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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du vendredi 16 novembre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
55ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen, Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

LOI DE FINANCES POUR 2008 – seconde partie (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

M. le Président – Nous poursuivons la discussion, entamée ce matin, des missions examinées à titre principal en commission élargie.

DÉVELOPPEMENT ET RÉGULATION ÉCONOMIQUES

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – La présente mission comprend deux programmes relatifs, l’un au développement des entreprises, des services et de l’activité touristique, l’autre à la régulation économique. Dotée de 1,3 milliard en autorisations d’engagement et de 1,27 milliard en crédits de paiement, elle permettra d’abord, face à une concurrence internationale accrue, d’insuffler une nouvelle dynamique aux PME, dans les secteurs de haute technologie d’abord, mais aussi dans des secteurs plus traditionnels, grâce à la hausse des fonds consacrés aux actions collectives de développement d’une part, et au renforcement de l’accès au crédit via le groupe OSEO de l’autre. Notre deuxième objectif consiste à anticiper les mutations afin de protéger l’emploi et d’encourager les activités nouvelles. Enfin, nous devons faciliter le développement international des PME via Ubifrance et les directions régionales du commerce extérieur.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances pour le commerce extérieur – Très bien !

M. Éric Woerth, ministre du budget De même, nous encourageons l’investissement étranger en France en portant les crédits de l’Agence française des investissements internationaux de 12,2 à 15 millions.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jean Launay – En dépit des discours, force est de constater que c’est bel et bien la voie libérale que le Gouvernement choisit en effaçant peu à peu tout soutien de l’État aux entreprises.

M. Jean Dionis du Séjour – Nous sommes tous libéraux !

M. Jean Launay – Pourtant, M. Sarkozy clame haut et fort qu’il faut encourager l’innovation dans les PME, et M. Chatel que le point de croissance qui nous manque est à chercher dans le tourisme – ce qui, somme toute, vaut mieux que d’aller le chercher « avec les dents », comme l’envisage le Président… Or, vous réduisez de moitié les crédits consacrés au développement des PME, de l’artisanat et des professions libérales. Le FISAC, avec 60 millions de crédits de paiement, chute même en deçà de son niveau de 2004, alors qu’il est alimenté par une taxe en hausse. La libéralisation du secteur ne serait-elle donc pas d’ores et déjà programmée, avant même la publication du rapport Attali ? Vous invoquez votre action en faveur du groupe OSEO garantie et de l’innovation dans les PME : l’avenir dira si elle est efficace !

En matière d’accompagnement des mutations industrielles, vous faites dépendre votre action de la croissance, de l’emploi ou de la concurrence. Aveu de faiblesse ! La croissance, aujourd’hui souffreteuse, ne se décrète pas, sachez-le ! D’ailleurs, 61 % des dirigeants de PME ne croient pas en l’efficacité de vos mesures concernant les heures supplémentaires.

Autre action en baisse, de quatre millions d’euros : le développement international et la compétitivité des territoires. De nouveau, vous faites le choix de la dérégulation et du désengagement de l’État aux dépens des collectivités.

Le tourisme, quant à lui, ne fait plus l’objet que d’une simple action au sein du programme 134 de la mission. Hélas, pour la troisième année, le tourisme associatif à vocation sociale est le laissé-pour-compte de ces crédits.

En matière de régulation économique enfin, vous réduisez les crédits consacrés à la protection des consommateurs : est-ce vraiment judicieux, alors que vous prétendez leur redonner confiance ? Pour toutes ces raisons, le groupe SRC ne votera pas les crédits de cette mission (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Martine Billard – Voici un budget du passé qui ignore des défis d’aujourd’hui. Rien n’y est dit des conséquences du réchauffement climatique sur le tourisme, activité pourtant essentielle. Rien non plus sur l’impact économique du renchérissement du pétrole, dont la raréfaction n’est pourtant pas une chimère. Quid d’une éventuelle taxe carbone qui ferait contribuer certains secteurs, tels que le transport aérien, qui provoquent d’énormes émissions de gaz à effet de serre ? Aucune perspective de reconversion n’est tracée pour les activités liées à la neige, déjà touchées par le changement climatique. Ne pourrait-on par ailleurs mettre fin à certaines pratiques aberrantes telles que le chauffage des terrasses de restaurants ? Il semblerait que la Caisse des dépôts et consignations contribue à la mise aux normes du parc hôtelier pour le rendre accessible aux personnes handicapées. Pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups en y associant la mise aux normes environnementales ?

Un Français sur trois ne part pas en vacances. Pourtant, le tourisme social est le parent pauvre de l’action publique, et ce alors que l’État a accumulé des dettes considérables envers l’hôtellerie-restauration à caractère social, et que le chèque-vacances demeure inaccessible à des millions de nos concitoyens.

Les crédits consacrés à la protection économique et à la sécurité du consommateur sont en baisse. La direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF – doit pourtant disposer des moyens d’accomplir ses missions ! Trop souvent, les consommateurs victimes engageant un contentieux se sentent tels un pot de terre contre un pot de fer. De même, le principe de précaution impose de retirer de la vente les produits dangereux, qu’il s’agisse d’aliments ou, plus récemment, de jouets fabriqués en Chine. Quoi qu’il en soit, vous expliquez la baisse de ces crédits par le regroupement des laboratoires de la DGCCRF et de ceux des douanes, mais un examen attentif du bleu budgétaire révèle une disparition inexpliquée de 7,5 millions ! C’est d’autant plus inquiétant que les subdivisions de la DGCCRF ont déjà fait l’objet d’un démantèlement drastique sous les précédents gouvernements de droite ! Et qu’en est-il de la tarification sociale du gaz, et de la péréquation tarifaire dans le secteur postal, bientôt ouvert à la concurrence, sur lesquelles M. Daniel Paul vous a, en vain, interrogé en commission ?

En somme, la France pâtit aujourd’hui d’avoir hier ignoré les enjeux environnementaux. M. Novelli persiste ainsi à vanter nos exportations en matière nucléaire, alors que la France pourrait devenir la championne des exportations de produits respectueux de l’environnement, des éoliennes aux panneaux solaires. Il est urgent de réserver le pétrole aux productions où nous ne savons pas le remplacer, et de développer la recherche pour anticiper la fin des ressources fossiles et éviter que des pans entiers de notre économie n’en souffrent, comme ce fut le cas avec la sidérurgie.

Le Grenelle de l'environnement n'a visiblement pas eu d’influence sur la présente mission, ce qui n'est pas si étonnant puisque le développement durable relève d'un autre ministère. Il en sera ainsi tant que le développement économique ne sera pas de la compétence du ministère de l'écologie. La « révolution écologique » n'est décidément pas à l'ordre du jour ! C’est pourquoi les membres du groupe GDR voteront contre ce budget.

M. Jean Dionis du Séjour – La mission « Développement et régulation économique » se caractérise par l'évolution permanente de son périmètre, ce qui ne facilite vraiment pas le travail des parlementaires. La mission peine à trouver sa cohérence et un peu de stabilité rendrait son évaluation plus aisée.

Par ailleurs, il est clair que le tourisme, qui représente deux millions d’emplois, est une priorité nationale. La question de son statut budgétaire, c’est-à-dire de savoir s’il doit être retracé dans un programme, comme nous le souhaitons, ou dans une action, comme c’est ici le cas, est posée. Le Nouveau Centre voudrait connaître la position d’experts, comme Michel Bouvard et Didier Migaud, et celle du ministre sur ce sujet.

En ce qui concerne le développement des entreprises, l’action du Gouvernement nous semble aller dans le bon sens. En revanche, nous sommes très attachés à l’élaboration d’un small business act à la française. La France doit absolument, durant sa présidence de l’Union, ériger ce sujet en priorité. Il est inacceptable que les États-Unis veuillent conserver le leur, au titre des avantages acquis, en nous refusant la même possibilité.

Dans la vision du Nouveau Centre, le libéralisme va de pair avec l’existence d’un régulateur fort. Dans le secteur stratégique de la téléphonie – 53 millions d’abonnés, une technique qui va devenir bientôt l’interface universelle –, il est essentiel d’assurer une dynamique concurrentielle. Or, ce n’est pas le cas. Depuis une dizaine d’années, les parts de marché n’évoluent pas – 46 % pour Orange, 35 % pour SFR et 16 % pour Bouygues. Êtes-vous prêt à prendre les mesures propres à fluidifier ce marché, actuellement verrouillé en dépit de l’action de l’ARCEP ? Pour notre part, nous militons pour l’interdiction des offres « on net », par lesquelles les deux grands opérateurs proposent des communications illimitées vers trois ou cinq numéros de leur propre réseau. Compte tenu de leur position de force, ces offres rigidifient le marché. Nous souhaitons aussi ouvrir le débat sur les terminaisons d’appels, qui posent problème dans un marché de type oligopolistique.

S’agissant de l'énergie, la CRE – la Commission de régulation de l’énergie – est confrontée à un changement considérable de ses missions : le secteur concurrentiel de l’électricité, qui comptait 4 millions de clients avant 2007, en réunit dorénavant 33 millions. Le régulateur n’a clairement pas les moyens de remplir sa mission. Nous vous proposerons donc un amendement pour les augmenter. Il faudra ensuite ouvrir le débat de la régulation territoriale en matière d’urbanisme commercial. On nous a promis une loi de modernisation de l’économie pour le deuxième trimestre 2008, et le rapport de la commission Attali semble aller dans le bon sens.

Voilà les pistes de réflexion que nous voulions ouvrir, mais les axes de ce budget nous conviennent, surtout en ce qui concerne les PME, et nous le voterons.

M. Nicolas Forissier – L’UMP votera bien sûr les crédits de cette mission qui conforte notamment les efforts engagés depuis plusieurs années pour accompagner les PME, avec une volonté de moderniser les procédures et de soutenir leur action à l’export. Juste un mot sur la nécessité de réserver un programme à l’industrie du tourisme, qui a une place essentielle dans notre économie : nous avons vu en commission élargie, et le président Migaud l’a souligné lui-même, combien il était difficile de traiter autant de sujets aussi importants en si peu de temps.

Je voudrais insister sur les trois chantiers qu’il s’impose d’ouvrir afin de soutenir nos PME, premières pourvoyeuses d’emplois du pays. Le premier est celui du renforcement des fonds propres. Nous savons les réticences des banques à s’y impliquer et à prendre quelques risques, particulièrement lorsqu’il s’agit de très petites entreprises. La fusion d’OSEO et de l’AII va dans le bon sens, mais il faudra aussi veiller à ce que France investissement soit pleinement mobilisée, et pas seulement dans les secteurs où les taux de retour sur investissement sont bons – je pense à l’industrie agroalimentaire, qui n’est pas très attractive à cet égard. C’est là un sujet majeur : je connais une petite entreprise qui a des commandes mais qui, n’arrivant pas à trouver auprès des banques un crédit de campagne pour les honorer, se retrouve au bord de la faillite ! Ce genre de situation est fréquent. Nous attendons, après les annonces qui ont été faites, des mesures très pratiques de la part du Gouvernement pour renforcer les fonds propres des PME. La commission des finances va d’ailleurs mener, en relation avec vos services, une mission d’information sur le sujet.

Le deuxième grand chantier est celui de l’innovation et de la recherche. Le développement de l’emploi, celui de nos entreprises sur le marché européen et mondial passe d’abord par l’innovation. De ce point de vue, des mesures importantes ont été prises, notamment avec le crédit impôt recherche. Mais le Gouvernement doit travailler d’arrache-pied à améliorer les critères du soutien à la recherche pour les petites et moyennes entreprises. Sur le terrain, les dispositifs semblent très compliqués et peu adaptés.

Dernier chantier, et je suis heureux qu’il commence à être placé au premier rang : le soutien au développement de nos PME à l’international. Nous savons que nos entreprises sont souvent trop petites, ce qui les handicape par rapport à leurs concurrentes allemandes par exemple. Il n’y a pas assez d’entreprises moyennes en France. On annonce des réformes depuis des années, on commet des rapports… et leurs recommandations restent, dix ans plus tard, d’actualité. Il y a une véritable réforme à mener sur le dispositif d’appui à l’exportation, qui passe par un renforcement de notre tête de pont, Ubifrance, et par l’adaptation des outils de la COFACE aux besoins des plus petites entreprises. Cela suppose aussi des décisions fortes au niveau institutionnel, car les chefs d’entreprises rencontrent beaucoup trop de difficultés pour accéder au réseau public d’appui. Il faudrait aussi que les divers « plans stratégiques » ne cachent pas une certaine insuffisance des moyens. Lorsqu’on va dans un salon international, on constate que les petites entreprises italiennes sont présentes tous frais payés mais que cela coûte très cher aux nôtres ! Il faut conduire un benchmarking pour essayer de renforcer leur présence sur les foires et salons, là où tout se passe.

Ces chantiers sont essentiels. Vous vous donnez les moyens de les engager. Nous attendons du Gouvernement qu’il aille au bout, et en particulier qu’il mène, pour le soutien à l’export des PME, une de ces véritables réformes de rupture qu’affectionne le Président de la République.

DÉVELOPPEMENT ET RÉGULATION ÉCONOMIQUES

ART. 33 ET ÉTAT B

M. Michel Bouvard – Les amendements que je vais vous présenter, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission des finances, reviennent sur la question du statut des crédits du tourisme. Lors de l’élaboration de la première maquette budgétaire, nombre de techniciens considéraient qu’ils ne méritaient pas de constituer un programme à eux seuls, et à l’occasion de la nouvelle maquette, ils ont été replacés au rang d’une action. Se posait également la question de savoir s’ils devaient figurer dans le présent budget ou dans la mission « Politiques des territoires ».

Une fois déterminée la mission où loger le tourisme, peut-on se satisfaire que ce secteur figure dans la nomenclature budgétaire en tant qu’action ? Par les amendements 167 et 244, la commission des finances et moi-même proposons que le tourisme soit constitué en programme.

Cette demande se justifie par l’importance économique du secteur, de très loin supérieure aux cent millions de ce budget, et aussi par la nécessité qu’impose la LOLF d’envisager toute dépense à coût complet. C’est loin d’être le cas en l’état, les mesures budgétaires et fiscales en faveur du tourisme – d’un montant, pour certaines, considérables - étant éparpillées. La lisibilité de l’ensemble, de ce fait très incertaine, est encore brouillée par le fait que seule est mentionnée Maison de la France –alors que trois opérateurs publics sont concernés par le tourisme. On voit bien qu’une clarification s’impose pour évaluer cette politique à coût complet, et cela justifie de rétablir ce programme – et non de le créer, j’y insiste.

