Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques de la session > Compte rendu analytique de la séance

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 31 octobre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
36ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président – Il y aura aujourd’hui treize questions au Gouvernement, dont une posée par un député non inscrit. Je serai donc, vous le comprendrez, particulièrement vigilant sur la durée des questions et des réponses (Sourires).

AFFAIRE DE L’ARCHE DE ZOE

M. Jean-Pierre Dufau – Les Français ont été choqués par le lamentable fiasco de l'opération lancée par l’association « Arche de Zoé » (Murmures sur divers bancs). La représentation nationale tout entière partage ce sentiment. Mais l’urgence est de s’occuper des Européens détenus au Tchad, notamment les ressortissants français et les journalistes qui se contentaient d’exercer leur métier.

Les députés socialistes et apparentés seront à vos côtés pour protéger nos compatriotes, pour veiller à ce qu'ils soient traités conformément au droit international, et pour obtenir, en toute transparence, leur rapatriement et leur jugement en France. L’accord judiciaire signé le 6 mars 1976 entre la France et le Tchad autorise expressément une telle solution.

Une information judiciaire a été ouverte en France à l’encontre des responsables de cette association, qualifiés par la secrétaire d’État aux affaires étrangères de « bande d'illuminés », qui aurait mené une action « illégale et inacceptable ». Il reste que cette opération a été autorisée et soutenue par les moyens logistiques de l'armée de l'air. Elle n’aurait jamais pu être menée sans le concours des services de l'État !

Quelles dispositions comptez-vous prendre, Monsieur le Premier ministre, pour faire toute la lumière sur le rôle exact des services de l'État et leur implication dans cette affaire grave et lourde de conséquences pour nos ressortissants et pour l'image de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme – Depuis le premier jour, le Gouvernement est totalement mobilisé pour venir en aide à nos ressortissants. La protection des enfants étant désormais assurée, notre énergie va désormais à la protection de nos concitoyens. Les services consulaires ont été renforcés et le Président de la République a demandé que l’on respecte la présomption d’innocence dans cette affaire.

Quatre agents du Quai ont été dépêchés au Tchad pour renforcer le soutien consulaire et apporter une assistance humanitaire. Le Président de la République, qui avait déjà condamné l’illégalité de cette opération, vient d’annoncer qu’il s’entretiendrait à nouveau avec son homologue tchadien. Les discussions se poursuivent dans le respect des procédures judiciaires ouvertes dans les deux pays.

Plusieurs députés du groupe SRC – Vous ne répondez pas à la question !

Mme Rama Yade, secrétaire d’État – Après avoir rencontré les familles françaises qui attendaient un enfant, mais aussi des parlementaires français de tous bords politiques et des représentants de « Reporters sans frontières » et de l’Agence Capa, dont un journaliste figure parmi les détenus, je rencontrerai vendredi les familles des ressortissants français inculpés au Tchad.

Un député du groupe SRC – Et les avions français ?

Mme Rama Yade, secrétaire d’État – Depuis le début, nous demandons par ailleurs un traitement différencié entre les journalistes, qui étaient présents pour raisons professionnelles, et les acteurs directs de cette opération.

Vous le voyez : le Gouvernement est déterminé à ce que la lumière soit faite sur cette affaire et que les droits de nos concitoyens soient respectés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Patrick Roy – Ce n’est pas une réponse !

OGM

M. Noël Mamère – Ma question s’adresse au Premier ministre, que nous n’avons guère entendu sur le Grenelle de l’environnement. Il semble qu’il y ait, sinon de la duplicité, du moins une contradiction entre le discours du Président de la République et l’attitude des représentants de l’UMP au Parlement européen.

Au cours de la semaine dernière, le PPE et sa composante UMP ont en effet rejeté une proposition de résolution tendant à inclure dans les politiques économiques l’impact sur l’environnement, mesure pourtant souhaitée par le Président ; les députés européens UMP se sont également opposés au chiffrage précis, dans une directive européenne, de l’objectif de réduction des pesticides ; à cela s’ajoute leur opposition à la réduction du CO2 émis par les véhicules à usage personnel.

D’autres éléments nous conduisent à douter de la bonne foi du Président : José Bové a ainsi reçu une convocation du juge d’application des peines, qu’il n’honorera pas. En effet, les faucheurs volontaires ne se considèrent pas comme des délinquants : c’est grâce à leur alerte que la France a décidé de geler les OGM.

Plusieurs députés du groupe UMP – Ce sont des voyous !

M. Noël Mamère – J’aimerais que le Premier ministre nous indique quel traitement il réservera à ceux qui, poursuivis dans ce cadre, ont été condamnés, les uns à des peines de prison ferme, les autres à des peines de sursis.

M. le Président – Veuillez poser votre question.

M. Noël Mamère – Certains ont refusé des tests ADN, exigés d’eux parce qu’ils avaient procédé à des fauchages volontaires. Que compte faire le Gouvernement ?

M. le Président – Monsieur Mamère…

M. Noël Mamère – Est-il prêt à appliquer la clause de sauvegarde, seule solution pour imposer un moratoire sur les OGM ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables – Permettez-moi tout d’abord de vous remercier d’avoir déclaré par écrit que depuis ce Grenelle, qui était une victoire culturelle de l’écologie, plus rien ne serait jamais comme avant. Tout cela n’a été possible que parce qu’il y avait un accord des citoyens au départ, lors du débat présidentiel, parce que le Président de la République l’a voulu et impulsé, et parce que pendant quatre mois, les ministres ont travaillé sur ce dossier sous l’autorité du Premier ministre. Vos propos sur ce dernier ne reflètent donc pas la réalité institutionnelle.

C’est sans doute un moment d’inattention qui vous a fait oublier la position du Gouvernement français, qui a été exprimée hier au Conseil. Conformément à nos engagements, nous avons soutenu la position autrichienne sur la clause de sauvegarde du 810. La France soutient, comme presque tous les pays, la recherche en matière d’OGM ; elle est extrêmement prudente au sujet de la dissémination ; enfin, elle veut une loi pour assurer, avec une autorité indépendante, les principes de responsabilité et de transparence. D’ici là, nous appliquons la clause de sauvegarde (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ÉCOTAXE

M. François Rochebloine – Avant de poser ma question, je voudrais remercier Mme Rama Yade d’avoir reçu ce matin l’ensemble des groupes parlementaires ; je regrette seulement que ni M. Mamère ni M. Bianco n’aient été présents, et je suis surpris de la question qui lui a été posée (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

Parmi les premières conclusions du Grenelle de l’environnement figure le principe, au titre des mécanismes incitatifs, de l'instauration en 2010 d'une écotaxe kilométrique pour les poids lourds utilisant le réseau routier national non concédé.

Si le groupe Nouveau centre partage pleinement l’objectif de réduction des rejets de gaz à effet de serre, il souhaite que soit prise en considération la légitime inquiétude suscitée par cette annonce chez les professionnels qui, loin d'ignorer les enjeux environnementaux, ont déjà engagé une réflexion et une action volontaire pour réduire les émissions de C02.

Que nous le voulions ou non, le secteur du transport routier, qui représente en France près de 3 000 entreprises et plus de 135 000 salariés, est un secteur clé de toutes les économies développées. Il faut préférer la pédagogie à la contrainte, afin d’entraîner l'adhésion des professionnels, d'autant plus qu'un alourdissement de la fiscalité qui ne s'intégrerait pas dans un cadre européen pourrait ruiner la compétitivité de nos entreprises.

Que compte faire le Gouvernement pour que la prochaine présidence française de l'Union européenne soit l'occasion d'avancées significatives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports – Le principe de la création d’une écotaxe sur l’utilisation de nos routes et autoroutes non concédées a en effet été retenu. Il nous paraît légitime, au nom du report modal, que nous fassions payer les poids lourds, tant étrangers que français, comme cela se fait en Allemagne, en Autriche ou en République tchèque, dans le cadre de la directive « eurovignette » actuelle.

