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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 6 novembre 2007

1ère séance
Séance de 9 heures 30
37ème séance de la session
Présidence de M. Rudy Salles, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 -seconde partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

SANTÉ

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan – La mission « Santé » ne regroupe qu’une partie réduite de l’effort de l’État en faveur de la santé, puisque n’y figurent ni les dispositifs liés à la sécurité sanitaire – organisation de la veille, réponse aux urgences ou lutte contre les crises sanitaires – ni le financement de la protection maladie, à laquelle l’État participe au titre de la CMU complémentaire, de l’aide médicale d’État et de l’indemnisation des victimes de l’amiante. Par ailleurs, ces crédits n’agissent souvent que comme leviers, pour des financements essentiellement pris en charge par la sécurité sociale : ainsi, le programme « Offre de soins et qualité du système de soins » ne représente que 1 % des dépenses effectuées par l’assurance maladie. L’analyse de ce budget laisse donc une impression d’éparpillement et ne donne qu’une vision très partielle du financement de la politique de santé publique de la France.

Pour 2008, les crédits de paiement sont en très légère hausse, de l’ordre de 0,4 %. C’est donc un budget de continuité, si l’on excepte le programme « Drogue et toxicomanie », piloté par la MILDT, qui subit une baisse de 26 %, des crédits ayant été transférés vers le programme « Santé publique et prévention » ou vers l’INPES. À cet égard, il s’imposerait de rattacher la MILDT aux services du Premier ministre, pour qu’elle puisse mener une action véritablement interministérielle et que les gendarmes et les policiers engagés dans la lutte contre les trafiquants ne dépendent plus du ministère de la santé !

S’agissant de l’exécution budgétaire, il est à regretter que les errements constatés les années précédentes se reproduisent, au point de justifier le reproche d’insincérité. Les autorisations d’engagement pour les instances de pilotage étaient de 28,6 millions dans la loi de finances initiale pour 2006, mais l’exécution a été de 47 millions. Cela n’a pas empêché un dérapage semblable en 2007 : les crédits ouverts s’élevaient à 31,4 millions au 1er octobre, 68 millions ont déjà été consommés ! Cette situation est d’autant plus dommageable qu’elle conduit, par fongibilité, à une réduction drastique des crédits pour la lutte contre les pathologies graves – cancer, sida. À ce sujet, j’aimerais, Madame la ministre, qu’un compte rendu clair permette au rapporteur de retracer l’origine et le montant exact des crédits redéployés !

Les crédits du programme « Santé publique et prévention » stagnent ou sont à la baisse, malgré le transfert de l’opérateur de téléphonie Datis. Seule l’action destinée à l’amélioration de la qualité de vie des patients et à l’accompagnement du handicap fait exception, passant de 7 à 10 millions. La sous-dotation des instances de pilotage semble, encore une fois, être la règle : il est pourtant inquiétant que la Haute autorité de santé connaisse des problèmes de trésorerie ou que les observatoires régionaux de santé – au moment où vous prônez la régionalisation – voient leurs crédits diminuer de 12 % ! L’INPES, quant à lui, devra assumer le même rôle, avec 7,5 millions de subventions en moins ; de plus, aucun versement au titre de la taxe sur les publicités – dont le montant est encore inconnu – n’a été effectué.

Les plans de santé publique sont sans doute essentiellement pris en charge par l’assurance maladie, mais les crédits qui leur sont destinés dans ce programme sont en baisse : de 4,7 % pour la lutte contre l’alcoolisme, de 0,7 % pour le plan Nutrition et santé, et sont peu lisibles, ce qui rend le contrôle parlementaire difficile.

Je m’attarderai quelque peu sur le plan national santé-environnement, qui vise notamment à prévenir les risques dus à l’exposition aux agents physiques et chimiques, en particulier aux pesticides. À Chenôve, une école s’est trouvée imprégnée d’un biocide anti-termites, le Lindane, interdit depuis 2002. Les mesures ayant montré des taux de 10 à 50 % supérieurs à la norme, les enfants ont été évacués. Aux Antilles, ce sont de multiples agents phytosanitaires qui ont été massivement épandus sur une longue période. Parmi eux le chlordécone, qu’on a retrouvé dans les sols, les eaux de source et jusque dans le cordon ombilical des nouveau-nés, et don la rémanence s’étale sur des dizaines d’années. Or, ces pesticides ont des effets graves et avérés, même s’ils sont encore mal connus. Face à cette situation, les résultats du Grenelle de l’environnement apparaissent bien minces, et relèvent parfois de la mystification. Ainsi, l'objectif d’une élimination des cinquante substances les plus dangereuses n’a rien de nouveau, puisqu’il figurait déjà dans le plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides de 2006. Quant à la réduction de 50 % des volumes de produits phytosanitaires utilisés, elle est renvoyée à dix ans et subordonnée à l’existence de solutions alternatives… Le second plan national santé-environnement, qui doit être lancé en 2008, et la loi-cadre qui est annoncée doivent être à la hauteur des enjeux, sous peine de voir l'État à nouveau impliqué dans des procédures en responsabilité du type de celle de l'amiante.

À propos du chlordécone et du rapport alarmant – et contesté – du professeur Belpomme, je pense que vous nous présenterez, Madame la ministre, le plan d'action piloté par la direction générale de la santé. C’est donc l’occasion de dénoncer la complexité générale et donc l'inefficacité des dispositifs de veille et de gestion des crises en matière de pesticides. Il est impossible de savoir qui est le pilote de l’avion : pour Chenôve, c'est l'INVS, mais pour les Antilles, c’est la DGS ; pour la qualité de l'eau de boisson, le ministère de l’agriculture, mais pour les nappes phréatiques celui de l’écologie ; pour la reprotoxicité, la D4E, pour la lutte antivectorielle, la DPPR, mais si les pesticides concernent les salariés, c'est le ministère du travail et de l'emploi, – à moins qu’il ne s’agisse de salariés agricoles, auquel cas le ministère de l'agriculture sera compétent ; c’est l'AFSSA qui est mobilisée s'il s'agit de phytosanitaires et l’AFSSET l’est pour les biocides, sauf en milieu agricole – cela relèvera du ministère de l'agriculture ; la présence de pesticides dans les trains regarde le ministère des transports ; dans les habitations, celui du logement. Finissons en signalant que certains produits phytosanitaires interdits aux professionnels sont en vente libre en jardineries… Il reste donc beaucoup à faire, mais surtout et dans tous les cas à respecter la séparation indispensable entre la gestion et l'expertise. Aux Antilles par exemple, les personnes chargées de l’expertise ne peuvent pas être celles qui avaient accordé des dérogations pour l’utilisation du chlordécone ! Des plaintes sont déposées et il est essentiel d’assurer cette stricte indépendance.

Le deuxième programme concerne l’offre de soins et la qualité du système de soins. Ses crédits, consacrés à la formation médicale initiale et aux principaux acteurs de l'organisation du système de soins, augmentent de dix millions. Je souhaite toutefois appeler votre attention sur la sous-dotation des conférences nationale et régionales de santé, chargées de promouvoir les droits des malades et la démocratie sanitaire et de travailler à la régionalisation. Le dispositif de la formation médicale initiale est également en déficit chronique. L'État a accumulé une forte dette sur ce poste de dépenses – près de 19 millions – et la hausse de 6 millions pour 2008 constitue un premier pas vers le rattrapage mais ne permet pas l'apurement. Des crédits doivent impérativement être ouverts en loi de finances rectificative pour solder cette dette, et les dotations devront désormais couvrir les besoins. Il n’est notamment pas acceptable que les stages de sensibilisation à la médecine générale ne fassent l’objet d'aucun financement nouveau, après les engagements pris devant les étudiants en faveur d’une revalorisation de cette discipline.

La commission des finances a, dans sa majorité, adopté ce projet de budget.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles – Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, les crédits de la mission « Santé » restent stables. L’État pourra ainsi poursuivre ses actions en matière de prévention, de pilotage de l'offre de soins et de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Cette stabilité globale – avec une hausse de 1,68 % des autorisations d’engagement et de 0,39 % des crédits de paiement – mérite d’être saluée, compte tenu de la faiblesse des marges de manœuvre. Le projet de loi de finances pour 2008 conforte ainsi les priorités fixées par la loi du 9 août 2004, notamment en matière de lutte contre le cancer et contre le sida. Il permet également de financer de nouvelles actions telles que le futur plan Alzheimer, concernant à la fois la recherche, la détection précoce de la maladie et la prise en charge des patients. Dans le cadre du plan « psychiatrie et santé mentale » sera financée une nouvelle stratégie de prévention du suicide et le nouveau dispositif d'injonction de soins pour les auteurs des infractions les plus graves. Les moyens consacrés aux indemnités de maître de stage perçues par les libéraux passent de 7 à 9,2 millions, afin de développer les stages de sensibilisation à la médecine générale prévus par le plan sur la démographie médicale. Seront également renforcées la Haute autorité de santé et l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation, tandis que la modernisation de la gestion du personnel hospitalier sera assurée par le Nouveau Centre national de gestion dont 2008 sera la première année pleine de fonctionnement. Il faut enfin rappeler que la baisse apparente des moyens de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies – MILDT – s'explique par le transfert à un autre programme des crédits destinés à la téléphonie sociale et aux actions d'éducation.

J’en viens à la partie thématique de mon rapport, consacrée au bilan de la régionalisation de la politique de santé publique. La loi du 9 août 2004 a profondément rénové la gouvernance de la santé publique, avec une organisation à la fois déconcentrée, puisque le niveau régional devient l'échelon de référence pour la définition et la mise en œuvre des actions, et partenariale, car il s’agit de mettre en cohérence les actions menées jusque là de façon éclatée par l'État, les caisses d'assurance maladie et les collectivités territoriales. Ainsi, dans chaque région, une conférence régionale de santé est censée réunir tous les acteurs – professionnels, établissements, administrations, caisses, collectivités territoriales, usagers ou personnalités qualifiées – pour établir un bilan de la santé de la population permettant de prendre en compte les spécificités régionales. Les plans, priorités et objectifs nationaux fixés par la loi du 9 août 2004 sont déclinés et adaptés dans chaque région en un plan régional de santé publique, élaboré en concertation avec la conférence puis arrêté par le préfet de région. Ces PRS comportent des volets consacrés aux plus démunis, aux risques liés à l'environnement en général et au travail, à la santé scolaire, aux détenus et à la sécurité sanitaire et peuvent comprendre des programmes servant des objectifs spécifiques définis par le conseil régional.

La mise en œuvre du plan régional est confiée à un groupement régional de santé publique, structure administrative souple – sous forme de GIP – qui rassemble l’État, l'INPES, l’INVS et l'assurance maladie, membres d'office, ainsi que les collectivités territoriales volontaires. Mais le pilotage de la politique de santé publique reste contrôlé par l'État. C'est en effet le préfet de région qui nomme les membres de la conférence régionale de santé, qui approuve la convention constitutive du GRSP et qui nomme son directeur. Surtout, les textes assurent à l'État la majorité absolue des sièges au conseil d'administration des groupements. Or, les auditions ont fait apparaître que c'est justement cette prééminence de l'État qui explique certaines insuffisances. Le fait qu’il assure seul et directement le secrétariat des conférences pourrait limiter leur autonomie et donner à leurs travaux un caractère très formel, en dépit des efforts sincères faits pour animer ces lieux de démocratie. Quant aux plans régionaux de santé publique, leur élaboration a créé une véritable émulation et permis de prendre conscience de l'importance des problèmes, mais ils gagneraient à être plus opérationnels et plus centrés sur les spécificités régionales au lieu de se borner à décliner les objectifs nationaux.

Surtout, les GRSP, censés être les guichets uniques fédérant toutes les actions régionales et mutualisant les moyens, n’ont été installés que de façon tardive – en 2006 ou 2007, alors qu’ils avaient été créés par la loi de 2004 – et n'ont pas toujours réussi à susciter l'adhésion de l’ensemble des acteurs régionaux. En premier lieu, ils n’ont pas su mobiliser suffisamment les collectivités territoriales : 9 régions et 32 départements ont refusé d’y adhérer, et presque aucune collectivité territoriale ne mutualise au sein du GRSP les crédits qu’elle consacre à la santé publique. Les régimes d’assurance maladie ne jouent pas davantage le jeu de la mutualisation financière : dans le cadre de leurs conventions d’objectifs et de moyens, ils ont obtenu de conserver la maîtrise exclusive d’une partie de leurs fonds de prévention. Quant à l’INPES, il participe peu aux GRSP et conserve la maîtrise de ses appels à projet, même lorsque ceux-ci se déclinent au niveau régional.

Au vu de ce bilan, il me semble que la dynamique créée par la loi du 9 août 2004 doit être entretenue à l’aide d’institutions plus solides que les GRSP et dans le cadre d’un pilotage unifié du système de santé. D’après les auditions auxquelles j'ai procédé, les insuffisances constatées ont en effet trois causes principales : des capacités d'expertise sanitaire inégales d'une région à l'autre, une articulation imprécise du pilotage national de cette politique avec ses échelons territoriaux de mise en œuvre, et le cloisonnement entre la prévention, le secteur sanitaire et le secteur médico-social.

