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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 5 décembre 2007

3ème séance
Séance de 21 heures 30
76ème séance de la session
Présidence de M. Rudy Salles, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2007 (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2007.

M. le Président – À la demande de la commission, encore réunie en ce moment, je suspends la séance.

La séance, suspendue, est reprise à 21 heures 50.

M. Michel Vergnier – Lors du dernier congrès des maires de France, le Président de la République a annoncé l'organisation d'un Grenelle de plus : celui des finances locales. La situation actuelle est tellement difficile que cette proposition a obtenu un assentiment quasi général. Nous ne nous attendons donc évidemment pas à ce que cette loi de finances rectificative apporte des réponses définitives aux collectivités territoriales, mais c’est une occasion pour soulever certaines questions.

La dernière étape de la décentralisation du 13 août 2004 a mis en évidence un problème de transfert de financements : alors que la compensation des compétences transférées devait s’effectuer à l’euro près, force est de constater que ce n’est pas le cas – et de loin : sur les 12 milliards qui devaient être transférés, selon l’estimation de l'association des départements de France, il en manque au bas mot de 5 à 7 ! Pour le seul RMI – et sans même compter les nouveaux bénéficiaires, qui ne font pas partie de la compensation – l'État doit 2,3 milliards aux conseils généraux ! Et ces chiffres ne sont pas contestables. Les collectivités ont bien entendu puisé dans leurs fonds propres pour verser ce minimum vital à des milliers de citoyens. Il en est de même pour l'allocation personnalisée d'autonomie, les routes nationales, le transport ferré régional ou les personnels des lycées. Ainsi, pour la seule région Limousin, la compensation du transfert du personnel TOS est inférieure de 6 millions aux dépenses réelles. Même en tenant compte de ce qu’une part – faible – des dépenses relève d’une décision politique de la région, comme les primes et les œuvres sociales, il reste urgent de régler le problème.

Il faut donc en discuter ensemble, pour savoir si c’est l’État qui ne veut pas voir la réalité en face ou si ce sont les collectivités qui inventent des dépenses. Une analyse neutre et indépendante s'impose face à la tendance des trois derniers gouvernements à économiser sur ce poste, sachant que les collectivités feront de toute façon face à leurs responsabilités.

Plusieurs députés du groupe SRC – Eh oui !

M. Michel Vergnier – Les collectivités, acteur principal du développement collectif et du vivre ensemble, doivent être reconnues comme telles par l'État, qui ne peut pas se priver de l'intelligence des territoires. Il faut reconnaître qu'un certain nombre des contrats qui ont été mis en place apportent des réponses intéressantes, mais forcément partielles. Les dotations aux collectivités territoriales sont le deuxième poste de dépense de l'État, et il est certes très tentant pour ce dernier, dans la situation actuelle, de s’en servir pour se tailler des marges de manœuvre. Mais l’on ne peut accepter que cela obère l’efficacité des collectivités, ou les oblige à des hausses fiscales mal vécues par les Français. Elles sont en effet acculées soit à une diminution de l’investissement, et donc une mise en danger des entreprises, soit à une augmentation de l’impôt local, et donc un affaiblissement du pouvoir d’achat, les deux ayant un retentissement sur la croissance.

Nous avions réclamé une fiscalité plus juste et plus équitable, mais votre politique ne réduit pas les déséquilibres entre les territoires les plus pauvres et les plus riches. La France est toujours plus hétérogène, et la fracture territoriale et citoyenne se creuse (Applaudissements sur bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Roy – L’examen de ce texte est le moment du bilan : comment va la France ?

Plusieurs députés du groupe UMP – Bien, merci !

M. Patrick Roy – Pas bien du tout ! Peut-être ne l’avez-vous pas remarqué, mais le fossé se creuse entre les Français.

Plusieurs députés du groupe UMP – Avec le parti socialiste ?

