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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 29 novembre 2007

Séance unique
Séance de 9 heures 30
70ème séance de la session
Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

POUVOIR D’ACHAT DES MÉNAGES
FACE À LA HAUSSE DES PRODUITS PÉTROLIERS

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et de plusieurs de ses collègues visant à soutenir le pouvoir d’achat des ménages face à la hausse des prix des produits pétroliers et à développer les modes de transport alternatifs.

M. Jean Launay, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du plan – Cette proposition de loi constitue le volet énergétique d’un ensemble de mesures que notre groupe et le parti socialiste ont élaboré afin de répondre aux inquiétudes de nos concitoyens. C’est donc nous qui mettons à l’ordre du jour du Parlement la question du pouvoir d’achat des ménages !

Pour les salariés, les fonctionnaires, les travailleurs privés d’emploi, les travailleurs précaires, les ménages vivant au-dessous du seuil de pauvreté, les retraités et futurs retraités, le refus de donner un coup de pouce supplémentaire au SMIC a sonné le glas de tout espoir de revalorisation du pouvoir d’achat par les salaires. Il n’y aurait pas de relance pour les revenus !

Monsieur le ministre, vous me répondrez loi TEPA et heures supplémentaires : mais un tiers seulement des salariés, soit 8 millions de personnes, étant concernés par cette mesure – à supposer que les entreprises surmontent les difficultés d’application de la loi –, son impact sur la croissance sera limité, d’autant que des effets d’aubaine ne sont pas exclus. Quant au paquet fiscal, nous doutons de même de sa capacité à enrayer l’affaiblissement du pouvoir d’achat.

D’une manière générale, nous doutons de la capacité du Gouvernement à relancer la croissance. Mme Lagarde s’est félicitée que certains indices macroéconomiques soient au vert. La hausse de 0,8 % des dépenses de consommation reste cependant modeste et doit être relativisée au vu d’une baisse de 1,1 % des dépenses de consommation de produits manufacturés. Et si nous pouvons nous réjouir de la hausse de 1,7 % au troisième trimestre des exportations, nous craignons qu’elle ne puisse se poursuivre en raison d’un ralentissement de la croissance mondiale.

En effet, la hausse des prix des produits pétroliers continue de représenter un prélèvement massif sur la richesse nationale des pays non producteurs : en 2006, elle a coûté à la France 2,6 % de son PIB, et l’équivalent de 43 jours d’exportations. Qui peut prétendre que le triplement du prix du baril depuis janvier 2004 n’aura pas de conséquences, quand les deux chocs pétroliers de 1973 et de 1979 se sont traduits par des récessions mondiales ? Quant à la crise immobilière et financière liée aux subprimes, elle ne manquera pas de peser sur nos exportations et sur l’investissement des entreprises, confrontées à de mauvaises prévisions de croissance.

Le Président de la République a déclaré que sa politique déclencherait un choc de confiance. Mais où est le choc, où est la confiance ? Ses discours sur le pouvoir d’achat, comme celui qu’il a délivré devant l’Association des maires, sont anxiogènes, et montrent combien le président est contraint d’improviser des mesures dans l’urgence – avec ou sans sa majorité.

Les enseignements que nous pouvons tirer du passé ne peuvent qu’aggraver nos doutes pour l’avenir : voyez la prime à la casse des voitures anciennes – la « Balladurette » – dont l’effet a duré moins d’un semestre, ou encore le déblocage de l’épargne salariale, en 2004, qui n’a stimulé la croissance que pendant trois mois. Votre soudaine prise en compte des inquiétudes des Français ne laisse pas de nous interroger sur votre compréhension des questions sociales.

Enfin, les déplacements à l’étranger du chef de l’État nous ont beaucoup appris quant aux références économiques qui sous-tendent les analyses des experts et des responsables de la majorité. Ainsi, nous ne partageons pas leur admiration pour le marché du travail américain : la précarité de l’emploi, l’importance des postes de faible qualification et les compressions de rémunérations font que nombre d’Américains vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Rappelons aussi que, depuis dix ans, aux États-Unis, 95 % des ménages voient leurs revenus stagner et que 47 millions des ménages sont privés de protection sociale. À ce sujet, la récente déclaration de Guillaume Sarkozy – le frère, directeur général d’un groupe d’assurance santé et de retraite – quant à des bouleversements en matière de santé, est un très mauvais signal.

Le déplacement en Chine du président…

M. Patrick Roy – La cigale voyage beaucoup !

M. Jean Launay, rapporteur – …a permis de conclure des contrats représentant 20 milliards d’euros de commandes, ce dont nous nous réjouissons. Nous approuvons aussi le plaidoyer pour une Chine insérée dans le commerce mondial, ce qui implique une réévaluation du yuan et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En revanche, aucun commentateur, aucun responsable politique n’a dénoncé le dumping social exercé par la Chine, qui, en plus d’être contraire aux engagements qu’elle a pris vis-à-vis de l’OMC, provoque des pressions à la baisse sur nos salaires.

La hausse des prix des hydrocarbures est considérable. Le prix moyen du baril de brent est passé de 53,6 dollars en janvier à 96 dollars en novembre. Le prix du litre de super 95 sans plomb a augmenté durant la même période de plus de 10 %. On sait d’autre part que les transports ont été responsables de 38,4 % des émissions de CO2 en 2005, cependant que leur prix fonctionne comme un signal pour les consommateurs, susceptible d’induire un changement de comportement. Le présent texte propose donc une approche globale du problème posé par l’augmentation des prix du pétrole, en y intégrant la dimension environnementale. Il s’agit d’accélérer le passage à une économie sans pétrole, tout en laissant le temps aux consommateurs de s’adapter à la perspective inéluctable d’un pétrole de plus en plus cher.

Cette proposition s’inscrit dans un contexte de rédaction du pouvoir d'achat et de fragilisation d'une grande partie de nos concitoyens. Le pouvoir d’achat est attaqué de toutes parts. Le revenu disponible brut et la consommation des ménages sont en berne par rapport aux années 1998-2001. Les hausses de prix sont bien plus dommageables pour le pouvoir d'achat que ne le mesurent les indices synthétiques. L’évolution du salaire minimum est insuffisante et le taux de pauvreté est en hausse. Les ménages sont contraints d'accroître leur endettement au moment même où le crédit devient plus cher.

Selon le rapport annexé au projet de loi de finances pour 2008, la croissance du revenu disponible brut des ménages, en pouvoir d'achat, devrait s’établir à 2,5 % en 2008, contre 2,8 % en 2007. Encore cette prévision repose-t-elle sur une hypothèse de croissance comprise entre 2 % et 2,5 %, supérieure à celle de l'INSEE.

Les statistiques confirment malheureusement le sentiment qu’on les Français d’un affaiblissement de leur pouvoir d'achat. Le taux de croissance du revenu disponible brut des ménages en pouvoir d'achat s'est élevé à 3,1 % en moyenne sur la période 1997-2002. Il n’atteignait plus que 1,8 % sur la période 2003-2006. La consommation des ménages a connu une évolution similaire.

La structure de cette consommation s’est par ailleurs modifiée, certains postes correspondant à des dépenses incompressibles subissant de fortes hausses. Le poste logement, chauffage et éclairage, qui ne représentait que 23,5 % des dépenses de consommation en 1996, est passé à 25,2 % en 2006. Les prix des transports ont augmenté de 3,5 % en 2004, de 4,3 % en 2005 et de 2,9 % en 2006. Les ménages sont ainsi contraints de renoncer à certains déplacements. Enfin, certains postes comme les services de télécommunication deviennent à leur tour incompressibles. Or les baisses de prix observées dans ces secteurs ne sont pas assez rapides pour compenser les hausses en volume.

La hausse du prix de ces produits n'est que partiellement reflétée par les indices synthétiques. L'indice des prix à la consommation de l'INSEE, calculé pour l'ensemble des ménages et pour la France entière, n'a augmenté que de 2 % entre octobre 2006 et octobre 2007. La hausse est cependant de 2,5 % pour les services et de 5,2 % pour l'énergie. Selon l'indice de référence de l'INSEE, les loyers ont augmenté au deuxième trimestre 2007 de 2,76 % par rapport au deuxième trimestre 2006. Leur hausse a atteint 2,92 % en rythme annuel au premier trimestre 2007 et 3,23 % au cours du dernier trimestre.

Fait significatif, l'inflation sous-jacente, qui exclut les tarifs publics et les produits dont les prix sont volatils, est aussi en hausse sensible, de 1,6 % en octobre 2007 contre 1,2 % en octobre 2006.

C'est dans ce contexte que le salaire minimum augmente insuffisamment, si bien que le taux de pauvreté augmente. Le ralentissement de la croissance et les difficultés d'application du nouveau régime des heures supplémentaires soulignent votre erreur d'analyse. L'évolution des faibles rémunérations montre l'ampleur de l'injustice faite aux salariés modestes, au moment même où des avantages fiscaux considérables sont accordés aux plus favorisés.

Le récent rapport du CERC, intitulé « La France en transition, 1993-2005 », montre à la fois l'affaiblissement relatif du SMIC par rapport aux salaires minimums des autres États membres de l'Union européenne, l'augmentation du nombre de smicards et l’aggravation des inégalités salariales. Le salaire minimum est désormais supérieur à notre SMIC en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg, au Royaume-Uni et en Irlande. La France figure en outre parmi les États de l'Union où la proportion de salariés au salaire minimum est importante et en hausse.

Après avoir régressé de 1997 à 2002, la pauvreté croît de nouveau depuis 2004. Le recours au crédit s'est amplifié ; la proportion de ménages estimant leur charge d'endettement trop ou beaucoup trop élevée est passée de 12,9 % en 2001 à 14,1 % en 2005. Or la tendance est à la hausse des taux. Pour les offres de prêts personnels, les taux effectifs globaux sont compris entre 3,5 % et 8,5 %, et les taux des crédits renouvelables entre 3,9 % et 20,15 % !

Soutenir le pouvoir d'achat des ménages est donc un impératif d'équité, et ne peut se faire qu’au bénéfice de la croissance et des modes de transport alternatifs. C’est tout le sens de cette proposition de loi.

Il s’agit d’abord de redistribuer la rente des compagnies pétrolières pour financer le redéploiement des transports. Nous proposons une taxation supplémentaire de la rente pétrolière – qui s'est encore accrue avec la flambée des prix du pétrole – dès 2008. La taxation de ces profits d'aubaine s'impose pour permettre leur redistribution aux ménages et financer une politique de réduction de la dépendance pétrolière. Nous la réclamons d’ailleurs depuis plusieurs années : une proposition de loi en ce sens a été déposée sur le bureau de l'Assemblée le 13 juin 2006 par Didier Migaud et les membres du groupe socialiste.

Notre présente proposition institue à compter du 1er janvier 2008 une surtaxe des résultats des sociétés de première transformation du pétrole et de distribution des carburants issus de cette première distribution lorsque leur bénéfice imposable augmente de plus de 20 % par rapport à l'année précédente. Cela incitera les entreprises concernées à modérer la progression de leurs marges, sans obérer leurs capacités d'investissement.

Nous proposons en deuxième lieu un nouveau chèque transport pour le pouvoir d’achat et l’environnement. Celui que vous avez créé par la loi du 30 décembre 2006 est en effet – de l’aveu même du Premier ministre – un échec en raison de son caractère facultatif.

M. Jérôme Cahuzac – Très bien.

M. Jean Launay, rapporteur – Ce texte prévoit donc l’ouverture d’une négociation nationale et interprofessionnelle avant le 1er janvier 2008 pour instituer un chèque transport obligatoire, au profit de l'ensemble des salariés. Le bénéfice en ira aux transports collectifs de voyageurs et aux modes alternatifs à la voiture particulière – ramassage par les entreprises ou groupes d'entreprises, ramassage scolaire, covoiturage. La négociation préalable sensibilisera la collectivité à la nécessaire modification des comportements.