Pour être efficaces, les plans régionaux de santé publique doivent être suivis et évalués. Cette évaluation ne doit pas être effectuée de façon ponctuelle : il y faut un dispositif de suivi au jour le jour. Un tel suivi suppose des capacités scientifiques et administratives que tous les observatoires régionaux de la santé ne possèdent pas. Il faut donc renforcer les capacités de connaissance et d'observation de la santé en région, notamment par un partage accru des moyens d'observation aujourd’hui éclatés entre différents acteurs – fichiers des caisses primaires, PMSI, réseaux de l'INVS ou systèmes d'information des conseils généraux pour la protection maternelle et infantile.

Dans le pilotage de la politique de santé publique, l'articulation entre niveau national, échelon régional et territoires doit être clarifiée. Le niveau national me semble pertinent pour hiérarchiser les priorités de santé publique – trop nombreuses dans la loi du 9 août 2004 – et animer le réseau des GRSP, si possible en leur donnant un interlocuteur unique. L'échelon régional doit constituer un niveau d'adaptation et de déclinaison opérationnelle de ces priorités nationales, les GRSP jouant le rôle de « relais de management ». Cela suppose qu'ils disposent de marges de manœuvre financières, et pas seulement de crédits fléchés comme c'est le cas aujourd'hui. Mais si la politique de santé publique peut être organisée à l'échelon régional, c'est au plus près du terrain qu'elle doit être mise en œuvre, en lien avec les acteurs locaux. Or la territorialisation des actions de santé publique se heurte à deux difficultés : un manque d'ingénierie administrative dans certains territoires et une difficulté à déterminer le zonage pertinent. Pour y remédier, les instances régionales doivent inciter les associations à professionnaliser leurs pratiques. Les expériences locales menées en ce sens devront être évaluées et le cas échéant étendues. Quant au zonage à retenir pour territorialiser les actions de santé publique, il n’est pas utile d’innover : sauf exception, les territoires de santé délimités dans le cadre des schémas régionaux d'organisation sanitaire – SROS – semblent être l'échelon le plus pertinent.

Adopter les territoires du SROS pour mettre en œuvre le PRSP irait d’ailleurs dans le sens d'une meilleure articulation de la politique de santé publique avec le pilotage de l'offre de soins de ville, la planification hospitalière et l'organisation du secteur médico-social. Le pilotage territorial du système de santé est aujourd’hui éclaté, alors que la santé publique, les soins et les services médico-sociaux forment un camp professionnel cohérent. Or, si les textes prévoient une articulation du PRSP avec le SROS, ce n'est pas le cas pour les autres instruments territoriaux de planification, comme les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie – PRIAC –, la politique des réseaux et certains schémas médico-sociaux des départements – schémas gérontologiques, schémas « enfance et famille », « enfants et adultes handicapés », « accès aux soins », « pratiques addictives » –, les plans départementaux d'insertion et les plans départementaux « solidarité santé ».

L'intégration de la politique de santé publique dans le champ de compétence des futures agences régionales de santé – ARS – me paraît donc souhaitable. Je ne proposerai pas ici une architecture pour les ARS – cela revient à la mission d'information présidée par notre collègue Yves Bur. Je me suis simplement demandé si la santé publique serait mieux promue si elle relevait des compétences des futures ARS ou si elle demeurait isolée du pilotage régional du système de santé. La majorité de mes interlocuteurs considère que dans le premier cas, cette politique serait pilotée par une administration plus forte que le GRSP et mieux articulée avec les autres secteurs du système de santé. En outre, si les ARS sont compétentes à la fois en matière de santé publique, d'offre de soins et de services médico-sociaux, il sera difficile à l'assurance maladie et aux collectivités territoriales de ne pas s'y impliquer.

On pourrait certes craindre de voir la santé publique négligée par des ARS au large périmètre. Mais il me semble que cette crainte peut être écartée si les moyens de la santé publique sont garantis par des mécanismes financiers comme la fongibilité asymétrique des crédits au sein des ARS, et si l'État y est représenté, même sans être majoritaire. Dès lors, la politique de santé publique gagnerait beaucoup à être incluse dans les compétences des ARS.

Pour l'heure, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales vous propose d'adopter les crédits de la mission « santé » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jean-Luc Préel – Le débat sur le budget de la santé revêt toujours un côté surréaliste. Ce budget est en effet fort modeste – 432 millions d'euros, en augmentation de 1,68 % – au regard des dépenses remboursées par l'assurance maladie – 152 milliards d'euros – et des dépenses courantes de santé – de l'ordre de 210 milliards. D’autre part, il est regrettable que nous ne puissions avoir chaque année un vrai débat sur la politique de santé, sur les sommes que la Nation consacre à la prévention, au soin, à la recherche et à la formation, et sur les différents modes de financement – cotisations sociales, CSG, impôts et taxes, cotisations aux complémentaires et reste à charge – car in fine, c'est toujours le même citoyen qui paye. Surtout, veut-on maintenir une solidarité entre le bien portant et le malade ?

Je plaide également pour un vrai ministère de la santé ayant les moyens de ses missions. Le découpage actuel m'inquiète : un ministère de la santé, un ministère des comptes sociaux, un ministère de la solidarité responsable des personnes âgées et des handicapés, un ministère de la fonction publique qui décide des rémunérations de la fonction publique hospitalière sans lien avec l'ONDAM, un ministère de l'éducation nationale, un ministère de l'enseignement supérieur… sans oublier celui de l'agriculture et les nombreuses agences dont je vous épargnerai la liste. Il faut un ministère responsable de l'ensemble des secteurs de la santé, y compris la formation des professionnels ! Il conviendrait donc de simplifier et de coordonner les diverses structures. Qui a le pouvoir de réformer la formation initiale des médecins, et même simplement de rendre effectif le stage auprès du médecin généraliste au cours du deuxième cycle ? Qui va décider demain de la création de services de soins à domicile pour personnes âgées : le ministre de la solidarité, celui de la santé, celui des comptes, l'ARH, la DDASS, le préfet ?

J’ai lu avec intérêt le rapport de Jean-Marie Rolland sur l’application de la loi de santé publique de 2004. J’y ai retrouvé l'essentiel des critiques que j'avais formulées lors des débats. Cette loi avait été annoncée comme la loi du siècle – rien de moins ! J’avais regretté que l’on n’ait pas choisi quatre ou cinq priorités prenant en compte la mortalité prématurée évitable, sur lesquelles nous aurions pu « mettre le paquet » pour obtenir des résultats. On a préféré énoncer un catalogue de 104 priorités avec des objectifs quantifiés. Madame la ministre, où en sommes-nous dans la réalisation de ces objectifs ? Avons-nous des chances de les atteindre?

J’avais également déploré que l’on ait négligé les acteurs de terrain au profit de l'INPES, qui voulait mettre en place des correspondants régionaux. Je pense au contraire que c’est sur ces acteurs de terrain que doivent s’appuyer la prévention et l'éducation à la santé. Il faut donc réunir les associations dans les CODES au niveau départemental et les CRES au niveau régional, et conforter la fédération nationale.

Une troisième critique portait sur la création des GRSP présidés par les préfets et donc par les DRASS. Séparer la prévention et le soin est une aberration. Un bon professionnel de santé, lorsqu'il prend en charge un diabétique ou un insuffisant rénal, est amené à le soigner, mais aussi à faire de l'éducation, voire, en cas de maladie génétique par exemple, de la prévention. Les GRSP ne fonctionnent toujours pas. Quant aux conférences régionales de la santé, elles demeurent des grand-messes où l'on retrouve surtout les institutionnels, les rapports étant souvent prêts avant la réunion.

Nous étions déjà nombreux à l'époque à souhaiter la création d'agences régionales de santé. Mais il avait été décidé de donner aux préfets, qui n'avaient pas apprécié la création des ARH, un lot de compensation. Cette année, la réflexion est engagée avec la mission confiée à M. Ritter et la mission parlementaire présidée par Yves Bur.

Les ARS peuvent devenir réalité. Il convient d'abord d'en définir le périmètre : bien sûr les soins, certainement la prévention et l'éducation à la santé, peut-être le médico-social, mais aussi la formation des professionnels de santé. La création de ces agences doit aboutir à une simplification administrative : il conviendra de supprimer les GRSP et de redéfinir le rôle des DRASS et des DDASS. Il ne faudrait pas non plus que le directeur de l'ARS soit un préfet sanitaire ! Je plaide donc pour la création de vrais conseils régionaux de santé, où siégeraient tous ceux qui s'intéressent à la santé, y compris les associations de malades. Ils étudieraient les besoins et l'adéquation entre offre et besoins en s'appuyant sur les travaux des observatoires régionaux de santé. Ceux-ci jouent déjà un rôle important, mais ils ont besoin de voir confortés leurs moyens humains et financiers. Or les crédits qui leur sont destinés diminuent de 12 % dans le budget 2008…

Les conseils régionaux de santé seraient chargés de contrôler l’ARS et de gérer l’ONDAM régionalisé. Les professionnels de santé seraient ainsi associés en amont à la décision et en aval à la gestion, seule façon d’obtenir une véritable maîtrise médicalisée. J’espère que l’année 2008 sera mise à profit pour préparer cette importante réforme, facteur d’une meilleure politique de santé de proximité et d’une plus grande responsabilisation de l’ensemble des acteurs.

J’en viens aux crédits de cette mission, qui restent modestes et n’augmentent que de 1,68 %, soit le niveau de l’inflation. Quant aux moyens alloués au programme « drogue et toxicomanie », la baisse de 26,7 % prévue cette année correspondrait à un simple transfert de crédits. Toutefois, pouvez-nous nous assurer que les fonds destinés aux associations, aux structures d’accueil et de soins, mais aussi à la prévention, seront au moins maintenus ? Il s’agit de problèmes de santé essentiels… Ce budget ne permettra pas de réaliser des miracles, et il faudra veiller à l’efficience des dépenses. Le ministère de la santé se doit d’être exemplaire sur ce point.

Malgré son dévouement, une grande partie du personnel est inquiet, notamment les médecins et les pharmaciens inspecteurs : leurs missions s’accroissant, de même que leurs responsabilités, ils attendent une revalorisation de leur statut et l’établissement de passerelles avec les praticiens hospitaliers, conformément aux engagements pris. Ces personnels ont besoin de reconnaissance, et nous avons besoin d’eux, Madame la ministre. Écoutez-les !

La santé concerne tous nos concitoyens ; elle les passionne même, car chacun souhaite demeurer en bonne santé et avoir accès à des soins de qualité. Il est donc regrettable que nous ne puissions débattre chaque année de l’ensemble de notre système de santé. Je plaide également, et vous serez sans doute d’accord avec moi (Sourires) pour un ministère de la santé de plein exercice, disposant de pouvoirs étendus afin de garantir l’égalité sur notre territoire et de définir les grandes priorités.

Depuis plusieurs années, je plaide également pour la nomination d’un responsable unique de la santé au niveau régional, dont la compétence s’étendrait aux soins ambulatoires, aux établissements de santé, à la prévention, à l’éducation à la santé et à la formation, sous le contrôle d’un conseil régional de la santé. Une telle évolution permettrait de mieux responsabiliser les acteurs et de renforcer la maîtrise médicalisée des dépenses. Il faut souhaiter que la création des ARS, désormais prévue, aboutisse à une véritable simplification de notre organisation.

Votre tâche est ardue, Madame la ministre. Nous devons améliorer notre système de soins, aujourd’hui plongé dans une crise profonde, tout à la fois morale, organisationnelle et financière. J’attends donc avec intérêt les réponses aux quelques questions que je vous ai posées (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Mme Claude Greff – Permettez-moi de saluer le remarquable travail de nos deux rapporteurs. Le bilan sur la régionalisation de la santé, réalisé par M. Rolland, fera date dans la perspective de la création des ARS, qui devrait avoir lieu en 2008.

Je pourrais vous demander, Madame la ministre : « Comment allez-vous ? » Cette question paraît anodine, mais elle est en vérité d’une incroyable complexité. Notre ambition est que tous les Français puissent y répondre : « Très bien ».

Discipline médicale, la santé publique est aussi un savoir-faire bénéfique à tous. Elle contribue à l’amélioration de l'état sanitaire d'une population, apprécié au moyen d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs, mais l’expression désigne aussi l'ensemble des moyens collectifs permettant de soigner, d’améliorer la santé et d'améliorer les conditions de vie.

La mission que nous examinons ce matin concerne donc directement le bien-être de nos concitoyens. Je consacrerai mon intervention à deux plans moins connus que d’autres, l’un relatif à la psychiatrie et à la santé mentale, l’autre aux « maladies rares ».

Les crédits budgétaires augmentent légèrement cette année, mais le plus important est votre volonté, Madame la ministre, d’améliorer la répartition et l’efficacité des moyens alloués. Regroupant les trois programmes « Santé publique et prévention », « Offre de soins et qualité du système de soins » et « Drogue et toxicomanie », cette mission correspond aux engagements du Président de la République et du Gouvernement, qui ont notamment souhaité le financement de plusieurs actions prioritaires, comme le plan Alzheimer.