J’ajoute que la mission ne comprend que deux programmes. Nous nous sommes battus pour que la LOLF ouvre le droit d’amendement parlementaire et permette ainsi un éventuel redéploiement des crédits ; en l’absence de programme spécifique, il est très difficile de le faire en faveur du tourisme, et ce qui était possible l’an dernier ne l’est plus ! Pour toutes ces raisons, j’espère vous avoir convaincus, comme la commission l’a été, du bien-fondé de ce rétablissement.

M. Pierre-Alain Muet, suppléant M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial de la commission des finances pour le tourisme – Nous partageons ce point de vue. Le fait que quatre des douze objectifs du programme actuel se rapportent au tourisme justifie la proposition. Le secteur emploie 800 000 salariés et contribue pour plus de 6 % au PIB. Un programme « tourisme » permettrait d’améliorer notre politique de promotion du secteur et faciliterait l’initiative parlementaire.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial de la commission des finances pour le développement et la régulation économiques La commission des finances, qui avait nommé un rapporteur spécial pour le tourisme, est favorable à ce que ce secteur fasse l’objet d’un programme à part entière. Il est vrai que ce sera un programme d’un faible budget…

M. Jean-Paul Charié – Mais d’une grande importance économique !

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial – En effet, puisque la France est le premier pays touristique au monde. Mais si l’on constitue le tourisme en programme, il faudra veiller à en supprimer d’autres qui ne servent pas à grand-chose.

M. Éric Woerth, ministre du budget Je ne suis pas vraiment favorable à la création d’un programme « Tourisme ». Il me semble que c’est une question d’affichage plus que de gestion. Le maire de Chantilly que je suis sait toute l’importance du tourisme, mais le budget n’est pas conçu par secteurs ; proposer un tel programme, c’est ouvrir la voie à de mêmes demandes d’autres secteurs tout aussi importants. Cela ne me paraît donc pas être une très bonne idée, d’autant que cela compliquerait malgré tout la gestion. L’effort de l’État, qui apparaît ici pour 100 millions, est, globalement, plus proche de 500 millions. Transformer l’action « Tourisme » en programme rendrait les redéploiements de crédits plus difficiles que ne le permet la fongibilité actuelle (Mouvements divers). Vous parlez de manque de lisibilité, mais je ne suis pas sûr que la création d’un programme l’améliorerait. L’important, c’est que l’action soit lisible, et elle l’est. De plus, la direction du tourisme n’a pas perdu de son influence, puisqu’elle est rattachée à Bercy. Pourquoi, alors, modifier la maquette de la LOLF ?

M. Michel Bouvard – Ce n’est pas nous qui l’avons modifiée !

M. Éric Woerth, ministre du budget Je serais plutôt favorable à la création d’un document de politique transversale qui répondrait à votre souhait en affichant très clairement l’effort de l’État en faveur du tourisme.

M. Jean-Paul Charié – La commission des affaires économiques, toutes tendances confondues, approuve sans réserve la proposition de la commission des finances et de M. Bouvard. Les enjeux – économiques, d’aménagement du territoire, humains et d’emploi – sont aussi forts que pour l’agriculture et les médias. Il ne s’agit pas de défiance à l’égard du ministère des finances, puisque le programme lui sera rattaché, mais de favoriser la promotion de la politique économique du tourisme, matière où nous péchons encore sérieusement.

M. Michel Bouvard – J’entends les arguments du ministre, et lui suis reconnaissant de s’en remettre en quelque sorte à la sagesse de l’Assemblée (Rires). L’argument de la fongibilité supposée ne me convainc pas, car l’expérience « ante-LOLF » connue lorsque le tourisme dépendait du ministère de l’équipement a laissé quelques souvenirs peu plaisants. Tous les redéploiements obtenus l’ont été par des amendements parlementaires ! Si fongibilité il y avait eu, nous ne serions pas dans la situation actuelle, qui se caractérise par des crédits de paiement très insuffisants pour épuiser le stock d’autorisations d’engagement ! Je demeure convaincu qu’une approche globale, par consolidation de la dépense, est nécessaire. Cela ne veut pas dire que les DPT sont inutiles, mais où va-t-on si l’on commence d’en faire pour chaque action ?

M. Éric Woerth, ministre du budget Créer un programme « tourisme » compliquera la gestion du budget. Si vous souhaitez un affichage particulier pour ce secteur, soit, mais que cela ne s’étende pas à tous les secteurs ! La modification a été opérée pour que le tourisme puisse avoir accès, par redéploiement, à des crédits supplémentaires. Si vous figez ses crédits dans un programme, les choses deviendront plus compliquées. Je m’en remets donc, effectivement, à la sagesse de l’Assemblée.

Les amendements 167 et 244, mis aux voix, sont adoptés.

M. Michel Bouvard – Je ne suis pas certain que l’amendement 245 ait encore lieu d’être.

Il n’en reste pas moins que le tourisme associatif, secteur dans lequel de nombreux opérateurs connaissent des difficultés, a besoin de crédits de paiement supplémentaires, car ceux qui sont inscrits dans le projet sont très insuffisants par rapport au stock d’autorisations d’engagement des années passées. Une « opération vérité » doit également être menée concernant les engagements de subvention de l’Agence nationale pour les chèques-vacances qui n’ont pas encore été honorés. M. Chatel a annoncé des mesures pour le tourisme associatif : il faudrait que le Parlement en soit informé.

L'amendement 245 est retiré.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial Si M. Michel Bouvard n’avait pas retiré son amendement, je m’y serais opposé, en raison de la ponction de deux millions opérée au détriment sur la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à un moment où elle se voit assigner des missions nouvelles.

M. Jean Dionis du Séjour – Le secteur de l’énergie connaît actuellement un véritable bouleversement. Le nombre de consommateurs du secteur concurrentiel de l’électricité est passé de 4,7 millions avant le 1er juillet 2007 à 33 millions aujourd’hui ; sur le marché du gaz, il est passé de 680 000 à 12 millions. En outre, les missions de la CRE ont été élargies. En contrepartie, ses crédits reculent dans ce budget ! Face à des monstres comme EDF, nous avons besoin d’un régulateur fort. L’amendement 277 dote donc la CRE d’un million d’euros supplémentaire, soit une augmentation, raisonnable, de 5 % de ses crédits.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial – J’y suis complètement opposé. Lorsque j’ai auditionné la CRE, je l’ai interrogée sur ses charges de fonctionnement : 50 % de celles-ci sont liées à l’immobilier. Avant, donc, d’augmenter ses crédits, il faut regarder comment elle fonctionne. En outre, ce serait un très mauvais signal, au moment où la CRE renégocie pour ses locaux. Par ailleurs, si cette activité était financée par les différents acteurs du marché, ce serait beaucoup plus économique pour l’État.

M. Jean Dionis du Séjour – C’est vrai.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial – Enfin, ponctionner des écoles comme les Mines ou Sup Télécom est inopportun au moment où nous souhaitons encourager la recherche.

M. Éric Woerth, ministre du budget Avis défavorable. La CRE a les moyens de fonctionner. Nous lui accordons cinq postes supplémentaires, qui s’ajoutent aux 130 existant déjà – alors même que l’État tend par ailleurs à réduire les effectifs publics –, et nous augmentons ses crédits de 1,2 million. Les régulateurs ont souvent le sentiment d’être mal dotés, mais il faut qu’ils cherchent à améliorer leur productivité ; c’est possible à la CRE.

M. Jean Dionis du Séjour – L’indépendance du régulateur par rapport à tout financement de l’État est une idée intéressante, Monsieur le rapporteur spécial, et nous ne pouvons qu’y souscrire. Mais nous n’en sommes pas encore là ! Or, le budget de la CRE pour 2008 ne tient nullement compte de l’ouverture du secteur à la concurrence en 2007. Il aurait fallu augmenter ses crédits en conséquence, alors que ceux-ci reculent si l’on tient compte des reports et de la fongibililté ; c’est un contresens !

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial – Comme je l’ai dit, 50 % des 20 millions de crédits de la CRE sont pour l’immobilier. Si vous voulez, je l’accueille chez moi, et vous verrez que vous ferez plus d’un million d’économies !

L'amendement 277, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « Développement et régulation économiques », mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – J’appelle maintenant les articles du projet de loi de finances rattachés à cette mission.

ART. 42

L'article 42, mis aux voix, est adopté.

ART. 43

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial – L’activité des prothésistes dentaires a évolué : longtemps considérée comme une industrie mécanique, elle utilise aujourd’hui de nouveaux matériaux, comme la résine et la céramique, et subit une forte concurrence de l’étranger. L’amendement 176 rectifié de la commission propose de l’exonérer du système de taxation prévu à cet article 43. M. Mallié avait déposé un amendement identique.

M. Éric Woerth, ministre du budget Cette mesure ressortit au domaine règlementaire. Je souhaite donc vous donner satisfaction par arrêté, et vous demande de retirer l’amendement.

L'amendement 176 rectifié est retiré.

L'article 43, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 43

M. Pierre-Alain Muet, rapporteur spécial suppléant – L’amendement 171 vise à permettre au personnel des entreprises de moins de 50 salariés de bénéficier des chèque-vacances sans condition de revenus, dans les mêmes conditions que ceux des grandes entreprises. La condition de ressources du foyer fiscal pénalise les PME, parce qu’elle élimine tous les foyers où existent deux revenus. Elle est en outre dissuasive, car elle implique que les salariés communiquent des informations privées, que les employeurs sont d’ailleurs réticents à demander.

Il s’agit d’une mesure qui a été adoptée à plusieurs reprises par la commission des finances, lors des exercices précédents. Monsieur le ministre, le rapporteur spécial Terrasse vous a adressé un courrier pour vous demander d’en faire évaluer le coût ; je crois qu’il attend toujours votre réponse.

M. Michel Bouvard – L’amendement 285 rectifié est identique. Peu avant la dissolution de 1997, un texte avait été présenté en conseil des ministres par M. Pons pour étendre le bénéfice du chèque-vacances aux salariés des PME. Ce texte a été repris dans une proposition de loi, qui a été adoptée. Mais le système ne fonctionne pas de manière satisfaisante dans les PME, et cela fait près de dix ans que nous présentons des amendements pour y remédier.

Il y a des opérations vérité à mener : combien ça coûte, quel est le nombre de bénéficiaires potentiels ? L’indicateur de performance relatif à l’ANCV est étrangement stable : depuis trois ans, la dépense – 20 millions – n’a pas varié d’un euro. C’est à croire que pas un chèque de plus n’a été distribué ! Quant à la fiabilité de l’indicateur, elle est qualifiée de « bonne », ce qui n’est pas bon signe car lorsque la fiabilité d’un indicateur est avérée, c’est généralement l’appréciation « très bonne » qui est retenue ! (Sourires)

Bref si nous voulons que les PME de moins de 50 salariés – qui ne disposent pas de comité d’entreprise – se développent, il faut mener à bien l’évaluation sur les possibilités d’y implanter le chèque-vacances…

M. Nicolas Forissier – Il a raison !

M. Michel Bouvard – Il est fréquent, dans notre pays, que l’on vote une mesure généreuse puis que tout soit fait pour en restreindre l’accès. S’agissant du chèque-vacances, le temps est venu d’avoir un vrai débat et, à la différence des années passées, de prendre des décisions. (« Très bien ! » sur divers bancs)

M. Henri Emmanuelli – Il faut aller jusqu’au bout, Michel !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Michel Bouvard a raison de relever que le nombre de bénéficiaires – 2,2 millions – présente une remarquable stabilité…

M. Michel Bouvard – Une stabilité suspecte !

M. Éric Woerth, ministre du budget – À l’issue du conseil des ministres du 26 septembre dernier, nous avons annoncé que la possibilité d’étendre le bénéfice du chèque-vacances aux salariés des PME allait être étudiée et qu’un audit juridique de l’Agence nationale du chèque-vacances avait été confié à un conseiller d’État, ses conclusions devant être disponibles au tout début de l’année prochaine. En outre, Luc Chatel s’emploie à organiser une meilleure commercialisation et diffusion des chèques, en particulier auprès des salariés qui ne disposent pas d’un comité d’entreprise. Enfin, nous souhaitons que ce dispositif ait un caractère social avéré car il ne peut être question de l’assimiler à une distribution de chèques-cadeaux. Dans la mesure où l’évaluation de l’ensemble du dispositif n’est pas achevée, je suggère à MM. Muet et Bouvard de retirer leurs amendements. À défaut, j’inviterais à leur rejet.

M. Pierre-Alain Muet, rapporteur spécial suppléant Je maintiens l’amendement 171.

M. Michel Bouvard – Je retire le 285 rectifié.

L'amendement 171, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Nous en avons terminé avec l’examen des crédits relatifs au développement et à la régulation économiques.

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

M. Éric Woerth, ministre du budget – La solidarité vis-à-vis des publics vulnérables constitue un axe central de la politique du Gouvernement. Elle fait l’objet de la mission interministérielle « Solidarité, insertion et égalité des chances », dont le montant dépasse 12 milliards.

Commençons par le nouveau programme de lutte contre la pauvreté, géré par Martin Hirsch. Doté de 40 millions, il vise notamment à expérimenter le RSA dans 38 départements. Le dispositif rencontre un certain succès et le nombre de départements candidats à l’expérience a augmenté, de sorte qu’environ 10 % de la population entre désormais dans son champ.

Avec le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », le présent PLF concrétise les engagements pris dans le plan d’action renforcé pour les sans abri. C’est ainsi que les crédits d’hébergement d’urgence et d’insertion progressent de 7 %, en vue d’amplifier le mouvement de création de places de stabilisation et de développer les maisons relais.

Le programme en faveur des familles vulnérables est marqué par le poids de l’allocation de parent isolé, laquelle représente 80 % des crédits. Cette API fait l’objet d’un effort budgétaire notable, puisque sa dotation progresse de 150 millions. Nous mettons ainsi fin à la dette que l’État a contractée ces dernières années auprès de la branche famille, en assurant un financement intégral et sincère de la dépense attendue en 2008.

