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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 7 novembre 2007

2ème séance
Séance de quinze heures
41ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

HOMMAGE AUX VICTIMES DE L’ATTENTAT EN AFGHANISTAN

M. le Président – L’attentat qui a frappé hier l’Afghanistan – le plus meurtrier de son histoire – a tué six députés afghans et fait de nombreuses autres victimes. En exprimant mon émotion, je ne doute pas d’être l’interprète de la représentation nationale dans son ensemble. En hommage à la mémoire de nos collègues afghans et de toutes les victimes, je vous invite à observer quelques instants de silence (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

INSERTION PROFESSIONNELLE DES PERSONNES HANDICAPÉES

M. Michel Hunault – Dans son édition datée d’aujourd’hui, un grand journal du soir a consacré un cahier spécial au handicap et notamment à l’insertion professionnelle des personnes handicapées, dont il fait à juste titre un révélateur du degré d’humanité d’une société. Monsieur le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, vous avez récemment promis de favoriser l’embauche de ces personnes dans la fonction publique. Quels engagements précis le Gouvernement compte-t-il prendre à cette fin, afin de satisfaire les nombreux collègues qui, sur tous les bancs, souhaitent réserver ainsi aux handicapés la place qu’ils méritent au sein de notre société ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. André Santini, secrétaire d’État chargé de la fonction publique – Monsieur Hunault, je connais votre attachement à ce dossier et je vous remercie de votre question (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et du groupe UMP).

Alors que la loi fait obligation aux employeurs, publics ou privés, d’intégrer à leurs effectifs 6 % de personnes handicapées, ce chiffre ne dépasse pas aujourd’hui 4,5 %. Aux yeux du Gouvernement, et conformément à la demande du Président de la République et du Premier ministre, l’État, premier employeur public de France, doit donner l’exemple par une véritable politique d’emploi et d’insertion des handicapés, dont les mesures présentées en conseil des ministres le 17 octobre dernier se veulent la traduction concrète.

Ainsi, chaque membre du Gouvernement, mobilisant les administrations et établissements publics placés sous sa tutelle, devra présenter au Premier ministre, avant la fin de l’année, un plan pluriannuel permettant d’atteindre l’objectif de 6 % dans la fonction publique d’État et détaillant les objectifs chiffrés de recrutement et la progression suivie jusqu’au 31 décembre 2012. Le recrutement devra ainsi progresser d’au moins 25 % dès 2008. Les possibilités de recrutement sans concours offertes par la loi devront être pleinement utilisées. À cette fin, les administrations sont invitées à conclure des partenariats avec le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique – le FIPHFP –, auquel elles resteront par ailleurs tenues de verser une contribution, comme depuis 2006. Sur notre initiative, ce Fonds s’est doté d’un nouveau directeur et d’un nouveau comité national, qui a élu ce matin même son président. En outre, chaque année, les conférences de gestion prévisionnelle des ressources humaines évalueront les résultats atteints par les plans d’action. Dans ce dossier, le Gouvernement assume donc pleinement ses responsabilités.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. André Santini, secrétaire d’État – Le 28 novembre, les représentants du CNFPT et du FIPHP signeront, en présence de Valérie Létard et de moi-même, une convention qui s’appliquera à l’ensemble de la fonction publique (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et du groupe UMP).

M. le Président – Je rappelle que chacun doit respecter son temps de parole, sans quoi le dernier intervenant inscrit ne pourra s’exprimer.

RÉFORME DES RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE

M. François Vannson – Monsieur le ministre du travail, vous avez entamé le 19 septembre dernier un dialogue avec les partenaires sociaux afin de mener à bien la réforme des régimes spéciaux de retraite, que la majorité soutient et que les Français appellent de leurs vœux. Hier soir, vous avez adressé d'ultimes propositions aux organisations syndicales et aux entreprises publiques. Pourriez-vous nous en préciser le contenu et le contexte et nous assurer qu’elles ne remettront pas en cause les principes fondamentaux de la réforme, dont nous aimerions également connaître le calendrier d’application ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – En répondant hier soir aux propositions que les nombreuses organisations syndicales que j’ai reçues m’avaient soumises lors de nos précédents entretiens, j’ai également voulu, comme le souhaitaient le Président de la République et le Premier ministre, prendre en compte les inquiétudes de certains agents, qui craignent de voir leur pouvoir d’achat diminuer (Protestations sur les bancs du groupe SRC ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ainsi, les modalités de la décote pourront être aménagées afin qu’un agent qui cotisera deux années et demie supplémentaires ne perde pas un euro. Quant aux négociations avec les entreprises publiques concernées, leurs dirigeants, que je rencontrerai dès demain, seront soumis à une obligation de résultat.

Mais que les choses soient claires : nous respecterons nos engagements et nous ne reviendrons pas sur le passage à 40 années de cotisation (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), même si nous tenons à prendre en considération, y compris dans nos discussions avec les entreprises publiques, la spécificité des métiers, notamment leur pénibilité.

J’ai beaucoup reçu, beaucoup écouté, et j’ai entendu ce qui m’a été dit, mais chacun doit y mettre du sien : les ultimes propositions du Gouvernement pourront être appliquées à condition que les organisations syndicales acceptent de participer aux négociations d’entreprise ; de notre côté, nous restons déterminés à appliquer le passage aux 40 annuités, à faire respecter le principe d’une décote sans laquelle l’allongement de la durée de cotisation n’aurait pas de sens, et à indexer les pensions sur les prix, afin d’être au rendez-vous de la justice sociale ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC) Dans la France de 2007, la négociation est plus payante que le conflit : de nombreuses organisations syndicales, comme l’ensemble des Français, l’ont compris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

MARINS-PÊCHEURS

Mme Annick Le Loch – Ma question s’adresse à M. le ministre de la pêche, de l’agriculture et de la forêt – l’ordre des mots a son importance, car on oublie trop souvent la mer, le littoral et les hommes qui les font vivre par l’activité maritime.

Notre pays n'a pas de politique maritime ambitieuse. Le très médiatique déplacement du Président de la République hier au Guilvinec et la réunion de ce matin avec les pêcheurs n’ont pas suffi à dissiper les inquiétudes. C’est de la poudre aux yeux. Vos annonces ne sont pas à la hauteur des enjeux, et ne s’intègrent dans aucune vision structurante de la filière.

Hier, vous avez présenté trois mesures à la représentation nationale : l’exonération des charges patronales et salariales pendant six mois, la répercussion du prix du gazole sur celui du poisson, selon un mécanisme qui reste à déterminer, et le plan de modernisation de la flottille. Aucune mesure d'avenir ! L'exonération des charges et le plan de modernisation sont des idées anciennes, qui se sont heurtées aux règles européennes. Le Président de la République a beaucoup promis en la matière, mais nous vous avons senti plus réservé. Quant au mécanisme que le Président de la République vous a chargé d’« imaginer », dans le court délai de trois mois, vous avez déclaré qu’il devait éviter de pénaliser le consommateur et être établi en concertation avec la Commission européenne. Mais de quoi s’agira-t-il : vignettes, contributions, TVA sociale ? Le consommateur va-t-il régler la facture ? Le poisson va t-il devenir définitivement un produit de luxe ? Que ferez-vous, alors, de vos déclarations sur le pouvoir d’achat ? Allez-vous répondre à chaque profession au coup par coup, sans cohérence globale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche  Hier, Madame, vous étiez au côté du Président de la République et vous avez assisté à un dialogue sincère et direct. Franchement, j’attendais de vous aujourd’hui une analyse plus constructive et objective (Exclamations sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ce dialogue a été poursuivi durant toute la matinée avec l’ensemble des professionnels de la pêche. Nous avons travaillé à l’application rapide des mesures annoncées par le Président de la République. L’exonération des charges sociales salariales et patronales, d’effet immédiat, doit soulager les marins pêcheurs et accompagner les entreprises de pêche. C’est une mesure concrète dont vous devez prendre acte, Madame Le Loch. Dans les trois mois, nous instaurerons aussi un mécanisme de compensation du surcoût du gazole au-delà de trente centimes le litre, en concertation avec les pêcheurs et les ministères concernés pour que le système soit, cette fois, conforme à la réglementation européenne. L’objectif est d’aider à la viabilité des bateaux sans pénaliser les consommateurs.

Outre ces mesures de court terme, nous allons travailler à deux grands chantiers : celui de la modernisation de la flottille, pour consommer moins et mieux, et celui, que vous n’avez pas cité, des salaires des marins pêcheurs, pour leur garantir un revenu minimum. Il me semble franchement que, depuis ce matin, les conditions de la confiance et du travail en commun ont été rétablies (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

IMPRIMERIE NATIONALE

M. Pierre Gosnat – Ma question s'adresse au Premier ministre et j'attends qu’il y réponde personnellement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)… Il ne dit jamais rien, il est temps qu’il s’exprime ! D’autant que le sujet implique les plus hauts responsables de l'État.

Une partie du texte du projet de loi de finances pour 2008 vous a échappé, qui pourtant se trouve sur la page de garde. Il est vrai qu’il n’apparaît que sous les ultraviolets, mais avec l’aide d’André Chassaigne, vous devriez pouvoir le lire (M. André Chassaigne éclaire le document avec une lampe à ultraviolets) : « Notre dernier budget » ! Les ouvriers de l'imprimerie nationale n'ont eu d'autre recours que ce stratagème pour dénoncer la succession de plans sociaux que connaît leur entreprise et la gestion désastreuse de son patrimoine immobilier (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

La vente du site historique parisien de l'imprimerie nationale, constitue un réel scandale politico-financier.

M. le Président – Monsieur Gosnat, il va falloir poser votre question.

M. Pierre Gosnat – Ces 30 000 mètres carrés, rarissimes à Paris, ont été vendus en 2003 au fond d'investissement américain Carlyle – dont M. Bush père est un des actionnaires – pour 85 millions d’euros (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP) puis rachetés en 2007 par l'État pour 376 millions, soit une plus-value de 291 millions. Ce n’est pas, Monsieur Fillon, la faillite pour tout le monde !

M. le Président – Monsieur Gosnat, posez votre question.

M. Pierre Gosnat – Un rapport confidentiel révèle que dans le même temps, vous avez octroyé un prêt de 197 millions à l'imprimerie nationale (La voix de l’orateur est couverte par les exclamations du groupe UMP). Comment pouvez-vous justifier ce prêt devant les contribuables alors qu’un fonds de pension américain faisait une plus-value de 200 millions ? Acceptez-vous la constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur ce sujet ?

M. le Président – Je tiens à rappeler que le dernier orateur, qui risque de ne pas pouvoir s’exprimer, est membre du groupe socialiste.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Il n’y a eu aucun scandale dans le fait de céder l’usine de Choisy. Vous savez que cette société, qui dépend de l’imprimerie nationale, a connu des difficultés et qu’il était nécessaire de l’adosser à un imprimeur privé pour préserver son activité. Ce fut le choix de l’imprimerie nationale mais je puis vous assurer que l’État, en tant qu’actionnaire de l’imprimerie nationale, est très vigilant sur ce dossier. L’ensemble du personnel sera accompagné dans cette démarche ambitieuse et protectrice des intérêts tant de l’entreprise que des salariés et des collectivités locales. Une procédure d’information a été menée avec l’ensemble des salariés et toutes les concertations ont eu lieu. Donnons-nous rendez-vous dans quelques mois pour suivre les résultats de cette opération, qui était nécessaire pour sauvegarder les intérêts de cette entreprise.

Plusieurs députés du groupe GDR – Mais où est passé l’argent ?

M. Éric Woerth, ministre du budget – Vous avez aussi évoqué la vente du siège de l’imprimerie nationale de la rue de la Convention. Vous demandez une commission d’enquête : je vous fais observer que ce terrain et ces bâtiments ont été vendus en 2003, à un prix que le conseil d’administration de l’Imprimerie nationale – et non le Gouvernement de l’époque – a validé. Par la suite, il est exact qu’ils ont été rachetés en vue de procéder au regroupement des sites du ministère des affaires étrangères, les implantations parisiennes de ce département ministériel étant passées de neuf à deux, ce qui est bon pour nos finances publiques.

Vous jetez un voile de soupçon (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) sur une opération au sujet de laquelle j’ai mandaté l’Inspection générale des finances, laquelle m’a rendu des conclusions qui établissent la parfaite transparence de l’ensemble du dossier. Je suis du reste prêt à les transmettre à l’ensemble de la représentation nationale – le président de votre commission des finances en ayant déjà été destinataire – et je vous garantis que vous n’aurez pas besoin d’une lampe à lumière violette pour en prendre connaissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

SÉCURITÉ SANITAIRE

M. Bruno Le Maire – Depuis plusieurs années, la France est confrontée à des crises sanitaires de grande ampleur, qu’il s’agisse du chikungunya, de la fièvre catarrhale ou de la grippe aviaire. Ces crises inquiètent notre population et représentent des enjeux économiques et touristiques très importants. La France a fait face, en créant de nouvelles agences sanitaires et en se dotant de moyens d’expertise qui comptent parmi les meilleurs au monde. Ainsi, la loi du 5 mars 2007 a créé un nouvel établissement public de réponse aux urgences sanitaires.

Nous devons cependant progresser dans trois directions. D’abord, il convient de mieux coordonner les différentes agences sanitaires, de façon à assurer une réponse efficace et aussi économe que possible des deniers publics. Ensuite, il est indispensable de créer de nouveaux instruments à l’échelon déconcentré, afin de garantir partout le même degré de sécurité sanitaire. Enfin, il y a lieu de mieux coordonner l’action à l’échelle européenne, les menaces ignorent les frontières.

Madame la ministre de la santé, quelles mesures entendez-vous prendre pour garantir à nos concitoyens un degré optimal de sécurité sanitaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports La veille sanitaire mérite une gouvernance attentive, aux plans national, européen et mondial. À ce titre, nous avons amélioré la remontée d’informations en créant le centre opérationnel de régulation de l’urgence sanitaire et sociale, lequel permet d’éviter toute fuite de l’information et de la centraliser au niveau décisionnel. Au cours de l’été, j’ai également installé l’établissement public dédié à l’urgence sanitaire que vous avez évoqué. Sa première mission est de détecter les personnes ressources pour constituer une réserve sanitaire, et nous l’avons du reste utilisée sans tarder, en envoyant un renfort de dix-huit personnes à la Martinique. Enfin, nous avons constitué des stocks de matériels, médicaments et vaccins pour faire face à une éventuelle crise sanitaire. Ces différents éléments expliquent que les crédits de veille sanitaire augmentent cette année de 50 %, pour atteindre 164 millions.

À la fin de la semaine dernière, je participais à Washington à la réunion « G7 plus Mexique », et nous sommes convenus de la nécessité d’amplifier la coopération internationale. À l’échelle de l’Union européenne, je souhaite que la veille sanitaire constitue l’un des axes forts de la présidence française du second semestre 2008. Enfin, il nous faut vérifier l’effectivité et l’opérationnalité des mesures : à cet effet, je présiderai un exercice zonal de coordination hospitalière à Bordeaux et un exercice national sera organisé mi-décembre. Comme vous le voyez, le Gouvernement est donc totalement engagé dans la prévention des nouvelles pandémies et des risques émergents (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

COUPLE FRANCO-ALLEMAND

M. Yves Bur – Fondée sur le respect, l'amitié, la compréhension et l'intérêt partagé, la relation franco-allemande est plus que jamais nécessaire. Je le perçois au quotidien, non seulement en tant qu'élu d'Alsace, mais aussi en ma qualité de membre du conseil d'administration de l'Office franco-allemand pour la jeunesse, lequel œuvre activement au rapprochement des jeunes de nos deux pays.

Sous l'impulsion du Président de la République, le dernier Conseil européen a mis fin à la crise institutionnelle qui affectait les États membres depuis près de quinze ans. Nous pouvons ainsi former le vœu que l'Union à 27 pourra désormais mieux fonctionner. Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger sur le sens que peut encore revêtir la coopération franco-allemande. La France et l'Allemagne peuvent-elle encore prétendre à jouer un rôle moteur dans une Union à 27 ? La relation ne risque-t-elle pas d'apparaître à certain de nos partenaires comme trop exclusive ? Quel rôle les structures franco-allemandes jouent-elles encore ? Enfin, la coopération franco-allemande est-elle suffisante pour aplanir les divergences que nos deux pays connaissent parfois dans certaines négociations ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’État chargé des affaires européennes – Merci de me donner l’occasion de faire le point sur les relations entre nos deux pays, à cinq jours de la réunion du Conseil des ministres franco-allemand…

Plusieurs députés du groupe SRC – Allô !