M. Patrick Roy – Il existe de la misère en France, mais quand on vous en parle, cela semble vous amuser beaucoup. Je crois que vous n’avez pas compris que des millions de Français vivent de plus en plus mal, et pour certains dans une vraie misère. Après la funeste loi TEPA, il est clair que la situation des plus démunis empire, que même les classes moyennes sont obligées de se serrer la ceinture et qu’en revanche tout va encore mieux pour ceux qui étaient déjà riches et puissants. Votre principale action de « justice fiscale » a été en effet de rendre de l’argent, grâce au bouclier fiscal, à des gens qui n’en avaient pas besoin. Dans le Nord, une centaine de familles ont reçu en moyenne cent mille euros. Comment est-il possible de leur rendre de l’argent alors que tant de millions de gens sont dans la misère ? Et si seulement cette politique était efficace : mais non ! Loin du regain de croissance que vous espériez, tous les analystes financiers prévoient une croissance encore une fois inférieure à vos prévisions.

Vous annoncez à l’envi que le chômage baisse : si tel était vraiment le cas, chacun sait que le pouvoir d’achat augmenterait mécaniquement. La vérité, c’est que la baisse apparente du chômage est essentiellement liée aux radiations et que le pouvoir d’achat des classes moyennes s’effondre !

Cela ne vous empêche pas de multiplier les mauvais coups, le dernier en date étant votre tentative de fusiller le code du travail, au travers de l’ordonnance de codification dont nous avons débattu hier.

Certains espèrent encore que les mesures annoncées par notre Président de la République pour améliorer le pouvoir d’achat du plus grand nombre produiront quelques effets, au moins pour quelques-uns. Quand ? C’est une autre affaire ! Un jour, sans doute… S’agissant par exemple du rachat des RTT, personne ne semble en mesure d’apporter une réponse précise à nos interrogations sur le taux de rachat.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Patrick Roy – Le temps me manque pour décrire toutes les mesures contre lesquelles vous nous trouverez vent debout, la principale étant le muselage des petites retraites avec un taux de revalorisation dérisoire de 1,1 %.

J’étais hier soir avec le grand philosophe Bernie Bonvoisin et il me disait qu’avec cette loi antisociale, les Français vont à l’évidence perdre leur sang-froid ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Michel Bouvard – Le collectif budgétaire de fin d’année est l’occasion de faire le point sur l’exécution du budget en cours, de procéder aux ajustements nécessaires et d’apprécier la situation de nos finances publiques à quelques jours de la clôture de l’exercice. Après notre rapporteur général, je tiens à saluer le respect de l’autorisation parlementaire en matière de dépenses, ce qui permet d’améliorer les recettes de 3,92 milliards et de ramener le déficit à 38,26 milliards, soit 3,74 milliards de mieux par rapport au montant inscrit en LFI.

L’amélioration des recettes liée au surcroît de produit de l’IS – plus 5,4 milliards, soit plus 11 % – reflète l’amélioration de la santé des entreprises et leur contribution croissante aux missions d’intérêt général et de solidarité de l’État.

Comme chaque année, le collectif procède à la validation des trois décrets d’avances pris au cours de l’exercice, transmis à notre commission en application de l’article 13 de la LOLF. Je tiens à saluer le recours plus limité qu’en 2006 aux mesures d’annulations de crédits, lesquelles représentent 1,238 milliard – contre 1,636 milliard l’an dernier. Tous ceux qui sont attachés à la sincérité budgétaire apprécient, de même que les gestionnaires de terrain des crédits budgétaires, qui voient là le signe d’une meilleure appréciation du budget et peuvent donc le mettre en œuvre avec plus de sérénité.

Des progrès restent cependant possibles, dans nombre de domaines que notre commission évoque de manière récurrente.

Je pense en premier lieu aux opérations militaires extérieures, au titre desquelles 367 millions avaient été ouverts en LFI. Nous avions fait valoir à votre prédécesseur la sous-budgétisation flagrante des OPEX et, après le troisième décret d’avance, la Cour des comptes relève toujours un manque de l’ordre de 100 millions. Cela ne nous surprend pas, dans la mesure où, depuis 1999 – à l’exception de 2003 – le montant total des OPEX a toujours excédé 500 millions : 603 millions en 2006, 681 millions cette année. Sachant que cette dépense est connue pour l’essentiel, puisque 90 % du montant des OPEX sont reconductibles d’une année sur l’autre, des marges de progrès existent pour rapprocher la dotation initiale de la dépense réelle.