Nous entendons en troisième lieu favoriser la réduction des émissions de dioxyde de carbone des transports aériens et financer le redéploiement des transports. Les transports aériens étant à l’origine de 4 % des émissions, cette question se pose nécessairement. L’exonération de TIPP des carburéacteurs s’est traduite par une dépense fiscale de 1 395 millions d'euros en 2006, dépense qui pourrait atteindre 1 430 millions d'euros en 2007. L'article 24 de la convention de Chicago interdit la taxation du carburéacteur contenu dans les cuves des avions d'un État contractant à leur arrivée dans un autre État contractant. Par extension, le carburéacteur n'est pas non plus taxé sur les vols intérieurs. Cependant, la convention n’interdirait semble-t-il pas de supprimer l'exonération dans ce cas. C’est donc ce que nous proposons. Si des négociations se révélaient nécessaires dans le cadre du renouvellement éventuel de la convention, la mesure pourrait être appliquée d'abord aux vols intérieurs, puis aux vols intracommunautaires.

Notre quatrième proposition consiste à augmenter la taxe sur les voitures particulières les plus polluantes. Le texte propose de décourager l'achat de véhicules à fortes émissions de C02 en renforçant la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules, dont le produit est affecté à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ADEME. Le tarif de la tranche supérieure serait relevé de 50 % pour les voitures particulières faisant l'objet d'une réception communautaire ou d'une puissance fiscale au moins égale à 15 CV. La mesure reste modérée, mais peut peser sur la décision d'achat de véhicules de forte cylindrée.

Nous entendons enfin éviter un effet d’aubaine pour l’État au détriment des consommateurs, et lisser les hausses de prix des carburants. La hausse du prix du pétrole constitue un prélèvement d’ampleur sur la richesse nationale et le budget des ménages. À l’inévitable ne doit pas s’ajouter une charge fiscale indue. Le texte prévoit donc le reversement des excédents de TVA perçue sur les produits pétroliers résultant uniquement de l'effet prix. Le coût de la TIPP flottante de 2000 et 2001 n'a pas été aussi élevé qu'on l’a dit. Celui de la réduction de la fiscalité pétrolière pratiquée en 2001 provient principalement des réductions de TIPP sur certains produits pétroliers. D’autre part, ce qui était nécessaire pour un pétrole à 32 dollars l'est plus encore aujourd’hui, avec des prix trois fois plus élevés. Dans une telle situation, le reversement des excédents de TVA est même la moindre des choses que les pouvoirs publics puissent faire pour les ménages. Nous proposons donc une baisse de la TIPP à raison de l'augmentation de la TVA, qui neutralise l'effet de la fiscalité sur les prix des carburants.

Ce texte, travaillé de façon approfondie et qui s'inscrit dans le cadre plus large des propositions du parti socialiste, s’impose dans un contexte alarmant de hausse des prix des carburants et de ralentissement de la croissance. Nous proposons des mesures efficaces, qui tiennent compte de la structure des transports dans notre pays comme de la nécessité de lutter contre l'effet de serre. Les orateurs suivants présenteront les amendements et les autres mesures, touchant aux revenus, aux prix et au logement. En tant que rapporteur, je ne peux que souhaiter que cette proposition soit discutée au fond, car les Français ne peuvent plus s’accommoder de manœuvres dilatoires (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – Je vous ai laissé plus que le double de votre temps de parole, mais s’agissant d’une proposition de loi, cela m’a semblé nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan – Nous nous accordons tous à juger que la question du pouvoir d’achat est centrale, et que nos concitoyens ont le sentiment qu’il tend à diminuer – un sentiment corroboré par des chiffres tout à fait réels. C’est la raison pour laquelle le groupe SRC a déposé cette proposition de loi. J’insiste sur le fait que nos observations doivent s’appuyer sur des données fiables, et je propose d’utiliser, Monsieur le ministre, celles de votre ministère. Il n’y a en effet rien de pire que les querelles de chiffres. Concentrons-nous donc sur des données objectives.

Il est des évidences qu’il faut rappeler de temps en temps. Je commencerai donc par dire que notre capacité à influer sur le pouvoir d’achat dépend directement de la politique économique, industrielle, budgétaire et fiscale que nous menons. Et sur ce point, nous avons la chance de disposer de deux études récentes : celle de l’École d’économie de Paris et le portrait social 2006 de la France de l’INSEE. Trois constats en ressortent.

Le premier est celui d’une aggravation des inégalités. Alors que les chiffres faisaient plutôt état d’une atténuation entre 1996 et 2002, les deux études montrent que les inégalités de salaires et de revenus s’accroissent depuis, et que le combat contre les inégalités a tendance à reculer. Le deuxième constat est celui d’un affaiblissement de la redistribution. C’est la conséquence directe des politiques budgétaires et fiscales conduites depuis 2002. La baisse des impôts progressifs a davantage profité aux ménages les plus aisés, alors que les prestations qui bénéficient aux plus modestes n’ont que très peu augmenté. D’où le dernier constat : le pouvoir d’achat évolue défavorablement.

Vous le dites vous-même, Monsieur le ministre : le pouvoir d’achat évoluera en 2008 moins favorablement que cette année. C’est dire la confiance que vous avez dans votre politique ! Le rapport économique et financier prévoit de fait une augmentation de 2,5 %, contre 2,8 % en 2007 – et une moyenne de 3,2 % pour la période 1998-2002 ! C’est un des mystères que nous n’avons pas résolus, d’autant que vous n’avez jamais répondu à nos questions : comment pouvez-vous admettre cette évolution et, dans le même temps, soutenir que votre politique sera efficace, en matière de croissance et de salaires ?

M. Jean Glavany – Ils n’y croient pas eux-mêmes !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Ce n’est d’ailleurs pas le seul paradoxe de vos discours. Ainsi, l’on entend souvent affirmer que les 35 heures auraient provoqué un blocage des rémunérations, mais vos propres chiffres contredisent cette idée. Un seul exemple : le salaire horaire ouvrier a progressé de 5,3 % en 2000 et de 4,2 % en 2001 – le chiffre de 2000 étant d’ailleurs le meilleur depuis vingt-deux ans ! –, mais, depuis 2002, ce taux n’a jamais dépassé 3 %. Quel contraste entre ces chiffres officiels et les discours tenus de votre côté de l’hémicycle !

M. Patrick Roy – Face aux chiffres, la droite reste sans voix !

M. Bernard Deflesselles – Comparaison n’est pas raison !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Entre 1998 et 2002, le revenu moyen a augmenté en moyenne de 1,4 % par an, et le revenu médian de 1,1 %. Depuis, c’est une quasi-stagnation. Alors, s’il y a rupture, c’est bien de notre côté qu’elle se trouve ! Car, malgré les déclarations du Président de la République, la politique que vous conduisez est dans la continuité la plus absolue avec celle de la période 2002-2007, qui nous a conduits à ces résultats incontestables : l’aggravation des inégalités et la détérioration de la redistribution et du pouvoir d’achat.

Alors, que faire ?

M. Patrick Roy – Changer de président !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Il faut une vraie rupture. Il faut changer de politique économique et sociale, pour soutenir une croissance durable et lutter contre les inégalités. Pour cela, il faut bien articuler la politique de l’offre et de la demande – en commençant par mettre au point la définition de ces politiques. Votre politique de la demande, illustrée entre autres par la loi TEPA, redistribue certes du pouvoir d’achat, mais à ceux qui en ont déjà. Or on ne peut attendre les mêmes résultats selon que l’on augmente de façon significative la prime pour l’emploi ou que l’on verse 50 000 euros à 2 398 contribuables ! Nos propositions visent donc à réorienter la politique de la demande en faveur de ceux qui en ont le plus besoin. Quant à la politique de l’offre, il est clair qu’il faut soutenir la compétitivité de nos entreprises et créer le meilleur environnement possible pour elles, mais vous ne faites pratiquement rien pour cela. Hormis le crédit impôt recherche, une mesure que beaucoup ont saluée…

M. Bernard Deflesselles – Tout de même !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – …que faites-vous réellement pour soutenir l’exportation ou aider nos entreprises ? Et pourtant, en nombre d’aides aux entreprises, nous sommes certainement champions ! La clef est de rendre ces aides conditionnelles, en les subordonnant au respect d’objectifs fixés par les pouvoirs publics. La même conditionnalité doit s’appliquer en matière des cotisations sociales et d’impôt sur les sociétés.

Il faut aussi trouver un juste équilibre entre fiscalité des revenus et du travail, entre fiscalité progressive et fiscalité proportionnelle. Hélas, en la matière, votre politique ne fait qu’aggraver les inégalités (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Agir sur les prix et la consommation, comme vous nous l’avez proposé dans votre dernier projet, ne suffit pas. Il est d’autant plus important de ne pas gaspiller l’argent public que nos marges de manœuvre sont étroites. La France a beaucoup d’argent, mais il est mal réparti. La réforme est certes nécessaire, mais elle ne sera efficace que si elle est juste. Précisément : il n’y aura pas de justice sans amélioration du pouvoir d’achat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme Le pouvoir d’achat est au cœur de l’action du Gouvernement.

M. Patrick Roy – Impossible : on s’en serait aperçu !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Nous avons donc décidé d’agir sur les revenus d’une part, sur les prix de l’autre.

Les partenaires sociaux réunis le 23 octobre dernier ont constaté que le pouvoir d’achat dépendait étroitement de l’emploi. Il faut créer des emplois durables et permettre à ceux qui travaillent déjà de gagner davantage. À cet égard, la loi TEPA et la loi de finances pour 2008 affecteront directement la croissance, pour réduire le décalage qui nous sépare de nos voisins. Songez qu’avec une population comparable, la Grande-Bretagne compte quatre millions de salariés de plus que la France ! Seules des mesures volontaristes telles que le triplement du taux du crédit impôt recherche permettront de stimuler une croissance durable, nécessaire à l’amélioration du pouvoir d’achat. De même, il faut moderniser le marché du travail. Les partenaires sociaux y réfléchissent depuis le 17 septembre dernier, à l’initiative du Gouvernement. Si nous ramenons le taux de chômage à 5 % environ – soit le niveau de la plupart des pays développés – d’ici à 2012, nous aurons donné du travail à 800 000 de nos concitoyens ! Voilà un gage d’amélioration du pouvoir d’achat. Quant aux salaires, la loi TEPA propose à ceux qui le souhaitent de travailler davantage en bénéficiant d’exonérations qui permettront par exemple à un employé touchant le SMIC qui passerait de 35 à 39 heures hebdomadaires de gagner 182 euros supplémentaires par mois, soit deux mois de salaire de plus en fin d’année ! Huit millions de nos concitoyens sont concernés, souvent parmi les plus modestes, contrairement à ce que certains prétendent. Le Gouvernement ne s’en tient pas là : nous réfléchissons avec les partenaires sociaux à la possibilité de subordonner les allégements de charges dans les entreprises à l’ouverture d’une négociation salariale, ou encore à un nouveau mode de fixation du SMIC. Par ailleurs, afin de permettre à ceux qui travaillent de percevoir des revenus supérieurs à ceux de l’assistance, M. Hirsch a lancé l’expérimentation du RSA, qui mérite le soutien de l’Assemblée entière.

Il faut aussi agir sur les prix, dont M. Sarkozy disait déjà en 2004 qu’ils sont plus élevés en France que chez nos voisins. Plusieurs réformes importantes ont donc été envisagées, dont le texte que je vous ai proposé cette semaine, qui donnera plus de transparence et favorisera la concurrence dans des domaines aussi importants pour le budget des ménages que l’alimentation ou les télécommunications.