M. Jean Dionis du Séjour – Très bien.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Cet effort s’accompagne d’une intensification de la lutte contre toutes les formes de fraude, à laquelle je suis particulièrement attentif.

La prise en charge des mesures de tutelle et curatelle justifie une autre augmentation notable – de l’ordre de 20 % –, du fait d’une progression constante – près de 8 % – du nombre de mesures de protection prescrites chaque année.

Le premier poste de dépense des 8,1 milliards inscrits au programme «Handicap et dépendance » concerne l’allocation adulte handicapé ; le montant inscrit dans le PLF pour 2008 – 5,4 milliards – tient compte de la quasi-stabilisation du nombre de bénéficiaires. Le taux de progression du nombre d’allocataires est en effet passé de 2,3 % en 2004 à 0,6 % cette année, et nous avons prévu une augmentation de 0,5 % des bénéficiaires pour 2008.

La mission comporte également un volet santé, avec le programme « Protection maladie ». Là encore, nous faisons un effort de budgétisation important, en faveur de l’aide médicale d’État, de sorte que l’État cesse de contracter des dettes envers l’assurance maladie : 413 millions lui sont alloués cette année, contre 233 millions l’an passé. En contrepartie, nous obligeons à recourir aux génériques, comme je l’ai indiqué lors de l’examen du PLFSS. Ce effort de remise à niveau des dotations ne doit pas cacher la baisse des dépenses liées à l’AME, lesquelles devraient diminuer de 4 % cette année, et la politique gouvernementale de lutte contre l’immigration clandestine devrait confirmer cette tendance dans les prochaines années.

Le programme « Égalité entre les hommes et les femmes » traduit une autre priorité du Président de la République : ses crédits s’établissent à 28,5 millions et seront utilisés de façon prioritaire pour lutter contre les violences faites aux femmes et favoriser l’insertion professionnelle de celles-ci, en multipliant notamment les contrats de mixité.

Enfin, le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » contient les crédits de fonctionnement d’une administration unique, placée sous la tutelle de plusieurs ministres, et ne déroge pas au principe du non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite, avec la suppression prévue de 173 emplois.

M. Jean-Paul Lecoq - Les députés communistes et républicains, Verts et des DOM-TOM du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront contre le budget de la présente mission, sur lequel notre collègue Martine Billard s'est déjà exprimée en commission élargie, car il est insuffisant à tous les points de vue.

Ainsi, l'effort de l'État pour la solidarité nationale envers les plus fragiles, tous programmes confondus, ne sera que de 12 milliards, alors qu'il s'agit de couvrir la lutte contre la pauvreté, la prévention de l'exclusion, les actions pour les familles vulnérables, le handicap, la dépendance, la protection maladie, les politiques sanitaires et sociales et l'égalité femmes-hommes. En crédits de paiement, on constate même une baisse par rapport au budget de cette année, doté de 12,2 milliards. Il est, dans les choix budgétaires de ce gouvernement, des comparaisons qui font mal : 12 milliards pour la solidarité nationale, 15 de cadeaux fiscaux et d'assistance pour les riches ! (« Faux ! » sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés du groupe UMP – Et les heures supplémentaires ?

M. Jean-Paul Lecoq – Et ce ne sont pas les quelque 25 millions octroyés pour l'expérimentation du RSA qui changent la donne !

Nous déplorons la régression du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », qui relève du ministère de logement et de la ville. Avec la loi DALO, un signe fort avait été envoyé aux personnes sans domicile ou mal-logées et aux associations de lutte contre l'exclusion. Il s'agissait à la fois d’amplifier les possibilités de logement et d'hébergement. Dans son rapport au Président de la République du 15 octobre dernier, le comité de suivi de la loi signalait que, pour la mettre en œuvre, un milliard d'euros supplémentaires étaient nécessaires, à répartir entre le logement et l'hébergement. Sinon, la loi restera lettre morte !

En outre, nous constatons que les engagements pris dans le plan d'action renforcé en faveur des sans abri, annoncé le 8 janvier 2007, ne sont pas respectés. Ce PARSA prévoyait la création – ou la transformation – de 27 100 places d'hébergement ou de logement en 2007 pour les sans-abri : 14 000 places seulement seront réalisées d'ici à la fin de l'année. Et si la transformation de places d'hébergement d'urgence en places de stabilisation et de CHRS va dans le bon sens, nous constatons qu'il y a moins de moyens pour l'accompagnement en centres d'urgence, alors que ce sont les personnes les plus fragiles qui sont le moins bien accompagnées. L’amélioration des conditions d'accueil est prioritaire, avec, notamment la généralisation de l'ouverture 24 heures sur 24.

Les crédits destinés aux plus vulnérables affichent une hausse, mais cette présentation est fallacieuse. Il convient en effet d’ajouter aux 788 millions inscrits dans la loi de finances pour 2007 les 94 millions d’engagements pris dans le PARSA, les dépenses de l’État pour cette année s’établissant alors à 882 millions. La budgétisation de 855 millions pour 2008 représente donc une baisse de 3 % des crédits, ce qui montre s’il en était besoin que les effets d'annonce du PARSA et de la loi DALO ne seront pas suivis d'effets. Ainsi, pour les CHU et les centres de stabilisation, la loi DALO prévoyait 195 millions : le présent PLF n’inscrit que 149 millions en crédits de paiement. Et il en est de même pour les places en CHRS et les maisons relais. Alors que les sans-abri et les mal logés ne cessent d'alerter le Gouvernement - avec le campement de la rue de la Banque, régulièrement évacué sans ménagement par les forces de police –, comment expliquer de tels reculs dans la budgétisation des crédits de ce programme?

S'agissant du programme « Handicap et dépendance », vous faites jouer des vases communicants : vous augmentez la ligne des ressources d'existence mais vous baissez celle de la compensation des conséquences du handicap. Quant aux personnes âgées, le maigre pactole des crédits de paiement passe certes de 4,5 millions en 2007 à 8 millions en 2008, mais cela ne compense pas la coupe claire subie l’an dernier – 11,3 millions en 2006, 17 millions en 2005.

La même analyse peut être menée au sujet du programme « Protection maladie ». Vous feignez de porter les crédits de 400 à 513 millions, mais les dotations pour 2006 atteignaient 607 millions !

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Jean-Paul Lecoq – La loi Douste-Blazy d’août 2004 a institué une aide pour faciliter l’accès à une assurance complémentaire santé, à laquelle peut prétendre toute personne disposant de ressources à peine supérieures au plafond de la CMU complémentaire. Mais les crédits qui étaient de 323 millions en 2006, ont chuté à 114 millions en 2007 et ne seront plus que de 50 millions en 2008. Or, comme le souligne la Mutualité française, alors que près de trois millions de personnes sont susceptibles d’en bénéficier, 400 000 seulement en ont fait la demande, à cause du manque d'information et de la lourdeur des démarches à accomplir, pour des publics qui ont souvent besoin d’un accompagnement.

Quant à la hausse des crédits de l’AME, elle nous laisse très dubitatifs, puisque vous ne cessez de restreindre l'éligibilité, l'accès et la portée du dispositif.

Par ailleurs nous demandons, comme les associations de solidarité et de lutte contre l'exclusion, la suppression de l’article 49, qui modifie les règles de prise en compte des aides personnelles au logement dans les ressources des demandeurs de la CMU complémentaire : il est particulièrement indécent de vouloir faire ces économies sur le dos des familles modestes.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera contre le budget de cette mission.

M. Jean Dionis du Séjour – Dans le prolongement de la loi du 11 février 2005, 67 % des crédits de cette mission sont au service de l’insertion des handicapés, dont le taux de chômage est quatre fois supérieur à la moyenne nationale.

Le taux d'emploi de 6 % est une ardente obligation pour les trois fonctions publiques, mais on en est encore très loin. Quelles sont vos intentions à ce sujet, Monsieur le ministre ?

Le Nouveau Centre est particulièrement attaché à la réforme des minima sociaux et à l’expérimentation du RSA, et il soutiendra l’amendement du Gouvernement sur ce point. Il est en effet indispensable que le retour au travail des allocataires des minima sociaux se traduise par un accroissement de leurs ressources. Les premiers résultats de l’expérimentation du RSA, qui a suscité un vif engouement des collectivités locales, changent-ils le calendrier de l’élargissement ? Quel est-il ? Nous serons spécialement attentifs aussi au dispositif de contrat unique d'insertion.

Enfin, nous émettons de vives réserves sur les crédits affectés à l'indemnisation des victimes de l'amiante, qui diminuent cette année de 50 millions alors que les besoins sont importants.

Nous soutenons cependant l'action du Gouvernement en faveur d’une réduction de la pauvreté de 30 % en cinq ans. Nous voterons donc les crédits de cette mission.

M. Guénhaël Huet – Les crédits de cette mission interministérielle sont globalement en hausse, d’abord en raison de l’augmentation des trois minima sociaux – allocation adulte handicapé, allocation spéciale d’invalidité, allocation de parent isolé –, qui représentent 6,7 milliards, soit 56 % des crédits de la mission, et augmentent de 3,5 % ; étant entendu que cette hausse s’accompagnera d’un renforcement des contrôles sur leur attribution.

La politique volontariste en faveur des personnes handicapées, dans le prolongement de la loi du 11 février 2005, se concrétise d’abord par la revalorisation de l’AAH de 1,1 % au 1er janvier 2008 et à nouveau de 1,1 % au 1er septembre 2008, conformément à l’engagement pris il y a quelques mois par le Président de la République ; les crédits destinés à l’AAH augmentent ainsi de 114 millions. Quant à l’effort en faveur de l’insertion professionnelle des personnes handicapées, il se traduit par une augmentation de 71 millions des crédits destinés aux ESAT – établissements et services d’aide par le travail, les ex-CAT –, augmentation qui permettra de créer 2 000 places.

L’action en faveur des familles vulnérables passe d’abord par l’API, qui représente 80 % des crédits, avec 1 020 millions contre 909 l’an dernier ; les crédits destinés à la tutelle et à la curatelle sont également en forte augmentation. Ces différentes actions sont menées en étroite concertation avec les départements, les caisses d’allocations familiales et les associations de tutelle.

Le programme « Prestations maladie » regroupe trois dispositifs très importants, pour un total de 513 millions : la CMU, l’AME – aide médicale d’État destinée aux personnes étrangères en situation irrégulière – et le FIVA – fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. C’est l’AME qui connaît la progression la plus importante – 180 millions –, avec en contrepartie des mesures de rationalisation et de contrôle.

Le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », doté de 993 millions, vise à rompre avec la logique de l’assistance. La forte revalorisation des crédits destinés à l’hébergement d’urgence permettra de transformer 10 000 places d’hébergement d’urgence en 6 000 places de stabilisation et 4 000 places d’hébergement et de réinsertion sociale.

Le programme « Lutte contre la pauvreté » est doté de 40 millions. Il met l’accent sur des expérimentations, notamment celle du RSA.

Enfin, je ne saurais oublier les crédits affectés à l’égalité entre les hommes et les femmes.

Le groupe UMP soutient ce budget volontaire, diversifié et équilibré.

M. Christophe Sirugue – Les domaines rattachés à cette mission sont si nombreux qu’on peut s’interroger sur la qualité du travail qui peut être accompli en commission élargie. Quoi qu’il en soit, l’écart entre les intentions affichées et la réalité budgétaire est criant.

La hausse de 3 % représente 370 millions, à rapprocher des 15 milliards de cadeaux offerts par la loi TEPA à ceux qui en avaient le moins besoin…

Concernant le handicap, notre première inquiétude porte sur la contribution de l'État aux fonds départementaux pour la compensation. Mme Létard a annoncé que les engagements du gouvernement pour 2008 passeraient par un fonds de concours, ce qui semble vouloir dire un prélèvement sur la CNSA …

L’évolution de l’AAH nous inquiète tout autant : on voit mal comment on arrivera aux 25 % sur cinq ans annoncés par le Président de la République.

S’agissant enfin de l'accompagnement, on annonce la création de 2 000 places dans les ESAT, contre 3 000 en 2007 ; et les entreprises adaptées, qui bénéficiaient de 20 012 postes aidés en 2007, n’en auront que 19 625 en 2008.

En commission élargie, la ministre a répondu à ma collègue Martine Carrillon-Couvreur que la stagnation des crédits destinés aux entreprises adaptées résultait de leur sous-consommation ; en fait, ces crédits n'ont pas été distribués aux entreprises !

Quant à la loi DALO, on pouvait s'attendre à trouver dans ce budget les moyens nécessaires à son application. Or, sur les 27 100 places d'hébergement ou de logement prévues en 2007 pour les sans-abri, 14 000 seulement ont été réalisées ; et si l’on tient compte de tous les financements complémentaires qui ont été apportés au cours de l'année 2007 pour mettre en application le PARSA, on arrive à un total de 889 millions : à 855 millions, le budget 2008 est ainsi en recul de 3 %.

Pour les CHRS, le PARSA prévoit la création de 4 500 places, et la DGAS annonce que cet objectif sera atteint fin 2007 ; or le projet de loi de finances table sur le financement de 3 113 places d'urgence transformées.

Pour les maisons relais, on constate le rééchelonnement sur plusieurs années de l'objectif de création de 9 000 places et donc, des dépenses moindres que prévues.

En ce qui concerne l'insertion, je veux redire la vive inquiétude que nous inspire la diminution du nombre des contrats aidés.

Enfin, si l'article 49 est maintenu, il entraînera une diminution automatique du nombre de bénéficiaires de la CMUC, pour une économie de 14 millions : c’est inacceptable.

Les crédits de la délégation interministérielle à l'innovation, à l'expérimentation sociale et à l'économie sociale sont pour le moins modestes. Cette année déjà, des projets innovants ont été suspendus pour, semble-t-il, renforcer l'expérimentation du RSA ; et pour 2008, les crédits affectés à l'économie sociale ne sont que de 1,5 million, contre 2,96 millions en 2007 !

Concernant l'égalité hommes-femmes, les crédits sont peu différents de ce qu’ils étaient en 2007 ; c’est le budget le moins bien doté de la mission ! Le Gouvernement n'a d'ailleurs pas de ministère de l'égalité, ni de secrétariat d'État aux droits des femmes.