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’État  La réconciliation entre la France et l’Allemagne est à l’origine de la construction européenne. Bien entendu, notre relation doit désormais s’adapter aux nouveaux contours de l’Union à 27, en s’ouvrant et en se mettant au service de tous les États membres. Le dernier exemple de grande réussite de cette coopération, c’est le nouveau traité, né d’une initiative conjointe de la Chancelière allemande et de notre Président de la République. Mme Merkel a voulu marquer la présidence allemande de l’Union en proposant un projet de traité réformateur, simplifié et dépourvu d’attributs constitutionnels. Nos deux pays ont en outre joué un rôle déterminant lors du conseil européen de juin dernier, sous présidence portugaise. Cela montre, s’il en était besoin, que la coopération franco-allemande continue de jouer un rôle déterminant (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Toutefois, il convient de moderniser le fonctionnement du conseil des ministres franco-allemand, et nous nous y employons en multipliant les visites de terrain et en privilégiant les rencontres thématiques. C’est ainsi que le thème de l’intégration sera placé au cœur du prochain conseil franco-allemand (Même mouvement).

Nous pourrons ainsi débattre d’initiatives communes diverses... (Nouvelles interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) puisque des réunions sont également prévues avec les partenaires sociaux, par exemple pour mieux lutter contre les discriminations (Huées sur les mêmes bancs) ou pour définir les mesures propres à favoriser l’insertion chères à Martin Hirsch (Tollé sur les mêmes bancs). Ce sera aussi l’occasion de revoir les différentes structures franco-allemandes pour les adapter à l’époque… (Les interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR couvrent la voix de l’orateur) …en préservant les mêmes fortes convictions européennes communes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

LOGEMENT

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – « La situation du logement en France est catastrophique » avez-vous déclaré, Madame la ministre du logement, jugeant nécessaire de pousser un cri d'alarme. Mais la situation est pire que vous ne le reconnaissez : c’est un scandale d'État ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Que dire d’un pays où l’on dénombre 1,6 million de demandeurs de logements, 3,2 millions de mal logés, 6 millions de personnes vivant dans une extrême précarité ? De plus, étant donné l’augmentation considérable du prix des loyers, aggravée par celle des charges locatives, elle-même due au coût de l'énergie, le pouvoir d'achat – pourtant la priorité affichée du Gouvernement – des locataires est très malmené. Quant à l'accession sociale, elle est dénaturée, parce que de moins en moins sociale. Cette crise continue fait s'aligner depuis des années des rangées de tentes dans les rues. C’est le constat le plus pitoyable de l'échec de l'État (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), le symbole de son inefficacité, qui vous oblige à des solutions improvisées dans la précipitation (Mêmes mouvements). Pourquoi opposer les mal logés silencieux et ceux qui osent exprimer leur révolte pour dire que vivre avec des enfants, pendant quatre ans, dans une chambre d'hôtel louée à un prix exorbitant alors qu'on est demandeur de logement social et capable de payer un loyer, ce n'est pas acceptable ? (Mêmes mouvements) Cette situation est scandaleuse, et le Gouvernement est comptable de l'aggravation de la situation en moins de six mois (Huées sur les bancs du groupe UMP). Comment justifier la brusque accélération des expulsions juste avant la trêve hivernale alors que les ménages expulsés constituent l'une des catégories prioritaires de la loi sur le droit au logement opposable, qui va s'appliquer dans quelques semaines ?

M. le Président – Veuillez poser votre question, Monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Madame la ministre, acceptez-vous d'augmenter la part de logements très sociaux dans le budget 2008 en supprimant l'avantage fiscal Robien, dont le financement représente le quart de l'effort public en cette matière, et qui laisse vacants des logements libres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Acceptez-vous d'augmenter l'aide au logement pour favoriser immédiatement le pouvoir d'achat des locataires et éviter des mises à la rue pour impayés ? Pour favoriser immédiatement le relogement des personnes hébergées dans des hôtels, acceptez-vous de participer au financement des dispositifs semblables à celui mis au point par la Ville de Paris en direction des propriétaires du parc privé ? Acceptez-vous, en bref, d’agir enfin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR, huées sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Lorsque l’on traite d’un tel sujet, le calme s’impose. La crise du logement est réelle, mais ses conséquences sur le pouvoir d’achat résultent de l’insuffisance de l’offre, elle-même due au retard colossal des constructions cumulé depuis vingt ans. Voilà pourquoi le Gouvernement a pour objectif la construction de 500 000 logements par an, dont 120 000 logements sociaux, et la vente de 40 000 logements HLM. En 2007 déjà, la construction s’établit à un niveau inégalé depuis trente ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Par ailleurs, pour résoudre les difficultés auxquelles vous avez fait allusion, les réunions de chantier qui se sont tenues à Lyon sous l’égide du ministère ont été l’occasion de signer plusieurs conventions, dont celle que vous appelez de vos vœux. Le budget de 8 milliards que je vous ai présenté est conforme aux objectifs fixés dans la loi DALO – une loi qui, parce qu’elle a été votée à l’unanimité, nous engage tous et qui prévoit en particulier l’indexation automatique de l'APL et de l'allocation logement sur l'indice de révision des loyers. La nouvelle garantie offerte aux propriétaires bailleurs permettra la remise sur le marché de 100 000 logements vacants dès 2008. S’agissant enfin de « l’avantage Robien », je réfléchis à la poursuite de son application. Le logement, Monsieur le député, est une cause nationale, sur laquelle nous ne devons pas nous opposer. Nous devons travailler, ensemble, à résoudre les difficultés que nous connaissons, car il est inadmissible que tant de gens ne puissent, en France, être convenablement logés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ORGANISATION COMMUNE DU MARCHÉ – SUCRE –

Mme Gabrielle Louis-Carabin – Ma question s’adresse au ministre de l'agriculture. Deux ans après la réforme de l'OCM sucre, l'incertitude plane de nouveau sur l'avenir de la filière canne-sucre de la Guadeloupe, le protocole « sucre » étant remis en cause dans la négociation des accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays ACP. Alors qu’il était prévu d’intégrer ce protocole aux accords, le commissaire européen au commerce a annoncé le démantèlement du dispositif dès 2009. S’il en allait ainsi, la filière canne-sucre de la Guadeloupe serait immédiatement exposée à la concurrence frontale des pays ACP voisins.

La fin du protocole s'accompagnerait également d'une forte baisse des prix, dont les répercussions seraient immédiates dans les départements d’outre-mer.

Les producteurs guadeloupéens de canne à sucre s'inquiètent de la volonté affichée par la Commission européenne de conforter les filières de diversification et d’instaurer une période de transition de deux fois dix ans. Monsieur le ministre, la suppression des accords préférentiels menace l'avenir d'un secteur pourvoyeur d'emplois dans une région dont l'équilibre économique et social est déjà bien fragile.

Il est impératif que la production du sucre de canne outre-mer demeure au cœur de nos préoccupations nationales, internationales, mais aussi européennes. Quelles mesures envisagez-vous pour rassurer la profession et garantir que les futurs accords de partenariat économique ne porteront pas préjudice au sucre guadeloupéen ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche  La Commission européenne mène actuellement des négociations avec les régions dites « ACP » en vue de mettre nos échanges en conformité avec le droit de l’OMC. Une majorité d’États-membres a récemment approuvé la proposition de la Commission d’ouvrir le marché européen du sucre à ces pays à compter de 2012.

La France a toutefois obtenu deux garanties pour sa filière sucrière, en métropole comme dans l’outre-mer : tout d’abord, un prix minimum d’achat jusqu’en 2012, puis des mesures de sauvegarde destinées à protéger le marché communautaire ; j’ai également obtenu, en concertation avec Mme Alliot-Marie et M. Estrosi, que les départements d’outre-mer bénéficient d’une clause d’exclusion empêchant l’arrivée en franchise de droits de sucre en provenance des pays ACP, ce qui préviendra tout risque d’invasion du marché.

Nous nous employons maintenant à obtenir une prolongation de ces clauses, pour le moment limitées à une période de deux fois dix ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LUTTE CONTRE LA FRAUDE

M. Christian Vanneste – Ma question porte sur la fraude, dont le coût est officiellement de 374 millions d’euros, contre 19 à 23 milliards d’euros selon le conseil des prélèvements obligatoires, ou même 40 milliards compte tenu des fraudes fiscales, soit 3 % du PIB. De leur côté, l’OCDE et le Conseil européen évaluent ce coût entre 12 à 14 % du PIB !

La liste des fraudes tient en effet de l’inventaire à la Prévert : certains déposent 130 déclarations sur le revenu en vue de toucher 130 fois la prime pour l’emploi ; il y a ces quintuplés déclarés dans 17 CAF différentes, et ce médecin qui a accordé, en un an, l’équivalent de 140 années d’arrêts de travail ! Certains livres vous donneront même des conseils pour profiter au maximum du système. C’est que les personnels des différents organismes concernés ne passent pas leur temps à traquer les fraudeurs…

Le Président de la République a récemment déclaré que les Français ne devaient pas payer pour les excès commis par une minorité, qu’il s’agisse d’individus ou d’entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Il a donc demandé au Gouvernement d’élaborer des mesures dissuasives, et le comité national de lutte contre la fraude s’est réuni le 30 octobre dernier.

Je voudrais savoir quel bilan le Gouvernement tire de cette réunion, et quelles mesures il compte adopter pour lutter contre la fraude, stratégie qui vise non seulement à rétablir les comptes, mais aussi nos valeurs (Mêmes mouvements).

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – La lutte contre toutes les fraudes, qu’elles soient fiscales ou sociales, est une priorité pour le Gouvernement (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Comme vous l’avez indiqué, Monsieur Vanneste, c’est notamment une question morale.

Par principe, il est difficile d’évaluer la fraude, mais les sommes en jeu sont considérables – 30 milliards d’euros pour la fraude aux prélèvements, qui relève pour l’essentiel du « travail au noir » et de la fraude à la TVA. Le Président de la République et le Premier ministre m’ont confié une mission de coordination en matière de lutte contre la fraude fiscale et sociale, et j’ai réuni, voilà quelques jours, en compagnie de M. Bertrand et de Mme Bachelot, le comité national de lutte contre la fraude, dont le rôle est appelé à se renforcer.

Plusieurs conclusions de ce comité ont déjà été adoptées à la faveur du PLFSS, notamment en matière d’échange d’information et de coordination entre les services, ou encore d’aggravation des sanctions. Nous instituerons également une procédure destinée à lutter contre la « grande » fraude, c’est-à-dire la délinquance financière (« Ah » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Le flagrant délit fiscal visera en particulier les entreprises constituées dans le seul but de tromper le fisc – je pense notamment à la méthode du « carrousel fiscal » qui nous coûte si cher. Nous envisageons également de créer un organisme spécifique sur le modèle d’Europol.

Je rappelle enfin que le PLFSS comporte déjà de puissantes mesures de lutte contre la fraude, notamment pour ce qui est de l’aide médicale d’État. Les organismes sociaux bénéficieront désormais des mêmes moyens que les contrôleurs des impôts, et pourront appliquer des sanctions plancher contre le travail au noir. Vous le voyez, le Gouvernement est actif et ferme dans ce dossier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ALLOCATIONS FAMILIALES

M. Hervé Féron – Ma question s'adresse à vous, Monsieur le Premier ministre. J’espère que vous vous exprimerez pour une fois, car la tradition veut que le chef du Gouvernement réponde quand on l’interroge…

Il est tout d’abord regrettable que les allocations versées chaque mois aux familles ne soient revalorisées que de 1 % en 2008. Pour une famille de deux enfants, cela représente seulement un euro de plus. Ce n’est qu’une aumône !

En outre, l’institution d’une majoration des allocations familiales à partir de l’âge de 14 ans masque la suppression des majorations jusqu’à présent appliquées à compter de 11 et 16 ans. Cette atteinte au pouvoir d'achat des familles est passée quasiment inaperçue, parce que vous réformez à la sauvette. Or, il en résultera une baisse de 80 millions d’euros des allocations familiales dès 2008.

Plusieurs députés bancs du groupe SRC et du groupe GDR – C’est scandaleux !

M. Hervé Féron – Chaque famille perdra au total 360 euros par enfant. C'est un nouveau coup pour le pouvoir d'achat des familles, déjà durement touchées par la hausse des loyers, mais aussi par celle du prix des produits de première nécessité, des carburants, du fuel domestique et de l’énergie. Les familles pâtiront également du nouvel impôt sur la maladie que vous baptisez « franchise médicale ».

Comptez-vous revenir sur cette revalorisation beaucoup trop faible pour 2008 et sur la décision scandaleuse qui aboutit à diminuer de 80 millions par an le volume des allocations familiales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe GDR)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Monsieur Féron, vous avez été rapporteur du budget de la famille pour le PLFSS. À ce titre, vous auriez dû dire la vérité, toute la vérité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC). Ainsi, avec la majoration unique des allocations familiales, rien ne sera changé pour les familles qui les touchent pour des enfants à partir de 11 ans. Vous le saviez, vous auriez pu le dire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Lorsque l’enfant atteindra 14 ans, les familles toucheront le montant qu’elles ne touchaient auparavant que quand il atteignait 16 ans. C’est un progrès, vous auriez pu le dire (Mêmes mouvements).

Quant au niveau de revalorisation des allocations familiales, je ne sais pas où vous vous situez au parti socialiste, mais c’est une ministre de la famille qui s’appelait Ségolène Royal qui a fait introduire l’article L. 551–1 du code de la sécurité sociale pour que cette augmentation soit du niveau de l’inflation. L’an dernier, elle a été bien supérieure, mais vous ne l’avez pas dit.

Vous avez oublié aussi de parler de la modulation de l’allocation de rentrée scolaire, demandée par les familles et par les associations, et que nous appliquons dès cette année. Vous n’avez pas dit non plus que nous allons aider davantage les familles modestes pour qu’elles n’y perdent pas quand elles ont une assistance maternelle agréée.

Sur tous ces sujets, en tant que rapporteur, vous n’avez rien dit. Votre réveil est trop tardif pour être sincère (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

COMMUNAUTÉ AÉROPORTUAIRE DE PARIS-CHARLES DE GAULLE

M. Yves Albarello – Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État aux transports. Selon l’article 3 de la loi du 10 février 2004, une communauté aéroportuaire est créée par le représentant de l'État dans une région, sur proposition du Conseil régional. En l’absence d’une telle proposition, il peut aussi la créer à l'issue d'un délai de six mois suivant notification au Conseil régional.

S’agissant des aéroports de Paris-Charles de Gaulle et de Paris-Orly, l'article 6 de la loi avait expressément envisagé cette création. Or, à ce jour, la communauté aéroportuaire de Paris-Charles de Gaulle n'a pas encore été créée, ce qui n’est pas sans conséquences pour les communes proches de l'aéroport. Comptez-vous inviter prochainement le Préfet de la Région d'Île-de-France à créer cette communauté aéroportuaire ? (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports – Il est dommage que cette bonne idée du sénateur Legrand n’ait pas été suivie d’effet, en particulier en Île-de-France. Les dix grandes plates-formes françaises occasionnent des gênes mais créent aussi beaucoup d’emplois et de retombées positives pour les communes environnantes. Il s’agissait donc de les associer à ces communes dans une instance de discussion. Dans le prolongement du Grenelle de l’environnement, nous allons revoir leur installation sur tout le territoire, et en particulier en région Île-de-France. En inaugurant la nouvelle aérogare de Roissy au printemps dernier, le Président de la République a demandé que soit élaborée une charte du développement durable autour des grands aéroports parisiens. Les travaux sont menés actuellement par le Président du Conseil économique et social. Dans ce cadre, je m’engage à relancer cette idée. Un grand aéroport représente beaucoup d’emplois. Il est normal que les communes soient associées à un dialogue au sein de communautés aéroportuaires (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POUVOIR D’ACHAT

M. Jean Glavany – Monsieur Bertrand, en répondant à M. Féron, vous vous êtes montré grand donneur de leçons (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Un rapport de l’IGAS dit que le dossier personnel médicalisé que vous avez mis en place est un modèle d’insincérité et l’inverse du service public. Cela devrait vous inciter à un peu plus de modestie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Le pouvoir d’achat est la principale préoccupation des Français, suite aux hausses des loyers, des produits alimentaires comme les pâtes, et de l’essence. Sur ce dernier point, vous trouvez des solutions pour les pêcheurs. Je m’en réjouis pour eux. Mais pour les autres ? M. Woerth disait hier, sur une radio, qu’on ne peut rien faire. Les députés socialistes vous font deux propositions concrètes : (Non ! sur les bancs du groupe UMP). Taxez les surprofits des compagnies pétrolières (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) et utilisez l’argent pour réaliser le titre transport.

Taxer les surprofits est possible : nous l’avons fait en 2000, sur un amendement de M. Emmanuelli (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Cela a très bien marché et n’a pas empêché Total d’investir et de distribuer des dividendes largement supérieurs à la moyenne. Total affiche aujourd’hui des profits considérables. Vous avez donc un moyen d’action. Cela vous permettrait de mettre en œuvre une disposition que vous avez votée, le titre transport. Elle est inopérante car facultative. Rendez-la obligatoire et vous améliorerez le pouvoir d’achat de tous les Français. Monsieur le Premier ministre, je vous demande une réponse concrète (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur – Décidément, pour résoudre les problèmes des Français, vous ne savez que proposer des taxes supplémentaires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Ce n’est pas comme cela qu’on va distribuer du pouvoir d’achat aux Français. On leur rend du pouvoir d’achat par exemple en exonérant les heures supplémentaires d’impôt sur le revenu et de charges sociales, et en restaurant la concurrence (Les députés socialistes se lèvent et quittent l’hémicycle). C’est surtout en allant chercher le point de croissance supplémentaire que vous avez été incapables de créer en imposant le carcan des 35 heures.

