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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 15 novembre 2007

1ère séance
Séance de 9 heures 30
52ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2008 - SECONDE PARTIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

JUSTICE

M. René Couanau, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan – Madame la garde des sceaux, le budget que vous nous présentez est à la fois volontaire et dynamique : volontaire, car fidèle à nos engagements ; dynamique, car conforme à votre démarche résolue de modernisation de la justice.

Malgré un contexte économique et financier délicat, ce premier budget de la législature donne comme promis la priorité à la justice, dont la dotation augmente de 4,5 %, atteignant 6 519 millions d’euros en crédits de paiement. Aux moyens réels de fonctionnement hors personnel, qui augmentent de 5 %, s’ajoute la création nette de 400 emplois nouveaux de magistrats, de greffiers et de personnels administratifs et de 842 équivalents temps plein dans l’administration pénitentiaire, soit plus de 1 600 emplois en tout. La part totale de la justice dans le budget de l’État est de nouveau en hausse, atteignant 2,4 %, contre 1,7 % en 2002.

En outre, les objectifs fixés par la loi d’orientation et de programmation de septembre 2002 sont pratiquement atteints. 963 postes de magistrats auront été créés au total, au-delà même des 950 prévus. Si les résultats sont pour l’instant moins satisfaisants s’agissant des emplois du greffe et des juges de proximité – j’y reviendrai -, le budget permettra de les améliorer. De plus, les délais de décision sont durablement réduits – même s’ils restent supérieurs aux objectifs fixés en 2002 ; l’efficacité de la justice pénale est renforcée ; l’exécution des décisions pénales sera facilitée par la création des bureaux d’exécution des peines ; la capacité d’accueil des mineurs délinquants progresse elle aussi de manière satisfaisante puisque, six des sept établissements pour mineurs prévus ont été créés.

Quant à la création d’établissements pénitentiaires nouveaux, la réalisation du programme défini en 2002 – qui impliquait l’ouverture de 13 200 places de détention –, largement entamée s’agissant des majeurs, se poursuivra en 2008. Dix-huit établissements sont en cours de création, trois d’entre eux bénéficiant de travaux d’aménagement de quartiers « courte peine », ce qui permettra l’ouverture de 2 000 places à court terme. En outre, l’ensemble du programme de création d’établissements ou quartiers pour mineurs sera réalisé en 2009, ce qui constitue une véritable performance.

Enfin, les magistrats comme les personnels des greffes peuvent se féliciter du lancement et de la réalisation en un temps record du programme de sécurisation des juridictions.

Quant à la volonté de modernisation qui anime ce budget comme l’ensemble de votre politique, elle repose tout d’abord sur une meilleure prise en considération des victimes, qui doit en effet constituer une priorité ; 11 millions lui sont consacrés hors personnel. Il s’agit aussi de faciliter l’accès au droit et à la justice, objectif qui bénéficie de crédits plus élevés encore mais se heurte à des difficultés de personnel auxquelles nous devrons être vigilants.

Cette deuxième priorité m’oblige à évoquer la carte judiciaire, dont vous avez entrepris la réforme, très attendue, avec vigueur, mais sans dogmatisme aucun…

Mme Marylise Lebranchu – Ah non ! Pas toi, René ! (Sourires)

M. René Couanau, rapporteur spécial – …comme en témoigne l’évolution de vos propositions à la lumière des contre-propositions formulées par les chefs de cour (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe SRC). Ainsi, l’objectif d’une cour d’appel par région et d’un tribunal de grande instance par département a-t-il été revu (Protestations sur les bancs du groupe SRC) ; le regroupement de tribunaux de grande instance sera compensé par le renforcement des tribunaux d’instance ; des maisons de la justice et du droit seront créées, ainsi que des pôles de l’instruction dans les TGI les plus importants, dès mars 2008, conformément au souhait exprimé par le Parlement lors de la commission Outreau.

Cette réforme, parce qu’elle conduit à modifier une carte figée par l’histoire et, parfois, à menacer des équilibres géographiques fragiles, n’était pas spontanément jugée nécessaire à la proximité et à l’efficacité de la justice, ni souhaitable du point de vue de l’aménagement du territoire.

Mme Marylise Lebranchu – Très bien !

M. René Couanau, rapporteur spécial – Pour la réussir – j’y insiste dans mon rapport –, il faut continuer d’informer et de consulter, afin de convaincre et de résoudre les problèmes ponctuels qu’elle entraîne. Je sais, Madame la ministre, que vous y veillez.

Le fait que le budget ne comporte aucune traduction chiffrée de cette réforme – à l’exception de quelques crédits d’accompagnement – permet de dissiper le soupçon d’une justification purement économique et financière. C’est en fait surtout en 2009 et en 2010, puis au cours des années suivantes, que les conséquences financières de la réforme seront sensibles.

D’autre part, deux programmes – la modernisation de la chaîne pénale des tribunaux de grande instance et la dématérialisation des procédures pénales et des échanges en matière civile et administrative –, dont les crédits de paiement augmentent, favoriseront la coordination du recours aux nouvelles techniques informatiques et bureautiques ; une convention avec la Caisse des dépôts permettra d’en accélérer l’application en en complétant la dotation.

La création des bureaux d’exécution des peines, particulièrement efficaces pour les audiences à juge unique et les audiences de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, est presque achevée grâce aux crédits que l’amendement Warsmann a permis d’inscrire dans le budget.

Celui-ci, comme l’année dernière, permet en outre de remédier au problème récurrent du niveau insuffisant des frais de justice, dont les crédits augmentent de près d’un tiers par rapport à 2002, passant de 300 à 405 millions.

Enfin, nous ne pouvons que vous encourager à continuer d’appliquer à la gestion du personnel de la justice des outils véritablement modernes. Ainsi l’échange d’informations entre les directions centrales et les différentes juridictions sera rendu suffisamment transparent pour éviter que certains ne se sentent lésés et faciliter l'accélération des nominations sur les postes vacants.

Un seul budget ne peut naturellement suffire à mener à bien cette modernisation, qui devra continuer de bénéficier des moyens nécessaires au cours des années à venir, en particulier dans cinq domaines. Tout d’abord, le fonctionnement de la justice exige désormais le renforcement des effectifs des greffes et des personnels administratifs et techniques, plutôt que de la magistrature, afin de libérer les juges de tâches qui ne relèvent pas de leur compétence et les empêchent de consacrer suffisamment de temps aux justiciables.

L’accompagnement de la nouvelle politique pénale par les alternatives à l'incarcération a déjà connu des améliorations – ainsi du recours au placement sous surveillance électronique mobile, qui se généralise et progressera fortement en 2008. Mais les missions des services pénitentiaires d'insertion et de probation, maillon essentiel de la politique pénitentiaire, doivent être clarifiées et leurs méthodes d’intervention redéfinies. Je sais que votre administration s'en préoccupe : le budget de ces services progresse de 8 %, atteignant 336 millions. Quant à l'application du suivi socio-judiciaire, elle pâtit depuis plusieurs années du manque de médecins coordonnateurs. Signalons enfin la création d'un programme de prévention de la récidive, doté d’un million d’euros.

En dépit d’efforts indéniables, le travail dans les établissements pénitentiaires et la formation professionnelle des détenus restent l’un des points faibles du système français. La tâche difficile de préparation à la réinsertion après l’incarcération devrait pouvoir bénéficier des moyens locaux alloués à d'autres ministères, par exemple celui du travail.

D’autre part, malgré une exécution satisfaisante du programme de construction et d'aménagement d'établissements pénitentiaires, qui a permis d’ouvrir davantage de places individuelles et de faire disparaître la quasi-totalité des structures à dortoirs, et malgré la nouvelle politique pénale fondée sur les alternatives à l'incarcération, le taux d'occupation moyen des établissements reste de 122 % – 149% outre-mer ; selon les prévisions de l'administration pénitentiaire, la population détenue devrait s'élever à 70 000 personnes alors même que le parc pénitentiaire ne devrait pas dépasser 61 000 places une fois réalisé le programme en cours.

Il est donc nécessaire de préparer dès maintenant une nouvelle programmation afin de résorber la surpopulation carcérale, notamment celle des maisons d'arrêt, qui crée des situations inacceptables.

809 millions sont affectés à la protection judiciaire de la jeunesse : la gestion du personnel et celle du secteur associatif devront être améliorées, comme le préconisent tous les rapports publiés. Le bilan de la création et du fonctionnement des Centres éducatifs fermés est très positif, comme l'a montré une étude précise portant sur les 600 mineurs qui en sont sortis au cours des six derniers mois.

Madame la garde des sceaux, je veux vous assurer de tout notre soutien dans la poursuite de la modernisation du système judiciaire et pénitentiaire que vous avez engagée. La commission des finances a adopté, sur ma proposition, les crédits de votre ministère pour 2008 ; j’invite l’assemblée à en faire autant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Mme Michèle Tabarot, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse – Ce budget, en hausse significative, consacre la justice comme une priorité de l’État. Les programmes « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse » progressent respectivement de 6,4 % et de 1,6 %.

Ce budget consolidé permet la poursuite du programme immobilier lancé en 2002 : d’ici à la fin 2008 seront ouverts quatre établissements pénitentiaires représentant 2 550 places ; 130 places supplémentaires seront créées dans les structures de protection judiciaire de la jeunesse et trois nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs seront construits.

Ces crédits autorisent un grand nombre de recrutements, puisque les plafonds de l’administration pénitentiaires augmentent de 842 ETPT et ceux de la PJJ de 221. Madame la ministre, vous vous êtes engagée à combler les retards de paiement dont souffre le secteur associatif de la PJJ l’an prochain. Je m’en réjouis car cela aura un impact direct sur la bonne exécution des décisions de justice.

Ce budget prévoit des moyens spécifiques pour faire face aux évolutions de la délinquance. 15 centres éducatifs fermés supplémentaires seront ouverts à l’horizon 2009 : ces structures ont démontré leur efficacité, car un an après leur passage en CEF, 61 % des mineurs n’ont pas récidivé. Néanmoins, il faudrait réfléchir à augmenter leur capacité d’accueil, les coûts de fonctionnement – de l’ordre de 600 euros journaliers par mineur – semblant élevés. Par ailleurs, dans certains CEF, la moitié des jeunes font l’objet d’une injonction de soins ou présentent des troubles mentaux. Vous avez pris l’initiative, Madame la ministre, de consacrer 2 millions à la mise en place de cinq CEF à prise en charge médico-psychiatrique renforcée. Je serai particulièrement attentive aux résultats de cette expérience.

Des évolutions importantes concernant la santé des détenus majeurs sont programmées : les premières ouvertures d’unités hospitalières auront lieu à Lyon et à Rennes en 2009 ; les placements sous surveillance électronique fixe ou mobile seront encore développés ; un projet de loi sur les délinquants dangereux sera prochainement examiné. En outre, la communication doit être mieux organisée entre les différents acteurs du monde carcéral, afin d’éviter des erreurs telles que la prescription de médicaments contre les troubles sexuels à un pédophile récidiviste, quelques jours avant sa libération.

L’augmentation constante des crédits de la justice est la condition sine qua none de la réussite des réformes votées depuis 2002 pour restaurer l’autorité républicaine. Mais elle serait vaine si elle n’aboutissait à l’amélioration des conditions de détention et de réinsertion. La prochaine loi pénitentiaire devrait être une avancée notable : conformément aux préconisations du comité d’orientation, un parcours de mobilisation pourrait être mis en place pour chaque détenu afin de mieux connaître son profil social et psychologique.

L’univers carcéral sera donc au cœur de nos prochains débats. L’effort budgétaire consenti est important, il s’accompagnera d’une réflexion de fond autour des conditions de détention, de l’utilité de la peine, de la dignité des personnes incarcérées et de celle du personnel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République pour l’accès au droit Alors que le budget de l'État pour 2008 ne progresse que de 1,6 %, celui de la Justice augmente de 4,5 % pour atteindre 6,52 milliards, soit 2,40 % du budget de la Nation, contre 1,69 % en 2002. Avec une dotation de 2,730 milliards en crédits de paiement, le programme « Justice judiciaire » est en progression de 5,1 % par rapport à 2007.

Au sein de ce programme, les crédits de l'action « Traitement et jugement des contentieux civils » sont en hausse de 13 % à périmètre constant. Cela est dû à la revalorisation des crédits pour la rémunération des magistrats et des fonctionnaires et à la sous-estimation des dépenses de personnel en 2007 par rapport au contentieux pénal.

Les crédits de l'action « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » diminuent de 4 % en autorisations d'engagement et de 1,6 % en crédits de paiement. Plusieurs mesures d'économie, notamment sur les marchés concernant les empreintes génétiques et sur la téléphonie, ont permis de réduire de 22 % les frais de justice en 2006. Toutefois, certaines réformes récentes auront sans doute un impact financier en 2008.

Les crédits de l'action « Cassation » progressent de 7 %, du fait d'une augmentation des crédits de titre 3 pour faire face à diverses charges telles que les loyers, la maintenance ou encore l'informatique. L'action « Conseil supérieur de la magistrature » voit ses crédits augmenter fortement, tandis que l'action « Enregistrement des décisions judiciaires » connaît une diminution de ses crédits liée à une légère surévaluation des dépenses de frais de justice.

S’agissant des créations d'emplois, les écarts constatés entre les annonces de créations de postes et les ETPT ont fait naître des incompréhensions. Mon rapport démontre précisément que les services judiciaires compteront bien 400 agents de plus en 2008, puisque 965 départs en retraite sont prévus et que 1 365 personnes seront recrutées. Cependant, seuls les ETPT correspondant figurent dans le budget, la variation étant de 101 ETPT supplémentaires.

Les salaires doivent mieux prendre en compte les contraintes qui pèsent sur les fonctionnaires des services judiciaires. Si un effort significatif a été initié dès 2003 pour les magistrats, la parité avec les magistrats des juridictions administratives et financières entraînant une modification de leur régime indemnitaire, celui des greffiers en chef et des greffiers n'a pas évolué depuis 2001. Tous les personnels doivent être intéressés aux résultats des juridictions : la généralisation de la modulation des primes peut aider à combler le fossé existant.

