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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 14 novembre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
50ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

MOUVEMENTS SOCIAUX

M. Alain Vidalies – Monsieur le Premier ministre, hier soir, sur TF1, vous avez stigmatisé les 500 000 ressortissants des régimes spéciaux de retraite (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), en tentant de les opposer aux 26 millions de Français qui dépendent du régime général. Vous parlez d’équité, mais ces salariés ne bénéficient pas de vos cadeaux fiscaux (Mêmes mouvements), et aucun parachute doré ne viendra agrémenter leurs vieux jours (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Les transports publics sont aujourd’hui touchés par un mouvement social massif, dont des millions de Français subissent les conséquences. Le 18 octobre dernier, une grève d’une ampleur inhabituelle avait déjà eu lieu et, depuis un mois, les organisations syndicales ont répété leur volonté de négocier. Mais encore aurait-il fallu que le Gouvernement accepte le principe de toute négociation : parvenir à un compromis acceptable par tous. Depuis le 18 octobre, vous avez malheureusement fait semblant de négocier, poussant de facto à la grève, comme l’a déclaré le secrétaire national de la CFDT.

Ainsi, vous n’avez donné aucune suite à la proposition du secrétaire général de la CGT, qui appelait de ses vœux, vendredi dernier, une négociation tripartite rassemblant syndicats, entreprises et État. Cette proposition était pourtant de nature à éviter la grève actuelle... Alors que jamais les organisations syndicales ne se sont arc-boutées sur le statu quo (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), votre conception bien singulière de la négociation a débouché sur deux jours de grève nationale dans les transports publics.

La balle est aujourd’hui dans votre camp : à vous de faire des propositions aux organisations syndicales, qui sont désireuses de négocier, notamment sur la question du pouvoir d’achat des futurs retraités, c’est-à-dire du montant des retraites, préoccupation partagée par tous les Français. Trop de temps a été perdu depuis le 18 octobre, Monsieur le Premier ministre.

M. le Président – Veuillez poser votre question.

M. Alain Vidalies – Si vous ne souhaitez pas continuer à dresser les salariés les uns contre les autres, allez-vous enfin faire des propositions et saisir la main tendue par les organisations syndicales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR)

M. François Fillon, Premier ministre  Que dites-vous au fond ? Que l’on peut faire une réforme des régimes spéciaux, mais pas celle-là et pas comme ça… On pourrait comparer notre méthode à celle qu’emploierait le parti socialiste, même si c’est une question un peu théorique, compte tenu de votre expérience en matière de réforme des retraites (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC).

Quelle est donc notre réforme ? Il s’agit d’harmoniser progressivement des régimes concernant 500 000 salariés sur celui de 26 millions de Français…

M. Maxime Gremetz – Par le bas !

M. le Premier ministre – Cet objectif se traduit par trois principes non négociables : une durée de cotisation de 40 annuités en 2012, une indexation des pensions sur les prix, comme c’est déjà le cas dans les autres régimes, et enfin un système de décote et de surcote destiné à inciter les salariés à rester plus longtemps dans leur entreprise.

Comme nous l’avons indiqué, tout le reste est en revanche négociable : les revenus –notamment en fin de carrière – les conditions de travail, la prise en compte de la pénibilité, les régimes additionnels, l’aménagement de la fin de carrière des salariés. Tout cela entre dans le champ de la négociation au niveau des entreprises, car celles-ci sont différentes les unes des autres et les régimes spéciaux ne sont pas identiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Depuis des jours et des jours, Xavier Bertrand propose d’ouvrir ces négociations, déjà acceptées par certaines organisations syndicales. La CGT a fait savoir, hier soir, qu’elle était prête à accepter ce schéma à une condition : qu’il y ait un représentant de l’État dans les négociations d’entreprises. Xavier Bertrand a consulté, hier soir et ce matin encore, les autres organisations, qui ont donné leur accord de principe. Avec le Président de la République, nous lui avons donc demandé d’envoyer une lettre fixant le cadre des négociations à venir, avec deux objectifs immédiats : faire cesser cette grève, qui n’est pas utile et qui n’aboutira pas à des résultats pour qui que ce soit, mais qui gêne des millions de Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) ; et enfin mener dans les entreprises la négociation désormais souhaitée par tous.

Le Parti socialiste a raté le rendez-vous de 1993 sur les retraites, puis celui de 2003. Peut-être pourrait-il être à celui de 2007 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

CHÈQUE-TRANSPORTS

M. François de Rugy – Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’économie, qui ne doit pas s’inquiéter outre mesure : je ne lui demande pas de porter le SMIC à 2 900 euros, ce qui reviendrait pourtant à généraliser l’augmentation de salaire de 172 % accordée au Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC ; protestations sur les bancs du groupe UMP). Mesure d’autant plus choquante que vous parlez d’équité et de solidarité à des salariés obligés de faire grève pour défendre leurs retraites.

Les Français souhaitent des mesures concrètes et durables en matière de pouvoir d’achat. À l’occasion du débat sur le paquet fiscal, en juillet dernier, j'avais proposé la généralisation du chèque-transports, refusée par la majorité au motif qu’il fallait commencer par dresser un bilan du dispositif existant. M. de Villepin avait en effet proposé une première mesure, qui s’est soldée par un échec faute d’être obligatoire. La hausse du prix des carburants était pourtant prévisible, et elle va continuer !

À ce titre, le chèque-transports offre plusieurs avantages : c’est une mesure simple, car semblable au ticket-restaurant, peu coûteuse, et susceptible de procurer aux salariés des économies sur leurs frais de transport. Un salarié qui parcourrait 10 kilomètres le matin avec sa voiture, et autant le soir, économiserait en effet 1 000 euros par an s’il pouvait utiliser les transports en commun grâce à ce chèque.

Si jamais vous doutez de la pertinence de cette mesure, Madame la ministre, je vous invite à vous pencher sur le dispositif adopté à Nantes depuis 2003 : c’est un succès. Dans ces conditions, pourquoi refuser sa généralisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports – Le chèque transport, mesure de bon sens, n’a pas donné les résultats escomptés. J’y vois deux raisons. D’une part, il s’adresse aux salariés qui utilisent un véhicule individuel, alors qu’il faut plutôt rechercher l’usage de transports collectifs et non polluants. D’autre part, même quand il s’agit d’emprunter les transports collectifs, le dispositif n’est pas sans défaut, car les usagers sont munis d’un document papier alors que les gestionnaires de réseau privilégient désormais les moyens de paiement électronique. Nous allons donc revoir les modalités générales de fonctionnement du chèque transport.

Je vous rappelle par ailleurs que le projet de loi de finances pour 2008 prévoit d’aider à la réalisation, à Nantes et ailleurs, de 1 500 kilomètres de voies de transport collectif en site propre. En ces jours de conflits dans les transports publics, il est important de rappeler que le transport collectif est l’une des priorités du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MOUVEMENTS SOCIAUX

M. Christian Blanc – Alors qu'une nouvelle journée de grève a lieu sur l’ensemble du territoire, entravant à nouveau les services de transports publics et pénalisant nos concitoyens (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), je tiens à rappeler, au nom du groupe Nouveau Centre, qu'aucune démocratie ne peut fonctionner sous le diktat d’intérêts catégoriels (Huées sur les mêmes bancs).

M. Maxime Gremetz – Lagardère !

M. Christian Blanc – Ce conflit intervient alors que le Gouvernement a démontré ces dernières semaines, et aujourd'hui encore, toute son ouverture au dialogue, mais aussi sa ferme détermination à mener cette réforme nécessaire.

Monsieur le ministre du travail, vous avez reçu, hier soir et ce matin, l'ensemble des partenaires sociaux, marquant ainsi à nouveau la volonté du Premier ministre et la vôtre de mener la réforme dans la concertation, contrairement à ce que certains laissent entendre (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Pouvez-vous nous informer de l’issue de ces nouvelles rencontres ? Quelles sont les prochaines étapes de la réforme, chacun étant maintenant face à ses responsabilités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Chacun est, en effet, face à ses responsabilités. Je vous ferai un compte rendu fidèle de ce qui s’est dit dans mon bureau en vous disant qu’aujourd’hui chacun s’accorde à estimer que la priorité doit aller à la négociation dans les entreprises…

M. Maxime Gremetz – Tripartite !

M. le Ministre - …et que chacun veut avoir l’assurance que ces négociations progresseront. Chacun connaît aussi les trois piliers de la réforme, rappelés par le Premier ministre, et sans lesquels les Français ne seraient pas égaux devant la retraite. Savoir cela n’empêche pas la négociation, au contraire. D’ailleurs, outre les réunions qui ont eu lieu, hier, au ministère, d’autres se sont déroulées dans les entreprises. On progresse, et on progressera encore car nous avons aujourd’hui une occasion unique d’affirmer que la négociation est toujours préférable aux conflits tels que celui d’aujourd’hui, à laquelle la participation est forte, même si elle l’est moins que la dernière fois.

La méthode qui sera utilisée correspondra donc à ce qui a été évoqué dans mon bureau, à ce pour quoi ont voté les Français (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), à ce qu’ils veulent dans leur grande majorité : que le Gouvernement mène la réforme à son terme, et que le dialogue ait lieu maintenant que nous avons des interlocuteurs. Vous avez raison, Monsieur le député, chacun doit prendre ses responsabilités ; le Gouvernement prend les siennes, l’heure est maintenant au dialogue dans les entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

MOUVEMENTS SOCIAUX

M. Philippe Pemezec – Depuis ce matin, les usagers des transports publics se trouvent, une fois de plus, pris en otages par une minorité de grévistes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) qui refusent la réforme des régimes spéciaux voulue par une majorité de Français. Selon un sondage paru ce matin, 71 % de nos concitoyens considèrent que le Gouvernement ne doit pas céder aux grévistes (Mêmes mouvements). Monsieur le ministre du travail, vous avez, hier soir et ce matin encore, rencontré les organisations syndicales, faisant ainsi preuve de votre ouverture et de votre écoute. Pouvez-vous nous dire plus précisément encore quels éléments sont issus de ces derniers échanges ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Pouvez-vous aussi confirmer que le Gouvernement tiendra bon et mènera cette réforme jusqu'au bout, comme le souhaitent une très large majorité de Français et notamment les millions d'électeurs qui ont choisi de faire confiance à Nicolas Sarkozy pour que les Français soient enfin tous égaux devant la retraite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – La réforme des régimes spéciaux était en effet au cœur de la campagne électorale, et il apparaît désormais clairement que l’enjeu dépasse les clivages traditionnels. La réforme est indispensable, et les Français veulent qu’elle soit faite. Mais notre volonté d’aboutir se double d’une volonté de dialogue. La possibilité historique s’offre à nous de démontrer qu’en cette matière la légitimité politique ne s’oppose pas à la légitimité sociale. Il n’y a aucune ambiguïté : la réforme sera appliquée conformément aux trois axes cités. Dans le même temps, les agents doivent savoir qu’ils ne perdront pas un euro. Mieux : comme les clauses « couperet » vont disparaître – celles qui, aujourd’hui, obligent les salariés des régimes spéciaux à partir à la retraite à 50 ou à 55 ans même s’ils ne le souhaitent pas ou n’ont pas toutes leurs annuités –, ils pourront avoir une pension plus importante. J’entends dire, aussi, que leurs pensions sont faibles ; c’est vrai, et la réforme leur donnera des possibilités d’évolution de carrière qui n’existaient pas auparavant. Les agents des régimes spéciaux demandent l’engagement immédiat de négociations dans les entreprises, dont les dirigeants ont donc l’obligation d’aboutir, afin que le travail reprenne le plus vite possible. C’est ce que le Gouvernement permet aujourd’hui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

CARTE JUDICIAIRE

Mme Marylise Lebranchu – Dans ce cas, Monsieur Bertrand, comment se fait-il que vous n’ayez pas ouvert la négociation après le 18 octobre ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Les Français attendent l’égalité devant les retraites, c’est vrai. Mais le problème ne se pose pas tant pour les régimes spéciaux que pour les petites retraites, comme celles des agriculteurs et d’un grand nombre de retraités (« Hors sujet ! sur les bancs du groupe UMP).

Je voudrais interroger Mme la ministre de la justice, justement parce que nous sommes beaucoup à penser qu’en discutant on peut éviter les conflits. La modernisation de la carte judiciaire aurait pu être consensuelle.

M. Yves Fromion – Pourquoi ne l’avez-vous pas faite ?

Mme Marylise Lebranchu – Ce n’est pas du tout un dossier technique. Enfermer cette modernisation nécessaire dans l’outil qu’est la carte judiciaire a provoqué une rupture violente entre les professionnels, les élus, et le ministère. Vous ne pouvez continuer à dire qu’il s’agit de tirer les conclusions de la commission sur l’affaire d’Outreau ou de poursuivre sur la voie de la loi Clément. Nul ne conteste qu’on peut très bien organiser un pôle départemental d’instruction et gérer les affectations dans ce cadre. Comment comprendre, alors, que cette modalité ait disparu, par exemple dans les Ardennes ?

Ne dites pas non plus que cette réforme est dans la continuité du travail de tous vos prédécesseurs, qui, en quelque sorte, auraient été des couards. Nous ne sommes pas des couards ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Vous mentionnez souvent la période 1997-2002. À cette époque, les études et la concertation publique ont abouti à de vraies propositions. Ce qu’il faut, c’est réformer, non en fermant brutalement des tribunaux, comme vous le faites, mais en conduisant un vrai travail de fond sur la modernisation de l’organisation judiciaire.

M. le Président – Il va falloir poser votre question.

Mme Marylise Lebranchu – Qui juge quoi, comment, que fait-on des contentieux familiaux, que veut dire la justice de proximité ? Voilà les questions difficiles qu’il faut régler. Ne s’occuper que de la carte judiciaire est technocratique. De plus, notre organisation judiciaire va rester l’une des plus archaïque.

M. le Président – Votre question, s’il vous plaît (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

Mme Marylise Lebranchu – Nous pensions qu’une vraie concertation avec tous les parlementaires aurait permis d’éviter ce coup de force brutal qui crée un abîme entre l’institution judiciaire et les territoires (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et de nombreux bancs du groupe GDR).

M. Jean Glavany – Monsieur le Président, vous présidez l’Assemblée, pas l’UMP ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Pour nos collègues socialistes qui penseraient que Mme Lebranchu n’a pas disposé de tout son temps de parole, j’indique qu’elle l’a dépassé de 30 secondes. Et elle s’est permis de l’utiliser en partie pour revenir sur la question précédente.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Vous parlez, Madame la députée, de réforme « technocratique », je parle, moi, des hommes et des femmes qui rendent la justice au quotidien. Il est important qu’ils ne restent pas isolés, et que les magistrats puissent avoir des échanges sur des dossiers de plus en plus complexes. Les contentieux qui portent sur les gardes d’enfants, les questions de pollution, de santé, de consommation, sont effectivement très complexes. Cela nécessite de disposer de magistrats spécialisés donc d’abord, de regrouper les moyens. Chaque citoyen a droit à la même justice sur tout le territoire, et à une décision prise dans des délais raisonnables. La réforme répond à ces attentes. D’autres ont essayé avant. Vous en avez rêvé, nous la ferons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

PROTECTION DES VICTIMES DE LA DÉLINQUANCE

M. Jacques Alain Benisti – Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’Intérieur. De plus en plus souvent, en particulier en banlieue, les victimes d’agression sur la voie publique n’osent plus déposer plainte. En effet les agresseurs les terrorisent si elles en déposent une ou la maintiennent. Cela ne peut plus durer.

Les lois promulguées depuis 2003, notamment celle sur la prévention de la délinquance, dont j’ai été l’un des instigateurs (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ont permis de réduire fortement la délinquance, dont les statistiques avaient explosé entre 1997 et 2002. Mais selon la récente étude de l’Observatoire national de la délinquance, sur les deux millions de personnes qui disent avoir été agressées en 2005 et 2006, 30 % seulement ont déposé plainte pour violence physique et 8 % pour violence sexuelle hors ménage. Pour les cinq millions de vols ou tentatives de vol, il y a plainte seulement dans 40 % des cas.

Certes, le sentiment d’insécurité est en net recul, mais, on le voit, trop de délits restent impunis.

M. le Président – Posez votre question.

M. Jacques Alain Benisti – Pouvez-vous nous confirmer ces chiffres et indiquer quelles mesures vous comptez mettre en œuvre pour inciter les victimes à déposer plainte puis les protéger de leurs agresseurs ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Si le sentiment d’insécurité recule, c’est qu’elle régresse effectivement. Nous le constatons régulièrement depuis six mois, et les statistiques de septembre nous ramènent au niveau de 1995. C’est une tendance de fond, notamment pour la délinquance de voie publique qui a diminué de 7,5 %. En même temps, le taux d’élucidation est désormais largement supérieur à 35 %.

M. Maxime Gremetz – C’est faux ! Montrez-nous les rapports !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Pour autant, beaucoup de victimes n’osent pas déposer plainte, pour des raisons diverses, notamment parce qu’elles craignent qu’on s’en prenne à elles. J’ai donc décidé de créer un système de dépôt de plainte en ligne. S’il y a urgence, les services de police ou de gendarmerie se rendront sur place ; si ce n’est pas le cas, on donnera un rendez-vous à la victime. Ce système sera mis en place à partir du 1er janvier 2008 à titre expérimental, puis généralisé, et étendu, je le souhaite, à tous les types de délits. Il faut d’abord nous occuper des victimes, et donc leur permettre de déposer plainte.

Voilà qui confortera l’efficacité de nos services de police et de gendarmerie, que l’on sera prêt sur tous les bancs, je l’espère, à féliciter pour leur action et pour leur courage dans l’exercice d’un métier très difficile (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE AU LIBAN

M. Étienne Pinte – À quelques jours de l'élection du nouveau président de la République libanaise, je voudrais faire mémoire de nos six collègues députés libanais assassinés depuis 2005. Ces dernières années, le Liban a connu de graves troubles et un conflit d'une grande violence. Son nouveau président doit être élu par les députés d'ici le 24 novembre. En notre nom à tous, et en particulier en celui des membres du groupe d'amitié France-Liban, je souhaite exprimer notre soutien à tous les députés libanais, de toutes sensibilités, afin que ces élections se déroulent dans un climat de paix et de respect de la Constitution. Vous n'avez pas ménagé vos efforts, Monsieur le ministre des affaires étrangères, pour faciliter ce processus électoral. Quels sont les derniers développements, et les chances de voir cette élection se dérouler dans de bonnes conditions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ainsi que sur quelques bancs du groupe SRC)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes  Je voudrais d’abord m’associer à l’hommage que vous rendez aux six députés qui ont été assassinés. En ce moment, cinquante et un députés libanais sont réfugiés, sous protection, à l’hôtel Phoenicia. Je leur ai rendu visite il y a peu de temps, avec mes collègues espagnol et italien. Hier encore, nous tentions de rétablir le dialogue entre les Libanais. Nous avons d’ailleurs reçu tous les groupes politiques, y compris le Hezbollah, en France, pour un week-end de travail d’où est ressortie au moins la possibilité de renouer le dialogue. Les influences extérieures étant très importantes, la France a parlé avec les Syriens et les Iraniens, pour tenter de leur faire comprendre qu’elle n’accepterait pas d’intervention : c’est aux Libanais de se déterminer, c’est à eux d’élire le président maronite de leur choix. Nous nous sommes donc efforcés de maintenir la pression pour que la date et le processus constitutionnel soient respectés. C’est au patriarche maronite, très respecté, de faire connaître, peut-être cet après-midi, les noms des candidats aux deux chefs de la majorité, MM. Hariri et Berri. Aucun groupe ne pouvant gagner contre l’autre, ils doivent s’entendre sur un candidat de consensus. Nous avons fait tout notre possible, et je me rendrai à nouveau à Beyrouth pour l’élection, qui se déroulera mercredi, jeudi et vendredi. Le 24, il pourra y avoir soit une crise, un vide politique, qui ne profiterait à personne – ni aux Libanais, ni aux pays de la région –, soit un gouvernement légitime. La France se tient aux côtés de ses amis libanais, respectant toutes les communautés et toutes les religions, et espérant que le modèle libanais de la diversité pourra se maintenir, peut-être en partie grâce à votre soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

POUVOIR D’ACHAT

M. Jean-Paul Bacquet – « Je veux être le Président du pouvoir d'achat », disait Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle. S’il est un domaine dans lequel vous avez déjà échoué, c'est bien celui-là (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP). C’est ce que pensent 79 % des Français, ainsi que le révélait la presse hier. Hausse des prix des produits alimentaires, des loyers, du carburant, taxation sur les malades avec les franchises médicales… (M. Jean-Michel Fourgous proteste violemment) Tous les Français sont touchés, les salariés du secteur privé autant que les fonctionnaires et les retraités.

Il est loin, le temps où la gauche créait la prime pour l'emploi, la TIPP flottante et la CMU. Vous préférez des cadeaux fiscaux (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) : 15 milliards pour les plus riches, alors que le bouclier fiscal avait déjà permis à 2 398 gros contribuables de se partager 121 millions – soit une moyenne de plus de 50 000 euros…

Comment « travailler plus pour gagner plus » lorsque « la France qui se lève tôt » s'appauvrit un peu plus chaque jour, que l'écart de revenu entre les riches et les pauvres s’accroît, que de plus en plus de Français sont expulsés, vivent dans la rue ou même ne mangent plus à leur faim ? Charles Pasqua, l'ami du Président de la République, disait naguère que les promesses n'engagent que ceux qui veulent bien y croire…

M. le Président – Monsieur Bacquet, posez votre question.

M. Jean-Paul Bacquet – Avez-vous adopté cette opinion comme ligne de conduite ? Allez-vous mettre en place une taxation supplémentaire sur les bénéfices exceptionnels des compagnies pétrolières pour financer le chèque-transports proposé par Jean-Marc Ayrault ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Le pouvoir d’achat est une de nos priorités, et tous les membres du Gouvernement se battent, sous l’autorité de François Fillon, sur les deux fronts principaux : l’emploi et la concurrence.

M. Maxime Gremetz – Et pas les salaires ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Nous comptons 28 000 demandeurs d’emploi de moins en septembre. Le chômage s’établit à 8,1 %, soit une diminution d’un demi-point par rapport à 2006. En outre, la loi votée cet été a permis, à partir du mois d’octobre, à une grande majorité de Français de travailler plus et par conséquent de gagner plus (Protestations sur les bancs du groupe SRC). Plus de 6 milliards sont consacrés à l’exonération des heures supplémentaires, et les salariés ont commencé à voir l’effet de cette mesure dans leur paye du mois d’octobre.