Doté de 290 millions d'euros en crédits de paiements, le programme « santé publique et prévention » est relatif au pilotage de la politique de santé publique. Il est donc la clé de notre engagement en faveur du « mieux-être » et du « mieux-vivre », mais aussi le principal instrument de la maîtrise des comptes publics. N’oublions pas que les dépenses de prévention d'aujourd'hui sont les économies de demain ! « Ne pas prévoir, c’est déjà gémir », prévenait déjà Léonard de Vinci, figure emblématique de ma Touraine.

Le développement de la prévention et l’éducation à la santé sont en effet essentiels. C’est dès le plus jeune âge que notre « capital santé » se constitue et c’est pourquoi nous devons informer et former les plus jeunes et leurs familles ! Le ministère de l’éducation a ainsi inscrit dans les cursus scolaires, du CM2 à l’Université, un programme obligatoire de prévention des pratiques addictives.

Le pilotage de la politique de santé publique incombera à la direction générale de la santé, qui s'appuiera notamment sur l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé. Mais il faut également renforcer le dépistage précoce des maladies afin d’agir efficacement sur elles, au lieu de subir les ravages d'une pathologie déjà trop avancée. Il faut également lutter contre les pathologies à forte mortalité et morbidité : 151 millions d'euros y sont consacrés.

Sans être modifiées, les stratégies retenues au cours de la dernière législature seront optimisées. Quarante millions seront ainsi consacrés au plan cancer, et nous devrons amplifier le programme de prévention auprès des femmes avec le dépistage des cancers du sein et du col de l'utérus, tout en généralisant le dépistage du cancer colorectal. Quant à la lutte contre le sida, 37,2 millions d'euros iront au programme d'action 2005-2008. N’oublions pas non plus la lutte contre les pratiques à risques, qui passe par la réduction de la consommation de tabac, d'alcool et de drogues, ni le plan « Psychiatrie et santé mentale », dont vous pourriez dresser un premier bilan, ni enfin le programme national « Nutrition santé ».

J’en viens à un plan moins connu : celui des maladies rares. Créé en 2005 et devant arriver à son terme en 2008, il concerne peu de personnes et on a parfois le sentiment que les efforts de recherche sont insuffisants. Or, ces maladies posent un problème médical nouveau : il faut apprendre à découvrir et à reconnaître l'exception, et surtout à partager l'information sur l'ensemble du territoire.

Les maladies rares relèvent aussi de l'éthique politique : nous devons prendre en compte des besoins des plus faibles et des moins nombreux. L'ensemble de notre système sanitaire et médical doit être impliqué, car il faut garantir l'égal accès aux soins et rechercher une meilleure prise en charge et un meilleur accompagnement des malades. Maladies souvent graves, chroniques et invalidantes, les maladies rares peuvent nécessiter des soins spécialisés. Bien souvent, elles sont également à l’origine de handicaps de tout type, parfois très sévères. Bien qu’elles se soient mobilisées pour faire reconnaître l'importance de ces maladies longtemps ignorées, les familles concernées sont donc lourdement affectées.

J’ajoute que la méconnaissance des divers aspects de la maladie par les acteurs sociaux et médico-sociaux peut provoquer des retards dans le recours aux dispositifs d'aides. Pouvez-vous donc dresser un premier bilan du plan « maladies rares », Madame la ministre ? Nous connaissons tous les difficultés de l'accès aux soins et de la prise en charge de ces malades. Il faut multiplier les efforts de dépistage, de recherche, d'information et de formation des professionnels, ainsi que de tous les partenaires internationaux.

J’en viens au programme « Drogue et toxicomanie », dont les moyens s'élèvent à 27 millions d'euros en autorisations d'engagement et de crédits de paiement. Cette baisse purement technique s’explique par un transfert d'activités entre la MILDT et la direction générale de la santé.

M. le Président – Veuillez conclure.

Mme Claude Greff – Alors qu’on parle souvent de désengagement de l’État, cette mission en est un parfait contre-exemple (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Touraine – La santé publique exige une volonté politique, des moyens budgétaires et l’affirmation de valeurs. Il s’agit en effet d’améliorer l’état sanitaire de tous nos concitoyens, mais aussi de prévenir des menaces, des épidémies, des fléaux sanitaires, et de protéger les plus faibles et les plus vulnérables d’entre nous. Face à l’inégalité du fardeau sanitaire que fait peser sur nous la nature, certains se contentent de regrets ; d’autres pensent que cette injustice insupportable doit être corrigée. C’est précisément la mission de notre politique de santé publique.

Pour mieux aborder ces questions, nous devons faire preuve d’une plus grande clarté en nous débarrassant d’un jargon trop souvent hermétique pour nos concitoyens. Il faut également réaliser la régionalisation que nous appelons de nos vœux. Les ARS seront utiles à condition qu’elles soient dotées de moyens budgétaires adéquats, sans transferts non compensés de compétences. Il serait également nécessaire d’augmenter les crédits de certaines missions de santé publique.

Je pense notamment à la prévention, domaine où notre pays est en retard par rapport à nombre de pays voisins, notamment d’Europe du Nord. Les 430 millions d’euros inscrits dans ce budget ne suffiront pas à combler notre retard… Le rapporteur semble relativiser la misère des crédits : ils sont effectivement maintenus au niveau de 2007 malgré les contraintes budgétaires actuelles, mais rien ne justifie un tel manque d’ambition. Les temps sont durs, c’est exact, mais pas pour tout le monde.

M. Denis Jacquat – Que voulez-vous dire ?

M. Jean-Louis Touraine – Ce serait une erreur de chercher à réaliser de petites économies : tous les professionnels savent en effet que les investissements en matière de santé permettent de fortes économies ! La prévention, le dépistage précoce, les soins prodigués au moment opportun seront toujours d’un coût moindre que la prise en charge lourde de maladies installées ou mal soignées. Il faut donc investir dans la santé publique afin d’améliorer les perspectives de maîtrise médicalisée des coûts.

J’en viens à la question du cancer, où les nombreux effets d’annonce du Gouvernement n’ont produit qu’un résultat médiocre. Certains en avaient pourtant fait une « cause nationale » pendant la campagne présidentielle !

M. Denis Jacquat – C’était il y a quelques mois ! Nous ne sommes pas Jésus-Christ !

M. Jean-Louis Touraine – Les résultats sont là : la prévalence des cancers augmente, et ces maladies sont devenues la première cause de mortalité en France.

S’agissant du tabagisme, la loi Evin a été complétée par de nouvelles dispositions, mais leur frilosité est telle que nous avons perdu notre place dans le groupe des pays les plus en avance dans ce domaine. Il y a pourtant des vies à sauver en grand nombre, et de nombreuses recherches à mener.

La France stagne également pour ce qui est de la lutte contre l’alcoolisme, qui progresse dans la jeune génération. Nous attendons également des décisions plus courageuses pour ce qui est de l’environnement : malgré de nombreux effets d’annonce, à Grenelle comme ailleurs, les résultats manquent.

Le sida, grande cause nationale lui aussi, est dramatiquement délaissé ; nombreuses sont les d’associations qui ont vu diminuer leurs subventions, ce qui a entraîné licenciements et diminution des activités. Aujourd’hui près de la moitié des malades dépistés sont au stade de sida avéré, lequel se situe souvent cinq à neuf ans après la contamination ; l’efficacité du traitement est donc moins complète, et ce délai est aussi responsable de nombreuses contaminations supplémentaires. Hier maladie toujours mortelle, le sida est devenu une maladie chronique. Davantage de malades à suivre devrait signifier davantage de moyens financiers, Madame la ministre ! Et pour longtemps, car le vaccin n’est pas pour demain.

M. le Président – Il faut conclure.

M. Jean-Louis Touraine – Pour organiser la lutte contre le sida, les COREVIH ont remplacé les CISIH dans chaque région. L’objectif, louable, était d’impliquer davantage les différents acteurs, y compris associatifs, à côté des soignants. Malheureusement, l’insuffisance de concertation a entraîné le désaveu de nombreuses associations : en Rhône-Alpes par exemple, on a tenté de mettre en place le COREVIH en violation des règlements, en remplaçant des votes par des désignations.

M. le Président – Concluez, je vous prie.

M. Jean-Louis Touraine – Je n’évoquerai donc pas les problèmes de la psychiatrie et du programme « Drogue et toxicomanie », dont ce projet ne prend pas non plus la mesure. Joint au PLFSS et aux désastreuses franchises médicales, ce budget conduira donc à un recul de la santé publique, dans laquelle il faudrait au contraire investir en impliquant davantage l’ensemble des praticiens, comme l’avait suggéré un ancien directeur général de l’INSERM, M. Philippe Lazar.

M. le Président – Chaque orateur doit s’en tenir à ses cinq minutes de temps de parole. On peut écourter les interventions en évitant les redites.

M. Denis Jacquat – Pour ma part, j’ai toujours respecté mon temps de parole.

On ne peut que se réjouir que, dans le cadre du programme « santé publique et prévention », les crédits consacrés à la maladie d'Alzheimer, chantier prioritaire du Président de la République, progressent de manière importante.

La lutte contre les maladies neuro-dégénératives est en effet abordée avec détermination – et je remercie Cécile Gallez d’avoir fait en son temps un rapport remarquable à ce sujet. Parmi elles, la maladie d'Alzheimer progresse tel un tsunami, et on ne peut qu'approuver les objectifs retenus : favoriser la recherche médicale ; parvenir à une détection précoce de la maladie ; assurer une meilleure prise en charge des patients. Lorsque les deux premiers buts seront atteints, le nombre de personnes touchées diminuera, mais il faut pour cela de très nombreuses années. En attendant, il faut améliorer la prise en charge, tant à domicile qu’en institution, et mettre en place toutes les passerelles possibles entre ces deux piliers, allant de l'aide aux aidants à la solvabilisation des prises en charge. Il convient pour cela de trouver des ressources nouvelles.

Pour terminer, je voudrais rappeler que l'OMS a fait des maladies chroniques, telles l'insuffisance rénale, l'insuffisance cardiaque ou l'insuffisance respiratoire, de plus en plus fréquentes et très invalidantes, l’une de ses priorités. Où en est la mise en place du plan « maladies chroniques » 2007-2011 ?

Madame la ministre, nous connaissons votre volonté. Ensemble, nous réussirons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Vous avez les félicitations de la présidence pour la brièveté de votre intervention !

M. Louis-Joseph Manscour – Madame la ministre, je comprends la difficulté de l'exercice auquel vous avez dû vous plier, votre projet de budget pour la mission santé étant marqué du sceau de la rigueur exigée par le Gouvernement pour le PLF 2008. Rassurez-vous, je ne vous chercherai pas querelle sur les chiffres, la réforme budgétaire empêchant toute comparaison entre les crédits de deux exercices. Une chose est sûre, la volonté de faire des économies ; or la santé a certes un coût, mais elle est infiniment précieuse…

Vous détériorez encore une situation déjà mise à mal par les mesures prises ces cinq dernières années. Vos moyens ne sont pas à la hauteur des défis que nous avons à relever dans notre pays, où les inégalités sociales en matière de santé sont parmi les plus fortes d'Europe, l'espérance de vie d’un ouvrier étant inférieure de 5 à 6 ans à celle d'un cadre. Et l'instauration des franchises médicales est très grave car c’est la porte ouverte à une médecine à deux vitesses : les 32 000 érémistes de la Martinique qui perçoivent entre 270 et 500 euros mois hésiteront à consulter leur médecin…

La situation sanitaire déjà préoccupante de la Martinique risque de se dégrader encore. La crise du chikungunya à la Réunion avait déjà montré l'urgence d'une politique structurelle de lutte anti-vectorielle pour nos pays tropicaux ; aujourd'hui, c'est au tour de la Martinique de subir, dans un contexte post-cyclonique, une épidémie de « dengue ». Plus de 8 000 cas sont recensés, nécessitant ainsi le déclenchement d'une alerte sanitaire.

Autre sujet de préoccupation : les conséquences sanitaires à long terme de la pollution des terres par le chlordécone, sujet développé par notre collègue Bapt.

Enfin, Madame la ministre, je veux attirer votre attention sur la situation des hôpitaux en Martinique. Certains sont délabrés alors que, dans nos régions insulaires éloignées de l'hexagone, ils doivent être des structures de pointe. Les conditions d'hygiène et de sécurité sont déplorables, au point que l'hôpital de Basse-Pointe a dû fermer ses portes. Celui de la Trinité est très vétuste, et la commission de sécurité a émis un avis défavorable. Seule sa reconstruction offrirait les garanties nécessaires.

Nous attendons de vous que vous ne vous montriez pas seulement rassurante, et qu’au- delà des conseils donnés aux Antillais de manger des fruits et légumes au moins deux fois par semaine,…

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Je n’ai pas dit cela !