Un magistrat sans son greffier ne peut faire grand-chose. Or le rythme de création de postes de magistrats étant allé plus vite que l’augmentation des postes de fonctionnaires, le ratio magistrats/fonctionnaires est passé de 2,85 en 1997 à 2,53 en 2007. J’appelle votre attention sur ce point, Madame la garde des sceaux.

Un effort très important est réalisé en faveur de la sécurisation des juridictions. 39 millions y sont consacrés pour 2008, après 15 millions en 2007. Évidemment, un portique de sécurité nécessite du personnel pour le faire fonctionner. La réserve de l'administration pénitentiaire pourrait être mobilisée à cet effet.

Par ailleurs, il est proposé de doter le programme « Accès au droit et à la justice » de 335 millions en crédits de paiement. La diminution apparente de 7 millions sera plus que compensée par le plan de recouvrement des avances de frais de procédure faites au titre de l'aide juridictionnelle. En gestion, ce recouvrement viendra atténuer les charges de l'action par rétablissement de crédits à hauteur de 8,9 millions. La hausse réelle est donc de l’ordre de 2 millions.

Enfin, la réforme de la carte judiciaire aura un faible impact budgétaire en 2008, puisqu’elle sera mise en œuvre progressivement. Il a été prévu 1,5 million d’euros pour l'accompagnement social, afin que la situation particulière de chaque fonctionnaire soit prise en compte.

M. Serge Blisko – Ça n’est pas suffisant !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis - La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la justice et de l'accès au droit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Michel Vaxès – Madame la garde des sceaux, il est vrai que vous êtes privilégiée. Alors que le budget de l'État n'augmente que de 1,6 %, le vôtre progresse de 4,5 % ; alors que l'État supprime 22 900 emplois, vos services enregistrent 1 615 créations de postes. Nous nous félicitons de cette augmentation : la justice le mérite bien ! Au dix-septième rang des pays membres de l'Union européenne, elle est encore indigente et il faudra encore bien des efforts pour que la France gagne la place qui devrait être la sienne, parmi les pays les plus riches du continent. Mais il ne faut pas se satisfaire d’une appréciation quantitative : comme les lois, les dotations budgétaires peuvent servir le meilleur et nourrir le pire !

« Construisez des écoles, et vous fermerez des prisons » écrivait Victor Hugo. Privilégiez l'éducation et la réinsertion, et vous en appellerez moins à la répression ; luttez contre l'injustice sociale, et vous garantirez la paix sociale. C'est tout le contraire que fait le Gouvernement !

Si, au-delà des mots, vous partagiez avec nous la conviction qu'une action efficace contre la délinquance et la récidive passe avant tout par une politique audacieuse de prévention et de réinsertion, c’est un autre budget que vous nous proposeriez.

Loin devant ceux de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'accès au droit et à la justice, les crédits de l'administration pénitentiaire enregistrent la plus forte augmentation. S'il s'agissait seulement de rendre plus dignes les conditions de détention, nous nous en réjouirions avec vous. Mais près de 63 % de ces crédits sont absorbés par la garde et le contrôle des personnes placées sous main de justice, et 80 % des effectifs de l'administration pénitentiaire sont affectés à cette mission. Comment pourrait-il en être autrement avec un taux d’occupation de 122 % ? Un quart seulement de ces crédits seront consacrés à l'accueil et à l'accompagnement. Ces chiffres parlent : les missions de réinsertion – qui sont les meilleures armes contre la récidive – resteront le parent pauvre de votre politique.

La mission « Protection Judiciaire de la jeunesse » ne représente que 12 % de ce budget, et les mesures éducatives et en milieu ouvert souffriront de la priorité accordée à l’enfermement. L'expérimentation que vous avez décidée, et qui consiste à séparer les fonctions civiles et pénales du juge des enfants, participe de la même logique : c’est un nouveau pas vers l'abandon de la priorité éducative dans la réponse à la délinquance des mineurs.

Nos concitoyens aspirent certes à la tranquillité, mais vous ne pourrez répondre à cette aspiration qu'en vous attaquant aux causes de la délinquance. Regardez donc du côté du Québec où, dès le premier jour de détention, on prépare la sortie du détenu. Ce n'est pas le choix que vous faites. Vous échouerez donc : je le regrette.

Je n’ai pu évoquer, faute de temps, la réforme de la carte judiciaire. La présence d’un certain nombre de nos collègues à la droite de l’hémicycle montre cependant que le problème n’est pas seulement celui de l’opposition… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Mach – Mais si ! Tout va bien !

M. Arnaud Montebourg – Surtout à Perpignan !

M. Michel Vaxès – Vous l’aurez compris, nous voterons contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Michel Hunault – Madame la garde des sceaux, je salue votre budget pour 2008 (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP ; Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Arnaud Montebourg – Les applaudissements sont rares !

M. Michel Hunault – Le budget de la justice, en augmentation, est porté à 2,4 % de celui de l’État. Un effort de rattrapage considérable est consenti, même si nous restons en retard par rapport aux autres pays européens. Je voudrais en particulier saluer l’augmentation de 8 % des crédits de l’administration pénitentiaire. Nous sommes nombreux à dénoncer depuis plusieurs années la situation dans les prisons françaises. Nous avons aujourd’hui plus de 61 000 détenus pour 48 000 places. Grâce à votre budget, nous allons poursuivre l’effort engagé sous la précédente législature par MM. Perben et Clément. Nous pourrons ainsi rendre les prisons françaises plus dignes et les mettre en conformité avec les normes européennes.

Vous avez déjà, Madame la garde des sceaux, fait adopter une réforme à laquelle nous étions tous favorables, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons : la création d’un contrôleur général de tous les lieux de privation de liberté.

M. Arnaud Montebourg – Il faudrait un contrôleur général de la Chancellerie !

M. Michel Hunault – Vous vous êtes aussi engagée à faire voter une loi pénitentiaire pour mettre la France en conformité avec les règles définies par le Conseil de l’Europe. Ayons au moins l’honnêteté de saluer cette volonté ! Vous aurez notre soutien pour mener à bien ces réformes exigeantes.

Je voudrais aussi saluer le travail des personnels pénitentiaires, et l’augmentation des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse.

Venons-en au sujet qui fâche : la réforme de la carte judiciaire (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC). Cette réforme faisait partie des trente mesures que les membres de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau avaient appelées de leurs vœux à l’unanimité. Ce drame, ne l’oublions pas, a obligé le chef de l’État et le garde des sceaux à présenter publiquement les excuses de la nation pour des dysfonctionnements qui n’ont pas été à l’honneur de notre justice. Pendant six mois, nous avons tous travaillé pour faire en sorte que jamais ce scandale ne se reproduise (Interruptions sur les bancs du groupe SRC).

M. Alain Vidalies – Cela n’a aucun rapport avec les tribunaux d’instance !

M. Michel Hunault – Nous avons appelé non seulement à une réforme de la carte judiciaire, mais aussi à une réorganisation de la justice. Vous vous êtes déplacée à Rennes vendredi dernier pour présenter cette réforme : il y aura au moins un tribunal de grande instance par département, et des pôles de l’instruction seront créés pour lutter contre l’isolement des juges, qui a tant pesé dans l’affaire d’Outreau. Ne pas le faire, c’est justifier ce genre de dysfonctionnement. C’est pourquoi le Nouveau centre soutient cette réforme de la carte judiciaire. Cela n’exonère pas de la nécessaire concertation (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), de l’écoute, du respect des magistrats et des greffiers qui s’interrogent…

Mme Françoise Hostalier – Et des élus !

M. Michel Hunault – Vous vous êtes engagée à assurer, dans un délai de trois ans, un service public de la justice pour tous, grâce notamment à la création de maisons du droit et de points d’accès au droit. Il est facile de dire que ce n’est pas le bon moment. Mais tenez bon : si nous voulons être crédibles, il nous faut concrétiser les conclusions de la commission d’enquête parlementaire.

M. Arnaud Montebourg – À quand votre entrée au gouvernement, Monsieur Hunault ?

M. Michel Hunault – Il aurait cependant été préférable de soigner davantage la communication dans la présentation de cette réforme, au lieu d’annoncer, par exemple, que vous allez supprimer un tribunal de grande instance mais maintenir un tribunal d’instance qui abritera une chambre civile du tribunal de grande instance, les affaires pénales étant elles du ressort d’un seul tribunal.

La discussion de votre budget se déroule certes dans un contexte d’incertitude et de malaise général. Mais je n’admets pas le procès personnel qui vous est fait. J’entendais ce matin un élu de la nation dire sur une radio nationale que vous ne connaissez rien aux réalités ni au monde rural. J’apprécie pour ma part que le Gouvernement reflète ce qu’est la France d’aujourd’hui. Vous avez toute compétence, mais vous avez besoin du soutien du Parlement. Nous pouvons nous retrouver sur les objectifs qui sont les vôtres, afin que cette réforme soit enfin l’occasion de réconcilier les Français avec leur justice (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Étienne Blanc – Ce budget peut être qualifié de budget de continuité. En matière budgétaire, le terme est parfois péjoratif, mais il est utile de rappeler que sous la précédente législature, le budget de la justice a augmenté de 38 % en cinq ans. C’est l’un des rythmes de progression les plus élevés que nous ayons connus sous la Cinquième République.

M. Pascal Clément – Merci de le souligner !

M. Étienne Blanc – Vous maintenez le cap, puisque vous nous proposez un budget en hausse de 4,5%. Le budget de la justice est ainsi porté à 2,4% de celui de la nation – contre 1,69 % en 2002 et 2,34 % en 2007. Cette politique s’inscrit donc dans la durée, et la justice est bien une priorité pour le Gouvernement. Alors que le budget de l’État progresse de 1,6 %, le vôtre augmente deux fois plus.

Ce budget est particulièrement cohérent avec les réformes entreprises. Il permet notamment de renforcer la lutte contre la récidive, en application de la loi du 10 août 2007, et d’installer le contrôleur général des lieux de privation de liberté prévu par la loi du 30 octobre 2007. Cette cohérence s’inscrit en outre dans un schéma global de modernisation de l’institution judiciaire. Enfin, ce budget traduit clairement les priorités du Gouvernement, dont la première est la modernisation : celle des locaux certes, mais surtout celle des moyens informatiques. On est étonné, lorsqu’on parle avec des greffiers, des juges d’application des peines, ou qu’on visite les services pénitentiaires de prévention et d’insertion, de la faiblesse de leurs moyens informatiques, de leurs modes désuets de fonctionnement. La justice n’est pas capable de dématérialiser, de fluidifier la transmission des pièces. Votre budget répond à cette préoccupation. L’engagement d’achever le programme Cassiopée, les 67 millions consacrés à l’informatisation des services, vont enfin permettre de moderniser l’institution. Mais le budget dégage aussi des moyens humains, avec 1 615 créations d’emplois alors que le nombre total des agents publics de l’État est réduit. Cette politique traduit la priorité donnée à la justice.

Un effort particulier est fait pour l’administration pénitentiaire, qui reçoit 36,6 % du total des crédits de paiement de la mission. La population sous écrou s’élève à 61 810 personnes, soit un taux d’occupation moyen des établissements de 122,3 %. C’est une cause d’inquiétude : pour les droits de l’homme, pour votre institution et pour tous les citoyens. Votre budget y répond par la création de trois établissements pour mineurs et quatre pour majeurs, livrés dans le courant de l’année, et par 81 millions consacrés aux travaux. Ce serait insuffisant s’il ne développait pas aussi les aménagements de peine, déjà en hausse en 2007, indispensables pour réduire les sorties « sèches » de prison. Enfin, il faut noter un effort tout particulier pour la protection judiciaire de la jeunesse. La lutte contre la récidive des mineurs sera notamment améliorée par un renforcement des formations adaptées dans les établissements spécialisés. Les moyens de l’accès au droit sont également renforcés, notamment par une augmentation de 11,3 % des crédits alloués à la médiation familiale et aux espaces rencontre. C’est une réponse utile à la souffrance des familles.

Continuité des efforts, cohérence politique et budgétaire, modernisation de l’institution, clarté des priorités : pour ces quatre raisons, l’UMP votera ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies – Madame la ministre, votre réforme de la carte judiciaire entraîne un mouvement de protestation sans précédent qui mobilise tous les acteurs du monde judiciaire, les usagers et les élus. Les critiques portent à la fois sur la méthode et sur le fond.

Il est extravagant que cette réforme brutale n'ait pas fait l'objet du moindre débat devant le Parlement. Vous auriez dû détailler devant la représentation nationale vos objectifs, les critères retenus et les moyens nécessaires. Nous sommes dès lors contraints d'engager ce débat de fond aujourd'hui, au détriment de la discussion budgétaire. Car la réforme est menée au pas de charge, sans égard pour les opinions divergentes. Or, ce n'est pas forcément avoir raison que de mobiliser tout le monde contre soi. Vous n'avez même pas respecté la méthodologie que vous aviez vous-même annoncée, et les représentants des magistrats et des avocats ont quitté votre pseudo-comité consultatif. Vous évoquez souvent les conclusions de la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau pour vous justifier : certes, nous sommes favorables à la notion de pôle de l'instruction, mais vous savez parfaitement qu'il n'existe aucun lien entre la fermeture massive de tribunaux d'instance ou de grande instance et la collégialité de l'instruction, qui ne concerne qu’un faible pourcentage des affaires pénales et en rien les juridictions civiles ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Vous prétendez mettre en œuvre un projet qui était en attente depuis longtemps. C’est jouer sur les mots. Certes, la réforme de la carte judiciaire est nécessaire, mais il faut d’abord savoir à quoi elle doit servir ! Las, vous vous limitez à une approche comptable sans jamais, depuis six mois, prendre de position sur le fond – sur le rôle de la justice, l’accès au droit ou au juge –, en fermant d’autorité 200 tribunaux d’instance. S’agit-il donc de juridictions qui fonctionnent mal, dont nos concitoyens se plaignent ? Justement pas !