M. le Président – Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Salles.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES
vice-président

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 – SECONDE PARTIE (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

TRAVAIL ET EMPLOI

M. Gaëtan Gorce, rapporteur spécial de la commission des finances pour l’accompagnement des mutations économiques et le développement de l’emploi – Le budget que nous examinons cet après-midi s’organise autour de deux grands programmes. Je vous présente le premier d’entre eux, dont les crédits progressent, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement ; mais si l’on globalise les deux, on note un repli de plus de 3 %, ce qui ne peut que susciter l’inquiétude. Je voudrais cependant saluer l’élégance de mes collègues et du Gouvernement, qui permettent à un représentant de l’opposition de présenter le programme dont les crédits progressent, et laissent à un député de la majorité le soin de défendre celui dont les crédits diminuent.

Nous sommes, s’agissant des politiques de l’emploi, à la croisée des chemins. Le taux de chômage est tombé aux alentours de 8,5 % ; la diminution va-t-elle se poursuivre, si oui à quel rythme, va-t-il y avoir stabilisation, va-t-il y avoir de nouvelles secousses ? Les mutations économiques, en particulier dans l’industrie, se traduisent par des suppressions d’emplois – encore près de 50 000 sur les douze derniers mois – mais l’objectif d’une stabilisation de l’emploi industriel est un horizon crédible ; et surtout, les mutations démographiques peuvent laisser espérer une stabilisation prochaine de la population active.

Il nous faut donc regarder d’une autre manière les politiques de l’emploi – mais j’observe que la droite est pour l’instant singulièrement absente de l’hémicycle !

M. Francis Vercamer – Un représentant du Nouveau centre vous écoute !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur spécial – Plutôt que de simplement reconduire les dispositifs existants, il convient de les adapter, en fixant des priorités – qui à mon avis sont au nombre de trois.

La première, c’est l’anticipation : nous ne tirons pas suffisamment les conséquences des mutations économiques, démographiques et technologiques. Le Centre d’analyse stratégique a montré l’impact qu’elles pouvaient avoir dans les années qui viennent, en rappelant que les créations d’emplois allaient se concentrer sur une quinzaine de métiers ; mais ces données n’inspirent pas de véritable politique, si l’on en juge par la mobilisation relativement modeste des partenaires sociaux dans les branches professionnelles et par la régression des crédits consacrés au développement de l’emploi et des compétences, comme de ceux affectés à la gestion prévisionnelle des emplois.

La question de l’anticipation pose celle du pilotage des politiques. Le PIPAME – pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques – a le mérite d’exister, mais le pilotage se fait sans véritable vision stratégique et sans intégrer les différents aspects. J’espère que notre Assemblée aura l’occasion, lorsque les discussions budgétaires lui en laisseront le temps, d’approfondir ces réflexions.

Deuxième priorité : l’adaptation des outils sur lesquels se fondent les politiques de l’emploi. Dans ce domaine aussi, nous sommes à la croisée des chemins. Ainsi, il est indispensable de réformer la formation professionnelle afin de permettre aux salariés, mais aussi aux demandeurs d’emploi, de s’adapter aux mutations et aux restructurations que connaît leur métier et de leur assurer ainsi un véritable droit à l’avenir. Il y va non seulement de l’enrichissement des compétences, de l’amélioration de la productivité et de la sécurité de l’emploi, mais aussi de l’amélioration des salaires, donc du pouvoir d’achat. En d’autres termes, il s’agit de se former plus pour gagner plus !

Quant à l’emploi des seniors, l’on envisage de remettre en question les dispositifs de départ anticipé à la retraite – par exemple l’allocation équivalent retraite – alors même que les politiques de maintien dans l’emploi des salariés de plus de 50 ans, qu’il s’agisse du plan pour l’activité des seniors, des accords professionnels ou de dispositions législatives récentes, n’ont encore produit aucun résultat ! Il est pourtant indispensable, en concertation avec les partenaires sociaux et en prenant en considération la pénibilité des conditions de travail, d’améliorer le taux d’emploi de cette catégorie de population dans l’entreprise.

Troisièmement, il est urgent de fournir au Parlement comme aux autres institutions concernées des outils communs et fiables d’évaluation des politiques de l’emploi. Comment en faire l’économie alors même que les crédits consacrés à l’emploi, indemnisation du chômage comprise, atteignent 78 à 80 milliards d’euros ? Je présenterai donc, avec M. Lefebvre, un amendement visant à attirer l’attention du Gouvernement sur cette question, dont le Parlement, notamment notre commission des finances, a l’intention de se saisir. Ce débat doit nous réunir au-delà de toute considération polémique ou idéologique.

Enfin, particulièrement attentifs, comme le Gouvernement, à la revitalisation des bassins d’emploi, nous avons déposé un amendement visant à remédier aux lacunes des dispositifs d’aide financière et juridique à la recréation d’emplois dans les bassins touchés par un sinistre économique, dispositifs qui négligent parfois les petits territoires ou les zones rurales – alors qu’eux aussi ont droit à l’avenir !

En matière d’emploi, nos concitoyens doivent pouvoir envisager l’avenir avec optimisme et confiance ; à défaut de nous accorder sur les moyens, nous partageons tous cet objectif (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Fréderic Lefebvre, rapporteur spécial de la commission des finances pour les politiques du travail et de l’emploi – Le Président de la République a fixé à la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi un objectif particulièrement ambitieux : le plein emploi – en d’autres termes, un taux de chômage de 5 % et un taux d'activité de 70 % d’ici cinq ans – grâce à une politique de revalorisation du travail.

Un député du groupe UMP – Bravo !

M. Fréderic Lefebvre, rapporteur spécial – À cette fin, la ministre de l'économie et des finances est, pour la première fois, responsable de la politique de l'emploi – réforme indispensable, car ces deux domaines sont indissociables.

La mission « Travail et emploi » est donc désormais dotée d’un statut interministériel et ses deux programmes les plus importants, « Accès et retour à l'emploi » – qui représente 6,28 milliards – et « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » – qui bénéficie de 5,15 milliards –, sont confiés à Christine Lagarde, le ministre du travail, Xavier Bertrand, conservant la responsabilité des programmes « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » – 128 millions – et « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » – 733 millions.

Mais l'effort budgétaire de l'État en faveur de l'emploi, loin de se réduire aux crédits de la mission – qui s'élèvent au total à 12,3 milliards –, inclut également les dépenses fiscales – 9,6 milliards – et les recettes fiscales visant à compenser les allégements de charges – 26,8 milliards –, ce qui le porte à 48,9 milliards, soit une hausse de 13,6 %. Loin d’un désengagement, il s’agit d’un effort sans précédent !

En outre, les deux réformes essentielles entreprises par le Gouvernement – la fusion entre l’ANPE et L’UNEDIC et la simplification des contrats aidés – devront s'accompagner d'un renforcement de l'évaluation des politiques de l'emploi ; je fais mien le constat de M. Gorce…

M. Gaëtan Gorce, rapporteur spécial – Sur ce point !

M. Fréderic Lefebvre, rapporteur spécial – Au moins sur ce point.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  Un point très consensuel !

M. Fréderic Lefebvre, rapporteur spécial – Évoquée depuis au moins vingt ans, la fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC, à laquelle s’est engagé le Président de la République, sera soumise au Parlement avant la fin de l'année, dès la fin des négociations avec les partenaires sociaux, afin d'améliorer le service rendu aux demandeurs d'emploi, but essentiel de cette réforme.

Si, grâce à la convention tripartite signée le 5 mai 2006, à l'initiative de Jean-Louis Borloo, par l'État, l'ANPE et l’UNEDIC, environ 90 % des demandeurs d’emploi obtiennent désormais un entretien individuel huit jours après s’être inscrits aux Assedic, seules 299 agences locales pour l'emploi et 248 antennes Assedic bénéficiaient à la fin du mois d’août d'un guichet unique – ce qui signifie simplement que les locaux sont distants les uns des autres de moins de 200 mètres ! Il était donc nécessaire de faire mieux.

Désormais, chaque demandeur bénéficiera d'un interlocuteur unique chargé de l’accueil, de l’inscription, de l’indemnisation et de l’aide à la recherche d’emploi. La baisse significative du nombre de demandeurs d'emploi par agent référent permettra d’améliorer et de personnaliser le suivi.

M. Patrick Roy – Mais comment ?

M. Fréderic Lefebvre, rapporteur spécial – Contrairement à ce que certains prétendent, les responsabilités qui incombent aux partenaires sociaux seront non seulement préservées, mais accrues : L'UNEDIC, gérée par les partenaires sociaux, continuera à administrer en toute indépendance – j'y insiste – le régime d'assurance-chômage et à fixer les modalités d'indemnisation.

Quant au nouvel organisme, qui réunira les réseaux des Assedic et celui de l'ANPE, doté d'un statut sui generis, il sera chargé de l'accueil, de l'inscription, de l'accompagnement et de l'indemnisation des chômeurs et tiendra les listes à jour. Majoritaires au sein du conseil d'administration, les partenaires sociaux auront ainsi le pouvoir d'en nommer le président et feront partie du conseil d'orientation des politiques de l'emploi dont dépendra le nouvel organisme. Ces dispositions devraient faire disparaître les réticences que la perspective de cette réforme suscite depuis une vingtaine d’années.

Les relations du nouvel organisme avec les maisons de l’emploi devront toutefois être clarifiées. La majorité comme l’opposition seront donc particulièrement attentives aux conclusions de la mission confiée par la ministre de l’économie à notre collègue Jean-Paul Anciaux, qui étudiera le cas de chacune des maisons de l'emploi labellisées en attente de conventionnement, comme aux discussions avec les collectivités territoriales sur les conséquences de la fusion en matière immobilière.

M. Patrick Roy – Qui va payer ?

M. Jérôme Chartier – Écoutez le rapporteur !

M. Fréderic Lefebvre, rapporteur spécial – Au mois de septembre, la visite d’un Jobcentre Plus situé à Londres m’a permis de mesurer l’efficacité de ce type de réforme (Protestations sur les bancs du groupe GDR), menée par votre ami Tony Blair ! La fusion des anciennes Benefit Agencies et des anciens Job Centres, en 2002, a renforcé la qualité du service rendu aux demandeurs d'emploi. En contrepartie, ceux-ci se soumettent par contrat, lors de leur premier entretien, à des obligations dont le respect conditionne le versement de leurs allocations. Ce lien entre obligation et sanction est essentiel.

En France, le suivi des demandeurs d'emploi et le régime des sanctions ont été réformés en 2005, mais sans accroître de manière significative le nombre de contrôles et de sanctions.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles  C’est exact.

M. Fréderic Lefebvre, rapporteur spécial – En 2006, 2 % des chômeurs indemnisés ont été sanctionnés, soit quatre fois moins qu'en Espagne et en Belgique.

M. Jérôme Chartier – Très juste.

M. Fréderic Lefebvre, rapporteur spécial – Il faudra donc réfléchir, avec les partenaires sociaux, aux sanctions qu’encourra un demandeur d’emploi qui refuserait deux offres « valables » – concept qui devra lui aussi être précisé. Ce sera en tout cas au nouvel organisme de les prononcer. En Grande-Bretagne, il est d’autant plus facile d’y recourir qu’elles ne peuvent priver le demandeur de l'allocation logement, donc entraîner son exclusion. Plus de souplesse, donc plus d'efficacité, à l’image du système britannique : voilà ce que je vous propose.

Deuxième grande réforme : la simplification des contrats aidés.

M. Patrick Roy – Leur diminution, plutôt !

M. Fréderic Lefebvre, rapporteur spécial – Créés par le plan de cohésion sociale, qui a déjà simplifié le dispositif existant en instaurant le contrat d'accompagnement dans l'emploi dans le secteur non marchand et le contrat initiative emploi dans le secteur marchand, les contrats aidés feront en 2008 l'objet d'une évaluation qui en permettra l’aménagement.

M. Patrick Roy – La diminution !

M. Fréderic Lefebvre, rapporteur spécial – Le 2 octobre, le président de la République a annoncé un « Grenelle de l'insertion », qu’il souhaite voir déboucher sur la création d’un contrat unique d'insertion. J’imagine que vous applaudirez des deux mains ! Ce contrat, qui réunirait les différents contrats aidés existants, serait applicable dans les secteurs public et privé. Personne ne s’y retrouve plus dans les dispositifs actuels : on ne sait ni le nombre des contrats aidés, ni celui des dispositifs mis à la disposition des chômeurs.

Alain Joyandet, Gaëtan Gorce et moi avons d’ailleurs été frappés par l'insuffisance de l'évaluation des politiques de l'emploi dans notre pays. Au regard des sommes considérables engagées par l'État – plus de 78 milliards au total – les crédits consacrés à l’évaluation apparaissent dérisoires : 37 millions, soit 0,07 % du total. La Cour des comptes et le Conseil d'orientation pour l'emploi partagent ce constat. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à augmenter, de manière symbolique, la subvention du Centre d'études de l'emploi. La commission des finances, qui a adopté cet amendement à l’unanimité, souhaite ainsi manifester sa volonté qu’un système d'évaluation performant soit mis en place, dont le Parlement pourrait disposer dans le cadre de ses compétences de contrôle. Ce n'est qu'à partir d'une évaluation solide et de diagnostics partagés que nous pourrons rendre notre politique de l'emploi plus efficace et plus juste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances pour les politiques du travail et de l’emploi L’an dernier, j’étais seul en charge de cette grande mission. À l’initiative du rapporteur général, je la partage désormais avec Frédéric Lefebvre et Gaëtan Gorce qui m’ont tous deux rendu le travail très agréable, l’un, jeune député, en faisant preuve de son talent spontané et l’autre, membre de l’opposition, en exprimant toutes les qualités que nous lui connaissons. Cette mission est donc le symbole de l’ouverture et du rajeunissement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le budget de la mission s’élève à 12 milliards en crédits de paiement, et près de 49 milliards au total sont consacrés par l’État au travail et à l’emploi. M’étant spécialement intéressé au programme Accès et retour à l’emploi, je suis heureux de la priorité donnée à une efficacité accrue du service public de l’emploi grâce à la fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC. C’est au Danemark que je suis allé, pour ma part, et j’en tire exactement les mêmes conclusions que Frédéric Lefebvre sur l’organisation d’un grand service pour l’emploi. C’est pourquoi je me félicite de la mise en valeur de l’ANPE, dont les missions sont sans cesse enrichies. Les actions ciblées, notamment en faveur des jeunes et des personnes proches de la retraite, sont un succès. La baisse du nombre de chômeurs dans ces catégories doit nous encourager à développer les parcours individualisés. Ce sera d’autant plus facile que le service public de l’emploi sera unifié. Dans cet esprit, la suppression par l'article 57 des multiples dispositifs de cessation précoce d'activité, dans le cadre du plan pour l'emploi des seniors, me semble aller dans le bons sens. Notre pays a besoin de toutes les forces et de toutes les compétences. L'âge ne doit pas être un handicap pour avoir un emploi et l’effet d’aubaine créé par ces mesures doit être supprimé.

Une action me tient particulièrement à cœur : la simplification des contrats aidés.

M. Patrick Roy – Leur diminution !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial – L’article 52 prévoit en effet la fusion du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprises avec celui du contrat initiative emploi. Dans leur configuration actuelle, ces dispositifs, tous deux destinés aux jeunes très peu qualifiés, font double emploi. Cet effort de rationalisation permet d'éviter l'effet d'aubaine créé par le SEJE. En revanche, en ce qui concerne l'emploi aidé non marchand, la situation est très tendue, notamment pour ceux qui vivent avec le RMI et acceptent un contrat d'avenir. Il faut veiller à ne pas les écoeurer. Nous avons dit que nous voulions aider ceux qui veulent s'en sortir, et c'est une promesse qui me tient à coeur. Or, bien que tenant, en tant que maire, à développer une politique d'emplois aidés, je ne le peux plus.

M. Patrick Roy – Parce qu’il n’y a plus de contrats aidés !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial – Le dispositif est bloqué par une mauvaise articulation entre les collectivités territoriales, les conseils généraux empêchant la reconduction des contrats d’avenir par les employeurs publics. C’est un sujet important.

Vos trois rapporteurs spéciaux vont proposer d’augmenter de 200 000 euros la subvention versée au Centre d’études de l’emploi, pour souligner que l’évaluation des politiques menées est capitale pour l’avenir. Enfin, un programme est consacré à l’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail et je ne peux que me féliciter de l’accent mis sur la santé et sur la promotion du dialogue social.

