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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 30 octobre 2007

3ème séance
Séance de 21 heures 30
34ème séance de la session
Présidence de M. Rudy Salles, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 – seconde partie (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

SÉCURITÉ CIVILE

M. le Président – Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la sécurité civile.

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité civile – Le financement de la sécurité civile s’alimente à trois sources : à la mission sécurité civile, qui représente 418,4 millions d’euros dans le PLF pour 2008, s’ajoutent les dotations d’autres ministères au titre de la sécurité civile, ce qui porte la dépense d’État à 900 millions d’euros au total ; mais ce sont les services départementaux d’incendie et de secours – SDIS – qui consentent l’essentiel de la dépense, que les budgets primitifs pour 2007 évaluent à 5,1 milliards d’euros, soit 7,7 % de plus que les budgets primitifs pour 2006 et 20 % de plus que les comptes administratifs pour 2006, qui la chiffraient à 4,2 milliards d’euros.

Les dépenses consacrées à la sécurité civile devraient donc représenter 5,9 milliards d'euros en 2008, soit presque autant que le logement – 6,2 milliards – ou la justice – 6,5 milliards –, ce qui exige de nos concitoyens un effort contributif difficile à consentir, alors même que d'autres secteurs de l'action locale, tout aussi prioritaires, manquent de moyens. Ainsi, d’après les comptes administratifs pour 2006, les dépenses des SDIS s’élèvent à 82 euros par habitant, l’emportant, dans certains départements, sur le montant de la taxe d'habitation que doit acquitter une famille de quatre personnes. En outre, ces dépenses continuent d’augmenter.

En somme, la pause à laquelle votre rapporteur appelle en vain depuis deux ans est devenue inévitable ; elle passera par le regroupement des casernes et l’arrêt des recrutements.

Le système actuel, qui ajoute à l’action de l'État, détenteur des seuls moyens mutualisés et chargé de réglementer, celle des SDIS, chargés de l’essentiel des moyens opérationnels sous la responsabilité des conseils généraux, doit également être revu, car il n’est pas conforme à l'article premier de la loi du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile, qui dispose que l'État est garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national. La création, en 2004, de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours n'a pas permis d'assurer une véritable gouvernance de la sécurité civile. La revue générale des politiques publiques, lancée par le Gouvernement en juin dernier, doit permettre de reposer ce problème d'architecture institutionnelle, qui pourrait être confié à l’un de ses groupes de travail au moins – relations entre l'État et les collectivités locales, administration territoriale ou sécurité.

Le 31 mai 2007, pour la première fois, le rapport annuel de performances sur la mission sécurité civile a été annexé au projet de loi de règlement pour 2006, conformément à la LOLF, ce qui permet de tenir le Parlement bien mieux informé de l'exécution du budget. Mais il faudra en améliorer la mise en œuvre, en particulier afin d’éviter que le responsable de programme n’en soit dépossédé : ainsi le ministère de l'Intérieur a-t-il habilement mis à profit la fongibilité asymétrique pour participer au financement du douzième Canadair grâce aux crédits de personnel non consommés.

Trois grandes orientations sont prévues pour 2008 : la modernisation des matériels d'intervention sur les risques naturels et technologiques et de lutte anti-terroriste, la poursuite du projet de communication ANTARES et l’élaboration de projets immobiliers ciblés sur les sites opérationnels.

En outre, le projet annuel de performances pour 2008 prévoit 732,2 millions d'euros d’autorisations d'engagement – contre 564 millions en 2007 – et 418,4 millions d'euros de crédits de paiement – contre 427,9 millions ; cette forte augmentation résulte de la décision de conclure en 2008, pour dix ans, un marché de maintenance des avions, comme l'avait préconisé l'audit de modernisation d'avril 2006.

La maîtrise réjouissante du budget de la sécurité civile par les services de l'État, qui rend d'autant plus étonnante la hausse permanente des coûts des SDIS, admet cependant deux exceptions notables : les colonnes de renfort et les secours d'extrême urgence, qui souffrent de sous-dotations chroniques. Le projet annuel de performances pour 2008 attribue aux premières des crédits de 1,7 million d'euros, contre 9,5 millions d'euros en moyenne au cours des cinq dernières années, et aux seconds une dotation de 0,1 million d'euros, contre 26 millions d'euros en moyenne au cours des cinq mêmes années – indemnisation des victimes de la sécheresse de 2003 comprise, il est vrai.

Conformément aux préconisations des corps d'inspection, le projet annuel de performances s’est en outre attaché à justifier le coût synthétique de l'heure de vol par appareil et à intégrer les dépenses d'investissement des flottes aériennes dans une perspective pluriannuelle.

Quant à l'École nationale supérieure des officiers des sapeurs-pompiers, qui joue un rôle primordial dans le recrutement et la formation de haut niveau des cadres supérieurs des SDIS, elle se voit dotée d’un contrat d’objectifs et de performance, malheureusement négocié et signé avec retard alors qu’il s’agit du seul moyen – imposé par la LOLF –d’exercer une tutelle efficace. En outre, ce sont les politiques de recrutement et de formation qui permettront d’éviter les actes isolés de violence ou d’indiscipline dont la presse s’est fait l’écho et qui, s’ils ne remettent pas en cause le haut degré de compétence de la très grande majorité des sapeurs pompiers professionnels, doivent être sévèrement dénoncés.

D’autre part, 28 millions d'euros de crédits iront au fonds d'aide à l'investissement des SDIS, le FAI, qui retrouvera sa fonction d'orientation des investissements des SDIS par la mutualisation des acquisitions et de l'emploi des matériels : cela évitera le « saupoudrage » et permettra de recentrer l'action de l'État sur un nombre réduit de priorités.

Le projet annuel de performances a également tenu compte de certaines remarques des corps de contrôle – notamment en créant un indicateur sur le délai d'intervention sur colis piégés –, mais de manière trop brève et trop descriptive, sans véritable volonté d’amélioration de la qualité du service et de maîtrise des coûts. Quel peut être le sens d’objectifs peu ambitieux, voire en retrait par rapport aux réalisations concrètes ?