M. Daniel Mach – Si !

M. Alain Vidalies – Pas du tout. La majorité, après avoir vanté pendant cinq ans les mérites du juge de proximité, fait exactement le contraire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. François Calvet – Cela n’a rien à voir !

M. Alain Vidalies – La question principale est celle de l'accès au juge. Les tribunaux d’instance s’occupent des difficultés de la vie quotidienne : des rapports entre les bailleurs et les locataires, du surendettement, du droit de la consommation, du suivi des incapables majeurs… Vous affichez, Madame la ministre, l’attention que vous portez aux victimes, mais c’est devant le juge d’instance que se trouvent celles du quotidien (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Et vous ignorez complètement les contraintes que fera peser sur elles l’obligation d’un long déplacement, alors que le simple bon sens devait en faire un critère déterminant. Quand il n'existe aucun transport en commun, l'éloignement du tribunal d'instance est un obstacle évident à l'accès au juge.

M. Daniel Mach – Le tribunal n’est pas une grande surface, on n’y va pas tous les jours !

M. Alain Vidalies – Vous ne menez pas une réforme de la justice ni une actualisation de la carte judiciaire, mais un simple plan de fermeture des tribunaux. Les conséquences seront graves pour les justiciables, mais aussi pour le fonctionnement de la justice. Les tribunaux d’instance, qui occupent souvent des locaux mis à disposition par les collectivités locales, vont être transférés vers des tribunaux qui sont dans l'impossibilité matérielle de les accueillir. L'état d'impréparation de votre projet est tel qu'aucune solution n'a été envisagée, et le coût pour l’État encore moins évalué. Nous ne sommes pas pour autant favorables au statu quo : nous souhaitons une véritable réforme, qui suppose la redéfinition préalable des compétences des juridictions.

Plusieurs députés du groupe SRC – Absolument !

M. Alain Vidalies – L'accès au juge s'impose comme le critère déterminant pour toutes les procédures traitées aujourd'hui par les tribunaux d'instance, et toutes celles relevant du droit de la famille au sens large. Dès lors, des tribunaux de proximité devraient être compétents pour toutes ces procédures où la rencontre entre le juge et le justiciable est indispensable. C’est le préalable qui permettrait d’organiser les autres juridictions chargées des contentieux plus spécialisés ou devant fonctionner en collégialité. Nous avions un autre projet, radicalement différent du vôtre. Nous aurions pu tenir au Parlement ce débat, qui n’est pas forcément partisan par nature. Vous avez préféré imposer une réforme brutale et sans réflexion de fond. C’est faire prendre une mauvaise pente à la justice de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Patrick Braouezec – L’augmentation indéniable de ce budget est un leurre qui ne doit pas masquer les réelles conséquences de votre politique en matière de justice. Ce budget se soucie en tout premier lieu de concrétiser la logique du tout sécuritaire lancée par l'ancien ministre de l'intérieur; qui fait de la prison l'une des seules solutions à la délinquance juvénile, mais qui se garde bien de s’occuper de la délinquance autrement plus dangereuse, car insidieuse, en col blanc. Vos projets en matière de droit des affaires peuvent légitimement nous inquiéter. Même s'il a le mérite de remédier à des retards considérable en matière de moyens techniques, matériels et humains, ce budget n’est absolument pas construit autour d’une vision de long terme qui intégrerait les besoins citoyens et l’amélioration de l’accès au droit, secteur qui régresse considérablement cette année. Enfin, votre réforme de la carte judiciaire soulève la question de votre conception de la justice.

En ce qui concerne les moyens, il est juste de reconnaître que ceux de Seine-Saint-Denis sont enfin hissés au niveau de la moyenne nationale. Mais il s’agit de colmater des brèches restées béantes trop longtemps. Le tribunal de grande instance de Bobigny, deuxième juridiction de France, attend des mètres carrés supplémentaires, des moyens informatiques adaptés, et surtout des agents qualifiés au statut clairement défini. Dans ce tribunal qui voit défiler chaque année près de 12 000 personnes se posent toujours des problèmes d’accueil d’un public en très forte demande d’accès au droit. Philippe-Pierre Cabourdin a souligné que le contexte socio-économique, marqué par le chômage, la délinquance ou les exclusions, ne facilite pas l'action des services éducatifs. Ces difficultés ne touchent pas que les seuls services de la protection judiciaire de la jeunesse. Commet comptez-vous y répondre ?

Permettez-moi d’insister sur le problème spécifique des enfants relevant de la pédopsychiatrie. En Seine-Saint-Denis, où seulement 14 lits leur sont destinés, au moins 130 d’entre eux ont été confiés cette année à l'Aide sociale à l’enfance, faute de place dans des structures adaptées. Près de 5 000 enfants à qui des soins de pédopsychiatrie ont été prescrits ne les ont toujours pas reçus un an après.

Au-delà de l’indispensable remise à niveau des moyens, il y a urgence à lancer une vaste réflexion prospective à long terme, associant les professionnels de la justice, les élus et les usagers – ceux qui partagent votre avis, Madame la ministre, et ceux qui ne le partagent pas. Ne restez pas sourde à celui des professionnels, universitaires et chercheurs, qui s'évertuent à rappeler l'urgence d'une réforme dont vous ne retenez que le nom ; le traitement au coup par coup, en fonction de faits divers, coûte cher aux contribuables !

Comment pouvez-vous, d'un côté, mettre au ban de la société la population que vous dites « déviante » et, de l'autre, ne pas nous donner les moyens d'une incarcération digne d'une démocratie occidentale ?

La discussion de ce budget est malheureusement dominée par le tollé médiatique et la grogne politique, dans votre propre camp, suscités par l’annonce de la suppression de nombreux tribunaux. Mais ce sujet grave ne doit pas masquer la nécessité d'un réel débat sur la justice ; le groupe GDR votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Guy Geoffroy – Tout le monde, y compris à gauche, prend acte de l’augmentation notable des crédits attribués à la mission « justice ».

Il faut se féliciter que ce premier budget postérieur à la loi d’orientation pour la justice de 2002, qui avait représenté un effort sans précédent, ne freine pas l’élan ; tant en volume que dans sa répartition, il témoigne de la volonté de nous adapter de façon pertinente à l’évolution de notre société. Avec Dominique Perben, nous avons adapté la réponse judiciaire à l’évolution de la criminalité ; avec Pascal Clément, nous avons répondu, non pour solde de tout compte mais le plus rapidement possible, aux attentes du pays après la dramatique affaire d’Outreau, ainsi qu’en matière de tutelles ; avec vous, Madame la garde des sceaux, nous voulons poursuivre l’effort, non seulement quantitatif mais aussi et surtout qualitatif.

S’agissant du nombre de magistrats, les associations professionnelles nous disent toutes que le besoin se situe aux alentours de 8 000. Ce chiffre étant pratiquement atteint, la répartition des magistrats sur le territoire ne relève pas d’une gestion de la pénurie, mais de l’utilisation optimale des moyens.

Je formulerai quelques réflexions sur les sujets qui occupent le devant de l’actualité – au risque d’ailleurs de faire oublier l’effort considérable que poursuit ce budget.

Au début de la précédente législature, lorsque nous avons voulu créer les centres éducatifs fermés, nous avons été traités de dangereux répressifs, alors que M. Jospin les avait lui-même proposés dans son programme de 2002 ! Aujourd’hui, le constat est unanime : les centres éducatifs fermés sont efficaces, il faut continuer à en créer. Que n’avais-je entendu quand j’en avais demandé un dans ma commune dès le début de la mise en œuvre de la loi ! Maintenant, on me dit – très doucement – que j’avais probablement raison…

Il en va de même de la carte judiciaire. Nos collègues de l’opposition ont dit qu’ils avaient des propositions à faire : c’est curieux, ils en ont lorsqu’ils ne sont pas aux commandes, mais oublient d’en avoir lorsqu’ils y sont ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; Protestations sur les bancs du groupe SRC) La réforme qui nous est proposée laisse certains perplexes et provoque des mécontentements, peut-être parfois à juste titre, mais elle a le mérite d’exister. Elle traduit la volonté du Gouvernement d’adapter nos moyens judiciaires aux besoins de notre société. Vous avez fait valoir, Madame la garde des sceaux, que l’accès au juge était important, mais que l’accès au droit l’était peut-être plus encore : c’est à l’aune de cette double approche que nous pourrons juger de l’efficacité de la réforme engagée.

Comme presque tous les membres de la majorité, je voterai sans aucun état d’âme les crédits de la mission « justice » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Le Fur remplace M. Accoyer au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Marc LE FUR
vice-président

M. Arnaud Montebourg – Madame la ministre, vous avez choisi le mépris des territoires, des élus et de la province (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Votre ignorance exceptionnelle de la réalité concrète de la vie de nos concitoyens justiciables est à l’image de la brutalité de vos méthodes et de vos décisions (Mêmes mouvements).

Votre tour de France des tribunaux et des cours tourne au cauchemar sadomasochiste pour votre majorité (Protestations sur les bancs du groupe UMP), tant les incidents se multiplient : avocats molestés, élus humiliés, bâtonnier en grève de la faim hier soir à Montluçon, personnels de justice méprisés, magistrats « préfectoralisés » ; à quand la bastonnade généralisée ? (Mêmes mouvements)

Les problèmes, vous ne les réglez pas, vous les créez. Le président de l’Union syndicale des magistrats, qui est loin d’avoir sa carte au Parti socialiste, a déclaré ceci : « Nous dénonçons les risques très réels d’instauration de déserts judiciaires dans certaines régions et l’absurdité d’une réforme qui s’attaque à ce qui fonctionne le mieux, la justice de proximité. C’est le justiciable qui sera la principale victime de cette réforme ». Tout est dit !

Vous fermez à la hache plus de 200 tribunaux d’instance, qui jugent en des délais records et satisfaisants à la porte du domicile, pour envoyer les justiciables se faire juger dans des tribunaux engorgés. Ce sont les territoires ruraux et les citoyens les plus modestes qui vont payer le prix de cette contre-réforme. Lors de votre audition par la commission des lois, vous nous aviez d’ailleurs promis de nous communiquer les délais de jugement, juridiction par juridiction ; nous attendons toujours cette information…

Vous avez prétendu avec fantaisie que la fermeture des tribunaux d’instance conduirait les juges à se déplacer à domicile pour les dossiers de tutelle ; il faudrait pour cela des postes de magistrats et de greffiers en chapelet : en Saône-et-Loire, il y a environ 850 dossiers de tutelle par tribunal !

Nous comprenons – sans la moindre indulgence – pourquoi vous préférez vous réfugier dans le sanctuaire électoral de Paris le plus chic et le plus fortuné, le 7e arrondissement, qui ne risquera pas de vous désavouer ou de vous poser de mauvaises questions…(Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Mach – Goujat !

M. Arnaud Montebourg – Vous avez osé expliquer que c’était en raison des dérapages de l’affaire d’Outreau qu’il faudrait supprimer 250 à 300 tribunaux petits et moyens, qui seraient facteurs de mauvaise justice. Or les 200 tribunaux d’instance dont vous ordonnez le massacre n’ont pas de compétence pénale, sauf en matière de contraventions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Nous en avons déduit que soit vous étiez ignorante du rapport sur l’affaire Outreau, soit vous vous moquiez ouvertement de la représentation nationale…

Mais le plus grave, c’est ce que certains députés de la majorité, auxquels nous rendons hommage pour leur combativité dans ce dossier, ont dénoncé. Notre collègue Alain Gest, qui préside le conseil général de la Somme, a regretté hier dans un journal national les « traitements différenciés » selon qu’« il y a des ministres ou non » dans le département (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous aimerions savoir ce qu’il en est, et quelles sont les contreparties que le président du groupe UMP s’est vanté de ne pouvoir obtenir.

Vous avez eu l’audace d’affirmer que la réforme de la carte judiciaire économiserait les finances publiques. Or ce que nous voyons dans cette contre-réforme tendant à la concentration judiciaire, c’est qu’il faudra pousser les murs, construire des palais de justice et des cités judiciaires, bref faire des investissements coûteux pour le contribuable, pour un service moins bon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Vous avez entendu nos contre-propositions, consistant à améliorer la justice de proximité, à élargir les compétences des tribunaux d’instance, mais vous avez fermé vos écoutilles !

En conclusion, je voudrais m’adresser à nos honorables collègues de la majorité, autant exaspérés que nous le sommes (« Pas du tout » sur plusieurs bancs du groupe UMP), à part quelques individualités remarquables. De tout temps, des ministres ont individuellement perdu la confiance de la majorité ; les députés ont toujours cherché le moyen de sanctionner un ministre sans retirer leur soutien à la politique générale du Gouvernement. Dans tous les pays européens, il existe des procédures permettant la mise en minorité d’un ministre qui ne fait pas correctement son travail (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Une telle procédure n’existant pas dans notre Constitution, il ne nous reste que la procédure budgétaire pour faire connaître la défiance qui s’installe tant dans le pays que dans la majorité.

Le moment est venu de censurer cette politique désastreuse. Nous demanderons un scrutin public pour que chacun prenne ses responsabilités et, bien entendu, nous voterons contre l’adoption des crédits. Nous espérons, Madame la ministre, que votre autoritarisme trouvera enfin un juste et nécessaire obstacle démocratique sur son chemin (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Guénhaël Huet – Sur un sujet aussi sérieux, mieux vaut éviter de verser dans la caricature ou de se réfugier dans l’excès (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Rendre la justice est une mission régalienne de l’État, qui se confond avec l’origine même de la vie en société. C’est protéger le citoyen dans sa vie quotidienne et ce n’est donc ni une abstraction ni une chose toute faite. Il faut tenir compte de l’environnement judiciaire, que l’on peut caractériser par quelques éléments fondamentaux.