Pour autant, le Gouvernement n’entend pas remettre en cause la compétitivité de nos entreprises. Nous allons donc négocier avec l’Union européenne, à l’occasion de notre présidence, une deuxième directive plus souple, et nous prendrons des mesures de compensation, notamment en matière de taxe professionnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT

Mme Françoise de Panafieu – Je voudrais saluer la fin de la première phase du Grenelle de l'environnement, qui représente un moment très important de notre vie démocratique C’est une étape cruciale dans la prise de conscience des problèmes que pose le réchauffement climatique. La démarche restera un modèle de concertation, qui a permis à tous les acteurs de s'exprimer, quels que soient leurs positions initiales ou leurs choix politiques. Je salue le travail effectué par notre groupe, et tout particulièrement par Patrick Ollier et Christian Jacob (Bravo ! » sur quelques bancs du groupe UMP). Le pays a ainsi prouvé que, lorsque le bien commun est en cause, il est capable de se retrouver par-delà les clivages pour apporter des réponses concrètes à des questions complexes et parfois contradictoires.

C'est en effet tout le mérite de ce Grenelle de l'environnement d’avoir fixé des objectifs clairs et consensuels sur un grand nombre de sujets.

Nathalie Kosciusko-Morizet et vous-même, Monsieur le ministre de l’environnement, avez su traduire efficacement la volonté exprimée par le Président de la République de faire de l'environnement une priorité nationale et de la France un modèle de développement durable.

Plusieurs députés du groupe SRC – La question !

Mme Françoise de Panafieu – S’agissant de la traduction des objectifs fixés, pouvez-vous nous indiquer quel sera votre calendrier pour les mois à venir, notamment en ce qui concerne la loi de programmation qui chapeautera l’ensemble des mesures, et comment fonctionneront les comités de pilotage et de suivi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables – Je ne reviens pas sur le Grenelle, qui aura été la plus grande bataille contre les préjugés et les faux-semblants que notre pays ait engagée. Si des programmes ont pu être définis sans que personne n’y perde son âme, c’est bien parce que l’intérêt supérieur de notre pays était en jeu, et parce que tout le monde sait que ces sujets sont incontournables, que ce soit au Canada, en Finlande ou en France.

Ainsi, quinze programmes spécialisés, avec leurs comités de pilotage associant l’ensemble des partenaires représentatifs de la vie réelle du pays, seront établis avant le 15 décembre, comme s’y est engagé le Premier ministre en ouvrant le Grenelle de l’environnement.

Le Parlement sera associé au dispositif. Je salue d’ailleurs le travail de l'Assemblée nationale et du groupe UMP (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), ainsi que l’accord intervenu avec le Sénat concernant un groupe de suivi. Une loi d’orientation et de programmation sera soumise à l'Assemblée nationale avant l’interruption de février.

Le comité de suivi se réunira tous les ans pour constater les écarts entre ce qui était prévu et ce qui a été réalisé, et préconiser des correctifs. La démocratie, c’est l’action ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

CAISSE NOIRE DE L’UIMM

M. Alain Vidalies – L’Union des industries et métiers de la métallurgie, principale organisation patronale, détient une caisse noire de 600 millions d’euros, dans laquelle 20 millions en liquide ont été prélevés ces quatre dernières années.

Les faits, reconnus et exposés dans la presse, soulèvent de nombreuses questions : quelle est l’origine des fonds ? Comment les entreprises ont-elles pu alimenter cette caisse noire, en violation des règles fiscales et sociales ? Qui sont les destinataires de ces paiements illégaux ? Les réponses apportées dans la presse par l’actuel et les anciens responsables de cette fédération mettent en cause leurs salariés ou des organisations syndicales, évoquent une caisse de solidarité opaque contre les grèves. Dans un livre récent, l’ancien directeur des renseignements généraux prétend même que cette caisse aurait servi à financer la campagne électorale d’un candidat de droite à la présidentielle (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Un député UMP - Scandaleux !

M. Alain Vidalies – À l’évidence, il s’agit de détournement de fonds et de corruption, et le silence du Gouvernement ne peut qu’inquiéter les Français. Il ne faut pas que l’affaire en reste aux rumeurs ou aux articles de presse ; des procédures judiciaires doivent être engagées, et ceci relève de la seule responsabilité du Gouvernement. À défaut de quoi, les députés socialistes demanderont la création d’une commission d’enquête parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Au moment où le Gouvernement et la majorité aggravent les sanctions contre la petite délinquance, votre inertie est-elle l’anticipation de votre projet de dépénalisation du droit des affaires ou l’expression de votre volonté d’être forts avec les faibles et faibles avec les forts ?

Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement va-t-il enfin demander l’ouverture d’une instruction judiciaire sur la caisse noire de l’UIMM ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – La meilleure façon de ne pas accorder trop de crédit aux articles de presse n’est pas de s’en servir pour poser une question au Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) C’est votre choix et c’est votre droit. Cependant, on ne vous a pas attendu pour aborder ce sujet ici, puisque, le 9 octobre, M. Perruchot, du Nouveau centre, avait déjà posé une question (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Monsieur le ministre, nous allons attendre que le calme revienne.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Vous pouvez bien lire les articles de presse. J’attends, quant à moi, que ce soit la justice qui parle pour connaître la vérité des faits (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Votre question, si on laisse de côté les effets de manche, me fait penser, d’ailleurs, que vous êtes sur la même longueur d’onde.

Par-delà l’actualité, cela fait des années que certains parlent de ces problèmes, comme nous l’avons fait très clairement pendant la campagne. Car c’est la question de la représentativité syndicale (Même mouvement), de la démocratie sociale, du financement des syndicats, qui est posée. Et vous aussi devrez prendre vos responsabilités, pour dire qui doit financer les syndicats : est-ce l’État ? Sont-ce les entreprises ? Les adhérents ? Ce sont des questions de fond. Au bout du compte, ce sera aux salariés de décider du nombre et de l’audience des syndicats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Et ce ne sont certainement pas vos effets de manche ou votre démagogie qui feront avancer la démocratie sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; exclamations et huée s sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

CHIFFRE DU CHÔMAGE

M. Jean-Pierre Marcon – L’emploi est la préoccupation majeure des Français. J’ai pu constater tout récemment encore les inquiétudes de nombreux salariés de ma commune en raison de la baisse d’activité dans le domaine textile, soumis à une forte concurrence internationale.

Comme vous, Madame la ministre de l’économie, je m’enquiers chaque mois des chiffres du chômage, et je me réjouis de toute amélioration, au moment où notre économie doit faire face aux mutations qu’engendre une économie mondialisée.

Selon les derniers chiffres, le nombre de chômeurs a baissé en septembre de 1,4 %, pour atteindre 1,94 million, c’est-à-dire un recul de 28 000 personnes.

M. Maxime Gremetz – Ce sont les chiffres du Gouvernement !

M. Jean-Pierre Marcon – Mais le chômage est un phénomène complexe, dans lequel il faut, par exemple, distinguer chômage des jeunes et chômage des seniors. Pourriez-vous détailler ces résultats encourageants et nous préciser les mesures que vous comptez prendre pour que le chômage passe sous la barre des 8 % ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Patrick Roy – Allô !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Oui, il y a eu 28 000 demandeurs d’emploi en moins au mois de septembre, soit une baisse de 1,4 % des chiffres du chômage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Il s’agit en l’espèce de demandeurs d’emploi de catégorie 1, c’est-à-dire de personnes qui souhaitent un CDI à plein temps. On observe une diminution dans toutes les catégories. Chez les jeunes, la diminution est de 1,5 % ; chez les personnes âgées, de 0,9 % ; chez les personnes très éloignées de l’emploi, de 3 %.

Des efforts supplémentaires en faveur des jeunes et des salariés âgés, pour lesquels nous atteignons à peine la moyenne, sont donc indispensables ; nous nous y employons.

En outre, le marché de l’emploi sera fluidifié non seulement par la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC (Protestations sur les bancs du groupe GDR), mais aussi par la création d’un guichet unique au service du demandeur d’emploi et des entreprises, dispositif à l’intérieur duquel les maisons de l’emploi instaurées par M. Borloo – auquel je tiens à rendre hommage – trouveront aisément leur place.