De son côté, le groupe SRC nous soumet une proposition de loi. Je m’en réjouis : le débat est toujours souhaitable, quelles que soient nos divergences. De quoi s’agit-il ? L’article premier de votre texte tend à une surtaxation des entreprises pétrolières.

M. Jean Launay, rapporteur – De la rente pétrolière !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Le Gouvernement, quant à lui, préfère la concertation avec lesdites entreprises, ce qui porte déjà ses fruits puisqu’elles se sont engagées à investir 500 millions supplémentaires, d’ici à 2010, dans les énergies alternatives. Total, par exemple, proposera dès cette année du bioéthanol dans plus de 250 stations-service et investira ces trois prochaines années trois milliards dans le raffinage et la recherche (M. Cochet s’esclaffe). Par ailleurs, lors d’une réunion à Bercy le 10 novembre dernier, les distributeurs se sont engagés à maintenir les prix au plus bas en acceptant des marges minimales et les producteurs, dont Total, à lisser l’augmentation des prix en cas de hausse erratique des cours. C’est ainsi que le marché français est l’un des plus concurrentiels, les prix étant inférieurs à la moyenne européenne.

L’article 2 concerne le rétablissement de la TIPP flottante. J’admire votre constance à le réclamer, mais pourquoi persévérer dans l’erreur ? C’est une mesure illisible, complexe et onéreuse. Elle a coûté 2,7 milliards entre octobre 2000 et juillet 2002, pour un impact sur les prix à la pompe toujours inférieur à trois centimes par litre. La commission indépendante chargée d’évaluer l’impact de la hausse des prix du pétrole sur les finances publiques a rappelé combien l’État y perdait : en cas de hausse des prix, la baisse de la TIPP, assise sur les volumes, est plus importante que la hausse de la TVA, assise sur la valeur. Le manque à gagner atteignait 629 millions en 2006 !

Face à la hausse des prix du pétrole, qui dépend de facteurs structurels, les économies occidentales doivent s’adapter. Nous avons changé d’époque ! Je vous renvoie aux conclusions du Grenelle de l'environnement.

L’article 3 repose sur le constat d’échec du chèque transport instauré par la loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié du 30 décembre 2006.

M. Jean Launay, rapporteur – Le Premier ministre a reconnu lui-même cet échec !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Nous sommes d'accord, mais on ne saurait résoudre le problème en ajoutant un nouveau dispositif au chèque transport, mais aussi à l’aide au transport propre à la fonction publique. Attendons plutôt les conclusions de la mission confiée le 31 octobre dernier par Christine Lagarde et Dominique Bussereau au vice-président du Conseil général des Ponts et chaussées afin d’établir un diagnostic sur l’échec du dispositif actuel et de formuler des recommandations.

Après le rétablissement de la TIPP flottante, l’article 4 formule une autre proposition récurrente, tout aussi irréaliste : la suppression de l'exonération de TIPP des carburéacteurs. Mais, compte tenu de l’exonération du carburant utilisé pour les vols internationaux, que nous impose la convention de Chicago – sauf pour les vols intracommunautaires lorsqu’un accord bilatéral existe –, seuls les vols nationaux pourraient être taxés ! En revanche, l’instauration de régimes de permis d'émission de gaz à effet de serre pour les compagnies aériennes, qu’envisage la Communauté européenne, ne porterait pas atteinte aux opérateurs nationaux. La fiscalité n'est donc peut-être pas le meilleur moyen de parvenir à votre objectif.

Quant à l’article 5, qui propose de créer une taxe additionnelle à la taxe sur les cartes grises, nous sommes d’accord sur le fond, mais divergeons sur la méthode et sur le calendrier, puisque le groupe de travail issu du Grenelle de l’environnement l’étudie encore.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, votre proposition de loi appelle un avis défavorable du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Roy – C’est scandaleux !

M. Jérôme Lambert – Les Français s’en souviendront !

M. Bernard Deflesselles – Ils ne se souviendront pas de vous, en tout cas ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous passons à la discussion générale.

M. Patrick Roy – Le ministre n’a parlé ni des franchises médicales, ni des retraites, ni des loyers ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Monsieur Roy, laissez votre président de groupe s’exprimer.

M. Jean-Marc Ayrault – Puisque le Président de la République doit parler ce soir de la crise du pouvoir d'achat, c’est aussi lui que le groupe SRC interpelle à travers vous, Monsieur le ministre, et à travers votre majorité.

Que reste-t-il de votre printemps présidentiel ? Que reste-t-il de vos hymnes au travail, au mérite, à l'effort ?

M. Bernard Deflesselles – Quel romantisme !

M. Jean-Marc Ayrault – Sept mois ont passé : la France a retrouvé sa tête des mauvais jours…

M. Bernard Deflesselles – C’est vous qui avez la tête des mauvais jours !

M. Jean-Marc Lefranc – Que reste-t-il du parti socialiste ?

M. Jean-Marc Ayrault – Le renouveau promis devient stagnation économique et les réformes s'enlisent dans les conflits et la confusion.

« Il n'y aura pas d'austérité », promettiez-vous. Pourtant, l'austérité s'est installée dans les foyers, elle assèche les pompes à essence, elle vide les caddies, elle augmente les quittances de loyer. Dans la France de M. Sarkozy, les dépenses contraintes – loyer, nourriture, déplacements – représentent 70 % du revenu moyen, un quart des salariés ne peuvent boucler la dernière semaine du mois et des centaines de milliers de personnes qui travaillent et perçoivent un salaire n'ont plus assez pour se loger.

Cette austérité est aussi, hélas, votre œuvre : c’est vous qui avez refusé un Grenelle salarial réunissant les partenaires sociaux, qui relevait à vos yeux d’une conception soixante-huitarde et archaïque. C'est vous qui avez refusé d'augmenter le SMIC et la prime pour l'emploi… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Deflesselles – Nous avons augmenté la PPE au cours des cinq dernières années ! Faites un effort de mémoire et de vérité !

M. Jean-Marc Ayrault – …ce qui risquait selon vous d’écraser la pyramide salariale. C’est vous qui avez instauré une nouvelle taxe sur les malades : les franchises médicales, à propos desquelles nous attendons la décision du Conseil constitutionnel, mais que les Français désapprouvent déjà. C'est votre gouvernement qui a désindexé de l’inflation les pensions de retraites, les allocations familiales et les aides au logement !

M. Patrick Roy – Scandaleux !

M. Jean-Marc Ayrault – Voilà votre politique : une politique low cost, au rabais !

« On ne peut distribuer que les richesses que l'on produit », objecte le Premier ministre (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Franck Gilard – C’est une évidence !

M. Jean-Marc Ayrault – La belle affaire ! Le premier geste du Gouvernement a pourtant été de distribuer 15 milliards aux rentiers, à l’économie dormante ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; « C’est faux ! » et protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrice Verchère – Mensonge !

M. Jean-Marc Ayrault – Dites-le à vos électeurs ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Où est l'équité ? Où est l'exemplarité ? Où sont les valeurs du travail et du mérite que vous prétendiez réhabiliter ? L'effort que vous invoquiez a été entièrement supporté par la France qui se lève tôt, qui travaille dur et qui gagne peu…

Un député du groupe UMP – Grâce à vos amis syndicalistes !

M. Jean-Marc Ayrault – …alors que le sommet de la pyramide sociale en a été dispensé ! Les fortunés s'abritent sous le bouclier fiscal pour ne plus payer d'impôt (Approbation sur les bancs du groupe SRC ; protestations sur les bancs du groupe UMP), les compagnies pétrolières engrangent des milliards de bénéfices sans consentir le moindre effort et le Président s'octroie une augmentation de 170 % ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Lefranc – C’est ridicule et bas !

Plusieurs députés du groupe SRC – C’est juste !

M. Jean-Marc Ayrault – Je comprends que cela gêne les députés de la majorité !

M. Jean-Marc Lefranc – Et Mitterrand ?

M. Jean-Marc Ayrault – « Je serai le président du pouvoir d'achat » : malgré cette phrase magnifique entendue pendant la campagne, maintenant que vous détenez la présidence, le pouvoir d'achat, lui, n’est toujours pas au pouvoir ! On nous annonce un grand oral de rattrapage ce soir ; mieux vaut tard que jamais, mais, au nom du principe de précaution…

M. Bernard Deflesselles – Que vous ne respectez pas toujours !

M. Jean-Marc Ayrault – …méfions-nous des effets d’annonce, des mises en scène dont l’Élysée a coutume, d’un éventuel pourboire consenti d’en haut !

M. Fréderic Lefebvre – En fait de mise en scène, c’est vous qui donnez l’exemple ce matin !

M. Jean-Marc Ayrault – Nous vous demandons donc d’examiner une à une nos propositions. Vous venez, Monsieur le ministre, de vous y refuser, alors que vous pourriez y trouver l'inspiration qui vous a manqué au cours des derniers mois ! Ainsi la négociation salariale à laquelle serait subordonné l’octroi des aides aux entreprises – proposition qui aurait la faveur du Premier ministre, voire qui ferait son chemin jusqu'à l'Élysée – ne se limite pas à nos yeux à une négociation de salon, mais doit entraîner une véritable augmentation des salaires. C’est à cette condition que la dépense, estimée à 25 milliards, pourrait être efficace.

Au-delà d'un catalogue de mesures, nous demandons la réhabilitation du contrat social, un nouveau partage, juste et équilibré, des gains et des efforts, en somme un « donnant-donnant » entre l'État, les entreprises et les citoyens. Il s’agit d’abord de la reconnaissance du travail et de sa rémunération.

M. Jean-Marc Lefranc – Pour vous, c’est une nouveauté !

M. Jean-Marc Ayrault – Trouvez-vous normal que, ces dernières années, la part des salaires dans la richesse nationale diminue régulièrement et qu'aucune négociation salariale sérieuse n'ait eu lieu ces dernières années, ni dans le public ni dans le privé ?

M. Jean-Charles Taugourdeau – C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault – Que les salariés français, les plus productifs d'Europe, les plus attachés à leur entreprise…

M. Bernard Deflesselles – Ceux qui travaillent le moins, aussi !

M. Jean-Marc Ayrault – …n'en touchent pas les dividendes ? Comme pour l'environnement et l'insertion, nous demandons au Gouvernement et au Président de la République – puisque c’est lui qui décide ! – un Grenelle des revenus qui permette d’étudier l'augmentation du SMIC et des salaires, le déroulement des carrières, le paiement des RTT, les heures supplémentaires, les aides publiques aux entreprises (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous demandons également l’augmentation de 50 %, dès cette année, de la prime pour l'emploi, mesure que l'abrogation du bouclier fiscal permettrait de financer (Même mouvement).

M. Jean-Marc Lefranc – Nous avons été les seuls à augmenter la PPE !

M. Jean-Marc Ayrault – Comment sortir de la stagnation économique sans un compromis historique entre l'État, les partenaires sociaux, les entreprises et les salariés, sans de nouvelles règles du jeu qui concilient compétitivité et répartition, justice et efficacité ?

M. Bernard Deflesselles – C’est l’ordre juste ?

M. Jean-Marc Ayrault – Je le préfère à l’ordre injuste d’aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Trouvez-vous normal, vous qui êtes au pouvoir depuis six ans, que 5 millions de Français soient mal logés parce que certaines communes ne respectent pas leurs obligations en matière de construction sociale ? (Même mouvement) L’État doit se substituer à ces communes défaillantes pour appliquer la loi ! (Même mouvement) Parce que les Français qui n'ont pas les moyens de devenir propriétaires doivent consacrer plus d'un tiers de leurs revenus au paiement de leur loyer, nous demandons aussi l'encadrement pendant un an des loyers au niveau de l'inflation, en attendant de négocier avec les bailleurs et les locataires un « bouclier logement » qui limite la part du loyer et des charges au quart des revenus du ménage. Voilà deux propositions simples ; pourquoi refuser d’en discuter ?