De même, nous avons été conduits à nous interroger sur l’absence de prévision, dans la mission « Agriculture, pêche et développement rural », des dépenses relatives aux crises et calamités agricoles – 110 millions en AE et 18,5 millions en CP. Il n’est pas d’année sans gel, tempête, grêle ou sécheresse justifiant le déblocage de crédits d’urgence. Dès lors, pourquoi ne pas les provisionner, au moins au point bas des engagements constatés dans les dernières lois de règlement ?

J’en viens au dispositif du passeport mobilité, objet d’un contrôle que j’ai conduit en tant que rapporteur spécial du budget de l’enseignement supérieur, à la fin de la précédente législature. L’insuffisance des crédits prévus et l’augmentation des dépenses – liée au manque de maîtrise d’un outil, créé à l’initiative du précédent Président de la République, dont les déviances ont été rapidement constatées – m’incitent à demander l’intervention du ministre du budget et le rattachement de la gestion au ministère de l’enseignement supérieur, dans le cadre de la MIRES. Cela éviterait des effets pervers dans le recrutement de l’université Antilles-Guyane.

Enfin, j’appelle à une clarification urgente dans la gestion de la politique de la ville et du logement. Les annulations de crédits, suivies d’un décret d’avance dans le même programme, alors même que la LOLF augmente les possibilités de fongibilité, laissent songeur. Il convient aussi de s’interroger sur les besoins de l’Agence nationale de la rénovation urbaine, dont l’abondance de trésorerie ne semble pas justifier – même si nous mesurons les besoins futurs – les contributions urgentes demandées aux collectivités territoriales ou à certains établissements publics de l’État. Je souhaite que la RGPP puisse s’intéresser aussi aux budgets de certains opérateurs, dont l’ANRU.

M. Michel Vergnier – D’accord sur ce point.

M. Michel Bouvard – Le présent collectif comporte plusieurs mesures nouvelles dont je me réjouis particulièrement car elles contribuent à une clarification des relations de l’État avec les opérateurs et à une plus grande transparence budgétaire.

Il en est ainsi de l’affectation de 1,3 milliard de recettes supplémentaires à la sécurité sociale, en compensation des allégements généraux de cotisations sociales et de l’exonération sur les heures supplémentaires. Il y a là une mesure fort bienvenue, au regard des problèmes de trésorerie persistants de l’ACOSS.

Je me félicite également du règlement du très vieux dossier du service d’amortissement annexe de la dette ferroviaire – le SAAD –, évoqué tout à l’heure par notre collègue Mariton. Ce dossier avait été à ce point « oublié » par vos prédécesseurs qu’en 2001, le ministre des transports n’hésitait pas à affirmer que la dette ferroviaire globale avait diminué sous le gouvernement Jospin, en faisant fi du SAAD, pourtant créé en 1991 par un gouvernement de gauche, pour cantonner 5,8 milliards d’euros, et rechargé par la suite, en dépit des rapports du conseil supérieur du service public ferroviaire. Identifiée par la MEC, cette dette est aujourd’hui traitée dans des conditions favorables pour la SNCF, laquelle a ainsi évité une très forte dégradation de ses capitaux propres, pour ne pas dire pire…

Le présent texte prévoit aussi différentes mesures en faveur des personnes modestes, notamment celle qui s’adresse aux personnes âgées amenées à quitter leur logement pour une maison de retraite. Je souhaite que cette disposition, qui sera reçue positivement par nos aînés, ne soit pas brouillée par la sortie – décidée il y a trois ans – de personnes âgées de l’exonération de la redevance audiovisuelle…

M. Patrick Bloche – C’est raté !

M. Patrick Roy – Le message est très clair !

M. Michel Bouvard – Il est nécessaire de prendre en compte ce problème, notamment pour les plus modestes, et j’apporte donc tout mon soutien à l’amendement que défendra M. le rapporteur général, car je suis convaincu que l’audiovisuel public recèle en son sein des gisements d’économies significatifs, au prix d’un effort de productivité.