En résumé, les bonnes paroles sur la solidarité ne sont pas suivies d’actes. Il est vrai qu'on ne peut pas distribuer à ceux qui ont le plus tout en gardant des marges d'action pour ceux qui ont le moins… Avec vous, c'est la fraternité à l'envers ! Nous ne voterons donc pas le budget de cette mission (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

ARTICLE 33 ET ÉTAT B

M. Christophe Sirugue – « Les personnes handicapées doivent pouvoir vivre décemment, ce qui est actuellement impossible avec une allocation adulte handicapé de 621 euros. Il n’est pas acceptable que le montant de l’AAH n’atteigne même pas le seuil de pauvreté de 788 euros. Plus de 700 000 personnes sont concernées. Afin de remédier à cette situation, je propose de revaloriser l’AAH de 25 % ». Ce sont les mots de Nicolas Sarkozy, président de la République…

Pour augmenter l’AAH de 25 % sur cinq ans, il faudrait commencer par l’augmenter au moins de 5 % la première année. Tel est l’objet de l’amendement 302, qui prévoit de transférer 285,9 millions du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » vers le programme « Handicap et dépendance ».

Ce projet prévoit une augmentation de 1,1 % au 1er janvier, laquelle serait suivie d’une seconde, de 1 %, au 1er septembre. On est loin du compte ! D’autant que cette hausse ne couvre même pas celle du coût de la vie. J’ajoute que les personnes qui relèvent de l’AAH sont éloignées de l’emploi et n’ont d’autres ressources que cette allocation.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial de la commission des finances – Retirer 285,9 millions du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » revient à amputer ses crédits de 27 %, à supprimer 2 500 postes et à réduire de moitié les dépenses de fonctionnement. Cela est bien brutal, comparé au non remplacement d’un départ sur deux à la retraite, qui concerne 173 postes ! Rappelons que le budget prévoit une augmentation de 2,1 % de l’AAH, soit 117,6 millions d’euros.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Notons que, pour la première fois depuis bien longtemps, l’AAH progressera au-delà de l’inflation !

Les engagements que le Président de la République a pris sur la revalorisation de la situation des personnes handicapées seront tenus. L’approche sera globale et prendra en compte l’ensemble des ressources. Ce chantier sera mené par le comité de suivi de la loi du 11 février 2005, qui veillera à ce que soit proposée une politique active d’accès à l’emploi à chaque personne qui en est susceptible. Nous accompagnerons cette démarche en rénovant l’Agence de gestion du fonds d’insertion professionnelle des personnes handicapées et le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, afin qu’ils puissent intervenir dans de nouveaux domaines.

Monsieur Dionis du Séjour, il est vrai que l’ensemble des ministères n’a pas atteint le taux de 6 % de personnes handicapées au sein de ses personnels. Le Président de la République a rappelé lors d’un conseil des ministres sa volonté d’atteindre rapidement ce seuil.

M. Christophe Sirugue – Le Président de la République avait annoncé qu’il augmenterait les petites retraites de 25 %, on attend encore. Le Président de la République avait annoncé qu’il augmenterait l’AAH de 25 %, on attend toujours !

Si je lis bien les conclusions du rapport du sénateur Lambert, il semble bien que l’on s’achemine vers un transfert de l’AAH aux départements. Vous tiendrez vos engagements en laissant aux conseils généraux le soin de les financer. C’est déjà le cas avec la compensation du handicap, prélevée sur la CNSA.

En ne reconnaissant pas que l’AAH est inférieure au seuil de pauvreté et en continuant à mener une politique qui réduit le pouvoir d’achat, vous pénalisez doublement les bénéficiaires de l’AAH. En outre, vous oubliez de dire que leur nombre augmente, ce qui neutralise la hausse annoncée des crédits.

Si nous proposons de prélever des crédits sur le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », c’est que ceux de ces crédits qui augmentent sont d’abord destinés au contrôle des bénéficiaires de prestations sociales ou de minima sociaux, lesquels s’en trouvent stigmatisés. Faites des économies sur ces contrôles, et vous trouverez les moyens d’augmenter de 5 % l’AAH !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Je ne peux pas vous laisser dire cela ! Le Président de la République a pris un certain nombre d’engagements, laissez-nous le temps de les tenir. Comme l’a fort justement dit le Premier ministre, nous n’en sommes qu’à la neuvième minute du match !

M. Jean-Paul Lecoq – Il y a eu 15 milliards de cadeaux dès la première minute…

M. Christophe Sirugue – Il vaut mieux marquer les buts au début !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Lorsque vous étiez aux affaires, il ne me semble pas que vous ayez tout réglé en cinq mois (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Tantôt vous nous reprochez un certain immobilisme, tantôt vous trouvez que nous en faisons trop ! L’AAH augmentera plus que l’inflation. C’est un premier pas, ce ne sera pas le dernier.

Vous avez fait référence, je crois, à un document de M. Lambert produit dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Il ne me semble pas que son auteur visait précisément l’AAH ; il est possible, en revanche, qu’il ait évoqué la spécialisation des collectivités locales, et donc une spécialisation dans le domaine social des départements.

M. Henri Emmanuelli – Dans le domaine financier également !

L'amendement 302, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Éric Woerth, ministre du budget – L’amendement 300 rectifié vise à octroyer 5 millions supplémentaires au titre de l’expérimentation du RSA. Déjà 38 départements sont candidats ; mais seuls 17 départements, dans un premier temps, puis 10 autres, dans un second temps ont pu entrer dans le dispositif. Ces crédits permettront donc d’élargir le champ d’expérimentation.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécialLa commission n’a pas examiné cet amendement, qui vise à permettre à davantage de départements d’expérimenter le RSA. Le vice-président de l’assemblée des départements de France m’a fait savoir qu’il était favorable à une telle initiative.

M. Guénhaël Huet – Cela prouve que les départements sont d’accord !

M. Christophe Sirugue – Nous pourrions, en effet, nous en réjouir. Mais si vous avez trouvé juste de consacrer 25 millions d’euros à une expérimentation menée dans 27 départements, 30 millions d’euros me semblent bien insuffisants pour 38 départements !

Par ailleurs, je note qu’il n’a pas fallu attendre la fin de la première minute du match, Monsieur le ministre, pour vous voir offrir 15 milliards à ceux qui en avaient le moins besoin !

M. Guénhaël Huet – Ils sont destinés aux salariés, pour leurs heures supplémentaires !

Mme Geneviève Fioraso – Ils les attendent toujours !

M. Jean Dionis du Séjour – Nous, nous nous félicitons de cet amendement et nous le votons des deux mains ! Je ne comprends pas l’attitude des socialistes : j’avais cru comprendre que le RSA et son expérimentation figuraient dans le programme de Mme Royal…

M. Christophe Sirugue – Il y aura moins d’argent !

L'amendement 300 rectifié mis aux voix, est adopté.

Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – J’appelle maintenant les articles du projet de loi de finances rattachés à cette mission.

ART. 49

M. Christophe Sirugue – Cet article est très important car la prise en compte d’un « forfait logement » entraînerait une économie de 7 millions d’euros et surtout l’exclusion de plus de 20 000 bénéficiaires, prioritairement des familles avec enfants. En appliquant les mêmes règles à tous les demandeurs de la CMUC et en fondant le calcul du forfait logement sur le taux applicable aux titulaires du RMI, vous faites donc le choix d’un alignement par le bas qui nous fera revenir deux ans en arrière et qui, de surcroît, entraînera une diminution automatique du nombre de bénéficiaires de la CMUC. Quatorze millions d’économie : voilà pourquoi vous allez pénaliser des dizaines de milliers de familles, dont de très nombreux enfants. M. Bertrand, lorsqu’il était en charge du dossier, nous avait promis d’y réfléchir. Je constate que plus la réflexion est longue et moins elle aboutit ! Nous proposons donc par l’amendement 217 de supprimer l’article 49.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial – Avis défavorable. Aujourd’hui, ceux qui accèdent pour la première fois à la CMUC ne sont pas logés à la même enseigne que les autres bénéficiaires. C’est donc une mesure d’équité, que préconise d’ailleurs la Cour des comptes.

M. Éric Woerth, ministre du budget Même avis. C’est en effet une mesure d’équité.

M. Christophe Sirugue – Nous n’avons pas la même compréhension du terme !

M. Éric Woerth, ministre du budget Pourquoi la supprimer ?

M. Christophe Sirugue – Demandez à M. Bertrand !

L'amendement 217, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 49, mis aux voix, est adopté.

ART. 50

M. Christophe Sirugue – L’amendement 266 tend à supprimer l’article 50, qui soumet la prise en charge intégrale des médicaments pour les bénéficiaires de l’AME à leur acceptation de génériques. Bien sûr, il faut inciter les patients à préférer les médicaments génériques mais, en l’espèce, vous ne laissez pas d’autre choix aux titulaires de l’AME puisqu’à défaut d’obtempérer, ils ne seront pas remboursés du tout !

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial – Avis défavorable. Là encore, c’est une question d’équité : pourquoi les bénéficiaires de l’AME pourraient-ils exiger un médicament princeps quand ils peuvent obtenir un générique ? Je vous rappelle que le développement du générique profite à nos comptes sociaux.

M. Guénhaël Huet – En effet : c’est la situation actuelle qui est anormale !

M. Éric Woerth, ministre du budget Même avis. Je m’étonne de cet amendement injuste, qui permettrait de mieux traiter les bénéficiaires de l’AME, irréguliers ou non, que les autres assurés sociaux. L’incitation à préférer les génériques doit les concerner tout autant : c’est une question de justice !

L'amendement 266, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial – Les amendements 174 et 175 sont rédactionnels.

Les amendements 174 et 175, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 50, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 51

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial – L’amendement 177 rectifié propose une nouvelle rédaction, plus précise, de l’article.

L'amendement 177 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 51, est ainsi rédigé.

APRÈS L'ART. 51

M. Éric Woerth, ministre du budget L’amendement 289 est défendu.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial – Avis favorable.

L'amendement 289, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Nous en avons terminé avec l’examen des crédits relatifs à la solidarité, à l’insertion et à l’égalité des chances.

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – L’aide publique au développement est une partie essentielle de notre action extérieure. C’est pourquoi nous renforçons les crédits qui lui sont consacrés, auxquels il faut ajouter des crédits inscrits au sein d’autres missions, des annulations de dettes et le produit de la taxe sur les billets d’avion.

Nous créons cette année un programme relatif au codéveloppement qui s’adressera notamment aux pays d’émigration, géré par M. Hortefeux, et qui comporte 60 millions en AE et 29 en CP. Ainsi nous doublons les crédits auparavant consacrés à ce domaine. S’agissant de l’aide économique et financière au développement, qui relève de Mme Lagarde, nous prévoyons 2,25 milliards d’autorisations d’engagement – une somme considérable – afin, notamment, de préparer la reconstitution en 2008 de l’aide internationale au développement, gérée par la Banque mondiale et le Fonds africain de développement. C’était en effet l’un des engagements du sommet du G8 de Gleneagles. Ensuite, le programme de solidarité envers les pays en développement, mis en œuvre par M. Kouchner, est doté de crédits de paiement stabilisés et d’autorisations d‘engagement en progression. Ces crédits seront notamment consacrés au Fonds mondial sida – à hauteur de 900 millions sur les trois prochaines années – mais aussi au Fonds européen de développement pour 725 millions. Le reliquat ira aux aides bilatérales en matière de culture, de gouvernance et de lutte contre la pauvreté. Enfin, les crédits disponibles pour accorder des prêts à des États étrangers augmentent, qu’il s’agisse de contribuer à la réalisation d’infrastructures dans des pays émergents, de consolider la dette de certains États ou d’abonder l’Agence française de développement.

M. Jean-Louis Christ – L’examen de ces crédits en commission élargie a permis de mesurer l’engagement de la France en faveur du développement et sa contribution à une mondialisation plus solidaire. Ainsi, nous poursuivons une action volontariste en matière de solidarité avec les pays en développement, consacrant notamment 900 millions d’euros sur les trois prochaines années à la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Nous répondons également à un appel à contributions plus important du Fonds européen de développement. Enfin, la hausse de 3 % des autorisations d’engagement de cette mission bénéficiera notamment à l’Agence française de développement et à ses actions de coopération bilatérale.

De même, la hausse de 13 % des autorisations d’engagement au titre de l’aide économique et financière, qui les porte à 2,25 millliards, permettra de faire face à la reconstitution de l’aide internationale au développement, conformément à nos engagements internationaux.

Enfin, l’inscription de crédits propres au programme relatif au codéveloppement permettra aux migrants de mieux contribuer au développement de leur pays d’origine. Il doit toutefois trouver sa place au sein d’une politique de coopération partenariale ambitieuse, s’appuyant sur l’engagement des diasporas dans des programmes de développement.

Par ailleurs, la France est fortement engagée en faveur de mécanismes innovants qui doivent non seulement augmenter les montants de l'aide apportée aux pays les plus pauvres, mais garantir sa régularité d'une année sur l'autre. La contribution de solidarité sur les billets d'avion devrait ainsi rapporter 160 millions en année pleine, sans impact significatif sur le trafic aérien ni sur le tourisme – des fonds qui serviront à la vaccination et l'achat de médicaments. C’est une des initiatives françaises les plus visibles en faveur de la solidarité internationales de ces dernières années.

En définitive, les crédits d'aide publique au développement pour 2008 traduisent un engagement fort du Gouvernement en faveur des pays les plus démunis et de la réduction des déséquilibres de la planète. Le groupe UMP les votera donc, mais j’insiste pour que ce budget suscite une réflexion sur une approche plus volontariste de la coopération internationale qui, par la recherche d'une meilleure efficacité et par une culture de l'évaluation, assurerait la crédibilité de la France dans la lutte pour le développement et la réduction de la pauvreté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Loncle – Un budget opaque, médiocre ; un ministère en errance, voire en déshérence ; une image de la France en Afrique terriblement dégradée. Le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie n’a décidément pas la baraka pour son retour au Gouvernement, il est vrai dans des conditions quelque peu particulières. Le groupe SRC ne votera pas ce budget, pour deux raisons principales.