Nous ne pouvons qu’être satisfaits de l’effort global fait en faveur de l’emploi et de l’insertion par le travail des personnes les plus en difficulté. C’est pourquoi je vous invite à soutenir l’action du Gouvernement en la matière (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles  Je ne reviendrai pas sur le détail des crédits de cette mission, sauf pour rappeler que la commission des affaires sociales a supprimé l’article 53 relatif aux contrats de professionnalisation, en souhaitant qu’une solution puisse être trouvée avec le Gouvernement. J’évoquerai plutôt la question du contrat de transition professionnelle, qui n’a qu’une incidence budgétaire modeste – 8,5 millions – mais qui est particulièrement intéressant dans le contexte actuel. Établi par une ordonnance du 13 avril 2006, le contrat de transition professionnelle est expérimenté pour deux ans dans sept bassins d'emplois, où il se substitue à la convention de reclassement personnalisé, qui s’adresse depuis 2005 aux employés des entreprises de moins de mille salariés menacés par un licenciement économique – d’autres mesures s’appliquant aux entreprises de plus de mille salariés. L’objectif est d’organiser une rupture aménagée, offrant plus de sécurité et d'accompagnement et une meilleure indemnisation que le droit commun du licenciement.

Le développement de ce type de mesures s'inscrit dans la recherche d'une meilleure sécurisation des parcours professionnels, au cœur désormais du dialogue social entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux. La convention de reclassement personnalisé est issue de ce dialogue et la question des parcours professionnels sera à nouveau traitée dans la négociation interprofessionnelle engagée cet automne sur la modernisation du marché du travail. La remise à plat de l'assurance chômage et la réforme du service public de l'emploi obligeront de toute façon à revoir la convention de reclassement personnalisé, mise en œuvre dans le cadre de l’UNEDIC.

L'expérimentation du contrat de transition professionnelle doit s'achever en mars 2009 et le Gouvernement doit remette un rapport d'évaluation avant le 1er juin 2008, mais l’on peut d'ores et déjà tirer des leçons de l’expérience, qui seront utiles pour les réformes en vue. Le dispositif qui s’applique actuellement au niveau national, la convention de reclassement personnalisé, présente plusieurs avantages par rapport au droit commun : une indemnisation plus généreuse, bien que dégressive, un statut favorable pour la conservation des droits sociaux – celui de stagiaire de la formation professionnelle – et des mesures d'accompagnement renforcées. Le contrat de transition professionnelle obéit assez largement aux mêmes règles, sauf qu’il est ouvert aussi aux salariés qui n’ont pas une durée d’affiliation suffisante pour avoir accès aux allocations de chômage, que le délai de réflexion pour l'acceptation et la durée maximale d'accompagnement sont plus longs, qu’il est possible d'insérer dans cette période d’accompagnement des périodes de travail rémunérées pour s'essayer à de nouveaux postes et que l'indemnisation est plus élevée, non dégressive et comporte un avantage en cas de reprise d'emploi avant le terme du contrat. En contrepartie, le bénéficiaire doit suivre les actions qui lui seront proposées et donner suite à toute offre d'emploi correspondant à son projet professionnel. Dans la pratique, le contrat de transition professionnelle offre un accompagnement plus efficace, avec notamment un taux d'encadrement bien meilleur.

L’IGAS a déjà rendu deux rapports d'évaluation. Au 30 septembre 2007, 2 533 personnes étaient entrées dans le système. Les cinq premières cohortes étant, par construction, intégralement sorties du dispositif mis en place en mai 2006, soit 573 personnes, nous pouvons d’ores et déjà dégager quelques enseignements. L’IGAS relève un fonctionnement global satisfaisant du dispositif, avec des résultats « du niveau d'une bonne cellule de reclassement, mais avec des incertitudes et des difficultés d'interprétation ». Les auditions que j’ai pu mener confirment ce jugement. Il apparaît que le contrat de transition professionnelle est très attrayant, avec un taux d'adhésion proche de 80 % des salariés concernés, contre 40 % seulement pour d'autres mesures optionnelles telles que la convention de reclassement personnalisé ou l’accompagnement renforcé. Quant aux résultats en termes de retour à l'emploi, la comparaison entre les régimes est très délicate, car les notions utilisées par chacun font l’objet de définitions différentes et il est difficile de comparer un dispositif expérimental couvrant quelques milliers de personnes avec des mesures valables au plan national. Enfin, dans ce type de comparaisons, il faudrait faire entrer et quantifier des facteurs tels que le taux de chômage des bassins d'emploi en cause, l'âge moyen et la qualification des demandeurs d'emploi, ces données étant déterminantes pour apprécier les chances de retour à l'emploi.

Sous ces réserves, les résultats du contrat de transition professionnelle sont très au dessus de la moyenne des dispositifs de reclassement. En intégrant toutes les périodes travaillées de plus d'un mois, le taux de retour à l'emploi s'élève à plus de 70 %, au terme des douze mois de contrat. En s'en tenant aux sorties en emploi durable – soit en contrat à durée indéterminée, contrat à durée déterminée ou mission d'intérim de plus de six mois - le taux est de 60 %. S'agissant de l'ensemble des chômeurs, une enquête de l'ANPE sur le devenir d'un échantillon de demandeurs d'emploi ayant eu leur premier entretien en mai 2004 montre que, sur ceux qui s'étaient inscrits suite à un licenciement économique, 39 % travaillaient douze mois après et 53 %, au total, travaillaient ou avaient travaillé durant ces douze mois.

Pour ce qui concerne la convention de reclassement personnalisé, des données ANPE montrent que 55 % des allocataires, douze mois après leur entrée, ne sont pas inscrits à l'agence, ce qui correspond en général à un reclassement dans l'emploi. Enfin, s'agissant des cellules de reclassement dans le cadre des plans de sauvegarde de l'emploi, une analyse conduite a posteriori sur 230 plans entre 2002 et 2004 fait état de 35 % environ de sorties en emploi durable, un an après leur licenciement, des salariés ayant besoin d'un reclassement externe et dont la situation est connue.

L'analyse des emplois occupés par les anciens bénéficiaires d'un contrat de transition professionnelle est également intéressante : plus de 42 % ont changé de métier, ce qui traduit un mouvement significatif de reconversion ; près d'un tiers ont amélioré leur salaire ; 8 % sont sortis en création d'entreprise.

La plupart des personnes auditionnées s'accordent à reconnaître plusieurs points forts au contrat de transition professionnelle, ce qui explique ses résultats encourageants. Il y a d'abord l'aspect institutionnel, particulièrement intéressant, alors que nous allons prochainement débattre de la nouvelle organisation du service public de l'emploi. Le dispositif est géré par une filiale dédiée de l'AFPA, qui associe des personnels issus de cet organisme et de l'ANPE. Les cellules ont un fonctionnement entrepreneurial, puisqu’elles sont dirigées par des chefs de projet détachés de l'AFPA particulièrement impliqués. L'intérêt du regroupement dans une même structure des compétences des personnels de l'ANPE et de l'AFPA a été souligné par la plupart de mes interlocuteurs. Les uns amènent leur expérience du placement en emploi, les autres leurs compétences dans la construction de parcours de reconversion professionnelle, la prescription de formations adaptées ou la recherche de stages.

Le délai de trois semaines laissé aux salariés pour opter, plutôt que deux dans la convention de reclassement personnalisé, est lui aussi reçu très positivement. La durée du contrat de transition professionnelle – douze mois – l'est également. Dans les statistiques de retour à l'emploi durable, le taux bondit de 33 % à 60 %, entre huit et douze mois d'ancienneté dans le dispositif. Bien entendu, certains bénéficiaires attendent sans doute la fin du contrat pour reprendre un emploi, mais ce type de comportement ne saurait expliquer un tel saut. Même si une durée fixe n'est pas adaptée à tous les cas, le choix de douze mois est plutôt bien calibré et mieux adapté pour mener un projet de reconversion professionnelle que les huit mois de la convention de reclassement personnalisé.

L'accès aux formations constitue une autre réussite du dispositif. Pour les cohortes qui en sont sorties, il atteint presque 67 %. Or, le taux d'accès aux formations ne serait que de 25 % pour la convention de reclassement personnalisé et de 10 à 20 % pour l'ensemble des demandeurs d'emploi. Il faut savoir cependant que ces résultats sont liés à l'implication d'un organisme paritaire collecteur des fonds de formation, l'AGEFOS–PME, qui a financé 53 % des formations. L'implication des conseils régionaux, compétents pour la formation professionnelle, est en revanche inégale et reste globalement limitée.

Un dernier élément très positif de la démarche de conversion propre au contrat de transition professionnelle doit être signalé : il s’agit des périodes travaillées qui peuvent s'intercaler dans le contrat de transition sans l'interrompre. Ce mécanisme permet de s'essayer à un nouvel emploi, voire à un nouveau métier, sans risque statutaire.

Par contre, d’autres aspects du dispositif font débat. D'abord, son coût et ses sources de financement. Le financement de l’expérience, initiée par les pouvoirs publics, repose sur une contribution importante de l'État, qui serait, selon les prévisions, proche du tiers des dépenses totales, à la différence de ce qui se passe pour la convention de reclassement personnalisé, où cette contribution est marginale. Cela s'explique par le niveau d'indemnisation plus élevé, les mesures d'accompagnement plus importantes, mais aussi par un engagement moindre de l'assurance chômage, à laquelle le contrat de transition professionnelle a été en quelque sorte imposé et qui a obtenu en conséquence de n'y contribuer que dans de strictes limites. Si l'on regarde le seul coût unitaire du dispositif, il n'est pas certain qu’il ressorte très différent pour le contrat de transition professionnelle et la convention de reclassement personnalisé, dans la mesure où les surcoûts du premier peuvent être compensés par les économies d'indemnisation réalisées si les personnes retrouvent plus vite un emploi, compte non tenu du fait que, pendant les périodes travaillées qui s'intercalent dans le contrat, elles sont rémunérées par leur employeur temporaire et non par le système. Selon des évaluations de la DGEFP, la différence de coût unitaire final entre les deux mesures pourraient être de seulement 5 %.

Au surplus, il existe des marges d'ajustement des coûts. D'une part, il n'est pas certain qu'un taux d'encadrement d'un pour trente soit nécessaire ; un pour quarante ou cinquante pourraient suffire, selon certaines sources. D'autre part, le niveau d'indemnisation des bénéficiaires pourrait être réexaminé, car, à ce niveau, il est possible que les indemnités excédent l'ancien salaire net. Avec le système de prime en cas de reprise d'emploi rapide, le contrat de transition professionnelle est tellement attractif qu'il peut sans doute entraîner des effets d'aubaine, dans la mesure où peuvent en bénéficier des salariés qui, compte tenu de leur métier, pourraient retrouver rapidement un emploi sans aide particulière.

Le critère d'entrée par le licenciement économique est également discuté. Comme on l’a vu, proposer le dispositif à tous ceux dont le licenciement pour motif économique est envisagé peut entraîner des effets d'aubaine. En outre, l’IGAS fait valoir que cela n'a peut-être guère de sens pour des salariés proches de la retraite – qui ont plus besoin d'une solution d'attente que d'une reconversion –, ou de personnes dont les problèmes de santé notamment appellent d'autres formes d'accompagnement qu'une aide au retour à l'emploi.

Parfois trop systématique, la définition des bénéficiaires potentiels par le licenciement économique paraît souvent trop restrictive. En recul constant, les licenciements économiques sont devenus un motif très minoritaire d'entrée en chômage, avec moins de 5 % des inscriptions à l'ANPE. Dès lors, certaines organisations syndicales souhaiteraient couvrir plus largement les ruptures de nature économique, notamment les salariés temporaires non reconduits des entreprises procédant à des licenciements économiques. Certaines réflexions portent également sur une éventuelle distinction entre les droits à indemnisation et ceux à accompagnement. L'IGAS considère ainsi que, dans le cadre d'un licenciement collectif, il est délicat de justifier des conditions d'indemnisation différentes, alors que des modalités d'accompagnement variables, adaptées à chacun, seraient utiles et pourraient être acceptées.

La dernière question souvent soulevée est celle de l'articulation du contrat de transition professionnelle avec les autres mesures de reclassement existantes, et, en particulier, les plans de sauvegarde de l'emploi que doivent mettre en œuvre les entreprises. Certains craignent un appauvrissement du contenu de ces plans dans les bassins couverts par le contrat de transition professionnelle. Si l'expérience devait être poursuivie ou élargie, l’hypothèse d'une exclusion des entreprises tenues de proposer un plan de sauvegarde ou d'une contribution obligatoire de ces entreprises au financement du contrat de transition professionnelle devrait être étudiée.

Cela nous amène à la conclusion : que faire du contrat de transition professionnelle dont l'expérimentation va s’achever en mars prochain ? De mon point de vue, une généralisation à tout le territoire, qui en ferait le régime de droit commun pour les salariés concernés par une restructuration, voire pour tous les demandeurs d'emploi, paraît difficilement envisageable avec les paramètres actuels du dispositif, qu'il s'agisse de sa clé de financement ou du niveau d'indemnisation. Pour autant, il est patent qu'il y a dans ce dispositif des éléments très positifs, qui devraient inspirer la configuration future des dispositifs d'accompagnement des demandeurs d'emploi. Comment valoriser ces éléments ? Dans le contexte actuel, qui est celui d'une remise à plat de tout le système d'accompagnement et d'indemnisation du chômage, je pense que c'est dans ce cadre de réforme d'ensemble que les enseignements du contrat de transition professionnelle doivent être tirés, soit pour inspirer un dispositif de prise en charge des licenciés économiques qui prendrait la suite de la convention de reclassement personnalisé, soit pour inspirer un nouveau système global d'indemnisation du chômage.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis À cet égard, on doit observer que le contrat de transition professionnelle préfigure assez bien la nouvelle assurance chômage, telle que l'a souhaitée le Président de la République lors de son intervention du 18 septembre dernier devant l'association des journalistes de l'information sociale : une indemnisation « dans certains cas plus généreuse qu'aujourd'hui et qui couvrira une plus grande proportion de chômeurs, mais parfois de plus courte durée et qui devra s'interrompre quand le bénéficiaire refusera des offres valables d'emploi ou de formation ».

Les grandes réformes que nous attendons seront négociées avec les partenaires sociaux. Monsieur le ministre, partagez-vous mon analyse des enseignements positifs de l'expérimentation du contrat de transition professionnelle et comptez-vous vous en inspirer, d'une part pour l'écriture du projet de loi relatif au service public de l'emploi, d'autre part pour suggérer certaines orientations aux partenaires conventionnels dans les champs qui sont les leurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Jean-Patrick Gille – Merci, Monsieur Novelli, de rester parmi nous alors que nous ne bénéficions ni de la présence de Mme Lagarde ni de celle de M. Bertrand.

D'aucuns ont parlé d’un budget de transition pour qualifier la mission que nous examinons cet après-midi. Pour ma part, je préfère dire qu'il s'agit d'un budget de déconstruction des politiques et des dispositifs en faveur de l'emploi.

M. Patrick Roy – L’orateur a raison !

M. Jean-Patrick Gille – Le Gouvernement prend prétexte d'un hypothétique retour de la croissance – qui, malheureusement, s'éloigne chaque jour davantage – et de la mise en chantier d'une série de réformes dont aucune n'a abouti – unification du service public de l'emploi, simplification des contrats aidés, remise à plat des règles d'indemnisation du chômage, réforme du contrat de travail, refonte de la formation professionnelle – pour opérer sans tarder de nombreuses restrictions budgétaires dans les programmes relatifs au travail et à l’emploi (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC).

Une lecture rapide pourrait laisser croire que c'est un pari optimiste sur l'avenir qui vous conduit à raboter par anticipation nombre de lignes budgétaires. Mais une lecture plus attentive m’a convaincu que votre précipitation procédait de la volonté de calquer notre marché du travail sur le modèle anglo-saxon, dans lequel, si le taux de chômage est statistiquement plus faible que chez nous, un salarié sur quatre connaît le chômage chaque année, la durée moyenne de travail hebdomadaire, si l’on considère l’ensemble des salariés, est inférieure à la nôtre et le nombre de travailleurs pauvres sensiblement supérieur.

M. Patrick Roy – Shocking !

M. Jean-Patrick Gille – C’est à un changement de modèle que vous aspirez, et cela vous pousse à commencer par détruire les dispositifs actuels de sécurisation de l'emploi. À preuve, alors que nous convenons tous de la nécessité de mieux évaluer les politiques d'emploi, vous refusez d'évaluer le plan de cohésion sociale lancé par M. Borloo en 2005.

À vous croire, l'arme absolue pour terrasser le chômage, c'est la réforme du service public de l’emploi, via le démantèlement de l'ANPE et sa fusion avec l'UNEDIC ! Si cette réforme est susceptible de simplifier la vie des demandeurs d'emploi, elle ne saurait en elle-même créer des emplois et elle risque même d'en supprimer dans les deux organismes…

M. Pierre Cardo – Ce n’est pas le problème !

M. Jean-Patrick Gille – Force est d’admettre qu'une telle fusion aura un coût, estimé à 300 ou 400 millions et qui n’est pour l’heure pas budgété. À l’inverse, il est prévu de réduire de 50 millions la subvention de l'ANPE et le financement des maisons de l'emploi. Notre collègue Monique Iborra y reviendra.