Le projet de loi de finances rectificative marque donc une amélioration de la situation budgétaire de l’État, en dégageant un excédent primaire de 1 milliard ; il améliore la transparence et comporte plusieurs mesures nouvelles positives, pour nos concitoyens, l’économie du pays et la lutte contre la fraude. Pour l’ensemble de ces raisons, je lui apporte mon total soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Letchimy – Dans un contexte marqué par la volonté du Président de la République d’accroître le pouvoir d’achat de nos concitoyens, il est bien des raisons de s’interroger sur les mesures phare de ce collectif budgétaire. En effet, celles-ci ne semblent pas servir un objectif global de solidarité. En dépit de quelques mesures d’affichage, vous peinez à apaiser les angoisses qui minent le moral des Français. Pis, vous cultivez l’ambiguïté et faites preuve de beaucoup d’ambivalence. J’en donnerai quelques exemples.

Si l’extension du champ des bénéficiaires de l’allégement de taxe d’habitation aux personnes admises en maison de retraite est louable, elle ne doit pas faire oublier d’autres décisions qui minent le pouvoir d’achat, comme l’instauration des franchises médicales ou l’assujettissement à la redevance audiovisuelle, alors même que la revalorisation des petites retraites sera limitée à 1,1 %.

M. Patrick Roy – C’est vrai !

M. Serge Letchimy – Les avantages fiscaux créés dans la loi TEPA pèsent sur les comptes publics et diminuent d’autant les possibilités de redistribution du pouvoir d’achat au bénéfice des plus modestes. Il y aurait pourtant là un bon moyen de relancer la croissance, en maintenant une demande intérieure soutenue. Et ce n’est pas la « prime de Noël » versée aux RMistes qui remplira cet objectif…

M. Michel Bouvard – Au moins, nous l’inscrivons, nous, dans le budget !

M. Serge Letchimy – Et que dire de la suppression de nombre de tribunaux dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, du projet d’instaurer un ticket modérateur sur l’aide juridictionnelle ou de la suppression des crédits de l’ANRU au moment où la crise des banlieues se fait plus vive que jamais ?

M. Michel Bouvard – Allons, l’ANRU a 600 millions de trésorerie !

M. Serge Letchimy – L’extension des avantages fiscaux destinés à favoriser l’accession à la propriété peut masquer la nécessité de prendre en charge les 3,5 millions de mal-logés. Comment mettre en œuvre le droit opposable au logement ? L’accession ne peut constituer le seul horizon gouvernemental. La tendance forcenée à faire de chacun un propriétaire s’exerce au détriment de la lutte contre la précarité de l’habitat. En comparaison des montants mobilisés au titre de la loi TEPA, les 60 millions consacrés à l’hébergement d’urgence et à l’aide alimentaire semblent bien dérisoires !

Par conséquent, l’affectation du surplus de recettes fiscales à la réduction du déficit budgétaire paraît pour le moins inappropriée. Ces ressources devraient plutôt être orientées vers l’augmentation du pouvoir d’achat des plus modestes et la résorption de certains déséquilibres structurels, dont l’exemple de la Martinique est significatif.

En Martinique, le taux de chômage avoisine 24 % : pour les moins de trente ans, il atteint 40 % et, dans certains quartiers de Fort-de-France, on approche 70 % ! Pour nous, la priorité absolue est donc de renforcer les dispositifs d’aide à l’emploi. Las, loin d’aller dans ce sens, vous avez supprimé le congé-solidarité, dispositif de solidarité entre les générations qui avait pourtant donné des résultats encourageants, 2000 jeunes en ayant bénéficié à la Réunion et 810 en Martinique. Et lorsque M. Chartier a évoqué les 4 000 bénéficiaires du bouclier fiscal à la Réunion, il aurait dû citer le taux de chômage local de 34 % !

Mme Christiane Taubira – C’eût été plus honnête !

M. Serge Letchimy – Vous vous êtes enfermés dans votre logique du « travailler plus pour gagner plus». Mais dans ces contextes spécifiques, le partage du temps de travail est assurément moins destructeur qu'une politique arc-boutée sur les exigences du libéralisme français. Du moins nous aurait-il permis d'éviter un appauvrissement des plus faibles.