D’autre part – j’y ai insisté l’an dernier –, il est nécessaire d’affiner la qualification globale des accidents en service commandé ayant entraîné un arrêt de travail, en distinguant plus nettement les accidents liés à une intervention et les accidents survenus lors d’un trajet ou dans une caserne.

À défaut d’une mission interministérielle pour la prévention des risques et la gestion des crises, que l’on a provisoirement renoncé à instaurer, le document de politique transversale pourra permettre, sous l’autorité du ministère chef de file, de renforcer une coordination interministérielle indispensable.

En outre, conformément à l'article 129 de la loi de finances initiale pour 2007, adopté à la suite d'un amendement déposé par votre rapporteur, ce document fournit pour la première fois des informations sur les SDIS, et la direction de la défense et de la sécurité civile travaille à l’élaboration de 28 indicateurs normalisés reflétant une stratégie de gestion de leur performance.

Quant à l’organisation du secours à la personne, sur lequel le Président de la République a insisté lors de la clôture du congrès national des sapeurs-pompiers, le 29 septembre dernier, les querelles de chapelle qui la perturbent – notamment l'opposition entre « rouges » et « blancs » – doivent être surmontées, pour une meilleure maîtrise des coûts qu’engendrent les recouvrements de compétence.

Il s’agit également de tenir compte de l’évolution de l’activité des SDIS : les incendies – cœur de métier du sapeur pompier, « soldat du feu » – ne représentent plus que 9,4 % des 10 000 interventions quotidiennes qu’ils assurent régulièrement depuis huit ans et qui concernent dans 64 % des cas le secours aux victimes et à l'aide à la personne.

De plus, les effectifs continuent d’augmenter : plus de 10 000 sapeurs-pompiers supplémentaires en dix ans ; 37 677 sapeurs pompiers en 2006, soit 258 de plus qu'en 2005, auxquels s’ajoutent les 8 224 membres du bataillon de sapeurs pompiers de Paris et les 2 454 du bataillon de marins pompiers de Marseille ; plus de 38 000 en septembre 2007, selon les dernières estimations provisoires.

Enfin, l’organisation du temps de travail sur la base de gardes de 24 heures – une centaine par an, ce qui implique 270 jours de congé – ne tient pas compte de l’évolution du nombre de demandes d’intervention, lesquelles se sont par exemple raréfiées entre 23 heures et 6 heures du matin. Nous espérons que l’évaluation dont cette organisation vient de faire l’objet permettra d’enrayer la hausse des coûts qu’entraîne celle des effectifs. La fiscalisation de ces dépenses, qui repose aujourd’hui sur les seules collectivités territoriales, devra également être revue.

Je vous propose d'adopter les crédits de la mission sécurité civile votés par la commission des finances (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois – Les inondations historiques qui ont eu lieu au Royaume-Uni et en Europe centrale et les incendies meurtriers du sud de l'Europe ou des États-Unis, bien qu'ils aient relativement épargné la France, soulignent la nécessité d'adapter notre sécurité civile à des risques accrus par le dérèglement climatique, et celle pour l'Europe de se doter d'une force d'intervention rapide. Même si les pays européens, et en particulier la France, ont réagi promptement à la demande d'aide de la Grèce, le renforcement des capacités de protection civile de l'Union, souhaité par la France depuis 2005, apparaît plus que jamais nécessaire.

En France, pour faire face aux nouveaux risques naturels, technologiques ou terroristes, un important travail de modernisation a été entrepris sous la douzième législature. La loi du 13 août 2004 a constitué le point de départ d'une réorganisation des dispositifs de prévention et de secours et d’une adaptation des moyens aux risques du XXIe siècle. Elle a clarifié les responsabilités de chacun, apporté la reconnaissance de la nation aux acteurs de la sécurité civile, au premier rang desquels les sapeurs-pompiers, et placé le citoyen au cœur de la politique de sécurité civile. Surtout, elle n'est pas restée lettre morte : des expérimentations ont été menées, les textes réglementaires publiés et les moyens dégagés. Aujourd'hui, nous disposons enfin d'un cadre juridique rénové. Les efforts budgétaires des dernières années ont permis le retour à une configuration optimale de notre flotte aérienne, le développement de l'interopérabilité des réseaux de communication et l'adaptation des équipements et des formations aux risques NRBC – nucléaire, radiologique, biologique et chimique. Malgré des marges réduites, ce projet de budget permet de poursuivre cette entreprise de modernisation, en particulier en ce qui concerne le projet ANTARES et la modernisation des matériels d'intervention. Je voudrais surtout évoquer trois dossiers d'importance pour l'avenir de la sécurité civile.

D’abord, pour favoriser le développement d'une véritable culture de sécurité civile, la loi de modernisation avait prévu une sensibilisation en milieu scolaire à la prévention des risques et aux missions des services de secours. Cette innovation constitue à mes yeux le symbole de la démarche de responsabilisation que nous avons voulu lancer. Je ne méconnais pas ses difficultés d’application, mais les modalités prévues par le ministère de l'éducation nationale me font craindre une dilution de notre ambition, surtout sachant que l’échéance retenue pour la généralisation du dispositif est 2011. Je regrette que l'on ne s'appuie pas plus sur les sapeurs-pompiers, dont l’expérience et la passion constitueraient un excellent vecteur de transmission. Nul doute que beaucoup, parmi ceux qui ne sont plus en condition opérationnelle, seraient volontaires pour cette mission.

Ensuite, les résultats du nouveau projet de fin de carrière des sapeurs-pompiers professionnels sont encore modestes, la solution privilégiée étant l'affectation à des fonctions non opérationnelles au sein des SDIS. Il y a encore un travail à mener pour identifier, en fonction de leurs pathologies, les postes pouvant être confiés, voire réservés aux sapeurs-pompiers concernés. Le reclassement dans un autre cadre d'emplois doit également être favorisé, par une meilleure information des agents comme des collectivités concernés. Les sapeurs-pompiers en fin de carrière sont riches d'une expérience hors du commun qui pourrait être valorisée dans de nombreux contextes professionnels.