Nous pouvons aussi obtenir des gains de pouvoir d’achat en agissant sur la concurrence. Une première révision de la loi Galland a permis de remettre dans le circuit économique 2,5 milliards d’euros et de créer 20 000 emplois. Luc Chatel et moi allons présenter la semaine prochaine une nouvelle révision, qui devrait faire baisser les prix de revente, en permettant aux distributeurs de répercuter les diminutions de prix qu’ils obtiennent des fournisseurs, et entraîner des gains de pouvoir d’achat en matière de services de télécommunications et bancaires, avec un récapitulatif très précis des frais supportés par le consommateur, ce qui devrait faciliter les comparaisons entre banques.

Toute une série d’autres mesures ont été prises, comme le relèvement des aides publiques au logement ou le doublement de la prime à la cuve pour les ménages les plus modestes. Enfin, grâce à une petite victoire obtenue hier à Bruxelles, l’application du taux réduit de TVA sera évoquée dès le mois de juillet 2008 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

REPRISE DE L’ÉCONOMIE

Mme Marie-Christine Dalloz – Par un étrange paradoxe, alors que le pays, freiné par les mouvements sociaux, est contraint de tourner au ralenti (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) et que nombre de Français ont finalement dû renoncer à aller travailler, les premiers effets de la loi TEPA se manifestent : le volontarisme et la détermination politiques paient ! Publiés ce matin, les chiffres de la croissance et de l’emploi sont très bons et le monde économique retrouve la confiance. Le Président de la République ayant été élu sur un programme fondé sur le soutien à la croissance et la création d’emploi, il est de notre responsabilité d’accompagner cette reprise de la compétitivité économique. Pouvez-vous, Madame Lagarde, nous préciser les chiffres de la croissance…

M. Jean Glavany – Ils sont dans tous les journaux !

Mme Marie-Christine Dalloz – …et les prévisions de créations d’emploi pour les mois à venir ? Quels sont vos projets pour consolider la croissance ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Oui, les chiffres sont bons : au troisième trimestre, la croissance a plus que doublé par rapport à 2006 et il y a tout lieu de s’en réjouir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz – Méthode Coué !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Plus 0,7 %, c’est un très bon chiffre ! On peut s’en féliciter d’autant plus que l’économie tourne sur ses trois moteurs : plus 0,8 % en consommation, plus 1 % en investissement des entreprises, plus 0,1 % pour les exportations. Dès lors, la machine tourne deux fois plus vite au troisième trimestre qu’au deuxième.

La deuxième série de bons chiffres concerne le nombre de demandeurs d’emploi, qui diminue de manière très significative : moins 28 000 demandeurs en septembre, ce qui conduit l’INSEE à fixer le taux de chômage à 8,1 % de la population active – contre 8,6 % en septembre 2006 (Murmures sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Maxime Gremetz – Mais oui, tout va bien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Tout cela n’est pas le fruit du hasard : sous l’impulsion du Premier ministre, le Gouvernement a pris les bonnes décisions au bon moment (M. Maxime Gremetz entonne la chanson « Tout va très bien, Madame la marquise »). Que n’avons-nous été critiqués lorsque nous avons défendu la loi TEPA ! Pourtant, les gains de pouvoir d’achat obtenus grâce aux heures supplémentaires viennent aujourd’hui alimenter le moteur de la consommation (Interruptions sur les bancs du groupe SRC).

Nous allons poursuivre dans cette voie, en améliorant la concurrence grâce à la loi Chatel qui sera discutée la semaine prochaine et en favorisant la fluidité du marché de l’emploi avec la fusion ANPE-UNEDIC.

M. Maxime Gremetz – Dans quel monde vivent-ils ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Nous agissons sur tous les fronts pour soutenir l’économie française et créer toujours plus d’emplois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PRIX DE L’ESSENCE

M. Alfred Trassy-Paillogues – Devant la flambée des cours du pétrole, l'inquiétude de nos administrés est de plus en plus grande, nombre d’entre eux ayant du mal à financer leurs déplacements et leur chauffage.

Plusieurs députés du groupe SRC – Mais non, tout va bien !

M. Alfred Trassy-Paillogues – Le 10 novembre dernier, vous avez, Madame Lagarde, reçu les dirigeants des sociétés pétrolières. Aussi aimerions-nous savoir quels engagements précis ces entreprises – dont les résultats semblent indexés sur le prix du brut – ont pris envers le Gouvernement pour ne pas pénaliser le pouvoir d'achat des Français.

Plusieurs députés du groupe SRC – Aucun !

M. Alfred Trassy-Paillogues – Je m'étonne notamment d'une information selon laquelle les pétroliers auraient accepté de répercuter à l'avenir les futures baisses : cela veut-il dire qu'ils ne le faisaient pas auparavant ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean Glavany – Quel mauvais esprit !

M. Alfred Trassy-Paillogues – Pouvez-vous, Madame la ministre, nous rassurer à cet égard ? D'autre part, n'est-il pas envisageable d'alléger les taxes qui pèsent sur la facture des contribuables, car les prix à la pompe sont en moyenne de 1,115 € pour le gazole et de 1,329 € pour le super sans plomb 98, alors qu'ils sont respectivement de 0,974 € et 1,164 € en Espagne ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Le prix du baril de brut connaît une évolution erratique : il est ainsi redescendu du 98 à 91 dollars entre le début et la fin de la semaine, soit moins 8 %. Mais, sur l’année, la hausse est de l’ordre de 80 %. Bien entendu, les prix à la pompe s’en ressentent, la hausse globale moyenne s’établissant à 17 %. Samedi dernier, j’ai donc convoqué l’ensemble des distributeurs et producteurs de carburants – y compris les représentants en France de sociétés étrangères, puisque seul Total est à la fois producteur et distributeur – et nous avons retenu ensemble le principe selon lequel personne ne profiterait du mouvement de hausse actuel (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Les grands distributeurs se sont engagés à répercuter intégralement toutes les baisses…

M. Christian Paul – De quelles baisses parlez-vous ? Vous venez de dire que les cours flambent !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie …et à maintenir des marges extrêmement étroites – de l’ordre de 2 à 3 % – sur la distribution. Je signale au passage que les produits carburants sont vendus chez nous à un prix inférieur à la moyenne européenne, moins cher qu’en Allemagne, qu’en Angleterre ou qu’en Italie.

Plusieurs députés du groupe GDR – Mais oui, tout va bien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie J’ai aussi obtenu des producteurs qu’ils « lissent » les répercussions des hausses pour des périodes allant jusqu’à quatre semaines, et qu’ils répercutent immédiatement tout mouvement de baisse. Ils se sont également engagés à poursuivre leur effort d’investissement…

M. le Président – Merci de bien vouloir conclure, Madame la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Enfin, je rappelle une fois encore que la prime à la cuve est passée de 75 à 150 euros pour tous les ménages non imposables (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES

M. Guy Delcourt – Ma question s’adressait au Premier ministre mais j’ai le sentiment qu’il est un peu boudeur, en particulier sur les questions qui intéressent directement le quotidien des Français ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Je m’adresse donc à Madame Létard.

En cette semaine des handicapés, je tiens à évoquer la déclaration solennelle du Président de la République au congrès de l’UNAPEI sur la nécessité d’intégrer en milieu scolaire ouvert les enfants présentant une situation de handicap. J’ai particulièrement apprécié cette prise de position, comme du reste tous les parents qui participaient à ce congrès. Pour avoir été élue locale, vous savez bien, Madame la ministre, que lorsqu’un objectif de cette nature est fixé par le Président de la République, les familles se tournent ensuite vers les élus locaux. Et il nous a alors fallu doucher quelque peu l’enthousiasme des parents, car, comme vous le savez, de la maternelle au lycée, nous ne sommes pas prêts, qu’il s’agisse de l’accessibilité des locaux ou des mesures d’accompagnement.

Il s’agit d’un programme de longue haleine : l’intégration en milieu scolaire ouvert suppose que les enfants handicapés bénéficient du suivi personnalisé auquel tous les enfants de France ont droit de l’école maternelle au lycée, voire à l’université. Depuis l’annonce du Président de la République, avez-vous arrêté un programme d’intervention en ce sens, en concertation avec les collectivités locales, tant communales que départementales et régionales, et, le cas échéant, où en êtes-vous exactement ?

D’autre part, si je comprends la plaisanterie, la situation des personnes âgées et handicapées rend particulièrement maladroite celle de Mme Lagarde sur la possibilité de prendre son vélo pour éviter de subir la hausse des prix des carburants ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Posez votre question.

M. Guy Delcourt – Les établissements chargés du transport de ces personnes, qui peinent à boucler leur budget, n’ont pas les mêmes moyens de pression sur le Gouvernement que les agriculteurs, les pêcheurs ou les transporteurs routiers ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Envisagez-vous des mesures de détaxation des carburants pour les soulager ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – Vous avez raison de rappeler la promesse présidentielle d’insertion des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire, dont le Gouvernement a fait, dès le mois de juillet, l’une de ses priorités : ainsi avons-nous décidé, Xavier Bertrand, Xavier Darcos et moi-même, de recruter 2 700 assistants de vie scolaire, de créer 200 unités pédagogiques d’intégration et d’ouvrir 1 250 places supplémentaires dans les centres d’éducation spécialisée et les sections de soins à domicile.

En outre, nous avons décidé dès la fin de l’été – comme l’a annoncé Xavier Bertrand – d’avancer de 2010 à 2008 l’élaboration d’un schéma de mise en accessibilité des établissements ouverts au public, écoles comprises, en concertation avec les commissions communales ou intercommunales d’accessibilité. À cette fin, les préfets s’associeront, comme les directions de l’équipement, aux efforts des élus locaux, auxquels contribuera également le Fonds interministériel pour l'accessibilité des bâtiments appartenant à l'État et ouverts au public. Nous veillerons à ce que tous les établissements concernés soient accessibles en 2012.

Quant au problème des transports, en effet essentiel, il relève de la prise en charge du risque dépendance – qui suppose l’accompagnement des personnes âgées, mais aussi des personnes handicapées –, laquelle constitue une autre de nos priorités, car il y va du projet de vie des citoyens : nous y travaillerons avec les partenaires sociaux et avec l’ensemble des élus locaux, dont vous faites partie ; je vous remercie d’avance de l’aide que vous nous apporterez (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ANCIENS COMBATTANTS

M. Marc Bernier – En adoptant, lors de l’examen des crédits de la mission budgétaire « Anciens combattants », à la veille des commémorations du 11 novembre, un amendement du Gouvernement proposant de revaloriser de deux points l’indice de la retraite du combattant, notre Assemblée vient d’honorer son devoir de reconnaissance et de solidarité envers celles et ceux qui risquèrent leur vie pour la patrie et pour la paix. Les représentants des anciens combattants s’en félicitent, mais ce n'est qu'une première étape ! En effet, au cours de la campagne pour l’élection présidentielle, le Président de la République s'était engagé à porter l'indice à 48 points à la fin du quinquennat.

Monsieur le secrétaire d’État chargé des anciens combattants, comment comptez-vous atteindre cet objectif ambitieux, mais indispensable à ces témoins des périodes douloureuses de notre histoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Marleix, secrétaire d’État chargé des anciens combattants – Après avoir stagné à 33 points de 1978 à 2005, la retraite du combattant – qui concerne, je le rappelle, 1 540 000 bénéficiaires – a connu en 2006, puis en 2007, deux augmentations successives qui l’ont portée à 37 points ; le vote de l’amendement que vous évoquez l’élève à 39 points en 2008. Afin de poursuivre cet effort, conforme aux engagements pris par le Président de la République au cours de sa campagne, j’ai donné instruction à la direction des affaires financières du ministère de la défense de prévoir une augmentation de deux points par an jusqu’en 2011, puis de trois points en 2012, de manière à atteindre 48 points en 2012 (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Au cours du débat budgétaire, j’ai également annoncé le relèvement du seuil de l’indemnité différentielle pour le conjoint survivant au niveau du seuil de pauvreté défini par l’INSEE, soit 681 euros, au lieu de 550 aujourd’hui – autre avancée décisive qui satisfait une revendication des associations d’anciens combattants. Le PLF 2008 consacre à cette mesure 5 millions d’euros, auxquels s’ajoutent les crédits sociaux de l’ONAC, qu’il renforce également (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Le Fur.

PRÉSIDENCE de M. Marc LE FUR
vice-président

LOI DE FINANCES POUR 2008 – seconde partie – (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

DÉFENSE

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour l’environnement et la prospective de la politique de défense et pour l’équipement des forces – Le budget de la mission « Défense » s'élèvera en 2008 à 35,9 milliards en autorisations d'engagement et à 36,8 milliards en crédits de paiement. Les crédits progressent ainsi de manière « sage », tout en préservant l'outil de défense. Ce ministère n'échappe cependant pas au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux : 6 000 postes – 4 800 militaires et 1 200 civils – seront supprimés sur les 320 000 qu’il compte actuellement – 246 000 militaires et 74 000 civils.

Le programme « Environnement et prospective de la politique de défense », de 1,6 milliard, connaît un léger tassement. Avec 8 800 postes, c’est le plus petit budget de la mission ; il n’en est pas moins essentiel eu égard à l'orientation qu'il donne à la défense de notre pays.

Le budget militaire de la France, hors pensions, est le cinquième du monde, loin derrière ceux des États-Unis et de la Chine, mais également derrière ceux de la Russie et du Royaume-Uni, à égalité avec le Japon. Avec 1,7 % du PIB investi dans sa défense, notre effort est très en deçà de ceux d’Israël – 7 % –, des États-Unis – 3,8 % –, de la Russie – 3,5 % –, du Royaume-Uni – 2,1 % –, mais aussi de pays comme l'Iran, le Pakistan ou l’Inde…

Or, l'effort de défense n’est pas seulement garant de l'indépendance nationale et de la sécurité de nos ressortissants à l'étranger, c'est aussi un moteur de l’économie. Les masses financières investies là sont trop souvent considérées comme perdues, alors qu'une grande partie d’entre elles reviennent aux industries nationales, soit directement, soit par le biais de partenariats. Les sommes perçues par les entreprises retournent ensuite en partie au budget de l’État, sous forme de TVA et autres prélèvements.

Le budget de la défense est le second derrière celui de l'éducation nationale. Or, ses retombées sur l'économie sont incomparablement supérieures. Le montant des dépenses budgétaires revenant in fine aux différents fournisseurs du ministère représente entre 17 et 18 milliards par an, soit 50 % du budget. Ces crédits concernent 5 000 entreprises, dont deux tiers de PME, soit plus de 400 000 emplois.

Ainsi, le chiffre d'affaires de l'industrie aéronautique et spatiale française s'est élevé en 2006 à 32 milliards – dont 73 % à l'exportation –, avec 48 milliards de prises de commande au cours de l’année. Le carnet de commandes des entreprises du secteur représente plus de cinq années d'activités, le plus important carnet étant celui d’EADS. Ce secteur emploie 131 000 personnes en France, avec un flux de 10 000 recrutements par an, ce à quoi il faut ajouter 80 000 personnes employées par 4 000 sous-traitants. En 2006, le solde commercial de cette industrie a été de 12,4 milliards, ce qui est, au passage, à peu près le coût des 35 heures… (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

À côté des relations classiques qu’elles entretiennent avec les entreprises de biens et de services, les armées nouent, depuis quelques années, des partenariats avec le privé pour des prestations plus ambitieuses. Par exemple, l'externalisation de la mise à disposition des avions-école de la base de Cognac contribue à optimiser le cursus de formation des élèves pilotes de chasse et de transport, tout en permettant des gains financiers de 35 % par rapport à la régie. De même, s’agissant de l'école de pilotage d'hélicoptères de Dax, le recours à un prestataire de services, par outre qu’il renforcera la sécurité grâce au remplacement des hélicoptères anciens par un parc privé plus moderne, doit également conduire à des économies, les hélicoptères de dernière génération étant moins coûteux en entretien et en carburant.

Votre rapporteur considère que ces partenariats doivent être développés. Le transfert au secteur privé de risques habituellement assumés par l'État – en matière de construction et d'entretien, par exemple – permet d'envisager une meilleure responsabilisation des partenaires privés de l'administration.

L'intelligence économique joue un rôle fondamental dans la plupart des pays, et je regrette qu’une telle culture ne soit pas aussi développée en France. L'expression même de « renseignement économique » fait peur…

M. Jacques Desallangre – Ce sont les stock-options qui me font peur !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial  …et semble bannie. On m’a expliqué qu'il s'agissait d'un thème qu'il n'est pas habituel de développer, qu'il valait mieux évoquer l’« intelligence » économique. Je déplore que nos services soient si frileux vis-à-vis cette culture de soutien aux entreprises, pourtant si commune dans certains pays, où il est même entendu – figurez-vous – que la richesse est produite par les entreprises !

Nos PME de défense sont peu aidées. L'administration se montre réservée, voire méfiante, à l'égard du monde de l'entreprise. À cet égard, nos ambassades, et singulièrement les attachés d'armement et de défense, devraient faire montre de plus de dynamisme ; le leitmotiv doit être le même pour tous : vendre « l'entreprise France ».

Compte tenu des nombreuses déconvenues à l'exportation enregistrées ces dernières années, comme le récent échec du Rafale au Maroc…

Mme Patricia Adam – Beau sujet !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial  …, je m’interroge sur la formation en « économie réelle » des responsables de la Délégation générale pour l'armement, et j’insiste sur la nécessité de développer chez eux une véritable culture entrepreneuriale.

La recherche doit devenir une priorité de ce programme. Comme chacun le sait, un grand nombre d'inventions militaires trouvent des applications civiles : le radar, inventé pendant le Blitz sur Londres, est devenu indispensable à l'aviation civile ; les progrès accomplis par la médecine de guerre bénéficient aux victimes d'accidents civils ; Internet est né de la recherche militaire américaine…

Les crédits du programme « Équipement » s'élèveront à 9,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 10,4 milliards en crédits de paiement. Tous les grands programmes d'équipement seront ainsi menés conformément aux objectifs de la loi de programmation : les Rafale et les Tigre prévus seront disponibles à la fin de l’année 2008, respectivement à deux et trois unités près. La principale préoccupation touche le programme de l'avion de transport A 400M, mais je n’y reviens pas.

S’agissant du commandement et de la maîtrise de l'information, de l’engagement et du combat, et enfin de la protection et de la sauvegarde, nous attendons également de nombreux matériels que je n’ai pas le temps de détailler. Un mot toutefois sur les 22 hélicoptères de transport NH 90, destinés à remplacer les Puma aujourd’hui à bout de souffle. Les douze premiers appareils de ce type devaient être commandés en 2007, mais il semble que cette demande n’ait pas encore été notifiée.

M. le Président – Je vous prie de conclure, cher collègue.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial – Une évaluation sera enfin menée sur la question du deuxième porte-avions. J’espère que vous apporterez quelques précisions sur les 3 milliards d’euros inscrits cette année en autorisations de programme, sans doute par prévision.

Mme Patricia Adam – Dites plutôt : à la louche !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial – Certains voudraient nous faire croire que ce budget serait un budget de transition, dans l’attente du Livre blanc. C’est un bon budget, conforme à la LPM, et qui garantit le caractère opérationnel de nos forces. La commission des finances a donc adopté les crédits de la mission « Défense ».

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances pour la préparation et l’emploi des forces et pour le soutien de la politique de défense – Près de 12 000 militaires français participent aujourd’hui à des opérations extérieures, au Liban, en Côte d'Ivoire ou en Afghanistan. Une autre opération, destinée à sécuriser la frontière entre le Tchad et le Soudan, est en cours de préparation. Le projet annuel de performances de la mission « Défense » est la traduction financière de cet engagement opérationnel aux multiples facettes. Nous devons donner à nos armées les moyens d'assumer pleinement leurs missions grâce à des personnels motivés et entraînés, disposant d’équipement modernes et effectivement disponibles. Il en va de la capacité de la France à remplir les missions qui lui échoient en tant que grande puissance mondiale, membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU, membre de l’Alliance atlantique et élément pivot de la défense européenne, comme l’a rappelé le Président de la République devant le Congrès des États-Unis.

Pour la sixième année consécutive, ce projet de loi de finances respecte la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, ce qui met définitivement un terme aux renoncements successifs dont les précédentes programmations avaient fait l’objet. Cette mission participe toutefois à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques, notamment grâce au non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux : 6 000 emplois seront ainsi supprimés en 2008, dont 4 800 militaires et 1 200 civils. Nos forces réaliseront également des économies notables de fonctionnement, même si d’autres efforts sont envisageables – je pense en particulier au développement de l’externalisation et de la mutualisation des moyens entre les armées. N’oublions pas non plus que le renchérissement du prix du pétrole risque de peser lourdement sur leur activité malgré la bonne tenue de l'euro.

Cette conciliation entre respect de la programmation et recherche de l'efficience conduit à un bon équilibre. Les crédits alloués aux programmes « Préparation et emploi des forces » et « Soutien de la politique de la défense » seront ainsi stabilisés en termes constants.

Le premier de ces programmes est le plus important de la mission « Défense » : avec 20,9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 21,2 milliards d'euros de crédits de paiement, il représente 59 % des crédits et recouvre l'essentiel des aspects opérationnels, hors équipement : recrutement, rémunérations et charges sociales, mais aussi entraînement, projection, disponibilité, opérations extérieures... Ce budget enregistrera une très légère augmentation de 0,6 % en autorisations d'engagement et de 1,2 % en crédits de paiement, ce qui correspond en fait à l’objectif de 0 % d'augmentation en volume, compte tenu de l'inflation. Le programme « Soutien de la politique de défense » représente pour sa part 9 % du budget de la mission « Défense » – 3,4 milliards d'euros.

Malgré des réductions d'effectifs, les armées embaucheront environ 14 000 militaires du rang en 2008, ce qui fera d’elles l'un des premiers recruteurs du pays. Dans le contexte actuel de réduction du chômage, la ressource disponible tend à se réduire, mais les besoins des armées continuent à être globalement satisfaits à l'exception de certaines spécialités. Comptant 1,7 candidat par poste en moyenne, l’armée de terre est toutefois obligée de compenser le niveau de recrutement des militaires du rang, qui est en deçà de ses objectifs, par des actions résolues de formation. Dans les autres armes, le nombre des postes à pourvoir est plus faible et le recrutement satisfaisant. Le taux de sélection a néanmoins fortement baissé dans certaines spécialités très demandées dans le secteur privé, notamment les métiers de la mécanique et de l’électronique.

