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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du lundi 26 novembre 2007

2ème séance
Séance de 21 heures 30
65ème séance de la session
Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

CONCURRENCE AU SERVICE DES CONSOMMATEURS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

M. Jean Gaubert – Rappel au Règlement. Loin de moi l’idée de perdre un temps précieux, mais je regrette que nous n’ayons disposé que d’une heure dix depuis la fin de la dernière séance. Monsieur le président, si nous sommes assurés de revenir à l’avenir à la pause d’usage, longue d’une heure et demie, nous ne vous tiendrons pas rigueur de cette erreur !

M. le Président – L’heure d’ouverture de la séance est bien celle dont j’avais prévenu votre collègue M. Le Déaut. Je regrette qu’il ne vous en ait pas tenu informé… (Sourires)

ARTICLE PREMIER

M. Lionel Tardy – Si certains approuvent la réforme du seuil de revente à perte, véritable serpent de mer, d’autres voudraient purement et simplement le supprimer ; pour ma part, je souhaite qu’il soit maintenu, car il protège les fournisseurs et assure aux négociations commerciales un cadre clair. En outre, il bénéficie au petit commerce, qui, disposant de références bien moins nombreuses que la grande distribution, n’a donc pas la même latitude pour négocier et pour répercuter les baisses de prix consenties sur un produit d’appel. L’instauration du « triple net », plus lisible et d’application plus aisée que l’ancien mode de calcul, permet enfin de faire l’économie de montages savants qui risqueraient de se révéler de véritables usines à gaz.

Mais j’espère que les dispositions contenues dans le texte seront suffisamment durables pour garantir au monde des affaires les règles stables et claires dont il a été privé ces derniers mois, voire ces dernières années.

M. Jean Gaubert – Nous abordons enfin la discussion du projet tel que l’entend le Gouvernement, les amendements précédemment examinés portant sur des sujets indésirables à ses yeux… Sur le principe, je suis d’accord avec M. Tardy : l’existence d’un seuil de revente à perte est indispensable à l’équilibre du commerce sur l’ensemble du territoire. Encore faut-il en définir l’extension ; or limiter celle-ci, comme vous le proposez, au prix d’achat net d’avantages consentis et auquel on ajoute les taxes et les frais de transport, c’est faire bien peu de cas des charges de structure incompressibles, c’est-à-dire des frais de fonctionnement et des dépenses de personnel, si mal payé soit-il !

Autrement dit, par cette définition a minima, en deçà du véritable seuil de revente à perte, vous autorisez de fait le dumping : pour faire disparaître en six mois un magasin spécialisé qui propose 5 000 articles de sport, un hypermarché riche de 120 000 références dans les domaines les plus divers n’aura qu’à appliquer le seuil de revente à perte au prix de ces seuls 5 000 produits et à compenser la baisse grâce à ses autres articles ! Vous ne proposez donc pas un vrai seuil de revente à perte, mais un filet de protection qui ne saurait suffire à garantir l’équilibre des relations commerciales.

M. André Chassaigne – Cet article premier est catastrophique pour le petit commerce comme pour les fournisseurs, qu’il s’agisse des PME ou des producteurs agricoles. Si la loi Galland, qui visait, en 1996, à protéger les petits commerçants en empêchant les grandes surfaces de répercuter sur le prix de vente au consommateur la totalité des remises et des rémunérations des prestations commerciales consenties par leurs fournisseurs, n’a pas atteint tous ses objectifs, elle a toutefois permis de protéger l’artisanat et le commerce alimentaire de proximité en en préservant le tissu.

M. Jean-Paul Charié – C’est vrai !

M. André Chassaigne – Mais voilà que le Gouvernement, sous l’influence de la grande distribution, propose de réintégrer la totalité des marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte, ce qui ressuscite la pratique des prix d’appel prédateurs que la loi Galland visait à neutraliser et généralise les dérives de la loi sur les PME de 2005 en remettant en cause le seuil de 20 % que vous aviez vous-même fixé, Monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous étiez rapporteur du projet.

Or la diminution brutale des prix que ne manquera pas d’entraîner la chute du seuil de revente à perte sera dramatique pour les PME, pour les entreprises de distribution et pour l’emploi, déjà menacés par le projet de suppression des restrictions à l’implantation des grandes surfaces. En effet, la guerre des prix risque de faire disparaître un petit commerce de proximité qui, dépourvu de la manne des marges arrière, ne pourra concurrencer les prix d’appel. Au sein du secteur alimentaire, l’artisanat et le commerce alimentaire de proximité représentent pourtant 25 % de parts de marché et 428 000 emplois, dont 3 600 créations nettes en 2006, selon la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution – contre 636 000 emplois pour la grande distribution, qui n’en a créés la même année que 1 200, le plus souvent à temps partiel et sous-qualifiés. En outre, le petit commerce favorise également l’aménagement du territoire et la sociabilité en zone rurale, mais aussi urbaine, alors que le développement des zones commerciales va de pair avec la rurbanisation.

Quant aux consommateurs, ils seront à terme pénalisés par une nouvelle hausse des prix de vente à laquelle seule la grande distribution sera en mesure de se livrer, forte de la disparition de toute concurrence entre distributeurs dans la zone de chalandise, où les grands réseaux de distribution, de plus en plus concentrés, disposeront d’un monopole de fait. C’est ainsi qu’au Havre, comme me le disait mon collègue Daniel Paul, la grande surface Carrefour a été rachetée par Auchan, qui règne désormais en maître. Ainsi, non seulement les prix des produits seront aussi élevés qu’auparavant, voire davantage, mais le consommateur, désormais réduit à utiliser sa voiture pour aller faire ses courses à plusieurs kilomètres de chez lui, verra-t-il également ses dépenses de carburant augmenter, et avec elles la pollution, contrairement aux engagements du Grenelle de l’environnement ! Pensez aussi aux difficultés qui attendent les personnes âgées !

M. Jean-Paul Charié – (Mezza voce) Il n’y a pas grand-chose à retrancher à ce qu’il dit…

M. André Chassaigne – Je ne vais pas répéter des propos que j’ai déjà tenus…

M. Jean-Paul Charié – Ce n’est pas la peine, jusque là ce n’était pas mal… (Sourires)

M. André Chassaigne – …sinon pour souligner que votre vision est de court terme. Au lieu de répondre au besoin d’augmentation du pouvoir d’achat qu’expriment les Français par une augmentation des salaires, le Gouvernement choisit un artifice qui, à court terme, entraînera peut-être une baisse, minime, des prix mais qui aura, à long terme, des conséquences catastrophiques. Monsieur Raison, vous qui êtes agriculteur et militant syndical, ne pensez-vous pas que ce texte est lourd de menaces terribles pour les producteurs de biens alimentaires et pour les PME ? Étant donné ses conséquences potentiellement désastreuses, ce projet mérite un examen particulièrement attentif.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – Je souhaite ramener les orateurs à la réalité. J’ai quelque mal à comprendre les membres de l’opposition qui, après nous avoir expliqué qu’il faut augmenter le pouvoir d’achat, s’opposent à une mesure qui aura pour effet de réduire les prix des produits de grande consommation sans que cela coûte rien au budget de l’État. En 2005, la réforme de la loi Galland voulue par la majorité a entraîné une baisse moyenne de 3,4 % des prix des produits de marque dans la grande distribution et mes services évaluent à 2,5 milliards le pouvoir d’achat qui sera restitué aux Français grâce à cette nouvelle étape – et ce, malgré la hausse éventuelle des matières premières. J’ai d’autant plus de mal à vous comprendre que vos propos contredisent ceux de M. Hollande, qui a demandé « la répercussion sur les consommateurs des avantages obtenus sur les producteurs » – c’est exactement ce dont il s’agit ici. De plus, nous n’obligeons pas tous les distributeurs à vendre tous leurs produits au seuil de vente à perte…

M. Jean Gaubert – C’est tout le problème !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État …nous les laissons commercer. Je l’ai dit, grâce à la loi Dutreil, les prix ont baissé de 3,4 % dans la grande distribution, mais il s’agit là une baisse moyenne, car les réductions ont été de 2 à 5 % selon les enseignes. Autrement dit, nous avons réintroduit la concurrence là où elle existait peu, au bénéfice du consommateur, et nous souhaitons poursuivre dans cette voie.

M. Chassaigne s’est dit préoccupé par l’avenir du petit commerce. Il sera donc rassuré d’apprendre que la répartition des formes de commerce en France n’a que peu varié en sept ans. En 1999, la part de marché des petites surfaces alimentaires était de 8,6 %, et de 8,7 % en 2006. Les mêmes années de référence, la part des hypermarchés est passée de 35,4 % à 32,9 %, celles des petits commerces alimentaires de 21,4 % à 20,2 % et celle des petits commerces non alimentaires de 50,5 % à 52,8 %. On peut toujours crier au loup, mais l’examen des chiffres montre qu’un équilibre a été atteint, qui s’est maintenu. S’agissant enfin des PME, j’appelle votre attention sur la position de l’Association nationale des industries alimentaires, qui juge fondamentale l’utilité de la réforme et dit sa satisfaction que le consensus trouvé se traduise dans ce projet. Il s’agit d’un texte volontariste qui redonnera du pouvoir d’achat aux Français. La simple cohérence devrait vous conduire à le voter.

M. le Président – J’invite M. Herth à défendre les amendements 72 et 176, qui ont le même objet.

M. Antoine Herth – Je retire l’amendement 72 pour concentrer mon propos sur l’amendement 176, qui tend à compléter le régime des sanctions applicables en cas de fraude, en ouvrant la possibilité d’ordonner la cessation de l'annonce publicitaire à l'encontre du fautif afin que les consommateurs ne risquent pas d’être abusés.

M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques – Avis favorable à une proposition utile, puisque le texte modifie le calcul du seuil de vente à perte mais ne le supprime pas.  