M. Louis-Joseph Manscour – …vous vous engagiez sur des mesures fortes indiquant la priorité donnée à la santé.

En conclusion, je me permets de vous rappeler que notre contrat social repose sur les valeurs de justice sociale, d'avenir solidaire et de dignité humaine (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Pierre Decool – Depuis de nombreuses années, notre pays manque cruellement de dons du sang. Ils ont diminué de 31 % en dix ans, alors que les besoins sont en augmentation constante – et ont encore crû de 7 % depuis le début de l'année. Chaque jour, 8 000 dons seraient nécessaires car actuellement, aucun produit ne peut se substituer complètement au sang humain ; le don de sang permet de soigner chaque année 500 000 malades.

Faut-il rappeler que la traçabilité du traitement des produits sanguins et la rigueur des contrôles en font un acte sûr ? L’Établissement français du sang et la Fédération française pour le don du sang bénévole ont élaboré des plans et actions destinés à augmenter la collecte : invitation par courrier des donneurs habituels, contact par messagerie téléphonique, campagnes d'affiches et de tracts, opérations de sensibilisation dans les lieux publics, les entreprises et les établissement médicaux. Les structures d'accueil des donneurs sont de plus en plus nombreuses – hôpitaux, camions de l’EFS, unités mobiles… Malgré cela, la demande n'est pas satisfaite et les nouveaux donneurs sont de moins en moins nombreux.

Madame la ministre, j'attire votre attention sur la nécessité d'un soutien important aux associations de donneurs de sang bénévoles et à l’EFS, et d’une réflexion sur les moyens d’enrayer cette baisse vertigineuse des dons. Comment inciter nos compatriotes à réaliser cet acte citoyen, comment leur faire prendre conscience qu’ils pourraient avoir eux-mêmes besoin un jour d'une transfusion ? On pourrait par exemple envisager une sensibilisation des jeunes générations en inscrivant dans les programmes scolaires un enseignement sur ce thème.

Il est essentiel que le don du sang soit également soutenu sur le terrain et nous, parlementaires, pouvons dans nos circonscriptions y inciter nos concitoyens, en collaboration étroite avec les associations de donneurs de sang, qui font un travail remarquable, voire avec l’Association des maires de France, dont les membres sont en relation constante avec les acteurs locaux.

Mon intervention peut paraître décalée dans un débat budgétaire, mais il est primordial de respecter l’éthique du don du sang, qui doit rester volontaire, anonyme et bénévole (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Mme Catherine Génisson – J’approuve pleinement les propos de M. Decool sur l’importance du don du sang.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour avis – Nous aussi !

Mme Catherine Génisson – Par ailleurs, je suis en total accord avec l’analyse de M. le rapporteur Bapt sur ce budget, en particulier concernant l’éparpillement des crédits et le manque de visibilité de la politique de santé publique. Je déplore, comme lui, la baisse de 26 % des crédits du programme « Drogue et toxicomanie », qu’il conviendrait de rattacher au Premier ministre.

Alors que la reconnaissance en catégorie B active des agents de laboratoire hospitalier est demandée, sur l’ensemble de nos bancs, depuis de nombreuses années, on en est toujours au point mort. Par ailleurs, la reconnaissance d’un véritable statut pour les permanents des centres 15 progresse-t-elle, Madame la ministre ?

La loi de santé publique est une véritable usine à gaz. S’il incombe à l’État d’assurer l’égalité de nos concitoyens devant la santé, l’échelon régional est le plus pertinent pour la mise en œuvre d’une politique de santé publique. Paradoxalement, alors même que le Nord-Pas-de-Calais avait servi d’exemple, une recentralisation technocratique s’est produite, qui rend la loi peu opérationnelle sur le terrain. Je remercie le rapporteur d’avoir évoqué la situation de notre région, qui a su créer des synergies avec l’État, les conseils généraux et l’assurance maladie, s’est dotée d’une maison régionale de promotion de la santé, de conférences de santé, d’un observatoire régional de santé, qui fonctionnent. Malheureusement, la loi nous empêche, actuellement, de poursuivre nos efforts ! L’architecture de cette loi est à revoir entièrement.

Enfin, si les agences régionales de santé sont souhaitables, elles ne sont pas la solution à tous les problèmes. Il faudra d’ailleurs définir leur périmètre. Nous attendrons avec impatience les résultats de la mission parlementaire présidée par M. Bur (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Dominique Orliac – N'en déplaise à M. Hirsch, ce gouvernement restera comme l’auteur des franchises médicales. Depuis l'adoption, la semaine dernière, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, il restera en outre comme le fossoyeur de notre système de solidarité sociale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Les avertissements des plus hautes personnalités n'auront pas manqué. M. Davant, président de la Mutualité française, a dénoncé « le risque de sortie du champ traditionnel du système solidaire de financement de la santé en France ». Les huit présidents des caisses primaires d'assurance maladie de la région Midi-Pyrénées ont souligné que « certaines mesures portent gravement atteinte aux principes fondateurs de la Sécurité Sociale » ; et l'Union régionale des Caisses d'assurances maladie, que « l’instauration de franchises contrevient gravement à cette solidarité : elles sont à la fois inefficaces et socialement injustes et insupportables ».

Avec ce projet, le Gouvernement poursuit de manière insidieuse sur le chemin qui doit nous mener vers un système d'assurance privée.

M. Denis Jacquat – C’est du délire !

Mme Dominique Orliac – Les spécialistes sont unanimes pour stigmatiser l'injustice, l'inefficacité et l'hypocrisie des franchises médicales, rejetées, de surcroît, par plus de 61 % des Français. Lorsque les dirigeants des principales confédérations syndicales en demandent le retrait, le Gouvernement ne trouve pas mieux que de répondre qu’elles ne coûteront, tout au plus, que 50 euros par an, et que chacun doit y mettre du sien !

M. François Rochebloine – En effet !

Mme Dominique Orliac – Ce gouvernement veut culpabiliser les malades en agitant le spectre du déficit public, qui serait dû à des abus médicaux et à la surconsommation de médicaments. Quel simplisme !

En tout cas, 800 millions d’euros ne suffiront pas, à financer les besoins en matière de cancer, d'Alzheimer et de soins palliatifs. Un plan cancer mérite plus qu'une simple ligne budgétaire. M. Bapt, regrettant l'attentisme du Gouvernement, souligne que les crédits de la lutte contre le cancer diminuent de 10,3 % en 2008. Les crédits de l'Institut national du cancer baissent également. Comment parler, dès lors, d'une priorité ? De même, comment expliquer que 8 millions ne soient pas consommés ? Une meilleure évaluation des besoins se révèle indispensable. Le plan cancer ne doit pas servir de « cheval de Troie » aux franchises médicales.

La pharmacie, ensuite, est déstabilisée par les attaques incessantes de la Commission européenne contre le monopole. Or, l'officine française, qui assure un approvisionnement de qualité et de proximité sur l'ensemble du territoire, est l'un de nos meilleurs atouts, et on ne peut que regretter l'absence de considération, dans ce budget, pour son rôle fondamental dans notre politique de santé publique.

L’implication du pharmacien doit être renforcée dans les affections courantes et symptomatiques, et son rôle accru dans la prise en charge des malades en première orientation. Le pharmacien devrait pouvoir renouveler les ordonnances pour les patients chroniques, dispenser une médication d'urgence, par exemple pour la pilule du lendemain, de même qu'il doit pouvoir devenir un expert en gestion des risques et assurer une vigie pour la détection de situations pré-pandémiques.

M. Denis Jacquat – Ne devrait-il pas, même, exercer la médecine ?

Mme Dominique Orliac – Aucune de ces priorités n’est détectable dans les crédits de cette mission.

Défendre la pharmacie, ce doit être également défendre l'industrie pharmaceutique, secteur stratégique. Les industriels français ont pris leur part des efforts pour la sauvegarde de notre protection sociale, notamment avec le plan médicament qui a permis à la sécurité sociale d'économiser 3,4 milliards, soit 105 % de l'objectif prévu.

Madame la ministre, arrêtez de démanteler notre système de santé, dont on disait, il n'y a pas si longtemps, qu'il était le meilleur du monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Je remercie nos deux rapporteurs, ainsi que les orateurs.

Nous devons garantir à nos concitoyens l’accès à des soins de qualité. Notre mission première, à cet égard, est d’améliorer l’efficience de notre système, et nous consacrerons à cette tâche les moyens requis.

Notre deuxième mission est la prévention. Il s’agit de mener là une politique innovante et ambitieuse, qui satisfasse aux exigences de protection de la population contre les risques et de responsabilisation des individus. J’ajoute, en écho aux propos de M. Decool, un troisième impératif, celui de la solidarité, que sert par excellence le don de sang.

M. François Rochebloine – Très bien !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Ainsi agirons-nous dans le cadre d’un budget bien pesé et d’une loi de santé publique dont M. Préel m’a demandé de dresser le bilan. Je suis d’accord avec lui que 104 objectifs pouvaient signifier en fait une absence de priorités. J’observe cependant que personne, au moment de la discussion de la loi, n’a proposé d’en supprimer.

Mme Catherine Génisson – Si !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Sur cette base, cinq plans d’action ont été élaborés, concernant les maladies chroniques, les maladies rares, le cancer, la violence et la santé, et la santé et l’environnement. L’évaluation et la révision auront lieu en 2008 et au début de 2009, respectivement.

Ce budget est à la fois réaliste, en ce qu’il obéit au principe de réalité budgétaire, et ambitieux, parce qu’il vise à dégager des marges de manœuvre pour la satisfaction de nouveaux besoins, par redéploiement.

Une obligation d’efficience de la dépense s’impose à nous. Vous qui, dans vos circonscriptions, êtes à l’écoute de nos concitoyens, vous savez que cette exigence n’est pas strictement comptable. Ce que les Français peuvent espérer des progrès de l’efficience, c’est une répartition plus harmonieuse et sécurisée de l’offre de soins, une permanence des soins mieux assurée, la présence de médecins et de pharmacies de proximité, mais aussi une meilleure coordination entre les soins de ville, l’hôpital et le médico-social. Il s’agit de mieux gérer pour mieux soigner, et de soigner mieux pour éviter des incohérences coûteuses. La ministre de la qualité des soins que je veux être agit sur un seul et même front.

M. Denis Jacquat – Très bien !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Mais l’amélioration de l’efficience ne se décrète pas ; elle suppose la participation active des professionnels, qui doivent recevoir les marques de notre considération. Ils ont appris à leurs dépens que la dispersion des moyens pénalise le personnel hospitalier, qu’il soumet à des astreintes éprouvantes, sans servir pour autant l’intérêt des malades. Il est donc urgent d’envisager un dispositif de mutualisation des gardes entre tous les établissements de santé.

Comment piloter la nécessaire réorganisation ? Celle-ci repose d’abord sur la création des agences régionales de santé – ARS – que tous ont approuvée, de M. le rapporteur pour avis, dont le travail remarquable nous fournit un excellent point de départ, à Mme Génisson ; je me félicite de cet accord unanime par-delà les clivages traditionnels. Par cette réforme, nous instaurerons une structure transversale, capable, grâce à l’autorité dont nous la doterons, de mettre de nouveaux outils au service des besoins de santé des patients comme de l’efficience du système hospitalier, mais aussi ambulatoire. Les premiers éléments d’arbitrage du périmètre des futures ARS seront connus à la fin de l’année, ce qui devrait permettre de les mettre en place dès 2009.

Vous m’avez interrogée, monsieur Rolland, sur le bilan des plans régionaux de santé publique – PRSP – et des groupements régionaux de santé publique – GRSP. Vous reprochez aux premiers – élaborés par les préfets de région, et arrêtés en 2006, avant la mise en place des seconds, afin de définir la politique régionale de santé publique – la faiblesse des liens qui les unissent aux SROS, leur insuffisante intégration aux cent quatre objectifs prioritaires des spécialités régionales, leurs financements non reconductibles et leurs micro-actions sans évaluation. Quant à la structure de financement qu’a rendue possible la création des GRSP – présidés par le préfet de région -, sous forme de GIP, par la loi du 9 août 2004, unique au niveau régional, elle n’en est pas moins complexe et, de l’avis de tous, encore trop peu opérationnelle. Ces dispositifs ont néanmoins permis de rapprocher l’État de l’assurance maladie, de mieux structurer les actions de santé et de fournir aux associations et aux professions de santé une sorte de guichet unique régional. Notre réflexion sur les ARS devra en tenir compte.

Quant à la sous-dotation des conférences régionales de santé et de la Conférence nationale de santé, les participants à ces conférences doivent naturellement être rémunérés, sans doute par l’intermédiaire du PLFSS.

Mais la concrétisation de la réforme exige la contribution active de personnels solidaires et motivés. Voilà pourquoi nous souhaitons rendre plus attrayants les métiers hospitaliers, en mettant à profit la procédure de validation du LMD, et inciter les jeunes médecins libéraux à exercer là où les besoins de la population restent insatisfaits.