J’en viens à la réserve militaire, qui relève du programme « Préparation et emploi des forces » : le dispositif voté en 2006 s’est traduit par une montée en puissance progressive des effectifs, notamment grâce à une politique volontariste de partenariat avec les entreprises. Les effectifs ont ainsi été portés de moins de 10 000 réservistes en 1999 à 32 500 à la fin de 2002, puis à 53 300 à la fin de 2006. Malgré les contraintes que chacun connaît, le taux d'activité moyen se situait à 21 jours à cette même date.

L'entraînement des forces est globalement satisfaisant même si tous nos objectifs ne sont pas atteints. Dans l'armée de terre, l'activité des forces n'est que de 96 jours par an quand la loi de programmation militaire en prévoyait 100. Compte tenu du nombre de jours passés en opérations extérieures, dans des conditions opérationnelles réelles, on peut toutefois considérer que le niveau d'entraînement est bon. Le nombre de jours en mer des bâtiments de la marine nationale – 97 en moyenne – est également satisfaisant.

Bien des inquiétudes portent en revanche sur nos forces aériennes. Les pilotes de l'aviation légère de l'armée de terre, qui ont pu s'entraîner 169 heures en 2006, devraient voler à peine 160 heures en 2007. Nous ne sommes pas loin du seuil critique de 150 heures de vol retenu par l’OTAN. Pour ce qui est de l'aéronautique navale, la disponibilité moyenne des appareils n'a pas permis d’atteindre tout à fait les objectifs de la loi de programmation. En 2008 se posera également la question de l'entraînement des flottilles embarquées sur le porte-avions Charles de Gaulle, en carénage pendant quinze mois.

Déjà satisfaisante en 2006, l’activité des pilotes de l'armée de l'air devrait en revanche se maintenir à un bon niveau en 2007 – 175 heures pour les pilotes de chasse, 190 pour les pilotes d'hélicoptère et 284 pour les pilotes de transport.

Il faut souligner que les armées réalisent chaque année des économies remarquables compte tenu de leur budget de fonctionnement très contraint. On peut toutefois envisager de nouveaux efforts, notamment pour ce qui est de l’imprimerie. Cette fonction occupe en effet 1 000 agents, dont 480 ouvriers d'État et 200 militaires répartis entre 41 points et ateliers d'impression. L'établissement d'imprimerie situé à Château-Chinon emploie ainsi 79 personnes dont 17 affectées à des tâches administratives et 14 à des tâches de soutien, pour un budget total de 1,2 million d’euros. Nous pourrions réaliser des économies d’échelle grâce une mutualisation des ressources au niveau interarmées. J’ai déposé un amendement en ce sens.

Commandant en grande partie le caractère opérationnel des forces, la question de la disponibilité est la plus délicate au sein de ce programme. La marine est la seule des trois armées à disposer d'un bon taux de disponibilité pour ses bâtiments, généralement compris entre 70 % et 80 %. Son unité emblématique, le porte-avions, sera toutefois indisponible en 2008 – à 100% ! (Sourires)

La situation est plus difficile pour l'armée de terre, confrontée à la fois au vieillissement de certains matériels – AMX 10, Puma, Gazelle – et aux problèmes causés par la nouveauté d’autres matériels, comme le char Leclerc, dont la disponibilité ne dépasse pas 50 %. Dans l’armée de l’air, la disponibilité des Rafale, en service depuis à peine un an, reste très variable, mais encore peu élevée. Pour l'essentiel, ce sont les commandes de pièces détachées, trop parcimonieuses, qui sont en cause. L’état-major de l'armée de l'air se déclare optimiste pour les mois à venir, mais il faudra réaliser d’autres progrès dans ce domaine.

Le stock actuel des pièces de rechange est ainsi évalué à plus de 15 milliards d'euros, dont 11,3 milliards pour la seule armée de l'air. Un recensement précis doit être réalisé dans les mois à venir pour évaluer la part concernant des appareils retirés du service, dont il faudra se débarrasser. Nous devrons également nous pencher sur la question des contrats de maintenance à passer lors de l’acquisition de matériels nouveaux.

Par ailleurs, je souhaite appeler votre attention sur les activités d'entraînement et de formation susceptibles d'être externalisées, et dont l'assujettissement à la TVA augmente le coût de 19,6 %. J’ai déposé un amendement tendant à leur appliquer les dispositions dont bénéficient aujourd’hui les collectivités locales. Un autre amendement vise à abonder les crédits consacrés au maintien en condition opérationnelle des matériels, mais nous y reviendrons plus tard.

Permettez-moi enfin de rendre hommage aux forces qui servent notre pays sur des théâtres extérieurs. La multiplication des opérations extérieures au cours de ces dernières années a posé la question de leur financement. Il a rapidement été admis que ces charges exceptionnelles, imposées aux armées par des décisions politiques, devaient être prises en charge par le budget de la nation, mais les armées ont dû faire l'avance de leurs frais jusqu’en 2003, ce qui faisait peser de lourdes contraintes sur leur budget de fonctionnement courant mais également sur des programmes d'armement, qui ont parfois été retardés faute de fonds disponibles.

À la demande insistante du Parlement, le Gouvernement a ensuite décidé d'inscrire dès la loi de finances initiale une somme correspondant aux prévisions de dépenses liées aux opérations extérieures. Cette somme fut d’abord symbolique, mais son augmentation a permis un certain rapprochement avec la réalité. Pour l’année 2008, il est prévu d’inscrire 375 millions d’euros, soit une somme identique à celle de l’année précédente. La facture devrait toutefois dépasser 600 millions d'euros : il faudra donc continuer nos efforts de budgétisation des OPEX…Il me semblerait également possible d’inscrire certaines opérations civilo-militaires, comme l’opération Licorne, au titre de l’aide au développement. Ce ne serait que justice.

Nous avons pu constater le caractère opérationnel des forces, même si certains efforts restent à réaliser. Tout en respectant la loi de programmation, ce budget prépare les choix budgétaires qui résulteront du prochain Livre blanc et de la loi de programmation à venir. Pour toutes ces raisons, la commission des finances a adopté ce budget, qui donnera à nos armées les moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions au service de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jean-Michel Boucheron¸ rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères – Chacun sait que ce budget est un budget de transition : les pensées de chacun d'entre nous se tournent vers le futur. Nous sommes à la fin d'une loi de programmation militaire qui a été appliquée, mais sans aucune révision. Un Livre blanc s'annonce : est-ce la bonne méthode ?

Notre pensée militaire est aujourd’hui redéfinie tous les quinze ans, tandis que des lois de programmation très rigides se succèdent tous les cinq ans. Sur ce point, mieux vaudrait nous inspirer de nos amis britanniques et américains qui, avec leur « Strategic Defence Review » adaptent leurs analyses et leur doctrine tous les quatre ans.

La bonne formule me semble devoir être une loi de programmation militaire glissante sur cinq ans, révisée tous les trois ans.

Je laisserai le débat éclairer les aspects financiers de ce budget. Pourquoi aux 2 % du PIB souhaités par le président de la République le Gouvernement répond-il par le 1,61 % – référence OTAN – ? Selon certains spécialistes, il s’agirait en fait de 1,65 %...

M. Guy Tessier, président de la commission de la défense – C’est plutôt 1,71 %, cher collègue…

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis – Quels seront les 3 000 emplois supprimés ? Pourquoi un effort de recherche d'un niveau encore trop faible ? Pourquoi une diminution de la réserve des opérations extérieures alors qu’aucun allégement du dispositif n’est prévisible ? Ces quelques questions ne font pas de votre budget un mauvais budget, mais vous accepterez que la commission des affaires étrangères s'intéresse d'abord aux menaces, aux défis et aux dangers qui forment le contexte de notre défense. La menace, c’est le terrorisme, qui sera vaincu par la communauté musulmane elle-même et non par l'Occident, et qui ne sera pas vaincu par des moyens militaires. Nous devons cependant nous en protéger, puisque nous en sommes la cible collatérale.

Au nombre des défis, je citerai les proliférations. La prolifération nucléaire qui n'est pas dangereuse aussi longtemps qu'elle ne s’accompagne pas d'une prolifération balistique que nous devrons savoir détecter. Bien plus dangereuses sont les proliférations biologiques, chimiques et radiologiques ; il faudra donc élargir les compétences de l'AIEA.

Il y a aussi les défis technologiques – l'agression informatique et les progrès réalisés par certains États dans la destruction de satellites, susceptible de paralyser nos sociétés. Il y a enfin les défis financiers que nous lancent les fonds souverains en cherchant à mettre la main sur des entreprises stratégiques. Tout cela demande de notre part une surveillance serrée, et des moyens de défense ; or l'Europe, contrairement aux États-Unis, ne dispose d'aucune législation de protection. J’ajoute que toute politique de défense doit faire une part substantielle à l’intelligence économique.

Les dangers consisteraient à modifier la position politique de la France en l'alignant sur celle du Président Bush, réduisant ainsi le capital de confiance que notre pays a accumulé tout au long de la Ve République auprès de nombreux peuples (Marques d’approbation sur les bancs du groupe SRC). S’agissant de nos relations avec la Russie, pourquoi soutenir la provocation de l'administration américaine visant à installer un système anti-missiles à ses portes, la poussant de ce fait à renoncer au traité de réduction des forces conventionnelles en Europe ? Notre continent, qui vivait paisiblement, n'avait pas besoin de cela ! Concernant l’Iran, pourquoi ces gesticulations à l'heure où M. Prodi annonce que l'Italie n'acceptera jamais une agression militaire contre ce pays ? Il est temps de comprendre que M. Ahmadinejad ne représente pas plus le peuple iranien que M. Bush l'avenir de l'Amérique ! (Approbation sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; mouvements divers sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission de la défense - La comparaison est hardie !

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis Pour ce qui est du rapprochement de la France avec l’Otan, il était concevable quand notre pays avait une politique étrangère indépendante. Personne, alors, ne risquait de mal l’interpréter, et nous en avions les avantages sans les inconvénients. Mais à partir du moment où l’on procède à un rapprochement simultané avec Washington et avec l’Otan, nous risquons d'avoir les inconvénients sans les avantages. La politique de M. Blair a été une impasse, et la langue de bois utilisée pour traiter des armes de destruction massives iraniennes rappelle par trop le scénario précédent : la sottise de l’intervention en Irak.

Quelles sont donc les voies à emprunter ? Cinq principes me semblent s'imposer, dont le premier est de globaliser la sécurité. Il n'y a plus de distinction à faire entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, entre sécurité militaire et sécurité civile. Nous devons donc renforcer notre défense civile ; pourquoi ne pas se doter d'un état-major de la défense civile ou de la sécurité du territoire ? Il manque aussi un nouveau cadre juridique à Vigipirate. Enfin, une réforme de la gendarmerie s'imposera car il nous manque un corps susceptible d'intervenir lors d'agressions terroristes graves.

Ensuite, le renforcement de nos capacités autonomes de renseignement est une exigence absolue. C'est une priorité transversale, car le géopolitique, le militaire, le policier, l'économique, le cybernétique et le financier sont liés et, là moins qu’ailleurs, nous ne pouvons plus nous contenter d'une simple coordination des services. L'idée de créer un Conseil national de sécurité a été lancée, et j'y suis très favorable. Une fusion est nécessaire, et chacun sait que l’échange d'informations entre les services intérieurs et extérieurs ne se fait pleinement qu'au niveau le plus haut – celui du Président de la République.

Par ailleurs, l'inter-armisation doit être une priorité absolue ; on se demande encore pourquoi les uniformes diffèrent au-delà de la troisième étoile… Supprimer les redondances peut économiser un milliard par an. Il faut aussi rationaliser, car la défense ne peut plus être un outil d'aménagement du territoire ou de redressement d'entreprises en difficulté, sauf à en augmenter le budget de 50 %.

J’en viens à l'Europe, qui doit se délivrer de sa malédiction ancienne : ceux qui veulent l'Europe de la défense n'ont pas d'argent, et ceux qui ont l'argent ne veulent pas d'Europe de la défense… Par ailleurs, quelle curieuse idée de vouloir subordonner l'Europe de la défense à une bénédiction américaine ! Le transport stratégique, l’espace et les systèmes d'alerte avancée sont des moyens que l'Europe pourrait assez facilement mutualiser.

Je conclurai en soulignant la nécessité de parvenir à l’autonomie technologique. Un effort dans le secteur spatial est nécessaire à notre autonomie de renseignement et de commandement. Surtout, l'alerte avancée à la menace balistique et la capacité de rétorsion permettraient d’éviter la gabegie que représenterait la participation à la chimérique défense antimissile que nous propose l'industrie américaine. Le second porte-avions est indispensable mais c'est en matière de drones que nous devrons rattraper notre incompréhensible retard. En attendant, nous pourrons acheter sur étagère parmi les vingt-cinq modèles israéliens disponibles…

La dissuasion devra continuer à conjuguer adaptation aux nouvelles menaces et doctrines de non-emploi. Nos forces spéciales devront disposer de certains matériels qui leur manquent actuellement, et un centre de lutte contre le cyber-terrorisme devra coordonner nos moyens.

Pour se protéger des dangers du futur, nous devrons donc transférer les investissements de la haute intensité au conflit asymétrique. Je sais, Monsieur le ministre, que c’est votre ambition et vous avez notre consentement, car il n'y a pas une défense de gauche ou une défense de droite : il y a la sécurité des Français, la liberté de la France et son rayonnement au service de la concorde entre les civilisations. Vous avez donc le soutien de notre commission des affaires étrangères (Applaudissements sur de nombreux bancs).

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l’environnement et la prospective de la politique de défenseL’analyse du programme 144, « Environnement et prospective de la politique de défense », est d’une grande complexité car il regroupe des activités très diverses. Sans plonger au tréfonds, je me limiterai à quelques observations, la première étant que ces crédits sont stables si l’on néglige une érosion, légère, de 0,41 % en crédits de paiement. Dans le contexte qui a été décrit, les objectifs doivent être d’adapter le renseignement à la menace, de maintenir nos capacités technologiques et de soutenir nos exportations.

Le budget du renseignement stagne…

M. Jean Michel – Autant dire qu’il régresse !

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis Ne lui consacrer que 533 millions, c’est faire preuve d’une prudence difficilement explicable. On a évoqué le reformatage des effectifs ; soit, mais il reste que nos services de renseignement n’emploient que 9 500 hommes et femmes là où les services britanniques et allemands en emploient respectivement 13 000 et 16 000, et que l’effectif entier de la DGSE est inférieur au seul personnel chargé des écoutes en Grande-Bretagne. Ces données objectives suscitent quelques interrogations, et l’élaboration du Livre blanc devra être l’occasion de poser la question de la place du renseignement dans notre dispositif de défense, qu’il s’agisse du personnel ou des moyens techniques. En effet, nos équipements électromagnétiques sont d’une grande pauvreté, et nous ne sommes pas capables de les remplacer par les drones pourtant prévus. Il y a là des lacunes que la représentation nationale se doit de souligner. Il n’est pas plus normal que la DGSE voie son budget stagner depuis cinq ans.

S’agissant du maintien de nos capacités technologiques, je rappelle pour commencer à ceux qui considèrent que nous n’en faisons pas assez que la France est la première nation européenne en matière de recherche et développement, et la deuxième, derrière le Royaume-Uni, si l’on ne tient pas compte de la recherche dans le secteur nucléaire. Je souligne également que, pendant la durée de la loi de programmation militaire, notre effort de recherche s’est accru de 50 %. Cependant il faut faire davantage. Les crédits de recherche s’établissent à 731 millions ; l’objectif, dans la prochaine loi de programmation militaire, doit être d’atteindre un milliard, et c’est là l’effort minimum. Nous devons aussi nous montrer plus actifs et utiliser le plus souvent possible le cadre de l’Agence européenne de l’armement – mais il est vrai que l’on ne peut se marier seul…

J’en viens à l’indispensable soutien aux exportations, pour dire que la politique suivie n’est pas satisfaisante. La réforme en cours sera donc suivie avec une grande vigilance, pour garantir qu’une coordination efficace des différents services permettra effectivement de dynamiser nos exportations.

Enfin, le Gouvernement s’est attaché à améliorer la situation de nos industries de défense, et l’arrangement conclu entre Thalès et DCNS est un exemple de ce qu’il faut faire. S’agissant de l’armement terrestre, il a consenti quatre milliards en 15 ans pour reconfigurer Giat Industries et en faire Nexter. Est-ce en pure perte ? Il faut sortir Nexter de la situation de blocage où l’entreprise se trouve pour ce qui est des accords européens. Il y a pour cela différentes formules. En tout cas, il faut donner une impulsion décisive à ce dossier.

Malgré les lacunes que j’ai soulignées – c’est la loi du genre –, nous pouvons être fiers de notre action. J’appelle donc mes collègues à voter ce budget. Ceux de l’UMP le feront sans état d’âme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le soutien et la logistique interarmées – Ce rapport pour avis constitue une nouveauté. Pour la première fois en effet, on regroupe l'examen des crédits de l'ensemble du programme 212 « Soutien de la politique de défense », de la sous-action « Commandement interarmées » avec 456 millions d'autorisations d'engagement inscrits au budget pour 2007, et de l'action « Logistique interarmées » avec 1 168 millions d'autorisations d’engagement inscrits pour 2008, ces deux dernières ressortissant au programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

Le programme « Soutien de la politique de défense », qui constitue le programme support du ministère, est doté de 3,4 milliards en autorisations d'engagement et d’autant en crédits de paiement. Il regroupe les grandes fonctions transversales exercées par le cabinet du ministre, le contrôle général des armées et la plus grande partie des directions du Secrétariat général pour l’administration. Ce dernier est chargé des affaires financières, de la définition et de la mise en œuvre de la politique du personnel civil et militaire, de la gestion du personnel civil, de l'action sociale, des affaires juridiques, de la politique immobilière, domaniale et du logement, de la politique des archives et des bibliothèques et des actions culturelles et éducatives. Il pilote également les crédits d'infrastructure ainsi que les crédits relatifs à l'informatique d'administration et de gestion.

Dans le domaine social – autrement dit la politique de ressources humaines –, je salue la poursuite de l'effort en faveur des familles, avec 7 millions d'autorisations d'engagement supplémentaires pour financer de nouvelles structures de garde d'enfants. En effet, l’équilibre familial joue un rôle certain dans la motivation des personnels.

Enfin, dans un souci constant de rationalisation, il faudrait revoir les effectifs et les missions du contrôle général des armées.

La sous-action « Commandement interarmées » contribue fortement à la coopération européenne et internationale, dans laquelle le chef d’état-major joue un rôle pivot. Elle porte sur la certification d’états-majors susceptibles de commander des forces interalliées. Par exemple la France peut accueillir un état-major international de planification dans les installations du Mont Valérien. Au titre de la Nato Response Force, la France a engagé des hommes dans deux opérations humanitaires pendant le deuxième semestre 2005, après le cyclone Katrina aux États-Unis et après les tremblements de terre au Pakistan.

La logistique interarmées concerne le service de santé et celui des essences, qui doit poursuivre son adaptation.

Le service de santé emploie 15 590 personnes qui exercent 170 métiers et il dispose de 3 200 lits d’hospitalisation répartis entre neuf pôles en métropole. Il prend une part active à la recherche, notamment dans des domaines délaissés par l’industrie, et accompagne nos hommes sur les théâtres extérieurs. Au cours de visites à l’hôpital d’instruction du Val de Grâce et à l’institut de recherche aérospatiale de Brétigny-sur-Orge, j’ai constaté qu’il était à la pointe du progrès, par exemple pour la télémédecine. Aujourd’hui, seuls les États-Unis et l’Allemagne possèdent un service comparable, le Royaume-Uni ayant supprimé ses hôpitaux militaires. En maintenant un service de santé autonome, la France peut former des chirurgiens qui soignent des patients civils comme militaires mais sont aussi disponibles pour partir en opérations extérieures.

Le service des essences assure la logistique pétrolière des armées, sauf pour la marine, et fournit une expertise technique. Au cours de l'année 2006, il a fourni quelque 978 000 m3 de produits pétroliers aux armées. Il reste indispensable, mais cherche à se recentrer sur ses missions régaliennes que sont la constitution de stocks de crise et stocks de soutien des opérations extérieures, pour déléguer au secteur privé les fournitures des unités stationnées en temps de paix. Il faut l’encourager à mener ces réformes à bien.

Globalement, les crédits qui font l’objet de ce rapport évoluent de façon positive puisque, pour la cinquième année consécutive, l'effort consenti permet de respecter la loi de programmation militaire. Au vu de ces éléments, la commission de la défense s'est prononcée en faveur de leur adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la préparation et l’emploi des forces terrestres - Les crédits alloués à l'armée de terre pour 2008 apparaissent globalement stables, à 9,2 milliards en crédits de paiement et 9,125 milliards en autorisations d’engagement. Les choix stratégiques opérés dans le cadre de la loi de programmation pourront ainsi être respectés.

J’insisterai sur l'activité et les moyens de fonctionnement des forces. En 2007, l'armée de terre déploie hors du territoire métropolitain plus de 17 000 personnels dont plus de 8 000 en opérations. Placées sous mandat de l'ONU, de l'OTAN, de l'Union européenne ou sous mandat national, ces forces projetées assurent des missions de stabilisation, de maintien de la paix ou de formation des armées nationales. L'armée de terre intervient également pour soutenir les autorités civiles dans les collectivités d'outre-mer.

Le nombre et la complexité croissante des missions obligent à adapter en permanence les moyens humains et matériels. Or, compte tenu de l'actualisation, son budget de fonctionnement est amputé de 34,7 millions en 2008. Sur deux ans, la diminution équivaut au budget de fonctionnement de treize régiments. Bien que l'entraînement soit déterminé pour le caractère opérationnel des unités, les crédits ne garantissent que 88 jours d'activité alors que la loi de programmation fixe un objectif de 100 jours.

M. Jean Michel – Il faut travailler plus ! (Sourires)

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis - Les effectifs diminuent dans la mesure où l'armée de terre participe à l'effort global consistant à ne compenser qu'un départ à la retraite sur deux. En contrepartie, les crédits du plan d'amélioration de la condition militaire augmentent significativement et les personnels civils bénéficient d'une revalorisation de leurs rémunérations.

J’en viens aux matériels. En raison des retards successifs pris dans les plans d'équipement en matériels neufs, l’âge moyen du parc s’est élevé : plus de 34 ans en moyenne pour les hélicoptères Puma, plus de 47 ans pour certains camions. En outre, les matériels sont très sollicités en opérations extérieures et il a fallu augmenter fortement les crédits d'entretien et de maintenance. Sont particulièrement touchés les hélicoptères et les engins blindés, pour lesquels il devient même difficile de se procurer des pièces de rechange.