La première est une raison politique. La politique estampillée « aide au développement » tend en fait à devenir un instrument, parmi d’autres, de contention des flux migratoires. Le nouveau ministère de l’identité nationale, de l’immigration et du codéveloppement empiète incontestablement sur les compétences traditionnelles du ministère de la coopération. Il est doté de moyens et de personnel cédés par d’autres départements, dont celui des affaires étrangères. Le codéveloppement a d’ailleurs pris un nouveau visage : assorti de tests ADN et de statistiques ethniques fort heureusement censurées par le Conseil constitutionnel, d’une obligation de 25 000 expulsions par an et d’une nouvelle loi de réhabilitation des bienfaits de la colonisation, il a désormais pour objet non pas le développement des pays du sud, mais une sorte de retenue à la source des candidats à l'exil économique. Pour que les choses soient bien claires, le Président de la République a tancé l'Afrique, jugée coupable de retard intellectuel et responsable de son mal-développement. La France, qui doit tant à l'Afrique, en particulier pour la libération de son territoire, et qui bénéficie du soutien diplomatique de ses anciennes colonies notamment aux Nations unies, a surpris et peiné de Dakar à N'Djamena, avant de faire l'objet de critiques de plus en plus vives, en particulier au sein d’instances internationales. Si la France tourne le dos à l'Afrique, les étudiants et les responsables politiques et économiques du continent noir iront ailleurs. Ne restera plus alors qu’à se lamenter.

Beaucoup se préoccupent de ce que la politique immobilière à courte vue de l'État coûte cher aux Français. Ainsi, les locaux de la rue Monsieur, siège du ministère délégué au développement, ayant été mis en vente, le gouvernement chinois a envisagé d’y installer ses bureaux de représentation pour l'Afrique. Ce ne sera finalement pas le cas, mais l'incident est révélateur : « l'homme africain », comme il a été dit avec suffisance, aurait, pour le premier des Français, perdu le train de l'histoire mais les Chinois, les Indiens, les Américains, les Brésiliens, sont prêts à prendre la place dont la France ne veut plus. Vous allez peut-être y gagner la fidélisation des électeurs les plus réactionnaires, ceux qui opposent, selon l’expression scélérate de Raymond Cartier, Corrèze et Zambèze, mais la France y perdra des contrats, des emplois et une part appréciable de son influence internationale.

Notre seconde raison repose sur le fait que ce budget est un trompe-l’œil. Le nouveau programme « Codéveloppement » a été placé sous la responsabilité du ministre de l'identité nationale, de l'immigration et du codéveloppement qui multiplie les déplacements afin de contraindre les pays africains à signer des accords de « gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement ». Quatre l’ont déjà été, treize sont en cours de négociation. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides, placé désormais sous la tutelle de ce ministère, fonctionnera en partie sur des crédits de l’aide publique au développement. Le reliquat laissé au ministère des affaires étrangères fait l'objet d'un intérêt pressant de la part de M. Hortefeux, aussi bien au sein du conseil interministériel à la coopération internationale et au développement que de l'Agence française de développement.

Ce budget est en outre en régression : en 2007, il ne sera en réalité que de 0,42 % du revenu national brut, au lieu de 0,47 %. Il y a là une vraie rupture, mais pas dans le bon sens. Les annulations de dette programmées pour la République démocratique du Congo et la Côte d'Ivoire, qui restent de l'ordre du possible plus que du réel, ne sauraient masquer la réalité d'un budget en recul, cohérent d’ailleurs avec le repli de la France sur elle-même, sous l'aile des États-Unis. Le groupe SRC, repoussant cette orientation, qui s’écarte de la voie tracée par les présidents de Gaulle, Mitterrand et même Chirac, critiquant une politique sanctionnée aux Nations unies, qui rompt avec nos traditions et altère gravement l'image et la capacité d'influence de la France, refusant enfin la désagrégation de nos outils de coopération internationaux, ne votera pas ce budget.

M. Jean-Paul Lecoq – Ce budget montre clairement que l'aide publique au développement ne constitue plus une priorité. Les crédits des missions « Aide publique au développement » et « Prêts à des États étrangers » sont en nette baisse. Le nouveau programme « Codéveloppement » crée une articulation dangereuse avec la lutte contre l'immigration et est avant tout destiné à légitimer la politique anti-immigration du Gouvernement.

L’aide publique au développement devait atteindre, en 2007, 0,5 % du revenu national brut. On peut d'ores et déjà constater que l’effort ne sera en réalité que de 0,42 %, contre 0,47 % en 2005 et 2006, et que le budget est en recul depuis 2001. Le programme « Aide économique et financière au développement » est doté de 984 millions, le « Traitement de la dette des pays pauvres » de 152 millions. Face au surendettement des pays d'Asie, d’Amérique latine et de l'Afrique, ces sommes sont dérisoires. Les objectifs du millénaire pour le développement que les 191 États membres de l'ONU se sont engagés à réaliser d'ici 2015 prévoient notamment de réduire la pauvreté de moitié et de combattre des pandémies comme le paludisme et le sida. Au rythme actuel, ils ne seront jamais réalisés à l’échéance. Pendant ce temps, 30 000 enfants meurent chaque jour, un milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable, 800 millions souffrent de la faim.

L’augmentation sensible du commerce mondial et des échanges internationaux n'est pas synonyme de développement car les termes d'échange se sont profondément dégradés. S’y ajoute la politique néolibérale de l'Union européenne au sein de l'Organisation mondiale du commerce. La France a soutenu les programmes d'ajustement structurel imposés par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale : bradage des services publics, privatisation de l'eau, de la santé, de l'éducation ou de la sécurité sociale… Certes, l'aide publique au développement prévue pour 2008 est en augmentation nominale par rapport aux prévisions d'exécution de 2007, mais cette hausse est due aux prévisions d'annulations de dettes et de refinancement de la République démocratique du Congo et de la Côte d'Ivoire. En fait, la France dégage peu de ressources nouvelles pour le développement, car ces annulations relèvent essentiellement d'un effacement comptable des créances impayables ou d’opérations visant à faire augmenter artificiellement le budget. C'est notamment le cas de l'annulation de la dette de l'Irak, tandis que les pays touchés par le tsunami de décembre 2004 n'ont pas eu mieux qu'un moratoire d'un an : l'Indonésie et le Sri Lanka devront payer entre 2007 et 2010 ce qu'ils devaient rembourser en 2005. Comme l'ont souligné plusieurs rapports de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, ces annulations auront très peu de conséquences pour le développement des pays bénéficiaires, qui sont, parallèlement, contraints d'approfondir les programmes macroéconomiques.

Au-delà des chiffres, l'aide publique au développement doit s’écarter significativement de la politique néolibérale menée par le Gouvernement au sein des institutions internationales. Face à la façon dont il choisit d'exercer ses responsabilités, à son soutien aux programmes d'ajustement structurel prônés par les institutions financières internationales, le groupe GDR votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

ART. 33 ET ÉTAT B

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances – M. Christ a soigneusement expliqué l’attachement que portait ce gouvernement à l’aide publique au développement. À la fin de son propos, la réalité ressortait tout de même en creux – à savoir que ce budget est en diminution. Il passe en fait de 0,5 % du revenu national brut l’an passé à 0,45 % cette année.

M. Éric Woerth, ministre du budget – C’est le PIB qui augmente trop vite !

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances – Alors notre effort baisse au fur et à mesure : à vélo, si on arrête de pédaler, on tombe !

La commission des finances a adopté un amendement 186 visant à faire passer 10 millions du programme « Aide économique et financière au développement » au programme « Solidarité à l’égard des pays en développement ». Il s’agit de réduire des crédits d’étude, sans effet immédiat, au profit d’actions concrètes dans les pays les plus défavorisés.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères – La commission des affaires étrangères n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis favorable. La France a signé les objectifs du millénaire pour le développement qui ne seront certainement pas remplis en 2015 mais dont nous devons nous approcher. Les crédits de l’aide publique au développement programmables, c’est-à-dire ceux que nous examinons aujourd’hui, ne représentent qu’un tiers de notre politique globale. Cet amendement vise à renforcer la part consacrée à une aide concrète en prélevant, sur les quelque 3 milliards de l’aide publique au développement, 10 millions sur des crédits d’études, consacrées pour la plupart à des pays émergents, au profit des pays les moins développés.

Le transfert proposé me paraît juste, et propre à nous rapprocher des objectifs du millénaire pour le développement .

M. Éric Woerth, ministre du budget – Le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement. Il ne s’agit pas d’une question de principe, mais le budget du FASEP-études est de 19 millions ; si l’on en retranche 10 millions, il ne restera plus grand chose. Or ce fonds finance des prestations de service qui pour beaucoup sont déjà lancées et qu’il faudra donc régler quoi qu’il advienne… en trouvant des crédits que nous n’aurons pas. Voilà pourquoi, même si j’en comprends l’esprit, je demande le rejet de l’amendement.

M. le Président – Je suppose que le Gouvernement ne lève pas le gage.

L'amendement 186, mis aux voix, est adopté.

L'article 33 et l’état B, ainsi modifiés, mis aux voix, sont adoptés.

PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

ARTICLE 35 ET ÉTAT D

L’article 35 et l’État D, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – Nous en avons fini avec l’examen des crédits de l’aide publique au développement.

La séance, suspendue à 17 heures 20, est reprise à 17 heures 30.

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES ; FONCTION PUBLIQUE, RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE ; PENSIONS

M. Éric Woerth, ministre du budget Les cinq missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Régimes sociaux et de retraite », « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » et « Pensions » correspondent à des crédits de mon ministère.

La mission nouvelle « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » regroupe tous les moyens humains et matériels du ministère en poursuivant l’effort de rationalisation et de productivité, avec l’achèvement des contrats pluriannuels de performance 2006-2008. L’effort porte aussi sur le non-remplacement de 2 594 départs en retraite au sein des trois directions générales, ainsi que sur la poursuite du déploiement du système d’information fiscale Copernic et du système Chorus d’information financière de l’État. Enfin, nous lancerons le projet de système d’information et de production de la paye, qui vise à moderniser la chaîne de paye de l’État pour en garantir l’efficience et la sécurité, et qui devrait se traduire, à terme, par des économies de 53 millions et la suppression de 800 équivalents temps plein.

Une réforme de fond sera de plus engagée avec la fusion de la Direction générale des impôts et de la Direction générale de la comptabilité publique, qui nous permettra de faciliter les démarches des usagers et d’offrir aux fonctionnaires des parcours professionnels plus larges. Plus largement, mon ministère participe activement à la révision générale des politiques publiques lancée en juin par le Premier ministre. Il s’agit de remettre à plat l’ensemble des missions de l’État pour les adapter aux besoins de nos concitoyens et réduire les dépenses publiques, tout en améliorant la qualité du service rendu.

Dans ce cadre, je suis chargé de coordonner un chantier interministériel sur la gestion des ressources humaines. Notre objectif est de développer dans l’administration une gestion prévisionnelle des effectifs et d’améliorer l’architecture statutaire, pour mieux valoriser le travail des fonctionnaires et favoriser leur mobilité. L’action sociale est renforcée, avec 45 millions supplémentaires, pour améliorer les possibilités de garde d’enfants, de logement et de restauration pour les agents publics.

La gestion du patrimoine immobilier est un domaine majeur de la réforme de l’État. Nous continuons donc à rationaliser celle-ci, selon quatre orientations : la rationalisation du parc immobilier – avec un ambitieux objectif de cession de 600 millions – ; l’extension du dispositif des loyers budgétaires à 26 départements – les administrations paieront un loyer pour les immeubles qu’elles occupent – et une nouvelle étape dans la mise en place d’un « État propriétaire » ; la professionnalisation de la fonction immobilière de l’État ; et la fourniture de terrains pour développer l’offre de logements.

La mission « Régimes sociaux et de retraite » est dotée de 5,12 milliards pour assurer l’équilibre des régimes des agents de la SNCF et de la RATP, des mineurs et des marins. La réforme que mène actuellement le Gouvernement vise à établir l’équité entre tous les Français.

Enfin, la mission « Pensions », qui englobe les pensions civiles et militaires, les pensions des ouvriers de l’État, et les pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, est dotée de 48 milliards, en augmentation de 2 milliards. En outre, les cotisations versées par l’État employeur seront relevées en 2008, le taux en étant porté à 55,71 % pour le personnel civil, et à 103,83 % pour les militaires. Cela traduit le déséquilibre du régime de retraite des fonctionnaires, dû à des causes démographiques mais aussi aux possibilités de départ précoce.

M. Jacques Alain Benisti – La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » poursuit les efforts engagés les années précédentes en vue de moderniser l'État et la fonction publique. Il convient de saluer la volonté du Gouvernement de rationaliser les outils de la gestion publique, notamment avec la montée en puissance de l'informatique. Je salue également la fusion annoncée de la Direction générale des impôts et de la Direction générale de la comptabilité publique. Cette annonce montre que beaucoup reste à faire, et je ne doute pas que le prochain budget devra encore aller plus loin en matière de rationalisation.

Je note en outre l'effort de ce budget dans la lutte contre la fraude fiscale et sociale, avec la volonté de mieux coordonner les services. Ces fraudes induisent chaque année un manque à gagner important pour l’État. La lutte contre la contrebande n’est pas non plus oubliée, avec la poursuite du déploiement de la nouvelle application informatique.

Le programme « Fonction publique », qui s'inscrit dans la poursuite des accords signés l'année dernière avec les principales organisations syndicales, me paraît très positif. Après les lois novatrices de 2005 et 2006, le volontarisme du Président de la République et du Gouvernement en vue de moderniser la fonction publique et lever les freins qui figeaient les carrières des fonctionnaires, doit être salué. Offrir aux agents publics des possibilités d'évolution de carrière plus attractives et motivantes est un objectif louable, à la réalisation duquel ce budget contribue pleinement.

Les mesures d'action sociale, telles que l'aide à la recherche d'un logement ou au recouvrement d’une caution, ou la généralisation du chèque emploi universel pour la garde des enfants, contribueront à renforcer le pouvoir d'achat des fonctionnaires et incitera les jeunes à s'engager dans la fonction publique. De même, le non-remplacement de certains départs en retraite bénéficiera directement aux fonctionnaires, puisque les économies générées – 225 millions – financeront des mesures catégorielles. Ainsi, nous sommes loin d’un plan de rigueur, comme le prétendent nos collègues de l’opposition !