Nous ne trouvons d’autre part dans ce texte aucun signe d'une véritable politique de prévention des risques. Une politique responsable et solidaire aurait dû nous conduire, après le cyclone Dean et le récent séisme, à mobiliser des moyens exceptionnels. Il serait certes inexact de prétendre que le Gouvernement ne s'est pas intéressé aux populations sinistrées. Mais il faut bien constater que les 50 millions annoncés pour faire face aux sinistres s'accompagnent d'une diminution de 61 millions du budget de l'outre-mer, et qu’aucun plan séisme n'est prévu pour la Martinique. Celui de la Guadeloupe n'a d’ailleurs pas encore pas vu le jour.

Un renforcement de la ligne budgétaire unique aurait donc été bienvenu dans ce collectif.

À l’occasion du Grenelle de l'environnement, j'avais plaidé avec force en faveur de la définition d'une nouvelle culture du risque et d’une politique de valorisation de la biodiversité.

La croissance et le pouvoir d'achat ne concernent pas que les classes moyennes et les riches ! La prise en compte des populations exclues doit aussi être une priorité : c'est la condition d'une société de progrès et d'un développement équilibré (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Mes chers collègues, je vous demande de respecter votre temps de parole.

M. Patrick Bloche – Je voudrais reprendre un débat que nous avons ouvert lors de l’examen du budget des médias. En 2008, 780 000 foyers perdront le bénéfice de l’exonération de la redevance audiovisuelle. Il s’agit principalement de personnes de plus de 65 ans, non imposables sur le revenu mais assujetties à la taxe d’habitation, et de personnes de plus de 60 ans dont le revenu fiscal est inférieur à 9 437 euros par an. Lors de l’examen du budget des médias, nous avons examiné un amendement de notre collègue Martin-Lalande visant à maintenir cette exonération pour environ 28 000 foyers – soit seulement 3 % des foyers aujourd’hui exonérés – touchés par une maladie, une infirmité ou une invalidité permanente. Il reste tous les autres. Il y a trois ans, nous avons décidé ici même – le président Migaud s’en souvient – de réformer la collecte de la redevance en l’adossant à celle de la taxe d’habitation, ce qui conduisait à supprimer l’exonération pour un certain nombre de foyers. La majorité a fait un choix à la fois injuste et hypocrite en décidant de maintenir cette exonération pour trois ans – autrement dit, jusqu’aux élections de 2007.

M. Michel Bouvard – Nous avions exonéré les RMistes ! Vous avez voté contre !

M. Patrick Bloche – C’était d’autant plus hypocrite que nous avons figé la situation : la population qui bénéficie de cette exonération diminue donc chaque année.

Le pouvoir d’achat est aujourd’hui au centre du débat politique et des préoccupations de nos concitoyens. Comment accepter que ces 780 000 foyers aient la désagréable surprise de devoir payer les 116 euros de la redevance dès l’automne prochain ? J’ai cru comprendre que cela faisait débat jusque dans les rangs de la majorité. Il est question de maintenir l’exonération pour 2008 – il est vrai qu’il y a encore des élections à passer – de la prolonger pour trois ans ou de lui substituer une exonération à 50 %. Soyons sérieux ! Soit le mauvais choix de 2004 est maintenu, soit vous faites le choix de l’égalité et de la défense du pouvoir d’achat des plus âgés et des plus modestes. Certes, il y a les déficits publics – je ne reviendrai pas sur leurs causes ni sur les cadeaux fiscaux de l’été dernier.

Mme Christiane Taubira – Voilà !

M. Patrick Bloche – Sachez cependant que la réforme de la collecte de la redevance a permis à l’État d’économiser 100 millions, ce qui correspond à peu près au coût de cette exonération. Au nom du groupe SRC, je vous demande donc de la maintenir (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ce collectif projette d'annuler 315 millions sur la mission Ville et logement et 76,2 millions d'autorisations d'engagement. Ces annulations devraient principalement concerner les aides personnelles au logement et le programme de rénovation urbaine. Au-delà de l'absence d'indicateurs de suivi qui induit un manque de lisibilité des budgets présentés, ces annulations prouvent que ceux des dernières années se caractérisent autant par une exécution aléatoire que par une stratégie d'affichage. C'est regrettable pour le Parlement, mais plus encore pour les citoyens.