La situation de l'aviation légère de l'armée de terre est alarmante. Ses capacités diminuent depuis 2004 et la baisse s'accélérera en 2008. Seule la disponibilité du Tigre s'améliore. La difficulté principale concerne les hélicoptères de manœuvre : ils ne répondront plus aux normes européenne en 2010. Des opérations de rénovation ont été programmées, mais il ne s’agit que de solutions d'attente. Leur remplacement est aujourd'hui indispensable. Les commandes de NH 90 prévues en 2007 et 2008 doivent donc être impérativement signées pour limiter le plus possible la baisse de capacité en 2010.

Je souhaite souligner l'importance des petits programmes de cohérence opérationnelle qui ont pourtant trop souvent fait l'objet d'arbitrages défavorables. Il convient également d’engager une réflexion sur les missiles et les drones – M. Viollet partage mon sentiment – car il s’agit d’investissements lourds et leurs conditions d'utilisation ne sont pas suffisamment clarifiées.

Pour conclure, il faut stabiliser, voire développer nos capacités opérationnelles en veillant à la maintenance et à la livraison sans retard des programmes d'équipement. Cela ne se fera pas sans une réflexion en profondeur sur l'organisation de l'armée de terre.

La réorganisation des implantations, qui s’effectuera peut-être après les municipales (Exclamations amusées sur divers bancs), devrait être l'occasion d’une rationalisation des structures.

La commission de la défense a donc émis, à l’unanimité, un avis favorable aux crédits de l'armée de terre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Mme Marguerite Lamour, rapporteure pour avis de la commission de la défense pour la marine – Ce projet de budget intervient dans un contexte particulier : préparation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et revue des programmes qui servira de base à la nouvelle loi de programmation militaire de 2008. S’agissant des crédits destinés à la marine, 4 449 millions en autorisations d’engagement et 4 519 millions en crédits de paiement sont inscrits à l’action 3 « Préparation des forces navales » du programme 178, soit des hausses de respectivement 2,8 et 1 % par rapport à 2007. Si les suppressions de postes peuvent se concevoir dans le contexte général, les mesures d’économie du titre 3 vont peser lourdement sur les moyens de fonctionnement, qui diminuent de 2,7 % après avoir déjà baissé au cours des deux dernières années. L’évolution des prix du carburant pourrait rendre nécessaire de réduire encore ces dépenses de fonctionnement, pour préserver l’activité des forces.

En ce qui concerne les crédits d’équipement, un peu plus de quatre milliards sont prévus en autorisations d’engagement, dont trois pour le seul programme du second porte-avions. La modernisation des moyens navals devrait pouvoir se poursuivre conformément à la loi de programmation militaire. L’avenir de plusieurs grands équipements demeure en suspens, et des décisions claires devront être prises dans les mois qui viennent. Il me semble que le format de la marine est aujourd’hui cohérent avec ses missions de défense et de sécurité. Toute révision majeure qui serait décidée dans la prochaine loi de programmation devra donc s’appuyer sur une redéfinition préalable des missions et du contrat opérationnel de la marine. Telle est la vocation du Livre blanc. Il serait regrettable que des réductions de capacité soient décidées sans attendre sa publication, sur les seules conclusions de la revue des programmes en cours.

Trois choses me semblent en tout cas essentielles : le maintien de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins équipés du missile M 51, le renouvellement de notre flotte de sous-marins d’attaque et de frégates et la garantie de la permanence à la mer du groupe aéronaval, avec la construction du second porte-avions.

J’en viens à des réflexions plus prospectives. Il est d’abord indéniable que l’interarmisation est un besoin aujourd’hui, et une réalité de tous les jours, au niveau des états-majors ou en opération. De nombreuses fonctions communes y gagnent. Mais il n’est pas possible d’en faire un principe, car chaque armée conserve des spécificités qui assurent son efficacité – la marine tout particulièrement, du fait de la dualité de ses missions de défense et de sécurité. Trois enjeux sensibles devront faire l’objet d’une attention soutenue. Le premier est l’amélioration de la condition militaire. La principale richesse de la marine est son personnel, passionné par son travail mais soumis également à des contraintes importantes – mobilité, célibat géographique, horaires atypiques… – qui sont encore amplifiées quand les deux membres du couple sont marins. Les conditions de vie des marins sont aujourd’hui un élément essentiel du moral des troupes, de leur implication et de leur fidélisation. L’état-major et les différents commandements sont très conscients de ces enjeux, et je tiens à souligner le travail réalisé à tous les niveaux.

Le deuxième enjeu consiste à répondre à l’impératif de sauvegarde maritime, qui relève tout à la fois de la défense nationale et de l’action de l’État en mer. Le commandant militaire de zone cumule en l’occurrence ses fonctions avec celles de préfet maritime, afin d’unifier l’autorité. Face aux nouvelles menaces, les missions de sauvegarde maritime prennent aujourd’hui une importance croissante. Elles mobilisent plus de 2 000 marins et de nombreux bâtiments. Ni à Toulon ni à Brest les capacités ne sont suffisantes pour répondre aux attentes des différentes administrations.

Enfin, le troisième enjeu est le démantèlement des navires de guerre. Après l’affaire du Clemenceau, j’avais été chargée d’une mission d’information qui a rendu ses conclusions en janvier. Depuis, deux rapports supplémentaires ont été publiés mais en pratique, le dossier n’a guère avancé, malgré son importance, surtout en cette période de Grenelle de l'environnement. Je souhaite ardemment qu’il soit pris en compte dans le Livre blanc.

Je suis bien sûr favorable à l’adoption du budget de la marine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l’air – L’examen de ce projet de budget intervient en effet au moment où il faut dresser le bilan de la loi de programmation militaire et préparer l'avenir. S'agissant des chiffres, je ferai simplement observer que l'action 4 « Préparation des forces aériennes » du programme 178 prévoit une baisse de 0,37 % des autorisations d'engagement et de 0,94 % des crédits de paiement. Les moyens de fonctionnement sont les plus touchés, avec une baisse de plus de 3 %, alors qu'ils dépendent pour partie du cours du baril de pétrole. Il faudra donc en tout état de cause veiller à préserver le nombre d'heures de vol pour garantir la capacité opérationnelle des pilotes.

En ce qui concerne les crédits d'équipement, le bouleversement complet de la nomenclature, avec le passage d'une présentation par armées à une ventilation par systèmes de forces et capacités maîtresses, a éliminé toute base de référence. J’ai bien compris que c’était une façon de valoriser la dimension interarmée, mais un tableau comparatif aurait amélioré l’information du Parlement. D’autant que compte tenu des travaux de réflexion en cours, des interrogations peuvent se faire jour sur les autorisations d’engagement ou les crédits de paiement inscrits dans ce programme !

J’en viens à des réflexions plus prospectives. S'agissant de la modernisation de l’armée de l'air, tant pour ce qui est des structures que des pratiques, beaucoup de chemin a déjà été fait mais des choix restent encore en suspens. Si le plan AIR 2010 est bien engagé au niveau de l'organisation du commandement et des pratiques de management, il reste à rationaliser le réseau des bases aériennes. Certes, le format devra être réduit, mais cela prendra du temps parce que l’efficacité en la matière repose sur un maillage géographique et fonctionnel équilibré. Les choix devront respecter cette logique et s'appuyer sur un faisceau de critères. Un premier projet sera présenté en 2008.

En outre, un délai minimum de deux ans devrait être respecté entre l'annonce et la fermeture effective d'une base, afin de prendre en compte ses effets humains et territoriaux. Ce délai pourrait être mis à profit pour un travail avec les élus des territoires, ce qui demande des moyens – car s’il est vrai que la défense n'a pas la charge de l'aménagement du territoire, l'État a la responsabilité d'œuvrer à l'égalité des chances entre territoires !

Il y a d'autres chantiers de modernisation. La création du service industriel de l'aéronautique en janvier prochain est un bon exemple de ce qu'il faut faire en matière de soutien : sans priver l'État d'un outil industriel performant, il va permettre, par un regroupement des savoir-faire et une rationalisation des pratiques, d’améliorer la qualité de service à moindre coût. L'externalisation, par ailleurs, reste intéressante, à condition qu'elle fasse l'objet d'une coopération réelle entre militaires et industriels. L’externalisation de la maintenance de l'outil de formation des pilotes sur la base de Cognac peut faire figure d'exemple et l’on pourrait étendre cette démarche dans d'autres domaines. Cela permettrait de rationaliser les pratiques, d'alléger les charges de gestion courante et ainsi de concentrer les moyens disponibles sur l'opérationnel. Enfin, le contrôle des coûts de revient des marchés d’équipements militaires, réalisé par le Bureau de l'expertise des coûts de la DGA, donne une vision claire des coûts et établit des références pour les marchés futurs. Il a permis de gagner plusieurs dizaines de millions sur certains marchés. Il y a un gisement d'économies à exploiter, y compris pour d'autres services.

S'agissant des matériels, l'armée de l'air doit préparer l'avenir en modernisant ses moyens pérennes et en les adaptant au mieux aux besoins, définis selon quatre priorités : crédibilité de la composante aéroportée de la dissuasion, capacité de transport, polyvalence et adaptabilité du système de combat et maîtrise de l'information en temps réel sur le terrain. Plus concrètement, une commande de 60 Rafale est nécessaire, tant pour la dissuasion que pour la capacité de frappe en profondeur. C’est la condition de la rationalisation de nos forces aériennes, avec le désarmement des Mirage F1, dont le maintien en service coûtera de plus en plus cher. Elle assure aussi la cohérence industrielle et économique du projet. En ce qui concerne l'aéromobilité, nous savons tous que la France ne peut satisfaire son contrat opérationnel en fret dans le cadre de la Force de réaction immédiate. L'A 400M est donc très attendu. Quant aux futurs MRTT, un choix rapide s'impose. Je penche pour l'achat immédiat de quelques appareils, à compléter ensuite par un recours à une solution de service. S’agissant des systèmes de combat, il faut commander des METEOR, missiles longue distance aux performances cinétiques remarquables et qui conforteront la supériorité indéniable du Rafale face aux menaces aériennes de dernière génération.

Je voudrais pour terminer aborder la question des drones. L'obtention du renseignement est une fonction de plus en plus essentielle à la défense et à la sécurité d'une nation. En dépend l'indépendance opérationnelle et tactique de ses forces armées. Il est donc impératif que nous maîtrisions la technologie des drones et que nous en équipions rapidement nos forces. Cet enjeu n’a pas encore été considéré à sa juste mesure. Je souhaite que notre commission de la défense puisse créer très vite une mission d’information sur ce sujet majeur.

Vous connaissez maintenant quelques-unes de nos réflexions, mais plus encore notre volonté d'œuvrer à la réflexion en cours pour notre défense et notre sécurité, favorables à une réforme juste, d'où qu'elle vienne, résolus à une critique constructive, avec la conviction que ce que nous avons à faire dépasse de beaucoup ce que nous pourrions vouloir chacun. Parce qu'il s'agit de la France, de sa place dans la construction européenne, de la place de l'Europe dans le monde et de ces valeurs universelles portées, sous notre drapeau, par les femmes et les hommes de la défense à qui je rends ici hommage.

La commission de la défense, à qui je m’en étais remis, a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Préparation et emploi des forces : air » (Applaudissements sur divers bancs).

M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l’équipement des forces – Compte tenu du temps qui m'est imparti, je bornerai mon intervention sur les crédits du programme 146 « Équipement des forces » à trois remarques.

La première consiste à souligner le respect, dans le PLF pour 2008, des dispositions de la loi de programmation militaire 2003-2008. Pour cette dernière annuité, ont été inscrits 9,8 milliards d'autorisations d'engagement et 10,4 milliards de crédits de paiement. Je crois pouvoir exprimer au nom de l'ensemble de mes collègues la satisfaction de constater qu'une loi de programmation militaire a été respectée pendant l'intégralité de sa durée. Au cours de cette période de cinq ans, les tentations ont été fortes de revenir aux pratiques antérieures qui voulaient qu'une loi de programmation ne soit valable que pour sa première annuité, et qu'il importait peu par la suite d'en respecter les termes. Or, l'effort de la nation en matière d'équipements militaires a été constant, important et productif. Je vous en félicite, Monsieur le ministre.

En 2008, les principales commandes d'équipement concernent le VBCI – pour 116 véhicules –, le Rafale – pour 8 avions – et l'hélicoptère NH 90, pour 22 appareils. En termes de livraison, nos armées attendent 41 VBCI, 14 avions Rafale et une frégate Horizon. D’importants programmes arrivent donc à terme, malgré de nombreuses difficultés que j'évoquerai ultérieurement.

Les crédits destinés à la dissuasion représentent 18,4 % du programme : c'est beaucoup, et cela traduit la volonté constante de la France de disposer d'un arsenal autonome de dissuasion nucléaire. En juillet dernier, dans son important discours de l'Île Longue, le Président de la République a réaffirmé la nécessité de poursuivre l'effort nucléaire.

Ma deuxième observation porte sur le second porte-avions. S’il appartient aux plus hautes autorités de l'État de procéder aux décisions majeures concernant ce programme, je souhaite que le Parlement puisse être associé à la réflexion du Gouvernement.

Ma troisième observation concerne l'Europe de la défense. Des programmes menés en collaboration avec des alliés européens, – Britanniques, Allemands, Italiens ou Espagnols – sont en cours de développement, voire arrivent à terme. Tous ont rencontré des difficultés, en raison notamment des divergences stratégiques et tactiques entre les différentes armées concernées. Aujourd'hui, nous sommes arrivés à un point crucial, où les futures collaborations vont toucher des fonctions éminemment stratégiques. Je pense principalement à l'espace.

L'Europe et ses pays membres sont-ils prêts à agir en partenariat sur ces fonctions stratégiques impliquant notamment le partage d'informations sensibles touchant à la souveraineté ? Notre commission de la défense doit apporter son expertise et son regard politique sur cette question majeure.

Ma deuxième remarque vise à appeler l'attention sur le fait qu'au-delà du satisfecit de voir la LPM respectée dans sa dernière annuité, des difficultés et interrogations lourdes subsistent.

Le programme A 400M m'inquiète. À l'automne dernier, puis au printemps, j'ai publiquement exprimé des inquiétudes face au silence d'EADS sur les retards de ce programme. Aujourd'hui, on nous annonce des délais supplémentaires pour livrer le premier appareil et des surcoûts importants. Est-il vraiment certain qu'il n'y aura pas de nouveaux dérapages ? Pour ma part, je reste très inquiet, et je vous demande, Monsieur le ministre, d'être extrêmement ferme vis-à-vis de l'industriel.

Un autre sujet d'inquiétude, partagé par nombre de collègues, concerne les drones. Alors que la France affichait une volonté forte de disposer de ces équipements indispensables sur les plans tactiques et stratégiques, des choix industriels hasardeux et des atermoiements militaires nous ont fait prendre un retard quasi insurmontable. Nous avions de l'avance en 2000 : nous voici désormais à la traîne. Il est grand temps de réagir.

Troisième et ultime remarque : plusieurs exercices en cours auront une incidence sur les équipements de nos armées dans les années à venir. Le Livre blanc, la revue de programmes et la RGPP redessineront le cadre décisionnel, le suivi et la nature des prochains programmes d'équipements militaires. Les places et responsabilités respectives du Chef d'état-major des armées, des états-majors d'armées et de la DGA devront être précisées. De même, le suivi et le contrôle des industriels devront être resserrés.

Le Parlement ne doit pas être absent de ces réformes. Au reste, plusieurs députés sont associés à la rédaction du Livre blanc et je m'en félicite. Mais le rôle du Parlement doit se prolonger. Sous la précédente législature, le président Teissier a mis en place une mission d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense et je suis persuadé que cette excellente initiative a contribué au respect des termes de la LPM.

En matière d'équipements, il convient de faire de même. La mise en place d'une mission d'information permanente sur le suivi des programmes d'armement constitue à mes yeux un impératif démocratique. En liaison avec les états-majors et les industriels, elle permettrait d'éviter que l'on découvre par la presse des retards inexcusables, concernant hier le VBCI et aujourd’hui l’A 400 M (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Cela contribuerait à renforcer la fonction de contrôle du Parlement sur un programme budgétaire majeur.

Telles sont mes principales remarques et observations sur les crédits du programme 146. Je réitère ma satisfaction de voir la LPM respectée, et c'est la raison pour laquelle j’invite tous mes collègues à voter avec détermination et constance les crédits d'équipement pour nos armées (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Sainte-Marie, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l’espace, les communications et la dissuasion La dissuasion nucléaire et l'espace sont, chacun le sait, intimement liés d'un point de vue historique et technique. Je ne reviendrai pas ici sur les questions liées à la dissuasion, si ce n'est pour indiquer que nous approchons d'échéances importantes, en 2010, avec l’entrée en service du missile M 51.

L'espace constitue un sujet de plus grande préoccupation, car les perspectives d'avenir ne sont pas des plus claires. La LPM 2003-2008 a certes permis de mettre en service des programmes importants, lancés antérieurement, et le renforcement des capacités nationales est complété par des accords d'échanges avec nos partenaires italiens et allemands. On peut toutefois noter que si la LPM prévoyait, pour l'espace, un montant moyen annuel de crédits de paiement d’environ 450 millions, les crédits effectivement consommés se sont en fait élevés à un peu plus de 370 millions par an jusqu'en 2006. En outre, le PLF pour 2008 interrompt la tendance à la hausse des dotations initiales pour le secteur spatial militaire, observée depuis 2004. Si l'on prend en considération les crédits de paiement pour les équipements et les études amont, la baisse est de 16,2 % par rapport à la loi de finances pour 2007. S'agissant des autorisations d’engagement, le phénomène est encore plus marqué, avec une diminution de 70,3 %.

Les questions qui se posent sont donc les suivantes : comment assurer le renouvellement des capacités existantes ? Quels nouveaux programmes choisir pour pallier les lacunes ? Enfin, quel peut être le degré de coopération européenne ?

Face aux lacunes françaises et européennes bien connues, diverses mesures palliatives ont été prises pour se doter d'embryons de capacités ou des connaissances nécessaires, notamment au travers des programmes d'études amont, les PEA. L'un d'eux a permis la mise en service récente du radar GRAVES, qui offre une première capacité de cartographie des objets en orbite. Les PEA ont été particulièrement tournés vers le renseignement d'origine électromagnétique, cependant que viennent de débuter les premiers travaux de préparation d'un véritable programme, baptisé CERES, ouvert à la coopération européenne et dont la mise en service pourrait intervenir à partir de 2013.

Toutes ces pistes d'accroissement des capacités sont intéressantes et méritent d'être explorées, mais l'enjeu principal reste la succession d'Hélios II, à l'horizon 2015. Le projet MUSIS a été lancé à cet effet, et il associe les six nations participant au programme Hélios, pour répondre à l'ensemble des besoins de capacités d'observation, optique et radar. L'exercice 2008 est décisif pour le respect du calendrier et devrait être marqué par l'adoption d'un document de lancement. Sur ce point, l'évolution des autorisations d’engagement relatives à l’espace n'est guère rassurante, et il conviendra de veiller à ce que la recherche d'économies limitées ne se traduise pas par une perte de capacité en 2015 – fût-elle temporaire – dans un domaine aussi essentiel que le renseignement optique.

Il reste la vaste question du degré de coopération européenne. La France a pris une initiative en vue de créer une « Europe de la confiance » en matière de renseignement satellitaire. Les bénéfices d'une plus grande intégration seraient à la fois budgétaires et opérationnels, sans parler de la dimension politique à laquelle accéderait l'Europe de la défense.

Tous ces éléments sont à envisager dans la perspective des échéances de renouvellement de nos satellites optiques. De ce point de vue, une coopération moins ambitieuse, portant par exemple en priorité sur le segment sol, mais respectant nos impératifs calendaires, serait sans doute une solution plus efficace si, comme c’est probable, les négociations avec nos partenaires sont trop longues et délicates. On le voit : avec la rédaction d'un Livre blanc et de la future LPM, 2008 sera l’année de choix décisifs quant à la place accordée à l'espace.

Lors de la présentation de mon rapport à la commission de la défense, je m'en suis remis à la sagesse de celle-ci. Elle a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'équipement des forces pour ce qui concerne la dissuasion, l'espace et les communications (Applaudissements sur divers bancs).

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense – Avec presque 16 milliards de crédits de paiement dans le périmètre de la LPM, le projet de budget relatif à la mission « Défense » respecte pleinement la programmation militaire arrêtée à l’automne 2002. Ni Waterloo ni Verdun, il se présente comme un budget de transition.

Ainsi, pour la toute première fois dans la longue histoire de notre programmation militaire, les prévisions auront été respectées pendant six ans ! Le présent PLF marque donc la fin d'un cycle. Il est aussi le premier d'une nouvelle législature, avec un nouveau chef pour nos armées. Plusieurs réflexions en cours vont orienter l'avenir de notre défense. Je n'y insiste pas : nous y reviendrons en examinant le PLF pour 2009 et les suivants. Il nous revient donc aujourd'hui de voter les crédits indispensables à la poursuite des missions de nos armées. Ces besoins sont immédiats, et cruciaux.

Il s'agit, tout d'abord, des effectifs, civils et militaires. Des volumes de réduction sont annoncés, qu'il faut recevoir avec précaution : plus de 6 000 au total, dont les trois quarts de militaires. Pour ce qui est des emplois des militaires, les chefs d'état-major auditionnés ont tous fait part de leur volonté de ne pas toucher aux forces vives de leur armée, en faisant plutôt porter les réductions sur les fonctions de soutien administratif et technique. C'est un choix que je partage. Toucher aux forces vives de nos armées ne pourrait qu'entraîner une réduction de nos capacités d'intervention dans la résolution des crises.

C'est d'ailleurs le dilemme auquel s’affrontent tous ceux qui réfléchissent sur la place de la France sur la scène internationale, notamment en raison de notre position de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.

Le projet de budget pour la défense respecte également les engagements pris en matière d'amélioration des conditions de service des personnels. Pour les militaires, il s’agit de poursuivre ou de conduire à leur terme différents plans d'amélioration, des carrières – avec le PAGRE pour la gendarmerie – ou des qualifications, avec le fonds de consolidation de la professionnalisation ; avec le PACM, c’est l’ensemble de la condition militaire qui sera améliorée. Importants, les montants mobilisés sont principalement dédiés aux militaires du rang, aux jeunes sous-officiers de rang de sergent et aux gendarmes.