M. François Rochebloine – Très bien.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Parce que les soignants et praticiens doivent être les acteurs principaux d’une restructuration globale au service d’une amélioration qualitative, les crédits dont bénéficiera leur formation s’élèveront à 69 millions en 2008. Il s’agit notamment, monsieur Préel, de réévaluer ainsi la rémunération des maîtres de stage qui encadrent, en tant que praticiens agréés, les stages pratiques des internes de médecine générale, car la revalorisation de la médecine générale constitue un pivot essentiel du système. Quant aux médecins et pharmaciens inspecteurs de santé publique, nous revaloriserons leurs primes, comme le prévoit un protocole lancé en 2007.

Mon ministère s’est donc résolument engagé dans l’exercice de revue générale des politiques publiques, qui permettra de redéfinir clairement nos objectifs prioritaires, notamment afin de mener une politique de prévention audacieuse, non limitée aux déclarations d’intention et telle que chacun puisse faire des choix réfléchis et autonomes. Je songe notamment aux « programmes patients », conçus pour accompagner ceux qui souffrent de maladies chroniques, mais aussi à la prise en compte des changements psychologiques et sociaux sous l’influence desquels les patients, mieux informés, souhaitent parfois prendre en charge un inconfort passager sans nécessairement consulter : nous favoriserons la mise à disposition devant le comptoir de médicaments dits d’auto-médication, en insistant sur les conseils pharmaceutiques qui doivent en encadrer l’administration.

En outre, afin que les patients disposent des informations qui leur permettront d’opérer eux-mêmes les choix de vie qu’implique leur santé, des crédits d’un montant de 4 millions environ financeront des actions de communication qui feront l’objet d’un contrat entre l’INPES – sur lequel vous m’avez interrogée, monsieur Bapt – et l’EPRUS – établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, dont le décret de création prévoit explicitement le financement d’actions de communication en sécurité sanitaire. Mais, en matière de communication, la frontière entre sécurité sanitaire et santé publique est ténue et changeante.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial  C’est vrai.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé La prévention, combat pour la vie qui implique de défier le préjugé et de vaincre la force de l’habitude, est aussi une lutte pour la liberté, notamment celle des femmes, à la santé desquelles je suis particulièrement attachée, en tant que ministre, mais aussi comme militante pour l’émancipation des femmes.

Mme Claude Greff – Bravo !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Toutes devront donc être informées, notamment celles dont la situation est le plus précaire, afin qu’aucun tabou ni aucune réserve ne s’opposent à l’accès universel aux soins gynécologiques. Je sais que Mme Génisson m’apportera son soutien, comme elle l’a déjà fait.

Ainsi pourra-t-on réduire la mortalité évitable, notamment celle qui est due au cancer du sein, en évitant une prise en charge trop tardive. Mme Greff sera, je n’en doute pas, à mes côtés dans ce combat. Parce que le dépistage précoce améliore en effet considérablement les chances de guérison, nous nous efforcerons d’améliorer l’image du dépistage organisé, espérant ainsi, en touchant 70 % des femmes de 50 à 74 ans, réduire la mortalité de 35 %. La mammographie pratiquée dans ce cadre doit bénéficier de la technologie numérique au même titre que celle qui est effectuée dans le cadre du dépistage individuel.

Mme Claude Greff – Très bien.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé 3 millions d’euros seront donc spécifiquement consacrés à la généralisation du dépistage de ce cancer, ainsi que du cancer colorectal, dans chaque département.

De plus, parce que les bonnes habitudes, à l’instar des mauvaises, se contractent dès le plus jeune âge, nous ferons de la santé des jeunes une priorité, comme le nouveau périmètre de mon ministère nous en fournit l’occasion, en luttant contre les addictions à l’alcool, au tabac et à la drogue.

La baisse des crédits alloués à la MILDT, sur laquelle plusieurs d’entre vous m’ont interrogée, traduit non pas un désengagement de l’État, mais une clarification de la répartition des rôles entre la MILDT et la DGS, notamment par le transfert des lignes d’écoute téléphonique et l’arrêt des subventions qui étaient versées en double à certaines associations. Quant au rattachement direct de la MILDT au Premier ministre, évoquée par M. le rapporteur spécial et déjà en partie appliqué au pilotage de la mission, nous y réfléchirons lors de la prochaine réunion ministérielle sur la lutte contre la toxicomanie et à l’occasion de la revue générale des politiques publiques. Notre action de prévention s’associera à celle des ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur.

Le suicide des jeunes, qui constitue l’une des premières causes de mortalité chez les jeunes de 18 à 25 ans, sera étudié par un groupe de travail spécifique. En outre, le plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008 sera rééquilibré au profit de la psychiatrie infantile et juvénile et des alternatives à l’hospitalisation. Son bilan, madame Greff, est globalement positif : près de 60 % des 210 actions programmées ont été engagées ou menées à bien ; 1 433 postes non médicaux et 173 postes médicaux ont été créés ; plus de 52 % des crédits de fonctionnement prévus ont été alloués aux régions. De plus, 25 équipes mobiles « précarité » seront mises en place.

D’autre part, nous devons poursuivre l’effort de décloisonnement entre le sanitaire, le médico-social et le social, améliorer la prise en charge des troubles mentaux dont souffrent les personnes âgées et renforcer l’aide aux aidants – sur laquelle Mme Greff a attiré à juste titre notre attention. Je lancerai en 2008 la réforme de la loi du 27 juin 1990 sur les droits des malades mentaux hospitalisés sous contrainte. Le soutien au programme 2005-2008 de lutte contre le sida orienté vers les personnes et les territoires prioritaires ainsi qu’aux structures de prise en charge des personnes malades sera poursuivi. Le Gouvernement ne relâche pas ses efforts, notamment en raison d’une recrudescence des conduites à risque : les crédits « Sida » sont revalorisés d’environ 2 %, à 37, 3 millions.

S’agissant des pesticides aux Antilles, je veux informer MM. Manscour et Bapt que le pilotage du plan d’action interministériel sur le chlordécone a été confié au directeur général de la santé. La surveillance des malformations congénitales et des cancers sera renforcée ; un registre des cancers sera créé en Guadeloupe tandis celui de Martinique sera développé et amélioré. Un comité d’experts scientifiques piloté par l’INVS et l’Inserm devrait identifier les études à mener pour évaluer les conséquences sanitaires de l’exposition aux différents pesticides. L’application du principe de précaution conduit le Gouvernement à renforcer les mesures d’information relatives à la consommation des produits cultivés dans les jardins des particuliers et des produits de la pêche ; des études du sol des jardins ainsi que le contrôle de la qualité des sources d’eau seront effectuées. Les limites maximales autorisées par la législation européenne de résidus de pesticides dans les aliments seront abaissées. Gage de transparence, les données sur la contamination et sur les effets sanitaires seront mises en ligne sous une forme synthétique et compréhensible.

S’agissant de l’épidémie de dengue, nous avons décidé d’envoyer des pédiatres et des infirmières en renfort. De la même manière, nous renforcerons les effectifs de la direction des affaires sanitaires et sociales de la Réunion, afin de lutter contre l’épidémie de chikungunya. 

Madame Greff, l’INVS est chargé de la surveillance épidémiologique dans le cadre du plan « maladies rares ». L’information des malades, des professionnels de santé et du grand public est l’une de nos priorités : Orphanet, la base de données Inserm, deviendra le portail de référence et le service de téléphonie Maladies rares info service, piloté par l’INPES, sera développé. Des fiches d’information seront conçues pour les professionnels de santé et les malades. Il est également prévu, en concertation avec le ministère de l’enseignement supérieur, d’adapter les programmes de formation initiale des médecins. De son côté, la HAS devrait publier un guide méthodologique sur l’évaluation des programmes de dépistage. Enfin, le Gouvernement, par le biais d’appels d’offre ou de programmes hospitaliers de recherche clinique, continue de soutenir la recherche.

Le plan « Maladies chroniques », centré sur les malades, vise à limiter l’impact des maladies chroniques sur leur qualité de vie. D’un coût prévisionnel de 726,7 millions d’euros sur cinq ans, il devrait améliorer l’éducation thérapeutique des patients et la coordination des intervenants. Le 29 novembre, j’installerai le comité de suivi du plan, dont la présidence sera assurée par Mme Marie-Thérèse Boisseau.

L’évolution de la pyramide des âges et l’apparition consécutive de nouvelles maladies nous obligent à agir, afin de maintenir l’efficience de notre système de soins. Monsieur Jacquat, sachez que nous donnerons en 2008 la priorité au renforcement des moyens de lutte contre les maladies neuro-dégénératives. Les bouleversements sociaux induits par le développement de la maladie d’Alzheimer impliquent de mener une politique volontariste. Quelques-uns des axes du nouveau plan, qui sera mis en place en 2008, ont été dévoilés par le Président de la République lors de la journée Alzheimer. La recherche, dans toutes ses dimensions, sera activement soutenue. Le parcours du malade constituera un enjeu majeur : maillage du territoire par les consultations mémoire et les centres de mémoire, formation des intervenants et des aidants. En outre, une mission nationale confiée à un centre de référence permettra de déterminer les mesures à prendre pour améliorer plus particulièrement la prise en charge des malades jeunes.

Les effets des décisions que nous prenons aujourd’hui seront ressentis à plus ou moins long terme. Mais je conduirai tous ces chantiers avec détermination, convaincue qu’il est nécessaire d’agir aujourd’hui pour faire aboutir, demain, notre projet de société (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

QUESTIONS

M. Michel Vaxès – Un rapport rendu public la semaine dernière alerte une fois de plus sur les risques sanitaires en milieu professionnel et préconise l’élaboration de projets de prévention et d’un plan pluriannuel de santé au travail. Aux drames humains que causent les pathologies s’ajoute le gaspillage financier : selon le plan national santé environnement, les atteintes à la santé évitables représenteraient 3 % du PIB, soit près de 20 % des dépenses de santé !

La situation appelle aujourd’hui une politique de prévention des risques professionnels. Pour commencer, le Gouvernement pourrait décider de mettre en ligne la liste des postes à l'origine de maladies professionnelles reconnues par la sécurité sociale, en débutant par les territoires les plus industrialisés. L'existence de telles « cartes d'exposition aux risques professionnels » permettrait aux acteurs de santé de vérifier que les lieux ont fait l'objet de mesures d'assainissement Cette proposition a déjà fait l'objet d'une expérimentation probante dans ma circonscription. Le Gouvernement serait-il prêt à étendre ce dispositif ?

M. Yves Cochet – Très bien !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Un contrat d’objectifs et de moyens a été signé le 26 avril entre l’État et l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail : il prévoit la mise en place d’un réseau national d’expertise publique, pour déterminer, notamment, le risque cancérogène en milieu professionnel.

Mais il faut aussi envisager cette politique de manière globale et prévenir notamment les situations de stress et de harcèlement moral, que j’ai régulièrement dénoncées en tant que députée. La prévention du suicide – dont l’actualité récente a malheureusement fait état sur les lieux de travail – fait l’objet d’un plan de santé publique « Psychiatrie et santé mentale ». D’une manière générale, si la question des conditions de travail relève de mon collègue Xavier Bertrand, je souhaite l’aborder avec détermination et envisage de créer un label qui reflèterait les efforts entrepris par les entreprises dans ce domaine. L’idée que vous avez exposée est excellente, je la soumettrai à Xavier Bertrand et demanderai à mes services de l’étudier.

M. Yves Cochet – Le rapport de la mission d'information sur la grippe aviaire soulignait en 2006 le risque d'une recomposition du H5N1 avec un virus grippal humain ou d'une mutation humanisée du H5N1, pouvant provoquer une pandémie mondiale de grippe comparable à celle de 1918. Le 5 octobre, le journal Le Monde a annoncé que des chercheurs américains avaient détecté une mutation du virus H5N1, en direction des mammifères et de l'homme. Le plan d'action du Gouvernement, élaboré en 2006, repose essentiellement sur des moyens médicamenteux et techniques, comme la production de masques. Cela paraît insuffisant, voire illusoire, eu égard aux voies épidémiologiques de ce virus.

Un tout autre moyen, efficace, démocratique et bon marché existe : il s'agit d'une cape en plastique transparent, conçue et popularisée dans la presse nationale par la romancière Fred Vargas. En 2006, Xavier Bertrand s’était montré assez intéressé par le prototype pour lancer un protocole de tests au laboratoire national d'essais à l'été 2006, avant que ne commence la campagne électorale…

Le principe de précaution n’exige-t-il pas qu’une telle cape soit fabriquée et diffusée rapidement auprès de l’ensemble de nos concitoyens ? Dès lors, pourquoi quelques millions n’ont-ils pas été inscrits à cet effet dans l’action 3 sur les pathologies à forte morbidité du programme 204 ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Des cas humains de grippe aviaire à virus H5N1 ont été déclarés dès 2003. Le virus H5N1 est peu adapté à l’homme, ce qui explique sa très faible transmissivité : 332 cas humains en cinq ans, ayant pour origine généralement des contacts étroits avec des animaux malades ou morts ou leurs déjections. Une trentaine de cas groupés familiaux ont été décrits dans plusieurs pays, avec une forte suspicion de transmission interhumaine pour une dizaine d’entre eux, mais qui est restée limitée. Il n’y a pas eu pour l’instant de transmission communautaire. Le niveau d’alerte de l’OMS reste inchangé. Mais ce virus se caractérise par une forte létalité : les cas sont rares, mais avec un taux de mortalité de 61 %.