Enfin, en matière de secours aux personnes, la coexistence reste difficile, dans certains départements, entre sapeurs-pompiers, SAMU et ambulanciers privés. Lors du congrès des sapeurs-pompiers de septembre, le Président de la République a donc demandé une meilleure coordination entre les ministères de l'intérieur et de la santé, pour optimiser les compétences de chacun et mettre un terme aux fausses querelles. Ce discours a été bien accueilli et a permis d'engager la réflexion dans un climat plus serein. Dans la perspective de cette réforme, je souhaiterais attirer votre attention sur le problème particulier des secours en zone rurale et dans certains quartiers où la permanence des soins n'est hélas plus assurée. Les sapeurs-pompiers disposent d'un maillage territorial irremplaçable, en particulier grâce à leurs 201 800 volontaires dont le rôle dans la chaîne des secours doit être reconnu à sa juste valeur. L'expérimentation souhaitée par le chef de l’État sur une réponse graduée des secours et la reconnaissance d'une responsabilité d'orientation de l'intervenant de premier niveau paraît particulièrement intéressante.

En remerciant les administrateurs de l’Assemblée pour leur précieuse collaboration, je vous invite à suivre la commission des lois en adoptant les crédits de cette mission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Georges Fenech – Les dramatiques incendies du Péloponnèse ou de la Californie, les évacuations massives qui ont suivi, soulignent l’urgente nécessité de renforcer notre sécurité civile pour faire face aux événements sans précédent que causeront les bouleversements climatiques, donnant une dimension inconnue jusqu’à présent à la protection civile. Le risque doit désormais être abordé à l’échelle européenne, voire plus large. C’est un des chantiers majeurs de ce projet de budget.

Ce budget s’inscrit dans la ligne de la loi du 13 août 2004 qui, sous l’impulsion du ministre de l’intérieur d’alors, Nicolas Sarkozy, a jeté les bases d’une refonte de la protection civile tout en apportant la reconnaissance de la nation aux sapeurs-pompiers. J’en retiendrai trois priorités. La première est la modernisation des matériels d’intervention sur les risques naturels, technologiques et terroristes. Les crédits de l’État, associés à ceux des services départementaux d’incendie et de secours, permettront notamment de renforcer la sécurité des sapeurs-pompiers, en particulier par l’acquisition de nouvelles tenues et de robots d’intervention. Ce volet représente 58 % des crédits de la mission. Dans le contexte d’une menace terroriste permanente, on peut se féliciter aussi des efforts consentis en faveur du service de déminage, chargé des objets suspects et colis piégés, mais aussi de la sécurisation de certains sites ou de la neutralisation des engins de guerre hérités des derniers conflits.

Mais la France peut faire encore mieux. Le Conseil national de sécurité civile a commencé à travailler sur des thèmes comme le risque sismique, en métropole et outre-mer, la résilience des réseaux de communication, la prévention et la gestion du risque d’avalanche ou le secours aux personnes. Ses premiers rapports devraient être présentés le 15 novembre. Par ailleurs, les différents types de risques NRBC sont désormais pris en compte dans l’ensemble des missions de sécurité civile. En la matière, l’État fait un effort important pour financer 20 à 60 % des équipements d’intervention des SDIS, principalement des scaphandres de protection, et le nouveau centre de formation à la défense civile de Cambrai jouera un rôle précieux, notamment en matière de décontamination de masse radiologique. Une des priorités du Gouvernement est de renforcer la sécurité des sapeurs-pompiers en intervention. Ce souci apparaît dans l’ensemble de leurs pratiques et l’organisation du commandement. Quant aux matériels d’intervention, les exigences de sécurité sont prises en compte au niveau de leur conception même. La signalisation des véhicules a notamment été améliorée. On peut d’ailleurs se féliciter de la baisse significative du nombre des décès en service de ces dernières années – le chiffre de 2006 est le meilleur depuis 21 ans – alors que le nombre d’interventions ne cesse de croître.

La seconde priorité est le parachèvement du projet ANTARES sur l’interopérabilité des réseaux de communication, auquel seront affectés dix millions supplémentaires en crédits de paiement. Cette nécessaire mutualisation des réseaux de communication de tous les services publics chargés de missions de sécurité civile augmentera sans aucun doute leur efficacité tout en permettant de rationaliser la dépense publique grâce à l’utilisation du réseau déjà existant Acropol. Rappelons également la montée en puissance du réseau national d’alerte. Plusieurs expériences en grandeur réelle ont permis d’associer les moyens d’Internet et du GPS à partir d’un centre opérationnel permanent. L’objectif est le lancement, en 2008, d’un nouveau dispositif national.

La troisième priorité est le renouvellement du marché de maintenance de la flotte aérienne de la sécurité civile. Un effort particulier est accompli dans ce domaine, avec 350 millions en autorisations de programme, qui viennent poursuivre l’effort engagé depuis 2004 avec l’acquisition cet été d’un douzième Canadair. Désormais, notre flotte comprend 12 Canadair, 9 Tracker, 3 Beechcraft King 200 et 2 Dash 8, plus 39 hélicoptères. Le nouveau marché de maintenance, prévu pour une durée de dix ans, est un enjeu de taille puisque le coût de la maintenance de la flotte dépasse 30 millions par an. Mais cet effort est amplement justifié par les résultats spectaculaires de l’été 2007, avec une surface brûlée inférieure de 70 % à la moyenne décennale et aucune victime à déplorer.