M. Luc Chatel, secrétaire d’ÉtatSagesse.

M. François Brottes – La proposition est intéressante, mais la faute étant avérée, pourquoi ne pas dire clairement que la cessation de l'annonce publicitaire « doit » être ordonnée, au lieu de laisser latitude aux juges d’en décider – et sur quelles bases ? Je propose un sous-amendement 326 en ce sens.

M. Antoine Herth – Les juges détestent qu’on leur impose des obligations systématiques. C’est ce qui a motivé la rédaction de l’amendement.

M. François Brottes – Il n’empêche que, dans le cas évoqué, la faute est avérée. Je maintiens le sous-amendement.

M. Michel Raison, rapporteur – Avis défavorable au sous-amendement, pour la raison dite par M. Herth.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Même avis.

L’amendement 72 est retiré.

Le sous-amendement 326, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 176, mis aux voix, est adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 299 est défendu.

L'amendement 299, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Raison, rapporteur – L’amendement 20 est rédactionnel.

L'amendement 20, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Lionel Tardy – Étant donné le grand nombre de produits qu’elles référencent, les grandes surfaces peuvent opérer une péréquation entre produits pour financer les baisses de prix. Ce n’est pas le cas pour un petit commerçant, qui ne peut reporter sur d’autres produits ses charges d’exploitation. Aussi, pour veiller au maintien d’une concurrence loyale entre la grande distribution et le commerce de proximité, il est proposé par l’amendement 164 de tenir compte des charges d’exploitation du lieu de vente pour déterminer le seuil de revente à perte.

M. Michel Raison, rapporteur – Avis défavorable à une proposition qui irait contre l’esprit du texte. L’adopter signifierait en revenir à la loi de 2005 que l’on veut précisément modifier !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Avis défavorable, comme à l’amendement 126 qui sera examiné ensuite, puisque, si l’on suivait leurs auteurs, ces coûts supplémentaires pourraient être répercutés sur les consommateurs – c’est précisément ce que nous voulons éviter. Je rappelle une nouvelle fois que les distributeurs n’ont pas obligation de vendre leurs produits au seuil de vente à perte. Je souhaite le retrait de l’amendement, qui dénaturerait le texte.

M. Jean Gaubert – C’est une modification considérable qui nous est proposée, car il ne s’agit plus d’un véritable seuil de revente à perte, mais d’un simple niveau que vous fixez sans tenir compte des charges – lesquelles, pour une grande surface, sont de 12 % à 15 %. Dès lors, un magasin qui a beaucoup de références pourra proposer un prix attrayant sur certains produits le temps nécessaire pour éliminer un concurrent. Ce n’est pas le consommateur qui va gagner, mais les grandes surfaces. Si vous ne voulez pas donner l’impression d’accepter leur diktat, vous ne pouvez en rester à la définition du seuil de revente à perte que vous proposez. C’est céder à M. Leclerc et à quelques uns de ses amis. Considérer qu’on peut vendre un produit comme s’il ne s’imputait pas de charges d’exploitation dessus, c’est légaliser le dumping.

Ce sur quoi il faut jouer, c’est sur les marges arrière, car elles provoquent l’augmentation des prix tarifs.

M. Michel Raison, rapporteur – C’est incohérent avec ce que vous avez défendu par ailleurs.

M. Jean Gaubert – Pas du tout ! Je n’ai jamais rien dit d‘autre depuis 2004.

Les petits commerçants, eux, n’ont pas de marge arrière et partent du prix tarif qui leur est proposé. Tant que vous ne satisferez que les grandes surfaces, nous ne serons pas d’accord. C’est pourquoi nous présentons l’amendement 126.

M. Jean Dionis du Séjour – Distinguons bien deux questions. S’agissant du triple net, c'est-à-dire le prix d’achat fournisseur dont on déduit les réductions immédiates, les réductions conditionnelles et la coopération commerciale, le Nouveau Centre est très favorable à son instauration.

En second lieu, on nous dit qu’il ne faut pas partir du prix d’achat fournisseur mais le majorer d’un certain nombre de frais du distributeur pour définir le seuil de revente à perte. C’est intéressant. Mais de quels frais s’agit-il ? Des charges d’exploitation du lieu de vente, nous propose-t-on dans l’amendement 164, de l’ensemble des charges de fonctionnement, selon l’amendement 126. Mais où s’arrêter, comment contrôler ? En pratique, c’est inapplicable. Je ne soutiens donc pas ces amendements.

M. le Président – Sur l’amendement 164, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

M. Jean-Paul Charié – En tant que porte-parole de l’UMP je voterai la loi, par souci de cohérence. Mais je me dois d’exprimer une réserve. Dans ce que dit le groupe socialiste, il n’y a pas, loin s’en faut, que des choses fausses. J’ai été rapporteur de la loi Galland et j’ai convaincu l’ensemble du Parlement qu’il était nécessaire d’avoir une règle bien établie sur la revente à perte. Il y avait en effet des grandes surfaces qui vendaient la baguette à 25 centimes et le beurre en dessous du prix d’intervention. Aujourd’hui, les grandes surfaces ont 25 % de marge, 10 % de remise avant et au moins 35 % de marge arrière, soit au total 70 %. Avec le système que vous mettez en place, demain une grande surface qui a 120 000 références pourra proposer sur certains produits des prix nettement inférieurs au prix de revient, au détriment du petit commerce. Le constater, ce n’est pas remettre en cause toute votre logique. Mais il ne faudrait pas s’enfermer dans l’illusion qu’on va donner du pouvoir d’achat en permettant de casser certains prix alors que tous les autres seront au même niveau, ou plus, que dans le petit commerce.

M. le Président – Sur l’amendement 126, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Monsieur Gaubert, j’ai du mal à comprendre vos contradictions. Dans la discussion générale, vous avez dit vouloir supprimer les marges arrière. Or la proposition que vous faites les maintient artificiellement…

M. François Brottes – Cet argument n’est pas honnête !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État …puisqu’elle nous empêche d’en réintégrer la totalité dans le prix au consommateur. Par exemple, dans ce cas, l’essence qui est aujourd’hui vendue avec une marge nulle par la grande distribution augmenterait de 12 % à 15 %, c’est-à-dire le montant des frais de fonctionnement d’un hypermarché. L’esprit du texte, c’est de rendre du pouvoir d’achat au consommateur. Le triple net est donc l’étape finale de la démarche entreprise avec la loi de 2005. Enfin, nous voulons laisser le distributeur libre de faire du commerce et de choisir ses produits d’appel. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

À la majorité de 24 voix contre 17 sur 41 votants et 41 suffrages exprimés, l’amendement 164 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Gaubert – Monsieur le secrétaire d’État, si vous continuez de répondre avec une si évidente mauvaise foi, le débat va durer longtemps.

M. François Brottes – C’est de la malhonnêteté !

M. Jean Gaubert – Cela fait longtemps que je défends la suppression des marges arrière.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État La suppression, qu’est-ce à dire ?

M. Jean Gaubert – Vous avez changé d’avis sur le sujet ; ce n’est pas mon cas.

Vous venez d’apporter la plus brillante démonstration à mes propos : ce que vous prônez existe déjà pour la vente d’essence, avec ce résultat que les grandes surfaces ont tué tous les distributeurs autour d’elles. Demain, la même chose se passera pour les articles de sport, les jouets, et ainsi de suite. Comme M. Charié l’a dit, seul celui qui possède 120 000 produits en référence peut se permettre de perdre de l’argent sur 5 000 produits, dans la mesure où il continue de faire du profit sur tous les autres. Et le consommateur n’y gagne rien, car les prix ne baissent pas si c’est l’ensemble du magasin qui est considéré. Mais les vendeurs spécialisés, eux, restent sur le carreau.

Si vous continuez de dire que nous ne voulons pas donner de pouvoir d’achat aux Français, le débat va être long, parce que nous passerons autant de temps qu’il faudra pour vous montrer que vous avez tort !

M. Michel Raison, rapporteur – Nous sommes à un moment crucial du débat, et nous faisons les uns et les autres preuve de beaucoup de contradictions. Nous voulons tous que le petit commerce et les fournisseurs continuent de vivre, tout en donnant de la souplesse aux distributeurs pour qu’ils puissent baisser certains de leurs prix ; ce sont nos contradictions sur la méthode, non sur l’objectif, qui produisent nos désaccords.

La revente à perte reste illégale, mais la possibilité sera ouverte de vendre à prix coûtant, c’est-à-dire en dessous du prix de revient, compte tenu des charges (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC). Les distributeurs ne pourront pas faire de la vente à prix coûtant pour l’ensemble de leurs produits pendant des mois. Cela permettra en revanche à certains distributeurs de baisser les prix de produits de consommation nécessaires à certains moments. La loi permettra donc de continuer à faire baisser les prix, sans déstabiliser les fournisseurs et petits commerçants. Avis défavorable à l’amendement 126.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Même avis.

M. François Brottes – Le rapporteur est plus mesuré que tout à l’heure et, bien que je ne pense pas qu’il y ait de contradictions dans nos propos, c’est plus élégant que d’affirmer que nous dirions n’importe quoi.

Monsieur le rapporteur, vous venez de dire que les distributeurs pourraient vendre en dessous du prix coûtant.

M. Michel Raison, rapporteur – Non ! À prix coûtant.

M. François Brottes – Vous avez vous-même dit qu’un certain nombre de charges n’étaient pas prises en considération ! Cela veut dire deux choses : d’une part, dans une grande surface avec énormément de références, le prix des autres produits permettra de compenser les quelques baisses ; d’autre part, les commerçants autour de la grande surface mourront progressivement, et l’ensemble des prix augmentera de nouveau une fois que la grande distribution se retrouvera seule. Votre proposition coûtera cher sur le long terme.