Les pays qui connaissent le plus de cas humains se caractérisent par une forte proximité de la population avec des oiseaux d’élevage. Depuis 2006, six nouveaux pays ont déclaré des cas humains d’infection, au Moyen-Orient et en Afrique. Pour notre part, nous n’en avons encore connu aucun, mais notre mobilisation est bien sûr totale. Un établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires a été mis en place, avec des moyens importants, chargé de constituer les stocks de produits pharmaceutiques et de matériel utiles en cas d’épidémie. J’ai pu établir au G7 + 1 de Washington d’il y a deux jours les coopérations techniques et politiques nécessaires, et je souhaite que la sécurité sanitaire soit une des priorités de la présidence française de l’Union européenne du deuxième semestre 2008, car elle ne peut s’entreprendre correctement qu’au niveau européen. Quant au dispositif de la cape, il est en cours d’évaluation. Je vous recevrai, Monsieur Cochet, avec Mme Vargas, dont j’apprécie les œuvres littéraires autant que les initiatives en matière de santé, pour en discuter et il va de soi que cet outil fera partie de la politique d’achat de l’EPRUS si les résultats sont concluants.

M. François Rochebloine – L’agénésie dentaire multiple est une maladie génétique à propos de laquelle les parlementaires vous ont plusieurs fois interpellée, Madame la ministre. Je suis heureux que les actes destinés au traitement des enfants qui en sont atteints soient dorénavant inscrits sur la liste des actes et prestations de l'UNCAM admis au remboursement : c’est un soulagement financier considérable pour les familles. Toutefois, reste à prendre en compte la situation des adultes atteints de la même maladie rare : il ne s’agit pas, et de loin, de soins de confort. Comment envisagez-vous la poursuite du processus de prise en charge de cette maladie par l'assurance maladie ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Je connais votre implication dans ce domaine. La décision de l’UNCAM, prise le 3 avril, concerne les enfants présentant des agénésies dentaires multiples liées aux dysplasies ectodermiques ou autres maladies rares et permet la prise en charge par l’assurance maladie de leur traitement, ce qui soulage grandement les familles. Mais nous n’en sommes qu’à la moitié du chemin : il faut dorénavant prendre en charge les adultes. La réflexion est en cours et des acteurs comme la Haute autorité de santé, l’UNCAM, la commission de hiérarchisation des actes et prestations des médecins ou les représentants des chirurgiens-dentistes y travaillent.

M. Jean-Pierre Abelin – La France connaît un taux de croissance annuel de l’obésité alarmant de 5,7 %. Toutes les populations sont touchées, mais surtout les plus jeunes et les plus précaires. La fréquence de l'obésité chez les personnes d’un niveau d’études primaire est ainsi en moyenne de 20 %, contre 6 % pour les diplômés de l'enseignement supérieur. Aux États-Unis, le coût des maladies liées à l'obésité avoisine les 70 milliards de dollars. Il ne serait en France que de 2,6 milliards d'euros, alors que nous connaissons un développement comparable à celui de l'Amérique du nord il y a trente ans.

Le plan national « Nutrition santé 2001-2005 » a été reconduit pour la période 2006-2010. Si ses effets ponctuels sont intéressants, il ne permet pas de faire reculer l’épidémie. La prévention, le travail concerté des professionnels et la structure du coût et de l’offre des produits en fonction de leur qualité nutritionnelle sont essentiels, mais il faut aussi prendre en compte la part prépondérante des rapports irrationnels que les victimes d'obésité entretiennent avec leur alimentation et leur mode de vie. Comment le Gouvernement entend-il désamorcer cette bombe à retardement ? Comment faire évoluer les habitudes alimentaires, encourager la recherche et infléchir cette évolution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial – Excellente question !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé  Nos taux d’obésité sont loin d’être équivalents à ceux de l’Amérique du nord.

M. Jean-Pierre Abelin – Ceux d’il y a trente ans !-

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Ils sont deux à trois fois inférieurs et les grandes obésités, qui sont répandues là-bas, sont quasiment inconnues en France. La progression actuelle est même plus modérée qu’entre les années 1997 et 2003. Pour la première fois en neuf ans, les chiffres de la population en surpoids se sont stabilisés et la prévalence de l’obésité a baissé parmi les familles aux revenus les plus élevés. La région Nord était la plus concernée en 2006, et l’appartenance à des classes défavorisées est facteur de risque car le coût des aliments à haute densité énergétique est plus bas que celui des fruits et légumes : la prévalence de l’obésité reste inversement proportionnelle aux revenus du foyer. Les conséquences sur la santé dépassent largement les problèmes d’image, et l’évolution de l’obésité chez les enfants est particulièrement préoccupante.

Le deuxième plan « Nutrition santé » comporte des mesures destinées à lutter contre le surpoids ainsi que des objectifs quantifiés, dont la baisse de 20 % de la prévalence de l’obésité. Pour sensibiliser aux problèmes de l’alimentation, le renforcement des moyens de l’INPES permettra de financer au moins une grande campagne par an. Neuf repères de consommation du premier plan sont repris, avec notamment comme priorité de renforcer l’activité physique et la consommation de fruits et légumes. Parmi les nouveaux axes du second plan figure l’amélioration de la qualité alimentaire, grâce à des engagements pris par les acteurs économiques et les entreprises de restauration collective. Un observatoire de la qualité alimentaire doit voir le jour, qui produira un rapport annuel. Le plan comprend également un plan de dépistage précoce de l’obésité, la création de réseaux de prise en charge et un effort accru de formation des professionnels de santé car il est particulièrement important de repérer les enfants dès les premiers signes de surcharge pondérale. Il propose enfin un plan spécifique pour les populations défavorisées et un dispositif de soutien aux actions locales.

Il s’agit d’un problème majeur, qu’il convient aussi de resituer dans le contexte plus général des troubles de la nutrition qui frappent de plus en plus de nos concitoyens, en particulier les plus jeunes.

M. Francis Vercamer – Les établissements hospitaliers des zones paupérisées connaissent une situation financière difficile. Certains ont appliqué rapidement le plan « Hôpital 2007 », donc la nouvelle gouvernance, le pilotage médico-économique ou la tarification à l’activité – aujourd’hui à 50 %. Ils ont fait des efforts budgétaires internes et ont pris des initiatives en matière de gestion du personnel, de pôles, de regroupement de services, de modernisation de l'information, de mutualisation des moyens autour des plateaux techniques... Mais leur budget reste en déficit car le montant de la dotation annuelle complémentaire n'a pas compensé leurs investissements. D’autres n’ont pu que partiellement appliquer les directives du plan « Hôpital 2007 ». Ils vont passer à une T2A à 100 % en 2008, mais avec un déficit bien supérieur aux premiers. Leur action est pourtant indispensable.

Il est question d'une réduction de 3,7 % des tarifs de la T2A alors que ces établissements connaissent déjà d'énormes difficultés financières. Quel impact une telle décision aurait-elle sur le budget de ces hôpitaux ?

Comment l’État répartira-t-il son effort ? S’attachera-t-il plutôt à soutenir la démarche de rationalisation des premiers ou à aider les seconds à surmonter leurs difficultés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé La mise en place de la T2A à 100%, qui a été réclamée par les gestionnaires des hôpitaux publics, doit être une opportunité. J’ai indiqué, lors d’un récent déplacement dans le Nord, qu’elle aboutirait à un supplément de crédits de 26 millions d’euros. Elle mettra en évidence les problèmes structurels de certains établissements, qu’il convient d’accompagner pour mettre en place une organisation qui assure la qualité des soins et l’optimisation des ressources humaines, matérielles et financières. Le ministère a donc mis au point un dispositif d’accompagnement des réformes hospitalières. Les conseillers généraux des établissements de santé procèdent à des audits pour identifier les mesures nécessaires à un retour rapide à l’équilibre financier. Des contrats de retour à l’équilibre peuvent être passés avec l’ARH. J’ai détaillé lors du débat sur le PLFSS les autres mesures : lissage du passage à la T2A de 2007 à 2012, coefficient correcteur… Je suis pleinement consciente de la nécessité d’accompagner l’application de la T2A et j’étudierai avec attention les cas particuliers que les ARH porteront à ma connaissance.

Mme Martine Aurillac – Décrétée grande cause nationale en 2007, la maladie d'Alzheimer est un véritable fléau : 800 000 personnes sont atteintes en France ; elles devraient être 1 300 000 en 2020. Un plan « Alzheimer » a été appliqué sur la période 2004-2007. Le comité de suivi qui en a dressé le bilan a fait état d’un taux de réalisation très satisfaisant. Ce bilan a également permis d'identifier les principaux objectifs sur lesquels des efforts sont encore nécessaires, notamment en matière de recherche, de prise en compte des malades et de pratiques des professionnels. Quelles sont les mesures qui seront prises pour faire suite à ce plan ? Quels crédits consacrerez-vous à cette cause dont le Président de la République a fait une priorité ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé L’intérêt que le ministère et la ministre chargée de la santé portent aux maladies neuro-dégénératives, dont la maladie d’Alzheimer, ne date pas d’hier. Cette maladie qui touche plus de 850 000 personnes en France métropolitaine a déjà fait l’objet de deux plans de santé publique, le second arrivant à échéance en 2007. Elle a été déclarée grande cause nationale en 2007, donnant aux associations qui œuvrent dans ce domaine les moyens de mieux faire connaître la maladie et de changer son image dans l’opinion publique. Le Président de la République en a fait un de ses chantiers prioritaires.

90 % des actions prévues dans le plan 2004-2007 ont été réalisées : 25 centres mémoire de ressources et de recherche qui prennent en charge plus de 32 000 malades et 366 consultations mémoire ; 5 435 places supplémentaires de services de soins à domicile ; plus de 55 millions d’euros alloués sur quatre ans, dont 6 millions de crédits d’État ; un observatoire de la recherche ; le développement de la recherche fondamentale ; le premier gérontopôle à Toulouse ; l’inscription dans la liste des affections de longue durée dite ALD 30.

2008 verra la mise en œuvre d’un grand plan interministériel de 3,2 millions d’euros – auxquels s’ajoutent les crédits de l’assurance maladie. Il faut aller plus loin, car l’incidence de la maladie progresse. On enregistre 225 000 nouveaux cas par an ; une augmentation de dix ans de l’espérance de vie quadruple la probabilité de survenue de la maladie. Le Président de la République a donc confié au professeur Joël Ménard la présidence d’une commission chargée d’élaborer des recommandations pour un grand Plan Alzheimer 2008-2012. Plusieurs axes ont été identifiés : améliorer le parcours des malades ; les maintenir dans le tissu familial et social ; resserrer les liens entre les soins et la recherche ; améliorer et optimiser la recherche en fédérant les ressources et les compétences des neuro-sciences françaises dans une structure nationale de recherche ; améliorer la prise en charge des malades en faisant une place privilégiée au médecin traitant, en renforçant la coordination entre le médical et le social et en laissant le choix aux malades et à leurs familles entre le maintien à domicile et un hébergement en établissement ; enfin une prise en compte propre aux malades de moins de 60 ans. Le professeur Ménard remettra son rapport au Président de la République dans quelques jours. Le plan fera alors l’objet d’une concertation à laquelle vous serez étroitement associée.

M. Philippe Boënnec – Ma question porte également sur la maladie d’Alzheimer. Si l’on prend en compte les familles, plus de 3 millions de personnes sont aujourd’hui concernées par ce fléau. L’aide aux aidants me semble donc être un aspect important de la prise en charge de la maladie.

D’autre part, on fait trop souvent l’amalgame entre la maladie d’Alzheimer et la désorientation chronique liée à d’autres pathologies neuro-dégénératives de la personne âgée. Ces pathologies doivent être prises en compte dans notre politique. Le seront-elles dans le plan Alzheimer 2008-2012 ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé En visitant avec le Président de la République un centre prenant en charge la maladie d’Alzheimer à Dax, j’ai pu constater combien les familles avaient besoin d’être épaulées et de pouvoir « souffler » pendant quelques jours lorsqu’elles ont décidé de prendre elles-mêmes en charge le malade. L’hébergement temporaire est donc l’une des pistes que nous devons explorer. La formation également, car on peut retarder l’apparition des signes de maladie par certaines conduites thérapeutiques, ce qui suppose presque de faire des familles des membres de l’équipe soignante.

Il est vrai que l’on a facilement tendance à qualifier de maladie d’Alzheimer des maladies qui relèvent de la même prise en charge médico-sociale. C’est toute la question des protocoles de recherche et des protocoles thérapeutiques – qui, eux, diffèrent – qu’il faut ici poser. La question de la maladie d’Alzheimer et des maladies neuro-dégénératives associées sera une question majeure pour la présidence française de l’Union européenne.

M. Bertrand Pancher – La gestion des interventions urgentes sur le plan médical est confiée à trois types de structures : les médecins généralistes, qui assurent des services de garde, le SAMU, appelé directement par les malades et les familles, et les pompiers, qui interviennent sur les lieux d'accident mais peuvent aussi se déplacer à la demande des services d'urgence lorsque ceux-ci ne disposent pas des moyens nécessaires.