Pour remplir tous ces objectifs, la complémentarité entre les moyens de l’État et ceux des collectivités locales est indispensable. Avant la fin de l’année 2008, la question de la participation des communes au financement des SDIS devra être tranchée. En effet, si pour 2006 le budget de la sécurité civile s’établissait à 1 126 millions en autorisations de paiement et 914 millions en crédits de paiement, le budget global des SDIS était de 4 714 millions ! Lors du congrès de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, le Président de la République a souhaité qu’une concertation s’engage avant la fin de l’année avec l’association des maires de France et l’assemblée des départements de France. Je rejoins par ailleurs le souhait de M. Mariani selon lequel chaque contribuable devrait voir sur sa feuille d’impôts locaux la somme qu’il consacre personnellement au SDIS : c’est une question de civisme et de solidarité. La sécurité civile est l’affaire de tous.

J’en viens à la dimension européenne de la protection civile. Le renforcement des capacités d’intervention de l’Union que le Président de la République avait souhaité est en train de se traduire dans les faits à travers ce budget. Mme Alliot-Marie avait annoncé un recensement complet, au printemps 2008, des moyens en hommes et en matériel de chaque pays. Des systèmes plus opérationnels pourront ensuite être mis en place, pour faire émerger une véritable sécurité civile européenne, plus efficace, mieux coordonnée et plus rapidement mobilisable, même si le Centre de Bruxelles reçoit déjà les alertes et gère les demandes d’assistance. Espérons que la France, qui présidera en 2008 le Conseil de l’Union européenne, saura donner une impulsion décisive à l’Europe de la sécurité civile, mentionnée à l’article 3 du traité instituant la Communauté européenne. N’oublions pas qu’une résolution adoptée par le Parlement européen, le 4 septembre dernier, demandait l’établissement d’une force européenne capable de réagir immédiatement en cas d’urgence. Déjà composée de quatre détachements de soixante hommes, cette force devrait principalement intervenir en cas de tremblements de terre, de feux de forêt et d’inondations.

Ce budget de la sécurité civile ne peut que recueillir notre approbation, car il prend en compte la dimension européenne des secours, améliore la coordination des SDIS et des services d’aide médicale d’urgence, développe les technologies de l’alerte et de l’information, augmente le niveau des équipements, notamment en matière de risques NRBC et privilégie la sécurité des personnes. C’est avec un certain enthousiasme que nous voterons ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Derosier – Député et président du SDIS du Nord, je dois rendre hommage à Daniel Hosdez, adjudant des sapeurs-pompiers volontaires de Bailleul, disparu tragiquement, le 10 octobre dernier, dans l'exercice de sa mission. J'ai une pensée toute particulière pour l'ensemble des sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires, qui se placent avec dévouement au service de leurs concitoyens et qui ont, cette année encore, payé un lourd tribut en remplissant leur mission.

Le budget de la sécurité civile est essentiel, car prévenir les dangers, secourir, protéger et sauver les victimes, fait partie des fondements de notre pacte social : l'État doit garantir la protection des populations. Ma déception est donc grande. L’enveloppe prévue se limite en effet à 418 millions d'euros, contre 429 millions en 2007, soit une baisse de 2,5 %. La sécurité civile est le parent pauvre du ministère de l'intérieur, dont les crédits s’élèvent au total à 15,68 milliards d'euros.

Le Gouvernement persiste en outre dans sa vision purement ministérielle de la sécurité civile, alors que cette mission fait intervenir d’autres missions et programmes confiés aux ministères de l'écologie et du développement durable, de l'agriculture, de la santé ou des transports. Pourquoi se refuser à renforcer la cohérence globale de notre action ?

Je m’inquiétais également, l’an dernier, de l’insuffisante prise en compte du rôle des collectivités territoriales, en particulier les départements. Il y a tromperie quand le Gouvernement s'obstine à dissimuler leur participation au financement de cette mission. Faut-il rappeler que les SDIS prennent en charge la plus grande partie des missions de secours, pour un montant supérieur à 4,7 milliards d'euros ? La faiblesse des crédits proposés à notre approbation – 418 millions – révèle un manque de considération de l’État. Il est inadmissible que l'Etat se désengage au point de laisser les départements supporter seuls le coût du développement et de la modernisation des SDIS. Dans ces conditions, mieux vaudrait mettre fin au partage des responsabilités entre le préfet, représentant de l’État et le président du SDIS. Il est grand temps de définir clairement le rôle de l'État dans la sécurité civile.

Pour faire face aux nouvelles menaces et aux exigences croissantes de nos concitoyens en termes de sécurité, de santé et d'environnement, il eût fallu un budget ambitieux. Or, tel n’est pas le cas. Créé en loi de finances pour 2003 et destiné à soutenir les efforts d’équipement des SDIS, le Fonds d’aide à l’investissement n’est plus qu’une coquille vide. De 67 millions en 2006, les crédits du fonds ont été respectivement ramenés à 37,5, puis 28 millions en 2007 et 2008. Au demeurant, de tels montants sont bien faibles par rapport aux dépenses des collectivités territoriales et il est plus que temps de réévaluer les montants alloués, compte tenu de la complexité des procédures, qui rend difficilement consommables les crédits. Par une circulaire du 5 février 2007, vous avez bien tenté de répondre aux critiques formulées lors de nos débats parlementaires et aux observations de la Cour des comptes, mais cela reste insuffisant face à l’ampleur des difficultés.

Vous prétendez renforcer la sécurité des sapeurs-pompiers et harmoniser des moyens dont disposent les SDIS, mais où est la cohérence quand les crédits affectés à ces objectifs reculent ? Une fois encore, les collectivités, placées devant le fait accompli, devront compenser le désengagement de l'État.

Pour ce qui est de la contribution des communes et des établissements publics de coopération intercommunale au budget des SDIS, sujet évoqué par le Président de la République devant le congrès de la fédération des sapeurs-pompiers, il serait urgent de trouver des solutions équitables. En effet, les communes, leurs groupements, et les départements ne doivent pas payer les conséquences du désengagement financier de l'État. Alors que la loi de 2002 avait prévu de plafonner la participation financière des collectivités locales à compter du 1er janvier 2006, la mesure a été reportée à 2008, puis 2010. Les dépenses continuant à croître, chaque report pèse sur les budgets locaux. Il est temps de mettre fin à ce système dans lequel l'État décide et les départements paient.