Il convient d’abord d’avoir en permanence le souci de l’équité entre les parties, ce qui impose la professionnalisation des juges. Il faut avoir ensuite le souci de l’efficacité, ce qui commande de réduire les délais de procédure et d’exécution des décisions rendues par les juridictions de toutes natures, notamment pénales. Il faut répondre à une certaine forme de banalisation de la délinquance, qui appelle une réponse pénale ferme et adaptée, comme l’ont voulu le législateur et le Gouvernement par la loi du 10 août 2007 relative à la récidive des mineurs. Enfin, il faut faire face à la juridisation croissante de la société : dans nombre de situations, le recours au juge devient systématique, au détriment de toutes les formes de conciliation amiable.

Ces données incontournables pèsent pour une rationalisation de notre appareil judiciaire. Le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, Madame la garde des sceaux, ont souhaité faire de la justice la priorité du PLF pour 2008 : alors que le budget de l’État n’augmente que de 1,6 %, celui de la justice progresse de 4,5 %, soit presque trois fois plus. C’est le signe d’une grande ambition pour notre justice : les 6,5 milliards qui constituent votre budget vont permettre de rendre une justice plus rapide, plus efficace, plus cohérente, plus lisible, plus ferme, plus humaine et plus moderne. La création de 1 615 emplois concerne l’ensemble des secteurs et des catégories d’agents, dans les juridictions, les établissements pénitentiaires et les services de la PJJ.

Au-delà de l’exercice de la justice, ce sont les actions de prévention et de protection des individus qui se trouveront confortées par l’évolution favorable de votre budget. De même, l’accès au droit et à la justice est renforcé, avec la consolidation des crédits consacrés à l’aide juridictionnelle et l’augmentation des moyens affectés aux procédures de médiation comme aux conseils départementaux de l’accès au droit.

Ces éléments prometteurs se conjuguent avec la réforme de la carte judicaire, qui n’avait pas été modifiée depuis 1958. Maintes fois reportée, cette réforme inquiète cependant beaucoup les personnels judiciaires, les auxiliaires de justice et les élus que nous sommes, car la perte d’une juridiction est appréhendée comme un démantèlement du service public, dans des régions où il est déjà mis à mal depuis longtemps, quelle que soit la majorité politique au pouvoir. Dans ces conditions, il importe, Madame la ministre, que vous expliquiez de manière très détaillée les modalités de la réforme et que vous veilliez à ce qu’elle soit mise en œuvre sans brutalité, avec une certaine progressivité. À cet égard, je vous remercie de nous indiquer clairement si vous prévoyez d’introduire par la voie législative une réforme de la compétence des tribunaux d’instance…

M. Arnaud Montebourg – Il n’y en aura plus !

M. Guénhaël Huet – …afin qu’elle s’étende de manière définitive au contentieux familial. Votre engagement sur ce point permettrait de réduire une grande part de l’inquiétude et de l’opposition qui se manifestent ces jours-ci. Il importe enfin de tenir le plus grand compte des particularités locales, afin d’éviter des dysfonctionnements ultérieurs.

Nous vous faisons confiance, Madame la ministre,…

M. Serge Blisko – Heureux homme !

M. Guénhaël Huet – …pour répondre à ces interrogations de moyen terme. Pour l’heure, nous nous félicitons de ce projet de budget, car il porte la marque de votre ambition pour la justice et engage une modernisation réelle de l’ensemble du système(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Blisko – Les budgets de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'administration pénitentiaire sont malheureusement placés sous le signe de la répression et du recours massif à l'enfermement.

Les actions de la PJJ se concentrent sur la prise en charge du secteur pénal le plus grave. Vous vous défaussez sur les associations habilitées et les conseils généraux, amenés à gérer les questions pénales plus légères, contrairement à l'esprit et à la lettre de l'ordonnance de 1945. Vous mettez en avant les établissements pour mineurs et, comme les années passées, les postes créés pour l'encadrement éducatif et les greffes seront absorbés dans le secteur fermé – lequel se prépare à recevoir 300 jeunes de plus par an ! –, au détriment des foyers d'action éducative et du milieu ouvert.

C’est bien votre obsession de l’enfermement qui crée la surpopulation carcérale. Deux ans après la parution du rapport du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l’Europe, M. Gil-Robles, la condition pénitentiaire ne s'améliore pas. Au contraire ! Au 1er octobre 2007, le taux d’occupation s’établissait à 120 % et l’on recensait plus de 10 000 détenus en surnombre, avec les conséquences désastreuses que chacun connaît. J’ai du reste apprécié que M. Hunault cite ces chiffres, même si sa conclusion était en parfait décalage avec la teneur de son propos.

Pis, la surpopulation va s'accentuer si l'on en croit les prévisions, non publiées, de l'administration pénitentiaire. Je comprends du reste les raisons qui vous poussent à interdire la publication de ces chiffres, puisqu’ils annoncent 80 000 détenus à l'horizon 2017. Je souhaite vraiment, Madame la ministre, que vous démentiez aujourd’hui ce chiffre ahurissant.

Plusieurs députés du groupe SRC – Où va-t-on les mettre ?

M. Serge Blisko – L'explosion de la population carcérale est due à votre orientation de politique pénale : allongement de la durée des peines, instauration de peines planchers et quasi-disparition des libérations conditionnelles. À ce rythme, l'objectif de l'emprisonnement systématique en cellule individuelle, qui devait être atteint en juin 2008, ne le sera jamais. Madame la ministre, comptez-vous à nouveau reporter cette échéance ou l'abandonner définitivement ? Pouvez-vous enfin nous parler franchement sur un dossier aussi important ?

Face à la surpopulation, vous vous contentez d’évoquer la construction de nouvelles prisons – au reste indispensable vu l’état d’insalubrité indigne de certains établissements. Sept établissements devraient ouvrir en 2008 et sept autres à partir de 2009.

Cependant, il est à craindre que l’augmentation des capacités d'accueil du parc pénitentiaire n’encourage encore le recours à la prison, déjà trop souvent perçu comme le seul moyen de traiter la délinquance. N’entrons pas dans un cercle vicieux ! Au lieu de construire massivement, il faut développer les alternatives à la détention et les aménagements de peine. Il ne s’agit pas seulement de désengorger mécaniquement les maisons d'arrêt pour compenser la suppression de la grâce présidentielle, mais bien plutôt d’assurer la réinsertion des condamnés et de prévenir la récidive.

Qui peut encore ignorer que les détenus ayant bénéficié d'un aménagement de leur peine récidivent moins que ceux qui ont connu des sorties sèches ? Or le budget pour 2008 ne prévoit que 6 millions pour la mise en œuvre de ce type de mesures. La Chancellerie semble s’en remettre exclusivement au placement sous surveillance électronique : 3 000 bracelets sont annoncés pour 2008, alors que les maisons d'arrêt connaissent une suroccupation de 120 % . Il faut être plus audacieux et plus imaginatifs !

Autre déception, il n’est pas prévu d’accroître suffisamment le nombre de juges d'application des peines, qui effectuent un travail remarquable.

Vous annoncez la création de 1 100 emplois de surveillants et de 579 nouveaux postes à répartir entre les conseillers d'insertion et de probation et les personnels techniques et administratifs. Ces effectifs devraient cependant être absorbés par les nouveaux établissements pénitentiaires, au détriment des plus anciens, qui souffrent pourtant de fortes carences. Quant aux surveillant, ils doivent faire face à plus de 600 agressions par an. À cause du retard pris dans la création d’unités spécialement aménagées pour l'hospitalisation des personnes détenues atteintes de troubles mentaux, les surveillants ont à gérer des publics extrêmement difficiles. Le maintien en détention de malades mentaux provoque des drames, comme l'a montré l'acte de cannibalisme perpétré dans la maison d'arrêt surpeuplée de Rouen, en janvier dernier. Nous en reparlerons lors de l'examen de votre futur projet de loi.

Madame la ministre, le groupe socialiste regrette que les moyens dévolus à ces deux programmes ne soient pas orientés vers une autre philosophie pénale, celle qui consiste à donner du sens à la peine en vue de prévenir la récidive et de donner aux condamnés le maximum de chances de réinsertion.

Mme Marylise Lebranchu – Bravo !

M. Serge Blisko – C'est pourquoi nous voterons contre ce budget (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Max Roustan – Lors de sa réunion du 25 juillet dernier, la délégation à l’aménagement et au développement durables du territoire de notre Assemblée m’a désigné en tant que rapporteur d’information sur la carte judiciaire… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Arnaud Montebourg – On est sauvés ! C’est bien payé ? (Rires)

M. Max Roustan – J’ai auditionné pendant plus de trente heures tous les acteurs de la justice, quels que soient leurs corps et leurs appartenances syndicales. Tous s’accordent sur la nécessité de réformer la carte judiciaire. Cependant, quasiment toutes les personnes auditionnées ont dénoncé la méthode retenue. Le fait que la concertation ait eu lieu pendant l’été a donné à beaucoup le sentiment de n’être pas entendus. Compte tenu de l’importance de la réforme, le calendrier n’a pas paru adapté en ce qu’il ne laissait pas assez de temps au dialogue et à la défense contradictoire d’intérêts parfois divergents. Ils ont aussi regretté que cette réforme soit purement mécanique, alors qu’elle était une chance pour réformer les contentieux, ce qui aurait permis aux justiciables d’être doublement gagnants (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

L’urgence dans laquelle est menée la réforme d’un secteur aussi délicat ne se comprend pas. La justice est l’un des derniers piliers de l’autorité de l’État. C’est pour cela qu’elle doit être présente partout sur le territoire.

M. Alain Vidalies – Exactement. C’est une mission régalienne.

M. Max Roustan – Vous justifiez le rythme retenu par la loi du 5 mars 2006 qui tend à renforcer l’équilibre de la procédure pénale. Toutefois, cette loi – que j’ai votée – ne concerne, comme son titre l’indique, que l’instruction et les pôles d’instruction, soit 5 % à peine des affaires traitées (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC). En outre, son article 8 dispose que le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur les perspectives d’évolution de la carte judiciaire : si cela avait été respecté, nous aurions eu une base de travail acceptable par tous, acteurs de la vie judiciaire et élus.

Au mois d’octobre, j’ai rencontré votre cabinet pour relayer un certain nombre de craintes et de critiques. Vous avez infléchi votre méthode…

Plusieurs députés du groupe SRC – Ah bon ?

M. Max Roustan – …en décidant d’annoncer votre réforme cour d’appel par cour d’appel. On ne peut que vous en féliciter. Dans le Gard, où je suis élu, les solutions annoncées permettent de maintenir un certain équilibre.

Néanmoins, la décision de maintenir le tribunal des prud’hommes est une décision pleine de sagesse, et je tiens à vous en remercier.

M. Arnaud Montebourg – Vous êtes bien le seul !

M. Max Roustan – À la fin de votre tour de France, de nombreuses inquiétudes demeurent cependant. Les parlementaires, exclus de la réforme, sont frustrés ; un débat, même sans vote, était attendu, pour en mesurer en amont les conséquences. A-t-on une idée du coût global de la réforme ? Quelles sont les économies attendues de la rationalisation des implantations ? L'impact budgétaire de celle-ci devrait être limité en 2008, la réforme s'étalant sur trois ans ; cependant, il ne sera pas nul.

N'oublions pas non plus que la réforme des conseils de prud'hommes interviendra rapidement ; il faut dès à présent lancer les études et travaux d'extension immobilière, si nous voulons accueillir dès 2009 ou 2010 de nouveaux magistrats ou fonctionnaires sur des sites actuellement saturés. À Toulouse ou Rouen, des magistrats travaillent dans des constructions modulaires Algeco ! Seuls 80 millions sont prévus en autorisations d'engagement pour l’immobilier judiciaire, c’est-à-dire l’équivalent de la construction de deux à quatre tribunaux. Comment pourrez-vous lancer, avec un tel montant, les nouvelles opérations liées à la réforme de la carte judiciaire, et poursuivre les travaux de mise aux normes et de sécurisation des tribunaux ? Quel est le coût global du volet immobilier ? Le budget de la justice aura-t-il la capacité de l’assumer dans les prochaines années ?

Des mesures d'accompagnement sont prévues à hauteur d’un million et demi. Ce n'est forcément qu'une provision, compte tenu du caractère progressif de la réforme. Environ 2 000 membres du personnel seront touchés, principalement dans les catégories B et C. Quelles mesures prendrez-vous pour elles ? Les avocats ont également fait l'objet de discussions, et en particulier ceux qui voient leur barreau disparaître. Des mesures de compensation sont-elles envisagées ? Un montant de 1,5 million est prévu pour l’indemnisation du personnel. Quelles mesures ces crédits financeront-ils ? Les inquiétudes se nourrissent de l’incertitude.

Lorsqu’un tribunal ferme, qu’est-il prévu pour faciliter l’accès à la justice ? Le recours aux audiences foraines est-il envisagé, et des moyens adéquats sont-ils prévus ? Madame la garde des sceaux, vous avez présenté les technologies de l’information et de la communication comme un palliatif à l’éloignement du justiciable. Comme j’ai pu le constater, à Grenoble, la dématérialisation des procédures commence à se mettre en place pour le contentieux pénal, et elle sera effective pour les TGI à partir du 1er janvier. Cependant, outre le problème que pose l’équipement des avocats, qu’est-il prévu pour les tribunaux d’instance – qui sont au cœur de votre réforme – et pour les justiciables qui les fréquentent sans passer par un avocat ? Les justiciables seraient-ils les grands oubliés de la réforme ? Auront-ils accès à leurs dossiers ? Des financements sont-ils prévus pour cela ? De nombreuses questions subsistent, et je vous remercie des réponses que vous voudrez bien y apporter (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs de l’UMP).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice La justice est une priorité pour les Français, et elle l’est aussi pour le Gouvernement. Son budget pour 2008 est ambitieux, et je remercie M. le rapporteur spécial Couanau de l’avoir souligné. Comme vous l’avez dit, Monsieur Vaxès, c’est le seul budget qui augmente fortement, avec une hausse des crédits de 4,5 %, contre 1,6 % pour l’ensemble du budget de l’État. Non seulement tous les départs en retraite seront remplacés, mais 1 615 emplois supplémentaires seront créés. C’est un effort important, que je vous demande de soutenir.