L'annulation de 76,2 millions des crédits du programme Aide à l'accès au logement est justifiée par la surestimation des prévisions des dépenses du Fonds national d'aide au logement. Je rappelle que les ménages dépensent toujours plus pour leur logement – souvent plus d'un tiers de leur budget. Les dépenses de logement sont ainsi les premières responsables de la perte de leur pouvoir d'achat. Or, les aides à la personne jouent un rôle essentiel, puisqu'elles permettent de solvabiliser les locataires. Vous n'êtes pas sans savoir qu'elles bénéficient à plus de 6 millions de personnes, dont les trois quarts ont des revenus inférieurs au SMIC.

M. Patrice Verchère – Nous n’avons pas de leçons à recevoir sur le logement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Vous avez certes annoncé, sous la pression de l'opposition et de l'opinion, une revalorisation de 2,76 % de ces aides et une indexation des loyers sur le coût de la vie. Mais le mal est fait depuis longtemps : elles n'ont jamais été revalorisées à la hauteur de l'augmentation des loyers depuis 2002. Mme Boutin a reconnu ce retard, mais s'égare en prétendant que la revalorisation permettra un gain de pouvoir d'achat.

Faut-il rappeler que les ménages ont dû faire face à une hausse considérable des loyers, de l’ordre de 5 % par an, en même temps qu’à une augmentation des charges locatives ? Faut-il rappeler que les impayés sont de plus en plus fréquents, et que la progression des expulsions ces cinq dernières années – estimée à 22 % – a connu une brusque accélération ?

Lors de la discussion budgétaire, nous avons dénoncé la mesquinerie consistant à augmenter d’un euro la participation minimale des bénéficiaires à la dépense de logement, qui permettra à l'État de faire des économies aux dépens des plus modestes. Nous avions également demandé au Gouvernement de renoncer à ne pas verser les droits lorsque ceux-ci sont inférieurs à 15 euros. Le prétexte invoqué – « la difficulté et la lourdeur administrative » – est aussi fallacieux qu’inacceptable.

Pourquoi ne pas élargir les critères d'attribution de l'aide au logement et cesser de faire des économies indécentes au regard des cadeaux fiscaux accordés aux plus favorisés ?

Les annulations à répétition de crédits sur le programme rénovation urbaine – déjà 16 millions annulés par décret d’avance en octobre 2006 et 228 millions dans le collectif – montrent que le budget du logement et de la ville reste virtuel et insincère.

Pour assumer sa contribution minimale, fixée à 465 millions par la loi de programmation d'août 2003, l'État prévoit de mobiliser en 2008 une ressource extra-budgétaire – sans préciser laquelle – à hauteur de 100 millions. Il avait procédé de la même manière l’an dernier, avec le prélèvement sur les SACI.

M. le Président – Il faut conclure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Lors de la discussion budgétaire, nous nous sommes également inquiétés du décalage entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. Voyez ce qu’en dit le rapporteur général à la page 26 de son rapport ! Il se demande même si cela résulte d’une volonté délibérée. En ce qui nous concerne, nous avons déjà la réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

La discussion générale est close.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Je remercie le rapporteur général pour sa présentation fidèle au texte, et vais répondre à ses interrogations. Nous n’avons pas modifié nos prévisions en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, car aucune raison particulière ne milite en ce sens. Les acomptes de juin et de septembre ont été plutôt conformes à ce que nous attendions, et rien ne permet de dire que la crise des subprimes aura des effets sur les recettes.

Si les recettes de TVA sont inférieures aux prévisions que nous avions faites, elles augmentent néanmoins par rapport à 2006. En janvier et février, l’administration, ayant pris un peu de retard sur l’année précédente, a procédé à beaucoup de remboursements. D’autre part, la valeur de la consommation a été moins élevée puisque les prix ont augmenté moins que prévu.

S’agissant de l’impact des crédits d’impôts sur le produit de l’impôt sur le revenu, nous serons vigilants. On peut attribuer une certaine diminution au crédit d’impôt pour l’emploi de personnel à domicile, mais il y a d’autres facteurs d’explication qu’il faudra mettre à jour.