À la majorité de 25 voix contre 16 sur 41 votants et 41 suffrages exprimés, l’amendement 126 n’est pas adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 298 est un amendement « anti-racket ». Une partie du triple net est constituée par la « coopération commerciale », c’est-à-dire ce que l’acheteur exige du fournisseur pour que la vente ait lieu. Nous savons tous que cela donne lieu à des abus terribles : la coopération commerciale peut exiger la participation du fournisseur à la rénovation du magasin où à certains anniversaires, par exemple. Si cette expression de « coopération commerciale » ne laisse pas saisir immédiatement ce qu’elle recouvre, les PME et les agriculteurs, eux, ne le savent que trop bien ! L’amendement vise à ce que ces avantages soient mentionnés au pied de la facture. Vous parlez beaucoup de transparence ; nous vous donnons l’occasion de la promouvoir !

M. Michel Raison, rapporteur – À chaque amendement, nous aurons décidément à discuter de nos contradictions. Monsieur Chassaigne, le projet de loi répond à votre souci de transparence à son article 2, avec la convention unique. Vous reconnaissez que la coopération commerciale existera toujours, puisque vous demandez qu’elle figure au pied de la facture.

M. André Chassaigne – Parce que vous la maintenez !

M. Michel Raison, rapporteur – Or, c’est précisément ce que demandent les distributeurs, qui souhaitent que tout figure sur une facture unique. Vous verrez que vous retirerez votre amendement quand vous aurez compris ce que je vous dis, car cet amendement instaure la négociabilité et soulage juridiquement les distributeurs. Avis défavorable si l’amendement est maintenu.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État La vraie transparence consiste à ce que chaque prestation fasse l’objet d’une facture distincte. C’est ce que prévoit la législation tant française qu’européenne. Avis défavorable.

Mme Corinne Erhel – Avec la loi de 2005, la réintroduction dans le prix de revente des marges au-delà de 15 %, puis de 20 %, a permis une baisse des prix sur les produits de marque de 3 % seulement. Au nom de quoi croyez-vous que la réintroduction de la totalité des marges arrière puisse avoir un effet plus important ?

M. Jean Dionis du Séjour – Ce n’est pas fréquent, mais je voterai l’amendement de M. Chassaigne, qui va dans le sens de la négociabilité et de la suppression des marges arrière. L’article 2 du projet de loi est quelque peu bancal. Il faut ramener la coopération commerciale dans le triple net ; la contrepartie en sera la négociabilité. Il y a là une intéressante convergence entre les communistes et les libéraux…

M. André Chassaigne – Mon précédent amendement prévoyait la suppression des marges arrière. Dans la mesure où vous les maintenez, j’ai présenté un amendement de repli, qui vise à davantage de transparence. Puisque vous voulez maintenir les marges arrière, ayez au moins le courage de dire ce qu’elles sont vraiment : un racket ! Voilà la réalité !

L'amendement 298, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Raison, rapporteur – Plusieurs d’entre nous – dont MM. Ollier et Chatel – avions cosigné en 2005 un amendement à la loi Jacob-Dutreil permettant la baisse de 10 % du seuil de revente à perte aux petits commerçants, afin que ceux-ci puissent faire face aux opérations de promotion des grandes surfaces sur tel ou tel produit. L’amendement 21 vise à intégrer cette disposition dans le code de commerce.

M. Jean-Paul Charié – Cet amendement est loin de n’être qu’une simple mesure de codification ! En l’occurrence, je suis en complet désaccord avec le rapporteur – ce qui ne signifie pas que je réprouve l’ensemble de son travail, cela va de soi.

M. François Brottes – Libérez Charié !

M. Jean-Paul Charié – Cela étant, je souhaite que nos collègues socialistes n’utilisent pas cette question à des fins purement politiciennes en demandant un scrutin public.

J’en viens au fond. La loi Galland permettait heureusement aux petits commerces de s’aligner parfois sur les prix des grandes surfaces en descendant en deçà du seuil de revente à perte. Hélas, la baisse de ce seuil s’ajoutant au triple net que nous allons adopter, seuls les grossistes généralistes – c’est-à-dire Métro, puisque c’est de cette entreprise qu’il s’agit – seront en mesure de parfois casser les prix ! Les grossistes spécialisés, dont dépendent des milliers de petites entreprises, ne pourront pas se le permettre car, loin du cash and carry, ils vendent aussi un service, qu’il s’agisse de livraison ou de stockage. Ils seront donc pénalisés face au généraliste. D’ailleurs, de la Confédération générale de l’alimentation de détail à la CGPME, toutes les organisations représentatives de grossistes – sauf Métro – sont contre cette mesure.

M. Jean-Yves Le Déaut – Absolument !

M. Jean-Paul Charié – On ne peut pas défendre la libre concurrence tout en critiquant les commerces d’une certaine taille. Je n’ai naturellement rien contre Métro, mais ne lui accordons pas un avantage qui disqualifierait l’ensemble des grossistes spécialisés ! En adoptant l’amendement du rapporteur, vous leur porterez un coup peut-être fatal. C’est pourquoi l’amendement 63 vise à supprimer l’abaissement du seuil de revente à perte par les grossistes aux petits commerçants.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Nous avions fait adopter en 2005 une disposition permettant de limiter l’écart de prix entres grandes surfaces et petits commerces de proximité en permettant à ceux-ci de déroger au mode de calcul du seuil de revente à perte. Ce dispositif a fait ses preuves sans provoquer aucun dommage collatéral, et la fédération nationale de l’épicerie y est très favorable. Le Gouvernement vous propose donc d’adopter l’amendement 21 et de repousser celui de M. Charié.

M. le Président – Le groupe SRC demande un scrutin public sur l’amendement 21 comme sur le 63.

M. Michel Raison, rapporteur – Je précise que les grossistes vendant des produits frais, qu’il s’agisse de poisson, de fruits et légumes ou même de homard, ne sont pas concernés. Idem pour l’électroménager, où les prix sont fixes. Enfin, Métro n’est pas le seul grossiste multicartes : les autres bénéficieront eux aussi du dispositif et, in fine, en feront profiter les épiciers.

M. Jean Gaubert – Encore une fois, vous encouragez les gros à se débarrasser de leurs concurrents plus petits. Ici, il s’agit de grossistes généralistes qui, sur tel ou tel produit, pourront décider de tuer les grossistes spécialisés qui leur font concurrence. Un généraliste, en effet, pourra vendre un type de produit à perte tout en se rattrapant sur les autres. Avec cet amendement, il n’y aura plus dans quelques années de moyennes surfaces ou de grossistes spécialisés. C’est peut-être un choix de votre part, mais il faut le dire : il faut accepter leur disparition, et arrêter aussi de dire que les prix moyens pour le consommateur baisseront, car les prix bas sur certains produits seront compensés sur d’autres – ce que seuls les vendeurs multi-produits peuvent faire. Nous sommes contre cet amendement 21. Quant au scrutin public, Monsieur Charié, nous l’avions demandé depuis longtemps parce qu’il s’agit d’un sujet éminemment important, d’un point dur du débat.

M. Jean Dionis du Séjour – Le Nouveau Centre est contre l’amendement 63. Nous étions, lors de la loi Dutreil, favorables au coefficient de 0,9. Le problème, pour nous, n’est pas la concurrence entre grossistes cash and carry et grossistes en magasin, mais l’écart de prix entre les petits commerces et la grande distribution sur des produits incontournables. Permettre aux petits commerçants d’acheter 10 % moins cher permet, qu’on le veuille ou non, de réduire cet écart. À Agen par exemple, ville de 30 000 habitants, 450 épiciers, hôteliers et autres restaurateurs s’approvisionnent dans un magasin cash and carry. Ne me dites pas que ce modèle économique ne les concerne pas, et allez leur expliquer que vous voulez supprimer une réduction de 10 % !

M. le Président – Il est bien clair que l’adoption de l’amendement 21 fera tomber l’amendement 63.

M. Jean-Paul Charié – Si l’on vote pour les 10 %, on est contre mon amendement !

Le ministre et le rapporteur ne peuvent pas se prévaloir du soutien de la fédération de l’épicerie et rejeter d’un revers de main le fait que tous les autres soient contre. Et ils le sont !

M. Jean Dionis du Séjour – Mais non !

M. Jean-Paul Charié – Il n’y a pas une seule autre fédération favorable à votre amendement : elles sont toutes pour le mien, qu’il s’agisse tant de l’alimentation et des boissons que des jouets ou de l’électroménager. Les grossistes qui livrent, reprennent les invendus, font des crédits de paiement et rendent de multiples services à l’ensemble du petit commerce de proximité sont contre cet amendement, et vous ne pouvez pas prétendre que vous les défendez.

J’entends bien l’argument de M. Dionis du Séjour, mais uniquement d’un point de vue théorique. Or, il ne s’agit pas d’un débat idéologique : dans la pratique, les autres grossistes, ceux sans lesquels le petit commerce ne peut pas exister, ont des coûts de revient, de livraison. Les grossistes spécialistes ne peuvent pas casser leurs prix parce qu’ils n’ont pas, contrairement à Métro, les moyens de se rattraper sur d’autres secteurs.

Quoi qu’il se passe ce soir, ce ne sera pas trop grave, car nous reviendrons sur le sujet dans trois ou quatre mois. Mais j’ai tout de même l’espoir d’être entendu. Il y a, Monsieur le rapporteur, Monsieur le ministre, deux politiques : soit le « coûte que coûte moins cher », qui n’est pas forcément facteur d’augmentation du pouvoir d’achat, soit le maintien du commerce de proximité tout en développant la concurrence. Si l’on choisit cette solution, on vote contre l’amendement 21 et pour le mien.

M. Michel Raison, rapporteur – Tout le monde n’est pas contre cet amendement, Monsieur Charié : tous ceux qui sont concernés sont même pour, et nous les avons rencontrés. Par ailleurs, il n’y a pas que les grossistes qui approvisionnent les petits commerces, spécialisés ou non ou cash and carry : il y a aussi les centrales d’achat. Je mets en garde les parlementaires : en ne considérant le problème que du point de vue des grossistes non spécialisés, ils risquent de donner malgré eux la faveur aux centrales d’achat.

Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe GDR – Spécieux !

À la majorité de 20 voix contre 18 sur 40 votants et 38 suffrages exprimés, l’amendement 21 est adopté.

M. le Président – L’amendement 63 tombe de ce fait.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. PREMIER

M. Jean Gaubert – Je voudrais faire un rappel au Règlement pour demander au ministre et au rapporteur de ne pas travestir nos positions. Notre attitude est constante est ne peut être mal comprise : nous avons autant que vous l’envie de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens, et en outre le devoir de débusquer les fausses bonnes solutions comme celle qui vient d’être adoptée, quoique difficilement. Je ne suis pas sûr que cet amendement serve l’équilibre du commerce ni, à long terme, les consommateurs.

Notre collègue Corinne Erhel a posé une question essentielle sur la baisse du pouvoir d’achat. Elle n’a pas reçu de réponse. Je demande donc une suspension de séance pour permettre au Gouvernement de préparer sa réponse.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques Cette suspension est de droit, mais je pense que nos collègues socialistes s’engagent dans la mauvaise voie. Si vous voulez retarder systématiquement le débat – après plusieurs séances, nous avons tout juste atteint l’article premier – faites-le : ce sont les Français qui jugeront, eux qui attendent avec impatience le vote de ce texte qui doit faire baisser les prix. Ce n’est pas par ces manœuvres de retardement que vous empêcherez le Gouvernement et la majorité d’arriver à leurs fins (M. François Brottes proteste). C’est un jeu de votre part, Monsieur Brottes, et il revient souvent !

M. François Brottes – Combien y a-t-il eu de demandes de suspension depuis le début de ce débat ? Mme Erhel a posé une question essentielle. Elle doit obtenir une réponse.

M. Patrick Ollier, président de la commission Faites donc votre suspension de séance si vous y tenez. Puis vous reprendrez toujours les mêmes démonstrations. Profitez-en.

Ce n’est pas parce que vous défendez une position, Monsieur Gaubert, que nous sommes obligés de l’accepter. Ce n’est pas parce que votre conviction est inébranlable qu’elle devient une vérité. Nous pouvons vous donner tort. C’est un débat d’idées. Continuons à développer nos arguments, mais de grâce, n’utilisez pas de faux arguments pour obtenir des suspensions qui n’ont d’autre but que de retarder le débat.

M. le Président – Monsieur Gaubert, le Gouvernement demande la parole. Je vous propose de l’écouter avant de décider si vous maintenez votre demande de suspension.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Madame Erhel, je suis désolé : l’intensité du débat sur les précédents amendements m’a écarté de votre question, alors que j’avais prévu de vous répondre. Je pense avoir montré depuis le début de ce débat ma volonté de répondre à toutes les questions qui m’étaient posées.

M. François Brottes – C’est vrai.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Vous vouliez connaître les conséquences du rebasculement de la deuxième moitié des marges arrière. Le rebasculement de la première moitié, en plusieurs étapes, a permis une baisse moyenne de 3,4 %. J’insiste sur le fait que 15 % de marges arrière ne correspondent pas à 15 % de marges nettes : ce sont des avantages commerciaux obtenus en échange de contreparties. Le rebasculement dans les prix relance un peu la concurrence. Nous estimons que le rebasculement de la deuxième moitié permettra une baisse des prix au moins équivalente.

M. Jean Gaubert – Mon intervention a provoqué le courroux du président de la commission, mais au moins cela a-t-il permis au ministre de préparer sa réponse. Bien sûr que nos positions sont différentes : c’est pour cela que nous n’appartenons pas au même parti.

M. Patrick Ollier, président de la commission – C’est pour cela que nous avons gagné les élections !

M. Jean Gaubert – La vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain ! Créditez-nous du moins de la même sincérité que vous, et cessez de travestir nos positions. Quand vous dites qu’il y a des contradictions dans ces positions, démontrez-le ! M. le ministre a répondu à ma question, je ne maintiens donc pas ma demande de suspension de séance. Mais si le débat continue sur ce ton, nous n’hésiterons pas à y revenir.

Nous nous doutions que vous feriez voter votre définition du seuil de revente à perte. L’amendement 129 vise donc à doubler les amendes infligées à ceux qui vendent en dessous du seuil de revente à perte, afin de faire des exemples.

M. Michel Raison, rapporteur – La commission, qui a jugé cette proposition disproportionnée, est défavorable à l’amendement.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Même avis.

M. François Brottes – Je remercie le président de la commission pour ses procès d’intention – bien que nous y soyons habitués.

Est-ce bien la moitié des dépenses de publicité à laquelle fait référence l’article L. 442-2 du code du commerce, Monsieur le rapporteur ?

M. Michel Raison, rapporteur – Oui.

M. François Brottes – Je vous remercie.

L'amendement 129, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Antoine Herth – L’amendement 73 vise à compléter l’article L. 442-3 du code du commerce, pour ajouter aux sanctions applicables en cas de non-respect du seuil de revente à perte, pour les seuls commerçants ayant le statut de personne morale, « une interdiction de recours à la publicité, quel qu’en soit le support, pendant un délai pouvant atteindre un mois ». Cet argument aura certainement du poids pour les opérateurs économiques, d’autant que nous voyons fleurir depuis quelque temps des publicités qui ressemblent plus à des plaidoyers politiques. Nous risquons de voir bientôt des opérateurs économiques condamnés pour non-respect du seuil de revente à perte critiquer dans la presse ou ailleurs les positions de tel ou tel parti politique ou membre du Gouvernement.

M. Michel Raison, rapporteur – Dans la mesure où il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement 72, je suggère à M. Herth de le retirer.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Même avis.

M. Antoine Herth – J’aurais apprécié que le Gouvernement argumente sa position. Je retire cependant l’amendement, en espérant qu’il inspire nos collègues du Sénat.

L'amendement 73 est retiré.

M. André Chassaigne – L’amendement 296 est défendu.

L'amendement 296, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne – Supprimé en 1986, le coefficient multiplicateur a été réintroduit dans notre législation par la loi du 23 février 2005, qui a défini un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des fruits et légumes applicable durant les périodes de crise conjoncturelle. Les décrets d’application de la loi ont conditionné la mise en œuvre du dispositif à l’existence d’une crise, celle-ci étant appréciée au travers d’indicateurs qui sont définis. En cas de crise avérée d’un produit, ces décrets donnent aussi au ministre de l’agriculture la possibilité de consulter pour avis les représentants de nombreux organismes qui sont cités. Il faut enfin explorer toutes les possibilités d’accord à l’amiable des parties concernées sur les prix avant de mettre en œuvre le coefficient multiplicateur. Ces contraintes sont telles qu’il n’a jamais été mis en œuvre. C’est pourquoi l’amendement 297 propose d’étendre le dispositif au-delà des situations de crise conjoncturelle, afin de garantir qu’il sera appliqué et généralisé – toujours pour les seuls fruits et légumes.

M. Michel Raison, rapporteur – C’est un vrai sujet. Ce mécanisme – créé par la loi sur le développement des territoires ruraux pour amortir les fortes variations de cours que connaissent les fruits et légumes – n’a en effet jamais été appliqué. La commission Canivet avait fait part en 2004 de ses réserves sur la conformité au droit communautaire – qui interdit la fixation de prix minimum – d’une proposition de loi de Jean-Michel Ferrand prévoyant la création de ce type de coefficient. L’usage du coefficient multiplicateur doit donc se limiter au lissage des crises conjoncturelles. C’est pourquoi la commission a donné – à regret – un avis défavorable à cet amendement.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Le coefficient multiplicateur s’applique aux seules situations de crise conjoncturelle. Adopter cet amendement serait accréditer l’idée d’une crise permanente et accepter de se heurter au droit communautaire. Le Gouvernement y est donc défavorable.

M. Jean Dionis du Séjour – Mon collègue sénateur Daniel Soulage et moi-même nous sommes beaucoup investis sur ce sujet. Il y a du vrai dans ce que dit notre collègue Chassaigne : le Gouvernement ne s’est jamais servi du coefficient multiplicateur, alors qu’il y a eu – en 2005 et en 2006 – des crises conjoncturelles qui répondaient aux conditions prévues par la loi. Un statu quo a sans doute été trouvé lors des négociations entre le Gouvernement et la grande distribution. Je le regrette, car il y avait là une arme dissuasive.

Je vais néanmoins voter contre cet amendement, car notre intention – à M. Chassaigne, M. Ferrand, M. Soulage et moi-même…

M. Patrick Ollier, président de la commission – C’est moi qui ai négocié avec M. Gaymard dans les couloirs !

M. Jean Dionis du Séjour – …et M. Ollier – était bien de mettre en place un dispositif de crise. J’aimerais cependant que le ministre nous dise si le Gouvernement entend l’appliquer un jour.

M. Jean-Paul Charié – Si le Gouvernement n’a jamais appliqué cette disposition que M. le président de la commission a défendue à juste titre, c’est parce qu’il ne peut l’être, dans l’intérêt même des agriculteurs. Lorsque leurs prix sont passés de 100 à 60, les prix sont passés de 100 à 120 pour le consommateur. Il y a donc une différence de prix au détriment des agriculteurs. Par ailleurs, les fruits et légumes sont parfois vendus trop cher. Le coefficient multiplicateur était néanmoins une fausse bonne idée, tout simplement parce que nous sommes dans un contexte de concurrence européenne. Le coefficient multiplicateur appliqué aux produits des agriculteurs français l’est aussi à ceux des agriculteurs espagnols ou portugais. Il favorise donc ceux qui vendent moins cher.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Merci, Monsieur Charié.