Mais l’effort financier demandé à la nation ne peut être dissocié d’un autre effort : celui qui concerne la réforme de la justice. Tel est également l’objet de ce budget. Nous voulons une justice qui réponde aux préoccupations des Français, en étant plus ferme, plus attentive aux victimes, et plus humaine.

La justice doit être plus ferme pour protéger nos concitoyens. C’est une demande des Français, Monsieur Braouezec. C’est pourquoi le Parlement a adopté la loi du 10 août 2007, dont je salue le rapporteur, M. Geoffroy. Cette loi renforce la lutte contre la récidive : 2 231 décisions ont déjà été prises sur son fondement. Elle respecte le principe d’individualisation des peines et rappelle que la violation répétée de la loi doit être effectivement réprimée. Contre le sentiment d’impunité qui s’est développé chez certains mineurs, j’ai voulu poser un principe clair : une infraction, une réponse pénale. Nous voulons une prise en charge plus rapide et plus efficace des mineurs délinquants. Le projet de budget s’inscrit dans cette volonté.

Les centres éducatifs fermés ont démontré leur utilité : 61 % des adolescents qui en sortent ne récidivent pas. Aussi, dix nouveaux centres seront ouverts en 2008, portant leur nombre à 43.

M. François Calvet – Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Cinq centres à dimension pédopsychiatrique seront opérationnels, Madame Tabarot. En outre, cent emplois supplémentaires permettront de renforcer l'action de la protection judiciaire de la jeunesse dans les centres fermés et les établissements pour mineurs.

Pour protéger les Français, il est également essentiel de prévoir des mesures de sûreté contre les pédophiles et les délinquants dangereux en fin de peine. Ce sera l'objet du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la culpabilité civile, que je souhaite vous soumettre avant la fin de l'année.

Les victimes ayant souvent le sentiment d’être délaissées par la justice, nous devons mieux les accompagner tout au long de la procédure judiciaire. Il faut également garantir leur indemnisation. Or, les trois quarts des victimes ne sont pas éligibles à la commission d'indemnisation des victimes d'infractions. Nous créerons donc un service d'assistance au recouvrement des indemnisations, qui aidera les victimes non éligibles à la commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Elles n'auront aucun frais à avancer pour obtenir les dommages et intérêts auxquels elles ont droit, ni n’auront à assumer seules toutes les démarches. Elles ne seront plus obligées d'être en contact avec l'auteur des faits, ni de lui donner leurs coordonnées. La commission d'indemnisation sera rendue plus accessible : le magistrat qui la préside recevra les attributions de juge délégué aux victimes, et les victimes et leurs avocats pourront le saisir. Un décret entrera en vigueur à cet effet le 2 janvier 2008.

Les crédits destinés aux associations d’aide aux victimes s'élèveront à 10,9 millions, en augmentation de 15 %. En ce qui concerne l’accès au droit, les crédits de l’aide juridictionnelle s’élèveront à 327 millions en 2008.

La justice est également humaine quand elle garantit la dignité des personnes détenues. La loi du 30 octobre 2007 a institué un contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont le budget, inscrit dans le programme « Coordination du travail gouvernemental », qui relève du Premier ministre, s’élève à 2,5 millions. Un projet de loi pénitentiaire, qui redéfinira le rôle des prisons et améliorera les conditions de prise en charge des détenus, est en cours d'élaboration. Le comité d'orientation restreint doit me remettre prochainement une seconde série de propositions concernant les missions des personnels.

Le budget prévoit la création de 1 100 postes supplémentaires dans l'administration pénitentiaire. En outre, attentive à la sécurité du personnel, j'ai d’ores et déjà signé, le 12 septembre, une convention avec les représentants des exploitants d'hélicoptères, en vue de réduire le nombre de tentatives d'évasion par voie aérienne. Parallèlement, des travaux de sécurisation continueront à être réalisés dans les établissements.

En 2008, sept nouveaux établissements ouvriront leurs portes, dont trois établissements pour mineurs. Grâce à ce budget, nous disposerons ainsi de 2 800 places supplémentaires.

Il faut aussi améliorer la réinsertion des détenus, et pour cela développer l'aménagement des peines et éviter les « sorties sèches ». Nous consacrerons donc 5,4 millions au financement des bracelets électroniques, et 3 000 seront disponibles dès 2008. Enfin, un million d'euros sera destiné au financement des associations qui accueillent des condamnés ; en leur offrant un logement et un travail, elles augmentent leurs chances de réinsertion.

La justice doit aussi se réformer de l'intérieur. Nous avons commencé à mettre en place une véritable politique des ressources humaines. La gestion des carrières des magistrats et des greffiers doit être modernisée, en vue de mieux valoriser les talents. En 2008, 400 emplois supplémentaires seront créés au profit des juridictions. Les effectifs des pôles anti-discrimination, du secrétariat général de tribunaux de grande instance et des futurs pôles de l'instruction seront augmentés ; d'autres emplois seront utilisés pour des missions de magistrats, qui remplacent leurs collègues absents. Il y aura autant d'emplois nouveaux de greffiers que d'emplois nouveaux de magistrats. C’est pourquoi j’ai créé un service responsable des ressources humaines avec deux sous-directions, une pour les magistrats, l'autre pour les greffiers.

Il faut également que la magistrature s'ouvre davantage à la diversité de la société. À cette fin, le nouveau directeur de l’École nationale de la magistrature a pour mission de moderniser l’établissement, qui doit former des magistrats efficaces, responsables et ouverts sur le monde, et développer chez les auditeurs de justice les qualités humaines indispensables à leurs futures fonctions. La formation des magistrats et des personnels judiciaires sera du reste l’une des priorités de la présidence française de l’Union européenne. Ainsi, la justice contribuera à la politique d’égalité des chances, notamment grâce à la création, dès janvier 2008, d’une classe préparatoire intégrée à l’ENM qui accueillera 15 étudiants d’origine sociale modeste ou bénéficiant de bourses sur critères sociaux ; plus de 120 candidats se sont déjà manifestés.

Les femmes doivent elles aussi être mieux représentées au sein du corps judiciaire, notamment aux plus hautes responsabilités. Les nominations devront permettre d’assurer la parité : c’est pourquoi, sur les 10 nouveaux procureurs généraux qui viennent d’être nommés, cinq sont des femmes, ce qui porte la proportion de celles-ci de 6 à 21 %.

Afin d’améliorer les conditions de travail des personnels, 121 millions seront consacrés à la rénovation de certains tribunaux – notamment celui de Perpignan - et à leur mise aux normes de sécurité incendie et d’accessibilité aux handicapés.

MM. François Calvet et Daniel Mach – Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Pour les personnels comme pour les justiciables, nous renforcerons la sécurité des palais de justice : les drames de Metz et de Laon ne doivent pas se reproduire ; je tiens à condamner très fermement la fusillade dont le tribunal d’Ajaccio a été la cible la nuit dernière. Grâce au déblocage dès cet été de 20 millions de crédits jusqu’alors gelés, 209 juridictions disposent désormais d’un portique de sécurité et 92 % des équipes de surveillance sont au travail. Cet effort se poursuivra en 2008, grâce à 39 millions supplémentaires.

Les juridictions, qui attendent depuis 1999 de bénéficier des technologies modernes de l’information et de la communication, lesquelles facilitent l’accès à la justice et permettent – comme l’a souligné M. Blanc – d’agir plus rapidement et plus efficacement, bénéficieront de la numérisation des procédures – pénales dès 2008 et civiles en 2009 – et de la possibilité d’échanger des courriers électroniques avec les auxiliaires de justice ou de recourir à la visioconférence. Les sites pilotes déjà lancés permettent d’obtenir des résultats prometteurs. Demain, le justiciable et son avocat pourront suivre le déroulement de la procédure en ligne ou recevoir un jugement par courrier électronique, ce qui permettra aux greffes d’économiser le temps précieux qu’ils consacraient à la reprographie des dossiers. Plus de 67 millions seront consacrés à ces programmes informatiques.

Quant à l’organisation de la justice, l'affaire d'Outreau, qui a particulièrement marqué les Français, a montré combien la solitude du juge était dangereuse. Les magistrats doivent pouvoir se concerter, les plus expérimentés conseillant les plus jeunes.

Monsieur Montebourg, vous me faites un procès en incompétence…

M. Arnaud Montebourg – Ce n’est pas moi qui le fais, c’est la France !

M. Daniel Mach – Goujat !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Mais j'ai bien lu le rapport de la commission d'enquête, comme celui d'Henri Nallet, qui préconisait la départementalisation de la justice et la suppression de tous les tribunaux d’instance (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Georges Fenech – Ils sont amnésiques !

M. Arnaud Montebourg – Le rapport Nollet n’est pas une Bible ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux J’ai lu aussi le projet de Mme Guigou, fondé sur des critères d'activité. Les conclusions de la commission Outreau soulignent que la dispersion des moyens nuit à l'efficacité de la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Arnaud Montebourg – Le rapport de la commission Outreau ne parle pas des tribunaux d’instance !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Une centaine de tribunaux d’instance sur 475 n’ont ni magistrats, ni fonctionnaires, ni greffiers ; comment expliquer aux Français qui relèvent de ces tribunaux qu’ils n’ont pas droit à la même justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies – Qu’ont fait MM. Perben et Clément pendant cinq ans ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux C'est pourquoi le Parlement a voté la loi du 5 mars 2007, qui dispose que, dans certains tribunaux de grande instance – et non dans tous –, les juges d'instruction sont regroupés au sein d'un pôle de l'instruction, et qu’il a confié au Gouvernement le soin d’établir par décret la liste de ces tribunaux. Nous avons retenu ceux dont l’activité suffisait à occuper trois juges d'instruction – ce qui supposait nécessairement une réflexion territoriale –, et cherché à parvenir à un équilibre dans chaque région.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué la carte judiciaire. Je tiens à leur répondre, même si la réforme va au-delà de la mise en place des pôles de l'instruction, le 1er mars 2008, comme du débat budgétaire, puisque la réforme s’étendra sur trois ans.

Notre carte judiciaire date de 1958…

M. Daniel Mach – Comme le parti socialiste ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Elle n'a pas été modifiée depuis cinquante ans…

Mme Delphine Batho – C’est faux !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux …ce qui entrave le fonctionnement de la justice. M. Hunault l’a rappelé, la commission Outreau a reconnu, à l'unanimité, la nécessité de la réformer.

M. Guy Geoffroy – Absolument.

Mme Marylise Lebranchu – Ce n’est pas vrai !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux 1 200 juridictions sur 800 sites : une telle dispersion n’est plus possible. Les Français attendent une justice de qualité égale sur l’ensemble du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Les victimes d’agressions, les citoyens en détresse veulent une réponse rapide, conformément à la mission de la justice (« Justement ! » sur les bancs du groupe SRC), régler les litiges, juger les délits et les crimes. Au-delà de la proximité physique, c’est cela, la justice de proximité !

Les justiciables peuvent solliciter les conseils d'un avocat, les services d'un huissier ou d'un notaire, l’aide des associations de victimes, qui font un travail formidable sur le terrain ; ils peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle ; bientôt, grâce à Internet, ils pourront saisir n'importe quelle juridiction en France, où qu’ils se trouvent. Nous ne sommes plus en 1958 ! Avoir un tribunal près de chez soi ne garantit pas une justice de proximité.

M. Alain Vidalies – Quel charabia !

Mme Delphine Batho – En tout cas, les personnes âgées apprécieront !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Monsieur Vidalies, vous invoquez l'accès au juge, mais un juge seul dans un tribunal d'instance, qui ne peut partager ses interrogations et ses doutes avec un collègue, peut-il offrir une justice de qualité ?

Monsieur Montebourg, notre réforme tient compte des réalités du terrain (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC)

M. Arnaud Montebourg – La délégation à l’aménagement du territoire dit le contraire. Les élections le confirmeront !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Sinon nous n’aurions pas demandé aux chefs de juridiction de formuler des propositions et je ne me serais pas rendue dans chaque région pour écouter les remarques des élus et des professions judiciaires. En somme, des deux manières de réformer la carte judiciaire – en parler sans rien faire, ou se rendre sur le terrain et agir –, nous avons choisi la seconde !

La réorganisation de la carte judiciaire ne règlera pas à elle seule toutes les difficultés (« Elle en créera ! » sur les bancs du groupe SRC). C’est l’ensemble des réformes que nous avons entreprises qui permettra de restaurer la confiance que les Français portent à leur justice, ainsi que l'autorité et l'image de la justice.

MM. François Calvet et Daniel Mach – Même Georges Frêche est d’accord !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Parce que le Gouvernement a conscience de ces besoins et de ces enjeux, il a clairement fait du budget de la justice une priorité. C’est ce qu’attendaient l'ensemble des acteurs judiciaires ; je ne doute pas que vous aurez à cœur de confirmer ce choix, dans l’intérêt des justiciables de notre pays (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Daniel Mach – Quel courage !

M. Alain Vidalies – M. Clément n’est pas d’accord !

QUESTIONS

M. Michel Vaxès – Madame la garde des sceaux, depuis les premières critiques suscitées par votre réforme de la carte judiciaire, vous n'avez cessé de proclamer que la justice de proximité ne serait pas remise en cause, invoquant le seul intérêt du justiciable. Pourtant, vous supprimez de très nombreux tribunaux d'instance, juridictions de proximité s’il en est, qui ont pourtant fait la preuve de leur efficacité et de leur utilité.

Au-delà de la nécessaire proximité géographique, la facilité d’accès à la justice suppose, dans certains contentieux, des modes de saisine simples, sans obligation pour le justiciable d’être représenté par un avocat. Mais, pour calmer la grogne des avocats, vous semblez prête à envisager des mesures compensatoires, notamment en rendant leur présence obligatoire dans certains cas. Selon un communiqué du conseil national des barreaux, cette extension de la représentation en justice des parties serait envisagée en matière commerciale et civile.