L’aspect le plus choquant de la crise du pouvoir d'achat est l’augmentation des inégalités du fait de la hausse des prix. Monsieur Chatel, vous manquez d’audace ! Les amendements déposés par mes collègues vous feraient-ils peur ? Ce sont les classes populaires et les classes moyennes…

M. Jean-Marc Lefranc – Qui se sont détournées de vous !

M. Jean-Marc Ayrault – …qui subissent de plein fouet l'inflation des produits de première nécessité, des services et des tarifs de l'énergie. Ce sont les PME qui sont les premières victimes des pratiques déloyales des banques et de la grande distribution. Notre priorité, à nous, socialistes, est de protéger ces Français des excès du marché, de rendre à l'État son rôle régulateur, de permettre aux consommateurs de contrôler vraiment la formation des prix des produits et des services.

Qu'est-ce qui est le plus archaïque : taxer les profits pétroliers pour financer un chèque transport obligatoire ou privatiser le gaz, ce qui fait augmenter les tarifs de près de 10 % cette année ? Créer une action de groupe qui permettra aux consommateurs de se défendre des abus commerciaux ou procéder à la libéralisation complète des règles commerciales, comme le recommande la commission Attali, que vous vous apprêtez à suivre ?

On voit bien que le Président de la République est embarrassé, après avoir tant promis (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Chartier – Auriez-vous des informations ?

M. Jean-Marc Ayrault – Il paraît qu’il a lancé un concours d’idées dans la majorité… (Mêmes mouvements)

Je demande à l’Assemblée de ne pas interrompre le débat après la discussion générale, afin que l’on réponde à chacune de nos propositions. Si nous n’avons pas de réponses aujourd’hui, nous les réitérerons sous forme d’amendements au projet de loi de finances rectificative. Nous attendons aussi du Président de la République, qui parlera ce soir, qu’il ne les balaye pas d’un revers de main méprisant (Mêmes mouvements).

Plusieurs députés du groupe UMP – C’est vous qui êtes méprisant !

M. Jean-Marc Ayrault – Nos propositions sont justes, elles sont simples, elles sont financées, et notre démarche est guidée par la seule recherche de l’intérêt général. Vous pouvez les rejeter, c’est votre droit ; mais, si vous me permettez ce jeu de mots, ce serait surtout votre droite, dure et injuste, qui parlerait. Le pays mérite mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Yves Cochet – Mes collègues socialistes ayant déjà tenu beaucoup de propos très justes en matière sociale et économique, je voudrais insister dans cette intervention sur les problèmes énergétiques, cette proposition de loi visant à réagir à la hausse des prix des produits pétroliers.

Le paysage énergétique mondial est marqué par la prédominance des énergies fossiles, qui représentent plus de 84 % de l’énergie primaire ; et 40 % de l’énergie primaire, c’est le pétrole : celui-ci est donc la grande énergie du monde, d’autant que les prix des autres, le gaz par exemple, sont indexés sur le cours du baril à New York.

En France, on n’a pas de pétrole…

M. Jean-Marc Lefranc – …mais on a des idées !

M. Yves Cochet – Des idées, non, hélas, on n’en a pas beaucoup dans la majorité ! Et non seulement chez nous on n’a pas de pétrole, mais celui-ci représente 50 % de l’énergie finale.

Dans ce contexte, que penser des propositions du groupe socialiste ?

Le prélèvement sur les bénéfices de Total, j’y suis bien sûr favorable : en 2004 déjà, lors de la discussion de projet de loi d’orientation sur l’énergie présenté par M. Sarkozy, alors ministre des finances, et M. Devedjian, ministre délégué à l’industrie, j’avais défendu un amendement en ce sens.

L’article 3 sur le chèque transport est également très bon. C’était d’ailleurs une proposition du gouvernement de M. de Villepin ! La majorité ne devrait pas renier ce qu’elle soutenait il y a un an à peine…

La taxation du kérosène – article 4 –, est bien entendu souhaitable, notamment pour des raisons d’équité entre modes de transports ; on pourrait très bien organiser une négociation européenne sur ce sujet, d’autant plus que l’on envisagera très probablement des mesures de ce type dans les négociations qui vont bientôt s’ouvrir à Bali, tant le transport aérien participe à l’émission de gaz à effet de serre et au changement climatique.

L’article 5 sur la taxation des grosses cylindrées, j’y suis évidemment favorable aussi, car il faut préférer les petites voitures et favoriser les transports collectifs et ferroviaires.

Malheureusement, mes collègues socialistes ont fait une erreur.

Plusieurs députés du groupe UMP – Comme souvent !

M. Yves Cochet – Cette erreur, c’est de proposer l’article 2, sur lequel j’ai déposé un amendement de suppression – qui, j’espère, pourra être discuté.

En effet la TIPP flottante aurait pu marcher si le cours du baril faisait des mouvements de yoyo, mais ce n’est plus le cas : désormais, même s’il y a quelques oscillations hebdomadaires, nous sommes dans le monde de l’énergie chère, et pour toujours ! On ne peut donc pas parler comme le ministre de la « flambée actuelle » du prix du pétrole : bientôt, on sera nostalgique d’un pétrole à 100 dollars le baril ou d’un litre d’essence à 1,50 euro ! D’ailleurs, comment le Gouvernement et sa majorité ont-ils pu, pour construire la loi de finances pour 2008, retenir l’hypothèse d’un prix moyen du baril à 73 dollars ? Quel aveuglement ! Je suis prêt à prendre avec vous, Monsieur le ministre, le pari que nous serons au-dessus de 100 dollars, et donc que vous vous trompez de plus de 50 % – ce qui fera des dizaines de milliards d’euros en plus sur la facture ! Soyons réalistes.

M. Bernard Deflesselles – Dites-le à vos amis socialistes !

M. Yves Cochet – Cette situation résulte non seulement de l’augmentation de la demande mondiale, mais aussi de données géologiques, qui entraînent la décroissance de la production. La fête pétrolière est finie pour toujours !

Je reviens à la TIPP flottante.

M. Jean-Claude Flory – Expliquez-leur bien !

M. Yves Cochet – D’abord, donc, puisque le prix du pétrole ne va plus cesser de monter, les hausses et les baisses ne vont plus s’équilibrer.

Ensuite, contrairement à ce qui est écrit dans l’exposé des motifs de ce texte, quand le prix de l’essence augmente, l’État ne s’en met pas plein les poches. En effet, non seulement il y a une petite élasticité de la demande par rapport au prix à la pompe, donc moins de rentrées de TIPP, mais en outre, sur les neuf premiers mois de 2007, il y a même eu moins de rentrées de TVA car il faut tenir compte non seulement du carburant, mais aussi du fioul domestique : or nos concitoyens, à juste titre, ont délaissé les chaudières à fioul au profit des chaudières à charbon. La vente de fioul domestique a ainsi baissé de 20 % ! De ce fait, sur ces neuf premiers mois, on a eu 654 millions de rentrées de TVA en moins.

Donc, il faudrait supprimer l’article 2.

Par ailleurs, il y a évidemment un problème de pouvoir d’achat car la hausse des prix va se propager. Un seul exemple : à la suite de la manifestation des marins-pêcheurs – qui ont besoin de mettre 40 000 litres de fuel pour sortir quinze jours avec un chalutier de 900 chevaux –, M. Barnier a pris une mesure de défiscalisation, mais elle sera répercutée dans le prix du poisson. Pour des raisons similaires, en Allemagne, le prix du litre de lait a augmenté de 25 % en un an ; et il en ira de même pour les autres produits alimentaires. L’inflation se propagera aussi aux autres secteurs.

Bien sûr, devant cette situation, il faut prendre des mesures volontaristes en faveur du pouvoir d’achat, et celles proposées par le groupe socialiste sont bonnes, sauf une. Mais il est possible que cela ne suffise pas. Il faut donc réfléchir aux moyens de résister à cette inflation.

Quand M. Sarkozy dit que les 3 % de croissance en 2008, il ira les prendre avec les dents, il est dans l’illusion ! Vivez dans le monde réel, camarades de la majorité, et adoptez les propositions du groupe socialiste sauf une ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Marc Vampa – Le pouvoir d’achat fut l’un des thèmes centraux de la campagne présidentielle, car cette question est au cœur des préoccupations des consommateurs, des entreprises et des pouvoirs publics. Les Français attendent de nous…

Plusieurs députés du groupe SRC – Ça, pour attendre, ils attendent !

M. Marc Vampa – …des propositions concrètes. Aussi, le groupe Nouveau Centre regrette-t-il qu’un dossier aussi fondamental soit abordé d’une manière aussi caricaturale.

Pour nous, les mesures en faveur du pouvoir d’achat ne doivent pas provoquer une nouvelle dégradation de nos comptes publics ; en outre, elles ne pourront avoir un effet positif sur la croissance que si elles s’accompagnent d’une amélioration de notre compétitivité. Compte tenu de la situation dégradée de nos finances publiques et du rôle central que jouent les entreprises dans la répartition primaire des revenus, les mesures de la proposition socialiste sont irréalistes et contreproductives.

Il en est ainsi de la proposition de taxer les profits des compagnies pétrolières (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Leurs profits étant réalisés sur les lieux de production, toute surtaxation risque de provoquer des délocalisations. Quant à l’instauration de la TIPP flottante, elle avait entraîné d’importantes pertes de recettes fiscales, à l’époque compensées par une hausse de la TVA sur les carburants. Aujourd’hui, cette compensation n’existe plus, puisque les recettes de TVA sur les carburants diminuent également. Ainsi, en dix mois, les pertes de recettes liées à la TIPP se sont élevées à 646 millions ; en année pleine, elles devraient excéder 800 millions…

M. Henri Emmanuelli – Il ne fallait pas distribuer 15 milliards, alors !

M. Marc Vampa – La cause principale de cette évolution réside dans la chute de 20 % de la consommation de fioul domestique.

Plus globalement, la baisse de la fiscalité sur les carburants n'est pas judicieuse, dans la mesure où nos finances publiques ne pourraient soutenir un manque à gagner supplémentaire.

M. Patrick Roy – Parlez-nous des 15 milliards gaspillés !

M. Marc Vampa – En effet, l'État devrait en supporter le coût, ce qui alourdirait encore le poids de la dette publique. Enfin, le chèque transport serait financé par toutes les entreprises sur le principe de la contribution des employeurs à la carte orange en Île-de-France. Une telle mesure affecterait la compétitivité de nos entreprises, ce qui est contraire à l’effet recherché. Toute distribution de pouvoir d'achat artificielle se retournera contre l'emploi. Si l'on augmente brutalement le prix du travail, on fera disparaître encore des emplois.

Cette proposition de loi est donc davantage marquée du sceau de l'idéologie que de celui du pragmatisme. Afin d'apporter une contribution claire et constructive au débat sur le pouvoir d'achat, le Nouveau Centre souhaite faire quelques propositions.

M. François Hollande – C’est Soisson qui a écrit votre discours ?

M. Marc Vampa – En premier lieu, la loi TEPA comporte des mesures positives, comme la détaxation des heures supplémentaires. De la même manière, la récente loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs contient plusieurs dispositions en faveur du pouvoir d'achat, dont la gratuité du temps d'attente ou la non-surtaxation des hotlines.

Ensuite, le Nouveau Centre souhaite libérer l'épargne salariale, en la rendant plus fluide et davantage mobilisable par les ménages.

Enfin, il convient d’inciter à la modération des tarifs publics, surtout au vu des résultats d'exploitation d'EDF-Gaz de France. Le Nouveau Centre est convaincu que seule une amélioration de la productivité des entreprises publiques permettra une véritable stabilisation des tarifs publics.