J’en viens au secours aux personnes, qui souffre d’une mauvaise articulation entre les sapeurs-pompiers et les services d'urgence médicale. Ces interventions représentent 2,8 millions de sorties par an, soit environ 70 % des interventions des SDIS, ce chiffre s’expliquant par l’existence de « zones blanches » dans l’accès aux soins, par la mauvaise coordination des services, mais aussi par le déclenchement parfois intempestif des secours. Ne laissons pas perdurer le conflit stérile qui oppose SDIS, SAMU, SMUR et ambulanciers, car nos concitoyens en seront les premières victimes.

La santé publique est une responsabilité de l'État. Or, ce dernier semble tenté de transférer entièrement les opérations de secours aux personnes vers les SDIS. Leur financement serait alors à la seule charge des départements, bien évidemment sans compensation. Pour sauver notre système de santé publique, la clarification du domaine d'intervention de chacun des intervenants est donc nécessaire.

J'aimerais être rassuré, Monsieur le ministre, sur les moyens prévus par l'État pour faire face à une éventuelle pandémie grippale. La question a sans doute été examinée d’un point de vue sanitaire, je ne suis pas certain que toutes les dispositions aient été prévues en matière de sécurité civile.

Ce projet de budget entretenant la confusion sur l’avenir de la sécurité civile, pourtant l’un des grands services publics de ce pays, vous comprendrez que le groupe SRC vote contre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. André Gerin – Les sapeurs-pompiers sont aujourd’hui confrontés à de nouveaux défis – incendies géants, séismes, fléaux sanitaires, actes de terrorisme, violences urbaines. Ces risques exigent un engagement bien plus important de l’État et une plus forte implication de nos concitoyens, la responsabilité ne devant pas être à sens unique.

Faut-il rappeler que le mécontentement des sapeurs-pompiers – plus de 200 000 volontaires, 36 000 professionnels et 11 800 militaires à Paris et à Marseille – n’a pas faibli depuis un an ? En annulant la nouvelle bonification tarifaire à la charge des départements, le Gouvernement avait déclenché les manifestations des 25 septembre et 21 novembre 2006. Or leurs légitimes revendications demeurent sans réponse. Les sapeurs-pompiers continuent donc à demander la reconnaissance effective de la dangerosité et de la pénibilité de leur profession : ils doivent avoir le droit de partir à la retraite à partir de 55 ans sans perte financière, et de percevoir une pension garantissant le maintien de leur niveau de vie. Est-ce trop demander quand 11 d’entre eux sont morts au feu en 2006 ?

Le Gouvernement a entrepris de réformer les régimes spéciaux. Ce nivellement par le bas nie les spécificités des métiers, leur pénibilité, et pour certains, leur dangerosité. Le travail des pompiers a beau figurer parmi les dix métiers les plus exposés, le Gouvernement est embarrassé lorsqu’il s’agit de satisfaire la revendication légitime des sapeurs-pompiers : comment accorder aux uns ce dont on prive les autres ? Le précédent ministre de l’intérieur, devenu Président de la République, avait repoussé l’évolution de leur régime de retraite à 2008, date prévue pour l’évaluation de la loi de 2003 portant réforme des retraites. Pourquoi renvoyer aujourd’hui la demande des sapeurs-pompiers aux calendes grecques, en donnant le change grâce à des mesurettes appelées « projet de fin de carrière » ? La question doit être tranchée ! Les 36 000 sapeurs-pompiers professionnels, qui consacrent leur vie à sauver celles de leurs concitoyens, représentent-ils un danger pour notre système de retraite ? Ne méritent-ils pas de bénéficier de la solidarité nationale et d’un statut spécial ?

Les moyens existent pourtant : 14 milliards d’euros ont été consacrés au paquet fiscal consenti aux plus riches, quand la suppression de 22 000 emplois publics représentait autant de cotisations de retraite en moins. Il est temps pour la nation de reconnaître le métier de sapeur-pompier comme l’un des plus usants et d’accorder aux soldats du feu une retraite pleine et entière à 55 ans !

M. Éric Ciotti – Grâce à des efforts budgétaires importants, et sous l’impulsion du précédent ministre de l’intérieur, la sécurité civile s’est modernisée au point de devenir l’une des plus efficaces d’Europe. Cet effort doit être poursuivi dans le sens d’une plus grande efficacité et d’une meilleure protection face aux risques de toutes natures.

Le réchauffement climatique, notamment, est à l’origine de phénomènes naturels dévastateurs, comme les incendies dramatiques survenus en Grèce, au Portugal, et plus récemment en Californie. Face à l’augmentation de tels risques, une mutualisation des moyens au niveau européen s’imposait. L’Union européenne a instauré en 2001 un mécanisme de protection civile avant que la France, l’Espagne, l’Italie et le Portugal ne mettent sur pied, en 2006, la Force d’intervention rapide européenne – FIRE 4. Il est temps aujourd’hui de bâtir, comme la France le propose depuis longtemps, une force européenne de protection civile et que l’Union européenne se dote d’une flotte de bombardiers d’eau. La présidence française de l’Union pourrait être l’occasion de donner forme à ce projet.

Nous savons tous ce que nous devons aux sapeurs-pompiers, à leur dévouement et à leur esprit de sacrifice. Plusieurs réformes, accompagnées de moyens conséquents – engagés notamment par les conseils généraux – ont été mises en œuvre. Reste encore à reconnaître la dangerosité de ce métier.

À cet égard, les actes d’incivilité et les agressions à l’encontre des sapeurs-pompiers ont augmenté – on en dénombre 602 pour l’année 2006. La plus grande fermeté doit leur être opposée. Le ministère de l’intérieur a engagé une réflexion afin de renforcer la sécurité des sapeurs-pompiers sur les lieux d’intervention et d’améliorer les conditions d’interventions interservices : espérons qu’elle débouchera sur des décisions concrètes, attendues avec impatience par les professionnels.