Le confirmez-vous ? Pouvez-vous, le cas échéant, nous préciser les contentieux concernés et la manière dont vous préserveriez l'accès à la justice de justiciables tentés de renoncer à demander réparation dès lors que les frais engagés pour leur défense risquent d’être supérieurs à la compensation du préjudice subi ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Sur la facilité d’accès à la justice, notamment aux tribunaux d’instance, unité de proximité confortée en 1958, j’avais proposé au comité consultatif créé le 27 juin dernier la création d’un tribunal de première instance ; cette proposition a été rejetée par les élus – et non par les professionnels, qui y étaient favorables, surtout les magistrats.

Quant aux tribunaux d’instance, leurs compétences d’attribution concernent essentiellement le surendettement, la consommation et la tutelle. Dans ce dernier cas, magistrats et greffiers se rendent hélas de moins en moins dans les hôpitaux, dans les maisons de retraite et dans les établissements spécialisés, parce que la solitude des juges d’instance les oblige à se consacrer à des missions qui ne relèvent pas de leur compétence. Le regroupement des moyens et des juges remédiera à ce problème. Il y va de la protection des biens et des personnes, adultes incapables ou enfants handicapés. Le projet de loi sur les tutelles prévoit du reste un mandat de protection future. En se déplaçant davantage, le juge des tutelles – chargé d’ouvrir la procédure et d’évaluer la mesure – accomplira mieux sa mission. Le traitement des dossiers est quant à lui purement administratif et se fait dans le cadre du greffe. S’agissant du surendettement et de la consommation, le justiciable ne se rend au tribunal d’instance que pour déposer son dossier. Il n’y a pas de comparution en personne.

Avec les instances nationales représentatives des avocats, nous avons exploré plusieurs pistes de travail afin de trouver des compensations. La première est de réorganiser la profession, notamment dans le cadre des transformations de TGI en TI renforcés qui entraînent la perte d’un bâtonnier. La seconde serait d’autoriser la multipostulation, puisqu’il est actuellement impossible pour un avocat rattaché à un TGI de plaider dans un autre TGI, même dans le ressort de la Cour d’appel. La troisième porte sur la représentation, qui pourrait devenir obligatoire pour certains contentieux comme celui de la consommation, où les législations nationales et européennes sont extrêmement complexes. Enfin, certains avocats ont exprimé le souhait d’un accès facilité à la magistrature (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Jacques Candelier – Vous avez entamé un tour de France de la grogne judiciaire, annonçant ici la suppression d’un tribunal, là le déplacement d’un autre, non sans remous, y compris au sein de la majorité. Madame la ministre, vous voulez que les juridictions aient une taille adéquate pour optimiser les moyens. Mais une meilleure répartition des moyens n'est pas le seul enjeu ! Nous devons obtenir plus de moyens ! Les 1 615 postes supplémentaires prévus par le budget sont, à cet égard, bien insuffisants ; j’en veux pour preuve l'état des prisons, l’affaire d’Outreau ou les agressions de magistrats dans les tribunaux.

Le 12 octobre, vous avez rendu votre verdict à Lille : suppression d'un TGI et de quatre TI. Je me suis réjoui du maintien des activités judiciaires à Douai, mais depuis, j’ai appris qu'au 1er mars 2008, seuls les pôles de l'instruction auraient compétence pour instruire les affaires criminelles et les affaires correctionnelles « complexes ». Dans les juridictions sans pôle de l'instruction, il ne restera qu'un juge d'instruction jusqu'en 2010. Le TGI du Douaisis serait donc appelé à disparaître, après le conseil de prud’hommes et le tribunal des affaires de sécurité sociale. Pour obtenir la création d’un pôle de l’instruction, Douai réunit tous les critères à l'exception d'un seul, le nombre de juges d'instruction. Néanmoins, cette condition n’est pas irréductible, puisque le TGI de Blois, qui n'en a que deux, s'est vu attribuer un pôle de l'instruction. En outre, l'activité des deux juges d'instruction douaisiens est nettement supérieure à la moyenne nationale. Enfin, le premier président et le procureur général ont exprimé le même souhait.

Madame la ministre, êtes-vous favorable à la mise en place d'un pôle de l'instruction à Douai ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux La mise en place de pôles de l’instruction est une mesure de la loi du 5 mars 2007 ; il convient donc de la dissocier de la réforme de la carte judiciaire.

Sachez que l’instruction ne traite que 5 % des affaires au pénal. Avec ou sans pôle de l’instruction, les TGI continueront bien de traiter des affaires pénales ! Si une affaire est ouverte à l’instruction, le TGI sera saisi, elle sera envoyée au pôle de l’instruction puis elle reviendra au TGI pour y être jugée.

Les pôles de l’instruction n’exercent pas une justice de proximité : ce sont des pôles techniques, spécialisés, traitant de contentieux complexes – à l’image des pôles financiers, dont la création est plus ancienne. C’est la même tendance au regroupement des moyens qui a entraîné la création des groupes d’intervention régionaux – contre l’économie souterraine - et des juridictions interrégionales spécialisées – contre la criminalité organisée et le terrorisme.

Les TGI ne sont pas supprimés, mais transformés en tribunaux d’instance « renforcés ». Les affaires familiales – qui représentent le plus gros du contentieux – ou les affaires impliquant des mineurs continueront d’y être jugées par le biais d’audiences foraines (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Hunault – Je voudrais saluer la concertation qui a eu lieu sur la réforme de la carte judiciaire en Loire-Atlantique sous la présidence du préfet Hagelsteen, lors de laquelle nous avons pu vous présenter nos propositions. Vous y avez annoncé le maintien des TGI de Saint-Nazaire et de Nantes, la suppression du TI de Paimboeuf et celle du TI de Châteaubriant, situé à 65 kilomètres de Nantes.

Les maisons de justice et du droit concourent à la prévention de la délinquance et assurent une présence judiciaire de proximité. Certes, elles n’ont pas vocation à remplacer tous les tribunaux d’instance qui seront supprimés. Mais soutiendriez-vous la création d’une maison du droit et d’accès au droit à Châteaubriant afin de maintenir le service public de la justice ? Des audiences foraines – comme c’est déjà le cas au TI – pourraient s’y tenir, afin d’éviter à une population qui n’en a ni les moyens ni les possibilités, de devoir se rendre à Nantes.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux L’accès au droit – dont on parlait peu il y a encore dix ans – apparaît de plus en plus indispensable.

Les maisons de la justice et du droit, plus nombreuses, intégreront désormais les nouvelles technologies pour introduire les instances ou déposer les requêtes auprès du TGI. Des greffiers, des conciliateurs, des médiateurs et des délégués du procureur y travailleront, ainsi que des juges de proximité. Revenant sur les positions prises lors du vote de la loi qui les créait, l’opposition en réclame désormais. J’ai procédé la semaine dernière au recrutement de 150 juges de proximité supplémentaires.

Là où cela sera nécessaire, les maisons de justice et du droit seront développées. Des audiences foraines pourront s’y tenir. Sachez que nous agissons en toute responsabilité, et lorsque nous réorganisons un tribunal, nous décidons avec le chef de cour d’un schéma d’organisation judiciaire approprié.

M. Arnaud Montebourg – Rappel au règlement !

M. le Président - À condition que ce soit un vrai…

M. Arnaud Montebourg – Je connais notre Règlement, Monsieur le président (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Article 58, alinéa 1er. Le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, pour qui nous avons la plus grande estime, ne s’est pas exprimé sur ce budget – ce qui est inhabituel. Il n’a d’ailleurs participé qu’à la moitié du débat. Je voudrais signaler à nos collègues que M. Warsmann a manifesté publiquement dans son département contre les décisions prises sur la carte judiciaire. Nous demandons donc une suspension de séance en attendant qu’il vienne nous donner sa position sur cette réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – Il est rare que les présidents de commission s’expriment à l’occasion des débats budgétaires. Le président de la commission des lois a préféré céder son temps de parole à ses rapporteurs. Il n’y a donc pas lieu de suspendre la séance (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. Arnaud Montebourg – La suspension est de droit !

M. le Président – Je donne la parole à M. Chossy pour poser sa question.

M. Jean-François Chossy – Mon collègue René Couanau, en qui j’ai une grande confiance, a dit tout à l’heure que si ce budget était bon, il convenait de poursuivre encore la réflexion sur la réforme de la carte judiciaire. Je partage entièrement son point de vue. Ma circonscription du département de la Loire est en effet menacée par la suppression du tribunal de grande instance de Montbrison. Ce tribunal rend comme vous le souhaitez une justice rapide, claire et lisible. Il est situé dans un arrondissement en pleine expansion démographique – ce qui est un de vos critères de maintien. Son ressort couvre en outre 41 % du territoire du département. Le supprimer serait donc une erreur manifeste (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Je ne le dis pas pour être applaudi par le parti socialiste, mais pour être écouté par ma famille politique ! Supprimer le tribunal de grande instance de Montbrison, c’est rayer de la carte un équipement utile à la population (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Le 3 octobre, 2 000 personnes se sont ainsi réunies pour plaider la cause de ce tribunal. Le 8 novembre, 300 élus se sont réunis pour marquer leur attachement à ce territoire et à cet équipement. Ils sont allés jusqu’à mettre leur démission dans la balance.

Accepteriez-vous de différer de quelques jours l’annonce qui doit être faite demain, pour permettre à ces élus et aux acteurs du monde judiciaire de vous rencontrer et de faire valoir leurs arguments ? Quelle économie comptez-vous faire d’ailleurs en supprimant ce tribunal hébergé à titre gratuit par une collectivité dont le président est parmi nous ce matin ? Nous ne manquons pas d’arguments pour empêcher le démantèlement de ce territoire, et nous sommes déterminés à le faire (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Pascal Clément – Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Je me rends en effet demain à Lyon pour présenter le nouveau schéma d’organisation judiciaire de la cour d’appel. Le TGI de Montbrison traite 45 % d‘affaires civiles – pour l’essentiel des affaires familiales. Il n’y a ni juge des enfants, ni établissement pénitentiaire à proximité. Les chefs de cour m’ont donc proposé dans leur rapport sa suppression, autrement dit sa transformation en tribunal d’instance renforcé – les affaires familiales et civiles continueront d’être traitées à Montbrison. Je rappelle que les chefs de cour ont consulté tous les professionnels concernés. La justice de proximité continuera d’être rendue à Montbrison ; seul le pôle pénal sera regroupé – et renforcé – sur l’autre TGI. Vous m’interrogez sur l’économie que j’en attends. Il ne s’agit pas d’une réforme « mécanique », mais de la qualité de la justice. Il est important de regrouper les moyens afin d’en avoir davantage, dans chaque pôle pénal, pour assurer l’application de la loi et l’exécution des sanctions pénales. L'Assemblée nationale a créé une mission parlementaire sur l’évaluation des sanctions pénales. Vous savez que beaucoup de courtes peines sont peu ou mal exécutées, faute de moyens. Les bureaux d’exécution des peines donnent en revanche tout à fait satisfaction là où ils existent.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis  Absolument.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Nous souhaitons justement par cette réforme renforcer l’exécution des sanctions pénales.

M. Arnaud Montebourg – Nous sommes heureux que le président de la commission des lois soit revenu parmi nous. Nous souhaiterions qu’il prenne la parole et nous dise quelle est sa position dans ce débat. Pour lui permettre d’y réfléchir, nous demandons une suspension de séance pour réunir notre groupe.

M. le Président – Elle est de droit.

La séance, suspendue à 11 heures 55, est reprise à 12 heures 05.

M. Alain Vidalies – Rappel au Règlement, sur le fondement de l’article 58-2. Un des aspects essentiels du budget dont nous discutons est la réforme de la carte judiciaire. Or, la presse de ce matin nous apprend qu’une réunion s’est tenue hier soir à Matignon.

M. le Président – Cela n’a pas de lien avec le fond du texte.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Bien sûr que si !

M. Alain Vidalies – Ce n’est pas une petite affaire, Monsieur le président ! Le Gouvernement a organisé une réunion pour discuter des compensations locales à la réforme de la carte judiciaire, mais uniquement avec les députés UMP ! L’État UMP est en marche (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – Ce n’est pas un rappel au Règlement. La parole est à M. Goujon.

M. Alain Vidalies – Si vous voulez jouer à ce petit jeu, nous allons utiliser toutes les ficelles du Règlement ! Nous n’accepterons pas que vous présidiez de cette façon.

M. le Président – Nous sommes au milieu d’un débat organisé, et je vous demande de conclure.

M. Alain Vidalies – Je demande au Gouvernement de s’expliquer, et je veux savoir quand il compte tenir la même réunion avec nous, pour que ses propositions acquièrent enfin un caractère républicain (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Philippe Goujon – Je voudrais vous interroger sur les délinquants atteints de troubles psychiatriques, et notamment sexuels, dont le traitement est désormais reconnu comme une priorité.

M. Alain Vidalies – Mais le Gouvernement ne nous répond pas ?

Mme Marylise Lebranchu – Quel courage !

M. Philippe Goujon – L’attention que nous portons aux victimes doit nous conduire à dépasser l’opposition stérile du débat entre réinsertion et protection de la société.