Pour ajouter à la complexité, ces structures sont placées sous la responsabilité d'autorités différentes, financées par des budgets distincts, et font intervenir des professionnels qui n'ont pas le même statut. Les services de garde sont placés sous l'autorité des préfets, qui peuvent réquisitionner les médecins, rémunérés par l'assurance maladie. Les SAMU, hébergés par les hôpitaux, dépendent des ARH. Les pompiers sont contrôlés par les services départementaux d'incendie et de secours – SDIS – qui dépendent des conseils généraux, sauf sur le plan opérationnel, les pouvoirs publics ayant semble-t-il considéré que les élus locaux n’étaient pas capables d’assumer cette responsabilité et qu’il valait mieux – à la différence des autres grandes démocraties – confier celle-ci aux préfets.

Il s'ensuit un inévitable gâchis financier. Non seulement le SAMU et les pompiers auraient vocation à se regrouper et à travailler ensemble, mais des vies pourraient être épargnées. En effet, l'État impose aux SDIS – c'est-à-dire aux collectivités – de financer des moyens pour intervenir sur tous les lieux d'accident dans des délais fixés, mais se garde bien de s'imposer les mêmes obligations pour les urgences médicales. Dans mon département, il n’est pas rare que l'ambulance arrive deux heures après l’appel.

Que peut-on envisager pour que cela change? N'est-il pas temps, en cette période de vaches maigres, de regrouper ces services dans le but d'une meilleure efficacité?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Vous avez bien décrit la complexité de l’organisation des services d’urgence, qui ont connu – quel que soit leur mode de fonctionnement – une forte augmentation de leur activité dans un contexte de vieillissement de la population et d’accroissement de la précarité.

La difficulté qu’ont soulignée nombre de rapports est de garantir l’accès aux soins non programmés, en particulier la nuit et les week-ends dans un contexte d’évolution de la permanence des soins ambulatoires.

L’organisation de la médecine d’urgence a fait l’objet de réformes importantes, dont le plan « Urgences », qui a permis de professionnaliser et de renforcer les structures de médecine d’urgence et de développer les modalités de prise en charge. Le cadre réglementaire a également été rénové : les décrets de 2006 ont voulu garantir un accès aux soins de proximité par un maillage fin du territoire, promouvoir la qualité et la sécurité des prises en charge et inscrire l’organisation de la médecine d’urgence dans un cadre territorial plus cohérent.

Nous devons aujourd’hui stabiliser la permanence des soins de ville et améliorer l’accès aux soins non programmés. Je rappelle que la DHOS a déjà mené plusieurs missions sur ce point. Il faudra également rendre plus cohérente encore la prise en charge au sein des urgences, fiabiliser la filière en aval au sein du réseau des urgences, poursuivre la coopération entre les établissements et les territoires, et développer les systèmes d’information, qu’il s’agisse des dispositifs de veille et d’alerte, du suivi des lits disponibles, ou plus généralement des outils de communication entre professionnels de l’urgence. Nous devrons enfin achever la mise à niveau des locaux dans une cinquantaine d’établissements.

Toutes ces questions seront naturellement abordées dans le cadre de la transformation des ARH en ARS. Nous n’oublierons pas la permanence des soins et les urgences !

Mme Catherine Lemorton – La mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, MILDT, est chargée de coordonner l'action des pouvoirs publics en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie en veillant à la cohérence entre les différentes approches préventive, sanitaire, répressive et internationale.

Comptant près de 4 millions d'usagers occasionnels et 1,2 million d'usagers réguliers, la France l’un des pays d'Europe où la consommation de drogue est la plus élevée, alors que nous sommes parmi les plus répressifs. En 2006, un adolescent de 17 ans sur deux consommait occasionnellement du cannabis. La consommation de cocaïne a également augmenté dans les soirées et les événements festifs. L'ecstasy, dont les effets sanitaires sont manifestement sous-estimés, se répand aussi, tandis que l’héroïne est de retour, les générations les plus jeunes étant largement ignorantes de sa dangerosité. Voilà des réalités qu’il ne faut pas ignorer, Madame la ministre. Rien ne sert de se voiler la face.

Il faut agir pour soigner ces personnes, qui souffrent physiquement, psychologiquement et très souvent socialement. Ce ne sont pas des délinquants de droit commun.

Compte tenu de la réduction du budget de la MILDT, j’aimerais savoir quel avenir vous lui réservez. Ses crédits sont bien peu ambitieux face aux enjeux de santé publique.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Face à l’importante mortalité chez les usagers de drogue au milieu des années 1990, les pouvoirs publics ont lancé une politique de réduction des risques et de diffusion de traitements de substitution aux produits opiacés. De nombreux problèmes persistent toutefois, qu’il s’agisse de la contamination par les hépatites B et C ou du mésusage de certains traitements de substitution. Les consommateurs sont, par ailleurs, de plus en plus jeunes et leur précarité s’est accrue.

Mon prédécesseur a donc annoncé, en décembre 2005, toute une série de mesures destinées à enrayer l’épidémie de VHC chez les usagers de drogues. Le plan de prise en charge et de prévention des addictions 2007-2011 prévoit notamment d’améliorer l’offre de soins, et la commission « addictions » est en place : elle proposera des mesures destinées à améliorer la prise en charge des patients concernés.

Toutefois, notre objectif prioritaire est de réduire le nombre des usagers de drogues. Parmi les mesures prévues, un arrêté visant à limiter le mésusage de certains médicaments sera prochainement signé par le directeur général de la santé. Dans un double objectif de réduction des coûts et d’amélioration de la qualité des soins, la traçabilité sera renforcée pour la prescription de certains médicaments ou en cas de suspicion d’abus, et des protocoles de soins seront établis entre le médecin traitant et le médecin conseil de la Caisse d’assurance maladie.

Face à la contamination par le VHC et le VHD, j’ai proposé d’accroître la mise à disposition de matériels stériles, de réfléchir sur le rôle des médecins dans la politique de réduction des risques, de développer les dépistages et de veiller à une meilleure articulation entre le dépistage et la prise en charge dans le cadre du plan hépatites virales 2008-2011. Un programme de vaccination gratuite figure par ailleurs dans le PLFSS pour 2008, et nous développerons les actions menées dans les prisons, 61 % des usagers de drogue étant passés en prison à un moment ou un autre.

Il est également nécessaire de mieux informer le public en adaptant les messages aux plus jeunes, en intensifiant les campagnes de prévention et d’information sur les risques, et nous veillerons en particulier à l’amélioration de la réinsertion, qui passe avant tout par une aide au logement pour les usagers de drogue les plus démunis et sous traitement contre le VIH ou le VHC. Il faudra déterminer les besoins particuliers en matière de logement et mieux accompagner les usagers de drogue dans les démarches qu’ils effectuent pour acquérir ou conserver leurs différents droits sociaux.

Toutes ces mesures visent à limiter la contamination des usagers de drogue, mais la diminution de la consommation de drogue et de stupéfiant demeure notre objectif prioritaire. Comme je l’ai déjà indiqué, la réduction des crédits de la MILDT ne signifie pas un désengagement de l’État : elle résulte du transferts de certains crédits et de la suppression de subventions versées en double. Une bonne politique de prévention ne nous dispense pas de veiller à une bonne utilisation des crédits : la MILDT se recentrera sur son rôle de coordination interministérielle.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial – Je suis déçu par le pilotage des actions sur les pesticides. Au même titre que la lutte contre l’obésité, il s’agit d’un enjeu majeur de santé pour les années à venir. C’est donc le ministère de la santé qui doit agir comme tête de réseau.

La Commission européenne vient d’interroger le ministre de l’agriculture sur la question des pesticides dans les Antilles. Avez-vous été également saisie, Madame la ministre ? Il serait anormal que seul le ministre de l’agriculture soit chargé de répondre à la Commission.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Je vous ai déjà répondu, me semble-t-il… Lorsque j’étais ministre de l’écologie, j’ai mené le combat contre les pesticides au niveau national et européen. En dépit d’un contexte parfois hostile, j’ai ainsi complété la liste des substances interdites, et le paraquate a été interdit par M. Barnier dès son entrée en fonction. Il faut saluer ce revirement réglementaire

Vous avez raison, Monsieur Bapt, la lutte contre les pesticides doit être coordonnée par ministère de la santé. Le directeur général de la santé a ainsi été chargé de piloter les huit structures ministérielles concernées de près ou de loin par la politique du pesticide.

Mme Christiane Taubira – J’aurais une dizaine de questions à vous poser, Madame la ministre sur la prévention de la dengue et du paludisme, sur les transfusions sanguines, sur le sous-équipement critique de certains services hospitaliers, sur l’abandon manifeste du pôle mère-enfant, sur la gestion des centres de santé des communes de l’intérieur, sur les évacuations sanitaires héliportées, sur la modernisation des établissements d’accueil des personnes âgées dépendantes, sur le cas d’un IRM qui a fonctionné sans agrément ministériel, sur le statut précaire de nombreux personnels, sur les effets pervers de la T2A en Guyane, ou sur l’encadrement des étudiants infirmiers…

Je me contenterai d’une seule question : compte tenu des rapports qui viennent de vous être remis en matière de démographie médicale et du processus de régionalisation en cours, lancerez-vous un plan particulier pour la gestion des hôpitaux publics en Guyane ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Il faudrait des heures pour répondre à toutes ces questions… (Sourires) Mais j’ai déjà apporté plusieurs éléments de réponse aujourd’hui et à l’occasion du PLFSS.

La démographie médicale est un sujet essentiel auquel je compte bien m’atteler. Nous y reviendrons à l’occasion des États généraux qui réuniront tous les acteurs concernés, jeunes internes, associations de malades, représentants des collectivités locales, notamment de l’outre-mer, mais aussi représentants de l’administration. N’oublions pas non plus la création des ARS et la mission confiée à Gérard Larcher sur les missions de l’hôpital.

L’hospitalisation de proximité est évidemment une question majeure. Sachez qu’il n’y aura de nouvelle restructuration hospitalière qu’à la condition d’améliorer la qualité des soins : dans ce domaine, ma vision n’est jamais budgétaire. S’agissant de l’outre-mer, je tiendrai compte aussi de critères sociologiques et géographiques.

M. Philippe Boënnec – Ma question concerne le dépistage du cancer, qui est devenu la première cause de décès devant les maladies cardio-vasculaires. Le cancer du poumon, principalement causé par le tabagisme, tue à lui seul 27 000 personnes chaque année.

Le dépistage des cancers du sein et colorectaux est désormais exonéré du forfait de 1 euro dans la mesure où il est effectué dans le cadre d’une opération organisée par l’assurance maladie. Cette mesure n’est cependant pas suffisante : le taux de participation au dépistage du cancer du sein n’atteint que 40 %, contre les 80 % souhaités ; et pour le dépistage du cancer colorectal, qui vise 2,2 millions de personnes âgées de 50 à 74 ans, le taux de participation n’est que de 28 % dans les 23 départements qui expérimentent le dispositif.

L’exonération va-t-elle être étendue à d’autres actes de prévention ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Chaque année, on diagnostique 280 000 cas nouveaux de cancer, et 900 000 de nos concitoyens en sont atteints. Le dépistage précoce est un enjeu majeur car il augmente les chances de guérison.

Pour le cancer du sein, le plus fréquent des cancers féminins, le dépistage organisé depuis bientôt quatre ans permet aux femmes de 50 à 74 ans de bénéficier d’une mammographie tous les deux ans sans avance de frais. Le taux de participation, certes trop faible, est passé entre 2004 et 2006 de 40 % à près de 50 %. En 2007, plus de 43 millions ont été consacrés à cette opération, dont 13 millions de crédits d’État. Nous accroîtrons nos efforts en 2008, tant pour atteindre les femmes les plus vulnérables que pour donner une image plus positive du dépistage, en introduisant la technologie numérique pour la première lecture de la mammographie : 57 millions y seront consacrés, dont 21 millions de crédits d’État.

Pour le cancer colorectal, qui chaque année touche 36 000 personnes et cause 16 000 décès, le programme de dépistage expérimenté dans vingt-trois départements est en voie de généralisation. En 2008, 90 millions vont y être consacrés, dont 19 millions de crédits d’État, pour former les personnels de santé et aider les 92 structures de gestion du dépistage, réparties sur l’ensemble du territoire, à sensibiliser le public.

Concernant le cancer du col de l’utérus, qui touche 3 500 femmes et en tue 1 000 par an, 60 % des femmes de 25 à 65 ans ont recours au dépistage spontané par frottis. Des expérimentations de dépistage organisé sont en cours dans trois départements, et de nouvelles vont être lancées – notamment dans les DOM, Madame Taubira. 900 000 euros y seront consacrés en 2008.

La détermination du Gouvernement – et la mienne en particulier – est donc totale.

M. Bernard Gérard – Le virus de la grippe aviaire frappera un jour où l'autre l’ensemble des pays du monde, dont le nôtre. Dans cette perspective, le Gouvernement a pris en 2005 des mesures préventives, avec l'acquisition d'un stock important de masques immédiatement utilisables en cas de pandémie.