Ce budget, qui fait de la sécurité civile une priorité de l’action publique, est efficace et pertinent. Le groupe UMP le votera avec détermination (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Mme Michèle Alliot-Marie me demande de vous transmettre ses regrets. Comme vous le savez, le Conseil des ministres se tiendra demain en Corse et le Président de la République lui a demandé de rejoindre l’île dès ce soir. Il me revient donc l’honneur de présenter les crédits pour 2008 de la mission « Sécurité civile », anticipant en quelque sorte l’exercice du PLF pour 2009, lorsque le ministre du budget et des comptes publics devra présenter la totalité des missions au Parlement – cependant que la loi de règlement, plus détaillée, verra la participation active des différents ministres.

Je veux aussi exprimer notre émotion devant le grave accident survenu à Bondy, et rendre hommage aux pompiers qui interviennent sur place.

L’État n’est pas le seul acteur en matière de sécurité civile et la loi du 13 août 2004 a précisé le rôle de chacun. Dans ce cadre, il appartient à l’État de se doter des moyens nécessaires à l’exercice de ses responsabilités. Le budget pour 2008 comporte des avancées conséquentes. Le dispositif d’interopérabilité des réseaux de communication concourant aux missions de sécurité civile, ANTARES, sera déployé sur trois ans, avec un financement lissé sur neuf ans. Les matériels d’intervention sur les risques naturels, technologiques et terroristes seront modernisés. Enfin, des investissements immobiliers seront réalisés sur des sites opérationnels.

L’État, garant de la cohérence de la sécurité civile, doit veiller à coordonner au mieux les différents acteurs de la sécurité civile. Ainsi, il lui revient de mettre au service des élus locaux des outils de pilotage permettant de réduire les disparités entre territoires. La Conférence nationale des services d’incendie et de secours permettra la mise en œuvre, dès cette année, des indicateurs nationaux de sécurité civile ainsi que des ratios financiers, produits conjointement par la Direction de la défense et de la sécurité civiles et la Direction générale de la comptabilité publique.

Bien entendu, les enjeux ne sont pas seulement financiers. Je veux d’abord, au nom de Michelle Alliot-Marie et en mon nom propre, rendre hommage à ceux qui sont prêts à sacrifier leur vie pour en sauver d’autres, et rappeler la mémoire des quatorze pompiers et démineurs morts en 2006 et des six pompiers et démineurs morts en 2007. Un incident grave, qui touche particulièrement M. Rochebloine, a eu lieu à Saint-Romain-en-Jarez. L’instruction judiciaire n’est pas achevée. Nous apportons la plus grande attention à la situation des deux volontaires blessés et la formation des professionnels a été adoptée pour tirer toutes les conséquences de cet accident. La sécurité des sapeurs-pompiers a été intégrée au programme annuel de performances. Le nombre de sapeurs-pompiers décédés en intervention ces douze derniers mois est le plus faible de la décennie. L’action de l’État et des SDIS depuis 2004 semble porter ses fruits.

Pour mieux coordonner les intervenants, il faut intégrer les volontaires, soit 84 % des effectifs. L’enjeu principal des années à venir est de les fidéliser et, en partenariat avec les employeurs, de faciliter leur disponibilité. La prestation de fidélisation et de reconnaissance, créée par la loi de modernisation et financée par l’État et les collectivités, a été mise en œuvre, et les premières rentes ont été versées fin 2006. Au même moment, le plan d’action en faveur du volontariat a été signé et offre différents outils pour encourager l’engagement citoyen, comme la mise en œuvre dans ce domaine de la loi relative au mécénat et la création d’un label « entreprise volontaire partenaire ».

Mieux coordonner les intervenants, c’est aussi conforter le rôle européen et international de la France en matière de prévention et de couverture des risques. Notre savoir-faire est très apprécié, comme on l’a vu l’été dernier en Grèce. La présidence française de l’Union nous permettra de renforcer la coopération.

Enfin, il faut rendre les services plus lisibles pour nos compatriotes. Mais les situations locales sont très diverses. La création d’un grand service public national ne correspondrait pas à la logique de collaboration entre État et collectivités locales pour assurer la sécurité qui est au fondement de la loi 2004, dans le respect de la décentralisation traditionnelle de la sécurité civile. Face à des interventions parfois désordonnées, voire en concurrence, nos concitoyens demandent qu’on les informe, qu’on évite les crises et qu’on sauve les personnes. Le 29 septembre dernier, au congrès national des sapeurs-pompiers professionnels, le Président de la République a rappelé la nécessité d’une permanence des soins reposant sur l’optimisation des compétences, la maîtrise des coûts, l’adaptation au terrain et la clarification des responsabilités. Dès juin dernier, le ministère de l’intérieur et celui de la santé ont commencé à travailler. Il ne peut être question de querelle entre les « rouges » et les « blancs » et le Gouvernement n’a pas l’intention de l’oublier. Une convention de coordination existe dans 64 départements et Mme Alliot-Marie a demandé aux préfets d’arriver à une couverture nationale d’ici fin 2007. La révision générale des politiques publiques est le meilleur cadre pour améliorer nos politiques.

Les crédits soumis à votre vote au titre de la mission « Sécurité civile » attestent de la volonté de l’État de répondre à tous les risques. Mais il doit surtout veiller à la configuration optimale de la chaîne de sécurité civile.

Pour répondre immédiatement à M. Fenech, quatre rapports seront remis au conseil national de la sécurité civile à la mi-novembre. Il les examinera dans les meilleurs délais pour proposer au ministre les suites à donner. Quant à la force d’intervention rapide, c’est un des projets phares de Mme Alliot-Marie dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Derosier – Rappel au règlement, fondé sur l’article 58, alinéa premier. Je peux comprendre que la ministre chargée de la sécurité civile ne soit pas là, et que vous ne répondiez pas à toutes les questions de l’opposition. Mais je vous ai interrogé précisément sur le rôle de la sécurité civile en cas de pandémie de grippe. Je n’ai pas la réponse. Je vous pose de nouveau la question.