Enfin, je ne doute pas que les chiffres du Bureau international du travail, qui seront disponibles le 12 novembre, confirmeront la baisse du chômage, ininterrompue depuis mai 2005 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DOPAGE

M. Philippe Boënnec – La catastrophique édition 2007 du Tour de France, comme les scandales qu’a connus l’athlétisme national et international, semblent montrer que les tricheurs ont désormais une molécule d’avance sur les pouvoirs publics et sur les autorités sportives. Ces comportements, contraires aux valeurs de bien-être qu’incarne le sport – « un esprit sain dans un corps sain » – et souvent motivés par l’appât du gain, sont d’autant plus inadmissibles qu’ils offrent un exemple désastreux à tous ceux, jeunes ou moins jeunes, qui prennent les sportifs pour modèles. Que comptez-vous faire, Madame la ministre de la santé, pour sanctionner comme ils le méritent les sportifs dopés, mais aussi les fournisseurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports La lutte contre le dopage… (« Laporte ! Laporte ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Laissez parler Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé …est une question d’éthique, mais avant tout de santé publique : l’érythropoïétine – l’EPO –, utilisée à des fins de dopage, peut aussi, en augmentant la viscosité du sang, entraîner une thrombose mortelle. Ce ne sont pas seulement les sportifs de haut niveau qui sont concernés, mais l’ensemble de la population !

La lutte contre le dopage que j’ai entreprise avec le secrétaire d’État Bernard Laporte (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) repose sur trois principes. Tout d’abord, le renforcement des contrôles, notamment grâce à l’instauration du passeport biologique, décidée lors du sommet international de lutte contre le dopage par l’union cycliste internationale, l’agence mondiale anti-dopage et un groupe de travail issu du ministère de la santé, et qui permettra de repérer, par la perturbation du profil biologique des sportifs, des substances dopantes encore non détectables. Deuxièmement, le renforcement de la répression, grâce à un projet de loi à l’élaboration duquel le ministre de l’intérieur, la garde des sceaux et moi-même travaillons (« Et Laporte ? » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Enfin, la prévention, grâce aux progrès de la recherche clinique dans certains services hospitaliers, mais aussi grâce à la formation des médecins, puisque certaines substances autorisées pour des raisons thérapeutiques sont désormais utilisées à des fins de dopage ; l’institut national de prévention et d’éducation pour la santé nous y aidera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EMPLOI DES JEUNES

Mme Monique Iborra – Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, qui n’a pas daigné nous répondre à propos de l’ouverture d’une information judiciaire sur les comptes de l’UIMM ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Depuis les désordres de 2005, et malgré vos promesses, vous n’avez rien fait pour les quartiers, sinon y organiser des réunions inutiles qui n’attirent guère de participants. Or, selon un rapport récent de l’Observatoire des zones urbaines sensibles, qui porte notamment sur l’emploi dans les quartiers dits « politique de la ville », les jeunes n’y bénéficient guère de la baisse supposée du chômage au niveau national – que l’INSEE devra confirmer d’ici quelques jours (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Au sein d’une même agglomération, le fossé qui sépare les ZUS des autres quartiers se creuse : les associations qui y assurent un véritable service public bénéficient d’un financement public de plus en plus restreint ; parmi les actifs de 15 à 24 ans, 45 % des hommes et 38 % des femmes sont au chômage ; le nombre d’emplois aidés diminue ; quant à l’attribution des emplois adultes relais, instaurés par la gauche, elle est de plus en plus parcimonieuse. Enfin, les zones franches urbaines n’ont toujours pas fait l’objet d’une évaluation sérieuse alors que les exonérations fiscales et sociales dont bénéficient les entreprises qui s’y implantent s’élèvent à 530 millions d’euros en 2006.

M. le Président – Posez votre question.

Mme Monique Iborra – Que comptez-vous faire pour améliorer concrètement la situation de ces quartiers, notamment en matière d’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville – Une concertation qui implique les citoyens n’est jamais accessoire : c’est cela, la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Aucun des élus de terrain que vous êtes…

M. Jean Glavany – Oui !

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État – …n’ignore le problème que pose l’emploi des jeunes, malgré l’embellie qu’a rappelée Mme la ministre de l’économie.

M. Maxime Gremetz – Embellie ? N’exagérons rien !

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État – Le taux de chômage des jeunes, qui s’élève à 9 % au niveau national, est deux fois plus élevé dans les quartiers, où il atteint 22 % ; dans les ZUS, 150 000 jeunes de moins de 26 ans sont écartés du marché du travail. Même si la baisse du chômage entre 2000 et 2006 a atteint dans les quartiers le niveau national – 10 % -, notamment grâce aux contrats aidés mis en place par M. Borloo, à qui je tiens moi aussi à rendre hommage (Protestations sur les bancs du groupe SRC), l’écart n’a pas été entièrement résorbé.

Vous avez raison d’insister sur les contrats aidés, dont doivent bénéficier les quartiers qui en ont le plus besoin, conformément au plan « Respect et égalité des chances » voulu par le Président de la République, mais aussi par le Premier ministre et par l’ensemble du Gouvernement, afin d’améliorer la situation des banlieues.

M. Frédéric Cuvillier – Mais nous n’avons plus aucun emploi aidé !

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État – Malgré ces contrats, le nombre de recrutements dans le secteur privé reste insuffisant.

Actuellement, une grande concertation nationale est menée pour construire le plan « Respect et égalité des chances ». Tous les élus sont invités à y participer et nombre d’entre vous, y compris à gauche, se sont associés à la démarche - ce dont je me félicite (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). À côté de l’emploi et du développement économique, le Président de la République a retenu le thème de la réussite éducative, essentiel pour tous ceux qui, comme moi, veulent faire émerger l’élite de la société de demain de ces quartiers-là.

Élus de terrain, vous savez qu’il faut aussi lutter contre le désenclavement. Tous les leviers doivent être actionnés contre le fléau du chômage des jeunes…

M. le Président – Merci de conclure, Madame la ministre.

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État  …dont chacun connaît les conséquences. Si les outils de droit commun ne suffisent pas pour ramener le chômage des jeunes dans les quartiers au moins au niveau du taux national, il faut s’attaquer aux freins particuliers qui bloquent leurs possibilités de trouver ou de retrouver un emploi. À ce titre, la lutte contre toutes les formes de discrimination doit s’intensifier.

M. le Président – Merci de conclure, Madame la ministre.

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État Je comprends, Monsieur le président, mais pour une fois que je prends la parole ! (Rires et vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) Tout doit être fait pour répondre à l’envie des jeunes d’entreprendre. Vous ne pouvez sans doute pas imaginer le nombre de jeunes qui ont envie de créer leur entreprise ! Je rappelle qu’un récent sondage a indiqué que 50 % des jeunes des quartiers aspirent à créer leur propre emploi. Le plan « Respect et égalité des chances » doit être une réponse forte, et je vous demande de vous investir au maximum dans la concertation qui préside à son élaboration (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; Bruit persistant sur les bancs du groupe SRC).

RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE

Mme Marie-Louise Fort – Monsieur le ministre du travail, après une première phase de concertation, vous avez de nouveau reçu la semaine dernière l'ensemble des organisations syndicales et des représentants d'entreprise. Suite à ces nouvelles rencontres, certaines organisations vous ont fait des propositions sur le document d'orientation que vous leur aviez remis le 10 octobre. L’enjeu de la réforme des régimes spéciaux est de mettre les Français sur un pied d'égalité pour sauvegarder l'avenir des retraites des agents concernés avec le passage à quarante ans de cotisations. Vous savez que le Gouvernement peut compter sur notre soutien.

Aujourd'hui même, les syndicats d'EDF, de Gaz de France, de la SNCF et de la RATP se sont réunis pour envisager les suites qu'ils entendent donner au mouvement du 18 octobre dernier. À midi, six des huit fédérations syndicales de la SNCF ont appelé à une grève reconductible …

M. Maxime Gremetz – Elles ont raison !

Mme Marie-Louise Fort – …à compter du mardi 13 novembre. De leur côté, les cinq fédérations syndicales de l'énergie ont fixé une date butoir au 5 novembre et se réuniront le lendemain pour décider d'un éventuel appel à la grève pour le 14 novembre ; d'autres se prononceront cet après midi.