M. André Chassaigne – Mission accomplie ! Je voulais susciter un débat sur le coefficient multiplicateur et le fait qu’il n’avait jamais été appliqué alors que les conditions prévues par la loi étaient réunies. Il me semble que vous êtes meilleur spécialiste des PME que de l’agriculture, Monsieur Charié. Si le coefficient multiplicateur n’est pas appliqué, c’est parce que la grande distribution fait pression. Il permettrait en effet de faire supporter par les différents intermédiaires le coût de production minimum des agriculteurs. J’espère que le ministre de l’agriculture sera tenu informé de notre discussion. Il n’est pas normal que l’application limitée du coefficient multiplicateur, dont toutes les conditions étaient réunies l’hiver et l’été dernier, ait été entravée. Ayant ouvert le débat, donc atteint mon objectif, je retire l’amendement.

L'amendement 297 est retiré.

ARTICLE 2

M. Jean Dionis du Séjour – Après le passage au « triple net » pour le calcul du SRP, que le Nouveau centre a approuvé, nous en venons au second choix fondamental de ce texte : continuer d’exclure de ce « triple net » la coopération commerciale. Or comment parvenir à démonter entièrement, comme nous le souhaitons, le système des marges arrière si l’on se contente de bloquer les tarifs par la non-négociabilité des conditions générales de vente sans restreindre également la coopération commerciale, pour laquelle l’inventivité ne connaît pas de limites ? Notre position n’a pas varié depuis cinq ans : le mode de calcul du SRP, la non-négociabilité des tarifs et la réintégration de la coopération commerciale dans le prix de revient doivent aller de pair.

Comme l’ont souligné le ministre, le rapporteur et M. Charié, on ne saurait naturellement supprimer la coopération commerciale. Mais préférer le maintien d’un statu quo insatisfaisant à la guerre des prix que risquerait d’entraîner une réforme, comme certains, notamment le rapporteur, l’ont dit en commission, c’est oublier que, si certaines PME se sont accommodées du système des marges arrière, d’autres en ont été littéralement broyées. Leurs représentants l’ont rappelé à la commission comme à la mission parlementaire. En outre, on ne saurait se résigner à la victoire annoncée de la grande distribution : en changeant les règles, l’on modifiera le rapport de forces et l’on rendra les relations commerciales plus transparentes.

Une réforme globale est donc indispensable, car une réforme en deux temps présenterait les mêmes inconvénients que la loi Dutreil, qui permettait de réintégrer les marges arrière dans le prix de revient mais ne les a pas empêchés de passer de 37 % à 39 % !

M. Jean Gaubert – Les positions de mon groupe – elles aussi constantes – ne diffèrent guère de celles de M. Dionis du Séjour. On parle, curieusement, d’interdire la « fausse » coopération commerciale, forme de tricherie, de vol que la loi française permet déjà de sanctionner. Mais comment distinguer la « fausse » et la « vraie » alors qu’aucune PME n’ose demander la vérification du respect du contrat de coopération commerciale qui la lie à une grande surface, de peur de ne plus être référencée dans son catalogue ? En conservant ce système, créé par la droite, mais que la droite et la gauche ont successivement tenté, en 1996, 1999, 2004 et 2005, de moraliser, comme vous prétendez le faire aujourd’hui, vous vous rendez malgré vous complices d’un fonctionnement opaque, malsain, mafieux, voire d’un véritable racket !

Comment codifier le référencement, par exemple en interdisant un référencement à Genève, alors que le contrat mentionne non le produit mais le seul droit de visiter la centrale nationale, en disposant d’un carnet de chèques pour seul élément de preuve et en étant parfois contraint d’attendre toute une journée ? Qu’en est-il du problème des délais de paiement, absent du texte ? Si, comme il le dit, M. Leclerc ne veut pas redistribuer aux grands industriels les 11 milliards qu’il avouait l’an dernier, et que l’augmentation des taux d’intérêt a sans doute fait passer à 20 milliards, pourquoi ne pas en faire profiter les deux tiers de PME qui servent de fournisseurs à la grande distribution, les consommateurs, ou les salariés de la grande distribution ? Qu’en est-il du retour des marchandises, qui n’existe dans aucun autre secteur et permet à la grande distribution, si réticente à laisser le législateur se mêler de ses affaires, de se défausser de ses responsabilités sur le fournisseur ?

Ainsi, le texte concerne moins un dispositif technique que la validation de pratiques moralement condamnables qu’il serait criminel de ne pas sanctionner !

M. Jean-Yves Le Déaut – Je serai bref, puisque vous avez déjà, Monsieur le président, tancé une opposition trop bavarde.

Les articles 1 à 3 du projet concernent une question déjà débattue dans cet hémicycle à l’occasion de l’examen de la loi sur les nouvelles régulations économiques, dont j’étais rapporteur, et qui n’a malheureusement pas suffi à résoudre le problème de la fausse coopération commerciale. Plusieurs dispositions ont interdit la coopération commerciale fictive, sanctionnant notamment la coopération commerciale rétroactive, mais depuis lors, Monsieur le ministre, la situation s’est aggravée : les PME et PMI sont encore plus dépendantes qu’auparavant, les multinationales et les distributeurs se livrant une guerre sans merci par articles de presse interposés ; l’augmentation de leur part, que vous invoquiez au cours de la discussion générale, ne vient que des marques de distributeurs, qui concernent souvent des entreprises dont la situation n’est guère florissante. Face aux abus de dépendance économique, le législateur, texte après texte, reste coi ; à cet égard, les articles 1 et 2 du texte ne font pas exception.

Vous proposez le « triple net », mais pourquoi ne pas limiter la définition de la coopération commerciale au service réellement rendu ? Car la loi n’a hélas pas suffi à réduire l’inégalité des relations commerciales entre ceux qui possèdent la puissance de l’argent et les autres ! Loin de profiter au consommateur, les gains de productivité que connaît le secteur depuis une quinzaine d’années, comme tous les secteurs industriels, ont permis à quelques grandes marques de distribution de financer leur développement international. Contre ce racket, les représentants des PME de nos circonscriptions nous demandent de les défendre au Parlement !

À vous, Monsieur Pancher, qui êtes député de la Meuse, des producteurs de légumes mosans pourraient vous dire quelle domination ils subissent ! Pourtant, je n’ai pas le sentiment que ce texte réglera ce problème.

M. André Chassaigne – L’article 2 est un faux-semblant, car les mouches les plus grosses s’échapperont sans mal de la toile d’araignée que vous prétendez tendre, tant que les plus petites y resteront engluées. Voyez, face à face, Carrefour, Leclerc, Système U, Casino, Auchan, Intermarché d’un côté et, de l’autre, Nestlé et Danone – comment imaginer que la grande distribution pourra se passer des dizaines de produits fabriqués par ces fournisseurs à l’immense force de frappe publicitaire ? Les grandes perdantes seront les PME productrices de produits alimentaires qui, elles, n’auront absolument aucun moyen de négocier. Avec ce texte, je le redis, vous aurez une satisfaction de court terme mais très vite un monopole se formera. Vous ne mesurez pas les conséquences cataclysmiques que cette disposition de pur artifice aura pour l’agriculture et les PME.

M. le Président – L’amendement 128 de suppression a été défendu, me semble-t-il.

M. François Brottes – Pas à ma connaissance, Monsieur le Président, mais je vais m’y employer.

M. le Président – Il me semblait pourtant avoir entendu sa défense par deux fois…

M. François Brottes – Je ne reprendrai pas dans le détail les arguments de mon collègue Jean Gaubert. Il a souligné que des questions de fond étaient ignorées dans cet article, qu’il s’agisse du référencement, des délais de paiement ou de la reprise des invendus. Autant dire qu’ainsi rédigé, cet article n’a pas lieu d’être maintenu, ce pourquoi nous en demandons la suppression par l’amendement 128. Mais au cas où l’article serait maintenu, il serait préférable pour la clarté du débat que l’on sache exactement de quoi l’on parle au point 1. S’agit–il des conditions de l’opération de vente des produits du fournisseur au distributeur ou du distributeur au consommateur ?

M. Michel Raison, rapporteur – Nous sommes dans le cadre des conditions générales de vente entre fournisseur et distributeur. Sur le fond, vous souhaitez, en supprimant l’article 2, supprimer les marges arrière. Je vous rappelle que la coopération commerciale n’a pas été inventée par la droite et que, contrairement à ce qui a pu être dit, elle existe aussi dans d’autres pays – au Royaume-Uni, en particulier, où le gouvernement veut également moraliser des pratiques occultes. Vous vous ébaudissez de ce que l’on puisse parler de fausse coopération commerciale ; je subodore que c’est précisément parce qu’elle est interdite que la grande distribution plaide en faveur de la négociabilité totale des marges arrière. La coopération commerciale ne cessera pas, et vous ne pourrez pas l’empêcher. En supprimant l’article, vous rendrez les choses plus faciles pour les distributeurs ; c’est pourquoi j’ai exprimé un avis défavorable à l’amendement, que la commission a suivi.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Je suis d’accord avec vous, Monsieur Le Déaut, sur le fait que les consommateurs ont été écartés de la négociation commerciale ; nous souhaitons que cela cesse et nous nous y employons par ce texte. Les préoccupations qu’a exprimées M. Chassaigne sont légitimes et, en 2005, la mission d’information parlementaire craignait elle aussi que la première étape de la réforme fasse des dommages collatéraux dont, deux ans plus tard, force est de constater qu’ils ne se sont pas produits. Au contraire, la part des productions des PME dans les linéaires a progressé, et l’on n’a pas constaté d’impact négatif de la loi Dutreil sur le commerce de proximité. Cela nous a incités à aller plus loin.

Je suis donc défavorable à la suppression de l’article, car il faut un contrat unique et il est important de négocier en même temps les prix et les conditions de la coopération commerciale. Je souligne que cette procédure fonctionne très bien dans d’autres secteurs.

M. Lionel Tardy – L’article 2 institue la transparence dans les relations entre fournisseurs et distributeurs, contrepartie sine qua non du principe du seuil de revente à perte. Encore faudra-t-il que le formalisme prévu, protecteur du plus faible, soit respecté, comme doivent l’être les conditions générales de vente, dont la négociabilité mettrait à bas l’édifice patiemment construit. L’adoption d’un amendement à ce sujet en commission m’ayant donné satisfaction, j’estime qu’il n’y pas lieu de supprimer l’article.