Bien que masquée par une présentation opaque des chiffres, plus nette encore est la remise en cause des contrats aidés. Dans le secteur marchand, on peut déplorer la disparition du soutien à l'emploi des jeunes en entreprise – SEJE –, la diminution de 33 % de la dotation pour les contrats initiative emploi, les 140 millions de suppression d'exonération sur les contrats de professionnalisation. Dans le secteur non marchand, vous prévoyez une baisse de 18 % en volume financier des contrats d'accompagnement dans l'emploi et une réduction de 21 % des contrats d'avenir ; je ne parle pas du congé de solidarité outre-mer...

Il s'agit de coupes claires qui génèrent des effets de stop-and-go propres à déstabiliser tous les dispositifs d'insertion par l’économique. La perspective de créer un contrat unique d’insertion – pour séduisante qu’elle puisse paraître – ne justifie pas d’affaiblir les autres dispositifs sans attendre qu’il soit en place.

Je pourrais évoquer aussi l’amputation des crédits de la formation professionnelle, notamment – c’est le plus scandaleux – de ceux consacrés à la VAE. Enfin, la forte mobilisation en faveur des jeunes semble abandonnée – en particulier, rien n’est prévu dans ce budget pour financer les écoles de la deuxième chance, dont le candidat Nicolas Sarkozy avait pourtant dit qu'il devrait y en avoir une dans chaque département.

Nous assistons donc à une véritable entreprise de déconstruction des politiques de l'emploi, sans que soient définis des dispositifs de lutte contre l’emploi précaire ou le phénomène croissant des travailleurs pauvres, nouvelle réalité du marché de l'emploi. Pire : les choix du Gouvernement et le principe qui régit son action – déréguler le marché du travail à tout prix – aggraveront ces tendances. C'est pourquoi le groupe SRC ne votera pas ce budget, qui détruit plus qu'il ne construit une politique de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – J’ai fait preuve d’une certaine tolérance à l’égard de M. Gille, premier orateur inscrit, mais ma mansuétude a atteint ses limites et je serai très attentif à ce que chacun respecte désormais son temps de parole.

M. Pierre Gosnat – Selon le Premier ministre, la France est en faillite. On a peine à le croire quand on mesure les profits des plus riches, mais on le croit sans mal si l’on envisage la situation sociale d’un pays où le taux de chômage oscille entre 8,5 et 9 %, où la moitié des salariés gagnent moins de 1 500 euros par mois, où 15 % sont au SMIC et où la probabilité qu’un ouvrier décède entre 35 et 65 ans est de 26 %. À la lecture de ce budget, il semble, Monsieur le ministre, que cette réalité vous soit étrangère. Pourtant, les Français estiment que le travail est la seconde condition essentielle à leur bonheur. C'est dire l’importance des politiques publiques en matière d’emploi et de travail, qui doivent constituer une priorité nationale. Mais, alors que le Président de la République avait axé sa campagne électorale sur la défense de remploi et sur le renouveau de « la valeur travail », le budget de la mission « Travail et emploi » est en baisse. Une nouvelle fois, l’écart est grand entre les annonces et votre politique réelle ! En fait de lutte contre le chômage, le Gouvernement se limite à accentuer la précarisation de l’emploi et multiplie, encore et toujours, les cadeaux fiscaux aux entreprises, alors que cette politique est sans résultat satisfaisant pour les salariés et pour les demandeurs d’emploi. Le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » est en grande partie fondé sur une politique de contrats aidés, dont les statistiques démontrent pourtant l'inefficacité, puisqu’ils ne permettent nullement un retour durable sur le marché du travail : 80 % des chômeurs de longue durée ne retrouvent pas d’emploi stable après un contrat précaire ! Cette course sans fin au moins-disant social et la recherche permanente d'une baisse du coût du travail ne régleront pas le problème du chômage en France. Seul un partage équitable du temps de travail pourrait y remédier, et c’est pourquoi nous sommes très attachés aux 35 heures. Or, la défiscalisation des heures supplémentaires, dont le coût est de 6 milliards, s'inscrit dans une logique diamétralement opposée.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur – C’est exact !

M. Pierre Gosnat – L'amélioration des conditions de travail de nos concitoyens devrait être une de nos principales préoccupations. Or, alors que les suicides sur les lieux de travail se multiplient et que le stress lié aux activités professionnelles est devenu un fléau national, le Gouvernement ne semble pas disposé à prendre des mesures efficaces en la matière. Se pliant au diktat de Bruxelles, il annonce vouloir privilégier les négociations de branches au détriment d'une réglementation générale ; c’est pourtant une politique nationale volontariste en matière de droit du travail qui devrait être mise en œuvre pour inverser des rapports de force souvent défavorables aux employés.

Comme le logement, le travail est un droit, et les députés communistes se battent depuis toujours en faveur d’une politique de l'emploi réelle, fondée sur un système efficace d'emploi et de formation et un service public du travail. Les politiques de l’emploi passent aussi par le renforcement des syndicats et non, comme c'est le cas actuellement, par la criminalisation de l'action syndicale. La justice prud'homale et l'inspection du travail doivent avoir les moyens nécessaires à leur fonctionnement. J’approuve pleinement la proposition de loi déposée par Roland Muzeau visant à améliorer la santé au travail des salariés et à prévenir les risques professionnels auxquels ils sont exposés et la proposition de résolution de Daniel Paul visant à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les pratiques des entreprises en matière d'accidents du travail.

En tant que communiste, je ne peux me résoudre à laisser les politiques d’emploi aux mains des entreprises, et je m’oppose à toutes les formes de précarité. Je suis favorable à une politique de l'emploi courageuse, fondée sur des services publics étendus. Je voterai donc contre cette annexe du PLF 2008 (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC).

M. Francis Vercamer – L'enjeu de la mission dont nous examinons le budget est de taille, puisqu'il s'agit d'honorer l'un des engagements fondamentaux du Président de la République, qui est de ramener, en cinq ans, le taux de chômage moyen de notre pays à moins de 5 %. Évidemment, tout ne dépend pas du budget de cette mission ; la vigueur de la croissance économique et sa capacité à créer des emplois sont l'un des piliers d'une politique dynamique en faveur de l'emploi.

Nous approuvons les orientations prioritaires du budget qui nous est présenté, dont nous constatons qu’il s’agit d’un budget de transition, qui reste marqué par les engagements du précédent gouvernement – qu'il s'agisse des contrats aidés du plan de cohésion sociale, de l'inscription des maisons de l'emploi dans les territoires ou de l'expérimentation des contrats de transition professionnelle. Nous demeurons attachés au plan de cohésion sociale, que nous avons soutenu, et nous souhaitons que les réformes à venir en amplifient la portée et non qu'elles le remettent en cause. La mobilisation en faveur de l'emploi requiert en effet stabilité, cohérence et lisibilité tant dans les objectifs affichés que dans les moyens de les atteindre.

Ce budget est aussi de transition en ce qu’il préfigure des réformes annoncées, qu'il s'agisse de la fusion ANPE-UNEDIC, de l'expérimentation du RSA, de la réforme des minima sociaux ou du Grenelle de l'insertion. S’agissant de la fusion ANPE-UNEDIC, le soutien du Nouveau Centre vous est acquis sur le principe (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) dès lors que la réforme ne repose pas sur une logique comptable mais qu’elle découle de la volonté d'apporter une meilleure qualité de service aux demandeurs d'emplois. Nous serons très attentifs à ce que les modalités de cette réforme soient débattues avec les partenaires sociaux. Nous serons aussi particulièrement vigilants sur le respect de ses engagements par l'État, et sur la mobilisation des villes en faveur de l'emploi, notamment par le biais des maisons de l'emploi.

Nous regrettons que l'une des premières conséquences de la fusion ANPE-UNEDIC soit le gel des maisons de l'emploi, qui ont pourtant permis, par le décloisonnement des services et des structures, une mobilisation générale en faveur de la réalisation d’objectifs partagés, au plus près du terrain. Cette dimension territoriale et mobilisatrice de la politique de l'emploi, essentielle, doit être maintenue.

M. Roland Muzeau – C’est vrai.

M. Francis Vercamer – Le nombre de contrats aidés du secteur non marchand passe de 260 000 à 230 000. Ces contrats ont largement contribué au recul des chiffres du chômage car, dans les bassins d'emplois comme celui de Roubaix, après de nombreuses défaillances d'entreprises, le secteur marchand est évidemment moins créateur d'emplois adaptés aux publics touchés par le chômage. L'insertion professionnelle est un parcours et ces contrats aidés sont un tremplin essentiel pour retrouver, à terme, un emploi durable. Leur réduction en nombre ne doit pas obéir à une logique comptable. Je souhaite donc que la baisse programmée ne s'applique pas uniformément, et que le nombre de contrats accordés aux régions prenne en considération la situation économique et sociale locale.

Nous exprimons par ailleurs de très vives réserves sur la suppression, par l'article 57, de l'allocation équivalent retraite. Cette allocation, qui s'apparente à un minimum social, concerne des personnes qui ont commencé à travailler jeunes, qui sont longtemps demeurées employées, malheureusement sans formation, dans la même entreprise, qui sont à présent éloignées de l'emploi et qui peuvent difficilement, à quelques années de la retraite, s'engager dans une démarche de long terme de reconversion professionnelle, qui serait d’ailleurs très coûteuse. Nous ne comprenons pas la suppression de cette allocation, qui n’est assortie d'aucun dispositif d'accompagnement spécifique et qui n’a fait l’objet d'aucune étude d'impact social. Il me paraît même étonnant de procéder à une telle suppression avant que ne soit entamée la réforme globale annoncée des minima sociaux et la généralisation du RSA et avant le lancement du Grenelle de l'insertion. Nous proposerons donc un amendement de suppression de l'article 57.

L'examen du programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » permet à notre groupe de rappeler son attachement aux exonérations de charges ciblées sur les petites et moyennes entreprises, à la condition qu'elles leur permettent de soutenir la création d'emplois par la signature de contrats de professionnalisation. C'est le sens de l’amendement que nous avons défendu en commission. Il a été adopté, et nous souhaitons bien sûr que l’Assemblée le fasse sien.

Par ailleurs, le rapporteur pour avis a détaillé en commission les premières conclusions disponibles sur l'expérimentation du contrat de transition professionnelle, en en soulignant les points forts. Alors que les partenaires sociaux travaillent actuellement à moderniser le marché du travail et à sécuriser les parcours professionnels, il nous paraît important que ces premiers éléments soient pris en compte. Nous voudrions sur ce point connaître l'avis du Gouvernement.

En ce qui concerne la santé et la sécurité au travail, nous sommes attentifs à la montée en charge des effectifs et des moyens de l'AFSSET. Dans la ligne des conclusions de la mission d'information sur les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante, nous souhaitons que le Gouvernement amplifie l'effort sur les moyens humains de l'Agence.

M. Roland Muzeau – C’est bien.

M. Francis Vercamer – À ce sujet, j’évoquerai en incidente la réforme envisagée du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, réforme qui recentrerait le dispositif sur les personnes réellement exposées à l'amiante. Cette orientation peut paraître paradoxale, au moment où l'Inserm et l'institut de veille sanitaire mettent en évidence, dans une étude commune, les dangers de l’exposition, même passive, à ce matériau. Nous invitons donc le Gouvernement à la plus grande prudence avant de toute décision, et nous serons, sur ce point encore, vigilants.

Enfin, nous souhaitons que le Gouvernement se saisisse, en 2008, de ce grand chantier qu'est la modernisation du dialogue social. Les réformes qui doivent être engagées demandent la mobilisation et la participation de tous les acteurs de notre démocratie sociale, dotés d'une légitimité incontestable. Pour que cela soit le cas, il faut définir des règles de représentativité et de financement compréhensibles par tous et transparentes.

M. Pierre Gosnat – Avec l’argent du MEDEF ?

M. Francis Vercamer – J’y viens, précisément, pour dire que l’actualité récente nous a montré que nous étions loin du compte. Il est temps de définir une nouvelle architecture des relations sociales. Nous attendons de connaître les orientations du Gouvernement dans ce domaine.

C’est avec la ferme volonté d’être entendu par le Gouvernement sur tous ces sujets que le groupe Nouveau Centre votera les crédits de la mission (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Laurent Hénart – Les trois leviers d’une politique de l’emploi vertueuse sont la recherche d’une croissance plus forte et plus dense en emplois, une plus grande fluidité du marché du travail, avec un service public de l’emploi efficace, et l’adaptation des ressources humaines aux besoins des employeurs. C’est en actionnant ces trois leviers, et non en recherchant une solution miracle, que nous tiendrons les engagements de Nicolas Sarkozy – un taux d’emploi de 70 % et un taux de chômage de 5 %. Pour y parvenir, il faudra que la décrue du chômage se poursuivre selon le rythme constaté depuis l’adoption du plan de cohésion sociale.

N’oublions pas que c’est l’ensemble du budget de l’État qui contribue à réaliser cet objectif. L’effort massif consenti en matière d’enseignement supérieur et de recherche nous rapproche ainsi des objectifs de Lisbonne – et il était temps ! Notre économie doit se positionner sur des secteurs porteurs. Sans attendre les conclusions de la commission « Attali », qui seront sans doute à l’origine d’un ambitieux projet de loi sur la modernisation de l’économie, des mesures ont déjà été adoptées. Je pense notamment à la détaxation des heures supplémentaires, qui permet de renforcer notre tissu économique tout en injectant immédiatement du pouvoir d’achat.

Les choix retenus ont d’ailleurs préservé un des aspects essentiels du plan de cohésion sociale : le ciblage des efforts sur des secteurs économiques protégés de la concurrence internationale, donc des délocalisations. Il s’agit en particulier du bâtiment, de l’hôtellerie restauration et des services à la personne. Ainsi 50 000 emplois ont été créés chaque année dans le bâtiment depuis 2003, et 120 000 dans le secteur des services à la personne. En créant des emplois protégés des perturbations internationales, nous stabilisons notre économie tout en augmentant la densité en emplois de la croissance. Alors qu’il fallait, voilà dix ans, deux points de croissance pour stabiliser le chômage et trois points pour créer 100 000 emplois, 1,5 point suffit aujourd’hui pour réduire le chômage. En trente mois, il y a eu 500 000 chômeurs en mois, et autant de cotisants supplémentaires enregistrés à l’ACOSS. Il faut continuer en ce sens !

J’en viens aux exonérations de charges, dont nous avons beaucoup débattu au sein du groupe UMP et de la commission des finances, certains trouvant qu’il est excessif de consacrer au total 30 milliards d’euros à cette politique – 20 milliards pour la mesure dite « Fillon », 6 pour les heures supplémentaires et 4 pour des exonérations ciblées sur des secteurs et des populations spécifiques. Le groupe UMP est très attaché à la défense des emplois non qualifiés, essentiels pour les Français les plus en difficulté, mais il faudra certainement tenir compte de la décrue du chômage et du nécessaire rééquilibrage des comptes publics. On pourrait envisager de déplacer l’exonération du taux de cotisation vers son montant, qui pourrait être fixé à l’occasion des négociations salariales menées chaque année. Cela permettrait de lier exonérations et discussions sur le pouvoir d’achat sans remettre en cause les exonérations sectorielles.

S’agissant du deuxième levier, la fluidité du marché de l’emploi, la France a du mal à faire coïncider offre et demande d’emploi : il reste deux millions de chômeurs dans notre pays, et pourtant plusieurs centaines de milliers d’offres restent non pourvues. Je suis sûr que le Gouvernement saura conjuguer une plus grande sécurité des parcours professionnels et une plus grande simplicité dans la rupture du contrat de travail. Il faut que le changement d’employeur soit accompagné, et les observations de M. Cherpion sur ce point me semblent frappées au coin du bon sens.

Sans revenir sur les propos de M. Lefebvre sur la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC, j’ai également été séduit par les « jobcentres plus », qui conjuguent plusieurs services, à l’image des Maisons de l’emploi les plus ambitieuses dans notre pays. À côté des ASSEDIC et de l’ANPE, on y trouve également l’AFPA, les organismes de formation, les missions locales, les PAIO et des organismes spécialisés dans l’emploi des jeunes, des cadres et des personnes handicapées. Sur ce point, qui peut le plus, peut le moins : les Maisons de l’emploi aideront sans doute à rapprocher les ASSEDIC et les ANPE.

Une plus grande efficacité du service public de l’emploi permettra enfin de mieux préparer la ressource humaine aux besoins des employeurs. Trop souvent dans notre pays, l’offre de formation est en effet inadaptée aux besoins des employeurs, publics ou privés. Il est difficile de trouver des collaborateurs compétents et motivés dans certains secteurs, même si le plan de cohésion sociale commence à porter ses fruits. Nous venons en effet de passer le cap de 400 000 apprentis.

Mme Monique Iborra – Grâce à qui ? Aux régions !

M. Laurent Hénart – Non, grâce au fond national de modernisation et de développement de l’apprentissage, doté de quelque 250 000 millions que les régions sont heureuses d’empocher… Le taux de rupture des contrats d’apprentissage demeure toutefois trop élevé. Il faudrait sans doute instituer un parcours d’initiation aux métiers dès le collège.