Monsieur le Ministre, 5 000 personnes migrent chaque jour de l’Yonne vers Paris pour y travailler : pouvez-vous informer la représentation nationale des derniers éléments dans la conduite de la réforme et des points sur lesquels vous travaillez, en lien avec les organisations syndicales et les entreprises publiques ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Il n’y a qu’une seule réponse…

Plusieurs députés du groupe GDR – C’est la grève !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – …pour assurer l’avenir des retraites des agents des régimes spéciaux, c’est de réussir la réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) Mais il y a des entreprises différentes et des attitudes syndicales différentes. J’ai mis un document d’orientation sur la table…

M. Maxime Gremetz – Arrêtez !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Et nombre d’organisations syndicales sont revenues me voir avec des propositions précises, que je me suis engagé à étudier. Ce matin, j’ai indiqué que nous étions en train de travailler sur les modalités d’application de la décote, de façon à ce qu’un agent qui avance avec la réforme ne soit pas pénalisé en terme de pouvoir d’achat. C’est une garantie importante que nous devons apporter. Au final, un agent qui s’engagera dans la réforme ne perdra pas un seul euro, et il pourra même améliorer une pension de retraite qui est trop longtemps restée bloquée, du fait des clauses couperets qui obligeaient à partir à 50 ou 55 ans sans avoir constitué les droits à une pension complète.

Parmi les organisations syndicales, j’ai entendu celles qui m’ont fait valoir qu’il fallait donner plus de contenu aux négociations dans les entreprises. Je suis d’accord pour aller dans cette voie, à la condition expresse que ces négociations n’annulent pas l’effet du passage aux quarante années. Il y a donc des sujets de dialogue. Mais chacun – y compris les syndicats qui n’ont pas voulu apporter de propositions – doit bien comprendre que la détermination du Gouvernement est totale. Je réponds « non » à ceux qui prétendent qu’il ne faut pas passer aux 40 années, pas de décote ou pas d’indexation des pensions sur les prix. Et je le fais pour une seule raison : ce que nous avons demandé à 25 millions de Français, l’équité commande que nous le demandions aussi aux 500 000 Français concernés par les régimes spéciaux (Protestations sur les bancs du groupe GDR).

M. Maxime Gremetz – C’est honteux !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Ma détermination à dialoguer est entière. Je vois aujourd’hui que le dialogue est possible, et c’est grâce à lui que nous réussirons à réformer les régimes spéciaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Maxime Gremetz – Et les 140 % d’augmentation de salaire, c’est pour quand ?

HEURES SUPPLEMENTAIRES

M. Serge Poignant – Madame la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, je souhaite vous interroger sur l'entrée en vigueur des dispositions de la loi TEPA concernant les heures supplémentaires. Selon différents sondages, 40 à 70 % des Français seraient prêts à travailler plus - pour gagner plus – s'ils en avaient la possibilité. Quant aux entreprises, elles se disent intéressées, mais hésitent, par peur de la complexité – notamment pour les plus petites, ou parce qu’elle craignent d'avoir à renégocier le temps de travail lorsqu’il est annualisé. Je sais que vous avez soigneusement préparé l’entrée en vigueur de la réforme des heures supplémentaires…

M. Jérôme Lambert – Ce n’est pas ce que nous avons constaté !

M. Serge Poignant – …effective depuis le 1er octobre. Peut-être serait-il cependant nécessaire d'accentuer la communication auprès des entreprises, de les rassurer et de les accompagner pour une mise en œuvre opérationnelle à tout niveau.

Madame la Ministre, l’application de la réforme exigera sans doute des adaptations progressives et le traitement particulier de situations spécifiques. Je pense notamment aux entreprises dont le temps de travail est annualisé, qui ne dressent le bilan des heures travaillées qu'en fin d'année. Nous sommes nombreux à souhaiter la réussite de cette mesure importante pour l'emploi et le pouvoir d'achat. Comment en appréhendez-vous la mise en œuvre, un mois après son entrée en vigueur ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Que s’est-il passé depuis la promulgation de la loi du 21 août 2007 ? Nous avions beaucoup travaillé au mois de juillet et la loi est appliquée depuis le 1er octobre. Nous avons publié le décret d’application à la fin du mois de septembre et la circulaire ACOSS avant le lancement des paies du mois d’octobre…

M. François Hollande – Quel exploit !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Pendant tout l’été, nous avons aussi beaucoup travaillé avec le réseau consulaire, les experts comptables et les rédacteurs des sociétés éditrices de logiciels de paie.

Je me suis rendue sur le terrain cette semaine, d’abord dans votre circonscription puis aux Mureaux dans les Yvelines. J’ai constaté que travailler plus pour gagner plus, ça marche ! (Interruptions sur les bancs du groupe SRC) Un salarié rémunéré au SMIC – qui gagne 1 005 euros net par mois – qui fait quatre heures supplémentaires touchera 1 188 euros net à la fin du mois, soit 18 % d’augmentation ! Cela, c’est un véritable résultat ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) La mesure est également applicable – même si c’est plus complexe – aux salariés relevant d’un accord d’annualisation : dès lors qu’on excède 1 607 heures ou 217 jours de travail par an, les exonérations de charges sociales et d’impôts s’appliquent.

La promesse faite par le candidat Nicolas Sarkozy – travailler plus pour gagner plus – a donc été mise en œuvre dès son élection (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Nous allons continuer à améliorer sa mise en œuvre, mais il donne d’ores et déjà des résultats sur la fiche de paye ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT

M. Philippe Plisson – Vous venez de vous louer, Monsieur le ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables, de la démarche de Grenelle. Venant d'un Gouvernement qui est l’un des plus libéraux et des plus conservateurs qu'on ait connus sous la Cinquième République (Protestations sur les bancs du groupe UMP), les intentions affichées en conclusion du Grenelle de l'environnement sont le meilleur de ce que l'on pouvait espérer, tant on était en droit de craindre le pire. Mais chassez le naturel, il revient au galop ! Le signal envoyé aujourd'hui à l’opinion avec ce conseil des ministres décentralisé en Corse, le déplacement en avion des ministres, des collaborateurs et de 1 100 policiers est caricatural de ce qu’il ne faut pas faire, et il conviendra de l'évaluer en termes de coût financier mais surtout de bilan carbone ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Au-delà, comment ne pas percevoir un décalage entre ce qui est présenté comme un enjeu vital pour la planète et le flou dans les propositions du Président de la République sur les sujets les plus décisifs ? Le statut des OGM et la création de la taxe carbone restent encore en débat. De même, les circonvolutions de langage qui consistent à « proposer d'ici un an un plan pour réduire de 50 % l'usage des pesticides dangereux si possible dans les dix ans » reviennent à repousser aux calendes grecques des décisions cruciales pour la santé publique afin de ne pas déplaire aux lobbies concernés, alors que dans ses directives, l'Europe programme ces interdictions sous huit ans. Suspendre l'arrêt des chantiers routiers et aéroportuaires aux cas d'intérêt local laisse d’autre part la porte ouverte aux manœuvres politiciennes et aux clientélismes de tous poils. La proposition présentée comme la plus significative, préconisant des normes de basse tension dans les logements à 50 kilowatts heure par mètre carré et par an reste bien en deçà de ce qu'il faudrait faire et loin des normes fixées par l'Allemagne à 15 kilowatts heure.

Enfin, alors que la France est proportionnellement le pays qui compte le plus d'incinérateurs et qui effectue le moins de tri sélectif…

M. le Président – Votre question, s’il vous plaît.

M. Philippe Plisson – …le problème des déchets, pourtant sensible pour nos concitoyens qui subissent l'inflation des coûts, reste en suspens.

Quel calendrier effectif êtes-vous en mesure de nous proposer pour la déclinaison des annonces en programmes d’action concrets et budgétisés ? (Brouhaha continu sur les bancs du groupe UMP) La concertation ne pouvant se limiter à un forum ponctuel, allez-vous (L’orateur est interrompu ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC)…

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables – Je vous trouve sincèrement affligeant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) de vous livrer à un calcul comptable pour le premier Conseil des ministres de notre histoire qui se tient en Corse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Certes, le président Mitterrand n’avait pas le goût de se promener dans cette belle île ès qualités professionnelles (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)...

M. Jean Glavany – Mitterrand est allé plusieurs fois en Corse !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie – Autorisez-nous à aller à la rencontre des Corses !

Je vous trouve tout aussi affligeant sur le développement durable. Vous avez d’ailleurs eu raison de tout mélanger dans votre question : avec la stratégie mise en œuvre en matière d’énergies renouvelables, la Corse sera comme nous l’avons voulu la vitrine du développement durable de la France ! Elle utilise 33 % d’énergies renouvelables, contre 11 % sur le territoire métropolitain. Voilà la stratégie corse !