M. Jean Gaubert – Vous partez du principe que, le mécanisme étant opaque et mal contrôlé, il faut tenter de le moraliser. Mais peut-on moraliser un système mafieux ? Je ne le pense pas et je ne crois pas que vous le pensiez non plus, mais vous cédez à la pression, et tenez compte aussi du revirement spectaculaire de certaines PME auxquelles on a fait savoir que s’il était mis fin à la coopération commerciale, leurs produits ne seraient plus mis en valeur. L’ennui, c’est que, de ce fait, rien n’est réglé, et que je continue à parler de racket sans que personne ne me réponde jamais. Comment tolérer plus longtemps le système de référencement, qui ne correspond à aucune prestation et dont le « coût » varie de 2 à 4 % du prix des produits ? J’attends que vous disiez qu’il est illégal de faire payer une prestation inexistante ! Et que dire du retour institutionnalisé des marchandises qui fait des grandes surfaces de vastes dépôts-ventes ? A M. Leclerc qui nous demande de lui « laisser faire son métier de commerçant », je suis assez tenté de répondre « Chiche ! ».

L'amendement 128, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – Notre amendement 148 rectifié tend également à affirmer que le référencement et son financement ne sont pas dans le champ de la coopération commerciale.

M. Jean-Paul Charié – Il est interdit par la loi.

M. Michel Raison, rapporteur – Effectivement, et il ressort des auditions auxquelles nous avons procédé que, les PME considèrent qu’il est moins pratiqué. Ne nous demandez pas d’inscrire quelque chose d’illégal dans la loi !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – L’article L. 442-6 interdit de facturer le référencement, et il y a eu un certain nombre de condamnations à ce titre. Votre amendement abroge l’article L. 441-7. J’y suis défavorable, car il faut préciser les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs et maintenir la transparence sur leurs engagements réciproques.

M. Jean-Yves Le Déaut – Certes, le référencement est interdit. Mais il se pratique, au niveau national et au niveau européen. Une grande entreprise de distribution française n’a-t-elle pas un centre de référencement près de l’aéroport de Zurich et ne dit-elle pas à ses fournisseurs potentiels qu’ils ne pourront pas travailler avec elle s’ils ne sont pas référencés au niveau européen ?

M. Jean Gaubert – C’est ce que dit M. Bédier.

M. Jean-Yves Le Déaut – En avez-vous connaissance, et comment intervenir au niveau européen sur ce qui est ni plus ni moins qu’un racket ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – D’une part, le Parlement français ne peut rien au droit suisse. D’autre part, ce que vous indiquez nous donne une raison de plus de préciser le plus possible les relations entre industriels et distributeurs et de faire figurer le détail des prestations dans la convention, de sorte que la DGCCRF puisse mieux exercer son contrôle.

Mme Laure de La Raudière – Très bien !

L'amendement 148 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Sur l’amendement 216, je suis saisi par le groupe du Nouveau Centre d’une demande de scrutin public.

M. Jean Dionis du Séjour – Cet article instaure une convention commerciale indépendante de la négociation sur les produits. Je crains donc que le triple net que nous avons décidé ne soit pas utilisé. En effet, les conditions générales de vente ne sont pas négociables. Mais la convention commerciale l’est : c’est sur elle qu’on va négocier. On retombe donc dans le système des marges arrière et de la corruption à la française. Veut-on en finir avec ce système ? Retrocommissio delenda est ! Le bilan de la loi Dutreil est bon sur les prix, mais les marges arrière sont passées de 37 % avant la loi à 39 % après.

Il y aura toujours de la coopération commerciale ; mais, quitte à s’opposer frontalement à la grande distribution sur ce sujet, il faut qu’elle soit transparente, détaillée et contrôlable. Nous acceptons que ses tarifs soient négociables, mais ils ne doivent pas être opaques. La négociation doit être globale, et centrée sur les produits. On ne veut maintenir le système inique actuel que parce que quelques PME ont peur d’une guerre des prix. Elles sont beaucoup plus nombreuses à être broyées par le système des marges arrière.

Ce système est réellement mafieux, il faut donc y mettre fin. Mais, nous disent les socialistes, de toute façon les mafieux tourneront la loi. Je ne dis pas que la transparence résoudra tout, mais elle va dans la bonne direction. Le ministre a dit qu’on irait vers la négociabilité. Pourquoi attendre ? Traiter séparément du seuil de revente à perte et de la négociabilité est une mauvaise chose, car on n’en verra pas les effets sur le pouvoir d’achat. Par notre amendement 216, nous vous proposons la vraie réforme. Ne pas avancer sur les marges arrière, c’est faire marche arrière !

M. Michel Raison, rapporteur – La négociation commerciale existera toujours – sous Saint Louis, Étienne Boileau, prévôt de Paris s’occupait déjà des usages loyaux du commerce. L’incorporer dans la négociation des prix ne changera rien pour les fournisseurs. Accepter l’amendement, c’est remettre en vigueur la discrimination tarifaire, et sans régler le problème de rapport de forces entre distributeurs et fournisseurs. Mieux vaut garder un mécanisme juridique qui apporte une sécurité. Mais adopter cet amendement, c’est disloquer le système sans protéger le fournisseur comme nous le souhaitons tous. J’émets donc un avis défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Le Gouvernement est favorable à ce qu’il y ait négociabilité sans opacité. Mais l’amendement l’instaurerait du jour au lendemain, alors qu’il faut en mesurer l’impact sur les différents acteurs et réfléchir à des mesures sur les délais de paiement, à des mesures spécifiques pour les PME, à des moyens de contrôler et sanctionner l’abus de position dominante. En attendant, le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement.

M. Jean-Paul Charié – Lorsque j’ai eu des divergences à exprimer, je l’ai fait. Mais j’ai aussi dit, dès la discussion générale, au vu des déclarations de MM. Bédier, Mulliez ou Leclerc, que, grâce à la détermination du Président de la République, les choses évoluaient.

Le droit français de la concurrence repose sur la non-discrimination tarifaire et la non-négociabilité des prix. Mais il n’est pas interdit de remettre en cause ces fondements, de façon que les rapports entre fournisseurs et distributeurs soient aussi satisfaisants dans la grande distribution alimentaire qu’ailleurs.

Je serais favorable à l’amendement de M. Dionis du Séjour s’il ne se limitait pas à un seul aspect de la question. Il faut une approche globale qui intègre la négociabilité, la suppression des marges arrière, les engagements des acheteurs – aujourd’hui, certains d’entre eux obtiennent des remises au nom de conditions qu’ils ne respectent pas, notamment en termes de délais de paiement ou de retours d’invendus,…

M. Jean Gaubert – Eh oui !

M. Jean-Paul Charié – …sans oublier l’application effective de la législation, qui passe, par exemple, par une instance unique du droit de la concurrence, la dépénalisation, ou encore les actions de groupe. C’est prendre un risque énorme que de traiter la négociabilité sans revoir en même temps les autres piliers.

M. Jean Gaubert – Le triptyque du seuil de revente à perte, des marges arrière et des conditions générales de vente est le cœur du problème, et il est normal que l’on s’y attarde un peu, pour que chacun puisse exprimer ses inquiétudes.

Différents points que vient d’évoquer M. Charié concernant les conditions générales de vente – délais de paiement, retours d’invendus – auraient mérité de figurer dans cette loi. Depuis longtemps, il existe un déséquilibre entre une offre très dispersée et des distributeurs très concentrés. Sans un minimum de garanties, notamment pour les PME, les distributeurs acquerront encore plus de pouvoir. Si la part des PME a augmenté dans la grande distribution, c’est uniquement en raison des marques de distributeur, qui sont comme des menottes autour des poignets des chefs d’entreprise. Certains, parce qu’ils fabriquent des produits qui bénéficient d’une forte image, peuvent se permettre de refuser de faire des MDD, mais ce n’est pas le cas de tous ! Il ne faut pas aggraver le déséquilibre ; si tout est négociable, c’est toujours le plus fort qui impose ses conditions.

Nous avons cru comprendre qu’il y aurait de nouvelles propositions au printemps concernant les conditions générales de vente. Mais qu’est-ce qui aura changé, d’ici là, dans le rapport de forces entre les grandes centrales d’achat et les PME ? Qu’est-ce qui pourrait justifier que le Gouvernement change de position entre-temps ?

Je regrette, enfin, que MM. Le Fur et Forissier n’aient pas été là pour présenter leur amendement, qui n’était pas dépourvu d’intérêt.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Le Gouvernement ne changera pas d’avis. Comme M. Charié l’a rappelé, ce sujet doit être traité globalement, en incluant le contrôle des concentrations, l’équipement commercial, les relations entre grands distributeurs et PME, les délais de paiement. Mme Hagelsteen, ancienne présidente du Conseil de la concurrence, doit nous rendre les conclusions de ses travaux dans quelques semaines ; nous travaillerons sur cette base avec la commission des affaires économiques, pour revenir devant le Parlement dans le cadre de la loi de modernisation économique. Il convenait, en revanche, d’instaurer rapidement le triple net, pour que, dans le cadre des accords annuels qui doivent être signés entre la distribution et l’industrie avant le 15 février, ces avantages commerciaux puissent être répercutés sur les consommateurs dès 2008.

À la majorité de 31 voix contre 2 sur 34 votants et 33 suffrages exprimés, l’amendement 216 n’est pas adopté.

M. Lionel Tardy – L’écrit permet de protéger la partie la plus faible. C’est aussi un moyen de faciliter les contrôles de l’administration. Cela étant dit, je retire l’amendement 157 au profit de celui-ci de la commission, qui est semblable.

L'amendement 157 est retiré.

M. Michel Raison, rapporteur – L’amendement 23 est défendu.

L'amendement 23 accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Paul Charié – L’amendement 24, cosigné par le rapporteur et moi-même, a été défendu.