M. Henri Emmanuelli – Vous n’avez donc pas vu les bénéfices de Gaz de France. Vous êtes grotesque !

M. Marc Vampa – La clé absolue pour relancer le pouvoir d'achat, c'est d'améliorer la compétitivité des entreprises. Sans un surcroît de compétitivité, une relance du pouvoir d’achat aboutirait à une hausse des importations.

M. Frédéric Cuvillier – Il est contre le pouvoir d’achat ! C’est incroyable ! Diffusez votre texte dans votre circonscription !

M. Marc Vampa – Il est donc indispensable d’intensifier l’effort en recherche-développement, de renforcer le pouvoir d’attraction de notre territoire, d’adopter un small business act à la française (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), de renforcer notre positionnement sur les produits à très forte valeur ajoutée – ce qui permettra d'augmenter nos exportations – et d'améliorer notre balance commerciale.

M. Frédéric Cuvillier – Vous ne croyez même pas à ce que vous racontez !

M. Marc Vampa – …qui accusera cette année un déficit de 30 milliards.

M. Patrick Roy – À qui la faute ?

M. Marc Vampa – Nos parts de marché reculent dans le monde, mais aussi en Europe.

En conclusion, le Nouveau Centre estime qu'à court terme, il est nécessaire d’adopter tout un arsenal de mesures propres à desserrer la contrainte des ménages.

Il faut réussir à baisser les prix secteur par secteur : dans les télécommunications, les banques, le logement… À long terme, notre pays a besoin de gagner en compétitivité et de créer les conditions qui permettront d'accélérer la croissance économique.

M. Henri Emmanuelli – 100 milliards de bénéfices au CAC 40 !

M. Marc Vampa – Le partage entre les salaires et les profits devra être plus favorable aux salariés.

M. Frédéric Cuvillier – C’est bien, mais vous dites tout et son contraire !

M. Marc Vampa – Enfin, il ne faut pas oublier que l’amélioration du pouvoir d'achat des Français passe par une réduction ciblée des dépenses publiques, et par une meilleure gouvernance de l’État.

Vous le voyez, la question du pouvoir d'achat est complexe, lourde et essentielle pour chacun de nos compatriotes. C'est pourquoi le Nouveau Centre ne peut que regretter la démagogie socialiste…

Mme Annick Lepetit – Nous vous renvoyons le compliment !

M. Marc Vampa – …sur un thème où chacun d'entre nous devrait s’appliquer à faire des propositions réalistes et constructives. En ce qui nous concerne, nous faisons au moins trois propositions sérieuses de relance du pouvoir d'achat sans que cela dégrade nos finances publiques.

M. François Hollande – On vous écoute !

M. Marc Vampa – Parce que la croissance économique et la réduction de l'endettement publique vont de pair, le Nouveau Centre est en désaccord avec les mesures présentées par le groupe socialiste. Il votera donc contre cette proposition de loi (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; rires sur les bancs du groupe SRC).

M. Frédéric Lefebvre – Quand j’ai su que le parti socialiste inscrivait une proposition de loi sur le pouvoir d’achat, je me suis dit qu’il se passait quelque chose ! Les observateurs sont unanimes et vous vous le dites entre vous depuis des mois : le PS ne propose plus rien…

M. Henri Emmanuelli – Occupez-vous de vos affaires !

M. Fréderic Lefebvre – Treize propositions : bravo ! Cela mérite d’être salué. Mais à l’issue d’une lecture détaillée, j’ai dû m’y résoudre : il ne s’est rien passé du tout.

M. Henri Emmanuelli – Pauvre garçon !

M. Fréderic Lefebvre – L’UMP ne peut qu’être d’accord avec certaines de vos propositions, puisque ce sont les nôtres ! Si les salaires sont plus bas en France que dans les pays européens comparables, c’est notamment à cause des 35 heures (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP). Le PS se découvre subitement une vocation à augmenter le pouvoir d’achat. Or vous savez bien que vous portez une lourde responsabilité dans la stagnation des salaires (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). En 1999 et 2000, lorsque vous avez parachevé la réforme des 35 heures, notre pays bénéficiait d’une croissance inespérée, de l’ordre de 3 ou 4 %. Las, en deux ans, tous les salaires ont chuté de 1 % en moyenne, à cause de votre décision de les bloquer du fait des 35 heures. Cette erreur historique, le pays la paie encore. Vous vous réveillez et nous ne pouvons pas vous en blâmer.

M. Patrick Roy – C’est un discours idéologique !

M. Fréderic Lefebvre – Vous prétendez taxer le prétendu « superprofit » des compagnies pétrolières : c’est une mesure d’affichage. Il serait plus intéressant économiquement de regarder le taux de profit ou le retour sur investissement du groupe Total, puisque vous ne visez que lui. Avec un chiffre d’affaires de 154 milliards en 2006, le taux de profit de Total s’établit à 8 % : ce n’est pas si exceptionnel ! Regardez d’autres secteurs : 29 % de marge nette pour l’entreprise pharmaceutique Roche, 8,2 % pour Renault, 16,2 % pour LVMH. Selon les analystes financiers, le chiffre d’affaires de Total est même en baisse.

M. Jean Launay, rapporteur – On va pleurer.

M. Fréderic Lefebvre – Je veux dire aux socialistes qu’il faut voir le monde réel. Le monde économique ne fait pas de cadeaux. La concurrence règne à tous les niveaux. Le groupe Total ne vit pas dans un système fermé. Vous oubliez les récentes consolidations européennes des grandes entreprises françaises qui ont bouleversé les dimensions économiques.

M. Henri Emmanuelli – N’importe quoi !

M. Fréderic Lefebvre – Souvenez-vous, Monsieur Emmanuelli, que ce sont MM. Strauss-Kahn et Fabius qui ont ouvert les discussions avec les entreprises pétrolières, comme Christine Lagarde le fait actuellement. Vous avez décidément perdu la mémoire !

La fusion entre Total et Elf a permis de construire un champion mondial, que vous voulez affaiblir aujourd’hui.

M. Yves Cochet – Mais Total rachète ses propres actions !

M. Fréderic Lefebvre – Comme l’a rappelé M. Cochet, le marché du pétrole est devenu mondial et très concurrentiel. La demande de pétrole est telle que les capacités mondiales sont saturées. Or cela fait une quinzaine d’années que Total a choisi d’investir en priorité en exploration-production. Un tel choix d’investissement n’était, à l’époque, pas évident. Qui aurait dit alors qu’il y aurait un jour un groupe pétrolier français parmi les cinq premiers mondiaux ? Vous le savez, la France n’a pas le droit de taxer les revenus et les investissements à l’étranger. Taxer ainsi les compagnies pétrolières aboutirait donc à taxer Total.

M. Henri Emmanuelli – Il ignore même que Total est sous le régime des bénéfices mondiaux !

M. Fréderic Lefebvre – Vous voulez taxer sans comprendre la réalité économique. Au reste, comprenez-vous la réalité tout court ? Taxer, vous n’avez que ce mot à la bouche. Le groupe Total fait des profits indispensables à l'investissement et il y a une vraie culture du partage dans ce groupe. L'actionnariat salarié est érigé comme principe moteur de la productivité et de la performance.

M. François Hollande – Quel monde parfait !

M. Fréderic Lefebvre – Puisque vous vous intéressez au profit, intéressez-vous aussi à sa distribution : BP a vendu tous ses actifs en France et Shell est en train de le faire. Ne faites pas fuir les grandes entreprises ! Les entreprises liées au pétrole emploient 70 000 salariés en France, qu'en faites-vous ? L'important est que les grandes entreprises gardent leurs sièges sociaux en France et y paient leurs impôts.

Votre proposition, c'est de la poudre aux yeux ! Elle doit donc être écartée (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Vous voulez instaurer un mécanisme de lissage des hausses brutales du prix du pétrole : c’est votre fameuse TIPP flottante. J’y reviens, même si M. Cochet a parfaitement expliqué combien cette proposition était absurde et démagogique. Quelle est la situation ? Les cours du brut sont en progression régulière, ce qui entraîne une augmentation continue des prix à la pompe. Cependant, cette augmentation est partiellement amortie par l'appréciation de l'euro face au dollar…

M. Henri Emmanuelli – Caricature !

M. Fréderic Lefebvre – Venant de vous, le qualificatif m’amuse ! Les prix français restent inférieurs à la moyenne européenne : le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie sont bien au-dessus !

Quelle est la priorité du Gouvernement ? Si la hausse observée est significative, le budget des ménages en est cependant moins affecté que dans le passé.

M. Jean Launay, rapporteurNous ne connaissons pas les mêmes ménages !

M. Fréderic Lefebvre – Dans les vingt dernières années, la part du budget des ménages consacrée aux carburants est passée de 4,5 % à 3,5 %.

Face à la hausse continue des prix du carburant, le Gouvernement a engagé des actions de court et long termes.

Les actions de court terme sont fondées sur la transparence de la fiscalité et sur la concurrence. Les conclusions des rapports successifs de la commission présidée par M. Bruno Durieux sont sans appel sur la TIPP flottante. Récemment à la télévision, M. Cochet a très bien expliqué combien il était difficile d’appliquer un dispositif aussi absurde. Les recettes de TIPP de l’État diminuent chaque année, et cette baisse n’est pas compensée par l’augmentation de la TVA.

M. Yves Cochet – C’est vrai !

M. Frédéric Lefebvre – La perte de fiscalité sur les produits pétroliers a été de 300 millions par an en moyenne. Si le produit de la TVA augmente, celui de la TIPP baisse plus vite : vous le savez, mais il est tellement plus facile de cacher la vérité aux Français.

L’arrivée sur le marché de la distribution d’essence des grandes surfaces a tiré vers le bas les marges, les plus faibles d’Europe. Mais il reste important de s’assurer qu’elles ne s’envolent pas au détriment du consommateur. C’est le rôle de Bercy, qu’ont assumé tous les prédécesseurs de Mme Lagarde. À cet égard, la fréquentation du site www.prix-carburants.gouv.fr, qui affiche les prix pratiqués par plus de 80 % des stations services, avec parfois jusqu’à 20 % d’écart, a explosé ces dernières semaines.

Préparer le long terme, c’est limiter la dépendance de notre pays aux hydrocarbures. Le Gouvernement a pris ses responsabilités, comme le montre l’organisation du Grenelle de l’environnement, et invite à privilégier, lorsque cela est possible, les moyens de transport alternatifs.

M. Yves Cochet – Très bien !

M. Frédéric Lefebvre – Le président a annoncé un vaste chantier visant à améliorer l’efficacité énergétique.

M. Jean-Marc Ayrault – Il n’ y a rien pour l’instant !

M. Frédéric Lefebvre – La mise en place de la TIPP flottante entre le 1er octobre 2000 et le 21 juillet 2002 avait coûté 2,7 milliards pour un impact à la pompe limité à 1,5 centimes par litre. Vingt régions ont augmenté la TIPP qu’elles perçoivent sur l’essence, ponctionnant ainsi 2 milliards sur le pouvoir d’achat des Français depuis 2004 (Protestations sur les bancs du groupe SRC). La TIPP a augmenté l’année dernière de 317 % (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) ! Deux régions, dont celle présidée par M. Rocca-Serra, ne se sont pas prêtées à ces augmentations sans précédent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Martin – Vous êtes des bandits de grand chemin qui ne financez pas les transferts !

M. Frédéric Lefebvre – Selon Alain Rousset, président de l’association des régions de France, maintenant que la hausse a été au maximum, les régions ne pourront plus toucher à la fiscalité pétrolière, sauf à la baisser. J’ai donc une proposition à vous faire : …

Mme Catherine Coutelle – Compensez les transferts de charges !

M. Frédéric Lefebvre – …baissez la part régionale de la TIPP qui a fait augmenter en 2007 les prix à la pompe de 10 centimes, et supprimez les taxes que vous avez créées depuis 2004 qui ont fait augmenter les impôts de 41 % en moyenne (Protestations sur les bancs du groupe SRC) !