QUESTIONS

M. François Rochebloine – Le 2 octobre 2003, aux abords de Saint-Romain-en-Jarez, une déflagration d’une rare violence s’est produite dans un hangar agricole en feu. Il y eut huit blessés, dont deux graves, chez les sapeurs-pompiers, et des dégâts très importants dans un rayon de 500 mètres. Mais beaucoup de questions restent sans réponse. Les enquêtes n’ont pas permis de cerner les causes du drame, même si la présence de plusieurs produits dont une faible quantité d’engrais a permis d’échafauder des hypothèses. La cour d’appel de Lyon a prononcé un non-lieu qui interdit de désigner une quelconque responsabilité dans cette affaire.

À bien des égards cette explosion rappelle, avec une ampleur bien moindre, celle de l’usine AZF de Toulouse. Il y a un an, j’avais interrogé par courrier Mme Olin pour connaître les leçons que les pouvoirs publics avaient pu tirer de cet accident, s’agissant de la prévention des risques liés au stockage de certains produits et de leur signalisation. Il me fut indiqué que des dispositions particulières seraient prises cette année pour encadrer l’obligation de contrôle technique régulier de certaines installations. Pouvez-vous faire le point sur ce dossier ?

M. Éric Woerth, ministre du budget – J’ai déjà donné quelques éléments de réponse. L’instruction judiciaire n’est pas achevée. Nous portons une grande attention au sort des deux pompiers volontaires et toutes les leçons de cet accident ont été tirées. Dans le projet annuel de performances, on tient compte désormais du nombre d’accidents dont les sapeurs-pompiers sont victimes. La DDSC en a fait une priorité. Le nombre de sapeurs-pompiers décédés en intervention ces douze derniers mois est le plus faible de la décennie. Même si le problème ne se résume pas à des statistiques, on peut se féliciter que l’action entreprise par l’Etat et les SDIS depuis 2004 porte ses fruits. Elle s’est prolongée par la publication du nouveau guide national de référence qui comprend une unité de valeur consacrée aux risques technologiques.

M. François Rochebloine – La cour d’appel de Lyon n’en a pas moins rendu un non-lieu…

M. Jean-Pierre Decool – Les sapeurs-pompiers volontaires, au service de nos concitoyens, côtoient souvent le drame. Ainsi, le 10 octobre dernier à Bailleul dans le Nord, l’un d’entre eux est décédé en intervention. Il faut leur accorder une reconnaissance à la hauteur de la difficulté de leur mission.

La loi du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile a créé une prestation de fidélisation et de reconnaissance pour les sapeurs-pompiers volontaires. Pouvez-vous nous indiquer comment elle a évolué depuis lors et quelle place elle tient au budget 2008 ?

D’autre part, comment le Gouvernement envisage-t-il de favoriser la formation destinée aux élèves des écoles de jeunes sapeurs-pompiers ?

M. Éric Woerth, ministre du budget Cette prestation de fidélisation a été partout mise en œuvre sauf dans les deux SDIS des Bouches-du-Rhône et de Haute-Corse. Depuis sa date d’effet, au 1er janvier 2005, le coût en a été de 64 millions par an, pris en charge pour moitié par l’État. Ce sont 1 154 rentes qui ont été versées aux sapeurs-pompiers volontaires à compter de décembre 2006, et ce nombre augmentera chaque année tandis que celui des allocations de vétérance devrait diminuer. De ce fait, le coût annuel de l’ordre de 64 millions devrait être stable. Il est en partie couvert, sur le long terme, par les produits financiers de l’association de gestion. Celle-ci étudie des ajustements marginaux pour les sapeurs-pompiers volontaires des corps communaux ou intercommunaux.

M. Patrice Martin-Lalande – Avec quelques autres députés – dont Christine Boutin et Nathalie Kosciusko-Morizet, entrées depuis au Gouvernement –, je m’étais mobilisé après la sécheresse de 2003 pour obtenir l’indemnisation de victimes qui ne pouvaient bénéficier de la procédure classique des catastrophes naturelles. Celle-ci n’était pas applicable dans certains départements comme le Loir-et-Cher, où plus de 180 communes étaient candidates, plus de 3 000 habitations ayant été lourdement endommagées.

La procédure exceptionnelle que nous avons obtenue a permis d’indemniser les victimes les plus touchées, mais nombreuses sont celles qui en sont encore restées à l’écart. C’est pourquoi nous avons introduit par voie d’amendement dans la loi sur le droit au logement opposable un article imposant au Gouvernement de déposer avant le 1er décembre 2007 un rapport, dressant un état par département des demandes d’indemnisation présentées, des engagements financiers et des paiements effectués dans le cadre prévu par la loi de finances pour 2006, et comportant des propositions en vue d’améliorer les conditions d’indemnisation pour catastrophe naturelle – la procédure exceptionnelle n’ayant constitué qu’une solution de rattrapage.

Quand le Gouvernement remettra-t-il ce rapport et quand en tirera-t-il des conséquences ?

M. Éric Woerth, ministre du budget La commission interministérielle chargée de reconnaître l'état de catastrophe naturelle s'appuie sur les données fournies par Météo France, qui recourt au zonage Aurore – lequel divise le territoire national en 200 zones. La procédure exceptionnelle que vous aviez proposée a permis d'indemniser plus de 12 000 propriétaires sinistrés, répartis dans 2 460 communes qui n'avaient pas, en dépit de l’assouplissement des critères, bénéficié de la reconnaissance de cet état. Dans le Loir-et-Cher, 272 dossiers répartis dans 110 communes ont été éligibles, pour un total de plus 3 millions.