Et quand je vous entends sur le Grenelle de l’environnement, ce grand moment démocratique qui nous a vus prendre des positions saluées par tous en Europe, je me dis qu’à propos de conservatisme, vous savez de quoi vous parlez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

AVENIR DE GALILEO

M. Pierre Lasbordes – À partir d'une constellation de trente satellites placés en orbite moyenne et de stations terrestres, Galiléo sera demain un formidable outil qui nous permettra de nous repérer avec une grande précision dans le temps et dans l'espace, de fournir des informations concernant le positionnement dans le domaine des transports, des services, des travaux publics ou du secours à la personne, mais aussi d'assurer l'indépendance stratégique de l'Europe face au GPS américain et à l'émergence de concurrents russes et chinois. La rentabilité économique est assurée : des études établissent à terme un ratio exceptionnel bénéfices-coûts de l'ordre de 4,6 %, d'autres avancent le chiffre de 150 000 emplois créés.

Le déploiement de Galiléo s'est cependant heurté à de nombreuses difficultés, notamment dans le financement du programme, contraignant la Commission à annoncer en juin l'échec du partenariat public-privé initial et à proposer un mode de financement qui, sans augmenter le budget de l'Union, permette à l'autorité publique d'apporter les 3,4 milliards d'euros nécessaires à la mise en service opérationnelle du système. La France a accueilli très favorablement la proposition de la Commission de recourir à un financement communautaire, tout comme l'Italie, l'Espagne, la Belgique et le Luxembourg. Elle est d'accord pour faire appel aux crédits non utilisés par la PAC en 2007. La Grande-Bretagne et les Pays-Bas sont d'accord sur un financement communautaire, mais refusent toute redistribution des enveloppes budgétaires. Le principal blocage vient en fait de l'Allemagne, qui rejette à ce jour l'idée de puiser dans les ressources de l'Union européenne, préférant un financement des seuls États intéressés dans le cadre de l'Agence spatiale européenne. Ce blocage est préjudiciable au lancement effectif du programme Galiléo, sans cesse retardé mais qui doit être opérationnel en 2013.

Vous avez participé le 2 octobre à Luxembourg, Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, au Conseil transports de l'Union pour tenter de trouver une solution. Pouvez-vous informer notre Assemblée sur les conclusions de cette rencontre et l'éclairer sur la position de la France dans ce dossier décisif pour l'Union européenne ? Sera-t-il notamment à l'ordre du jour du Conseil européen des 13 et 14 décembre prochains ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports – L’Europe ne peut rester dépendante, comme elle l’est actuellement, du système GPS américain ; elle doit se doter d’un système satellitaire propre. L’enjeu économique est par ailleurs considérable. Mais, à ce jour, l’accord ne s’est pas encore fait entre les États impliqués dans le projet, qu’il s’agisse du financement ou du mode de gouvernance. Nous y travaillons avec nos partenaires européens et particulièrement avec nos amis allemands, et nous remettrons l’ouvrage sur le métier avec la ferme intention d’aboutir avant la fin de l’année à cet accord essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

RÔLE DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE

M. Thierry Benoit – Ma question s’adresse à Mme Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi…

M. Patrick Roy – Et de la faillite ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Thierry Benoit – Je vous ai interrogée en juillet, Madame la ministre, sur le devenir de la branche « communications » du groupe Safran, dont la filiale Sagem Télécommunications est propriétaire du dernier site de production de téléphones mobiles en Europe occidentale. Or, la situation est particulièrement critique et, après que de mauvais résultats financiers ont entraîné la cession d’une partie des activités de l’entreprise à un fonds d’investissement californien, la population de Fougères et des départements voisins tremble maintenant pour l’avenir de Sagem Mobiles. Quelle est donc, Madame la ministre, la stratégie de l’État pour les entreprises dont il est actionnaire ? Au fil des ans, les scandales ont succédé aux scandales, éclaboussant les gouvernements successifs avec, à la clef, des pertes abyssales : 20 milliards pour le Crédit Lyonnais en 1990, 50 milliards pour France Télécom en 2003, sans même parler du fait qu’en 1997 la SNCF a été autorisée, pour réduire ses dettes, à imputer à RFF le coût de ses infrastructures. Le même scénario vaudra-t-il pour le groupe Safran, dont l’État détient encore un tiers des droits de vote ? Outre qu’elle a révolté les 1 500 employés qui ont manifesté avant-hier en Île-de-France, la cession de Sagem Communications à des investisseurs américains fait s’interroger sur la pertinence du rapprochement engagé en 2004 entre Sagem et la Snecma sous les auspices du Gouvernement. L'Etat ne doit-il pas rappeler au directoire du groupe Safran la solidarité impliquée par cette fusion, au lieu de favoriser la pénétration du marché français par des fonds de pension américains, mettant ainsi en péril, à brève échéance, une dizaine de milliers d'emplois ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Vous le savez, le groupe Safran connaît de grands succès dans le secteur de la motorisation aéronautique. En revanche, en matière de communications, la Sagem connaît de grosses difficultés sur un marché mondial dont cinq constructeurs détiennent à eux seuls 80 pour cent – et elle un pour cent. L’entreprise a donc envisagé toutes les solutions possibles, avec le soutien de son conseil de surveillance et sous la vigilante attention de l’État actionnaire. La cession de Sagem Communications – l’activité de communication à haut débit – dans un avenir très proche tend au maintien de l’emploi, les salariés demeurant employés par le repreneur, dans le capital duquel Safran conservera une part. Rien de tel n’est prévu à Fougères pour Sagem Mobiles et le Gouvernement sera très attentif à la pérennité de l’activité sur le site (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue à 16 heures 5.

La séance est reprise à 16 heures 25, sous la présidence de M. Rudy Salles.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES
vice-président

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 – SECONDE PARTIE (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

PILOTAGE DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE

M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur spécial de la commission des finances – La mission « Pilotage de l’économie française » a été créée à l’occasion de ce projet de loi de finances afin de prendre en compte le nouveau périmètre du ministère de l’économie, des finances et de l’emploi. Regroupant différentes activités d’appui à la définition et à la mise en œuvre de ces politiques, la mission représente 844,1 millions d’euros de crédits de paiement.

Du fait des modifications de périmètre, il est impossible de dresser une comparaison d’ensemble avec le passé. Comme pour toute mission d’état-major et d’études, on observe toutefois que les crédits de personnel prédominent – plus de 70 % du total. Les programmes « Statistiques et études économiques » et « Politique économique et de l’emploi » sont respectivement dotés de 451,1 millions d’euros – soit 1,3 % de plus qu’en 2007 – et 392,6 d’euros en crédits de paiement.

Le premier programme correspond essentiellement aux activités de l’INSEE, tandis que le second, plus composite, regroupe les moyens de trois directions d’état-major du ministère de l’économie, des finances et de l’emploi : la direction générale du trésor et de la politique économique, la direction de la législation fiscale et la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, précédemment rattachée au ministère de l’emploi. Le plafond d’emploi s’élève à 9 425 équivalents temps plein travaillés, dont une grande majorité relève du programme « Statistiques et études économiques ».

Le budget de cette mission n’appelant pas d’observations particulières, j’en viens aux interrogations portant sur notre politique statistique. Il est en effet nécessaire de conforter la fiabilité et la transparence de la mesure du chômage, objet de controverses récentes.

Le taux de chômage mensuel était jusque là calculé à partir de deux sources, ce qui a causé un certain décalage : à l’enquête « emploi » de l’INSEE, relative au nombre de chômeurs au sens du BIT et en moyenne annuelle, s’ajoutent les statistiques mensuelles sur les demandeurs d’emploi de catégorie 1, 2 et 3 hors activités réduites, calculées d’après les données fournies par l’ANPE. Selon la définition du BIT, un chômeur est une personne ayant travaillé moins d’une heure au cours d’une semaine de référence, disponible dans un délai de deux semaines et ayant effectué des démarches effectives de recherche d’emploi. Quant aux catégories 1, 2 et 3 de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE, elles regroupent les personnes qui n'ont pas travaillé plus de 78 heures au cours du mois et qui sont à la recherche d'un contrat de travail, quel qu'il soit.

La méthode de définition du taux de chômage mensuel à partir de ces deux sources suppose qu'elles évoluent de manière similaire ; or, elles ont connu des évolutions divergentes en 2004, 2005 et 2006.