Il est établi que les personnes dangereuses atteintes de troubles mentaux sont généralement prises en charge par le système pénitentiaire. De nombreux détenus ont des antécédents psychiatriques – plus d'un tiers avaient déjà consulté et 16 % été hospitalisés. Par ailleurs, 18 % des détenus présentent un état dépressif majeur et presque 4 % souffrent de schizophrénie, soit environ quatre fois plus que la moyenne de la population. Un programme d’unités hospitalières spécialement aménagées a donc été lancé, qui pourront accueillir à terme 705 détenus. C’est un progrès considérable. Cependant, il va de soi que presque tous les condamnés sont appelés à sortir de prison. Pour protéger la société des délinquants les plus dangereux, notamment sexuels, et pour les réinsérer, vous envisagez, Madame la ministre, de créer une mesure de rétention de sûreté, inspirée des exemples allemand et néerlandais ainsi que des travaux de la commission Burgelin, du rapport sénatorial que j'avais présenté et qui avait été adopté à l’unanimité et de celui de M. Garraud. À mi-chemin entre hôpital et prison, ces centres sociaux médico-judiciaires de sûreté seraient la dernière alternative, après la surveillance judiciaire, pour ceux qui présentent un risque de récidive élevé. Quels moyens envisagez-vous de consacrer à la construction de ces centres, et selon quel calendrier ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Les personnes atteintes de troubles psychiatriques ou psychotiques représentent environ 20 % de la population carcérale. Pour répondre à leurs problèmes particuliers, et suite aux engagements du Président de la République, nous allons créer ces fameux « hôpitaux-prison », ou unités hospitalières spécialement aménagées. Les deux premières, à Lyon et à Rennes, compteront soixante et quarante places. Ces structures prendront en charge les personnes atteintes de troubles le temps de leur détention. Je rappelle toutefois qu’on ne peut pas, par principe, obliger quelqu’un à se soigner : il faut une adhésion de sa part. Quant à ceux qui auront terminé leur peine et qui jugés comme dangereux par un collège de médecins, ils seront, à titre de sûreté et toujours bien sûr sous l’autorité judiciaire, placés dans un centre médical spécialement dédié. C’est dans la droite ligne de votre rapport au Sénat de 2006 et de celui de M. Garraud, dont l’essentiel sera repris dans un texte que je présenterai dans quelques temps.

M. Thierry Mariani – Je voudrais connaître l’incidence de la réforme de la carte judiciaire dans le département de Vaucluse, et plus particulièrement dans la circonscription d’Orange. Je soutiens naturellement cette réforme (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Elle nous apportera une justice plus efficace, plus humaine et plus accessible.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ça s’est passé comment, pour vous, hier soir ?

M. Thierry Mariani – Moi, j’ai le souvenir d’un garde des sceaux, Mme Guigou, qui ne recevait aucun élu, ni de la majorité, ni de l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je pourrais vous exposer longuement les chiffres qui démontrent l’utilité du tribunal d’instance d’Orange. Je pourrais vous parler des 802 affaires terminées en 2006, des nombreuses tutelles traitées, des ordonnances et des jugements de police rendus. Je pourrais vous parler du tribunal paritaire des baux ruraux, de l’importance de la justice de proximité, et surtout du professionnalisme des magistrats d’Orange.

M. Alain Vidalies – À part ça, vous êtes favorable à la réforme !

M. Thierry Mariani – Orange doit conserver son tribunal d’instance (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) et son importante activité prud’homale, dans la perspective tant d’une bonne administration de la justice (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) que de la qualité du service rendu au public. Ces deux structures seront-elles maintenues ? Par ailleurs, dans le cas où le tribunal des prud’hommes de Carpentras serait regroupé avec un autre, il faut que ce soit avec celui d’Orange et non celui d’Avignon – ce qui permettrait en outre de respecter l’unité du barreau.

M. Alain Vidalies – La réforme oui, mais chez les autres !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Le tribunal d’instance d’Orange sera maintenu (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe SRC)

M. Alain Vidalies – Un petit remerciement pour le test ADN !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  …compte tenu de son activité et du bassin de population qu’il sert. Cela fait consensus parmi les élus que j’ai rencontrés, tant de la majorité que de l’opposition. Quant aux instances prud’homales, la liste n’est pas encore totalement au point.

Il faut en effet tenir compte de la contrainte que constitue l’organisation en 2008 des élections prud’homales. Cette liste sera transmise aux préfets aux fins de concertation, comme prévu par la loi. Une chose est sûre, c’est que dans le ressort de Carpentras et Orange, un CPH sera maintenu.

M. Arnaud Montebourg – Rappel au Règlement ! Nous voyons se dérouler devant nos yeux les tractations dont parlait Alain Vidalies, au mépris de l’intérêt général et de la République. La réunion qui s’est tenue hier soir visait à accorder des contreparties aux députés amis du pouvoir (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous n’en sommes pas, mais nous sommes des élus de la nation, et nous avons aussi des intérêts publics à défendre, comme ceux qui le font par des relations claniques et partisanes.

M. le Président – Nous sommes loin du Règlement ! Où voulez-vous en venir ?

M. Arnaud Montebourg – Monsieur le Président, puisque Mme la ministre, par deux fois, n’a pas répondu à l’interpellation modérée et courtoise de notre collègue Vidalies, nous demandons une suspension de séance pour qu’elle se prépare à ciseler sa réponse.

M. le Président – Vous avez obtenu tout à l’heure une suspension de séance, il n’y a pas lieu de les multiplier.

M. Arnaud Montebourg – La suspension est de droit !

M. le Président – Je vous propose de poursuivre la série des questions – Vous vous exprimerez tout à l’heure à l’occasion des amendements.

M. Jean-Yves Le Bouillonec – Appliquez le règlement !

M. Arnaud Montebourg – La seule chose qu’ont demandée les députés de l’opposition, c’est d’avoir une réunion avec Mme Dati comme les députés de la majorité. Nous sommes extrêmement surpris de la façon partiale dont cette affaire se déroule, et de la manière dont on achète des votes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nous souhaitons avoir une réponse, faute de quoi nous demanderons une suspension de séance pour réunir notre groupe.

M. Guy Geoffroy – Scandaleux !

M. Alain Vidalies – Il va falloir réunir la Conférence des présidents pour savoir pourquoi on nous refuse une réunion de groupe !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Je vais vous répondre, sans agressivité et sans invective. Cette réforme n’est ni de droite ni de gauche. Je n’ai favorisé personne, j’ai vu tout le monde lors de mes déplacements (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Vous avez d’ailleurs vous-mêmes indiqué que certains parlementaires de la majorité avaient pu être déçus par cette réforme !

Dans le rapport des chefs de cour, le tribunal d’instance d’Orange était maintenu. Ce n’est donc pas le résultat d’une tractation, c’est l’intérêt du justiciable (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

Du reste, lorsque M. Christian Paul, député socialiste, à présenté ses observations lors de ma venue dans sa cour d’appel, nous avons trouvé une solution. Mais certains parlementaires se sont réveillés trois jours avant mon déplacement et n’ont fait aucune contre-proposition !

Mme Marylise Lebranchu – Je vous ai demandé un rendez-vous en juillet !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Quant à la réunion d’hier, à laquelle je n’ai pas participé, elle avait pour but d’examiner les projets de certaines villes – et non de certains parlementaires –, dans l’intérêt des Français (Exclamations sur les bancs du groupe SRC, applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Hollande – Rappel au Règlement, Monsieur le Président. La réforme de la carte judiciaire devait être fondée sur deux éléments. D’abord, le travail des chefs de cour, qui devaient communiquer leur vision de l’organisation judiciaire, cour d’appel par cour d’appel. Nous avions demandé, et nous n’étions pas les seuls, que leurs rapports soient publiés au moment de leur communication à la ministre, afin de servir de base à un dialogue entre les élus et la Chancellerie ; or ils ne l’ont été, le plus souvent, qu’après la décision. C’est un premier manquement sérieux à l’esprit de la réforme.

Le deuxième, c’est la concertation avec les élus. Que l’on soit de gauche ou de droite, on souhaite accéder au bureau de la ministre, ou au moins à son cabinet. Mais cela semble réservé à certains. Quant à moi, je dois être privilégié puisque j’ai pu obtenir un entretien téléphonique avec la ministre.

M. Arnaud Montebourg – Félicitations !

M. François Hollande – J’aurais aimé avoir un rendez-vous au moins avec des membres du cabinet. Et je ne parle pas des barreaux, qui ont été souvent maltraités, méprisés.

Il y a eu une réunion hier avec des élus de la majorité, soit. Mais il ne faut ni privilèges ni opacité. Si la décision s’est fondée sur le rapport des chefs de cour à Orange, pourquoi n’en irait-il pas de même ailleurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Je demande à Mme Dati le parallélisme des formes, c’est-à-dire une réunion avec les députés de l’opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-François Copé – Rappel au règlement.

Nous soutenons activement cette réforme, qui correspond à un engagement que nous avons pris devant les Français et dont l’objectif, qui devrait être partagé sur tous ces bancs, est de moderniser le service public de la justice.

Je ne laisserai pas dire qu’il y a eu des passe-droits. J’ajoute, pour que les choses soient parfaitement claires, qu’il n’y a pas eu de réunion de groupe de la majorité à Matignon ; des députés de la majorité ont sollicité un rendez-vous. Cette réunion avait pour seul objectif d’évoquer des éléments relatifs à l’aménagement du territoire – qui n’est ni de gauche, ni de droite (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Si vous demandez à être reçus, vous le serez probablement. Mon rôle est de veiller à ce que l’État soit impartial (Même mouvement), et les messages qui nous ont été adressés par le cabinet du Premier ministre vont dans ce sens.

Ce qui compte, Monsieur Hollande, c’est que la réforme de la carte judiciaire se poursuive, conformément à l’intérêt général, et que cela se fasse dans le respect de l’aménagement du territoire ; c’est bien dans cet esprit que nous travaillons, département par département. Ne vous inquiétez donc pas pour le vôtre(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Après ces « rappels au Règlement », nous en revenons aux questions.

M. Jean Jacques Urvoas – Je m’associe à la demande de François Hollande d’une réunion des parlementaires de l’opposition avec un membre du cabinet de Mme la ministre, si elle-même ne peut pas se déplacer.

Je veux dire mon profond respect pour la fonction de l’exécutif, qui plus est quand le ministre est garde des sceaux de la République, ce qui n’est pas une tâche accessoire. Ce respect du législateur pour l’exécutif doit avoir pour pendant le respect de l’exécutif pour le législateur : Madame la ministre, je vous ai écrit trois fois, conjointement avec le sénateur-maire UMP de Quimper ; à deux reprises, nous vous avons demandé un rendez-vous, mais je n’ai jamais reçu de réponse.

Vous avez dit que la création des pôles de l’instruction n’avait pas grand-chose à voir avec la carte judiciaire. Mais je voudrais donc comprendre pourquoi à Rennes, vendredi dernier, dans une réunion à laquelle étaient conviés les parlementaires élus dans les ressorts des cours d’appel de Rennes et d’Angers – où il y a eu 17 demandes de prises de paroles et où seulement 7 parlementaires ont pu s’exprimer –, lorsqu’en deux minutes et demie, montre en main, vous nous avez donné la liste de vos « suggestions », vous avez suggéré qu’il n’y ait qu’un seul pôle de l’instruction dans le Finistère. Le critère ne peut pas être démographique, puisqu’il y a deux pôles dans des départements moins peuplés ; il ne peut pas non plus être lié au volume de l’activité, puisque le TGI de Quimper a un volume d’activité continu depuis trois ans et supérieur à celui de Brest ; il ne peut pas davantage être lié à la modestie des affaires instruites puisque c’est à Quimper qu’est instruite en ce moment celle du Bugaled Breizh ; ce ne peut pas être, enfin, le nombre de magistrats de l’instruction, puisqu’il y en exactement autant à Brest et à Quimper.

Afin que nous puissions faire des contre-propositions, pouvez-vous nous préciser les critères que vous avez retenus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Je constate que nous avons du mal à nous comprendre. Vous disiez tout à l’heure que je favorisais les parlementaires de la majorité : là, vous vous prévalez de m’avoir co-saisie avec un parlementaire de la majorité, sur une question qui, du reste, n’a rien à voir puisqu’elle concerne le pôle de l’instruction et non la réforme de la carte judiciaire (Interruptions sur les bancs du groupe SRC).

En 2006, Quimper a traité 7 500 affaires pouvant donner lieu à des poursuites, ce qui représente une diminution de 21 % des affaires pénales. Le nombre d’affaires en cours d’instruction est extrêmement faible. Avec plus de 7 800 affaires, Brest est, par contre, en forte augmentation. Il faut donc se fier aux critères objectifs d’activité : pour créer un pôle de l’instruction, il faut au minimum trois instructeurs et 60 affaires par juge d’instruction. La dispersion des moyens nuit à l’efficacité. D’autres évolutions étant prévues, on ne peut créer des pôles pour les reconfigurer dès 2010. L’intérêt bien compris de chacun commande de garantir une certaine stabilité. Je rappelle enfin que les pôles de l’instruction, ce n’est pas de la justice de proximité.

Il faut savoir ce que l’on veut : soit on re-disperse les moyens au risque de recréer un nouveau drame d’Outreau et vous en répondrez,… (Très vives protestations sur les bancs du groupe SRC) soit on respecte la loi et l’on crée des pôles de l’instruction selon les critères que je viens de rappeler.

M. Christian Bataille – Votre dernier argument est incorrect.

M. Bernard Lesterlin – J’étais hier soir au TGI de Montluçon aux côtés du bâtonnier, de ses confrères et des fonctionnaires de votre ministère qui, par désespoir, ont entamé mardi soir une grève de la faim. Avec ses confrères de Vichy-Cusset et de Moulins, le bâtonnier de Montluçon avait été reçu – enfin ! – l’après-midi même par vos collaborateurs. Madame la ministre, dans l’Allier, tout le monde est solidaire et je peux vous dire que la détermination des Montluçonnais ne faiblit pas, même s’ils ont provisoirement suspendu – et non pas arrêté – leur mouvement, à la demande de votre cabinet, dans l’attente des annonces que vous devez faire demain à Lyon.

À l’heure où je vous parle, les maires et mes collègues parlementaires de l’Allier sont à Moulins, chez le préfet, pour lui remettre leurs écharpes en signe de protestation contre un projet – la fermeture du TGI et du tribunal de commerce de Montluçon – distillé par votre cabinet et que vous n’avez jamais démenti.

Comment pouvez-vous, sans plus de concertation, jeter autant de magistrats, greffiers et avocats dans un abîme d’incompréhension ? À Montluçon, ils rendent une justice de qualité au regard de vos propres critères : proximité, rapidité, très bas taux de réformation. Au surplus, permettez-moi d’indiquer, dans ce débat budgétaire, qu’ils rendent une justice économique. Montluçon dispose du ratio le plus bas du ressort de la cour d’appel de Riom entre le nombre de fonctionnaires en poste et celui des décisions prises.

