en ont malheureusement pas la possibilité ! Comment pouvez-vous à la fois promouvoir la valeur travail et réduire l’indemnisation des victimes du travail ? Cela signifie-t-il que le Gouvernement se désintéresse des victimes des risques professionnels ?

Au début de la discussion, j’avais fait part de l’inquiétude que m’inspirait l’indigence du PLFSS sur ces questions, auxquelles trois articles seulement – sur 72 – sont consacrés ; quant au recours abusif à l’article 40, il aggrave la situation en évacuant une vingtaine de nos amendements – et, sans doute, plus d’une dizaine parmi ceux qu’a déposés le groupe SRC. À l’heure du Grenelle de l’environnement, qui prétend œuvrer à la protection des individus, que sont devenus le plan « Santé au travail » de M. Larcher ou l’engagement du ministre du travail de prendre en considération la pénibilité du travail ?

Pour vous donner une seconde chance, notre groupe votera donc en faveur de cette motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 40.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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