M. Lionel Tardy – L’amendement 153 vise à assurer la primauté des conditions générales de vente.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Avis favorable, mais le Gouvernement préfère la rédaction de l’amendement 24, plus précise.

L'amendement 153 est retiré.

L'amendement 24, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Gaubert – Nous nous sommes longuement exprimé sur les marges arrière et la coopération commerciale. Ce système mafieux qui s’apparente à du racket, ne peut être amendé, il doit être supprimé. Tel est l’objet de l’amendement 133.

L'amendement 133, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié – Je retirerai l’amendement 66 si l’on me confirme que tous les services rendus sont inclus dans la convention.

M. Jean Dionis du Séjour – J’ai déjà défendu l’amendement 214.

M. Michel Raison, rapporteur – S’agissant de la notion de service distinct, la commission préfère ses amendements 25 et 26 rectifié, plus précis et qui, en outre, permettent de formaliser la convention unique en contrat annuel.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Même avis. Le Gouvernement vous propose de retirer vos amendements en faveur de ceux de la commission.

Les amendements 66 et 214 sont retirés.

M. Lionel Tardy – Je retire également l’amendement 163 au profit de l’amendement 26.

L'amendement 163 est retiré.

M. Michel Raison, rapporteur – L’amendement 25 a été défendu.

L'amendement 25, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Raison, rapporteur – L’amendement 26 rectifié a été défendu également.

M. François Brottes – Pouvez-vous confirmer que les dispositions du contrat d’application seront écrites avant la mise en revente des produits concernés ?

M. Michel Raison, rapporteur – Cela va de soi : il ne s’agit pas d’une régularisation, mais de la prise en compte de la saisonnalité de certains produits.

M. Jean-Paul Charié – Je retirerai l’amendement 67 si le ministre répond aux trois questions suivantes. Pourquoi imposer la date du 1er mars à toutes les transactions commerciales alors qu’un délai de douze mois permettrait de mieux prendre en compte d’éventuels nouveaux clients ou produits ? Pourquoi dresser la liste des éléments de vérification, quand il serait préférable de vérifier la bonne exécution des prestations ? Enfin, ne vaudrait-il pas mieux imposer la signature de la convention dans un délai de deux mois après la première livraison, et non après la première commande ?

M. Michel Raison, rapporteur – Je continue de préférer l’amendement 26 rectifié.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Même avis. Je m’engage par ailleurs à répondre précisément à M. Charié.

M. Jean-Paul Charié – Peut-être mes questions n’étaient-elles pas claires, mais si la réponse que vous leur apporterez figurait au compte rendu, la loi n’en serait que plus efficace !

M. François Brottes – Vos réponses, Monsieur le secrétaire d’État, intéressent l’ensemble des députés !

M. Michel Raison, rapporteur – La clôture de la négociation en début d’année correspond à la pratique actuelle. Le texte comprend déjà la notion de convention signée. Par ailleurs, la date de la première livraison est bien plus difficile à vérifier que celle de la première commande, à laquelle il vaut mieux se référer. S’agissant des éléments de vérification, il faut trouver un juste équilibre afin que la convention protège de toute pratique marginale. En dressant une liste de pratiques nouvelles, votre amendement ne ferait qu’encourager l’imagination toujours fertile des distributeurs…

M. Jean-Paul Charié – Je propose précisément le contraire ! Quoi qu’il en soit, faisant confiance au Gouvernement pour qu’il m’apporte les réponses nécessaires, je retire mon amendement.

L'amendement 67 est retiré.

L'amendement 26 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Lionel Tardy – L’amendement 158 tend à interdire le versement d’acomptes par le fournisseur au distributeur tant que le paiement des prestations ou des produits n’a pas été réglé par le distributeur. Les délais de paiement, en effet, sont trop longs pour exiger, en sus des fournisseurs qu’ils paient, la coopération commerciale, au risque de ruiner leur trésorerie.

M. Michel Raison, rapporteur – Avis défavorable. Je partage votre préoccupation, mais le calcul du seuil de revente à perte peut être trompeur. Ainsi, la coopération commerciale globale peut inclure des opérations prévues à l’occasion de l’anniversaire d’un magasin, par exemple, sans être liées à un produit spécifique. Dans ce cas, elle ne peut être réglée après paiement du produit.

M. François Brottes – C’est signer un chèque en blanc !

M. Michel Raison, rapporteur – En outre, il faut distinguer entre facturation et revente. Le règlement de la coopération commerciale ne doit pas être soumis aux obligations d’exécution, mais à la réalisation effective des prestations. Enfin, l’amendement soulève l’épineuse question des délais de paiement, à laquelle chacun sait qu’il faudra consacrer une réflexion de fond.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Même avis. Le versement d’acomptes offre aux fournisseurs la possibilité d’étaler le paiement des prestations dans le temps. En outre, l’article L. 442-6 du code de commerce prévoit déjà des contreparties en cas de discrimination. Enfin, votre amendement inciterait les distributeurs à remplacer la coopération commerciale par des services distincts.

M. Jean Gaubert – Il serait regrettable de retirer cet amendement qui est de bon sens. Il n’est pas anormal qu’un fournisseur qui n’a pas encore été payé ne se voie pas contraint de payer une prestation alors que le distributeur a déjà encaissé le produit de la vente. Par ailleurs, je m’étonne d’entendre le rapporteur, qui nous rappelle volontiers son souci de préciser au mieux la coopération commerciale, nous parler ici d’anniversaires de magasins, occasions qui ne sont liées à aucun produit en particulier ! De deux choses l’une : soit c’est un lapsus, soit vous révélez ainsi que la codification de la coopération commerciale n’est qu’un leurre !

M. Jean-Paul Charié – Cet amendement ne peut être adopté pour les raisons évoquées par le ministre, mais il soulève un vrai problème : comment accepter qu’un distributeur mette parfois jusqu’à 140 jours, pour payer un produit tout en exigeant de son fournisseur un paiement comptant ? Il y a là un déséquilibre que les distributeurs, à terme, devront bien accepter de résoudre.

M. Lionel Tardy – Je vais me ranger aux arguments du ministre, mais le problème des délais de paiement et des difficultés de trésorerie consécutives demeure. Il faudra absolument y revenir – je me chargerai de vous le rappeler. En attendant, je retire l’amendement 158.

M. François Brottes – C’est un cadeau d’anniversaire ? (Sourires)

L’amendement 158 est retiré.

M. Jean-Paul Charié – Il me semble que l’amende de 75 000 euros qui est prévue à l’article 2 peut mettre une petite entreprise en difficulté, alors qu’elle n’est absolument pas dissuasive pour une entreprise qui accomplit pour 200 000 euros de pratiques déloyales. L’amendement 27 propose donc de la remplacer par une amende de 5 % du chiffre d’affaires – non pas le chiffre d’affaires total, bien sûr, mais celui réalisé entre le fournisseur et son distributeur.

M. Michel Raison, rapporteur – Avis favorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Le Gouvernement est sensible aux arguments de M. Charié, mais 5 % du chiffre d’affaires lui paraissent un montant excessif. Dans la distribution, le chiffre d’affaires n’est en effet pas lié à une production industrielle mais uniquement à de la vente et de la redistribution. Le Gouvernement n’est pas favorable à cette sanction disproportionnée.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Cet amendement, dont l’intention est légitime, me semble poser un problème de droit. C’est la première fois qu’une sanction, en droit pénal, serait proportionnée au chiffre d’affaires. Je ne sais pas si la Chancellerie a été consultée et si l’on peut s’engager dans cette voie au détour d‘un amendement.

M. François Brottes – S’agissant d’un amendement adopté par la commission, il est temps de s’en rendre compte !

M. Patrick Ollier, président de la commissionD’autre part, une commission est en train de travailler, à la demande du Président de la République, sur la question de la dépénalisation du droit des affaires. Je me demande si l’adoption de cet amendement ne créerait pas un précédent risqué – je parle d’un strict point de vue juridique. Peut-être les débats en commission ont-ils été trop précipités, et Mme Erhel avait-elle raison de demander un renvoi en commission ! (Sourires)

M. François Brottes – C’est bien de le reconnaître !

M. Jean Gaubert – Soixante-quinze mille euros, c’est 5 % d’un chiffre d’affaires d’un million et demi, ce qui n’est pas mince. Cette sanction peut donc apparaître trop forte pour de nombreuses PME.

Mme Laure de La Raudière – C’est bien la raison de cet amendement !

M. Jean Gaubert – Au cas où cela vous aurait échappé à cette heure tardive, je suis justement en train de le soutenir…

Sans doute le dispositif doit-il être amélioré d’un point de vue juridique, mais il faut continuer de réfléchir à cette question de la proportionnalité.

M. Jean-Paul Charié – J’apprécie que nous soyons capables d’un véritable débat sur ces sujets délicats.

Le ministre, la commission et de nombreux députés, de tous les groupes, estiment que 75 000 euros, cela signifie le dépôt de bilan pour une petite entreprise, mais un véritable encouragement aux pratiques déloyales pour un grand groupe. Il est vrai que nous sommes au pénal, mais cela n’interdit pas au législateur d’innover en instaurant une amende proportionnelle ! En tout cas, il faut creuser la question, si possible d’ici la discussion du projet par le Sénat.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Le Gouvernement partage la préoccupation de M. Charié, mais la solution qu’il propose lui paraît disproportionnée. On a bien compris que les PME ne sont pas les principales visées : ce ne sont pas elles qui respectent le moins le formalisme des contrats. Cet amendement veut donc répondre à certains excès des grands distributeurs. Sachant qu’un groupe comme Carrefour réalise un chiffre d’affaires de 41 milliards…

M. Jean-Paul Charié – J’ai bien précisé que l’amende ne porterait pas sur le chiffre d’affaires total, mais sur celui réalisé entre les deux partenaires !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé – Cela reste disproportionné. Le Gouvernement s’engage donc, d’ici le débat au Sénat, à réfléchir à une solution.