Madame la ministre, qu’avez-vous prévu dans votre budget pour réparer la casse du service public de la justice dans l’Allier ? Pour des raisons historiques qui remontent aux Bourbons, nous avons besoin, dans l’Allier, d’un TGI à Moulins, d’un autre à Montluçon et d’un dernier à Vichy-Cusset. C’est comme cela que fonctionne notre département ! Les Bourbonnais ne comprennent pas : ne les poussez pas au désespoir. Vous ne pouvez pas me répondre que vous avez encore besoin de temps pour concerter car nous ne pouvons pas croire que vous ne savez pas ce que vous allez dire demain à Lyon. Nous y serons, Madame la ministre, et nous y serons nombreux. Prononcez seulement un mot d’espoir : les Montluçonnais sont des gens raisonnables et ils attendent ce dialogue. Venez leur parler directement : pas depuis Lyon, qui est à trois heures et demie de route ! Nous respectons votre personne, mais nous ne pouvons pas accepter que vous organisiez le désordre dans notre justice (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Les trois bâtonniers ont été reçus hier à mon cabinet et nous les avions déjà vus dans le cadre de la concertation. Je présenterai demain le schéma d’organisation. Les rapports sont mis en ligne le jour de ma visite, pour éviter de créer de l’émoi pour rien…

M. François Hollande – Les connaître plus tôt nous aurait plutôt rassurés !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux S’agissant de Montluçon, nous sommes en train de regarder les rapports des chefs de cour. Le bâtonnier de Montluçon a été rassuré, puisqu’il a suspendu sa grève de la faim. S’agissant de la Corrèze, les barreaux se sont concertés et ils sont d’accord pour avoir un pôle à Brive. M. le député Hollande avait proposé une solution qui n’a pas fait consensus chez les avocats (M. François Hollande s’exclame). La réforme de la carte judiciaire impacte beaucoup de professions, de corps et d’intérêts, souvent contradictoires. S’agissant de Brive et Tulle, les barreaux étaient d’accord pour maintenir le TGI à Brive, compte tenu du niveau d’activité.

M. François Hollande – Pas du tout !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Monsieur le député, les bâtonniers s’en sont expliqués sur France 3 : ils ont publiquement déclaré qu’ils étaient satisfaits de la décision prise.

Pour ce qui concerne Montluçon, la décision sera prise demain et j’incline à considérer que nous sommes plutôt bien partis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Clément – Dans une société démocratique, l'accès au droit et à la justice constitue un droit fondamental et un impératif pour les pouvoirs publics. À cet effet, l'aide juridique se doit d'en assurer l’égal accès, en répondant à des exigences de qualité destinées à rendre cet accès effectif. Elle doit s'appliquer aussi bien à la justice judiciaire qu'à la justice administrative, à tous les degrés de juridiction. L’accès au droit est un révélateur du degré d'égalité démocratique, ou, plutôt, d'inégalité de droits et de moyens dans notre société.

Las, nous constatons que le programme « Accès au droit et à la justice » ne représente plus que 5,03 % des moyens de la mission, contre 5,4 % en 2006. Parallèlement, le nombre de demandeurs de l'aide juridictionnelle ne fait que progresser, puisqu’il est passé de 350 000 en 1992 à 900 000 en 2006. En outre, la loi sur l'immigration entraîne une augmentation du contentieux des étrangers, cependant que l’enveloppe a diminué de 5,8 % en euros constants entre 1992 et 2007. Enfin, le plafond d'éligibilité de l'aide juridictionnelle totale ne permet de couvrir que les plus pauvres de nos concitoyens. Les effets de seuil sont dévastateurs pour les justiciables, qui doivent supporter l'effet mécanique de l'augmentation du taux de TVA, de 5,5 % à 19,6%. Au final, nous sommes au 24e rang en Europe pour l’aide juridictionnelle.

Madame la ministre, alors que votre politique en matière d'immigration et de contrôle du séjour des étrangers va inexorablement conduire à une augmentation du contentieux, comment envisagez-vous de faire face, alors que les crédits inscrits sont déjà en diminution ? Comment allez-vous concilier l’aide juridictionnelle avec la réforme de la carte judiciaire, compte tenu du fait que les frais de déplacement ne sont pas indemnisables à ce titre ? Ce sont encore les plus pauvres qui devront les supporter, sauf à renoncer à accéder à la justice.

Au reste, n’est-ce pas là la justice que vous voulez : accessible pour ceux qui en ont les moyens et privant de défense ceux qui ne disposent pas d’un revenu élevé ? Il y a là un déni démocratique, avec un budget d'accès à la justice en diminution, alors que la répression s'accroît et que la justice s'éloigne toujours plus du justiciable (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Cette année, 327 millions étaient inscrits au titre de l’aide juridictionnelle mais la totalité ne sera pas consommée. Il y aurait au moins 7 millions de marge. C’est pour cela que nous reconduisons la même dotation. Vous avez raison de faire un lien avec la loi sur la maîtrise de l’immigration : plus on régulera les flux, moins on aura de contentieux, sauf à penser que l’immigration clandestine va exploser. Nous faisons le choix de la responsabilité ! (« C.Q.F.D. ! » sur les bancs du groupe UMP)

En outre, l’utilisation des nouvelles technologies doit permettre de réduire les coûts restant à la charge des particuliers, notamment dans tous les cas où c’est l’avocat qui se déplace auprès du justiciable et non l’inverse. Nous nous inspirerons aussi des travaux du sénateur Robert du Luart, tendant à instaurer un ticket modérateur ou une franchise sur l’aide juridictionnelle (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Bernard Gérard – Avec un budget qui augmente de 4,5 % en 2008, l’État souligne bien sa volonté de poursuivre la modernisation de la justice, dont la réforme de la carte judiciaire n’est qu’un outil, certes essentiel. Si l’on veut se tourner vers l’avenir, l’Europe et le justiciable, créer des pôles de compétence judiciaire en soutien de nos pôles de compétitivité, il faut moderniser les outils existants. Seuls les grands cabinets anglo-saxons profitent aujourd’hui de l’éparpillement de nos juridictions, de leur absence de spécialisation et de la taille désuète de nos barreaux.

Conscientes de ces retards, les entreprises créent des clauses attributives de juridiction, ce qui revient à regrouper les procédures, faute d’avoir regroupé les tribunaux. Il ne faudrait pas, Madame la ministre, que la réforme de la carte judiciaire fasse oublier les efforts énormes que retrace ce budget pour accélérer le rythme des procédures et simplifier l’accès des citoyens à la justice de notre pays : 67 millions pour achever l’informatisation de nos tribunaux ; c’est considérable et cela mérite d’être souligné.

Je considère que l’on perd aujourd’hui trop de temps à gérer la durée des procédures. Je souhaite que l’on puisse obliger chaque barreau à conclure des contrats de procédure avec les magistrats, de sorte que la durée des procédures soit fixée par avance et que l’on ne perde pas des journées entières à réunir les parties simplement pour savoir où on en est. Les barreaux sont prêts à faire cet effort et tout le monde convient que l’absence de contrats de procédure fait perdre du temps aux tribunaux français.

Une réforme très simple permettrait aussi de réduire les délais de justice, en imposant que chaque assignation soit assortie de la signification des pièces elles-mêmes et non d’un bordereau de communication de pièces. Cela ferait gagner tout le temps consacré aux audiences de rôles. Ces mesures simples me semblent de nature à améliorer le cours de la justice.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Bernard Gérard – En vue de faciliter l’accès au droit des victimes de délit – qui hésitent souvent à se porter parties civiles pour des raisons de coût –, je souhaiterais que soit étudiée la possibilité de déduire de leur impôt le montant des consultations et honoraires d’avocat, selon le barème de l’aide juridictionnelle.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux En vigueur depuis décembre 2005, le contrat de procédure est un outil extrêmement intéressant puisqu’il permet d’assigner à la procédure un contenu et un calendrier extrêmement clairs : on sait au moins quand elle se terminera. Les nouvelles technologies vont nous permettre de le généraliser : il n’y aura plus besoin de se déplacer pour tenir des audiences de mise en état, tout sera faisable en ligne.

En ce qui concerne les pièces, il serait effectivement plus pratique de tout notifier en même temps, mais cela occasionnerait des frais importants. Il faut donc trouver un équilibre. Quand les affaires ne sont pas d’une grosse importance, on pourrait par exemple communiquer les bordereaux et les pièces en même temps, et communiquer les seuls bordereaux pour les affaires plus lourdes.

Au sujet des personnes qui ne souhaitent pas engager des procédures en raison du coût de celles-ci, plutôt que de prendre des mesures fiscales, qui représenteraient une charge pour l’État, le Gouvernement propose d’assouplir les critères d’éligibilité à la commission d’indemnisation ainsi que les délais de constitution des dossiers, afin d’élargir le nombre de bénéficiaires potentiels. Par le biais du service de recouvrement des victimes d’infraction, l’État pourra également faire des avances aux personnes modestes non éligibles à l’aide juridictionnelle.

M. Georges Fenech – La carte judiciaire ne relève pas du Parlement, mais du seul Gouvernement…

Mme Marylise Lebranchu et M. Arnaud Montebourg – Et alors ? On peut s’y intéresser !

M. Georges Fenech – Il incombait au ministère de la justice de mettre en œuvre ce que le Parlement avait décidé par la loi de mars 2007 : à savoir, la collégialité de l’instruction.

Mme Marylise Lebranchu – Défendez-vous, Monsieur Clément !

M. Georges Fenech – Si la garde des sceaux n’avait pas pris ses responsabilités, en menant cette réforme de la carte judiciaire, attendue depuis quarante ans, il aurait fallu repousser l’application de notre loi…

Mme Marylise Lebranchu – Mais non !

M. Georges Fenech – …adoptée après que se fut dégagé un consensus au sein de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau.

Cher collègue Chossy, si la réforme de la carte judiciaire proposée à l’époque par M. Nallet avait été appliquée, ce n’est pas seulement le tribunal de Montbrison qui aurait été touché, mais aussi le tribunal de grande instance de Roanne, puisque M. Nallet privilégiait l’idée d’un TGI par département. La réforme qui nous est proposée aujourd’hui a pour seul objet l’intérêt des justiciables.

Madame la garde des sceaux, j’ai entendu dire que les magistrats s’apprêtaient à faire grève le 29 novembre, alors que le droit de grève ne figure pas dans leur statut. Comment le Gouvernement entend-t-il assurer la continuité du service public de la justice, face à cette situation de fait ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Merci, Monsieur Fenech, d’avoir rappelé les contours de la réforme de la carte judiciaire. Dans les années qui ont suivi 1958, des contentieux ont été attribués aux tribunaux d’instance et de grande instance, selon une organisation qu’il conviendrait certainement de revoir aujourd’hui.

Mme Marylise Lebranchu – Il aurait fallu commencer par là !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Le syndicat majoritaire chez les magistrats n’appelle pas à la grève. Une intersyndicale de fonctionnaires et de greffiers, ainsi que le Syndicat de la magistrature, ont effectivement appelé à une journée de mobilisation, mais je dois les revoir d’ici là. Nous discuterons des mesures d’accompagnement social en faveur des personnes touchées par la réforme.

M. Louis Cosyns – Madame la Garde des Sceaux, 40 % des personnes détenues relèveraient d’une prise en charge psychiatrique : 3,8 % des détenus souffrent de troubles schizophréniques – c’est quatre fois plus que dans la population générale – ; 17,9 %, de dépression majeure ; 12 %, d’anxiété généralisée. La loi de programmation et d’orientation de la justice, votée en 2002, a prévu la création d’unités hospitalières spécialement aménagées pour la prise en charge de ces détenus. Ce dispositif souffre de grands retards. En effet, ces structures nécessitent un grand nombre de psychiatres, et chacun sait que la formation de ces professionnels est longue. Or, au lieu de regarder les capacités d’offre psychiatrique sur l’ensemble du territoire, on s’est penché sur les besoins des établissements dans un cadre régional. Je vous demande donc que, pour la seconde tranche d’implantation, on dépasse la notion de région administrative, pour permettre à ces structures d’être établies plus rapidement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Le programme d’unités hospitalières spécialement aménagées prévoit l’ouverture de 700 places à terme, selon un plan en deux tranches. La première tranche comporte l’ouverture de 400 places d’ici à 2011 et nous en sommes à 100 pour 2009, à Lyon et à Rennes. Les autres implantations seront examinées en fonction des bassins de population carcérale.

Il y a actuellement 180 psychiatres en prison. Nous souhaitons augmenter ce nombre, mais il est difficile de trouver des professionnels désireux de travailler en centre de détention. Nous avons établi un directeur de projet, assurant la liaison entre les ministères de santé et de la justice, qui examinera notamment les modalités de revalorisation de la rémunération des psychiatres en prison. En outre, la loi du 10 août 2007 a prévu d’augmenter, dans le cadre de l’obligation de soins aux délinquants sexuels, le nombre de médecins coordonnateurs. Nous en avons 150 aujourd’hui, et nous en aurons 450 au 1er mars 2008.

Mme Élisabeth Guigou – Vos prédécesseurs n’ont rien fait !

M. Arnaud Montebourg – Rappel au Règlement. Non seulement la garde des sceaux garde le silence sur la demande exprimée par nos collègues Vidalies, Urvoas et Hollande, pour que les députés de l’opposition, qui n’ont pas eu le droit de participer à des réunions à Matignon, puissent être entendus. Mais en outre, nous découvrons qu’elle s’apprêterait à proposer un ticket modérateur sur l’aide juridictionnelle. Après la taxe sur les malades, la taxe sur les victimes ! Ceci ne figure pourtant nulle part dans les recettes de la mission. Nous aimerions en savoir plus sur cette mesure anti-sociale, qui rendra la justice encore plus inaccessible. C’est pourquoi nous demandons une suspension de séance, pour que notre groupe puisse se réunir et amener la ministre à répondre aux interpellations justifiées de l’opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – De toute façon, l’heure de la levée de séance est arrivée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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