M. Philippe Martin – Donnez-nous de l’argent pour compenser les transferts !

M. Frédéric Lefebvre – Vous osez faire croire aux Français que vous baisseriez la TIPP si vous étiez au Gouvernement. Ne les prenez pas pour des imbéciles !

Laissez-moi citer un absent dans cet hémicycle, Laurent Fabius : …

Mme Catherine Génisson – Il n’est pas à vos ordres !

M. Frédéric Lefebvre – …« Vu la situation, nous avons stabilisé la TIPP, et par ailleurs, alors que, par un mécanisme complexe – il veut parler de la TIPP flottante –, il y aurait dû y avoir un rattrapage du bonus, nous n’avons pas procédé à ce rattrapage afin de ne pas pénaliser les consommateurs ». Cherchez l’erreur ! Ce faisant, M. Fabius demandait un accord entre les consommateurs et les producteurs.

M. François Hollande – C’est normal.

M. Frédéric Lefebvre – Mme Lagarde, comme ses prédécesseurs de gauche, a réuni le 10 novembre les producteurs et les distributeurs pour leur demander de lisser les hausses de pétrole de façon négociée et non imposée.

M. François Hollande – Où est l’accord ?

M. Frédéric Lefebvre – Ils se sont engagés à ne pas tirer parti des hausses.

M. Henri Emmanuelli – Facile !

M. Frédéric Lefebvre – La TIPP flottante a été condamnée. M. Cochet est à nos côtés pour vous demander de retirer cette proposition ridicule.

M. Yves Cochet – Nous sommes d’accord (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Lefebvre – Vous voulez majorer de 50 % la prime pour l’emploi, alors que c’est notre majorité qui l’a fait (Protestations sur les bancs du groupe SRC). La prime a augmenté de 50 % depuis 2002 pour 4 millions de foyers proches du SMIC et de 90 % pour les 2,1 millions de personnes travaillant à mi-temps.

Vous voulez un chèque transport pour les salariés. C’est une bonne idée, puisque c’est la nôtre. Malheureusement, elle n’est pas applicable en l’état car les entreprises ne savent pas faire. Nous avons permis aux fonctionnaires de bénéficier d’un système équivalent. Je propose que les partenaires sociaux discutent de la faisabilité d’un système de soutien au transport dématérialisé, qui privilégierait les transports en commun.

Mme Catherine Coutelle – Absolument !

M. Frédéric Lefebvre – Merci de nous soutenir une fois de plus !

Vous voulez encadrer les loyers, alors que les bailleurs sont déjà obligés de limiter les augmentations à l’indice de référence des loyers. Je ne vous reprocherai pas de réfléchir à des pistes pour soulager les ménages, dont 20 % du budget est consacré au logement.

M. Henri Emmanuelli – Pour certains, c’est bien plus.

M. Frédéric Lefebvre – Dans le groupe de travail que j’anime avec Jérôme Chartier, nous cherchons à trouver un juste équilibre entre propriétaires et locataires en examinant notamment comment jouer sur les charges.

Vous voulez revenir aux tarifs réglementés de l’électricité et du gaz. Sans doute vous a-t-il échappé qu’une proposition de loi de sénateurs UMP, tendant à autoriser les consommateurs particuliers à revenir aux tarifs réglementés de l’électricité, vient d’être examinée en première lecture au Sénat. Je ne doute pas que votre groupe prendra sa part aux discussions, lorsqu’elle viendra à l'Assemblée nationale.

Vous souhaitez que les aides aux entreprises soient subordonnées aux négociations sur les salaires. Vous êtes donc d’accord avec l’UMP qui propose un bonus-malus, et vous soutenez la démarche de Mme Lagarde et de M. Bertrand. Le Gouvernement vient d’ailleurs d’utiliser ce système pour progresser dans l’égalité salariale hommes-femmes, domaine dans lequel nous attendons toujours les propositions du parti socialiste.

Vous voulez inciter les entreprises à moins recourir au travail précaire et au temps partiel, alors que celui-ci est parfois nécessaire à l’économie, grâce au même dispositif. Je constate que vous progressez sur l’idée de bonus-malus. Nous pouvons tous nous en féliciter.

Vous voulez faire baisser les prix dans la grande distribution en réformant les marges arrière. Mais alors, pourquoi n’avez-vous pas voté le projet de loi sur la concurrence et le pouvoir d’achat, qui consacre une avancée historique en la matière (Protestations sur les bancs du groupe SRC) ? Sur ce texte, la majorité et le Gouvernement ont prouvé qu’ils voulaient retenir les bonnes idées, d’où qu’elles viennent. À ce titre, je veux rendre hommage au talentueux président de la commission des finances, Didier Migaud, qui a présenté un amendement important, visant à limiter le coût du renseignement sur le téléphone mobile : celui-ci a été voté avec plaisir et entrain !

Notre démarche est donc ouverte. Gilles Carrez et Didier Migaud viennent d’ailleurs de prendre une nouvelle initiative sur les œuvres d’art. Si tout le groupe socialiste suivait l’exemple de Didier Migaud et de quelques autres, vous ne seriez pas dans cette situation aujourd’hui ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Michel Sapin – C’est l’hommage du vice à la vertu !

M. Fréderic Lefebvre – Vous réclamez l’abandon des franchises médicales, alors que le Président de la République a fait de la lutte contre la maladie d’Alzheimer, de la lutte contre le cancer et des soins palliatifs des priorités de son quinquennat. Le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer s’élève aujourd’hui à 850 000, et devrait dépasser les 2 millions en 2040.

M. Jean-Pierre Dufau – Qui va payer ?

M. Frédéric Lefebvre – Pour contribuer au financement de ces nouveaux besoins de santé publique, le Président de la République s’est engagé lors de sa campagne…

M. Frédéric Cuvillier – À taxer les malades !

M. Frédéric Lefebvre – …à instaurer des franchises médicales.

M. Patrick Roy – C’est scandaleux !

M. Frédéric Lefebvre – Afin de ne pas remettre en cause le principe de l’égal accès de tous aux soins (Protestations sur les bancs du groupe SRC), le Gouvernement a néanmoins veillé à ce que leur montant reste modeste : 50 centimes d’euro par boîte de médicaments et par acte médical, 2 euros pour les transports sanitaires et un plafonnement à 50 euros par an.

M. Jean Launay, rapporteur – Jusqu’à quand ?

M. Frédéric Lefebvre – Quand on fait de la politique, il faut savoir dire la vérité. L’avoir fait pendant la campagne nous honore. Je suis fier d’appartenir à une majorité qui a compris qu’il ne fallait pas prendre les Français pour des imbéciles ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; M. Roy s’exclame violemment)

M. le Président – Monsieur Roy, cela suffit ! Si vous continuez, je vous rappelle à l’ordre !

M. Frédéric Lefebvre – Si vous suiviez notre exemple, peut-être les Français vous écouteraient-ils à nouveau.

J’en reviens à vos propositions. En 2004, nous avons décidé de simplifier la collecte de la redevance audiovisuelle en l’alignant sur celle de la taxe d’habitation. Si cela a permis d’exonérer de redevance un million de contribuables, 750 000 autres – en majorité des personnes de plus de 65 ans – s’y sont vus soumis alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant. Dans un souci d’équité, la majorité a donc accepté de prolonger pendant trois ans le bénéfice des anciennes exonérations (« Et alors ? » sur les bancs du groupe SRC). Le groupe UMP vous l’a dit hier en commission, Gilles Carrez, rapporteur général, et Jérôme Chartier, porte-parole du groupe sur le budget, travaillent à des solutions avec le Gouvernement (Rires sur les bancs du groupe SRC).

M. Henri Emmanuelli – Vous n’avez pas peur du ridicule !

M. Frédéric Lefebvre – Contrairement à vous, l’affichage n’est pas notre style (Rires sur les bancs du groupe SRC) : s’ils travaillent, c’est pour aboutir à des solutions !

Vous nous proposez d’autre part de mettre en place la class action. Je ne doute pas que Luc Chatel vous confirmera la volonté du Gouvernement d’engager cette réforme qui fait actuellement l’objet d’une concertation avec nos voisins européens. Ne vous impatientez pas !

Vos propositions ont été examinées une par une. Nous avons même pris le soin d’en ajouter d’autres que vous n’aviez pas eu le temps de mettre dans votre texte : j’ai essayé d’être exhaustif en reprenant toutes les propositions du parti socialiste que j’ai pu entendre.

Le groupe UMP est heureux de constater que le pouvoir d’achat semble enfin vous préoccuper.

M. Henri Emmanuelli – Vous n’êtes pas sérieux !

M. Frédéric Lefebvre – Il regrette néanmoins que vous vous soyez contentés de ressortir vos vieilles lunes ou de proposer des mesures déjà engagées ou proposées par le Gouvernement. Pour le reste, même si vos propositions ne paraissent pas à la hauteur – et je suis indulgent – nous espérons que vous allez continuer à réfléchir à la relance du pouvoir d’achat. La majorité saura vous tendre la main : nous l’avons montré en votant un certain nombre de vos amendements à la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

Mme Frédérique Massat – Ah bon ? Lesquels ?

M. Frédéric Lefebvre – Nous animons un groupe de travail sur ce thème avec mon collègue Jérôme Chartier.

M. Henri Emmanuelli – Le spécialiste !

M. Frédéric Lefebvre – Nous explorons les deux pistes ouvertes par l’UMP, dont le secrétaire général Patrick Devedjian et nos porte-parole Yves Jégo et Nadine Morano se sont déjà fait l’écho.

M. Henri Emmanuelli – C’est à mourir de rire !

M. Frédéric Lefebvre – Le bonus malus doit nous faire changer de logique économique. Les syndicats que j’ai rencontrés sont tous – y compris SUD et la CGT – très intéressés par notre proposition. Il faut donner plus aux entreprises qui jouent le jeu du pouvoir d’achat – celles qui mettent chaque année les augmentations de salaires sur la table des négociations.

M. Henri Emmanuelli – Et dans la fonction publique ?

M. Frédéric Lefebvre – C’est une idée simple, dont nous espérons que les partenaires sociaux se saisiront. Il en va de la croissance de notre pays. La pierre angulaire de toute politique crédible de relance du pouvoir d’achat, je dois malheureusement vous le rappeler, c’est le travail. Vous avez essayé de faire croire aux Français qu'on pouvait gagner autant et créer des emplois en travaillant moins. Nous ne leur ferons pas croire qu’on peut créer du pouvoir d'achat d'un coup de baguette magique. Il faut mieux utiliser l'argent public. Nous ne voulons plus voir le scandale des 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et ces milliards d'exonérations déversés dans les grandes entreprises. On nous avait promis des emplois : la seule chose qui a été au rendez-vous a été la baisse des salaires. Vous l’avez payé cher lors des dernières élections.

Le Gouvernement a courageusement engagé la révision générale des politiques publiques. Il faut faire la chasse aux dépenses non productives. Il n'y a pas de raison que cette démarche ne soit pas appliquée aux aides en faveur du monde économique. Nous devons pour cela continuer à faire évoluer notre outil d'évaluation. J’ai déposé un amendement en ce sens avec – là encore – un de vos collègues, Gaëtan Gorce. Combien de fois ai-je d’ailleurs entendu Manuel Valls dire, à propos du budget de la sécurité, qu’il fallait mieux évaluer les dispositifs publics ? Ils ont raison !

Nous travaillons avec Gilles Carrez et Pierre Méhaignerie à l'amélioration du système d'exonération des heures supplémentaires, en essayant de tenir compte des blocages que nous signalent les entreprises. Même si nous n'en mesurons pas encore les résultats chiffrés, cette politique fonctionne. J’ai inauguré dans ma circonscription une entreprise qui met en place un logiciel permettant de répondre à la demande des entreprises qui voient affluer les demandes d'heures supplémentaires des salariés. Il faut satisfaire le vœu des Français – ne vous en déplaise – de travailler plus pour gagner plus !