Je voudrais féliciter le Gouvernement pour l’ouverture dont il a su faire preuve au sujet des contrats de professionnalisation. Des exonérations spécifiques ont en effet été maintenues pour ceux qui sont âgés de moins de 25 ans et de plus de 45 ans.

Quant au Grenelle de l’insertion évoqué par M. Lefebvre, c’est une bonne idée, mais il ne faut pas oublier que le plan de cohésion a permis une régulation plus souple de l’emploi aidé, les enveloppes budgétaires étant gérées par les préfets, au plus près des réalités du terrain. En fonction des particularités du marché local de l’emploi, les crédits peuvent ainsi être basculés du secteur marchand au secteur non marchand, et inversement. Il convient de préserver cet acquis en attendant l’instauration du contrat unique d’insertion et du revenu de solidarité active. Il est toujours délicat de généraliser une expérimentation, même si elle a produit des effets positifs. N’oublions pas qu’il s’agit de publics très fragiles : il faut être certain du résultat avant de modifier les politiques en vigueur.

Je rappelle également à nos collègues de l’opposition que plus de 300 000 emplois aidés ont été créés en 2007 dans le secteur non marchand alors que nous en avions prévu seulement 260 000 en loi de finances initiale. Je souhaite que le Gouvernement continue à faire preuve de la même souplesse pour tenir compte des besoins d’insertion locaux.

M. Patrick Roy – C’est le discours de la majorité, pas la réalité !

M. Laurent Hénart – Si l’on modifie les dispositifs en vigueur, il faudra commencer par évaluer leurs effets. Je pense notamment au plan de cohésion sociale, qui doit s’achever en 2009.

Parce que la politique qui nous est proposée est équilibrée, cohérente et ambitieuse, le groupe UMP votera les crédits de la mission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Liebgott – Année après année, nous entendons toujours les mêmes propos à droite, notamment sur les emplois aidés. Il est maintenant question d’évaluation et de Grenelle de l’insertion, mais il n’y en a pas eu besoin pour adopter les 15 milliards de cadeaux fiscaux cet été. Pourquoi évaluer maintenant des contrats qui ont été créés voilà trente ans déjà ? Avons-nous été si inconséquents ?

Nous avons besoin des emplois aidés. C’est d’ailleurs pour cela que vous en avez créé 50 000 de plus que prévu, comme le rappelait M. Hénart. S’ils ne servent à rien, il faudrait alors en dire autant des centres sociaux, des associations culturelles et sportives, des services à la personne, de l’insertion sociale et du soutien aux familles. L’idéal serait d’embaucher uniquement sous forme de CDI, mais les associations en charge des personnes âgées et les restaurants du cœur ont besoin d’emplois aidés en plus des bénévoles. Peut-on également assurer la sécurité à la sortie des écoles en embauchant sous forme de CDI ?

Nous continuons à penser que ces emplois ont une utilité, notamment pour la personne qui en bénéficie : il est préférable qu’elle ne reste pas chez elle, et qu’elle occupe un emploi utile à la société, même si ce n’est pas un CDI. Malgré le recul du chômage, chacun sait que certains demeureront exclus du marché du travail. Les laisserons-nous devenir des érémistes et demain des SDF ? Mieux vaut les accompagner peu à peu vers l’emploi. Vous êtes bien pessimiste en matière d’emplois aidés ! J’ai deux secrétaires de mairie qui sont passées par ce type d’emploi et, avec une formation parallèle, sont remarquables.

Ce qui est scandaleux, c’est que vous poussez à créer des emplois aidés, puis du jour au lendemain, on nous annonce qu’il n’y a pas de crédits. Il y a aussi une grande hypocrisie à dire au plan national qu’on n’a pas besoin de ces emplois, quand on constate sur le terrain leur utilité dans le cadre d’une action sociale bien comprise (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Roy – M. Liebgott est le député du réalisme !

M. Jean-Jacques Candelier – Le Gouvernement a placé la barre très haut en fixant un objectif de 5 % de chômage en 2012. Malheureusement, il ne se donne guère les moyens de réaliser ses ambitions, ou plutôt ses promesses électorales : ainsi, les crédits de la mission « Travail et emploi » diminuent de 2,5 % par rapport à 2007. Élu du Nord-Pas-de-Calais, si durement touché par le chômage avec 250 000 demandeurs d’emploi, je constate avec amertume qu’éradiquer ce fléau est le cadet des soucis du Gouvernement. Au-delà des fantasmes sur le futur taux de croissance, la politique de l’emploi se résume à une seule chose : moins de moyens ! Moins pour le service public de l’emploi, moins pour la formation professionnelle…

M. Jean Ueberschlag – C’est faux !

M. Jean-Jacques Candelier – …Moins pour les emplois aidés, qui ne sont de toute façon pas une panacée.

S’agissant des programmes d’accès et de retour à l’emploi, on consacrera 800 millions de moins que l’an dernier à l’aide à l’emploi des plus fragiles, avec des conséquences désastreuses pour des jeunes sans qualification, des chômeurs de longue durée, des handicapés, des seniors et des bénéficiaires des minima sociaux, c’est-à-dire les catégories qui souffrent le plus de la concurrence sur le marché du travail.

Dans le Douaisis, la mission locale suit 7 300 jeunes, contre 4 700 en 2004. Comptez sur moi pour leur dire, chiffres à l’appui, qu’ils ne sont pas la priorité du Gouvernement, mais les laissés pour compte d’une politique réglée en accord avec le MEDEF. De plus, les actions d’anticipation et d’accompagnement des « mutations économiques » vont pâtir des coupes budgétaires, tandis que délocalisations et restructurations se poursuivent. Chez les fonctionnaires, on supprimera 22 921 postes, dont 11 200 d’enseignants. Les moyens des collectivités locales sont aussi amputés, alors qu’elles sont parmi les principaux employeurs.

L’ANPE aurait besoin de moyens pour assurer sa mission ; mais on y supprime 183 postes. Les personnels des organismes de formation professionnelle et des missions locales d’insertion sont aussi lourdement pénalisés.

Une marche pour l’emploi organisée du 24 au 27 septembre à l’initiative des parlementaires communistes du Nord-Pas-de-calais a conduit une centaines de demandeurs d’emploi de Lille à l’Elysée…

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – À votre demande, je les ai reçus dans ma circonscription.

M. Jean-Jacques Candelier – Et ils ont été reçus à l’Elysée par un chargé de mission. Leur action a appelé l’attention sur la situation dramatique de notre région.

L’activité économique ralentit. Les salariés ne travailleront donc pas plus, malgré la défiscalisation des heures supplémentaires. Ils ne travailleront pas mieux non plus puisque les crédits destinés à la santé et à la sécurité diminuent.

Il est clair qu’il n’y a pas de politique de l’emploi. On se contente de faire croire que les salariés travailleront plus, sans se soucier de ceux qui n’ont pas de travail. Le Gouvernement UMP ne sait faire qu’une chose, accorder des exonérations aux entreprises, aggravant ainsi les déficits publics, alors que cette politique est inefficace pour lutter contre le chômage et aplatit la grille des salaires.

La faiblesse des crédits de la mission « Travail et emploi » interdit d’investir dans la formation professionnelle et l’apprentissage et de donner à l’ANPE les moyens de jouer son rôle, au lieu de se contenter d’une fusion contestable avec l’UNEDIC. Cette majorité travaille pour le grand patronat, et non pour « la France qui se lève tôt ». Les députés communistes et républicains voteront donc contre cette partie du budget (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Pierre Cardo – L’UMP est riche de sa diversité. Les rapporteurs et d’autres collègues ont mis en lumière les aspects positifs de ce budget. Je me permettrai quelques remarques d’ordre pratique qui, j’espère, vous amèneront à l’améliorer encore.

D’abord, je ne suis pas certain que tout le monde ait compris l’intérêt des Maisons de l’emploi. Elles ont été mises en œuvre dans un certain nombre de communes et les préfets y ont poussé. Mais il s’agit d’un dispositif, non d’une structure. Certains élus ont peut-être construit un « château de l’emploi », mais l’objectif était de mettre en réseau associations, élus et service public de l’emploi. Il était aussi d’anticiper les restructurations industrielles et les emplois à venir, en partenariat avec les entreprises. Le service public de l’emploi n’a pas les atouts pour le faire. Je suis certes d’accord pour la fusion entre l’ANPE et l’ASSEDIC. Elle posera certains problèmes, mais la synergie est intéressante. Mais avec les Maisons il s’agissait de créer un dispositif crédible auprès du monde économique et de faire que les élus s’impliquent personnellement dans la lutte pour l’emploi. Lorsque j’ai créé la première mission locale, il y a 25 ans, beaucoup d’élus me disaient que c’était la mission du service public de l’emploi. Mais son action ne m’a pas semblé vraiment décisive. J’espère que la mission confiée à M. Anciaux permettra d’éclairer cet aspect.

En second lieu, le contrat unique me convient car l’enchevêtrement actuel est trop grand. De même, on peut supprimer le dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprise, car je considère que celle-ci n’est pas le lieu de la réinsertion et qu’il faut éviter les effets d’aubaine. En revanche les emplois aidés sont utiles pour contribuer à cette réinsertion des gens éloignés de l’emploi et aussi remplir des missions dont on sait très bien qu’elles ne sont pas faciles à financer.

Or leur nombre baisse, ce qui pose quelques questions à propos des quartiers difficiles. Globalement, le chômage baisse. Mais dans les quartiers en difficulté, le taux de chômage est de 22 % pour les 16 à 59 ans contre 10 % au plan national, et les chiffres sont de 42 % et 23 % pour les 16 à 25 ans. Or depuis plusieurs années, en raison de la réduction des crédits du fonds d’intervention pour la Ville, on a recouru de plus en plus à ceux du FSE pour financer les actions concernant l’emploi, la formation et la lutte contre les exclusions dans ces quartiers. Mais comment les associations et les collectivités vont-elles faire alors que pour 2006, presque personne n’a eu d’acompte ni de complément du FSE, que pour 2007 nous n’avons pas eu de notification et nous ne pouvons pas négocier les découverts avec les banques, et que pour 2008, tout ce que nous savons c’est que les crédits seront réduits. Monsieur le ministre, ce n’est pas forcément de votre fait. Mais peut-on compter sur vous pour faire le point avec les directions régionales de l’emploi afin d’assurer une bonne gestion du FSE, faute de quoi les actions d’insertion seront en difficulté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Mme Monique Iborra – La lutte contre le chômage reste la priorité pour les Français, même s’ils sont de plus en plus inquiets pour leur pouvoir d’achat. Or, le plan de cohésion sociale annoncé à grand renfort de publicité avant les élections se trouve revu à la baisse – État en faillite oblige : la baisse est d’environ 25 % pour les contrats aidés, sans que nous puissions à ce jour connaître avec précision ni le taux de chômage, ni le poids des emplois précaires à temps partiel. Les publics les plus éloignés de l’emploi, particulièrement les jeunes, restent les parents pauvres de votre politique – qui est plutôt une absence de politique.

La formation, les contrats de professionnalisation, la validation des acquis de l’expérience ne font plus partie de vos priorités. Peut-être comptez-vous sur les régions pour intervenir à la place de l’État – nous en avons l’habitude !

Désengagement, absence de volontarisme politique, notamment en direction des publics en difficulté, caractérisent la mission « travail et emploi » de ce PLF. J’ose même parler de désinvolture, alliée à une méconnaissance du terrain, du ministre chargé de l’emploi : le non-respect des engagements de l’État et le non-respect des élus locaux trouvent toute leur mesure dans la décision prise par Mme Lagarde, sans aucune concertation, avec la brutalité qui caractérise ce gouvernement, de ne plus financer ni conventionner les maisons de l’emploi. Il est vrai que déjà, cette mesure phare du plan Borloo avait donné lieu à divers tâtonnements et reculs, mais on met aujourd’hui les élus et les partenaires de ces structures dans une situation extrêmement difficile : les travaux sont parfois en cours, budgétés, les maisons de l’emploi ayant été labellisées par le ministre en charge du dossier à l’époque, M. Borloo, sur proposition d’une commission de labellisation présidée par M. Anciaux – et à laquelle j’appartenais en tant que représentante de l’Association des régions de France.

Plus grave encore, alors que selon vous la fusion entre l’ANPE et l’Assedic a pour premier objectif le service rendu aux demandeurs d’emploi, aucun financement n’est prévu pour les investissements nécessaires à l’installation d’un guichet unique dans les bassins d’emploi. Peut-être que là aussi, vous allez solliciter les collectivités locales !

Mme la ministre affirme que grâce à cette fusion, le taux de chômage sera ramené à 5 %. Par quels moyens ? Va-t-on mettre en place une politique coercitive et réduire les indemnisations, alors que déjà, moins d’un chômeur sur deux inscrits à l’ANPE est indemnisé et que les allocations sont loin d’assurer un revenu de remplacement correct ?

La fusion n’a-t-elle pas pour but de faire des économies d’échelle, notamment en personnel ? Mais pour quelle politique économique et sociale ? Pour quel service public de l’emploi ?

Cette fusion ne sera pas en elle-même créatrice d’emplois. En la matière, rien ne remplacera le volontarisme politique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Thierry Mariani – Je suis bien entendu globalement favorable à ce budget. Permettez-moi cependant d’exprimer un petit désaccord sur l’article 56.

Les majorités successives auxquelles j’ai appartenu avaient promis au secteur de la restauration la TVA à 5,5 %.

M. Roland Muzeau – En sachant qu’elle n’était pas possible !

M. Thierry Mariani – Contrairement à vous, Monsieur Muzeau, nous avons adopté en 2004, à l’initiative du ministre des finances de l’époque, M. Sarkozy, un plan d’aide – 1,5 milliard – pour compenser la non-baisse de la TVA. Cela a permis de créer 50 000 emplois, de supprimer le SMIC hôtelier, de modifier la durée du travail et de revaloriser les salaires.

L’article 56 ne confirme ces aides que dans la limite des 30 premiers salariés de l’établissement. C’est une erreur grave car on remet ainsi en cause la parole de l’État. Celui qui est aujourd’hui Président de la République avait déclaré : « Cette aide est clairement conçue dans la perspective d’une baisse du taux de TVA au bénéfice de la restauration. Toutefois, si cette baisse devait être reportée, il est évident que le dispositif devrait être prorogé car l’on ne saurait accepter que les employeurs augmentent les salaires et que dans le même temps, l’État cesse de leur apporter son aide. Ce serait alors un marché de dupes, qui mettrait en cause la parole de l’État ».

Oui, si cet article 56 n’est pas modifié, il y aura eu marché de dupes. De grâce, ne changeons pas les règles ! Ce serait d’autant moins compréhensible que les crédits inscrits suffisent : ils sont de 555 millions, contre 700 en 2007 ; et on n’a consommé que 461 millions en 2005, 493 en 2006 et 251 pendant les six premiers mois de 2007 !

Nous avions regagné la confiance du secteur de la restauration, ne la perdons pas par une mesure qui ne fera faire aucune économie au budget de l’État ! Certes elle ne touchera que les établissements qui ont plus de 30 salariés, mais c’est un seuil qui est facilement dépassé quand on sert les clients sept jours sur sept jusqu’à une heure du matin… Les restaurateurs ont tenu leurs engagements, sachons tenir les nôtres.

M. Patrick Roy – Le Gouvernement ne cesse de nous dire que le chômage baisse. J’aimerais le croire, mais ce que je vois dans le Nord-Pas-de-Calais ne le confirme pas… Les emplois qu’on leur annonce, les gens que je rencontre là-bas ne les trouvent pas, et je ne les trouve pas non plus ! Il y a la vision parisienne, et il y a la réalité...

Et puis, le taux de chômage, nous dites-vous, serait très bas dans le modèle anglo-saxon que vous nous vantez : oui, mais à quel prix ? Il faut voir aussi le nombre de travailleurs pauvres, n’ayant que quelques heures de travail. Cela ne suffit pas pour vivre !

Je n’ai pas compris pourquoi vous vouliez supprimer les contrats aidés. Sans doute par idéologie – comme pour les fonctionnaires… Mais les contrats aidés, c’est souvent le seul rempart contre le RMI ; ce n’est pas en réduisant leur nombre que vous allez offrir une solution à ces millions de Français qui souffrent. Nous, nous serons à leurs côtés !

M. Denis Jacquat – On reproche très régulièrement aux contrats aidés – par exemple aux CAE et CAA du plan de cohésion sociale – d’être inutiles : la situation de l’emploi s’améliorerait, ces contrats déboucheraient rarement sur des CDI, d’autres dispositifs existants pourraient avantageusement s’y substituer. À ces critiques, je répondrai en élu de terrain : le traitement du chômage nécessite une boîte à outils où l’on peut puiser ce qui correspond le mieux à chacun et lui permettra de réaliser le rêve de sa vie – un CDI bien payé.