Le succès de l'expérimentation menée sur la rémunération à la performance conduit aujourd’hui à sa généralisation progressive, ce dont nous nous félicitons. Le mérite, la motivation, l'expérience et les résultats doivent être encouragés ; ils sont le gage de la qualité du service public.

Engagé depuis 2006, le processus de fusion des corps vise à améliorer la gestion des personnels et l'organisation fonctionnelle, en favorisant la mobilité et une meilleure allocation des ressources humaines. Il ne s'agit donc nullement de faire disparaître le statut de la fonction publique, mais bien plutôt de dessiner un cadre statutaire plus souple et moins segmenté, adapté aux métiers et compétences de la fonction publique d'aujourd'hui.

Tous les programmes de cette mission vont dans le sens d'une meilleure organisation humaine et fonctionnelle de notre administration : le groupe UMP votera ce budget et j'invite l'ensemble de la représentation nationale à en faire de même !

M. Bernard Derosier – Mes observations porteront essentiellement sur le programme « Fonction publique », au moment où celle-ci se trouve sous les feux de l'actualité. D’abord, parce que le Président de la République a annoncé comme objectif prioritaire le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, ce qui se traduira par la suppression de 35 000 à 50 000 postes par an jusqu'en 2012. Ensuite, parce que les mesures salariales homéopathiques qui viennent d'être décidées unilatéralement par le Gouvernement ne concerneront qu'une minorité d’agents publics et ne relèvent pas d'une véritable logique de maintien du pouvoir d'achat. Enfin, parce que le Gouvernement a lancé un cycle de conférences sur l'avenir de la fonction publique qui doit aboutir à la publication d’un Livre blanc au printemps prochain, dont je crains qu'il ne se transforme en Livre noir.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Facile !

M. Bernard Derosier – Dans ce contexte, je veux d'emblée regretter une lacune importante, puisque le projet qui nous est soumis n’est porteur d'aucune action significative pour la fonction publique. Son rattachement au ministère des comptes publics témoigne du reste de l'approche essentiellement comptable des effectifs publics qui est privilégiée depuis 2002. Comme vient de le regretter le porte-parole de l’UMP, la fonction publique continue d’être appréhendée sous l'angle exclusif de son coût pour la nation, alors que les dépenses qu'elle induit visent d’abord à rémunérer des services rendus aux citoyens. Malheureusement, aucune stratégie claire n'apparaît pour anticiper la mise en œuvre des adaptations indispensables à la modernisation de notre service public.

On ne peut que regretter la décision du Gouvernement de supprimer, sans aucune concertation, 22 921 postes pour 2008, qui viendront ainsi s'ajouter aux plus de 30 000 suppressions dans les services de l'État sous les gouvernements précédents, entre 2002 et 2007.

J'estime inquiétante cette politique qui taille dans les administrations, sans que soit menée au préalable une évaluation des besoins auxquels le service public de demain devra répondre, et qui se caractérise par une absence totale de concertation, de lisibilité et de cohérence. En outre, la diminution du pouvoir d'achat des agents est indéniable. Malgré cela, le Gouvernement, peu soucieux d'élaborer une politique salariale en concertation avec les représentants des fonctionnaires, joue la montre et ignore les attentes. Les fonctionnaires réclament unanimement l'ouverture rapide de négociations sur les salaires, et les « mesurettes » décidées récemment sont sans commune mesure avec les véritables attentes des fonctionnaires.

M. Éric Woerth, ministre du budget Qu’en savez-vous ?

M. Bernard Derosier – Le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires devrait avoir un impact très modeste, notamment parce que tous les agents publics ne disposent pas de la possibilité de réaliser des heures supplémentaires rémunérées, même s'ils le souhaitent. Dans un autre domaine, la création de nouvelles prestations sociales pour les agents publics ne peut compenser la perte de pouvoir d’achat des agents. Tout cela révèle bien le plan de rigueur dont a parlé Mme Lagarde il y a quelques semaines. Et cela ne sert pas le pouvoir d’attraction du service public, au moment où il faudrait inciter les jeunes à se tourner vers lui.

La politique annoncée n'est donc pas à la hauteur des défis à surmonter et des ambitions que nos concitoyens partagent pour le service public. Quant aux évolutions à l'horizon de 2012, défendues par le Président de la République dans son discours du 19 septembre dernier, elles constituent une profonde remise en cause du statut, par le déclin du système de carrière au profit d'un système de métier et par le développement de modes de recrutement autres que le concours. Ces annonces sont le résultat d'un choix idéologique clair, derrière lequel se profile la disparition du statut, et sont autant d'attaques dangereuses aux principes de neutralité et d'égalité qui caractérisent la fonction publique.

Au regard de notre attachement au service public, nous aurions aimé déceler dans ce budget des orientations claires, qui tendent à garantir son rôle essentiel et à confirmer le lien étroit et nécessaire entre fonction publique et intérêt général.

Soucieux d'associer pleinement les fonctionnaires à la réforme de l'État et de voir se concrétiser les aspirations de nos concitoyens à voir se maintenir un service public fort, les députés du groupe SRC voteront contre les crédits de la mission « Fonction publique ». Ils feront de même pour les crédits des quatre programmes relevant de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Philippe Vigier – Monsieur le ministre, le Nouveau Centre est sensible à votre effort de modernisation de la gestion publique, qu’il souhaite du reste voir amplifié. Si l’orateur précédent a regretté que le périmètre se soit agrandi, j’en suis pour ma part plutôt satisfait, car l’on ne pourra réformer la fonction publique en profondeur en ignorant les problèmes budgétaires. Nous soutenons toutes vos actions en faveur de la performance, ainsi que votre volonté de créer un véritable marché de l’emploi public. Compte tenu de son cloisonnement actuel, on mesure les efforts à accomplir ! Nous partageons votre volonté de moderniser le dialogue social, ainsi que celle de rendre enfin effective la fusion DGI-DGCP, naguère enterrée. Nous souscrivons aussi à vos objectifs de mieux lutter contre la fraude douanière et d’encourager le civisme fiscal, ainsi qu’à ceux d’optimiser la formation des fonctionnaires et de rendre plus transparents les comptes publics.

Au titre des propositions, je pense qu’il faudrait renforcer la place des autorités déconcentrées, trop de décisions se prenant encore au niveau de l’administration centrale. S’agissant des plans de formation, nous souhaitons là encore que soient mieux associées les autorités responsables de leur mise en œuvre au plan local. Enfin, la nécessaire valorisation des fonctionnaires pâtit d’une gestion passive et d’une déconcentration insuffisante.

Sans doute sommes-nous unanimes sur ces bancs à vouloir redonner plus de pouvoirs au Parlement, lequel n’a pas vocation à se transformer en chambre d’enregistrement des décisions prises à Bercy. Nous devons renforcer nos pouvoirs d’investigation et de contrôle, en créant, sur le modèle britannique du NAO, un office français d’évaluation et de contrôle. On éviterait bien des gaspillages et autres abus de pouvoir des administrations.

Nous soutenons votre volonté de ne pas remplacer tous les agents qui partent à la retraite, la RGPP et une individualisation plus poussée des rémunérations. Nous sommes également sensibles à vos efforts en faveur de la mobilité des agents publics, essentielle à nos yeux. La fonction publique a tout à gagner à s’organiser en grandes filières de métiers, en achevant la fusion de corps qui sont autant d’obstacles à la modernisation.

La LOLF a transposé à la fonction publique l’indicateur, classique en GRH, des équivalents temps plein. Il convient cependant de prévenir la dérive des vases communicants, par lesquels les administrations tendent à compenser la réduction des effectifs plafonnés en augmentant les emplois d’opérateurs existants. En 2006, on constate qu’il y a 649 opérateurs de l’État de plus, ce qui n’est pas de nature à nous rassurer pour ce qui concerne les réductions d’effectifs. Il est en effet prévisible que le nombre d’équivalents temps plein relevant des opérateurs de l’État va continuer d’augmenter. Veillons à ce que les efforts consentis dans l’administration ne soient pas gâchés par des créations d’emploi chez les opérateurs.

L’amélioration du pilotage des ressources humaines est indispensable, de même que la modernisation des systèmes d’information dédiés. J’insiste à cet égard sur la nécessité de supprimer les corps, car le cloisonnement nuit à la mobilité interne.

Le groupe NC votera ce budget car, outre les actions de fond engagées pour moderniser la fonction publique, il tend à améliorer son image auprès de l’usager. Longtemps reléguée au rang de faire-valoir, la gestion des ressources humaines est devenue une vraie priorité : il y a tout lieu de s’en réjouir, si l’on veut réformer l’État et retrouver le chemin de la croissance.

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES

ARTICLE 33 ET ÉTAT B

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances – l’objet de mon amendement 188 – que la commission des finances n’a pas adopté – est de diminuer les crédits de la sous action « Soutien autre que Copernic » de 175 millions en AE et de 106 millions en CP. Dans la mesure où les effectifs baissent du fait du non-remplacement de deux départs sur trois, la forte augmentation des crédits de fonctionnement n’est pas justifiée et les explications fournies en commission élargie ne convainquent guère, puisque n’ont été évoquées que l’extension du périmètre des loyers budgétaires et la signature de baux de six à douze ans. Ces justifications restant des plus évasives, je propose la suppression de ces crédits. Même si mon amendement n’était pas adopté, je souhaiterais que des justifications plus convaincantes soient présentées au rapporteur spécial de votre commission.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà présentées en commission élargie. Vous défendez cet amendement parce que vous estimez que la progression des crédits de fonctionnement n’est pas justifiée. Je confirme que l’essentiel de cette augmentation est lié à la mesure de périmètre concernant les loyers budgétaires, laquelle représente 113 millions. Hors cette mesure, les CP faisant l’objet de l’amendement diminuent de 6 millions par rapport à la LFI pour 2007.

Par ailleurs, la progression des AE est plus sensible que celle des CP, en raison de la nécessité de conclure des baux et de renouveler des marchés pluriannuels. Cette mesure explique l’augmentation de 56 millions qui a été relevée. Les choses sont claires et ne prêtent pas à débat.

L'amendement 188, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, suppléant M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances – L’amendement 200 vise à réduire la progression de la subvention accordée par l’État à l’ENA. L’école s’est engagée à revoir à la baisse le nombre des élèves et met systématiquement en avant le déménagement à Strasbourg pour tenter de justifier l’explosion de ses dépenses immobilières. L’école doit se montrer exemplaire dans la gestion des deniers publics et nous proposons par conséquent de mettre un coup d’arrêt à la progression de ses dépenses.

M. Éric Woerth, ministre du budget Je ne sais pas ce que vous avez tous contre l’ENA (Sourires) ! Pour ma part je n’y suis pas passé, j’en aurais été bien incapable, et il y a d’ailleurs très peu d’énarques dans le gouvernement actuel ; mais on ne peut quand même pas reprocher aux hauts fonctionnaires de l’être ! Beaucoup de pays étrangers nous envient cette école.

Elle doit supporter 2,5 millions de dépenses supplémentaires : 1,7 au titre du financement pérenne des emplois du Centre des études européennes de Strasbourg ; 0,8 au titre de la hausse du taux de contribution employeur pour les pensions. Or, l’augmentation de ses crédits, au titre de la subvention pour charges de service public, est limitée à 1,1 million. L’économie demandée à l’ENA dépasse donc 1,3 million : elle est obtenue par une baisse du nombre de postes offerts à la sortie – 80 au lieu de 90 –, ce qui représente une économie de 450 000 euros, et par un effort supplémentaire de rationalisation des charges de fonctionnement, pour 850 000 euros.

On demande donc déjà à l’ENA un effort plus important que celui que vous proposez dans votre amendement – que je vous invite dans ces conditions à retirer. Sinon, j’appelle l’Assemblée à le rejeter.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale suppléante – Je le maintiens, c’est un amendement de la commission des finances.

L'amendement 200, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », mis aux voix, sont adoptés.

Le compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », mis aux voix, est adopté.

Les crédits de la mission « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits de la mission « Pensions », mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la gestion des finances publiques et des ressources humaines et aux régimes sociaux et de retraite.

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est en hausse de 1,8 milliard, dont environ 1 milliard pour l’enseignement supérieur. Son augmentation de 7,8 % traduit la volonté du Président de la République d’en faire une priorité, mais ce n’est qu’une première étape, l’objectif étant d’augmenter le budget de l’enseignement supérieur de 5 milliards et celui de la recherche de 4 milliards dans les prochaines années.

Les moyens de l’ensemble des établissements et dispositifs relevant de cette mission augmentent de 1,155 milliard, les crédits alloués aux deux agences de financement sur projets – Agence nationale de la recherche et OSEO – progressent de 190 millions, et les dépenses fiscales augmentent de 455 millions, dont 390 pour le crédit d’impôt recherche.

Ces moyens nouveaux permettront à Mme Pecresse de mettre l’accent sur cinq priorités. La première est d’accompagner la réforme inscrite dans la loi sur les libertés et responsabilités des universités : 381 millions y sont consacrés, tant pour renforcer la gestion des ressources humaines et les fonctions financières et comptables que pour améliorer le parc immobilier.

La seconde priorité est de favoriser la réussite des étudiants : 173 millions de crédits supplémentaires y sont affectés, afin de réformer le système des bourses, de favoriser les initiatives étudiantes comme la création d’une jeune entreprise universitaire, enfin de lutter contre l’échec en première année de licence. En 2008, l’État dépensera 7 375 euros par étudiant, soit 405 euros de plus qu’en 2007.

La troisième priorité concerne l’environnement des chercheurs : 143 millions de moyens supplémentaires vont permettre d’améliorer leurs conditions de travail et la situation des jeunes chercheurs en particulier.

La quatrième priorité est de favoriser la montée en puissance de la recherche sur projets, qui bénéficie de 190 millions supplémentaires. Nous réintégrons l’Agence nationale de la recherche dans le budget de l’État, ce qui traduit notre volonté de consolider ses crédits et répond à une demande formulée l’an dernier par la représentation nationale ; ses crédits progressent de 130 millions. Ceux d’OSEO progressent de 60 millions, soit une hausse de 37 %.