Pierre Méhaignerie a prévu à titre exceptionnel le rachat du repos compensatoire de remplacement : tout ce que vous avez créé dans la loi sur les 35 heures pour empêcher les Français qui le veulent de travailler plus doit être assoupli.

Pierre Méhaignerie – encore lui – a eu le courage de poser la question de la PPE. Ne faut-il pas améliorer son rapport coût/efficacité en ciblant les hausses ? Parmi ses 8 millions de bénéficiaires, certains ont plus besoin d’être aidés que d’autres.

J'ai aussi proposé, avec Jérôme Chartier, les stocks-options pour tous.

M. Yves Cochet – Non ! Il faut les supprimer !

M. Frédéric Lefebvre – Ce que souhaite l'UMP, c’est – pour tous les salariés du public et du privé – une prime de résultat moins taxée, étendue à tous les salariés, utilisant les outils existants : stocks-options étendues à tous les salariés dans les sociétés cotées. Si les Français n’acceptent pas les stocks-options aujourd’hui, c’est parce que seul un petit nombre de cadres dirigeants en bénéficient.

M. le Président – Il faudrait vous acheminer vers votre conclusion.

M. Frédéric Lefebvre – L’intéressement pour tous doit être débloqué et facilité dans les PME. La baisse du nombre de fonctionnaires doit de même permettre la revalorisation de la situation de ceux qui restent. Si la productivité du service public est améliorée et le service public mieux rendu, pourquoi seraient-ils les seuls à ne pas bénéficier de primes de résultats ?

M. François Hollande – Pourquoi ne le faites-vous pas tout de suite ?

M. Frédéric Lefebvre – Ne créons pas d’usines à gaz : appuyons-nous sur ce qui fonctionne. À l’instar du Gouvernement, faisons passer toutes les lois à travers le tamis du pouvoir d'achat : si c'est bon pour le pouvoir d'achat, faisons-le. Si ce n'est pas bon, réfléchissons-y à deux fois.

Depuis six mois, le Gouvernement a mobilisé 7 milliards d'euros sur les heures supplémentaires…

Mme Catherine Génisson – On voit le résultat !

M. Frédéric Lefebvre – …et plusieurs milliards sur le crédit d'impôt pour acquisition d'un bien immobilier. Il a revalorisé de 3 % les aides pour le logement, doublé la prime à la cuve, privilégié lors du Grenelle de l'environnement la défiscalisation des produits écologiques, plutôt que la surtaxation des produits polluants, augmenté les aides aux étudiants les plus défavorisés…

M. François Brottes – Ce ne sont que des annonces.

M. Fréderic Lefebvre – Créer une carte grise spéciale pour les véhicules polluants réduirait le pouvoir d'achat des plus modestes. Le Gouvernement a choisi une autre voie : la prime au changement de véhicule. Voici un exemple de décision qui privilégie le pouvoir d'achat.

L’élection de 2002 s’est jouée sur la sécurité : alors que vous vous retranchiez derrière un « sentiment », nous avons décidé de regarder le problème en face.

M. Jean-Pierre Dufau – Quel bel exemple !

Plusieurs députés du groupe SRC – C’est vrai que ça va beaucoup mieux, maintenant !

M. Fréderic Lefebvre – L’élection 2007 s’est jouée sur le travail et le pouvoir d’achat. Sur ce sujet non plus, nous ne nous voilons pas la face. Le groupe UMP entend être à ce rendez-vous si important pour les Français, aux côtés du Gouvernement et sous l’impulsion du Président de la République.

M. Henri Emmanuelli – Les émeutes, c’est vous !

M. Bernard Deflesselles – Comment peut-on se laisser aller à dire des choses pareilles ? Quelle inconséquence !

M. Fréderic Lefebvre – M. Emmanuelli ne manque jamais une occasion de créer la polémique, mais je ne vois vraiment pas ce que les émeutes viennent faire dans le pouvoir d’achat. Le groupe UMP s’opposera à ce texte d’affichage, aux visées purement démagogiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marc Ayrault – Je voudrais faire un rappel au Règlement. M. Lefebvre s’étant exprimé durant trois quarts d’heure au lieu des vingt minutes prévues, je demande que le temps de parole des orateurs socialistes suivants soit doublé (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous avez fait preuve d’indulgence au début du débat, Monsieur le président, et je vous en remercie, mais la limite a été franchie.

M. le Président – Il ne vous a pas échappé que les temps de parole du rapporteur et du président de la commission ont été doublés, ce qui me semblait acceptable s’agissant d’une proposition de loi socialiste. Vous-même avez eu une minute supplémentaire. M. Lefebvre disposait de 25 minutes (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

Plusieurs députés du groupe SRC – Vingt minutes !

M. le Président – Vingt-cinq, car M. Chartier s’est désisté. La présidence tient compte de tout cela, mais je prends acte de votre remarque, Monsieur Ayrault.

M. Pierre-Alain Muet – Le profond malaise que notre pays éprouve aujourd’hui trouve son origine dans le grand oublié de ces six premiers mois de gouvernement : le pouvoir d'achat. Il se traduit dans toutes les enquêtes d’opinion, et encore dans la toute récente enquête de l’INSEE sur les ménages, qui fait apparaître une chute considérable de la confiance, motivée par les hausses de prix et leurs inquiétudes sur leur pouvoir d’achat et leur situation financière. Ce malaise a aussi une base objective, que décrit bien le portrait social du même INSEE : au cours de ces dernières années, les inégalités se sont profondément creusées et ce sont les Français les plus modestes, salariés ou titulaires du RMI, qui ont vu leur pouvoir d’achat baisser.

M. Henri Emmanuelli – Voilà un homme qui parle sur des bases sérieuses.

M. Pierre-Alain Muet – Mais à cette amputation du pouvoir d'achat, due à la flambée des prix du pétrole, de l’alimentation et des loyers, s’ajoute surtout le sentiment d'une profonde injustice. Les Français constatent que le candidat qui s'autoproclamait le « président du pouvoir d'achat » s'est surtout préoccupé, depuis six mois, de ceux qui avaient déjà tout.

M. Bernard Deflesselles – Arrêtez avec ça, vous n’y croyez même pas !

M. Pierre-Alain Muet – Bien sûr que si ! Comment se retrancher derrière le fait que l’État n’a plus les moyens quand on a dilapidé quinze milliards pour eux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Comment déclarer que notre économie n'avait aucune marge pour augmenter le salaire minimum en juillet quand vous avez augmenté le bouclier fiscal, alors que l’ancienne formule avait déjà permis de reverser 50 000 euros aux plus fortunés de nos concitoyens ? Comment expliquer qu’il n’y a pas de marges non plus pour augmenter la prime pour l'emploi alors que la réforme des droits de succession représente un chèque de 200 000 euros pour ceux qui héritent d’un patrimoine d’un million et demi ? Ce que les Français constatent, c’est que ceux qui se lèvent tôt, qui travaillent dur et gagnent peu ont supporté tout l'effort de rigueur.

Depuis 2002, la croissance de la France est inférieure à celle de ses partenaires. C’est particulièrement vrai pour 2007, où elle sera sans doute plus proche de 1,8 % que de 2 %, contre 2,6 % pour nos partenaires. Cette situation est le fruit de votre politique. La gauche menait une politique beaucoup plus égalitaire.

M. Bernard Deflesselles – Ça ne s’est pas vu dans les urnes !

M. Pierre-Alain Muet – Ça se voit dans le rapport social de l’INSEE, qui montre une différence considérable dans l’évolution des revenus. Entre 1997 et 2002, la France avait une croissance supérieure d’un demi à un point à celle de ses partenaires ! Elle avait créé deux millions d’emplois, dont 350 000 grâce aux 35 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Ces données sont connues.

Les résultats actuels sont donc le fruit de votre politique. Il y a dorénavant une France des héritiers, des rentiers, des nantis (Rires sur certains bancs du groupe UMP) et la France qui a été ignorée par vos largesses, celle des salariés au SMIC – qui n’a pas augmenté d’un centime de plus que l’inflation – la France des chômeurs, auxquels vous tournez le dos en privilégiant les heures supplémentaires et en abandonnant toute politique de l’emploi, notamment en faveur des jeunes ; la France des petites retraites, qui vont augmenter de 1 % soit beaucoup moins que l’inflation, la France des neuf millions de salariés modestes, dont la prime pour l’emploi n’augmentera pas plus que l’inflation. Tous les salariés sont d’ailleurs concernés : ceux du public, qui ont vu le pouvoir d'achat du point d'indice baisser depuis plusieurs années, ceux qui travaillent à temps partiel contraint, qui voudraient bien travailler plus mais qui ne peuvent pas…

Mme Catherine Génisson – Surtout des femmes !

M. Pierre-Alain Muet – …ou ceux du privé, qui savent bien que ce ne sont pas eux qui décident des heures supplémentaires et qui attendent de vraies négociations sur les salaires et les carrières, au lieu d’une usine à gaz d’un autre âge.

Puisque vous vous êtes fait une spécialité des Grenelles, vous pourriez peut-être en revenir au modèle d’origine et réunir une conférence nationale pour lancer de vraies négociations sur le pouvoir d'achat. Vous pourriez aussi créer une incitation au dialogue, en subordonnant les exonérations de cotisations à la négociation sur le pouvoir d'achat, ainsi que nous l’avions fait pour les allégements de cotisations sur les bas salaires en les liant à des négociations sur l’emploi. Il semble que le Premier ministre n’y soit pas opposé, faites-le ! Vous pourriez aussi inciter à la création d'emplois durables et mieux rémunérés en modulant les cotisations des entreprises selon leur utilisation du temps partiel subi et des emplois précaires. Vous pourriez augmenter la prime pour l'emploi, instaurée sous le gouvernement Jospin, de 50 %, ce qui ne coûterait guère que deux milliards, à comparer aux quinze de cet été. Le slogan « travailler plus pour gagner plus » deviendrait ainsi enfin une réalité. Vous pourriez créer un véritable chèque transport, financé sur le même principe que la carte orange en Île-de-France et qui permettrait à la fois de soutenir le pouvoir d'achat et de développer les transports en commun.

Notre proposition de loi conjugue un souci urgent, le pouvoir d’achat, et un défi de long terme, le développement durable. N’est-il pas absurde que l’exonération de TIPP pour les carburéacteurs ne soit pas remise en cause, à l’échelle européenne évidemment, alors qu’on sait maintenant que le transport aérien est le principal responsable des émissions de gaz à effet de serre ? Si vous voulez réellement augmenter le pouvoir d'achat, laissez ce débat aller à son terme. Discutez de nos propositions, qui sont cohérentes et conformes aux attentes profondes de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jérôme Cahuzac – Le candidat Sarkozy avait promis qu’il serait le président du pouvoir d’achat et de la croissance. Les deux sont du reste incontestablement liés : près de 70 % du pouvoir d’achat est la contrepartie de la croissance économique du pays, et on ne peut l’améliorer sans créer au préalable des richesses supplémentaires. Qu’en est-il donc de notre croissance et de notre pouvoir d’achat ? Pour la croissance, en 2007, c’est une histoire qui finit mal. La majorité précédente avait voté une loi de finances initiale fondée sur une croissance de 2,5 %. Le chiffre a été ramené à 2 % cet été et tout indique, malgré les preuves de foi de Mme Lagarde, qu’elle ne devrait en fait guère excéder 1,8 %. Comme chaque fois depuis 2002, elle sera donc nettement inférieure à celle de la zone euro. C’est une déception pour tout le monde, et déjà un échec pour cette majorité, qui se succède à elle-même et qui avait fait de la croissance une priorité.