Aux côtés des militaires d'active, les réserves poursuivront leur développement, alors que les nouvelles périodes militaires d'initiation et de perfectionnement à la défense connaîtront leur véritable démarrage. Pour ces dernières, je me réjouis de l'objectif de 15 000 jeunes accueillis tout au long de l'année : ils sont l'avenir de notre défense.

Pour la première fois, une unité homogène de réservistes a été envoyée en OPEX, à Mostar, en Bosnie. Je le souhaitais depuis de nombreuses années. C'est en effet un signe fort de la confiance envers nos réservistes, propre à susciter des vocations. Si les effectifs totaux doivent passer à 68 500 dans la réserve opérationnelle, les volontaires ne représentent que 27,5 % de cet ensemble. Il faut améliorer cette proportion, en sensibilisant chacun à son devoir citoyen.

Même justifiée par la nécessité d’optimiser les dépenses afin de contribuer au redressement de nos finances publiques, les contraintes qui pèsent sur les crédits de fonctionnement des armées devraient être limitées, car elles font obstacle à l’externalisation de certaines prestations ; ainsi, la gendarmerie a pour l’instant renoncé à déléguer la gestion de son parc immobilier domanial, car cela lui coûterait trop cher.

En outre, ces crédits de fonctionnement doivent demeurer suffisants, en cours de gestion, pour préserver le haut niveau d'instruction et d'entraînement de nos militaires, par souci d’efficacité mais aussi pour leur moral ! Les armées ont déjà annoncé que la durée de l’entraînement dans l’armée de terre ne dépasserait pas 88 jours, au lieu des 100 jours prévus en programmation – ce qui est notoirement insuffisant, comme M. Bernard l’a rappelé et comme nos visites sur le terrain l’ont confirmé. Mais comment, Monsieur le ministre, atteindre même cet objectif minimal, alors que la durée de 100 jours n’a jamais été respectée ?

Quant aux équipements, l'effort de maintien en condition opérationnelle entamé depuis cinq ans se poursuivra en 2008, préservant la disponibilité de systèmes pour la plupart vieillissants, surtout là où sont engagées nos forces en OPEX, et dont le remplacement n’est pas toujours prévu. Le coût d’entretien des équipements neufs étant en outre de plus en plus élevé, la disponibilité des matériels au sein des unités s'améliore trop lentement et reste souvent insatisfaisante. Plusieurs années d’efforts sont nécessaires pour remédier à ce problème.

Quoi qu’il en soit, seule la mise en service d’équipements neufs permettra aux capacités d'emploi des systèmes d'armes de progresser véritablement. Plus de 10,4 milliards d'euros de crédits de paiement vont ainsi permettre de prendre livraison de plusieurs systèmes d'armes majeurs, mais aussi de nombreux programmes de cohérence plus modestes.

Je souhaite d’autre part que tous les reports de crédits résultant des exercices précédents – soit 1,5 milliard d'euros environ – soient utilisés, comme promis, et je l’ai écrit au ministre du budget, dont j’attends toujours la réponse (Sourires).

Au total, plus de 9,8 milliards d'euros sont destinés aux commandes d’équipements d’avenir qui devraient renforcer les capacités de nos armées et rendre nos militaires plus fiers encore de les servir. Même si certains milieux s’interrogent sur l’opportunité de poursuivre ces commandes de systèmes d'armes lourds, de type traditionnel – avions de chasse, hélicoptères ou sous-marins Barracuda, évoqués par Mme Lamour –, une pause n’est guère envisageable, pour des raisons industrielles et sociales évidentes. Surtout, l'urgence des besoins ne souffre plus de retard : il est indispensable de commander 22 NH90 en 2008 ; mais où en est la commande des 12 premiers, qui devait être passée avant la fin de l’année ? Il y va des aptitudes d'aéromobilité de l'armée de terre, indispensables en OPEX.

Comment, Monsieur le ministre, assurer la transition, en matière de transport aérien stratégique, entre nos vénérables Transall, en déclin depuis longtemps – je les ai pratiqués lorsque j’étais moniteur de parachutisme (Sourires) – et le magnifique A 400M, dont l’intégration à notre armée de l'air, reportée de six mois, pourrait encore être repoussée ? De même, le VBCI, indispensable à la protection de nos fantassins, ou le Rafale, qui sert à les appuyer au sol, sont indispensables sur des théâtres à la topographie difficile, tel l'Afghanistan, dans des affrontements d'intensité croissante. L’échec à l’exportation de ce dernier avion, que nous déplorons, aura au moins eu le mérite d’encourager l'adoption de nouvelles mesures favorables à nos exportations, notamment la création auprès du chef de l'État d’une war room permettant de coordonner l'action des différentes administrations.

Outre l’effort de reconstitution de notre capital opérationnel, largement consommé au cours des années 1990, tâche ambitieuse, coûteuse et de longue haleine entreprise depuis 2002, nous devons également, pour préparer l’avenir, consacrer des moyens importants à la recherche et au développement, notamment dans le domaine spatial, essentiel à notre autonomie stratégique. M. Boucheron en connaît bien les longs et coûteux cycles de développement, qui impliquent des décisions rapides permettant de remplacer à terme nos capacités d'observation et de communication. Nous devons également nous doter des capacités qui nous font encore défaut, en matière de renseignement d'origine électromagnétique, comme l’a dit M. Fromion, mais aussi d'observation radar.

Afin d’assurer la coopération européenne dans un domaine où les démarches sont lentes et incertaines, affichons clairement nos orientations afin d’encourager nos partenaires à nous rejoindre comme autrefois. Ainsi le Président de la République a-t-il réaffirmé hier l’objectif de renforcement de l’Europe de la défense, dans le cadre d’une présidence française de l'Union, qui suscite de grandes espérances en matière spatiale, et au sein d’une communauté de défense consciente de la nécessité de modifier les orientations fixées il y a bientôt quinze ans. Il s’agira en particulier d’améliorer l'efficacité de nos armées et la qualité du métier militaire.

La communauté militaire saura s'adapter. Faisons-lui confiance, et témoignons-lui notre considération en votant ce budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Patricia Adam – D’autres l’ont dit : il s’agit d’un budget de transition, présenté dans le contexte des déclarations du Président de la République sur la place de la France au sein de l’OTAN, des travaux du Livre blanc, auxquels j’ai eu la chance et l’honneur de participer au côté du président Teissier, enfin des restrictions budgétaires imposées aux états-majors, qui ont déjà formulé des propositions en réponse.

Une fois de plus exclu de ces réflexions, le Parlement est contraint de réagir a posteriori, comme si les excellents travaux et rapports élaborés en son sein ne servaient à rien ! La mission d’information sur le Livre blanc que nous avons demandée aurait pu permettre une plus grande collégialité, mais nous avons essuyé un refus. Quel gâchis, quel dommage pour notre démocratie ! Je ne doute pas que l’ancien parlementaire que vous êtes, Monsieur le ministre, me comprendra.

Pendant cinq ans, au cours de la précédente législature, nous avons prévenu à chaque débat budgétaire la représentation nationale comme votre prédécesseur de l'impossibilité de tenir les engagements du projet de LPM, tentant de montrer que le modèle 2015 devenait financièrement inaccessible et inapte à répondre à nos futurs besoins stratégiques – comme l’a bien dit M. Boucheron. En vain : qualifiant les députés socialistes de Cassandre, le Gouvernement évitait tout débat de fond en objectant les bons résultats financiers de la LPM, inégalés depuis 25 ans.

Je pourrais ironiser sur l'héritage du gouvernement précédent, mais, vous ayant trop souvent entendu, au cours des cinq dernières années, objecter l'héritage socialiste pour esquiver toute critique, je ne vous infligerai la même ritournelle. Vous voyez que nous savons nous aussi pratiquer la rupture... (Sourires)

Mais c’est bien la rupture que vous semblez frôler : même en maintenant l'effort de défense au niveau actuel, on ne pourra financer les programmes envisagés : le budget d'équipement des forces nécessite 5 à 6 milliards d'euros supplémentaires par an, pour atteindre 21 milliards en moyenne par an, contre 15 actuellement. La France a besoin au total de 70 milliards supplémentaires pour financer l’ensemble des programmes prévus.

Vous l’avez dit vous-même, l’équation est insoluble, et nous oblige à une refonte de notre système de défense : revues de programmes d'armement pour réduire la « bosse » budgétaire annoncée pour 2009-2010, revue générale des politiques publiques pour dégager des marges de manœuvre au profit des unités opérationnelles.

La synthèse de ces trois exercices permettra de soumettre au Parlement la future LPM ; en effet, celle-ci entre dans sa dernière année alors qu'une réflexion globale sur notre outil de défense suscite nos interrogations et nos inquiétudes – d’autant plus que vous déclarez que la Défense n'a pas vocation à faire de l'aménagement du territoire.

M. Hervé Morin, ministre de la défense – Comme M. Boucheron !

Mme Patricia Adam – S'agit-il de nous préparer à des mesures douloureuses et à un changement radical de méthode dans la politique de soutien aux territoires ? Le Livre blanc parle de défense civile et de sécurité intérieure. Songeons à la manière dont Madame la garde des sceaux supprime les tribunaux… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Les crédits de la mission défense s’élèvent à 36,77 milliards en crédits de paiement et à 35,99 en autorisations d'engagement, contre respectivement 36,25 et 35,83 milliards en 2006. Le budget semble donc en hausse, mais, si l’on tient compte de l'inflation, il est en fait en baisse de 250 millions – baisse particulièrement sensible s'agissant du programme « Environnement et prospective de défense », dont les crédits sont inférieurs à ceux votés en 2007, mais qui touche l'ensemble des crédits soumis au vote.

La situation est paradoxale : après avoir honnêtement reconnu que le PLF pour 2008 ne serait pas tout à fait à la hauteur des attentes, vous vous en félicitez ! Ainsi, vous prétendez que les dépenses d'équipement sont pratiquement conformes à la programmation 2003-2008, puisque les crédits de paiements atteignent 15,9 milliards, soit une progression de 0,8 % ; mais, là encore, l'effet d'optique joue : si l’on tient compte de l'inflation, il manque 250 millions pour respecter la programmation.

M. Hervé Morin, ministre de la défense – Nous l’avons dit !

Mme Patricia Adam – Quant aux autorisations d'engagement, elles passent de 15,6 milliards en 2007 à 15 milliards, mais 3 milliards correspondent à une « provision » pour autorisation d'engagement pour la PA2. Au sens strict, les autorisations d'engagement ne sont donc que de 12 milliards.

En ce qui concerne le personnel, ce que vous qualifiez de « budget de transition » ressemble plutôt à un exercice d'indécision. Seule mesure d’envergure : la suppression de 13 000 emplois, puisqu’aux 6 000 emplois réels que vous avez mentionnés s’ajoutent 7 000 emplois non financés ! Vous assurez une forme de continuité, même si vous vous montrez plus discret que votre prédécesseur – ainsi invoquez-vous, assez vaguement, « les fonctions de soutien et d'administration ».

Mais la seule justification fournie aux parlementaires était la référence au slogan « ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux ». Or, les armées sont les seules « administrations » qui ont perdu la moitié de leurs effectifs depuis dix ans, avec la suspension de la conscription. De façon plus directe, la LPM de 2003 fixait les effectifs des armées. Elle n'est plus d'actualité. Quels sont les effectifs que vous souhaitez atteindre, et pour quels objectifs ?

Ensuite, aucune réorganisation du ministère ou des forces, n'est annoncée. Les 6 000 emplois supprimés seraient donc des trous béants dans l'organisation actuelle, et il y a lieu de s'en inquiéter. Enfin, la notion de « fonction d'administration et de soutien » est imprécise et recouvre des réalités très diverses. Vous avez déclaré, en commission, que les chefs d'état-major avaient pour consigne de ne pas toucher aux forces. C’est donc le « socle » qui est visé, alors qu’il fait lui aussi l’objet de remises en cause depuis dix ans ; aujourd'hui encore, les états-majors d'armée se défont d'une partie importante de leur personnel au bénéfice de l'état-major des armées. Où va-t-on en termes d'organisation ? Avec quels effectifs ? Comment ceux-ci seront-il répartis ? Le projet ne répond à aucune de ces questions.

Ce budget souffre des mêmes tares que les précédents. Arrivant en fin de programmation, il tente de ne pas aggraver la situation laissée par votre prédécesseur. Mais il ne constitue pas non plus la rupture attendue et oublie l'objectif des 2 % du PIB. Il ne répond pas à la situation dramatique des comptes du ministère, ni n'anticipe la revue de programmes en préparation. Il ne comporte aucun engagement à même de faire avancer l'Europe de la défense, notamment par le renforcement de l'Agence européenne de défense. Le prochain budget devra donc tenir compte de l'inadéquation entre les crédits disponibles et les commandes à honorer. Le budget 2008 est un budget d'attente, un budget virtuel, et le groupe socialiste ne pourra l'approuver en l’état.

Avant de conclure, je souhaiterais poser deux questions. Alors que l'ex-Clemenceau attend, en rade de Brest, sa déconstruction, où en est le financement de cette opération ? D’autre part, à l’occasion du remplacement de la Jeanne d'Arc, qui accueille des officiers français et étrangers, l’accroissement des capacités ne serait-il pas un message fort pour l’Europe de la défense ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jacques Desallangre – La participation de la France à l’OTAN – sujet capital – ne fait pourtant l’objet d’aucun indicateur dans le Bleu budgétaire. L’OTAN n’existe pas dans ce projet ! Une telle carence empêche la représentation nationale d’exercer un quelconque contrôle. Si le rapport de nos collègues Hillmeyer et Joulaud nous éclaire un peu, il n’évalue toutefois pas le coût de l’implication française dans cette structure, et ce alors même que la France en était en 2006 le cinquième contributeur, avec 105 millions d’euros. Encore ce chiffre n’intègre-t-il pas, semble-t-il, la contribution au fonctionnement de certains états-majors, ni la soixantaine d’officiers intégrés dans les structures de commandement, ni la participation de la France aux opérations de l’alliance. Jusqu’en 2006, nos armées étaient les troisièmes contributrices en moyens humains, avec 1 950 hommes au Kosovo, ou encore 1 100 hommes en Afghanistan. N’en trouvant trace nulle part dans votre budget, nous souhaiterions des informations en espérant que le prochain budget comblera ces lacunes.

Le Président de la République entend rompre avec notre politique de défense, telle qu’elle est mise en œuvre depuis 1966, et passer de la souveraineté voulue par le général de Gaulle au statut de puissance subalterne, sous la protection de l’OTAN et donc des États-Unis.

M. Jean Michel – Eh oui !

M. Jacques Desallangre – Le rapport de la commission de la défense de février 2007 considérait pourtant que l’actuelle position de la France au sein de l’OTAN présentait de « nombreux avantages en permettant tout à la fois d’être tenue au courant des évolutions et de peser sur les décisions, tout en conservant un niveau de participation somme toute limité. Cette position est bien acceptée par nos alliés ». Il soulignait l’inutilité d’une intégration plus poussée, qui risquait de nous engager dans des conflits étrangers à nos préoccupations stratégiques. Les conclusions du rapport de M. Védrine sont analogues. Quels effets bénéfiques aurait l’intégration dans l’OTAN ? Certains militaires avancent une plus grande interopérabilité, mais celle-ci existe déjà, puisque nous participons à de nombreuses opérations communes.

Votre motivation est donc en réalité idéologique, elle s’inscrit dans cette vision néo-conservatrice qui réduit l’histoire contemporaine à un choc des civilisations. L’alignement de la France sur cette conception serait une erreur pour la paix dans le monde, car notre position permet aux pays occidentaux de faire le lien avec un grand nombre de pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest, ainsi que du Proche-Orient. Si la France réintégrait l’état-major de l’OTAN, nous serions liés par des décisions que nous approuverions à peine, et contraints de participer à des guerres dont le peuple français ne veut pas. L’absorption dans l’OTAN nuirait à la qualité des liens tissés entre les pays du Nord et du Sud.

Vos choix atlantistes sont lourds de conséquences ; pourtant, personne n’en débat. Or, vous n’avez pas la légitimité pour engager la France dans cette impasse, les Français ayant rejeté le projet de Constitution européenne, qui subordonnait la politique de l'Europe à celle de l’OTAN. Votre projet de traité simplifié comporte malheureusement la même disposition, ce qui justifierait le recours au référendum. Nous ne pouvons pas accepter que le Président de la République prenne auprès de M. Bush la place laissée vacante par M. Blair, une place subordonnée et supplétive ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Francis Hillmeyer – Le budget de la mission « Défense », maintenu à 48 milliards d'euros, s'inscrit dans la continuité de l'exercice précédent et de la loi de programmation militaire de 2003. C'est aussi un budget de transition qui assure la dernière annuité de la LPM.

Les crédits des OPEX restent à 375 millions. Toutefois, il ne faudrait pas qu'une nouvelle opération, décidée au cours de cette année, soit financée au détriment des équipements. Ces crédits assurent le maintien en condition opérationnelle des hommes et des matériels, même s'il existe de réelles inquiétudes sur la maintenance des chars Leclerc et d’autres engins plus anciens. La France est actuellement engagée dans 31 opérations extérieures, auxquelles participent 10 200 militaires français. Il convient d’ajouter à ce chiffre les 23 000 militaires servant au sein des forces de souveraineté dans les départements et collectivités d'outre-mer ou au sein des forces prépositionnées en Afrique.

Ces engagements opérationnels importants, concernant tout autant les Nations Unies et l'Union européenne que l'OTAN, renforcent l'influence de la France dans chacune de ces organisations, et confortent l'action que notre pays conduit au profit du développement des capacités militaires de l'Union européenne et de la transformation militaire de l'OTAN.

La France reste l'un des principaux acteurs de l'OTAN, qu'il s'agisse du budget – dont elle est le cinquième contributeur –, des opérations, ou des capacités de commandement. L'OTAN demeure le principal outil militaire de défense du continent européen, mais il faut être conscient que son avenir dépendra largement de ce que les États-Unis voudront en faire. Il semble illusoire de vouloir revenir à une unité de vues transatlantique s'exprimant au travers d'une structure unique. L'attrait croissant qu'exerce la politique européenne de sécurité et de défense sur des États pourtant très attachés à leur relation avec les États-Unis témoigne de la nécessité de développer parallèlement des structures de défense complémentaires pour l'Europe.

Nous devons trouver les moyens de mieux articuler la politique européenne avec celle de l'alliance, de même qu'il est fondamental de réfléchir à la question de l'autonomie de l'Europe par rapport aux États-Unis en matière de sécurité, une autonomie qui passe nécessairement par le rapprochement, et donc le renforcement, des industries de défense européennes. Des équipements communs permettraient en outre de diminuer les coûts d'acquisition et d'accroître l'interopérabilité des armées. Naturellement, la France doit conserver la capacité d'agir seule si ses intérêts nationaux l'exigent ; pour ce faire, elle doit conserver des moyens autonomes de planification.

En second lieu, je tiens à saluer les efforts en faveur du personnel militaire : malgré la réduction d'effectifs prévue en 2008 – de 6 037 emplois, soit 3 037 équivalents temps plein travaillé –, la défense reste le premier employeur de France, avec près de 30 000 recrutements par an. Ces réductions permettront de revaloriser la condition du personnel, puisque vous avez prévu une somme exceptionnelle de 102 millions pour des mesures catégorielles. Nous nous réjouissons également des efforts consentis pour la reconversion des militaires et la valorisation des parcours professionnels des personnels civils. Toutefois, il existe encore des marges de manœuvre pour accroître l'efficacité de nos armées, tout en rationalisant les structures. Est-t-il encore utile de disposer, par exemple, d'un commissariat par armée ?

En ce qui concerne les dépenses d'équipement, les 15,3 milliards prévus en 2008 pour l'achat de matériel permettront d'atteindre les 96 milliards inscrits dans la LPM. Nous aurions sans doute pu augmenter les crédits de 250 millions d'euros pour tenir compte de l'inflation, mais il faut saluer le maintien des efforts budgétaires en faveur des principaux programmes de la marine – frégates multi-missions, sous-marins Barracuda – comme de l'armée de l'air, notamment le Rafale. L'armée de terre sera, quant à elle, autorisée à commander 116 blindés VBCI, 5 045 systèmes Félin, 22 hélicoptères NH-90 et 36 chars AMX 10 RC rénovés. Il me semble également courageux de prévoir une provision de trois milliards d’euros en attendant le Livre Blanc et les arbitrages du Président de la République.

Permettez-moi quelques mots sur l'effort consenti en matière de recherche et technologie : le développement de plusieurs matériels militaires essentiels, comme le Rafale, le Tigre et les missiles stratégiques M 51, est en phase d’achèvement, si bien que l'effort financier pourra se reporter sur la production. Il faudra donc lancer une politique volontariste de recherche technologique pour préserver notre socle de compétences. Cet effort devra être mené avec nos partenaires européens autour de projets communs ambitieux.

N’oublions pas le projet de Small Business Act à la française, si cher au Nouveau Centre. Nous comptons sur vous, Monsieur le ministre, pour vous engager en faveur de ce projet audacieux qui améliorerait l’accès des PME à la commande publique, soutiendrait leurs efforts de recherche et leur procurerait des délais de paiement plus favorables.

S’agissant enfin du Grenelle de l'environnement, qui a été un succès incontestable, vous avez reconnu à juste titre, Monsieur le ministre, que la défense a un rôle à jouer en matière environnementale. Je pense notamment à la gestion des déchets, sujet sur lequel nous attendons impatiemment vos propositions.

Malgré les contraintes pesant sur la dépense publique, vous êtes parvenu à maintenir votre budget à un bon niveau. Nous vous en félicitons et, en attendant la prochaine loi de programmation militaire, le Nouveau Centre votera ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Michel Voisin – On m’accorde dix minutes pour traiter de 48 milliards d’euros.

M. Jean Michel – Cela fait cher la minute (Rires).

M. Michel Voisin – C’est un défi que je n’avais jamais relevé au cours de ma carrière d’expert comptable (Sourires).

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Et déjà une minute en moins ! (Sourires)

M. Michel Voisin – Le contexte politique et budgétaire de nos débats est très particulier : nous en sommes à l’ultime étape de la loi programmation votée en 2003, tandis que le nouvel exercice se dessine déjà... Ce budget tend donc à assurer une transition, et celle-ci est réaliste et sincère.