Le rapport que vous attendez est en cours de rédaction ; il sera produit dans les semaines ou les mois qui viennent.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier – Notre pays compte 200 000 sapeurs-pompiers volontaires, qui ont désormais un statut, mais le recrutement est de plus en plus difficile, la formation technique et la diversification des interventions demandant une grande disponibilité.

Nous avons donné aux employeurs privés qui mettent des salariés à disposition des SDIS la possibilité de bénéficier d’une réduction d’impôt au titre du mécénat, mais ce dispositif me paraît complexe et peu attractif. Envisagez-vous d’autres types de soutien, telle une exonération de charges sociales ?

Pour les collectivités locales employeurs, existe-t-il un dispositif complémentaire ?

M. Éric Woerth, ministre du budget – Les volontaires, au nombre de 200 000, représentent 84 % de l'effectif des SDIS. L'engagement volontaire est stabilisé depuis dix ans, mais l’augmentation régulière du nombre de jeunes sapeurs-pompiers – 29 000 aujourd’hui –incite à l’optimisme.

L'enjeu principal pour les années à venir est de pérenniser l'engagement volontaire, qui est en moyenne de sept ou huit ans, et de favoriser la disponibilité des intéressés, en partenariat avec les employeurs.

La loi de modernisation de la sécurité civile, qui a créé la prestation de fidélisation et de reconnaissance – financée à parité par les collectivités locales et l'État – constitue un geste fort, mais elle ne suffit pas. Un plan d'action en faveur du volontariat a donc été signé fin 2006 avec les représentants des employeurs et des élus. Sorte de trousse à outils, il comporte de nombreuses mesures, telles l’application de la loi sur le mécénat ou la mise en place d'un label d'entreprise partenaire.

Les SDIS se sont fortement impliqués dans la mise en œuvre de ce plan, et 80 % d’entre eux ont créé un bureau du volontariat. Toute mesure nouvelle visant à encourager l'engagement citoyen sera étudiée avec la plus grande attention ; il importe toutefois que les outils mis en place l'an dernier atteignent leur fonctionnement de croisière.

M. Jacques Desallangre – Aucune proposition n’est faite pour corriger les disparités entre départements en matière de SDIS, lesquelles entraînent, comme en matière de soins médicaux, l'inégalité des citoyens devant le service public. La départementalisation n’a pas fait disparaître les difficultés. Le service d’incendie et de secours doit rester un service public de proximité dans son exécution, mais il revêt aussi des qualités de service public national, de nature régalienne, et doit à ce titre être pris en charge et organisé par l’État. Cela permettrait d’améliorer sa gestion et de mutualiser les moyens ; et ne pensez-vous pas, Monsieur le ministre, que cela rendrait le système moins complexe ?

M. Éric Woerth, ministre du budget – La loi de modernisation de la sécurité civile a opté pour une clarification des rôles respectifs de l'État et des collectivités locales : il revient à l'État, garant de la cohérence nationale de la sécurité civile, de mettre au service des élus locaux les outils de pilotage permettant de réduire les disparités. La mise en place de la conférence nationale des services d'incendie et de secours, des indicateurs nationaux de sécurité civile, de référentiels nationaux dans le domaine de la formation et des équipements, ainsi que de ratios financiers, répondent à cet objectif.

Par ailleurs, l’article 62 de la loi de modernisation favorise la création d’établissements publics interdépartementaux ; je regrette que, sauf en Alsace, il n’y ait pas plus de réflexes de mutualisation.

La mise en œuvre très progressive de ces outils au niveau local ne doit pas remettre en cause la logique de coproduction du service public par les collectivités locales et l'État, respectueuse du principe historique de décentralisation de la sécurité civile et qui fonde la loi de 2004.

M. Jean Proriol – La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité prévoit la suppression des contingents communaux et intercommunaux et le transfert aux SDIS des financements ainsi perdus, par prélèvements sur chaque DGF des communes, sur la base des chiffres de 2003 et revalorisés chaque année à hauteur de l’indice des prix.

Mais l’application de cette loi, qui devait débuter en 2006, a été repoussée trois fois. Actuellement, les SDIS sont financés à 53 % par les départements et à 47 % par les communes et les EPCI – avec des variations selon les départements, dont la contribution est parfois moindre que celle des communes.

Il semble que l’Association des départements de France n’ait pas de position définitive sur la solution à adopter, mais elle indique que si la loi est modifiée, elle demandera une réévaluation des contingents. Quant à l’Association des maires de France, qui avait participé à l’élaboration de la loi de 2003, elle demande son application. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers est favorable au système des contingents, et souhaite donc revenir sur cette loi – pour maintenir le lien humain et financier entre les sapeurs-pompiers et les communes, mais aussi pour justifier le maintien des maires au sein des conseils d’administration des SDIS. Où en est l’État de ses consultations ? Le Président de la République a, au congrès de Clermont-Ferrand, laissé entendre que la question n’était pas tranchée. Donnez-nous quelques lueurs, de grâce !

M. Éric Woerth, ministre du budget Je risque de vous décevoir, Monsieur Proriol. Le Président de la République a en effet indiqué qu’il était urgent de sortir de ce flou. La concertation a lieu et l’étude est lancée, mais elle n’est pas achevée. Une décision sera arrêtée en 2008 et intégrée au PLF pour 2009.

M. Jean Proriol – La lueur est lente à venir…

M. Éric Woerth, ministre du budget S’agissant de la prévention contre la pandémie grippale, Monsieur Derosier, la France a mis en place un plan consistant à assurer la continuité des services du ministère, à acquérir dix millions de masques de protection – quatre pour les SDIS, quatre autres pour le ministère de la santé et le reliquat pour l’intérieur – et à préparer les forces à l’occasion d’exercices par zones tel que celui qui se déroulera le 12 décembre prochain. Vous voyez que l’État est prêt à affronter une éventuelle pandémie.

Les crédits de la mission Sécurité civile, mis aux voix, sont adoptés.

Prochaine séance demain, mercredi 31 octobre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 23 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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