En janvier 2007, l’INSEE a annoncé sa décision de différer le « calage » des statistiques mensuelles de demandeurs d'emploi en 2006 sur les résultats en moyenne annuelle de l'enquête emploi. Selon les estimations mensuelles, la moyenne annuelle était de 9,1 %, tandis que, selon l'enquête emploi, le taux de chômage atteignait 9,8 %.

Le rapport de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales qui vous a été remis le 24 septembre dernier, Madame la ministre, indique que la décision de l'INSEE était techniquement justifiée. Les auteurs estiment que, si la variation du nombre de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE en fin de mois donne en général une indication fiable des tendances du marché du travail, les évolutions du service public de l'emploi ont entraîné en 2005 et 2006 une surestimation de la baisse du chômage par les données de l'ANPE. Plusieurs changements, comme la mise en place des entretiens mensuels personnalisés, qui a entraîné mécaniquement des radiations, ont eu un impact statistique. Quant à l'enquête emploi, les inspections estiment qu'elle manque de fiabilité pour mesurer précisément les évolutions conjoncturelles du taux de chômage, en raison notamment de la taille réduite de l'échantillon – 70 000 personnes, contre deux fois plus chez la plupart de nos grands partenaires européens.

Conformément aux recommandations du rapport, l'INSEE et la DARES ont décidé de ne plus procéder au calage annuel des statistiques de demandeurs d'emploi sur l'enquête emploi et d'arrêter la publication de la série mensuelle de chômage au sens du BIT. Par ailleurs, l'INSEE a annoncé vouloir publier chaque trimestre les résultats de l'enquête emploi et examiner, d'ici la fin de cette année, les moyens d'améliorer sa précision, notamment en augmentant la taille de l'échantillon.

Afin de faciliter les comparaisons, l'INSEE adoptera les mêmes critères qu'Eurostat pour le calcul du taux de chômage trimestriel, ce qui implique notamment la publication d'un taux de chômage englobant France métropolitaine et départements d'outre-mer.

Au-delà de ces évolutions positives, il est nécessaire de parvenir à des indicateurs reflétant la diversité des situations, pour tenir compte de ce que les spécialistes appellent le « halo du chômage ». Le groupe de travail qui a été chargé de travailler sur ce sujet, au sein du Conseil national de l'information statistique, remettra ses conclusions au printemps 2008.

En ce qui concerne la mesure de l'inflation, l'écart entre l'inflation mesurée et l'inflation ressentie ne s'est pas résorbé. Constaté depuis la mise en place de l'euro dans tous les États membres de la zone euro, il a disparu depuis en Allemagne et en Italie, mais il persiste en France, ainsi qu’en Grèce, en Belgique et en Finlande.

L'indice des prix à la consommation est établi à partir de la collecte d'environ 200 000 prix, pour un ensemble fixe de biens et de services dont on respecte l’importance respective dans la consommation totale des ménages. Il s'agit donc d'un indicateur global, qui concerne toutes les formes de commerce et toutes les catégories de consommateurs ; il reflète une évolution moyenne mais ne permet pas à lui seul de bien appréhender les réalités individuelles ou particulières.

L'INSEE calcule aussi des indices par catégorie de ménages et par forme de vente. Il mène également des travaux sur le traitement du logement, dont l'achat, considéré comme un investissement, est exclu du calcul de l'indice. Enfin, il fait des efforts de communication auprès du public sur la signification de l'indice des prix, notamment via son site Internet.

Il convient de poursuivre les travaux visant à obtenir une mesure de l'inflation plus conforme à ce que ressent le public et complétant l'indice des prix à la consommation. Il faut aussi débattre, plus largement, de la mesure du pouvoir d'achat.

Des réflexions portent actuellement sur la notion de « dépenses contraintes », c'est-à-dire les abonnements et prélèvements automatiques, dont le poids a fortement augmenté, notamment dans le budget des ménages aux revenus les plus faibles.

La question de la mesure du pouvoir d'achat, qui a une composante « prix », mais aussi une composante « revenus », devrait être débattue dans le cadre du cycle de discussions qui s'est ouvert le 23 octobre avec les partenaires sociaux sur l'emploi et le pouvoir d'achat.

Enfin, il convient de conforter l'indépendance de fait de l'INSEE. Cette indépendance professionnelle, qui est un principe fondamental de la gouvernance statistique, est qualifiée dans un rapport établi par Eurostat en janvier 2007 de « point fort de la culture de l'INSEE », mais elle est parfois mise en cause dans les médias. L'inscription de ce principe dans le droit, comme c'est le cas dans la plupart des États de l'Union européenne, est donc une priorité. Cette question devrait être séparée de celle du statut de l'INSEE, qui est une direction générale du ministère de l'économie ; la transformation de ce statut risquerait en effet de perturber la fonction de coordination des services statistiques ministériels remplie par l'INSEE. Les études en cours et la nomination d’un nouveau directeur général devraient permettre de répondre aux exigences de transparence et de fiabilité des travaux de l’INSEE.

Madame la ministre, j’ai pris beaucoup de plaisir à analyser cette mission au cœur de l’actualité. Je vous remercie par avance des réponses que vous nous apporterez. La commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption des crédits.

M. André Chassaigne – Le rôle essentiel de l’INSEE, dont les travaux nous informent sur la situation économique et fondent nos décisions, justifie pleinement ses 450 millions de budget.

Les informations délivrées doivent être particulièrement fiables et impartiales pour éclairer les débats sur l'action de l'État. Cette indispensable neutralité d'analyse est-elle toujours assurée ? Le code de bonnes pratiques de la statistique européenne du 25 mai 2005, qui insiste sur l'indépendance, est-il respecté ? Les décisions récentes nous permettent d'en douter.

Le directeur général de l’INSEE, M.  Charpin, vient en effet d’être remplacé par l'économiste en chef de l'OCDE, M.  Cotis, un proche du chef de l'État. Lorsqu’il était ministre des finances, M. Sarkozy n'était pas satisfait du travail coordonné par M. Charpin ; il critiquait notamment les travaux de mesure du pouvoir d'achat, en relayant les récriminations du grand patronat. Ce débat a rebondi lors de la dernière université d'été du MEDEF, où le Président a vivement critiqué le mode de calcul de l'indice des prix à la consommation, prétendant qu’il « ne veut rien dire ». En réalité, cette attaque était une manière de détourner l'attention d'une autre composante essentielle du pouvoir d'achat, à savoir les revenus ; et le directeur général de l'INSEE proposait justement de faire évoluer la mesure du coût de la vie. Le rapporteur a d’ailleurs fait des observations très pertinentes à ce sujet.

D'autres résultats qui n’avaient pas l'heur de contenter le pouvoir en place, en matière de recensement de la population ou de mesure des créations d'emplois, ont fourni d’autres occasions de friction avec M. Charpin. On a ainsi tenté d'orienter le travail de l'INSEE dans un sens favorable aux thèses de M. Sarkozy.

L'INSEE a ainsi dû annoncer en catimini qu'il renonçait à publier son enquête annuelle sur le chômage, à quelques mois de l'élection présidentielle. De mauvais résultats risquaient en effet de nuire à l'image de la droite… La méthode est bien connue : plutôt que de lutter contre une maladie qui s'aggrave, on préfère briser le thermomètre ! Le summum vient d'être atteint avec cette récente nomination.

Le Gouvernement cherche en outre à orienter l'INSEE vers des travaux très contestables. Ainsi, l'institut devra élaborer à l'avenir des statistiques ethniques sur la base du document « Trajectoires et origines ». Cela débouchera sur la mise en place de catégories raciales, à partir d'un questionnaire demandant par exemple à la personne interrogée la couleur de sa peau. Autant demander si une personne a fait l’objet d’une discrimination en fonction de critères ethniques est légitime, autant un recensement de la population sur des critères raciaux sera une première depuis le régime de Vichy !

Ces attaques répétées contre l'indépendance de la statistique ne sont acceptables ni politiquement, ni techniquement. Elles remettent en question un savoir-faire pourtant reconnu par la communauté internationale. Le choix des priorités en matière d’études statistiques ne doit pas relever du bon vouloir d'un seul homme, tout Président de la République qu'il est.

La nomination de M. Jean-Pierre Cotis n’a-t-elle pas pour objectif de casser définitivement cet outil indispensable ? Sa mission est, paraît-il, de « moderniser, dépoussiérer et rénover » l'INSEE. Sera-t-elle aussi de poursuivre le « dégraissage », dans un contexte de réduction généralisée des budgets ? L’INSEE, dont l’effectif est actuellement de 6 000 personnes, perd déjà une centaine d'agents par an. On peut craindre que ce mouvement ne s'accélère.