Mme Patricia Adam – Seulement si on le compare à d’autres budgets…

M. Michel Voisin – Il a été question de l’objectif de 2 %, mais nous savons tous la difficulté d’y parvenir.

M. Jean Michel – C’est une question de volonté !

M. Michel Voisin – Des travaux sont en cours sur le Livre blanc, mais vos services ont su concilier le respect des engagements déjà souscrits et les inflexions qui seront apportées à notre défense, Monsieur le ministre. Cet effort démontre, s’il en était besoin, l’immense capacité d’adaptation de notre outil militaire et sa faculté à se projeter dans l’avenir pour servir notre pays et assurer en toutes circonstances la sécurité de nos concitoyens.

Il faut saluer l’adaptation régulière de notre doctrine de défense et de sécurité, car c’est une attitude responsable, qui témoigne de l’engagement des pouvoirs publics en faveur de notre sécurité. En effet, il n’y a pas de vérité définitive dans ce domaine. En dépit de tous les efforts, les sources de conflits demeurent dans ce monde incertain et mouvant. Il serait irresponsable de ne pas prendre en considération les risques présentés par des États qui sont parfois aux portes de l’Europe. Comment ignorer également l’internationalisation des échanges ? Notre défense ne saurait reposer sur une vision du monde datant de la guerre froide…

Nous devons notamment intégrer à notre réflexion stratégique certains dangers émergeants, comme le terrorisme, la piraterie, les prises d’otage, le développement des forces parallèles – et parfois mafieuses –, la prolifération nucléaire et balistique ou encore la mise en péril de nos approvisionnements énergétiques.

N’oublions pas non plus nos engagements internationaux, nos alliances et notre participation aux grands équilibres régionaux à travers les OPEX que nous menons. Comme l’a rappelé le ministre, nos forces pourraient un jour participer à des opérations conjointes en vue de protéger nos ressortissants et nos intérêts vitaux, ou de résoudre des conflits internationaux. Saluons le réalisme politique de ceux qui ont engagé la réflexion sur tous ces sujets, notamment vous, Monsieur le ministre, ainsi que le Président de la République et le Premier ministre.

Pour la première fois, quatre représentants de la nation s’ajouteront au comité d’experts, qui était traditionnellement réuni en conclave restreint et hermétique.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Dont Mme Adam !

M. Michel Voisin – Je m’en réjouis. Avec cette plus grande transparence du débat stratégique, c’est un processus participatif qui s’esquisse. Cela démontre bien la volonté du Gouvernement de renforcer l’esprit de défense.

Nos frontières terrestres ne sont plus menacées en dépit de la trop lente montée en puissance de l’Union européenne. Il reste que notre territoire ne se limite pas à l’hexagone : nous devons penser à nos frontières maritimes et aériennes. Nous sommes également liés à d’autres pays par le jeu des alliances bilatérales et multilatérales, qui pourraient avoir pour effet de mobiliser nos forces sur d’autres continents.

Dans ce contexte, qui n’est guère plus rassurant que celui de la guerre froide, il convient de ne pas baisser la garde : nos forces armées doivent disposer des moyens nécessaires à notre défense et au respect de nos engagements. Notre système militaire doit également être à la hauteur du rôle international que notre pays entend jouer, notamment au sein de l’Europe politique que j’appelle de mes vœux.

On ne peut toutefois ignorer les contraintes budgétaires actuelles, et c’est sans doute l’un de vos plus grands mérites, Monsieur le ministre, que d’avoir su concilier le maintien de notre niveau de défense et le retour à l’équilibre budgétaire. Vos services participent à la révision générale des politiques publiques, et ils mènent aussi une revue des programmes engagés ou à venir. Cet exercice de bon sens est réalisé en cohérence avec le Livre blanc et les travaux d’élaboration de la loi de programmation militaire ; il ne s’achèvera qu’à la fin de l’année, mais vos services en ont déjà profité pour mieux répartir les crédits et optimiser leur utilisation. En reconsidérant systématiquement les calendriers des programmes, nous devrions enfin réduire la bosse budgétaire qui s’annonce.

Les efforts accomplis ont déjà porté leurs fruits. Pour la première fois, les crédits d’équipement devraient respecter la loi de programmation militaire. Des crédits sont par ailleurs prévus pour le second porte-avions en attendant que la question soit tranchée. Il semble en effet peu probable que la France se prive d’un tel outil, à moins de renoncer à toute ambition sur la scène internationale.

N’oublions pas non plus que notre industrie d’armement est confrontée à une concurrence accrue. Face à cela, l’heure des simplifications est venue. Il faut notamment saluer les efforts de réduction des contraintes déjà engagé – délais d’instruction des dossiers, souplesse, adaptation des procédures selon l’importateur et allégement des contrôles et formalités.

J’en viens aux grands programmes aériens et terrestres, dont le niveau permettra le renouvellement des forces. Il convient en effet de renforcer nos moyens de projection forces, la participation aux OPEX ne semblant pas devoir diminuer.

Sur ce dernier point, je salue l’effort de budgétisation des crédits qui a été engagé. Nous n'en sommes plus, et c’est heureux, à l’époque où le Parlement ignorait tout du budget de ces opérations et découvrait qu'elles étaient financées par des transferts internes au détriment soit de la condition militaire, soit de l’équipement des forces. Il faut se féliciter de cette évolution, car nos forces années seraient inopérantes si nous n’accordions pas la priorité au maintien en condition opérationnelle. Les crédits ouverts en loi de finances restent certes modestes, mais dans ce domaine aussi l'indispensable effort de rationalisation paraît porter ses fruits : faire mieux au moindre coût en développant « l'interarmisation » est en effet devenu la devise des états-majors. L'imagination a remplacé la force de l'habitude !

Je rappelle également que la défense ne saurait exister sans les hommes et les femmes, civils et militaires, qui servent cette grande cause.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  C’est vrai !

M. Michel Voisin – En 2008, 25 millions d'euros seront ainsi affectés au plan d'amélioration de la condition militaire et des efforts sans précédent seront consentis en faveur des personnels civils.

Un mot enfin sur la proposition de loi que je vais prochainement déposer. Sans aucune incidence financière...

M. Jean-Claude Viollet – On dit ça !

M. Michel Voisin – …elle aura une grande valeur symbolique. Il est dans nos forces armées des hommes qui servent notre drapeau de façon exemplaire et qui portent avec honneur les couleurs de la France dans des missions difficiles. Je veux parler des légionnaires, et il me parait souhaitable que notre pays leur accorde une reconnaissance minimale en rendant systématique l'acquisition de la nationalité française pour ceux qui la souhaitent, à la fin de leur engagement de cinq ans. Vous ne pouvez pas, Monsieur le ministre, ne pas soutenir cette juste cause.

Parce que le budget qui nous est présenté est réaliste et équilibré, le groupe UMP votera les crédits de la mission « Défense » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Cazeneuve – Faisant écho aux préoccupations qu’avec honnêteté vous avez vous-même exprimées devant notre commission, Monsieur le ministre, je reviendrai sur le budget de la marine. Un peu plus de 15 milliards de crédits sont destinés à l’équipement de nos forces mais vous avez exposé qu’il faudrait augmenter la dotation globale de 30 à 40 % pour honorer les engagements pris par votre prédécesseur. Les budgets inscrits n’étant pas hiérarchisés, que sacrifierez-vous, et avec quelles conséquences pour les industries ? Même si le Président de la République considère que politique de défense et aménagement du territoire ne se recoupent pas, il serait dommage qu’une réforme ambitieuse ait été pensée pour la DCN sans qu’on lui donne les moyens de réussir.

Sur le plan stratégique, certaines questions se posent, qui n’ont rien de polémique, mais qui appellent une réflexion commune. Selon M. Chirac, la coopération franco-britannique devait permettre de réduire les coûts et de renforcer l’interopérabilité des équipements. Il faut donc la juger à cette aune. Est-on sûr qu’il en sera ainsi ?

S’agissant de la dissuasion, et compte tenu de leurs performances, avez-vous l’intention, Monsieur le ministre, d’adapter tous les bâtiments lanceurs d’engins pour leur permettre d’embarquer des missiles M 51 ?

J’en viens aux FREM. Dix-sept étaient programmés, dont une première tranche de huit. Garantissez-vous sa réalisation, et celle de la seconde tranche ?

Enfin, je partage la préoccupation exprimée par Mme Lamour, s’agissant de la sécurité en mer. Au moment où le Président de la République affirme son intérêt pour le développement durable, quelle part y aura la marine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-Jacques Candelier – Si l'avenir de la défense nationale dépend de la publication du Livre blanc, le Gouvernement use de cette échéance pour dissimuler les réformes du budget 2008.derrière un écran de fumée. C'est pourquoi j'entends faire le bilan social des réformes et de plusieurs années de pratiques dévastatrices pour notre défense nationale (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Tout d'abord, je regrette l'engagement du Gouvernement dans une course aux armements, par le biais de l’importante augmentation des crédits consacrés au nucléaire, dont l’utilité dans la lutte contre le terrorisme est tout à fait contestable.

Le traitement réservé au personnel de la défense est éloquent, et le président de la commission de la défense parle lui-même de « dégraissage des armées ».

M. le Président de la commission de la défense – Je n’ai jamais dit cela !

M. Jean-Jacques Candelier – Plus de 6 000 postes seront supprimés, qui s’ajouteront aux 68 000 postes déjà supprimés en douze ans. Il serait souhaitable de mieux cerner les attentes des personnels militaires, s’agissant de leurs conditions de vie. Pour le personnel civil, plus de 1 200 postes sont sacrifiés, ce qui aura des conséquences dramatiques sur l'accomplissement de leur mission de soutien des forces. L'externalisation des tâches concerne maintenant ce qui était auparavant considéré comme leur « cœur de métier », des savoir-faire disparaissent, des missions régaliennes sont privatisées. C'est à se demander si le personnel civil a encore une place au ministère de la défense !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Oui, il en a une !

M. Jean-Jacques Candelier – La poursuite de cette réorganisation ne repose sur aucune logique d'ensemble ni aucune preuve d'efficacité. Les tâches de secrétariat, par exemple, continueront d'être trop souvent assumées par des militaires, ce qui constitue une très mauvaise répartition du travail. Le personnel civil, qui représente près de 19 % des emplois du ministère, devrait avoir droit à une perspective de déroulement de carrière et de rémunération dans la fonction publique ; avec l'individualisation des rémunérations, la casse du statut et la privatisation, c'est tout le contraire qui leur est proposé.

Par ailleurs, l'État, actionnaire majoritaire des entreprises de défense, devrait avoir une influence sur leur stratégie et leur politique sociale. Or, leurs dirigeants se soucient plus de rentabilité financière que de politique industrielle (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Pour Nexter, des millions ont été perdus sur les marchés boursiers et des luttes intestines ont éclaté entre les dirigeants, ce qui a conduit l'entreprise à devenir le leader mondial de la suppression d'emplois (Exclamations sur les mêmes bancs). La direction entend même remettre en cause les accords sur la durée et l'organisation du temps de travail et, de l'aveu même du président de l’entreprise, les plans de restructuration ont fait disparaître de nombreuses compétences.

La situation de l'entreprise DCNS est similaire : ses carnets de commande se remplissent mais il y a de moins en moins de travail dans les ateliers et le savoir-faire disparaît. DCNS ne fabrique plus, mais vend ses capacités techniques et technologiques, dans une logique d'externalisation complète de ses missions. Il en résultera que, demain, DCNS, entreprise sans usine, n'aura plus d'ouvriers ni d'ingénieurs mais seulement des actionnaires à rétribuer (Protestations sur les bancs du groupe UMP). L'argent public servira alors à payer des demandeurs d'emploi et les navires français seront achetés à l'étranger. Cette société veut d’ailleurs se placer sur des marchés tels que le nucléaire civil ou la sécurité des bases aériennes, activités très éloignées de la construction navale militaire, son secteur phare.

Les déboires actuels d'EADS devraient faire réfléchir ceux qui ont décidé d'ouvrir le capital de DCNS au privé. Ce processus de destruction semble déjà bien engagé, quand on sait que les 120 cadres dirigeants de DCNS ont augmenté leurs rémunérations mensuelles de plus de 2 000 euros en six mois l'année dernière (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

La même politique antisociale est appliquée à la Société nationale des poudres et des explosifs et à ses filiales, et les dernières déclarations du ministre confirment l’absence totale de visibilité sur l'avenir de ce groupe.

Cette irresponsabilité doit cesser, y compris au plus haut niveau de l'État et des organismes de direction des entreprises.

J'ajoute enfin qu'en matière d'industrie d'armement, l'Europe, que de hauts stratèges présentent comme étant la solution à tous les problèmes, n'existe que pour mieux nous absorber, à l'image de ce qui a eu lieu avec Airbus. Ce qui se passe aujourd'hui chez EADS se passera demain pour tous les industriels de la défense.

Au vu de ce triste bilan, les députés communistes et républicains voteront contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. Philippe Vitel – Revue de programmes, Livre blanc, élaboration de la prochaine loi de programmation militaire seront les moments forts de la réflexion voulue par le Président de la République sur l’avenir de notre système de défense. Dans ce contexte, je traiterai plus particulièrement de l’avenir de notre marine. Nos forces navales interviennent en matière de dissuasion – qui doit rester le pivot de notre défense – de projection de nos forces et de protection de nos côtes, en métropole et outre-mer.

Nos forces navales sont tout d’abord un élément essentiel de notre force de dissuasion nucléaire. Depuis quelque temps, se développe un débat sur la question de savoir si la France doit conserver les deux composantes de cette force, navale et aéronavale d’une part, aéronautique d’autre part. Selon moi, c’est un faux débat, car l’abandon de la composante aérienne proposée par certains ne se justifie pas en termes de défense. En matière de dissuasion, nos forces navales ont un rôle prépondérant qu’aucun président de la République n’a remis en cause depuis le lancement du Redoutable par le général de Gaulle en 1967. Le résultat de cet effort permanent est que notre flotte stratégique est en modernisation constante. Ainsi, dans quelques mois, le dernier SNLE NG sera mis à la mer, puis viendront les missiles M 51 qui décupleront les capacités de nos sous-marins lanceurs d’engins.

Mais pour que notre flotte stratégique soit efficace, nous avons besoin d’une flottille de sous-marins nucléaire d’attaque. Mme Alliot-Marie a lancé le programme Barracuda qui devrait remplacer progressivement les Rubis au cours de la décennie prochaine. Mais les rumeurs sur le nombre d’unités et le calendrier sont inquiétantes. Amputer ou étaler ce programme serait très dommageable, d’abord pour l’efficacité de nos forces, car avec moins de sous-marins nucléaires d’attaque, il faudrait choisir entre dissuasion et projection. Ce serait dommageable pour notre tissu industriel, car nous restons le seul pays avec les États-Unis à être capable de fabriquer des sous-marins nucléaires. Et l’exemple britannique prouve qu’un savoir-faire se perd vite et souvent à jamais. Le programme Barracuda doit donc rester une priorité.

En second lieu, les forces navales ont un rôle déterminant en ce qui concerne la projection. Je n’entame pas le débat sur projection de force et projection de puissance. Mais sur un plan politique et diplomatique, le Gouvernement a absolument besoin de disposer de moyens de projection pour marquer sa détermination à protéger nos intérêts vitaux ou la paix quand elle est menacée, conforter nos alliés, respecter nos engagements internationaux et conduire nos adversaires potentiels à réfléchir.

Or, nous sommes privés de cet outil indispensable puisque le Charles de Gaulle est en révision pour un an encore. La décision de principe sur la construction d’un deuxième porte-avions a été prise il y a deux ans par le président Chirac. Mais le débat est ouvert. C’est là une des décisions les plus importantes que nous ayons à prendre car elle engage notre défense pour le demi-siècle à venir. Trop souvent, on n’envisage l’intérêt d’un deuxième porte-avions que pour suppléer le Charles de Gaulle. D’abord, si l’Europe dispose aussi de deux porte-avions britanniques, elle aura quatre bâtiments contre dix aux États-Unis, alors que le rapport actuel est de douze pour un. Ce serait un rééquilibrage de l’Alliance atlantique. Ensuite, avec ce deuxième porte-avions, nous disposerions d’un capacité de raids massifs pouvant aligner deux fois 24 Rafale par jour, et assurer jusqu’à 75 missions aériennes, donc de la maîtrise de l’espace aérien et d’un bon soutien des opérations à terre. Et nos deux porte-avions seraient complémentaires. Le second permettra les entraînements d’appontage, que nous effectuons aujourd’hui à grands frais sur des bâtiments américains ou brésiliens, ainsi que l’accueil de pilotes étrangers, indiens par exemple. Cette complémentarité permettra d’utiliser chaque fois le bâtiment le plus adapté à une mission, ce qui allongera la durée de vie de chacun.

Enfin, construire un second porte-avions est un grand défi industriel. L’investissement serait de moins de trois milliards, ce qui, étant donné la durée de vie du bâtiment, n’est pas démesuré. La coopération avec les Britanniques permettrait aussi de faire des économies sur de nombreux postes, des études à la formation. Et l’impact industriel serait important, avec 2 400 emplois directs sur sept ans et demi et la fourniture d’un million de pièces différentes par un millier d’entreprises partenaires. Pour toutes ces raisons, il faut mettre le second porte-avions en chantier le plus rapidement possible.

Enfin, notre marine remplit des missions de plus en plus nombreuses de sauvegarde maritime. Désormais, 70 % de la population du globe vivent à moins de 300 km d’une côte. Le trafic maritime a explosé, avec les risques que cela représente pour l’environnement, l’immigration illégale, les trafics divers. Aujourd’hui, il ne peut y avoir de sauvegarde maritime sans coopération internationale. C’est particulièrement vrai en Méditerranée.

Des décisions que nous prendrons dans les prochains mois dépendra la crédibilité de notre défense et le rayonnement de notre pays. Agissons pour que la France soit en permanence engagée pour la paix, dans le respect des autres nations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Charasse – D’abord, Monsieur le ministre, je rends hommage à votre sincérité. Vous nous aviez prévenus : le budget de la défense n’allait pas être à la hauteur des attentes. Mais peut-on accepter une baisse de 250 millions environ en euros constants ?

Je voudrais soulever quatre questions. La première porte sur les personnels. Vous supprimez 13 000 postes, et vous proposez d’exploiter un gisement d’économies dans les fonctions d’administration et de soutien. Mais, hors des forces elles-mêmes, ainsi sanctuarisées, tous les personnels remplissent ces fonctions. Dès lors quelles sont les priorités ? Et d’autres pays ont cru préserver le fer du javelot en raccourcissant son bois. S’en servir ensuite demande des efforts douloureux.

Cela m'amène à ma seconde remarque, sur l'opérationnel justement. Je pense qu'il est de notre devoir d'affirmer aujourd'hui que nous avons besoin d'une politique de défense digne de ce nom. La diffusion de la menace ne la fait disparaître qu'aux yeux de ceux qui continuent de regarder dans une seule direction.

Cette période où s’accumulent un discours simpliste sur l'utilité de la défense, un retard considérable dans les équipements, une absence de traduction matérielle des visions stratégiques et politiques que nous pourrions partager, un démantèlement de l'industrie de l'armement qui remet en cause notre autonomie, un vide en matière de projet de coopération européenne, me rappelle de très mauvais moments de notre histoire. La prospective en ce domaine sera discutée, j'ose l'espérer, dans le cadre du Livre blanc.

En troisième lieu, que faisons-nous ici si les choix se font ailleurs ? On évoque une restructuration géographique des armées, au moins de terre et de l’air, on discute de nouveaux rapports avec l'OTAN, voire du rôle du Parlement dans la politique de défense. Mais c'est ici qu'est déposée la souveraineté populaire. Sans doute serait-il peu opportun de débattre publiquement de toutes les questions de défense. Mais les élus du peuple, et à tout le moins les membres de la commission, pourraient être associés aux réflexions.

Enfin, l'ensemble des crédits de la gendarmerie devrait passer sous la responsabilité du ministre de l'Intérieur à compter du 1er janvier 2009. Ce corps connaît un malaise profond. Je souhaiterais qu’avant la mutation, ces personnels qui assurent des missions difficiles et garantissent la présence de la République sur tous les points du territoire et en tout temps, soient accompagnés et défendus.

Avec mes collègues radicaux de gauche, j'attends vos réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Pierre Dupont – Dans ce budget 2008 de la défense, qui est de transition, puisque c’est le dernier de la loi de programmation, j’évoquerai les crédits de l’armée de terre. Avec 9,2 milliards de crédits de paiement, elle pourra maintenir les efforts des années précédentes, en attendant les orientations du libre blanc. Nous n’en sommes pas à 2 % du PIB, mais les réformes sont urgentes pour mieux adapter nos moyens et nos ambitions.

Vétusté des matériels, manque de moyens d’entraînement, projection des unités en flux tendu, éclatement des moyens de soutien, difficulté de fidéliser les personnels, tels sont les problèmes que doit affronter l’armée de terre. Sur fond de stabilité des crédits, les dépenses de personnels bénéficient d’un effort de revalorisation, tandis que les dépenses de fonctionnement sont fortement contraintes. En deux ans, la diminution des crédits de vie courante et des crédits consacrés à l’entraînement équivaut au budget de fonctionnement de 13 régiments. On atteint ici les limites de la stabilité budgétaire, au vu des missions opérationnelles des forces terrestres. Car elles forment une armée d’emploi, ayant vocation à être engagées en permanence. Elle ne peut donc sacrifier l’entraînement, sauf à compromettre le succès de ses missions, voire la vie de ses hommes.

Le maintien à niveau constant des crédits de matériels est également préoccupant, puisque les coûts d’entretien et d’acquisition augmentent de façon exponentielle. De ce fait, l’armée de terre est contrainte à segmenter ses investissements, ce qui perturbe la cohérence opérationnelle. Elle risque aussi de voir ses capacités diminuer et de devenir tributaire des moyes de nos alliés.

Le budget 2008 a pris en compte ces difficultés, en encourageant les livraisons et commandes d'équipements majeurs. Les réformes à venir devront impérativement poursuivre ces efforts, pour que l'armée de terre dispose de matériels et d'équipements mieux adaptés à ses missions. Mais s’il faut donner des moyens pour les matériels, il ne faut pas perdre de vue les personnels. Le recrutement et la fidélisation doivent être des priorités pour le premier employeur de France, quel que soit le statut ou le type de contrat concerné. La réserve opérationnelle ne doit pas non plus être oubliée, qui a vocation à représenter 20 % des capacités opérationnelles d’ici à 2012.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial – Tout à fait.