Parmi les cinq fabricants français, la société MacoPharma, située à Tourcoing, leader mondial des systèmes de filtration du sang et présente dans plus de 150 pays, a été la première à répondre à l'appel d'offres lancé par le Gouvernement. Elle a créé une unité de production spécifique qui a fabriqué en trois ans 100 millions de masques, dont les derniers ont été livrés en août dernier.

Se pose désormais la question de l'avenir de cette unité, car faute de nouvelles commandes, elle sera arrêtée à la fin de cette année, avec toutes les conséquences induites sur la filière des fournisseurs, hautement spécialisée, et la technicité des agents spécialement formés pour cette production. Une centaine d’emplois sont concernés.

Les premiers masques livrés ayant atteint leur date de péremption en septembre 2007, une solution pourrait consister à confier à MacoPharma leur recyclage, de façon à réaliser des économies d'échelle par le rallongement de leur durée de vie et à conserver les compétences acquises. Quelles dispositions entendez-vous prendre pour maintenir nos capacités de production à court, moyen et long terme ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Cette question ne relève pas de la seule compétence du ministre de la santé, mais je vous répondrai plus généralement sur les risques de pandémie grippale.

Nous avons fait le choix de créer un établissement public, l’EPRUS, afin de disposer d’un dispositif pérenne. L’objectif pour les années à venir est de poursuivre l’acquisition de moyens de protection et d’appliquer un plan de renouvellement des stocks. En 2008, une ou plusieurs plateformes logistiques propres au ministère de la santé seront créées, afin d’améliorer la fiabilité du dispositif de stockage et de distribution ainsi que la réserve sanitaire. Par ailleurs, je vous ai annoncé tout à l’heure que les questions de sécurité sanitaire, et notamment la lutte contre les pandémies grippales, seront une priorité de la présidence française de l’Union europénne. Enfin, je vais présider début décembre l’exercice national sur la pandémie grippale, afin de vérifier que tous nos dispositifs sont opérationnels ; la France est saluée en Europe et dans le monde comme le pays qui a le mieux préparé cette éventualité. L’État y consacrera 75 millions en autorisations d’engagement, et l’assurance maladie autant.

L’activité des fournisseurs, telle l’entreprise que vous avez citée, est amenée à se poursuivre : l’EPRUS est doté de crédits conséquents et continuera de l’être, afin de reconstituer les stocks d’année en année. Si toutefois des évolutions industrielles étaient nécessaires, elles seraient de la compétence de ma collègue Mme Lagarde.

M. Guénhaël Huet – Moins souvent traité que celui de l’inégale répartition des médecins libéraux sur le territoire, le problème du recrutement des médecins hospitaliers est néanmoins bien réel dans certaines régions et certaines disciplines, notamment l’anesthésie et la gynécologie. De nombreux postes restent vacants pendant de longs mois, ce qui déstabilise le fonctionnement des établissements et force les malades à se diriger vers les CHU, où les délais d’attente sont souvent très longs. Cette situation est d’autant plus pénalisante qu’elle induit une baisse de l’activité des hôpitaux concernés, donc des difficultés financières liées à l’application de la T2A.

Quelles mesures ponctuelles ou structurelles envisagez-vous, Madame la ministre ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé J’ai déjà parlé à de nombreuses reprises de la T2A, ce matin et à l’occasion du PLFSS.

Certains établissements à l’activité insuffisante perdront – il est vrai – des moyens par rapport à la dotation forfaitaire. Si des mesures d’accompagnement seront prises pour la période 2007-2012, il faudra de toute façon que les hôpitaux optimisent leur gestion, en se coordonnant pour répartir leurs activités et développer, par exemple, des plateformes administratives communes. Le passage à la T2A est une occasion d’améliorer le fonctionnement des hôpitaux et d’offrir une meilleure qualité de soins.

Comme vous le rappelez, certains hôpitaux ont des difficultés à recruter des praticiens, et c’est pourquoi nous souhaitons améliorer l’attractivité des postes. La mission Larcher, installée par le Président de la République il y a quinze jours, doit formuler des propositions d’ici au printemps 2008. En outre, les états généraux de l’offre de santé, qui débutent en janvier, s’attaqueront aux problèmes de démographie médicale, lesquels se poseront à nous au moins jusqu’en 2025. Vous êtes invité, Monsieur le député, à participer à cette réflexion.

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Le secteur public hospitalier est renduresponsable de la dérive des dépenses d’assurance maladie, alors même qu’il ne représente pas la moitié des dépenses de l’ONDAM et qu’il souffre d’une insuffisance chronique de financement. Dans le même temps, les cliniques privées, qui dépassent l’ONDAM de 187 millions, ont pu verser 420 millions de dividendes à leurs actionnaires, soit la moitié des recettes escomptées de la franchise médicale. Dans ce contexte, les assurés sociaux apprécieront l’effort qui leur est demandé !

Alors que les cliniques privées délaissent les activités à la rentabilité incertaine, l’hôpital public accueille tous les assurés sociaux, même les plus fragiles. La T2A, qui ne tient aucun compte des spécificité de chaque secteur, a eu pour conséquence de l’étrangler financièrement. L’hôpital de Tarbes, par exemple, affiche un déficit cumulé de 10 millions. La condition du passage à la T2A à 100 % est donc de donner des moyens à l’hôpital public et de réévaluer ses missions d’intérêt général. Madame la ministre, que comptez-vous faire à cet égard ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Votre question est quelque peu paradoxale, puisque c’est justement la T2A à 100 % qui a permis aux cliniques privées de réaliser des bénéfices. Les gestionnaires de l’hôpital public en ont donc demandé la généralisation, pour pouvoir lutter à armes égales avec le secteur privé. Des mesures d’accompagnement seront néanmoins prises, comme je l’ai dit. Il n’est pas question d’ignorer les missions propres à l’hôpital public, en matière d’action sociale ou de recherche, et c’est pourquoi des crédits spécifiques – les MIGAC – continueront d’être versés pour financer ces missions. La T2A est une chance pour l’hôpital public.

M. Étienne Pinte – En Île-de-France, deux tiers des hôpitaux sont en déficit, en dépit des efforts de maîtrise des dépenses. De nombreux hôpitaux ont été perdants avec la T2A : la progression des recettes imputable à celle-ci ne compense pas la diminution de la dotation annuelle complémentaire.

Mme Christiane Taubira – En effet !

M. Étienne Pinte – Face à cette situation, deux solutions sont possibles : la mise en place rapide du plan hôpital 2012 ou la signature de contrats d’objectifs et de moyens. Quelles sont vos intentions à cet égard ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé La T2A a été demandée par les gestionnaires de l’hôpital public, et en particulier par la Fédération hospitalière de France. Des mesures d’accompagnement sont certes nécessaires : ainsi, un coefficient correcteur permettra de lisser les recettes sur la période 2007-2012. J’ai tenu à passer à la T2A dès 2008 pour inciter les hôpitaux à une gestion vertueuse, et les inviter à mutualiser leurs moyens et à réfléchir à la répartition de leurs activités. Le passage à la T2A doit rendre possible une meilleure gestion, dans une démarche de qualité des soins, qui est mon seul objectif. Je veux être la ministre de la qualité des soins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Denis Jacquat – Très bien !

Mme Christiane Taubira – Et les contrats d’objectifs et de moyens ?

M. Louis Cosyns – Madame la ministre, quelle place est-elle réservée, dans le plan psychiatrique, à l’accueil familial thérapeutique ? Par ailleurs, quels résultats le plan autisme donne-t-il ? Quelle est la place de l’autisme dans notre politique de santé, et quels crédits sont alloués au dépistage, à la formation, à la prise en charge des enfants, et à la recherche ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Comme vous le savez, l’autisme est un des grands combats de ma vie. Caractérisé par un déficit d’interactions sociales et de communication, ainsi que par la perturbation des intérêts et des activités, l’autisme entrave le développement de l’enfant et a des conséquences souvent dramatiques pour les familles. L’INSERM recense 9 cas d’autisme pour 10 000 personnes, et 27,3 cas pour 10 000 pour l’ensemble des troubles envahissants du développement. Si, à ce jour, nous ne savons pas guérir l’autisme, il est néanmoins possible, par des soins adaptés, d’en limiter les conséquences.

Le plan 2005-2007 a permis de créer 2 600 places en établissement médico-social, soit 650 de plus que prévu. Toutes les régions sont à présent pourvues d’un centre de ressources autisme ou d’une antenne. Des recommandations pour le diagnostic de l’autisme ont été élaborées en 2005 par la Société française de psychiatrie, sous l’égide de la Haute autorité de santé. Un programme de sensibilisation du milieu médical a été lancé pour 2006-2007 par l’Association nationale de formation hospitalière. Un comité de réflexion et de proposition sur l’autisme ainsi qu’un groupe de suivi scientifique ont été créés et ont commencé à travailler. Enfin, des études ont été menées pour améliorer la qualité de la prise en charge.

Ma volonté, Monsieur le député, est de renforcer le plan de santé mentale, qui englobe la prévention, les soins, l’insertion, et offre un cadre cohérent aux activités de prise en charge. L’accueil thérapeutique familial y prendra tout sa place, en raison de l’inflexion vers la psychiatrie infanto-juvénile que j’entends donner au plan ; cela devrait vous rassurer.

M. Jean-Claude Bouchet – Ma question porte sur la dotation financière et humaine dont bénéficieront les hôpitaux de proximité. En effet, les schémas d'organisation sanitaire et de santé mis en place par les agences régionales d'hospitalisation – ARH – ont conduit dans certains cas à un rapprochement entre services publics et privés et, dans d'autres cas, à une restructuration impliquant notamment la fermeture de certains services de soins. Or, pour être acceptée, cette réforme souhaitable et nécessaire doit bénéficier des moyens permettant de garantir à chacun de nos concitoyens la continuité et la qualité du service public hospitalier.

Ainsi, la commission exécutive de l'ARH PACA a voté à l'unanimité, en juillet dernier, l'arrêt du service de soins de chirurgie du centre hospitalier de Pertuis, dans le sud du Vaucluse, justifiant cette décision difficile par l’exigence de sécurité sanitaire : le service, a-t-on allégué, effectuait moins de 500 actes par an. Les besoins des patients du Sud-Luberon exigent pourtant le maintien de ce service public, dont une dotation financière exceptionnelle permettrait de moderniser le plateau technique.

La qualité de l’accueil et des soins offerts par la maternité de Pertuis, établissement de l’assistance publique qui pratique près de 800 accouchements par an, devrait en outre lui garantir des moyens budgétaires conformes aux attentes des professionnels de santé et des familles. Le PLF 2008 le permettra-t-il ?

Enfin, à Cavaillon, principale commune de ma circonscription, la création d’un pôle privé-public par le rapprochement entre l'hôpital et la clinique Saint-Roch devrait non seulement permettre de réaliser des économies d’échelle grâce la mise en commun des moyens techniques, mais aussi de renforcer, dans l’intérêt du patient, la diversité, la qualité et la proximité des soins. Pourriez-vous, madame la ministre, me préciser les orientations budgétaires et juridiques de ce projet ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé J’ai déjà répondu à de nombreuses questions sur la T2A…

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial – Ce qui prouve qu’elle suscite des inquiétudes !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Oui, mais ces inquiétudes relèvent de la discussion du PLFSS, et non du PLF ! Le budget spécifique de la mission santé est totalement distinct de celui des hôpitaux, qu’il s’agisse de restructuration ou d’accompagnement.

Je tiens néanmoins à vous répondre, car l’avenir des hôpitaux de proximité est une question à la fois essentielle et délicate. En effet, nous devons concilier l’exigence de proximité – de ce point de vue, le maillage du territoire français est, je le rappelle, l’un des plus denses en Europe, alors même que nos indicateurs de performance ne sont pas supérieurs à ceux des autres pays européens – et celles de qualité des moyens techniques et de compétence des équipes, qui supposent une activité minimale et une taille critique des établissements.

Loin de se réduire à l’aspect quantitatif, ma démarche repose donc sur une approche au cas par cas, hôpital par hôpital. La médecine et la chirurgie ont connu des progrès tels qu’un chirurgien isolé n’est plus en mesure de satisfaire les besoins des patients : dans les disciplines dites de plateau technique – chirurgie, imagerie médicale -, la sécurité et la qualité des soins exigent désormais une équipe pluridisciplinaire. Les hôpitaux de proximité doivent quant à eux développer les activités dont la population a besoin, notamment la gériatrie et les soins de suite.

Du reste, les opérations de restructuration qui, depuis plusieurs années, prennent acte des mutations socio-économiques que connaît notre pays – vieillissement, modification de la répartition de la population sur le territoire national – n’ont conduit qu’à restructurer certains services, sans entraîner la fermeture d’aucun hôpital. En la matière, la qualité des soins sera l’unique critère de la réflexion que je mènerai à la lumière de l’avis émis par les ARH (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions.

Les crédits de la mission santé, mis aux voix, sont adoptés.

La suite de la discussion du PLF est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi,
à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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