Dans les quartiers sensibles, la politique volontariste menée par l’État, notamment par l’intermédiaire des équipes emploi insertion, a permis une prise en charge individuelle des chômeurs, quel que soit leur âge. Les emplois aidés, assortis de dispositifs de tutorat et de formation, souvent sur le long terme – deux à trois ans -, servent à un nombre croissant de personnes de véritable tremplin pour accéder progressivement à un CDD, voire à un CDI, alors même que, devenues complètement apathiques, notamment pour des raisons d’ordre social, elles avaient fort peu de chances d’être embauchées, même en CDD de courte durée.

Si l’attribution de ces contrats doit naturellement demeurer ciblée, il ne faut pas en modifier sans cesse les modalités. C’est parce que ces contrats sont porteurs d’une approche humaine que les habitants des zones sensibles ne se sentent plus abandonnés. Messieurs les ministres, ne les décevons pas ! Je ne doute pas que les deux élus de terrain que vous êtes sauront faire le nécessaire.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur – Merci pour votre confiance !

Mme Marie-Christine Dalloz – Depuis 2005, le taux de chômage a connu une baisse continue, qui se confirme en 2007 : le nombre de demandeurs d’emploi a diminué de 9 %, ce qui le porte à 1 942 600 ; en un an, la diminution a atteint 23 % pour les chômeurs de longue durée, 8,7 % pour les jeunes et 10 % pour les personnes de plus de 50 ans. La bataille pour l’emploi commence donc de porter ses fruits, même si la situation reste délicate, l’INSEE évaluant le taux de chômage à 8 % environ en 2007.

Parmi les moyens permettant d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République – un taux de chômage proche du plein emploi –, une politique d’accompagnement des chômeurs et d’adéquation entre offre et demande joue un rôle essentiel. Certes, 160 000 emplois ont déjà été créés en 2005, 256 000 en 2006, 126 800 au premier semestre 2007 et environ 300 000, d’après l’INSEE, pour l’ensemble de l’année – en particulier dans les secteurs du BTP, des filières professionnelles, de l’action sociale et des services à domicile.

Mais un grand nombre d’offres d’emploi ne sont pas satisfaites, malgré les efforts du service public de l’emploi, qui a pour mission d’optimiser l’adéquation entre offre et demande, notamment en réduisant les délais de satisfaction des offres, lesquels ne devront pas dépasser 36 jours en 2010.

En outre, la segmentation du marché du travail oppose la majorité des salariés bénéficiant d’un contrat stable – neuf sur dix sont détenteurs d’un CDI – à la minorité hélas réduite à la précarité – sept embauches sur dix concernent un contrat court et c’est le plus souvent à la fin d’un CDD que l’on quitte l’entreprise. C’est à ces personnes condamnées à naviguer d’emploi précaire en CDD et d’intérim en chômage que le service public de l’emploi doit d’abord apporter son aide, en rendant leur parcours plus cohérent et plus lisible.

À cet égard, je me félicite du projet de fusion entre ANPE et UNEDIC au profit d’un grand service public de l’emploi, outil majeur d’accompagnement individuel des chômeurs, qui apportera au marché du travail une souplesse indispensable tout en améliorant l’adéquation entre offre et demande.

Créées dans le même esprit, les maisons de l’emploi ont fortement contribué, grâce à la souplesse de leur forme juridique, à rapprocher les partenaires institutionnels et privés et à clarifier les besoins des territoires, notamment transfrontaliers – au Luxembourg, évoqué tout à l’heure, il faudrait ajouter le Jura, proche de la Suisse – ou dominés par une filière spécifique. Les acteurs qu’elles ont réunis devront donc être associés, aux côtés de l’ANPE et des ASSEDIC, à la large coopération que devra favoriser le nouveau service public de l’emploi, notamment grâce à l’indispensable guichet unique ; la dimension territoriale devra être elle aussi préservée. Cette réforme suscite d’importantes attentes ; je sais, messieurs les ministres, que vous en êtes conscients et que vous mettrez tout en œuvre pour relever ce défi.

M. Jean Ueberschlag – La formation professionnelle a été peu évoquée. Pourtant, il y a longtemps, un certain Alvin Toffler prédisait l’avènement d’une société où chacun, exposé au chômage, devrait donc sans cesse reprendre ses études, concluant qu’il serait bientôt impossible de séparer formation et travail. Nous n’avons guère tenu compte de cette transformation, négligeant de réformer le livre 9 du code du travail et d’ajouter aux contrats de travail une obligation de formation s’imposant à l’employeur comme au salarié.

Or, les enjeux sont considérables, du point de vue des hommes comme pour l’économie. C’est par la formation plutôt que par l’immigration, que nous remédierons au déficit de main-d’œuvre et de qualification dont souffrent de nombreux secteurs ! En outre, il n’est pas normal que, comme le rappelait un article de presse il y a quelques jours, seuls 10 % des chômeurs aient accès à une formation, celle-ci profitant d’abord aux personnes déjà bien formées.

L’enjeu financier n’est pas moins significatif : la formation professionnelle mobilise plus de 26 milliards d’euros, qui émanent des entreprises – dont la part augmente – puis de l’État – dont la contribution, certes, diminue –, enfin, et de plus en plus, des régions. Au total, les moyens dont elle bénéficie sont en augmentation, notamment du fait de la loi relative à la formation professionnelle et au dialogue social ; les charges pesant sur les entreprises ont elles aussi augmenté, de même que les sommes collectées, qui ont connu en un an une hausse de 28 % au titre de l’alternance, de 9 % au titre du plan de formation et de 40 % au titre du congé individuel de formation dont bénéficient les détenteurs d’un CDI ! Pourtant, les entrées en formation sont de moins en moins nombreuses.

En outre, le nombre de collecteurs – 150 pour la taxe d’apprentissage, une centaine pour la formation professionnelle continue – demeure beaucoup trop élevé malgré la loi quinquennale de 1993, et la loi de modernisation sociale de 2002, si bien que seuls 3 % des sommes collectées et 1 % des organismes de collecte font l’objet d’un contrôle annuel !

M. Roland Muzeau – C’est le MEDEF qui ramasse la mise !

M. Jean Ueberschlag – Dans certains cas, les contrôles n’ont lieu que tous les trente ans ! Ce qui explique des dérives souvent dénoncées, mais jamais éradiquées.

M. Roland Muzeau – Voyez l’UIMM !

M. Jean Ueberschlag – Ainsi le paritarisme, exception française totalement obsolète, est-il financé aux dépens de la formation professionnelle. Dans un rapport publié il y a quelques années, le service central de prévention de la corruption faisait état de ces fraudes, régulièrement dénoncées par la Cour des comptes comme par l’IGAS.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Jean Ueberschlag – Selon le MEDEF, seule la moitié des sommes collectées au titre de la formation professionnelle lui seraient véritablement consacrées ! Nul ne proteste quand L’Express ou Le Point n’hésitent pas à parler d’ententes suspectes ou de rackets. La maison brûle, et l’incendie se propage ! Si nous n’intervenons pas, qui le fera ? Je sais bien, Messieurs les ministres, que vous en avez l’intention, ainsi que le Président de la République. Comme l’affirmait Le Monde il y a peu, pour contrôler les fonds qui font l’objet d’une gestion paritaire afin de permettre à tous d’accéder à la formation professionnelle continue, il faut en surveiller non seulement l’utilisation, mais aussi la collecte – ainsi que vous venez de le faire en confiant à un collecteur unique, l’URSSAF, les cotisations de l’assurance chômage.

M. le Président – Il faut vraiment conclure.

M. Jean Ueberschlag – Au nom de la responsabilité, de la transparence, de l’efficacité, notamment économique, et de la solidarité, n’ayez pas peur ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Je voudrais commencer par remercier les quatre rapporteurs, bien sûr, mais aussi l’ensemble des orateurs qui, en exposant toutes les options en présence, ont largement enrichi le débat.

En élisant Nicolas Sarkozy comme Président de la République, les Français voulaient une rupture, une dynamique nouvelle, en priorité dans le domaine de l’emploi.

M. Jean-Patrick Gille – Maintenant, ce sont eux qui sont au bord de la rupture !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Nous sommes fermement déterminés à les exaucer. Deux objectifs sont fixés pour la fin du quinquennat : le plein emploi, c’est-à-dire un taux de chômage de 5 %, et un taux d’emploi porté de 63 à 70 %.

Mme Laurence Dumont – Cela fait six ans que vous êtes au pouvoir !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Aujourd’hui, notre taux d’emploi global est donc de 63 %, contre 66 % en moyenne dans l’OCDE.

M. Patrick Roy – Et combien de travailleurs pauvres ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Deux catégories sont nettement en retrait, avec un taux d’emploi de 26 % pour les 15-24 ans et de 41 % pour les 55-64 ans, contre respectivement 43 % et 52 % en moyenne dans l’OCDE.

Je suis persuadé, comme M. Hénart, que ces deux objectifs sont à notre portée. Pour les atteindre, l’État consent un effort budgétaire global en très forte croissance, que Frédéric Lefebvre a estimé à 49 milliards au total. Certains discours, comme celui de M. Gille, frôlaient donc la caricature. Quant à M. Gorce, si j’ai apprécié ses propos sur les restructurations industrielles, je dois lui dire que les chiffres ont été solidement établis par M. le rapporteur Lefebvre.

Mais tout ne dépend pas des seuls moyens déployés : la dépense publique doit devenir plus efficace et plus vertueuse. C’est pourquoi nous devons mener quatre grandes réformes structurelles. La première consiste à encourager le travail, ce qui est tout de même le meilleur moyen de lutter contre le chômage. C’est dans cette logique qu’ont été rassemblés au sein d’un même ministère l’économie et l’emploi. Valoriser le travail, c’est d’abord permettre aux salariés de gagner plus en travaillant plus. C’est pourquoi, depuis le 1er octobre, les heures supplémentaires sont entièrement défiscalisées pour les salariés. Ce dispositif, qui n’est pas d’une complexité considérable – rien en tout cas dont un expert-comptable ne puisse venir à bout – représente un triple bonus pour le salarié : à partir de la trente-sixième heure de travail, 25 % de rémunération en plus, pas d’impôt et pas de charges. Mais pour valoriser le travail, il faut également le libérer. Je mets à ce sujet beaucoup d’espoirs dans la simplification administrative, et ce sera la grande priorité de mon action.

Valoriser le travail, c’est aussi améliorer la politique salariale : Mme Lagarde, qui accompagne le Président de la République aux États-Unis (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), et M. Bertrand ont lancé une conférence tripartite sur ce sujet. Mais c’est aussi favoriser l’émergence des nouveaux métiers qui seront les emplois de demain. Nous avons ainsi fait le pari de l’innovation, certainement la principale variable de croissance des pays développés. Non seulement l’État investit directement dans l’innovation – les crédits destinés aux pôles de compétitivité ou aux jeunes entreprises innovantes ont été augmentés, à titre d’exemple, de 8 % – mais il peut aussi inciter les entreprises à innover. C’est pourquoi nous avons entamé une réforme fondamentale du crédit impôt recherche, dont les moyens vont être triplés, soit un effort sans précédent de 3 milliards en année pleine.

Mais au-delà de cette puissante impulsion, il faut aussi penser aux services à la personne, qui se développent et se professionnalisent à grande vitesse. L’action qu’avait menée en la matière M. Borloo, bien secondé par M. Hénart, doit être soulignée. L’effort budgétaire qui y est consacré passe au total de 3 à 3,4 milliards. Les mesures d’exonération, qui ne sont jamais qu’un des nombreux dispositifs concernant le secteur, vont faire l’objet d’un effort de simplification administrative : en trois ans, l’exonération rejoindra le droit commun pour les entreprises agréées. Cette mesure représentera un surcoût très modéré pour les employeurs et ne touchera pas les publics fragiles.

M. Mariani a évoqué, avec la constance et la force de conviction qu’on lui connaît, le sujet de l’hôtellerie-restauration. C’est un secteur à très forte composante de main-d’œuvre, qui doit donc être développé. C’est pourquoi nous pérennisons les aides qui n’étaient accordées que pour un an. Certes, nous les réservons aux entreprises de moins de trente salariés, mais vous savez que sans cette limite, les plus grandes auraient dû rembourser un jour le trop perçu. Nous ne voulons pas rééditer la triste histoire de 1995, quand les entreprises qui avaient bénéficié du plan en faveur des industries textiles avaient été obligées par Bruxelles de rembourser les aides qu’elles avaient perçues. Les entreprises de moins de trente salariés, soit 98 % du secteur, ont aujourd’hui une bonne visibilité car elles sont assurées de la pérennité du dispositif. Nous avons donc réussi un bon compromis.

La deuxième de ces grandes réformes structurelles est la modernisation du service public de l’emploi, chantier déterminant pour notre objectif d’un chômage à 5 %. L’indemnisation du chômage est intimement liée à la recherche d’emploi. C’est parce qu’elles partageaient ce constat que l’ANPE et l’UNEDIC ont appris depuis plusieurs années à travailler ensemble. Nous souhaitons aujourd’hui aller plus loin et instaurer un interlocuteur unique, tant pour les demandeurs d’emploi que pour les entreprises. La fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC va remplacer la complexité des structures par la proximité des agents, ce qui nous fera gagner en efficacité et réduira les formalités. En fusionnant ses services, le Royaume-Uni a obtenu une augmentation de la proportion des agents en contact avec les demandeurs d’emploi et les entreprises. Pourquoi n’y arriverions-nous pas ?

M. Roland Muzeau – Il y a eu 12 000 suppressions d’emplois !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Une plateforme unique dégage plus de moyens pour les agents, offre plus de services aux chômeurs. Une fois cette réforme soumise à la négociation, le Parlement légiférera. Le premier axe de la fusion sera le maintien d’une structure gérée paritairement au niveau national, responsable des règles d‘assurance-chômage et de la gestion financière des cotisations sociales : l’UNEDIC. Les missions de service aux demandeurs s’emplois seront unifiées au sein d’une institution nouvelle créée par la loi et financée par le régime d’assurance chômage et par l’État, ce qui permettra la construction d’une nouvelle offre centrée sur la formation et l’accompagnement.

Troisièmement, le pilotage stratégique des politiques de l’emploi sera opéré au sein d’un conseil d’orientation présidé par Mme Lagarde. Cette instance veillera à la cohérence globale du système.

Quatrièmement, nous veillerons à des modalités de mise en œuvre aussi pragmatiques que possible, pour tenir compte du statut des agents des deux institutions.

Bien entendu, les réseaux spécialisés auront un rôle à jouer dans cette nouvelle architecture, qu’il s’agisse de l’APEC, des missions locales ou des Maisons de l’emploi. Certains orateurs ont évoqué les Maisons de l’emploi et je voudrais leur dire qu’il ne faut pas céder à la caricature. Je regrette que Mme Iborra ait taxé d’incompétence le ministre de l’emploi ou dénoncé on ne sait quel abandon des maisons de l’emploi…

Mme Laurence Dumont – Démontrez que tel n’est pas le cas !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État  Notre seul objectif est de rendre le système plus logique. Comment pourrait-on continuer à créer des maisons de l’emploi au moment où nous nous apprêtons à fusionner l’ANPE et l’UNEDIC ? Précisons les choses, pour répondre notamment aux interrogations – de bon aloi, celles-ci – de MM. Vercamer, Cardo et Jacquat. S’agissant des Maisons de l’emploi, nous avons décidé de suspendre le déploiement des nouvelles entités…

Mme Laurence Dumont – C’est donc bien fini ! Qu’en pense M. Borloo ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Celles qui existent déjà ne sont pas remises en cause, et l’État en conventionnera encore une trentaine d’ici la fin de l’année afin de respecter les engagements pris. Votre collègue M. Anciaux a du reste accepté une mission d’examen au cas par cas des projets en cours, en liaison avec le pouvoir exécutif.

L’institution née de la fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC jouera un rôle majeur dans les régions les plus touchées par les restructurations. Comme l’a démontré votre rapporteur pour avis, M. Cherpion, l’expérimentation du contrat de transition professionnelle constitue une base tout à fait intéressante, que nous devrons intégrer dans le nouveau dispositif. En effet, ce contrat allie prise en charge matérielle, mise en situation d’emploi et actions de formation, dans une panoplie d’outils complémentaires. C’est précisément ce que nous voulons faire, et vous avez dressé mieux que je n’aurais su le faire, Monsieur Cherpion, un premier bilan de ce contrat de transition professionnelle. Vous avez souligné l’apport de l’IGAS, laquelle porte un jugement plutôt satisfaisant sur les effets du dispositif. Bien entendu, il faut tenir compte du calendrier des négociations engagées par les partenaires sociaux, mais je suis convaincu que ces contrats seront utiles et qu’il faudra envisager de les étendre.

La réforme du service public de l’emploi implique celle de la formation professionnelle et MM. Hénart et Ueberschlag ont eu raison d’insister sur les enjeux de ce domaine essentiel. S’agissant de la formation des jeunes, les dispositifs d’alternance seront renforcés, avec 285 000 contrats d’apprentissage – soit 10 000 de plus que cette année – et 140 000 contrats de professionnalisation, 5 000 de plus que dans le budget pour 2007. Monsieur Hénart, vous avez eu raison de rappeler l’élan spectaculaire qui a été donné aux dispositifs d’alternance depuis cinq ans. Je m’en réjouis, car j’ai pu, en tant que parlementaire, les soutenir dans la précédente mandature.