Dans ces conditions, les députés communistes et républicains sont contraints de voter contre ce budget.

M. Georges Mothron – J’interviens en lieu et place de mon collègue Martin-Lalande, retenu en commission des finances par une audition.

Cette mission de « pilotage de l’économie française » regroupe différentes activités d’appui à la définition et à la mise en œuvre de la politique économique. Il comporte deux programmes, « statistiques et études économiques » et « politique économique et de l’emploi ». Le second regroupe les moyens en personnel de trois directions, celles du Trésor et de la législation fiscale, ainsi que la délégation générale à l’emploi.

Le budget n’appelle pas d’observation particulière : la commission a adopté les crédits de la mission, et le groupe UMP les votera également (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Les 840 millions de crédits de la mission « Pilotage de l’économie française » correspondent pour l’essentiel aux dépenses de personnel de la direction du Trésor et des politiques économiques, de la direction de la législation fiscale, de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, et de l’INSEE.

La politique économique que nous menons avec ces programmes s’inscrit résolument dans un cadre international. Pour obtenir le point de croissance que nous souhaitons, il faut en effet se tourner vers l’extérieur, en particulier vers les pays émergents d’Asie, la Chine et l’Inde, qui ont des potentiels de croissance supérieurs à 10 %. Il est donc très important que la DGTPE soit dotée des moyens de permettre à nos PME d’opérer à l’échelle internationale, comme elles sont encore trop peu nombreuses à le faire, puisque 5 % seulement d’entre elles sont aujourd’hui exportatrices. Nous les y aidons, notamment par le biais du réseau des missions économiques auprès de nos ambassades. Nous progressons, d’ailleurs ; dans le rapport de la Banque mondiale, nous sommes ainsi passés de la 35e à la 31e place. Mais il y a encore du chemin à faire.

Pour cela, les efforts doivent également porter sur l’attractivité du territoire. La direction de la législation fiscale, par le biais de la revue générale des prélèvements obligatoires qui m’a été confiée, devra améliorer l’environnement fiscal des entreprises et des particuliers. Mais encore, tout ce qui concourt à faire de Paris une place financière qui puisse rivaliser avec New York ou Londres contribue à améliorer l’attractivité de notre territoire. Nous ne jouons certes pas encore dans la même division, mais nous avons la volonté de faire aussi bien, avec notre propre système de régulation. Paris possède un pôle de compétitivité « Finance Innovation » qui s’efforce de rendre la place plus attractive en termes de services financiers.

L’objectif de notre politique économique est le plein emploi, c’est-à-dire un taux de chômage de 5 % et un taux d’emploi de 70 % de la population active. Nous y parviendrons en améliorant notre productivité, par l’innovation et une meilleure employabilité des salariés.

Favoriser l’innovation, c’est l’objet du crédit d’impôt recherche présent dans le projet de loi de finances pour 2008, qui triple le crédit d’impôt en matière de recherche et développement, le déplafonne et assouplit ses critères. C’est également l’objet du dispositif de jeune entreprise universitaire, ainsi que de la réforme de la fiscalité sur les brevets ou du nouveau système de brevets en vigueur depuis la ratification de l’accord de Londres.

La délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle travaille, quant à elle, à rendre le marché du travail plus fluide et à le recentrer sur ses utilisateurs, les demandeurs d’emploi et les entreprises, avec la fusion de l’ANPE et des Assedic. De même, il faut que la formation professionnelle débouche sur des qualifications utiles. Aujourd’hui, non seulement les dépenses de formation bénéficient surtout à des personnes qui sont déjà qualifiées, mais elles ne se portent pas non plus suffisamment sur des activités en adéquation avec les besoins du marché.

La loi sur la consommation présentée ce matin en conseil des ministres permettra un gain de pouvoir d’achat dans certains secteurs, comme les télécommunications, en abaissant les prix de revente par des mécanismes de remise.

M. André Chassaigne – Et les producteurs ?

Mme Catherine Coutelle – Et les petits commerçants ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie De même, la défiscalisation des heures supplémentaires représente un gain de pouvoir d’achat net. Nos administrations ont réalisé un gros effort d’information : deux millions de brochures ont été distribuées aux PME, des sites mis en ligne, et un numéro d’appel créé aux URSSAF, qui reçoit en moyenne 700 appels par jour. Le bulletin de salaire ne comporte que trois lignes supplémentaires ; c’est un mince inconvénient, eu égard au gain très considérable de pouvoir d’achat.

Notre méthode, c’est d’abord la concertation, ensuite la concertation, et enfin la concertation ! C’est ce que nous faisons avec la conférence sur l’emploi, le pouvoir d’achat et le coût du travail ; c’est ce que je commence à faire en vue de la fusion de l’ANPE et des Assedic ; et c’est ce que fait le secrétaire d’État, M. Chatel, en réunissant autour de la table les fournisseurs, les représentants des filières agricoles et les grands distributeurs.

Or, nous ne pouvons bien faire que si nous mesurons bien, et c’est pourquoi nous avons besoin d’outils statistiques performants : l’INSEE est un organisme d'une importance vitale pour la réussite de notre politique. Dans le cadre de son contrat pluriannuel de performance pour la période 2007-2009, quelques ajustements sont nécessaires pour améliorer certains de ses indicateurs et renforcer son indépendance.

L'indice des prix à la consommation et les chiffres du chômage – pour mettre un terme à de récentes polémiques – doivent être modernisées. L'INSEE, cité en exemple par le FMI lors de son audit de 2003, a déjà entrepris de grands efforts d'adaptation. Nous devons cependant aller plus loin : lors de la conférence sur l'emploi et le pouvoir d'achat du 23 octobre, j'ai annoncé la constitution d'une commission qui me proposera de nouveaux indicateurs ; ceux-ci pourraient être publiés dès mars 2008. La commission devra proposer une définition des « dépenses contraintes » suffisamment précise et consensuelle pour permettre de calculer des indices d'évolution. Elle devra aussi mettre au point des indicateurs distinguant l'évolution du coût de la vie pour les locataires et pour les propriétaires, car on ne peut pas considérer de la même manière un locataire qui consacre un tiers de son salaire à son loyer et un propriétaire qui a fini de rembourser son crédit.

Pour ce qui est des chiffres du chômage, le rapport des inspections générales des finances et des affaires sociales, rendu le 24 septembre, a constaté des divergences entre les sources. L'INSEE a donc décidé de cesser la publication de la série mensuelle et d'adopter les mêmes critères qu'Eurostat pour le calcul du taux trimestriel.

Sur cette base, l’INSEE rendra publique, en novembre, une série révisée de taux de chômage jusqu'au premier semestre 2007 inclus. Il étudiera également, d'ici à la fin de l'année, les possibilités d'améliorer la précision de l'enquête emploi. Enfin, un groupe de travail présidé par M. de Foucauld, au sein du Conseil national de l'information statistique, a été chargé de proposer de nouveaux indicateurs en matière d'emploi, de chômage, de sous-emploi et de précarité de l'emploi. Ses conclusions devraient être rendues au printemps 2008.

Partant du principe que, pour modifier un état de fait, il est indispensable de bien le connaître, nous n’avons pas hésité à entreprendre de réformer rapidement certains indicateurs, sans remettre en cause ceux qui étaient efficaces.

L’indépendance de l’INSEE, qui lui assure déjà non seulement l’efficacité, mais aussi la confiance des citoyens, pourrait être inscrite dans le droit, conformément aux recommandations incluses en 2005 dans le code de bonne pratique de la statistique européenne. La revue générale des politiques publiques nous fournira l’occasion de formuler, avant la fin de l’année, des propositions en ce sens. En revanche, les exigences européennes n’imposent pas de transformer l’INSEE en établissement public.

J’ai toute confiance dans le nouveau directeur général de l’INSEE, M. Jean-Philippe Cotis, dont je connais l’excellent parcours et les grandes qualités professionnelles : il saura préserver l’indépendance de l’institution et appliquer la réforme de la gouvernance du système statistique public. Son prédécesseur, M. Jean-Michel Charpin, qui a exercé ses fonctions alors que l’actuel Président de la République était ministre de l’économie, sans que cela pose le moindre problème, est désormais inspecteur général en service extraordinaire – point d’orgue à la carrière d’un homme de grande qualité.