Il faut en comprendre les raisons. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Vous invoquez la conjoncture mondiale : c’est en partie vrai. Néanmoins, gouverner, c’est prévoir ! Comme à votre habitude, vous ne l’avez pas fait, voilà votre tort. Un ministre de l’économie et des finances n’est pourtant pas là pour attendre sans rien faire jusqu’à constater que la croissance profite – voire dépend – de la conjoncture internationale ! Les pouvoirs publics peuvent affecter la croissance d’un pays. Comment expliquer autrement qu’à conjoncture identique, certains pays de la zone euro – la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Espagne pour ne citer qu’eux – font régulièrement mieux que la France ? Une fois de plus, les leçons de l’année précédente n’ont pas été tirées. La loi de finances pour 2008 repose sur des prévisions déjà obsolètes : un baril de pétrole à 73 dollars alors qu’il en atteint cent, et un euro à 1,27 dollar alors qu’il est aujourd’hui à 1,50 ! L’échec, dès lors, est inévitable.

Autre raison souvent invoquée : les 35 heures (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP). Si elles n’existaient pas, vous voudriez certainement les inventer pour justifier vos échecs ! M. Fillon, alors ministre de la solidarité, n’avait-il pourtant pas approuvé un rapport faisant état de 400 000 créations d’emploi ? Soyez cohérents !

M. Fréderic Lefebvre – Dominique Strauss-Kahn disait 200 000 !

M. Jérôme Cahuzac – On reproche aussi aux 35 heures d’avoir trop coûté. Il s’agit pourtant de l’allégement du coût du travail ! Si vous y êtes opposés, pourquoi ne pas simplement supprimer les 35 heures, afin qu’elles ne coûtent plus rien ? Si vous en êtes incapables, ne nous reprochez pas votre propre incompétence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) Que l’un d’entre vous attribue aux 35 heures la responsabilité de vos échecs, et nous serons nombreux à y voir de l’incompétence ou, à défaut, de la mauvaise foi !

Venons-en à la raison principale de votre échec : vos propres mesures. N’était-il pas inopportun de dilapider cet été quinze milliards que vous n’aviez même pas ?

M. Fréderic Lefebvre – Que font les régions ?

M. Jérôme Cahuzac – Loin de provoquer le choc de croissance annoncé, vous n’avez fait que creuser les inégalités. Sauf à le reconnaître, vous ne pourrez jamais prendre de mesures en faveur du pouvoir d’achat ! De votre propre aveu, son augmentation sera en 2008 inférieure à celle de cette année. Cette dégradation affecte notamment les fonctionnaires, les retraités, les salariés pour qui rien n’a été annoncé, cependant que les dépenses incompressibles – alimentation, énergie, logement – continuent d’augmenter. S’agissant de la TIPP, MM. Lefebvre et Cochet ont tous deux tenu des propos judicieux. Ce qui était efficace lorsque le baril était à 50 dollars l’est moins lorsqu’il en atteint cent, même si l’on peut en envisager la baisse à mesure que l’offre augmente. Voilà qui légitime notre défense de la TIPP. M. Lefebvre fait erreur, semble-t-il : M. Fabius n’a pas refusé d’appliquer la TIPP flottante par crainte d’une baisse des prix, mais bien au contraire, pour éviter qu’ils n’augmentent ! Il a donc agi dans l’intérêt des consommateurs. C’est l’inverse de ce que vous disiez !

Du reste, vous avez tort de toujours chanter la même antienne selon laquelle les socialistes taxent à tour de bras. Savez-vous qui était le ministre de l’économie qui, en 2004, a décidé de surtaxer le gazole à la pompe de 2,5 centimes par hectolitre, récoltant ainsi un milliard pris dans les poches du consommateur ? C’était M. Sarkozy. Les taxeurs ne sont pas ceux que l’on croit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Fréderic Lefebvre – Nous, au moins, tirons les leçons de nos erreurs pour éviter de les reproduire !

M. Jérôme Cahuzac – Les produits alimentaires, notamment lactés, vont augmenter de 15 % l’année prochaine : vous ne faites rien. Rien non plus pour résoudre la crise du logement. Quant à votre touchant plaidoyer en faveur des entreprises pétrolières, vous avez omis de rappeler que leurs dividendes augmentent chaque année et qu’elles consacrent plusieurs milliards au rachat opportuniste de leurs propres actions. Vous approuvez : les Français jugeront.

M. le Président – Il faut conclure, Monsieur Cahuzac. Les autres orateurs ont respecté leur temps de parole.

M. Jérôme Cahuzac – Cela ne m’avait pas frappé… Quoi qu’il en soit, nous souhaitons passer à la discussion des articles. Faute de corriger vos erreurs de l’été, vous ne parviendrez pas à augmenter le pouvoir d’achat de nos concitoyens. La croissance n’est pas au rendez-vous, et vous avez dilapidé vos faibles marges de manœuvre de façon tout à fait déraisonnable. Vous en porterez la responsabilité tout au long du quinquennat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Ce débat est d’autant plus utile qu’il révèle nos divergences sur le pouvoir d’achat. Encore faut-il que les actes suivent les paroles et que l’on évite de dire n’importe quoi. J’ai entendu avec beaucoup d’intérêt les socialistes proposer la réintégration totale des marges arrière dans le prix de vente au consommateur. Votre groupe n’a pourtant pas voté la disposition adoptée à cet effet !

M. François Brottes – Mensonge : vous n’avez pas supprimé les marges arrière !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Vous tancez le Gouvernement, Monsieur Ayrault, sur sa politique du logement. Dois-je vous rappeler que nous venons d’annoncer 429 000 mises en chantier sur douze mois ?

C’est un record inégalé depuis trente ans ! Lorsque vous étiez au Gouvernement, le chiffre ne dépassait pas 300 000 (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. François Brottes – Ce sont des logements défiscalisés, non des logements sociaux !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Enfin, Monsieur Ayrault, je ne peux vous laisser dire que la politique du Gouvernement favorise les rentiers.

M. Patrick Roy – Mais si !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Les 8 millions de Français qui, comme l’a rappelé le rapporteur, bénéficient des mesures d’exonération des heures supplémentaires, surtout les ouvriers et les jeunes de moins de 25 ans, sont-ils des rentiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Brottes – Où sont-ils ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Les 95 % de nos concitoyens qui, depuis cet été, peuvent transmettre à leurs enfants les fruits d’une vie de travail sont-ils des rentiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Claude Greff – Bravo !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Les Français les plus modestes et ceux des classes moyennes qui rêvent d’accéder à la propriété (Protestations sur les bancs du groupe SRC) et à qui leur crédit coûtera 8 à 10 % de moins grâce au crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt sont-ils des rentiers ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC) Les grands-parents qui peuvent transmettre à leurs petits-enfants la somme dont ils ont besoin pour débuter dans la vie sont-ils des rentiers ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP) Décidément, vos positions archaïques ne tiennent aucun compte de la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – La commission n’ayant pas présenté de conclusions, l’Assemblée est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles, conformément à l’article 94, alinéa 3, du Règlement. Sur ce vote, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jean-François Copé – Le groupe UMP votera contre cette proposition de loi (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC) parce que tout au long d’un débat (« Vous n’étiez pas là ! » sur les bancs du groupe SRC ; protestations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Jérôme Chartier – Menteurs !

M. Jean-François Copé – …auquel certains d’entre vous n’ont peut-être pas assisté (Protestations sur les bancs du groupe SRC), vous avez désespérément essayé de nous faire croire que, au-delà des critiques, vous étiez capables d’esquisser des propositions…

M. François Lamy – Ministre de la faillite !

M. Jean-François Copé –…alors que vous tentiez simplement de faire un bon coup ! Après des mois, voire des années, de débats dans cet hémicycle, vous auriez soudain une solution miracle à proposer ? Nous, nous avons augmenté le SMIC de plus de 20 %, porté la PPE à un niveau inédit,…

M. Jérôme Chartier – C’est vrai !

M. Jean-François Copé – …libéré les énergies et le travail, fait de l’emploi, depuis cinq ans, une priorité absolue, politique dont la réduction du taux de chômage prouve l’efficacité… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Au contraire, c’est sous votre majorité et sous le Gouvernement Jospin que les salaires ont le moins augmenté et que les impôts ont connu la hausse la plus forte ! Nous avons malheureusement dû payer la note il y a quelques années, avant de procéder à un indispensable redressement !

En outre, j’observe que vous déposez une proposition de loi, au moment précis où nous-mêmes nous mobilisons sans relâche pour mettre au jour de nouveaux moyens d’augmenter le pouvoir d’achat, et le Président de la République vous le confirmera ce soir même !

Pour quelques idées que nous avons été heureux de vous entendre exprimer, combien de propos démagogiques (Protestations sur les bancs du groupe SRC), auxquels nous refusons de céder, car seul importe à nos yeux un débat de fond sur des propositions concrètes, porteuses de résultats. Soyez à nos côtés lorsque nous sommes constructifs : c’est notre rêve ! Mais, en la matière, nous en avons fini avec les vieilles lunes, avec des idées que plus aucun parti moderne ne défend dans les pays qui nous entourent : notre unique priorité, c’est le renforcement de notre compétitivité, la liberté des entreprises, et surtout la satisfaction de la principale préoccupation des Français, le pouvoir d’achat !

M. Bruno Le Roux – On en est loin !

M. Jean-François Copé – Cette philosophie n’est pas la vôtre, mais elle est seule digne d’un pays moderne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Hollande – Un constat, au moins, nous réunit : en cette fin d’année, les Français sont privés de pouvoir d’achat… faute de croissance.

Mme Nadine Morano – 0,7 % de croissance ce trimestre !

M. François Hollande – Vous qui êtes au pouvoir depuis six ans, et qui aimez à citer des chiffres, vous ne pourrez démentir ceux-là : la croissance, supérieure en moyenne à 3,2 % de 1997 à 2002... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Herbillon – Curieusement, vous avez été battus !

M. François Hollande – …n’a pas dépassé 2 % de 2002 à 2007 (Approbation sur les bancs du groupe SRC). Au cours des mêmes périodes, le pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages, après avoir progressé sans discontinuer de plus de 3 %, a augmenté de moins de 2 % ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

MM. Claude Goasguen et Christian Jacob – Vous avez été battus !

M. François Hollande – Comment contester cette réalité dont fait état votre propre PLF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Michel Herbillon – Vous réécrivez l’histoire !

M. François Hollande – Pas de pouvoir d’achat sans justice sociale ! Malgré vos déclarations sur le « paquet fiscal », l’augmentation des revenus du patrimoine en 2006 et 2007 est plus de deux fois supérieure à celle des salaires ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC) Grâce au bouclier fiscal, vous remboursez 80 000 euros en moyenne, en 2007, aux contribuables les plus favorisés en demandant à tous les autres de payer des impôts supplémentaires, des franchises médicales, et de patienter un peu s’agissant de leurs salaires, déjà élevés, prétendez-vous, dans le contexte de la mondialisation : quelle provocation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

L’absence de pouvoir d’achat s’explique aussi par l’absence de marges financières. Or une mesure, au lendemain de l’élection présidentielle, aurait suffi à empêcher que le déficit du budget de l’État atteigne – selon la majorité comme selon l’opposition – 42 milliards, celui de la sécurité sociale 13 milliards et l’endettement public 1 200 milliards (Protestations sur les bancs du groupe UMP) : le désendettement de l’État. Vous avez préféré dépenser 15 milliards (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), et vous dites maintenant aux Français que vous n’avez plus d’argent ! Mais il faudra bien leur donner le pouvoir d’achat promis pendant la campagne, puis après l’élection, par un président dont ils attendent qu’il assume ce soir ses responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

À la majorité de 180 voix contre 115 sur 295 votants et 295 suffrages exprimés, l’Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles

M. le Président – En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Prochaine séance mardi 4 décembre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 12 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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