Venons-en aux exonérations du contrat de professionnalisation. Elles étaient naguère plus généreuses que le droit commun, elles ne le seront plus : c’est que, pour un petit avantage accordé aux employeurs, elles coûtaient cher à la collectivité en complications administratives. Pour les entreprises de moins de vingt salariés, au niveau du SMIC, l’exonération de charges était déjà identique au droit commun ; pour les autres, le surcoût sera de l’ordre de 20 euros, ce qui me semble acceptable au regard de l’objectif de simplification.

Le besoin de formation professionnelle concerne également les adultes. Nous avons lancé une réflexion sur l’avenir de l’AFPA, une fois achevé le processus de décentralisation initié en 2004. En outre, l’État confirme son engagement de financer l’AFPA pour la partie de la commande publique qui n’est pas décentralisée.

Quant aux personnes les moins qualifiées, elles devront accéder davantage à la formation professionnelle continue. Le budget pour 2008 prévoit par conséquent une augmentation très sensible des crédits destinés aux demandeurs d’emploi en fin de droits, en les portant de 115 à 200 millions, soit une progression de 80 %.

La combinaison entre mobilité et sécurité devrait bénéficier à tous : ceux qui ont un emploi comme ceux qui en cherchent un. Néanmoins, il ne faut pas se voiler la face, certains se trouvent dans des situations particulièrement difficiles. C’est pourquoi nous devons mettre en œuvre des actions de solidarité qui soient mieux ciblées. La solidarité concerne à la fois ceux dont le travail est menacé par les évolutions du monde moderne et ceux qui ne parviennent pas à trouver – ou à retrouver – un travail.

Quand je parle de ceux dont l’emploi est menacé par les évolutions du monde moderne, je pense aux salariés touchés par un licenciement économique. Nous devons les accompagner le mieux possible. Aussi maintiendrons-nous l’effort en faveur des conventions de reclassement personnalisées, cependant que sera poursuivie l’expérimentation des contrats de transition professionnelle dans sept bassins d’emploi. Pour trouver des solutions à plus long terme, le programme « Développement de l’emploi et accompagnement des mutations économiques » comprend également des mesures destinées à améliorer l’anticipation des mutations industrielles, à travers des outils comme la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les moyens dévolus à ces politiques restent considérables, avec plus de 400 millions de crédits déconcentrés, qui permettent aux directeurs régionaux de l’emploi d’accompagner les principales mutations. Je suis sensible à ce qu’a dit à ce sujet votre rapporteur spécial M. Gorce, et nous aurons l’occasion d’y revenir.

Quand je parle de ceux qui ne parviennent pas à trouver – ou à retrouver – un travail, je pense bien sûr aux contrats aidés, que nombre d’entre-vous ont évoqué. Les uns pour s’inquiéter de ce qu’ils considèrent comme un désengagement considérable de l’État, les autres pour constater combien notre politique accompagne la croissance, d’où la moindre utilité de certains contrats aidés, manifestement mieux adaptés à une conjoncture moins favorable.

Mme Laurence Dumont – Regardez plutôt la réalité en face !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Je ne nie pas que le nombre de contrats aidés prévus dans le projet de budget pour 2008 diminue par rapport aux prévisions du budget de cette année…

M. Roland Muzeau – Quel aveu !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Mais non ! Faire un aveu, c’est dire quelque chose que l’on espérait pouvoir dissimuler. En l’occurrence, c’est délibérément que nous prenons cette orientation, parce que nous constatons que les créations naturelles d’emploi dans le secteur marchand ont reprise de manière forte. Telle est la réalité qui s’impose à tous…

M. Jean-Pierre Dufau – Comme la croissance sans doute ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État  Une diminution des contrats aidés a du reste déjà eu lieu. Cependant, au mois de septembre dernier, en dépit de cette baisse, le nombre de demandeurs d’emploi a diminué de 28 000 unités. Cette réalité vous chagrine peut-être : pas moi ! Et pas davantage les 28 000 chômeurs qui ont retrouvé du travail ! La baisse est particulièrement sensible pour les chômeurs de longue durée et les jeunes. Au premier semestre, 183 500 créations nettes d’emploi sont intervenues dans notre pays, d’après les derniers chiffres de l’INSEE. La vigueur renouvelée de l’emploi marchand a pris le relais, pour offrir des emplois en lieu et place des contrats aidés.

Cependant, M. Cardo a eu raison de rappeler que les contrats aidés peuvent jouer un rôle important dans certaines poches particulières de chômage, en particulier dans les banlieues. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement prépare, sous l’égide de Mmes Boutin et Amara, un plan banlieues, destiné à créer un certain nombre d’emplois (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Roy – Pourquoi attendre ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État  Tout le monde ne peut pas profiter immédiatement de l’embellie, et nous ne pouvons pas oublier les personnes les plus éloignées de l’emploi du fait de leur fragilité. Nous voulons simplement recentrer progressivement l’accès à ces contrats sur les publics les plus en difficulté,…

M. Jean-Pierre Dufau – Ce ne serait pas nouveau !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État  …comme les jeunes, les seniors ou les personnes handicapées. C’est pour cela que je partage l’avis de votre rapporteur spécial M. Joyandet pour ce qui concerne la fusion des contrats jeunes en entreprise avec les CIE.

Quant aux contrats aidés destinés aux personnes handicapées, ils ne sont absolument pas concernés : en septembre, le nombre de contrats aidés en structures d’insertion a augmenté de 2 000 unités par rapport à janvier 2007 et de 1 000 par rapport à mai dernier.

L’ensemble des contrats aidés mis en place dans le plan de cohésion sociale fait actuellement l’objet d’une évaluation de la DARES, et c’est sur ces bases que nous déciderons des suites à donner pour les améliorer. Nous attendons beaucoup des premiers enseignements qui pourront être tirés de l’expérimentation du RSA. Tout cela fera l’objet du Grenelle de l’insertion, piloté par M. Martin Hirsch au premier semestre 2008 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Tels sont les grands enjeux de notre politique de l’emploi : revaloriser le travail – parce que c’est du travail des uns que naît l’emploi des autres –, réformer le service public de l’emploi, repenser les actions de solidarité – parce que la générosité doit elle aussi répondre à des critères d’efficacité. Si nous savons réunir ces conditions, le retour au plein emploi et à la prospérité qui l’accompagnera sera au rendez-vous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Pour ce qui concerne le temps de parole, je ne sais pas s’il me sera possible de respecter le partage que semble suggérer la répartition des crédits au sein de cette mission : 93 % pour M. Novelli et 7 % pour moi… Je m’en tiendrai donc aux deux programmes qui relèvent directement de ma responsabilité.

Le programme « Amélioration de la qualité du droit et des relations du travail » marque trois priorités, confirmées récemment par la conférence relative aux conditions de travail et par le plan « Santé au travail ». Il s’agit tout d’abord de diversifier les financements consacrés aux risques professionnels, ensuite de soutenir la négociation collective, et enfin d’organiser les élections prud’homales de décembre 2008. Nous consacrerons à cette dernière action un montant total de 89 millions, dont 60 millions figurent dans le présent budget.

Les crédits du programme « Conception, gestion et évaluation des politiques emploi et travail » progresseront au même rythme que l’inflation, ce qui signifie qu'il faudra dégager des gains de productivité. Bien que ce programme soit interministériel, nous travaillons en réseau avec un interlocuteur local unique et donc un budget unique, en créant de très fortes synergies. Nous souhaitons par ailleurs mieux garantir l’effectivité du droit du travail. C’est le sens du plan de modernisation de l’Inspection du travail qu’avait lancé M. Larcher et qui permettra le recrutement de 170 agents supplémentaires. Ce renforcement trouvera sa contrepartie dans des suppressions équivalentes d'effectifs, supportées par l'ensemble des services, mais davantage dans les administrations centrales que dans les services déconcentrés.

L'évaluation de l'efficacité des politiques de l'emploi est évidemment nécessaire au regard des sommes investies ; outre l'INSEE, plusieurs services du ministère y concourent. Les crédits globalement attribués à cette fin aux services du ministère s'élèvent à 17,7 millions – montant stable depuis plusieurs années. Les accroître va dans le bon sens, et je suis donc favorable par principe aux amendements qui ont cet objet. Cependant, pour le lancement d’études lourdes, qui se déroulent sur plusieurs années, l'augmentation des crédits doit être progressive et s'inscrire dans la durée. Une hausse brusque risquerait de ne pas être suivie d'effets immédiats, au risque d’une sous-consommation de crédits – phénomène que je n’aime pas et dont je sais que vous le détestez… Voilà pourquoi l’amendement tendant à accroître de 3,4 millions les crédits de la DARES me semble prématuré ; je suis en revanche favorable à l’amendement de M. Lefebvre qui tend à transférer 200 000 euros au Centre d’études de l’emploi.

À M. Gosnat, je souhaite dire que nous préférons la négociation à la réglementation, celle-ci devant être réservée à ce qui relève de l’ordre public social. S’agissant de l’inspection du travail, je rappelle l’effort sans précédent engagé par l’État, qui se traduira par la création de près de 700 postes en cinq ans, dont 170 dès 2008. Il n’était que temps, me direz-vous sans doute – en effet ! Cela étant, l’application du droit du travail ne tient pas seulement à la sanction ; c’est la négociation qui est le gage de son application.

M. Vercamer a évoqué l'AFSSET, dont les moyens se sont accrus de 68 % en trois ans. Cette hausse doit permettre de renforcer le rôle de tête de réseau de l'Agence et lui donne les moyens d’une expertise propre par le recrutement de dix scientifiques chaque année pendant cinq ans. Le contrat d'objectifs et de moyens conclu le 17 avril dernier a formalisé ces deux objectifs. L’Agence consacre une part notable de ses travaux aux effets de l’amiante, notamment aux fibres courtes. Voilà qui, je l’espère, rassurera M. Candelier, inquiet de nos efforts en matière de santé au travail.

M. Vercamer a évoqué aussi la nécessité de mieux prendre en compte la représentativité des partenaires sociaux. Je l'ai indiqué plusieurs fois, le Gouvernement veut moderniser la démocratie sociale. Cela a été l'un des thèmes de la campagne électorale, et le Président de la République l'a rappelé. Les partenaires sociaux se sont également exprimés là-dessus en juin, et le Premier ministre dans cet hémicycle. Le sujet est devant nous, et je souhaite qu’il ne soit pas trop loin devant nous… Tout doit être mis sur la table, financement des organisations compris, ce qui conduira à s’interroger sur le point de savoir qui doit être le financeur – l’État ? Les entreprises ? Les cotisations des adhérents ? Conformément à la loi modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, c’est aux partenaires sociaux qu’il revient en premier lieu de répondre à ces questions. Je souhaite que nous puissions ensuite vous soumettre un texte dès 2008, car le plus tôt sera le mieux.

M. Hénart a traité de la négociation relative au contrat de travail. En ce domaine, il y a deux manières de faire. La première consiste en une démarche unilatérale tendant à instituer des procédures complexes, insécurisantes pour les entreprises et pour les salariés – c’est celle qui a prévalue dans le cas de la loi dite de modernisation sociale de 2002 (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). L’autre manière tend à demander aux partenaires sociaux de négocier pour trouver de nouveaux équilibres en matière de mobilité professionnelle et de droit du travail. La confédération européenne des syndicats a abordé le sujet à Séville, et j’ai proposé la constitution d’un groupe de travail européen de haut niveau. Dans le même temps, Mme Lagarde et moi-même travaillons à la mise au point de nouvelles mesures destinées à favoriser l’emploi des seniors.

En ces matières, la réflexion a mûri, et l’accord, j’en suis persuadé, est maintenant à portée de main. Mais, pour qu’il aboutisse, la flexisécurité doit bénéficier à tous, entreprises et salariés. Je ne cautionnerai aucun texte qui irait dans un autre sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTIONS

M. Jean-Patrick Gille – Le budget 2008 prévoit le versement d’une subvention de 50 millions à l’établissement public d’insertion de la défense qui, prévu pour accueillir 20 000 jeunes, est loin d’avoir atteint ses objectifs : moins de 3 000 jeunes y sont pris en charge dans vingt-deux sites, ce qui représente 30 000 euros per capita. Par ailleurs, plusieurs collectivités ont repris le concept européen des « écoles de la deuxième chance », trente-cinq ont été ouvertes qui peuvent accueillir 4 000 jeunes, pour un prix de revient de 9 000 euros par tête. Ces établissements ont bénéficié d’une aide exceptionnelle en 2006 et en 2007, mais aucune nouvelle ouverture ne semble prévue en 2008. M. Sarkozy avait pourtant affirmé, durant la campagne électorale, que chaque département devrait être doté d’une telle école. J’aimerais savoir quand sera réalisé un audit de l’EPIDe, et quels moyens le Gouvernement entend accorder aux écoles de la deuxième chance l’année prochaine.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État  L’établissement public d’insertion de la défense a été créé par l’ordonnance du 2 août 2005. Comme vous l’avez indiqué, le PLF 2008 prévoit le versement d’une subvention de 50 millions, tandis que l’EPIDe sera par ailleurs invité à revoir son organisation et la prise en charge des jeunes qu’il accueille. Le nombre de centres devait diminuer mais ses effectifs être maintenus, et 1 500 jeunes pourront être pris en charge, d’autant que l’Établissement public bénéficie du soutien du Fonds social européen. Il s’agit, comme vous l’avez souligné, d’un effort substantiel de l’État, que l’on peut évaluer à 33 000 euros par jeune pris en charge.

M. Jean-Pierre Dufau – Il est bon d’avoir le souci de l’efficacité, mais la logique comptable est parfois contre-productive et, avant de modifier des dispositifs, il convient de les évaluer sérieusement. Ce n’est pas ce qui a été fait lors de l’élaboration de ce budget pour ce qui concerne l’emploi des jeunes : tous les crédits sont en baisse, de manière parfois spectaculaire – y compris pour le CIVIS, qui devait tout changer. Et je pourrais donner encore bien d’autres exemples…

Pourquoi ne pas évaluer les dispositifs avant les supprimer, Monsieur le ministre ? Et pourquoi vous refuser à admettre que l’insertion dans l’emploi exige des mesures adaptées à la diversité des publics concernés ? S’agit-il en fait d’orienter massivement les jeunes vers l’apprentissage, à la charge des régions ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Notre démarche n’est pas comptable. Elle tend seulement à simplifier les dispositifs et à les concentrer sur les publics qui en ont le plus besoin. C’est une question d’efficacité…

Quant aux baisses des moyens, vous n’avez raison qu’en apparence. On constate en effet une sous-consommation des crédits. Nous nous contentons donc de les reconduire en tenant compte de l’exécution budgétaire.

Par-delà les clivages politiques, qui peut enfin nier l’importance de l’insertion professionnelle des jeunes ? Il suffit de comparer les taux d’emploi en France et dans l’OCDE pour comprendre la nécessité d’agir. Ce qui nous différencie, c’est que nous ne pensons pas que la solution soit d’augmenter systématiquement les crédits, quelle que soit leur efficacité.

Mme Laurence Dumont – Depuis le 1er octobre, le dossier de tout étranger inscrit à l’ANPE ou aux ASSEDIC est transmis aux préfectures. De la réponse de celles-ci dépend le traitement de la demande déposée. Vous justifiez cette mesure au nom de la lutte contre la fraude, comme si seuls les ressortissants étrangers fraudaient et s’ils déposaient des dossiers auprès de ces organismes quand ils sont en situation irrégulière.

Monsieur le ministre, les agents de l’ANPE et des ASSEDIC ont été chargés d’assurer le service public de l’emploi et d’indemniser les salariés qui ont acquis des droits grâce à leurs cotisations. Ces agents n’ont pas pour mission d’effectuer des contrôles de nationalité et il ne leur incombe pas de pratiquer la délation. Vous rendez-vous compte de ce que vous leur demandez ? Un agent de l’ANPE m’a dit qu’on n’était pas en 1942 et qu’il n’était pas salarié du Gouvernement de Vichy…

Le décret en cause institue non seulement une discrimination supplémentaire, dont la HALDE a été saisie, mais il redéfinit également la mission du service public de l’emploi. Pensez-vous qu’il soit opportun de transformer celui-ci en bras armé du ministère de l’immigration ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Cette disposition n’est pas nouvelle en droit : elle a été adoptée à l’occasion de la loi sur l’immigration votée en 2006.

M. Jean-Pierre Dufau et Mme Laurence Dumont – Et le décret ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Il y a toujours un délai entre la loi et le décret…

Les employés seraient contraints à la délation, dites-vous. Mais vous oubliez que toute personne placée par l’ANPE est réputée en situation régulière. L’ANPE engageant sa responsabilité pénale, vous comprendrez que ses agents ne s’exonèrent pas des conséquences de leurs actes.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 20.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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