Enfin, nous voulons dynamiser la recherche privée, qui bénéficie de 443 millions de moyens nouveaux, dont 390 millions de dépenses fiscales à travers le CIR, dispositif qui sera simplifié dès janvier 2008, et 53 millions d’autorisations d’engagement pour la recherche industrielle.

Mme Geneviève Fioraso – Personne ne peut se réjouir de voir des étudiants inquiets et sans perspectives. Ils sont venus manifester tout à l’heure à côté de l'Assemblée nationale.

M. Michel Bouvard – Ils n’étaient pas nombreux !

Mme Geneviève Fioraso – On nous annonce 1,8 milliard de crédits supplémentaires, mais c’est un budget en trompe-l'œil – pour ne pas parler de tromperie. On comptabilise en effet comme augmentation le report de TVA et le rattrapage de salaires et de retraites correspondant à des impayés de l'État au titre de l'année 2007 ! Payer ses dettes, c'est bien, mais faire passer cela pour des moyens nouveaux, cela relève de l’arnaque ! Et je ne parle pas des gels de crédits…

Pour le budget de l'INRIA, que je connais bien, l'impact du rattrapage des traitements et retraites représente à lui seul 5 % du budget global. Si l'on y ajoute les gels de crédits, le budget 2008 de cet organisme, dont la compétence et la proximité avec le milieu économique sont reconnues, sera en diminution.

Les 15 milliards dilapidés cet été en pure perte auraient été bien utiles pour présenter un meilleur budget de la recherche et de l'enseignement supérieur ! L’on voit mal, dans ce contexte, comment il serait possible d’atteindre l'objectif de Lisbonne – 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur en 2010 et 3 % du PIB consacré à la recherche.

M. Michel Bouvard – Changez de logiciel…

Mme Geneviève Fioraso – Faute de mieux, vous élargissez l'assiette du crédit impôt recherche, dont aucune évaluation rigoureuse n'est disponible à ce jour, au détriment du financement des grands programmes – micro et nanotechnologies, sciences du vivant, biotechnologies, énergies renouvelables. Plus de 20 pôles de compétitivité pour ces thématiques essentielles : quel saupoudrage inefficace, quel gâchis ! L’Agence d'innovation industrielle a été supprimée deux ans après sa mise en place, là encore sans aucune évaluation : quelle désinvolture ! Pendant ce temps, de très nombreux pays dans le monde font d'énormes efforts financiers en faveur de leurs universités et de leur recherche ; ainsi notre retard s'accroît, notre pays s'enfonce.

L’ébauche de réforme sur l'autonomie des universités fut précipitée et mal préparée. Mais avec l'absence totale de moyens financiers correspondants et l'oubli de chantiers prioritaires tels que la lutte contre l’échec en premier cycle, le logement étudiant, la sécurisation des équipements universitaires et la construction d'équipements neufs, elle devient incompréhensible.

M. Yves Censi – Ne généralisez pas !

Mme Geneviève Fioraso – En outre, vous avez refusé l’idée d’une programmation pluriannuelle. Un seul chiffre : vous annoncez triomphalement 117 millions pour le logement étudiant, mais 84 millions sont nécessaires pour le seul pôle grenoblois ! À ce rythme, le parc de logement étudiant ne sera pas rénové avant 2060 ! Dans les pays « émergents », nos étudiants sont logés dans de meilleures conditions ! Espérez-vous que les collectivités – trop honteuses – se substitueront à l'État ? Le plan Anciaux prévoyait sur dix ans la construction de 50 000 logements. Au bout de trois ans, 8 000 chantiers seulement ont été lancés…

Convaincus que les universités et la recherche, porteuses d’avenir, sont prioritaires, nous ne sommes pas opposés aux réformes quand elles se font dans la concertation, lorsqu’elles portent sur les dossiers de fond, et qu’elles sont accompagnés de moyens budgétaires. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera contre ces crédits, dramatiquement insuffisants et trompeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe GDR).

Mme Jacqueline Fraysse – Mme Pecresse communique beaucoup sur une augmentation de 1,8 milliard d'euros du budget de la recherche et de l'enseignement supérieur, soit 7,8 % de plus qu’en 2007. Mais au-delà du spectacle, la réalité s’impose à tous.

La réalité, c’est que 470 millions sont consacrés à la régularisation de sommes dues par l'État en matière de retraite et de salaires ; 300 millions correspondent au rattrapage de l'inflation ; 330 millions serviront à un rattrapage sur trois chantiers de rénovation déjà lancés. Ces sommes n’apportent évidemment aucun moyen supplémentaire à l'enseignement supérieur et la recherche. Quant aux dégrèvements fiscaux, qui atteignent 455 millions d'euros – dont 390 millions de crédits d'impôt pour les entreprises – chacun en connaît si bien l’inefficacité que la Cour des comptes, elle-même, réclame un bilan pour en mesurer les effets. Une fois de plus, l’argent public est offert au privé sans contrepartie !

Une fois retranchées ces sommes, cela devient beaucoup moins enthousiasmant. D’autant que vous ne créez pas un seul poste statutaire : pas de poste d'enseignant – quand il en faudrait 1 000 pour le suivi individualisé – ; pas de poste de chercheur ; pas de poste administratif. Seuls des emplois précaires seront créés, selon une logique de démantèlement de la fonction publique.

Mme Pécresse s’est déclarée préoccupée par les blocages d'universités, qui seraient politiques et qui pénaliseraient les étudiants. C'est vrai, les mouvements sociaux gênent et pénalisent ; c’est pourquoi ils ne sont jamais lancés par plaisir ! Il serait préférable qu’elle se préoccupe de la précarité des étudiants, de leurs difficultés de logement, du faible montant des bourses, de l’augmentation des coûts d’inscription et du fait que 50 % des étudiants doivent travailler pour financer leurs études – ce qui constitue la première cause d'échec en licence.

M. Michel Bouvard – Vous avez voté contre l’exonération pour les étudiants qui travaillent !

Mme Jacqueline Fraysse – Que proposez-vous pour les doctorants ? L’allocation de recherche atteindra – après la généreuse revalorisation prévue par ce texte – 1,5 fois le SMIC brut, et ce, à condition que l’étudiant exerce une activité de monitorat ! Pour atteindre votre objectif de 2 % d'une classe d'âge en doctorat, il faudrait augmenter de 66 % le nombre d'allocations. Nous sommes loin du compte... Ces jeunes chercheurs ne se verront ensuite proposer que des CDD, puisque vous choisissez de privilégier le financement sur projets ciblés et à court terme, sans créer aucun poste dans le public. Vous faites tout pour les décourager !

Oui, il faut réformer pour adapter la qualité de la formation aux immenses besoins d’innovation et de recherche. Mais votre LRU tourne le dos à ces objectifs, avec des moyens en trompe-l’œil. Pour apaiser les angoisses de Mme Pecresse, je vous suggère de renoncer à la LRU et de travailler, avec tous les intéressés, à une réforme audacieuse. Abandonnez les cadeaux fiscaux et investissez l’argent public dans la formation.

M. Nicolas Forissier – Quelle démagogie !

Mme Jacqueline Fraysse – Il est bien évident que nous ne voterons pas un tel budget (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe socialiste).

M. Olivier Jardé – Le groupe Nouveau Centre se félicite de la priorité donnée à la recherche ; c’est en effet l’innovation qui rendra notre pays plus compétitif. Nous avons tous noté que le budget progressait d’1,8 milliard, soit 7,33 % de plus qu’en 2007. Les grands projets scientifiques et technologiques – comme le projet ITER pour lequel la France double sa contribution – ne sont pas négligés.

Si nous sommes toujours vigilants à l’égard de la stabilité des comptes publics, nous estimons que les dépenses en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur sont, par essence, des dépenses d’investissement. Nous nous félicitons aussi que le rôle moteur des PME dans l’innovation soit enfin reconnu et saluons l’effort déployé en faveur du crédit impôt recherche, à hauteur de 390 millions. En revanche, nous sommes plus réservés sur son extension aux grands groupes.

Cet effort de rattrapage sur les budgets antérieurs est bienvenu. En 2005, nous consacrions 0,02 % de notre PIB aux incitations à l’innovation des PME, contre 0,11 % en Finlande et 0,9 % en Espagne ! La réintégration des jeunes entreprises innovantes au sein du dispositif d’exonération de cotisations sociales patronales va aussi dans le bon sens. Enfin, l’article 46 de ce projet de loi de finances proroge logiquement les dispositions relatives aux pôles de compétitivité, auxquels nous sommes attachés.

Par ailleurs, la LRU se voit donner les premiers éléments de son application, avec 52 millions destinés à la revalorisation des bourses et 20 millions à l’amélioration des carrières des jeunes chercheurs. Le groupe Nouveau Centre votera pour ce budget.

M. Daniel Fasquelle – Le Président de la République s’était engagé à faire de l’enseignement supérieur et de la recherche l’une des grandes priorités du quinquennat. Promesse tenue. L’augmentation historique des crédits – + 7,8 % – permettra d’atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés, à l’heure de la globalisation des connaissances.

Nous pourrons ainsi ouvrir le chantier de la réussite en licence, grâce au renforcement de l’encadrement pédagogique et à la généralisation du dispositif d’orientation active.

Ce budget permet aussi d’améliorer l’articulation entre formation supérieure et marché du travail, dans l’intérêt des étudiants comme dans celui des entreprises. Véritable avancée en matière d’égalité des chances, il augmente les crédits consacrés aux bourses des étudiants les plus défavorisés et permettra au nombre total de boursiers d’augmenter de 10 % en 2008.

Troisièmement, un effort est consenti pour accompagner les universités vers l’autonomie, qu’il s’agisse du renforcement de l’encadrement, de la revalorisation des carrières, de nouveaux moyens pour les jeunes chercheurs ou encore de l’amélioration du parc immobilier universitaire.

Enfin, en cohérence avec le Grenelle de l’environnement, nous consacrons davantage de moyens à la recherche, publique et privée, afin d’améliorer l’indispensable lien entre entreprises et chercheurs, comme le préconise Albert Fert, récent prix Nobel de physique.

Un mot de conclusion pour dire combien je suis choqué de constater l’actuelle tentative de déstabilisation des universités, alors que nous avons rarement consacré autant de moyens à l’enseignement supérieur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Que ce budget rassure tous ceux qui ont besoin de l’être : il n’y aura ni désengagement de l’État, ni droits d’inscription supplémentaires, ni davantage de sélection ni privatisation des universités, comme Mme Pecresse l’a justement rappelé ! Au contraire : augmentation des crédits, priorité donnée à la réussite et à l’égalité des chances, amélioration des débouchés professionnels et soutien à la recherche : voilà la vérité ! (Même mouvement)

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

ARTICLE 33 ET ÉTAT B

M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial – Pour mieux anticiper le réchauffement climatique et le remplacement de certaines sources d’énergie, l’amendement 201, à l’initiative de M. Carrez, vise à transférer 30 millions du programme consacré à la recherche industrielle à celui relatif à la recherche dans le domaine de l’énergie. Trois secteurs sont visés : les réacteurs nucléaires de quatrième génération qui, à court terme, pourront produire de l’énergie sans rejeter de gaz à effet de serre, mais aussi les biocarburants de deuxième génération et, enfin, l’exploration à grande profondeur et la séquestration du dioxyde de carbone.

M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’amendement 216 a le même objet.

M. Éric Woerth, ministre du budget Qu’avez-vous donc tous contre le programme relatif à la recherche industrielle ? Je vous rappelle qu’il finance entre autres les pôles de compétitivité, si importants pour nos entreprises. Pour autant, je comprends votre souci de renforcer la recherche dans le domaine de l’énergie. Je vous propose donc d’affecter quinze millions de crédits supplémentaires au Commissariat à l’énergie atomique en utilisant les dividendes qu’il reçoit d’Areva.

M. Michel Bouvard – Excellente idée !

M. Éric Woerth, ministre du budget Peut-être, dès lors, serez-vous plus indulgents à l’égard de la recherche industrielle ?

Mme Geneviève Fioraso – Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec le ministre. En effet, cet amendement n’est qu’un tour de passe-passe : il s’agit de dépouiller le FCE, qui finance nombre de projets de recherche intéressant les énergies non polluantes, pour en transférer les fonds à d’autres recherches semblables. Où est le bénéfice ? La proposition du ministre me semble bien plus intéressante.

M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial – Je précise que les réacteurs nucléaires concernent l’énergie, mais aussi l’industrie… Quoi qu’il en soit, je me rallie à la proposition du ministre et retire mon amendement.

M. Pierre Lasbordes, rapporteur spécial – De même.

Les amendements 201 et 216 sont retirés.

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial pour l’enseignement supérieur – L’expérience des derniers contrats de plan État-région montrant que le logement universitaire n’était pas prioritaire dans la consommation des crédits alloués, l’amendement 195 vise à isoler ces crédits dans un programme spécifique relatif à la vie étudiante, afin de s’assurer que les opérations de construction et de rénovation seront bien financées.

Mme Valérie Rosso-Debord, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles – L’amendement 195 est identique.

Les amendements 205 et 195, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial – Le rapport Anciaux prévoyait la réhabilitation de 7 000 logements étudiants par an, mais les crédits disponibles ne permettent d’en rénover que 6 000 tout au plus. L’amendement 206 vise donc à ajouter onze millions à cette action afin d’atteindre l’objectif fixé : ce serait un signal fort pour les étudiants.

Mme Valérie Rosso-Debord, rapporteure pour avis – L’amendement 194 est identique.

Les amendements 206 et 194, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial – La dotation des établissements privés d’enseignement supérieur, qui scolarisent des dizaines de milliers d’élèves, est en baisse. En attendant que le Gouvernement mette en œuvre une politique conventionnelle claire pour 2009, je vous propose d’adopter l’amendement 202 qui vise à augmenter la dotation de l’enseignement supérieur privé de 8 %, comme c’est le cas pour l’ensemble des établissements.

M. Jean-Frédéric Poisson – L’amendement 248 rectifié est identique.

M. Éric Woerth, ministre du budget Avis défavorable. Il y a là un malentendu : certes, les crédits consacrés à l’enseignement supérieur privé connaissent une très légère baisse cette année, de l’ordre de 1,1 million, mais cette diminution est largement compensée par le bénéfice de l’exonération de la taxe sur les salaires, en vigueur depuis le collectif budgétaire de 2006 et qui a entraîné une augmentation de l’effort public en faveur de ces établissements de plus de 25 % – soit quatorze millions environ !