M. Jean-Pierre Dupont – Sa dotation financière pour 2008 a le mérite d’être maintenue, mais elle demeure insuffisante par rapport à la demande croissante de l'armée de terre pour faire appel à ces militaires à part entière.

Pour conclure, je formule le vœu que l'armée de terre puisse rester l'acteur majeur de la politique internationale de la France. Sa vocation est d'être un pilier et un moteur de la construction de l'Europe de la défense, puisqu'elle est l'une des trois armées de terre au monde capables d'être « nation cadre » d'une opération interalliée de grande ampleur.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial – Absolument !

M. Jean-Pierre Dupont – Selon Bonaparte, la haute politique n'est que le bon sens appliqué aux grandes choses. La défense nationale étant une grande chose, j’ose espérer que nous ferons preuve de bon sens dans les réformes à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Michel – J’aurais pu, Monsieur le ministre, choisir de parler de la France et de l’OTAN, comme si les problèmes d’indépendance et de souveraineté ne se conjuguaient pas au quotidien, ou de la bosse budgétaire – que nous avions signalée à votre prédécesseur. Mais je veux appeler votre attention sur l’espace, qui s’est imposée, en deux décennies, comme une dimension essentielle de l’autonomie stratégique et de la gestion des crises et des conflits. Par les capacités de renseignement et d’observation qu’il offre, il détermine le pouvoir de décision des responsables politiques. Au niveau tactique, il apporte sans cesse de nouvelles aides, en matière par exemple de positionnement et d'information. Vous avez, Monsieur le ministre, reconnu l’enjeu stratégique que représente le spatial militaire lors de l’université d’été de Toulouse, et son caractère indispensable. Mais la réalité du budget semble bien en deçà des promesses.

La loi de programmation militaire 2003-2008 prévoyait une stabilisation du budget spatial militaire apte à permettre la modernisation décidée par le gouvernement précédent. Elle a permis le développement de programmes importants, comme Hélios II pour l'imagerie ou Syracuse III pour les télécommunications. Mais si le montant moyen annuel des crédits de paiement devait être de 450 millions, les crédits effectivement consommés n’ont pas dépassé 370 millions jusqu'en 2006, alors que l’importance de la dimension spatiale dans toute défense moderne est de toute évidence appelée à croître et qu'elle est en outre essentielle à l’autonomie stratégique au niveau européen. Observer, communiquer, localiser et alerter ne seraient donc pas des missions essentielles ?

Les crédits votés en loi de finances initiale ont diminué de 2002 à 2004 et n’ont amorcé une reprise nominale qu’en 2005, mais les crédits effectivement consommés ont toujours été très inférieurs – 79,7 % en 2005. Aujourd’hui, l’effort budgétaire se relâche de nouveau, alors que votre prédécesseur Mme Alliot-Marie avait dit vouloir le porter à 600 millions par an plutôt que 450. Cela aurait pourtant permis d’effectuer un saut qualitatif, mais aussi de satisfaire les légitimes ambitions françaises et de relancer la dynamique de coopération au niveau européen. Qu'attend-on pour le faire ? Le total des crédits des programmes 146 et 144 ne se monte qu’à 393 millions, soit nettement moins que les cinq années précédentes, sans même parler des ambitions de Mme Alliot-Marie. Je vous adjure de rectifier le tir pendant qu’il est encore temps. Ne laissez pas la France perdre le leadership européen qu'elle avait conquis par l'intelligence de ses chercheurs et la vision à long terme de ses responsables politiques. La capacité spatiale européenne d'observation pour les dix prochaines années se décidera dans les deux ans à venir. Il faut lancer un effort complémentaire important, estimé à 2 milliards par an pour les 27 pays de l’Union, sachant qu’ils consacrent aujourd’hui vingt fois moins à l’espace que les États-Unis !

Allez-vous continuer longtemps à négliger l'importance de ce secteur dans notre défense et à amputer ses crédits au mépris des engagements politiques de votre propre majorité ? Il n'y aura pas d'Europe de la défense sans capacité spatiale militaire, et donc sans les moyens correspondants. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Alain Moyne-Bressand – Le budget de la gendarmerie, inscrit dans la mission « Sécurité », a certes déjà été discuté mais les gendarmes sont très attachés à leur appartenance à la communauté de défense et je crois opportun, à l’occasion de cette mission « Défense », de vous alerter sur leurs inquiétudes, tout en leur renouvelant notre indéfectible reconnaissance. Des extraits du rapport Mongin ont été diffusés dans la presse, faisant état de la suppression de 8 à 10 000 postes et de la fermeture possible de près de la moitié des brigades. Ce rapport, dont nous n’avons pas connaissance, a suscité un grand émoi au sein de la gendarmerie, mais il a aussi jeté le trouble chez les élus et la population. Les gendarmes se félicitent de la réorganisation qui a eu lieu, avec la création de communautés de brigades qui diffusent une culture de performance et permettent une constante amélioration des résultats. Il faut donc répondre à leurs inquiétudes et discuter de ce rapport.

La gendarmerie s’inquiète aussi des rumeurs faisant état de son rattachement au ministère de l'intérieur. Si la nature de ses missions a motivé son rattachement pour emploi, et seulement pour emploi, le statut de son personnel, nombre de ses compétences et sa participation à des missions de défense à l’extérieur lui confèrent une place naturelle au sein du ministère de la défense. Nous devons apporter aux gendarmes des garanties quant au maintien de leur statut militaire. Quelle compétence le ministère de la défense gardera-t-il pour la gendarmerie, notamment au niveau budgétaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Rousset – Je voudrais appeler votre attention, Monsieur le ministre, sur les aspects industriels de cette mission. Commençons par rappeler le contexte : la forte influence de la baisse de la monnaie américaine sur les flux industriels, qui risque d’aboutir à déplacer certaines technologies sensibles hors de France, peut-être de manière irréversible ; l’atomisation de nos PME, qui rend difficile leur effort de recherche et d’industrialisation initiale ; la faiblesse de notre dispositif de capital-risque et de capital-développement ; celle des moyens accordés à l’innovation par rapport aux pays concurrents ; le flou des choix en matière militaire et, comme on l’a vu pour le Rafale, la difficulté pour l’État de prendre des décisions rapides ; enfin, les retards de paiement, qui entraînent des difficultés pour nos PME.

Quelle stratégie industrielle, donc, pour la France ? Un mot d’abord sur l’Europe : il serait intéressant de tenir, avant la présidence française, un débat sur les initiatives qu’elle développera pour le partage des charges de la défense à l’échelle européenne. Il faut aussi mener une réflexion sur les retards de différents programmes, comme le NH 90 ou l’A 400M, dans lesquels l’organisation industrielle européenne porte une part de responsabilité.

En commission, je vous ai posé une question importante : quelles sont, pour la défense nationale, les technologies critiques sensibles auxquelles la DGA et l’ensemble de notre dispositif d’appui à l’innovation doivent apporter leur appui ?

Que fait-on sur les composites ? Le programme initié par vos prédécesseurs, sur les plans civil et militaire, est notoirement insuffisant pour passer du métal au composite. Que fait-on sur l’électronique de puissance ? Sur la maîtrise des systèmes complexes ? Sur les outils de simulation, les systèmes radar, sonar, de surveillance électromagnétique ? Quid de l’avionique militaire, avec les problèmes du Rafale ?

En réalité, le problème du maintien des compétences pose celui de l’emploi. Les pôles de compétitivité apportent un concours, mais ils ne suffisent pas. Quelle politique industrielle pour faire mieux travailler ensemble la DGA, l’ANR, Oseo, l’ensemble du dispositif et le réseau des régions, notamment dans l’économie duale, laquelle, au regard des chiffres, ne bénéfice que d’une part assez restreinte de votre budget : 200 millions y sont consacrés…

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis – Mais non ! L’effort excède largement 200 millions.

M. Alain Rousset – On a parlé tout à l’heure du spatial, domaine s’il en est où l’économie duale joue un rôle majeur.

S’agissant de la surveillance, la coopération avec le ministère de l’intérieur est indispensable.

Notre modèle n’est-il pas trop colbertiste ? Associe-t-il suffisamment l’ensemble des forces technologiques et scientifiques ? Quant à nos PME, elles sont trop émiettées et leur rapport à nos grands groupes est plus de domination que de co-traitance. Lorsqu’il a lancé le plan Power 8, le président Gallois a demandé que se créent des sous-ensembles capables de pré-financer la recherche et l’industrialisation, ce que l’on appelle en langage technique le risk sharing.

Il en est de même de l’industrie de la défense. Nous ne pourrons pas partager un certain nombre de programmes si l’on ne structure pas mieux notre tissu de PME. En Aquitaine ou en Midi-Pyrénées, en moyenne, les PME de la défense ou de l’aéronautique n’emploient pas plus de 35 à 55 personnes. Il est impossible pour elles de pré-financer de la recherche ou de l’investissement. Quels sont les dispositifs que nous pouvons mobiliser ? Une structure de capital-risque dépend du ministère de la défense, la Financière de Brienne : peut-être serait-il intéressant de concevoir, avec la Caisse des dépôts et consignations, un système permettant de restructurer les PME dans ce domaine. En vue de moderniser notre industrie de défense, il serait précieux de disposer d’un plan de restructuration des PME associant l’État, les régions et les grands groupes…

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis – Vous voulez la fin des PME ?

M. Alain Rousset – Cher collègue, les PME ont aujourd’hui une taille insuffisante. Elles n’exportent pas assez et ne sont pas présentes dans les niches industrielles qui les feraient échapper à la concurrence. Moralité, elles sont sous le coup du dollar ! Si l’on ne comprend pas cela, la France n’aura jamais de politique industrielle !

Je voudrais aussi comparer les dispositifs d’appui à l’innovation de la France avec ceux de ses principaux concurrents. Pratt & Whitney, au Canada, vient d’obtenir 750 millions de dollars pour développer un moteur concurrent de Turbomeca : quelle action internationale peut-on mener pour éviter ce type de concurrence ? Le laboratoire de recherche sur les semi-conducteurs commun à Thalès et Alcatel est aidé par l’État à hauteur de 10 % ; le même programme, aux États-Unis, est aidé à 100 %. À travers le programme de la NASA, c’est l’État fédéral américain qui aide à la mise au point du fuselage du Boeing 787. En France, nous n’avons pas ce type d’aides et l’économie duale en pâtit. Le Land de Hambourg, qui n’a qu’un million et demi d’habitants, consacre 175 millions d’euros par an à la politique d’innovation ; la région Aquitaine, que j’ai l’honneur de présider, consacre 7 % de son budget à l’innovation, c’est la première région française en ce domaine – or, elle ne peut investir que 60 millions. Nous sommes donc dans une situation difficile.

Enfin, il faut penser au renouvellement des compétences stratégiques. Les ingénieurs en poste dans nos entreprises seront bientôt atteints par la limite d’âge. Le maintien de nos savoir-faire suppose que les entreprises attirent aujourd’hui les ingénieurs de nos meilleures écoles. Il faut opérer un renouvellement des élites dans l’industrie de la défense, lancer un plan pour attirer les meilleurs dans ces entreprises, sans doute en développement la dualité entre civil et militaire.

Bref, il faut accroître notre effort en faveur de l’innovation, renforcer nos capacités d’anticipation et préciser les choix que nous donnons à nos industriels (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Patrick Beaudouin – Comme l'ont indiqué nos rapporteurs et le président Teissier, le maintien des capacités opérationnelles de nos armées suppose certes des efforts en direction des matériels, mais il impose également de mobiliser et fidéliser les militaires et les civils de la défense. Je suis particulièrement sensible à ces questions de personnel, car elles participent de l'esprit de défense et du lien avec nos armées. Rapporteur pour avis du programme «Liens entre la nation et son armée», je souhaite souligner l'importance des ressources humaines dans les armées, en particulier sur deux points : les réserves et le plan « Égalité des chances » annoncé par le ministre.

Avec l'augmentation constante du nombre et de la complexité des opérations, les armées sont amenées à faire appel à des personnels spécialisés, qu'elles ne peuvent pourtant pas employer en permanence, sauf à disposer de crédits illimités. Las, le recours à des contractuels ne permet pas de répondre à l'ensemble des besoins, et il est inopérant pour les missions de courte durée ou celles exigeant une expérience militaire importante. Les réservistes – notamment les jeunes retraités des armées – y pourvoient : ils disposent d'une réelle expérience militaire, peuvent être mobilisés pour des missions relativement courtes et ont développé des compétences particulières dans le domaine civil.

Les réservistes de la gendarmerie en constituent sans doute l'exemple le plus visible. Ainsi, en juillet dernier, 2 300 réservistes de la gendarmerie nationale étaient présents au sein des brigades ou des escadrons. La réserve est également amenée à intervenir en opérations extérieures : pour la première fois l'armée de terre a déployé en Bosnie un peloton logistique exclusivement composé de réservistes.

Le développement des missions confiées aux réservistes n'est toutefois possible que si l'objectif de 94 000 réservistes en 2012, fixé dans la LPM, est maintenu. Au-delà de la question du recrutement, il convient également de maintenir le niveau opérationnel des réservistes, donc d'organiser de façon permanente des entraînements et des formations. Pour cela, les crédits des réserves doivent être appréhendés globalement, et je ne peux que me féliciter du fait que le secrétaire d'État à la défense soit chargé de coordonner à vos côtés l'ensemble des actions en direction des réserves, ce qui devrait en renforcer la cohérence et la lisibilité.

La publication du décret d'application de la loi sur les réserves, le 7 octobre dernier, devrait permettre de mobiliser plus efficacement encore les réservistes, en les autorisant notamment à être appelé jusqu'à 210 jours pour des OPEX à caractère international. Une incompatibilité majeure entre ces objectifs d'emplois et les moyens apparaît cependant, dans la mesure où les crédits alloués aux réserves ne permettent pas de maintenir, dans le même temps, l'activité moyenne des réservistes autour de 20 jours et de poursuivre les recrutements programmés. Compte tenu de ce cadre budgétaire, un choix devra donc être fait entre le recrutement et l'activité. Cette décision remet-elle en cause l'objectif final de 94 000 réservistes ? Je souhaiterais, Monsieur le ministre, que vous puissiez nous rassurer sur l'évolution des crédits des réserves, aujourd'hui en baisse : seront-ils rapidement réévalués, de manière à mettre en adéquation les ressources et les missions ?

Un mot sur l'importance des mesures d'accompagnement de la reconversion professionnelle des militaires. Cette politique doit être poursuivie, renforcée et rationalisée, par une meilleure « interarmisation » des compétences, car elle participe au renforcement de l'image de nos armées.

J’en viens au plan « Égalité des chances ». Il répond à une double vocation : faciliter le recrutement du ministère en soutenant les jeunes, notamment en situation défavorisée. Votre plan, Monsieur le ministre, comporte huit mesures phares : tutorat pour les élèves de lycées proches des écoles militaires, mise en place de partenariats avec les lycées proches des établissements de formations militaires pour faciliter l'accès aux grandes écoles, objectif d'adhésion au cahier des charges du programme de l’Essec, en l'adaptant aux particularités des écoles militaires, qu'elles soient d'ingénieurs, de santé ou de formation initiales d'officiers, ouverture des lycées de la défense à des jeunes de milieux modestes, création des cadets de la défense ; enfin, une période militaire d'initiation et de perfectionnement à la défense nationale. Ce plan devrait aussi s’ouvrir aux fils et petits-fils de harkis.

Ces objectifs participent de la même logique que celle de l'EPIDe, lequel offre à des jeunes en difficulté scolaire, sociale et professionnelle, une véritable deuxième chance. Il ne serait pas cohérent de mettre en place ce plan sans accorder à l’EPIDe des moyens pérennes. Or, de récents arbitrages budgétaires laissent à penser que des réductions drastiques vont être opérées pour 2008, mais aussi dès cette année, alors que les besoins en crédits de paiement pour cette année sont de 63 à 65 millions. Compte tenu des ouvertures programmées avant la fin de l'année 2007 et de la livraison de centres neufs, les coûts de fonctionnement étaient estimés pour 2008 à 108 millions.

Nous sommes tous ici convaincus de la pertinence et de l'efficacité de ce programme d'avenir. Une stabilisation du dispositif est indispensable, et, bien que les crédits proviennent du fonds de cohésion sociale, je souhaiterais, Monsieur le ministre, que vous puissiez nous rassurer en nous précisant l'état d'avancement des négociations interministérielles à ce sujet. Quel calendrier vous donnez-vous pour la mise en place du plan ?

En conclusion, je tiens à saluer l'engagement et la compétence des femmes et des hommes qui œuvrent au quotidien pour notre sécurité et pour notre défense, sur le territoire métropolitain comme à l'étranger. La difficulté et le nombre de leurs missions nous invitent à examiner avec attention les moyens qui leur sont donnés. Les réserves participent de cet effort, et s'inscrivent dans une approche globale des ressources humaines que résume bien le plan « Égalité des chances », en favorisant la reconnaissance du mérite de tous les personnels qui servent nos armées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Permettez-moi, même s’il est d’usage d’oublier ce que nous sommes dans le civil en montant à cette tribune, de dire l’émotion que je ressens à l’instant où je présente mon premier budget de la défense, après avoir servi dans cette maison, au banc des commissions, sous la houlette d’un ancien président de la commission de la défense ici présent, puis au banc du Gouvernement, sous une précédente législature. C’est donc un grand honneur que celui de vous présenter ce premier budget de la législature.

Le débat budgétaire sur la défense est un moment important de la vie démocratique : c’est à cette occasion que la représentation nationale prend la décision d’accorder à ses armées les moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. Il permet aussi aux députés d’interroger le Gouvernement sur les tenants et aboutissants de la politique de défense. Vos questions ont été riches et nombreuses : j’y répondrai en toute transparence. Au reste, j’aspire à ce que les rapporteurs pour avis et spéciaux jouent le rôle d’aiguillon dont chaque ministre a besoin pour faire évoluer le département dont il a la charge.

Permettez-moi enfin, puisque je vous présente – vous l’avez tous dit – un budget de transition, le dernier de la LPM, de rendre hommage à mon prédécesseur, Mme Alliot-Marie, qui a su défendre avec constance et abnégation, cinq années durant, les crédits de la défense, leur évitant, sans doute pour la première fois dans l’histoire de notre République, d’être obérés au gré des exercices budgétaires successifs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Vous l’avez tous rappelé, notre outil de défense est confronté à des mutations majeures. Il s’agit tout d’abord de la multiplication des situations de crise et de l'augmentation constante des risques qui menacent la sécurité de notre pays comme de ses voisins européens. Pour y faire face, depuis 2003, la France a engagé des forces importantes sur le territoire national comme à l'étranger : plus de 33 000 hommes sont ainsi déployés en permanence hors de la métropole.

En outre, les missions des armées dans le cadre de la posture permanente de sûreté – dissuasion, contrôle de l'espace aérien et surveillance des approches maritimes, Vigipirate – ainsi que leur participation aux missions de service public mobilisent constamment des effectifs et des moyens comparables à ceux d'une OPEX de grande envergure.

Nos armées contribuent également à la stabilité et à la solidarité internationale, au titre desquelles 12 000 militaires ont été en permanence mobilisés dans le cadre d’OPEX depuis 2003 ; 12 700 à 12 800 devraient l’être en 2007, ce qui implique, si l’on tient compte des relèves, 60 000 départs en mission pour 2 à 6 mois. À cet égard, je tiens à saluer, comme M. Giscard d’Estaing, l’action civile et militaire de nos troupes, non seulement en Côte-d’Ivoire, mais aussi en Kosovo, en Afghanistan et partout où, au-delà du maintien de la stabilité, elles apportent aux populations des services de santé, des équipements ou une aide à la reconstruction.

M. François Sauvadet – Très bien.

M. Hervé Morin, ministre de la défense Et si le budget de l’aide au développement contribuait à ces efforts, j’en serais, moi aussi, très heureux !

En outre, les forces de souveraineté de nos départements et collectivités d'outre-mer incluent 17 000 militaires ; quant aux forces de présence déployées dans certains pays d'Afrique en vertu d'accords de coopération et de défense, qui réunissent 6 000 personnes, il appartiendra aux travaux menés dans le cadre du Livre blanc et de la revue générale des politiques publiques d’en réévaluer le cas échéant l’ampleur.

Je tiens à saluer le dévouement sans limites de ces femmes et de ces hommes qui s'engagent au service de la France, parfois au péril de leur vie – 13 d’entre eux ont été tués l’an dernier dans l'exercice de leur mission.

Quant aux capacités, la France appartient – avec le Royaume-Uni et les États-Unis – au club très restreint des pays capables de couvrir le spectre complet des opérations et d'exercer le rôle de nation-cadre au sein d'une coalition. La crédibilité de nos armées à l’échelle internationale est donc assurée, et leurs contrats opérationnels honorés dans l’ensemble, moyennant certes quelques aménagements et certaines fragilités, que d’aucuns ont relevées.

D’autre part, les nouvelles menaces auxquelles nous sommes confrontés – notamment la prolifération et le terrorisme, comme l’a rappelé M. Boucheron – nous obligent à repenser nos ambitions et à réfléchir aux moyens de nous adapter aux évolutions internationales présentes et futures. Or, l'état des lieux que j’ai sollicité en prenant mes fonctions au ministère de la défense, comme le souhaitaient le Président de la République et le Premier ministre, a montré le caractère problématique de l’évolution des dépenses liées à l'acquisition ou au remplacement des capacités imposés par le modèle 2015. Ainsi, à contrats opérationnels inchangés, les besoins en crédits d'équipement de 2009 à 2013 seraient en moyenne supérieurs de 41 % en volume aux crédits ouverts entre 2003 et 2007. L’effort indispensable consenti au cours de cette dernière période correspond au renouvellement périodique, tous les vingt ou trente ans, de la quasi-totalité de nos grands équipements. D’où les fameuses « bosses » évoquées par le président Teissier : la moyenne annuelle des crédits de paiement nécessaires jusqu’en 2013 s’élèvera à 22 milliards environ.

Que le niveau de ressources atteigne 1,75 % du PIB, comme l’ont soutenu certains, 1,71, si l’on applique les normes de l’OTAN, ou 1,91 – selon nos propres normes –, il s’agit, à l’intérieur de ces limites, de maintenir la cohérence d'ensemble des capacités et les normes d'activité et d'entraînement – j’y reviendrai à propos de l’armée de terre – tout en continuant d'améliorer la condition des militaires. Il faudra donc réexaminer nos orientations en matière de capacités et réformer à nouveau l'organisation et les implantations de nos armées, notamment en resserrant notre dispositif de soutien et d'administration au profit des unités opérationnelles.