En votant cette mission, vous montrerez que vous me faites confiance pour mener à bien la politique économique dont le Président de la République et le Premier ministre m’ont chargée dans leur lettre de mission initiale, puis dans celle qui me confiait la revue générale des prélèvements obligatoires. Compétitivité et emploi ne s’excluent pas : c’est en produisant davantage de richesses et en misant sur l’innovation et le travail que nous développerons la croissance, donc que nous créerons durablement de l’emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTIONS

M. André Chassaigne – Les contrats de partenariat entre public et privé sont à la mode, grâce à une vaste campagne publicitaire : ainsi le Président de la République vient-il d'inviter le Premier Ministre à faire légiférer le Parlement pour « desserrer les contraintes qui entravent encore la procédure », afin de « préparer l'avenir de notre pays en finançant les grands équipements dont la France de demain aura besoin ».

Le Président de la République aurait-il découvert la formule magique permettant d’obtenir la croissance qu'il appelle de ses vœux ? À moins qu’il n’envisage de laisser les grands opérateurs privés financer les futurs équipements publics – hôpitaux, universités, grandes infrastructures ferroviaires, écoles ou gendarmeries. Ainsi, moyennant un loyer versé par la collectivité territoriale ou par l'État, une entreprise privée assurerait des missions de service public dans les domaines de la santé, de l'éducation nationale ou des transports. En d’autres termes, nos services publics, soumis à une gestion privée, seraient ainsi livrés aux tentacules étouffantes du marché, dont les acteurs locaux – PME, artisans ou commerçants – seraient très probablement écartés, au nom de la rentabilité et de la rapidité des procédures, par l'entreprise choisie. Les travaux concernant les gendarmeries de ma circonscription en fournissent un exemple.

Une fois ce dispositif pervers engagé, comment les collectivités locales échapperaient-elles aux pressions qui les incitent à se substituer à un État défaillant, incapable de préserver l’activité d’une gendarmerie, d’un hôpital ou d’une prison ? D'autre part, ces contrats de partenariat seraient-ils, malgré les dérives qu’ils entraînent, destinés à financer la construction des grands équipements – par exemple les 2 000 kilomètres de lignes de TGV – décidés lors du Grenelle de l'environnement ?

Ma seconde question porte sur les pôles de compétitivité, dont le bilan, prévu pour 2008, évaluera les résultats au regard des ambitions initiales, renforcement de la compétitivité du territoire – notamment afin de permettre aux PME les plus fragiles de faire face aux donneurs d'ordres et aux risques de délocalisations – et décloisonnement entre université, recherche et entreprises. Si séduisant soit-il, ce dernier objectif expose la recherche et les universités à une forme de tutelle des entreprises – risque accru par la loi relative à l’autonomie des universités. Sur le plan fiscal, ces pôles consacrent l'éternelle recette, usée jusqu'à la corde – mais qui vous est particulièrement chère, Madame la ministre –, des exonérations de charges sociales et fiscales, dont bénéficient les grands groupes placés au cœur du dispositif.

Les craintes des élus, qui redoutent de voir les territoires les plus favorisés en bénéficier au détriment des plus fragiles, notamment des zones rurales, semblent confirmées par la réduction drastique du nombre de territoires qui perçoivent la prime d'aménagement du territoire, dont le nombre de bénéficiaires est passé, en Auvergne, de 50 à 20 %. Les chefs d’entreprise, notamment de PME, nous font régulièrement part de leurs inquiétudes. Toujours en Auvergne, le pôle Viaméca, malgré un environnement universitaire et industriel favorable – grâce à la présence de l’Institut français de mécanique avancée, et de grands groupes tels qu’Alcan ou Eramet –, n’a pas suffi à protéger contre la politique des grandes entreprises automobiles le bassin d'emplois de Thiers, dont les nombreuses PME et la tradition industrielle étaient pourtant parfaitement adaptés à ses objectifs. Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que le prochain bilan d'étape nous informera clairement des retombées économiques du pôle Viaméca sur le bassin d'emplois thiernois ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Les contrats de partenariat entre public et privé témoignent non d’une défaillance de l’État, mais bien de sa capacité à confier aux plus compétents et aux plus talentueux les chantiers qu’il n’a pas vocation à entreprendre.

M. François Goulard – Très bien.

M. André Chassaigne – C’est une autre culture !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie C’est en tout cas une construction juridique intelligente…

M. André Chassaigne – Qui n’a plus grand-chose de gaulliste !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie …qui permet de mieux partager le risque, de motiver les prestataires bien plus efficacement que ne le ferait une simple sous-traitance, mais aussi d’échelonner et de maîtriser les dépenses publiques, donc de consentir, malgré les contraintes budgétaires qui s’imposent à l’État, les grands investissements dont le pays a besoin. L’ordonnance du 17 juin 2004, qui a donné naissance à ces contrats, a du reste fait des émules à l’étranger, jusque dans les pays de common law.

La mission d’appui aux administrations et aux collectivités désirant conclure des partenariats, rattachée à mon ministère et à celui du budget, a déjà eu à connaître de 50 projets, parmi lesquels 17 émanaient d’une collectivité locale. Mais nous cherchons à aller plus loin, conformément aux indications du Président de la République, qui a demandé au Premier ministre de favoriser le développement de ces partenariats, encore exceptionnels. La santé de nos finances publiques, mais aussi l’intérêt de nos concitoyens, qui ont droit à des services publics et à des infrastructures de qualité, l’exigent.

En outre, joints au dispositif d’accès privilégié à la commande publique – le « SBA à la française » –, ces contrats ouvriront aux PME locales, comme vous le souhaitez, l’accès aux grands chantiers, aux côtés de grands groupes souvent irremplaçables (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

La question des pôles de compétitivité excède le cadre de l’Auvergne, qui vous intéresse particulièrement (Sourires) : 71 pôles – dont 17 pôles mondiaux ou à vocation mondiale – maillent aujourd’hui le territoire national, réunissant des entreprises, des universités, des écoles et des laboratoires qui sont parvenus à surmonter leurs préventions pour œuvrer ensemble à des projets ambitieux.

Quant aux exonérations sociales et fiscales, dont vous me croyez particulièrement friande, le PLF pour 2007 a abandonné les premières, préférant porter de 30 à 45 % le taux de subvention des PME, tandis que les secondes, soumises à la règle de minimis, ne représentent pas plus de 10 % des crédits alloués aux pôles de compétitivité. Ces crédits sont en réalité essentiellement consacrés au financement sur projet, qui permet aux régions rurales, à notre grande satisfaction, de tirer leur épingle du jeu. Prenons un exemple au hasard : en Auvergne (Sourires). Les trois pôles, Céréales Vallée, InnoViande et Viaméca, ont vu neuf de leurs projets labellisés, ce qui porte l’aide de l’État à 9,6 millions d’euros, soit 2,2 % de l’aide globale allouée au territoire. À titre indicatif, la contribution de l’Auvergne au PIB du pays ne dépasse pas 1,8 % !

M. Georges Mothron – C’est bien payé !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Au sein du pôle VIAMECA, cinq projets ont été labellisés par l’État, qui les accompagne à hauteur de plus de 4 millions. Le projet de forage à grande vitesse vibratoire implique la PME thiernoise DAPTA Technologies, qui a connu des difficultés mais qui relève la tête aujourd’hui, grâce à l’excellence de ses équipes et au pôle de compétitivité.

Le bilan des pôles de compétitivité sera dressé en juin et, je l’espère, présenté devant votre Assemblée. Cette démarche innovante a inspiré d’autres pays européens et elle a permis des rapprochements féconds. Le bilan permettra à n’en pas douter d’améliorer et de pérenniser le dispositif, en vue d’aider les acteurs économiques à travailler ensemble pour créer toujours davantage de valeur dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. André Chassaigne – Merci Madame la ministre.

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions.

PILOTAGE DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE

ART. 33 ET ÉTAT B

Les crédits de la mission « Pilotage de l’économie française » mis aux voix, sont adoptés.

ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX

ART. 35 ET ÉTAT D

Les crédits de la mission « Accords monétaires internationaux » mis aux voix, sont adoptés.

La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu mardi 6 novembre 2007, à 9 heures 30.

La séance est levée à 17 heures 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

© Assemblée nationale