M. Jean-Frédéric Poisson – J’entends votre argument, Monsieur le ministre, mais cette exonération ne s’applique qu’aux établissements proposant un cursus jusqu’à bac+5 : les autres, nombreux, sont donc pénalisés. J’ajoute qu’entre 1997 et 2002, les subventions accordées aux établissements privés d’enseignement supérieur avaient été tout bonnement supprimées. Il est donc normal de réévaluer leur dotation.

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial – En outre, on peut parfaitement libérer cette taxe comme on l’a fait pour les universités publiques ou les grandes écoles, telles que l’École des mines. Songez que ces établissements privés ont une dotation par étudiant très basse, de l’ordre de mille euros environ : une augmentation de 8 % ne semble pas excessive.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Je pense que vous avez tort. Un signal fort a déjà été donné aux établissements privés, et Mme Pecresse est entrée dans une logique contractuelle avec eux. Demander toujours plus d’argent, c’est tellement plus simple ! Mais l’année dernière, vous aviez déjà voté une exonération de taxe sur les salaires. On ne peut pas tout avoir. Si vous votez ce transfert, je proposerai que l’on revienne sur la suppression de l‘exonération. L’État ne peut pas à la fois renoncer à des recettes fiscales et dégager des crédits supplémentaires. Laissez Mme Pecresse mener cette discussion avec les établissements, et nous verrons ce qu’il en ressort.

Les amendements 202 et 248 rectifié, mis aux voix, sont adoptés.

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial L’amendement 204 de la commission propose de consacrer cinq millions de plus aux établissements d’enseignement supérieur qui offriront des places ou des filières nouvelles dans des formations courtes professionnalisantes à l’intention des bacheliers professionnels et technologiques – ceux qui échouent le plus pendant le cycle de licence. Mais je le retire au profit de celui du Gouvernement.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Je préfère effectivement l’amendement 299 rectifié.

L'amendement 299 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Bouvard – L’amendement 247, identique à l’amendement 203 de la commission des finances, vise à abonder les crédits de l’enseignement supérieur agricole en prenant sur le programme « Recherche industrielle » – parce que nous n’avions pas d’autre possibilité de redéploiement. L’État s’était engagé à augmenter ses subventions à l’enseignement supérieur agricole pour la période 2003-2007, mais il a pris un retard important, qui atteindra 3,75 millions fin 2007, et qui ne fera que s’accroître car les crédits pour 2008 sont insuffisants. Cela pénalise beaucoup ces établissements, par ailleurs inscrits dans des pôles de compétitivité. Toutefois, je suis conscient que nous avons déjà réduit par amendement les crédits de la recherche industrielle. Je demande donc au ministre quelle solution il pourrait proposer. La France est dans une position de pointe pour la recherche dans le domaine de l’agriculture, et il est indispensable de continuer à soutenir notre enseignement supérieur agricole.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Vous proposez en effet de réduire encore les crédits destinés à la compétitivité des entreprises, qui bénéficient à l’ensemble du territoire national. Il faudra assumer cette baisse ensuite, lorsque les élus locaux viendront vous voir ! Ces crédits doivent aller à des entreprises qui ont mené un travail considérable et dont les projets de recherche sont déjà lancés.

Par ailleurs, les établissements d’enseignement supérieur agricole bénéficient des exonérations de taxe sur les salaires – comme tous les établissements d’enseignement supérieur, à un titre ou à un autre. Je vous propose donc plutôt de constituer un groupe de travail avec le ministère de l’agriculture et celui de la recherche, afin de recenser les besoins et d’envisager des déplacements de crédits mieux réfléchis.

Les amendements 247 et 203 sont retirés.

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – J’appelle maintenant les articles du projet de loi rattachés à cette mission.

ART. 46

L'article 46, mis aux voix, est adopté.

ART. 47

L'article 47, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 47

M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial – L’amendement 207 rectifié vise à favoriser le recrutement et les carrières dans les organismes de recherche, alors que la concurrence mondiale pour attirer les meilleurs chercheurs est très vive. Il s’agit non seulement de renforcer l’attractivité de nos organismes, mais aussi d’essayer de faire rentrer en France des chercheurs de haut niveau. J’avais déjà proposé d’élargir les possibilités de contractualisation pour les grands organismes, mais le ministre préfère une concertation préalable et je me range à son avis. Cet amendement ne coûtera rien à l’État, car il ne s’agit que de demander un rapport au Gouvernement. Il est temps de faire le point sur le régime indemnitaire des chercheurs – je rappelle que l’indemnité de recherche, qui n’a pas été réévaluée depuis de longues années, se situe entre 670 et 1300 euros bruts par an – et sur les possibilités pour les établissements de financer, sur leurs ressources propres, des rémunérations complémentaires.

M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles – Il est effectivement important de mener une réflexion sur la rémunération des chercheurs, car c’est un des éléments de l’attractivité de la carrière. Ce rapport donnera aussi l’occasion de réfléchir à des dispositifs de décloisonnement des carrières, à l’image des contrats d’interface proposés à l’INSERM, dans lesquels une rémunération complémentaire est versée au chercheur par un organisme partenaire – université, mais également hôpital, établissement de recherche ou industrie. Ce décloisonnement des structures et des carrières est tout à fait indispensable à la compétitivité de notre système de recherche.

M. Éric Woerth, ministre du budget – C’est en effet un sujet très important, je suis favorable à cet amendement.

L'amendement 207 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la recherche et à l’enseignement supérieur.

La séance, suspendue à 19 heures, est reprise à 19 heures 10.

ARTICLES NON RATTACHÉS

M. le Président – A la demande du Gouvernement, les articles 37 et 38 et les amendements portant articles additionnels avant et après l’article 39 sont réservés. Ils seront discutés après l’article 40.

ART. 39

M. Pierre-Alain Muet – Nous avons créé le crédit impôt recherche car nous considérons que l’État doit contribuer à ce que les entreprises investissent dans la recherche. Nous ne sommes pas convaincus qu’il faille modifier sans cesse ce dispositif, et en tout cas pas sans qu’une étude d’impact ait été réalisée. Ainsi, l’analyse des résultats obtenus ailleurs aurait pu justifier une modification, car de nombreux pays ont mis au point des mécanismes de ce type, mais certains jouent sur le niveau et d’autres sur la variation.

Actuellement, les PME françaises n’utilisent pas suffisamment le crédit impôt recherche et nous redoutons que la suppression de fait du plafonnement nuise à l’efficacité du dispositif : le CIR sera désormais distribué à toutes les entreprises, dont les plus grandes, alors qu’il faudrait le recentrer sur les PME. D’autre part, je ne suis pas persuadé que l’incitation soit aussi forte quand le dispositif porte uniquement sur le niveau. Enfin, la politique de la recherche doit être un ensemble cohérent : le CIR est nécessaire, mais l’État doit aussi consentir un effort significatif d’investissement dans la recherche. Or, la progression affichée ne correspond pas à la réalité, car il s’agit en grande partie d’un rattrapage. Si le Gouvernement avait véritablement voulu centrer sa politique sur la recherche et l’enseignement supérieur, il aurait, cet été, affecté le « paquet fiscal » de 15 milliards à d’autres mesures que celles qu’il a choisies, qui ne corrigeront en rien nos faiblesse en matière d’innovation.

Nos amendements porteront sur ces différents points. Je rappelle qu’Albert Fert, nouveau prix Nobel de physique, a dit que son projet de recherche fondamentale n’aurait jamais vu le jour s’il n’avait disposé d’un financement public qui lui a permis de travailler en toute indépendance. La France doit faire un très important effort en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur. Avec ce budget, nous sommes loin du compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur – M. Muet regrette le dispositif actuel de crédit d’impôt recherche que nous remplaçons par un mécanisme particulièrement puissant, avec une dépense fiscale en année pleine de près de 3 milliards. C’est un effort sans précédent pour favoriser les dépenses de recherche et de développement. Le dispositif est plus simple, plus large et déplafonné : le crédit d’impôt sera égal à 30 % des dépenses éligibles, et même à 50 % la première année pour les entreprises qui y recourent pour la première fois. Afin de ne pas grever l’attractivité du CIR par les risques de contrôle fiscal, nous réduisons le rescrit fiscal à trois mois. Aussi, je comprends mal les réticences de notre collègue, alors qu’il plaide pour les dépenses de recherche et de développement. Et je ne souhaite pas que des amendements viennent compliquer à nouveau ce que nous avons simplifié. Il sera bien temps d’évaluer les choses dans un an.

M. Jean-Frédéric Poisson – L’amendement 16 tend à faire bénéficier du CIR les entreprises artisanales, au même titre que les entreprises industrielles, commerciales ou agricoles.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – Avis défavorable, car l’amendement est satisfait. Les activités artisanales ne sont pas qualifiées en tant que telles dans le code des impôts, elles font partie des activités « industrielles et commerciales ».

M. Éric Woerth, ministre du budget Même avis.

L'amendement 16 est retiré.

M. Pierre-Alain Muet – Pour concentrer le dispositif sur les PME, nous proposons, avec l’amendement 255, de supprimer l’extension du CIR au-delà de 100 millions d’euros de dépenses. Nous considérons que le dispositif supprimé était plus favorable aux PME. L’efficacité d’un dispositif d’incitation ne se mesure pas forcément au niveau de la dépense fiscale : lorsqu’une incitation est en variation, elle peut être plus efficace que lorsqu’elle porte sur le niveau. Nous craignons donc que le nouveau dispositif soit moins incitatif.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Avis défavorable. La fraction correspondant aux 5 % au-delà de 100 millions de dépenses représenterait moins de 10 % du montant total du CIR : 230 millions sur 2,7 milliards. Nous avons songé aux grands laboratoires de recherche. La méthode liée à l’accroissement a d’autre part montré ses limites, Monsieur Muet.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Même avis. Je note une contradiction dans le discours de M. Muet. De deux choses l’une : ou bien le CIR est utilisé, et alors la dépense fiscale est importante, ou bien les entreprises n’y recourent pas, et il n’y aura pas de dépense pour l’État.

Pourquoi réintroduire un plafond ? Les 22 groupes dont les dépenses de recherche et de développement excèdent 100 millions font vivre de nombreuses PME. En outre, il est prévu que le taux soit porté de 30 à 50 % pour les entreprises qui bénéficient du CIR pour la première fois : les PME en profiteront bien ! Enfin, cette mesure était un engagement du Président de la République.

L'amendement 255, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Alain Muet – L’amendement 256 vise également à concentrer le CIR sur les PME, en adoptant en la circonstance la définition communautaire de ces dernières.

Monsieur le secrétaire d’État, une dépense fiscale, aussi importante soit-elle, peut n’avoir aucun effet ; ce sera le cas, par exemple, avec ce que vous proposez pour les heures supplémentaires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Le Gouvernement le reconnaît d’ailleurs lui-même, puisque ce projet ne prévoit pas un nombre d’heures supplémentaires travaillées plus important. En adoptant notre amendement, vous donnerez à votre dispositif un véritable effet incitatif.

L'amendement 256, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Garrigue – Dans l’effort en vue d’attirer l’activité de recherche sur notre territoire, il ne faut pas oublier les jeunes entreprises innovantes. Quand une entreprise se crée à partir d’une innovation, l’investissement de départ n’est pas toujours facile à réaliser, et un soutien peut être bien utile pendant quelques années. Or, l’article 39 dispose que, si l’entreprise qui bénéficie du CIR pour la première fois a droit à un taux de 50 % la première année, ce taux n’est plus que de 30 % dès la deuxième année. J’ai donc pensé, dans un premier temps, qu’il fallait laisser le choix aux entreprises entre les deux dispositifs, mais cela se serait avéré trop compliqué. Par l’amendement 292, je propose que l’entreprise qui a bénéficié d’un taux de 50 % la première année se voie appliquer un taux de 40 % la deuxième année.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Avis favorable. L’amendement est simple et correspond à des cas, certes exceptionnels, mais néanmoins réels, où l’ancien CIR peut être plus avantageux que le nouveau, pour une petite entreprise en très forte croissance.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État L’effort que nous déployons sur le CIR – 2,7 milliards en année pleine – est déjà très important. Le taux de 50 % est lui aussi exceptionnel ; il va créer une incitation très forte à entrer dans le dispositif. Ce que vous proposez, Monsieur le député, a un coût, et le gage n’est pas trouvé. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée.

J’ajoute que nous aurons par la suite à déterminer si les avances remboursables doivent ou non être intégrées dans l’assiette du crédit impôt recherche : si d’aventure nous arrivons à trouver un accord sur l’amendement de M. Garrigue, cela règlera ce problème particulier, qui fait l’objet d’un amendement à venir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Que la commission des finances n’a pas adopté.

M. Daniel Garrigue – Je persiste à défendre cet amendement car il serait paradoxal que le nouveau régime pénalise certaines jeunes entreprises innovantes, alors que tout est fait tout pour les encourager, leur nombre restant très insuffisant.

Mme Michèle Delaunay – Le groupe SRC votera l’amendement de M. Garrigue.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – La sagesse de l’Assemblée semblant gagner tous les bancs, je lève le gage (Sourires).

L'amendement 292, mis aux voix, est adopté.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – L’amendement 288 est rédactionnel.

L'amendement 288, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Bouvard – Avec Charles de Courson, nous avons déposé un amendement relatif aux prototypes de recherche. Actuellement, n’est pris en compte dans le périmètre du crédit impôt recherche que le prototype de recherche base et non les dépenses relatives aux prototypes de validation. Par l’amendement 284, je propose de faire entrer la totalité des prototypes dans l’assiette du crédit impôt recherche en retenant à cet effet la définition de l’OCDE, telle qu’elle figure dans le manuel de Frascati.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Défavorable. Le manuel de Frascati est tout à fait clair et nous avons souhaité nous en tenir aux dépenses de recherche stricto sensu.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Même avis. L’adoption de cet amendement créerait une dépense supplémentaire d’environ 100 millions. Je vous invite par conséquent à retirer cet amendement.

M. Michel Bouvard – D’accord, compte tenu des efforts déjà consentis.

L'amendement 284 est retiré.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,


Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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