Comment rationaliser ? Tout d’abord en recourant à des prestations croisées entre différentes unités, autrement dit à un dispositif de mutualisation adapté aux besoins. Aucune structure interarmées supplémentaire, aucune autorité nouvelle ne seront nécessaires ; il s’agit simplement de substituer à la tradition d’une chaîne hiérarchique maîtresse de ses moyens comme de ses missions le seul souci de la qualité du service et, en quelque sorte, de la satisfaction du client, quelle que soit la couleur de son uniforme ! Dans la mesure où cette révolution des esprits et des habitudes devrait néanmoins supposer un pilotage interarmées, nous poursuivrons, conformément aux suggestions du Livre blanc, l’effort d’interarmisation voulu par Mme Alliot-Marie depuis 2005.

La rationalisation passera également par une politique de densification des emprises, conforme elle aussi à l’objectif d’interarmisation ; sous réserve des conclusions du Livre blanc, il s’agira sans doute de créer des bases de garnison réunissant des régiments de l’armée de terre et de l’air et intégrant plusieurs établissements relevant des armées.

Enfin, la piste de l’externalisation, sur laquelle M. Giscard d’Estaing a attiré notre attention, devra être explorée, mais avec prudence. Mon homologue Des Browne me rappelait il y a quelques jours que les Britanniques envisageaient de limiter cette pratique, après y avoir largement recouru (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe UMP). De fait, le taux de TVA de 20 % qui s’applique aux services externalisés rend le procédé dangereusement coûteux.

Tels sont les enjeux des trois grands chantiers que constituent le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale – deux objectifs indissociables –, la revue des programmes d'armement et la revue générale des politiques publiques.

De manière tout à fait inédite, le premier associe, comme nous nous y étions engagés, non seulement les parlementaires, mais les membres de l’opposition – je remercie M. Voisin de l’avoir rappelé. Vous ne devriez pas, Madame Adam, vous poser la moindre question…

Mme Patricia Adam – Sept groupes de travail, sept parlementaires !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  … sur nos efforts de réorganisation, de rationalisation et d’interarmisation, auxquels réfléchit le GT6 du Livre blanc avant l’examen en séance publique.

M. Jean-Claude Sandrier – Mais tous n’y sont pas représentés !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Vos collègues ont la possibilité de vous tenir informés.

Interne à mon ministère, la revue des programmes d’armement porte sur l'opportunité et les modalités des programmes en cours ou prévus, qu’elle radiographie, si l’on peut dire, un par un, afin d’évaluer la marge de manœuvre dont nous disposerons pour élaborer la future programmation. Ainsi nous fournira-t-elle une boîte à outils permettant de mettre nos grandes hypothèses à l’épreuve de manière fiable et rapide.

Quant à la revue générale des politiques publiques, exercice commun à l’ensemble des ministères, elle devrait permettre des gains de productivité dans tous les domaines du soutien et de l'administration. Il ne s'agit pas de supprimer des services ou des fonctions parfois essentiels à l'activité de nos forces – par exemple le service des essences ou le service de santé des armées, sur lesquels M. Folliot a insisté à juste titre –, mais de les rationaliser et de les moderniser, c’est-à-dire d’œuvrer à leur restructuration et à leur mutualisation. Il s’agit tout simplement de tirer les conséquences de la professionnalisation des forces armées décidée il y a dix ans par le Président de la République de l’époque et de la mobilisation remarquable qu’elle a suscitée parmi les militaires et des personnels civils du ministère de la défense.

Soyez cependant assurés que je veillerai à associer à nos travaux, en amont, la commission de la défense et l’ensemble de votre Assemblée (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC). Le président de la commission et moi-même avons d’ailleurs déjà arrêté la date d’une réunion d’information à destination des membres de la commission. Je souhaite aussi améliorer le contrôle sur l’exécution des programmes d’armement.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis – Très bien !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Je présenterai donc au Président de la République un certain nombre de pistes pour nous doter d’un système plus performant. Car nous avons mis 32 ans pour aboutir à la mise en service opérationnelle du programme Tigre ; je vais inaugurer la première livraison d’hélicoptères au cinquième RHC de Pau vendredi, alors que le programme avait été lancé en 1975 ! Tous ces travaux doivent converger pour que nous puissions adopter une nouvelle loi de programmation militaire au printemps prochain.

Monsieur Voisin, vous avez raison : ce n’est pas le moment de baisser la garde, alors que l’ensemble du monde se réarme, à l’exception de l’Europe. Il nous faut maintenir notre effort de dépense, consentir, même, un effort supplémentaire pour passer le cap de 2009.

Le second préalable à la loi de programmation, c’est la confirmation de notre autonomie de décision, qui implique des capacités solides en matière de commandement et de renseignement. Notre pays doit rester une puissance crédible, possédant l’ensemble des grandes capacités militaires ; il est inconcevable d’y renoncer. Ce qui ne doit pas nous empêcher de développer des coopérations internationales ; au contraire, il est d’autant plus facile de coopérer que l’on est fort.

Certains s’inquiètent de l’éventualité de suppressions de bases ou s’alarment du fait que, par exemple, il serait prévu de ne garder que huit FREMM. Tout cela relève de la désinformation ! Aucune décision n’est arrêtée à ce jour ; les décisions ne peuvent être prises qu’au terme des exercices que j’ai décrits, et le travail actuellement mené est un travail interne, qui ne repose sur aucun arbitrage politique prédéterminé.

M. Jean-Claude Sandrier – Et ensuite, vous ferez la tournée des régions !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  S’il y a des réorganisations à mener, M. Viollet, cela ne se fera pas sans le temps nécessaire à la réadaptation des bassins d’emploi et à l’accompagnement social du personnel.

M. Jean-Claude Sandrier – Comme pour la carte judiciaire !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Monsieur Moyne-Bressand, comme l’ensemble des services de l’État, les forces de sécurité sont appelées à améliorer leur organisation, en favorisant notamment les synergies entre la police et la gendarmerie en matière d’équipement, de formation et de fonctionnement. Mais à aucun moment, il n’est question de remettre en cause le statut militaire des gendarmes.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis – Très bien !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Nous avons besoin des deux forces. Les travaux menés par les comités d’audit propres à chaque ministère, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, se déroulent sans tabous ni préjugés. On ne peut imaginer, en tout cas, de supprimer une brigade de gendarmerie sur deux, car cela n’a pas de sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP)

En ce qui concerne la revalorisation de la condition militaire, le rapport du Haut comité, rendu en février 2007, indique qu’entre les fonctionnaires en tenue et les militaires, il existe une différence de traitement, à parité de rémunération. Le rapport prévoit donc une série de mesures, pour un coût total que les services du ministère ont évalué à 350 millions. Cependant, ces mesures nécessitent la révision des statuts particuliers. C’est pourquoi, dès mon arrivée, j’ai sollicité des réunions interministérielles, pour faire bouger les statuts. Ces réunions sont en cours, et j’espère qu’elles pourront se conclure avant la fin de l’année, pour que le Conseil d’État soit saisi et que nous puissions faire une partie du chemin dès 2009. D’ores et déjà, avant les modifications réglementaires nécessaires, nous allons pouvoir appliquer les premières conclusions du Haut comité à l’évaluation de la condition militaire, en consacrant 52 millions d’euros au rattrapage entre militaires du rang, gendarmes et sergents, et autres fonctionnaires en tenue.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis – Très bien !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Comme pratiquement toutes les administrations du pays, le ministère de la défense contribue au non-remplacement de fonctionnaires, puisque 6 037 emplois sont supprimés – et non 13 000, comme je l’ai entendu. La différence, ce sont des emplois vacants, non budgétés. Cette suppression nous permet de consacrer 102 millions à la revalorisation de la condition militaire, dont 17 millions au personnel civil, pour qui jamais n’a été autant fait, en quinze ans !

M. Jacques Desallangre – Il est de moins en moins nombreux !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Monsieur Voisin, j’approuve l’idée de simplifier davantage la naturalisation des légionnaires, mais lui donner un caractère systématique pourrait nuire à l’objectif recherché de renforcement de la communauté militaire. Je souscrirais donc à une proposition de loi si elle était équilibrée.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis – Très bien.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Les crédits d’équipement sont quasiment conformes à la loi de programmation militaire, à l’inflation près, c’est-à-dire 250 millions. Les autorisations d’engagement ont été fixées à 15 milliards – soit à un montant presque identique à celui de 2007 –, dont 3 milliards pour le second porte-avion.

Plusieurs orateurs m’ont interrogé sur la coopération du Royaume-Uni à la construction de ce porte-avion. Les Britanniques, qui lancent leur propre programme de construction de deux porte-avions et en profitent pour restructurer leurs chantiers navals, ne participeront pas à la construction de la coque. En revanche, nous étudierons en commun les possibilités d’une coopération pour la réalisation des systèmes et sous-systèmes d’armement. Ce partage nous permettra de revoir le design de la coque, pour réaliser des économies.

Monsieur Cazeneuve, je vous confirme que la première tranche des 8 FREMM est maintenue. Quant à la réalisation intégrale de 17 frégates, les conclusions du Livre blanc nous permettront de trancher. En outre, il est bien prévu que le M 51 équipe nos quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Quant aux Barracudas, ils représentent également un programme majeur, la France ayant à l’évidence besoin d’un nouveau programme de sous-marins nucléaires. Il convient de fixer le nombre de sous-marins, ainsi que la cadence de réalisation, tout en sachant que nous ne disposons pas de grandes marges de manœuvre.

Le Clemenceau aura quitté la rade de Brest avant les festivités nautiques de l’été 2008. La publicité pour le démantèlement a été limitée à la France et à l’Union européenne, avec cinq candidats encore en lice : les propositions sont toutes d’excellente qualité, notamment au plan environnemental, et nous ferons notre choix dans les prochaines semaines. Par ailleurs, nous examinons plusieurs hypothèses pour le remplacement de la Jeanne d’Arc d’ici à 2010 ; à ce stade, je ne peux pas vous en dire plus.

Pour ce qui est des hélicoptères, MM. Bernard et Teissier ont rappelé à juste titre qu’une arrivée rapide du NH90 terrestre était indispensable. C’est un programme prioritaire, pour lequel un contrat portant sur une première tranche de 22 appareils sera conclu dans les jours qui viennent, et inscrit dans ce projet de loi. La prochaine loi de programmation militaire prévoira une deuxième tranche de 34 appareils.

En matière de drones, la France a lancé plusieurs programmes, du plus petit – le DRA C, qui est porté à dos d’homme – au plus ambitieux – le drone NEURON. Pour ce qui est de l’observation, un drone tactique est déjà en service et le SIDM, drone de moyenne altitude, arrive enfin après d’importants retards industriels. Des tests sont en cours à Mont-de-Marsan. Quant au drone « Advanced UAV », je me suis récemment assuré auprès de mes homologues allemands et espagnols qu’il y avait une véritable volonté d’avancer.

S’agissant de l’A 400M, EADS a confirmé un retard de six mois, avec un risque de glissement supplémentaire de six mois – suite à un problème technique. Pour tous ces programmes européens, il faudra améliorer la maîtrise d’œuvre : chaque pays réclamant un retour industriel, bien compliqué à organiser, il est impératif d’améliorer la coordination dans le cadre de nos réflexions sur la PESD.

MM. Sainte-Marie et Michel m’ont interrogé sur l’espace, avec la passion qu’on leur connaît. Les crédits de paiement s’élèveront à 393 millions en 2008, soit moins qu’en 2007, mais plus que l’exécution réelle au cours des dernières années – 370 millions environ entre 2003 et 2006. J’ajoute que nous poursuivrons nos efforts de recherche technologique afin de préserver les compétences de nos industriels, qui comptent parmi les meilleurs du monde.

Nos capacités d’observation spatiale seront maintenues, notamment grâce au programme européen MUSIS. Tout pays souverain qui veut mener des opérations extérieures doit disposer de capacités de renseignement. Tous nos partenaires européens sont conscients de cette nécessité, même si nous nous heurtons encore à certaines difficultés, comme c’est le cas avec Galileo.

S’agissant du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, il importe avant tout de combler le fossé grandissant entre le Nord et le Sud, mais nous devrons également améliorer nos capacités : nos services bénéficieront de nouveaux équipements, qui seront mutualisés. Il faudra également instaurer un pilotage politique en donnant des orientations stratégiques aux différents acteurs. Ces derniers devront renforcer leurs synergies, qu’ils dépendent de la Défense ou de l’Intérieur. Ce sera l’une des priorités de ce Gouvernement.

Nous devrons également consentir un effort particulier de mutualisation pour le maintien en condition opérationnelle. Ce que nous allons faire avec le matériel aéronautique – le SIAé - doit être étendu à l’armée de terre. Il reste malheureusement beaucoup à faire : quand un PUMA de l’armée de terre arrive à Villacoublay, un mécanicien de l’armée de l’air ne peut pas procéder à des réparations car les procédures diffèrent d’une armée à l’autre. Il faut mutualiser et interarmiser le soutien opérationnel.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial – Très bien !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  J’espère également, Messieurs Bernard et Dupont, que je parviendrai à vous redonner un peu d’optimisme au sujet de l’armée de terre (Sourires). Vous avez eu raison de signaler l’accroissement préoccupant de l’âge moyen des équipements, mais il ne faudrait pas oublier que nous allons commander très rapidement des NH90 terrestres. À cela s’ajoute la commande de 117 VBCI passée le 19 octobre dernier qui complètera une première tranche de 65 véhicules, dont 41 devraient être livrés au second semestre 2008. Nous avons également consacré des efforts notables au programme « Félin »… Il reste toutefois à construire un véritable service de maintien en condition opérationnel du matériel terrestre. L’armée de terre le sait, et y travaille.

Pour 2008, nous avons prévu 96 jours d’activité par homme, comme en 2006 et 2007, dont quatre jours au titre des exercices multinationaux. Comme plusieurs orateurs l’ont indiqué avec raison, il ne faudra pas que les ajustements portent sur les programmes de cohérence opérationnelle qui conditionnent l’efficacité de l’ensemble de nos troupes et leur moral.

Pour ce qui est du financement des OPEX, 376 millions d’euros ont été inscrits au PLF – 360 au titre de la « Défense » et 15 pour la gendarmerie. Il est vrai que nous devrons poursuivre les efforts entrepris de 2003 à 2006 en vue de budgétiser les 600 millions d’euros dépensés chaque année. Toutefois, le contexte budgétaire ne simplifie pas un tel exercice.

J’en viens aux questions de personnel, de gestion des ressources humaines et de promotion sociale. S’il y a une institution où l’égalité des chances a un sens dans notre pays, c’est au sein des armées : 50 % des sous-officiers proviennent du rang, et 50 % des officiers étaient auparavant sous-officiers. Nous allons bientôt fêter le départ en retraite d’un général issu du rang !

M. François Sauvadet – Très bien.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Je rappelle que nous avons également instauré un programme d’égalité des chances destiné à favoriser le recrutement de jeunes issus des quartiers défavorisés dans les écoles d’officiers. Un tutorat sera notamment assuré par les élèves des grandes écoles, et nous instaurerons des classes-tampons qui ouvriront l’accès aux classes préparatoires, et ainsi aux grandes écoles relevant du ministère de la défense. Nous avons par ailleurs décidé d’offrir aux membres du personnel de la défense qui n’auraient pas leur baccalauréat la possibilité de se mettre à niveau. Enfin, nous ouvrirons plus largement encore qu’aujourd’hui les préparations militaires, tout en créant des « cadets militaires » en 2008.

M. François Sauvadet – Très bien.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  S’agissant des réservistes, la durée annuelle de service s’élèvera à 21 jours et nous nous sommes fixé comme objectif d’atteindre un effectif de 62 000 hommes. Il faut renforcer nos efforts, car ces forces sont nécessaires, en particulier dans la gendarmerie. Pour ce qui est des établissements « défense deuxième chance », je vous invite à vous manifester auprès du ministre de l’emploi : la défense a réalisé un effort immobilier d’environ 70 millions d’euros, mais le financement courant des dépenses dépend du ministre de l’emploi – et je vous invite à vous adresser aussi à lui.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis – Nous l’avons fait – sans grand succès, hélas.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Quant aux exportations d’armement, nous perdons effectivement des parts de marché alors que le contexte international est dynamique.

J'ai proposé au Président de la République et au Premier ministre un plan national de soutien aux exportations, qui sera réalisé avant la fin de l'année. Sur quatre points au moins nous devons améliorer les choses : raccourcir les délais de nos procédures ; adapter les procédures selon les pays destinataires des équipements ; alléger celles qui s'appliquent à des matériels dont l'exportation résulte d'autorisations déjà accordées ; revoir les nomenclatures.

Les PME chères à MM. Fourgous, Hillmeyer et Rousset font l’objet d’une attention spécifique, puisque j’ai installé des groupes de travail chargé de réfléchir à l'accès direct aux marchés publics, à l'accès à des programmes de recherche comme les plans d'études amont, à l'amélioration des relations – notamment pour ce qui est des délais de paiement – entre les PME et les grands donneurs d'ordre, et enfin aux exportations.

M. François Sauvadet – Très bien.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  MM. Candelier et Fromion ont évoqué Nexter. L’entreprise a renoué avec les bénéfices, son carnet de commandes représente trois années d’activité, et elle a mis au point de nouveaux produits très bien adaptés à l’exportation, qui devraient lui permettre de gagner des parts de marché. Il appartient maintenant à Nexter de saisir les occasions de partenariats européens. Je rappelle à M. Candelier que l’État étant actionnaire de Nexter à 100 %, les aléas boursiers n’ont pas d’incidence sur la vie de l’entreprise.

L’une des priorités de la future présidence française de l'Union européenne sera la construction d’une politique européenne de défense. Le souffle de Saint-Malo est retombé, et un nouvel élan est nécessaire.

M. François Sauvadet – Très bien.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  J’ai commencé de rencontrer mes homologues à ce sujet. Je leur proposerai de doter l'Union d'un centre d'opérations permanent ; de structurer le dispositif des forces multinationales européennes ; d’engager une politique européenne de formations communes – une sorte d’« ERASMUS » militaire; d’accroître et rationaliser l'effort européen de défense ; de coordonner l’évacuation de ressortissants lors de crises météorologiques ou politiques…

M. François Sauvadet – Bonne idée !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  …de renforcer la surveillance côtière pour mieux lutter contre l’immigration clandestine et les trafics. Je proposerai aussi de réunir les pilotes français, britanniques et allemands pour des formations communes au pilotage des A400M, ce qui serait un beau symbole. Je proposerai enfin de donner un nouveau souffle à l’Agence européenne de défense en lui confiant des programmes de recherche, afin que l’Europe conserve sa base technologique.

M. Sauvadet – Très bien !

M. Hervé Morin, ministre de la défense S’agissant de l’OTAN, il faut, Monsieur Desallangre, replacer les choses en perspective. La situation n‘est plus du tout celle qui prévalait en 1966. Depuis quinze ans la France participe à toutes les opérations militaires de l’OTAN, elle contribue pour 13 % à son budget et siège à tous ses comités, à deux exceptions près. Elle est donc déjà largement engagée dans l’Alliance atlantique.

M. Jean-Jacques Candelier – Hélas !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  La France a pour priorité absolue le développement de l’Europe de la défense. Je l’ai redit il y a quelques jours au secrétaire américain à la défense : il est paradoxal que les États-Unis reprochent à l’Europe de ne pas assurer sa propre sécurité tout en se montrant réservés face à toute démarche tendant à concevoir une politique européenne de défense et de sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Sandrier – Nous ne vous le faisons pas dire.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Quelles conséquences, en termes militaires, auraient le renforcement des relations entre la France et l’OTAN ? (« Aucunes ! » sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jacques Desallangre – Je n’ai pas eu le temps de les détailler en cinq minutes, mais je me serais régalé de pouvoir le faire !

M. Jean Michel – Les bottes de De Gaulle sont trop grandes pour eux !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Nous ne ferons pas progresser l’Europe de la défense si nous la jouons contre l’OTAN – à laquelle, je vous le rappelle, appartiennent vingt-et-un États-membres de l’Union...

M. Jean-Claude Viollet – Et alors ?

M. Hervé Morin, ministre de la défense - … que nous devons convaincre qu’Europe de la défense et OTAN sont complémentaires et non concurrentes. L’OTAN, c’est une capacité d’autonomie supplémentaire…

M. Jean-Claude Sandrier – On est autonome ou on ne l’est pas !

M. Hervé Morin, ministre de la défense Eh bien, pour le moment, nous ne le sommes pas et, je le répète, nous devons convaincre nos partenaires que nous ne jouons pas l’OTAN contre l’Europe.

M. Jean-Pierre Soisson – Excellente politique !

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis – Très bien.

M. Jean Michel – De Gaulle doit se retourner dans sa tombe !

M. Yves Fromion, rapporteur pour avisVous n’allez quand même pas nous donner des leçons de gaullisme ?

M. Jacques Desallangre – C’est du jésuitisme !

M. Hervé Morin, ministre de la défense Je ne conclurai pas sans une pensée pour les femmes et les hommes de l'armée de terre, dans leur régiment sur le territoire métropolitain, outre-mer ou en OPEX, servant au loin notre pays et la paix.

M. François Sauvadet – Très bien !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Je pense aussi aux marins, qui perpétuent sur toutes les mers du globe l'esprit d’une France ouverte sur le monde. Je pense aux sous-mariniers qui, dans le silence de la mer, veillent à la sécurité de notre pays. Je pense aux aviateurs, notamment à ceux que j'ai rencontrés à Douchanbé et en Afghanistan, qui accomplissent avec talent des missions périlleuses et exigeantes.

M. François Sauvadet – Bravo !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Je pense aux gendarmes qui, dans les casernes ou en intervention, assurent une double mission de sécurité et de proximité. Je pense aux femmes et aux hommes de la DGA, de Biscarosse au Bouchet, qui travaillent aux équipements de nos armées et à ceux de demain. Je pense aux médecins, infirmiers, personnels des hôpitaux du service de santé des armées, qui soignent les militaires comme les civils et font progresser la recherche médicale. Je pense aussi au personnel civil du ministère de la défense, dont le rôle de soutien est déterminant pour que les armées remplissent leurs missions.

En votant le budget de la défense, vous vous associerez, et la nation avec vous, à cet hommage à nos militaires qui ont fait le choix de servir la France, parfois au péril de leur vie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 22 heures.

La séance est levée à 20 heures 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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