M. Jean-Paul Charié – Dans ce cas, je retire l’amendement 27.

M. Jean Gaubert – Ainsi, 75 000 euros d’amende pour une petite entreprise ne gênent guère le Gouvernement, mais 5 % du chiffre d’affaires pour Carrefour, si ! Vous n’êtes certainement pas allé au bout de vos idées, Monsieur le ministre…

Nous attendons depuis déjà quelque temps la réponse du rapporteur sur les anniversaires de magasins. Par ailleurs, le président de la commission vient d’inciter à reporter un amendement sous prétexte qu’une commission est en train de travailler sur la dépénalisation du droit des affaires. J’attends donc que le Gouvernement prépare des amendements de suppression de l’article 4, qui procède déjà à de telles dépénalisations ! (Sourires)

Je demande donc une suspension de séance, le temps pour le ministre et le rapporteur de préparer leurs réponses.

La séance, suspendue à 0 heure 40 le mardi 27 novembre 2007, est reprise à 0 heure 50.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État M. Gaubert a interpellé le Gouvernement sur ses propositions en matière de dépénalisation. Nous avons fait le choix de dépénaliser la non-communication des conditions générales de vente. La sanction civile nous paraît en effet plus appropriée, notamment parce qu’elle permet l’action en référé. Sur les autres sujets, nous préférons attendre les propositions de sanctions alternatives nouvelles de la commission Coulon. Je pense notamment à la dépénalisation du seuil de revente à perte, car en l’absence de victimes, l’action civile est inopérante.

La suspension de séance ayant été particulièrement fructueuse pour le Gouvernement, je vais également répondre à M. Charié. Si nous retenons la date du 1er mars plutôt que la durée glissante de 12 mois, c’est pour éviter que les distributeurs fassent traîner les négociations jusqu’à la fin de l’année. Si nous listons les éléments de vérification, c’est parce que cela protège les plus fragiles, en particulier les PME. Si nous retenons, enfin, le délai de deux mois à partir de la commande – et non de la livraison – c’est parce que la commande concrétise la volonté des acteurs de contracter, alors que la livraison n’est pas considérée comme un acte juridique bilatéral.

M. Jean-Paul Charié – Merci de ces réponses dont je prends acte.

M. Jean Gaubert – Je remercie M. le ministre de ses réponses, mais j’attends toujours celle de M. le rapporteur sur « l’anniversaire du magasin »…

L’amendement 134 ne devrait pas poser de problème : il précise simplement que c’est le distributeur qui est en cause dans l’alinéa 8.

M. Michel Raison, rapporteur – Je ne vois pas ce qui vous inquiète : l’anniversaire du magasin, c’est de la coopération commerciale. Mais cela ne peut pas toujours être facturé en même temps que le produit, puisqu’il peut y avoir plusieurs produits concernés – qui ne seront pas nécessairement livrés au même moment.

J’aurais souhaité pouvoir donner un avis favorable à votre amendement, mais la disposition que vous proposez est disproportionnée : ce n’est pas au distributeur d’assumer si c’est par la faute du fournisseur que la convention ne peut être établie. Cela risque en outre de se retourner contre les fournisseurs, car les distributeurs voudront les obliger à accepter leurs conditions sans discuter pour que les conventions soient conclues à temps. Avis défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Même avis.

M. Jean Gaubert – Les arguments du rapporteur sur l’amendement sont fondés : je le retire.

L'amendement 134 est retiré.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis de la commission des lois – L’amendement 2 vise à maintenir l’obligation pour les distributeurs de faire connaître à leurs fournisseurs, avant le 31 janvier, le montant total des services rendus l’année précédente. Il est en effet important de permettre à chaque fournisseur de vérifier que le contenu et le montant des services rendus par son distributeur ont été conformes à ce qui était convenu dans la convention unique qui les lie. Cette obligation prend tout son sens dans la perspective de la finalisation des négociations sur la coopération commerciale pour l’année à venir. Il semblerait que cette obligation soit difficilement respectée par les distributeurs. Pour ma part, je ne suis pas opposé à ce que la date butoir soit reportée à la fin du mois de février – un mois avant la conclusion des nouvelles conventions annuelles. Mais faire disparaître cette obligation serait envoyer un mauvais signal aux distributeurs les moins vertueux, les fournisseurs ne pouvant plus s’appuyer sur la loi pour obtenir des informations essentielles.

M. Michel Raison, rapporteur – Avis défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Le Gouvernement est attaché à la transparence dans les obligations des cocontractants et à ce que les services rendus par les distributeurs soient parfaitement connus des fournisseurs. Mais l’évaluation qui a été faite de la loi du 2 août 2005 a permis de constater que cette transparence était plus sûrement obtenue par un strict respect du formalisme des contrats. La sanction pénale nous apparaît par ailleurs disproportionnée, et nous avons voulu la supprimer. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement qui la réintroduit.

M. Jean Gaubert – Cet amendement est intéressant, ne serait-ce que parce qu’il donne une date. Or vous dites vous-même qu’il faut formaliser les choses. La commission des lois a déposé peu d’amendements : sans doute sont-ils bons. Cela ne veut pas dire que ceux qui en ont déposé beaucoup en aient déposé de mauvais (Sourires) : nous en avons nous aussi de très bons, puisque le Gouvernement y apporte de mauvaises réponses…

Je reviens sur l’anniversaire du magasin. Est-il légitime d’y faire participer, par exemple, un fournisseur de jouets s’il n’a pas lieu à la période de Noël ? Est-il normal qu’il soit fêté plusieurs fois dans l’année ? Je connais des cas et j’ai les preuves ! Bref, toutes les dérives sont possibles.

M. Jean Dionis du Séjour – Faut-il que nous soyons conditionnés par le système pour admettre ainsi que des distributeurs demandent à leurs fournisseurs de contribuer à l’anniversaire du magasin ! Si le distributeur veut fêter l’anniversaire de son magasin, ce n’est pas le problème de ses fournisseurs ! Il faut absolument que nous nous débarrassions de ce système mafieux.

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

L’article 2, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ARTICLE 2

M. Jean Gaubert – Les amendements 269 et 267 visent à combattre deux pratiques abusives comparables aux anniversaires de magasins. D’une part, le distributeur ne saurait facturer ses prestations de services au fournisseur après la première mise en rayon, à laquelle doit être limitée la coopération commerciale, à défaut de supprimer les marges arrière : ensuite, comme le demande M. Leclerc, laissons les distributeurs faire leur travail – c’est-à-dire réapprovisionner les rayons ! Le référencement des produits par le distributeur ne saurait, lui non plus, être facturé au fournisseur, puisqu’il ne correspond à aucune prestation, à aucun engagement, sauf à se livrer à un véritable racket, à pratiquer une version du jeu de l’oie dans laquelle l’on mettrait de l’argent dans toutes les cases !

M. le Président – Sur l’amendement 267, je suis saisi par le groupe socialiste, radicale et citoyen d’une demande de scrutin public.

M. Michel Raison, rapporteur – Avis défavorable, pour les raisons déjà invoquées à propos de la suppression des marges arrière.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Avis défavorable à l’amendement 269 : au-delà de la première mise en rayon, la coopération commerciale concerne toute la vie du produit, que des PME peuvent ainsi demander au distributeur de placer en tête de gondole ou de référencer dans son catalogue au moment des fêtes de fin d’année.

M. Jean-Paul Charié – Dans un rapport sur les fausses coopérations commerciales publié il y a quelque deux ans, la DGCCRF évoquait les cas de factures ne correspondant à aucun service ou faisant état de services contraires à des prestations déjà facturées. Mais comment la loi pourrait-elle dresser une liste noire inventoriant de manière exhaustive les différentes manières de libeller une fausse facture, qu’Intermarché a évalué à 350 ?

Je suis donc opposé, sur la forme, à ces deux amendements, qui soulèvent cependant plusieurs questions de fond : ceux qui facturent les services ne sont soumis à aucune condition générale de vente ; le fournisseur devrait pouvoir négocier le montant facturé ; celui-ci devrait être le même quel que soit le fournisseur ; enfin, les services dont les PME tirent profit – comme vous venez, Monsieur le ministre, de le rappeler – ne pourraient-ils faire l’objet d’une remise du fournisseur au distributeur, plutôt que d’une facturation du second au premier ? Les autorités juridiques et réglementaires, au niveau français et européen, devront y réfléchir.

L'amendement 269, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – Ni le ministre ni le rapporteur ne se sont exprimés sur l’amendement 267.

M. le Président – Je leur avais donné la parole sur les deux amendements mais, si vous le souhaitez, je la leur redonne pour la clarté de nos débats.

M. Michel Raison, rapporteur – L’article L. 442-6 du code de commerce interdit déjà la rémunération du référencement des produits si elle ne correspond pas à un service spécifique. Ainsi, dans son arrêt du 20 février 2007, la chambre commerciale de la cour de cassation distingue la rémunération de la gestion d’un rayon de celle de la mise en rayon, l’une correspondant à un service spécifique, l’autre non. Au contraire, l’amendement 267 pourrait laisser penser non seulement que la rémunération du référencement du produit est autorisé, mais aussi qu’elle n’est pas soumise à l’obligation de facturation !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – La demande de M. Gaubert étant satisfaite par l’article L. 442-6, je lui demande de retirer son amendement, sans quoi mon avis ne pourra qu’être défavorable.

M. Jean Gaubert – Si la loi interdit déjà cette pratique, pourquoi est-elle tolérée ? Pourquoi la police ne procède-t-elle à aucune descente dans les grandes centrales qui ne font que du référencement, lequel n’est ni plus ni moins que l’autorisation d’aller présenter le produit ailleurs ? Nous maintenons l’amendement.

A la majorité de 19 voix contre 6 sur 25 votants et 25 suffrages exprimés, l’amendement 267, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à cet après-midi.

Prochaine séance ce matin, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 10.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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