Le président de la commission des finances a exprimé, comme d’autres, des craintes sur le taux de croissance pour 2008. Pour l’instant, je ne vois pas de raison de revoir les hypothèses d’une croissance de 2 % à 2,5 % du PIB, qui sont dans la droite ligne des bons chiffres du troisième trimestre. Bien entendu il faut rester prudent, en raison de l’évolution de l’euro et du prix du pétrole, mais ce dernier a diminué de 10 dollars par baril ces dernières semaines. Dans la LFI, nous avons retenu une hypothèse d’un baril à 73 euros, ce qui est supérieur à ce qu’on appelle le consensus des économistes, qui est de 65 à 67 euros. Dans les conditions actuelles, l’incidence du prix du pétrole sur le budget reste faible. Il en irait autrement sur plusieurs budgets successifs. En tout cas, les indicateurs sont bons dans les entreprises. Si le moral des ménages est moyen, celui des chefs d’entreprise est bon dans l’industrie, les services et le bâtiment.

On n’a pas modifié les règles d’affectation des surplus de recettes fiscales. On ne les a pas utilisés pour payer le coût des mesures du projet TEPA. Ce coût est compensé par une diminution de notre contribution au budget européen et par un versement anticipé sur le dividende d’EDF pour 2007. Je comprends toutefois que le rapporteur général ait déposé un amendement à ce sujet, et je partage son souci de transparence.

En cédant moins de 3 % de sa participation à EDF, l’État a agi en gestionnaire avisé. L’action est en effet passée en quelques années de 32 à 35 euros à plus de 80 euros : le patrimoine de l’État a donc beaucoup augmenté. Nous allons transformer une partie de ce patrimoine mobilier en patrimoine immobilier universitaire. Sur le plan comptable et budgétaire, nous verrons avec Mme Pecresse et Mme Lagarde à mettre en œuvre un dispositif opérationnel dans le respect de la LOLF.

Les mesures en faveur du pouvoir d’achat annoncées par le Président de la République ne nous conduisent pas à modifier le budget, car la plupart ne coûtent rien à l’État, qu’il s’agisse du déblocage des fonds de participation ou de la nouvelle indexation des loyers. Ce qui peut avoir un impact direct, c’est l’augmentation du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Depuis lundi, nous avons bien progressé dans les négociations, même si nos approches diffèrent. Les fonctionnaires doivent gagner correctement leur vie sans que cela conduise à une dégradation des finances publiques ; en même temps cette possible dégradation ne peut servir d’alibi pour refuser à l’ensemble de la fonction publique une garantie par rapport à l’augmentation des prix. L’augmentation du pouvoir d’achat passe par différents mécanismes : la rémunération individuelle, la rémunération au mérite, travailler plus, une majoration des heures supplémentaires, le compte épargne temps. Cela peut avoir des effets sur le budget pour 2008, mais pas sur la loi de finances rectificative, puisque les discussions avec les syndicats ne sont pas terminées. De toute façon 130 à 140 millions sont prévus au titre des heures supplémentaires et dans la réserve du titre II, nous disposons de 600 millions pour faire face.

Monsieur de Courson, si l’amendement sur l’écopastille a été déposé tardivement, c’est que le Grenelle de l’environnement est récent. Nous aurions pu attendre et intégrer la mesure au projet de loi que M. Borloo présentera pour en tirer les conséquences. Nous avons pensé que la disposition avait plus sa place dans un texte fiscal et qu’il valait mieux la mettre en vigueur au plus tôt. Je veillerai à ce qu’on établisse un barème équilibré entre bonus et malus. Je vous rassure à propos du service annexe d’amortissement de la dette de la SNCF. La soulte que la SNCF versera, et dont nous connaîtrons bientôt le montant, sera affectée intégralement au désendettement. Pour la cession des actifs d’EDF, j’ai déjà évoqué dans quelle logique patrimoniale elle s’inscrit. S’agissant de l’impôt sur les sociétés, certes nous nous posons des questions. Mais d’après les experts, le danger d’exposition aux subprimes, variable selon les organismes, est moindre que ce qu’il est dans d’autres pays et restera, je l’espère, marginal. Je n’ai donc pas d’inquiétude particulière à ce propos. J’en suis d’accord, le problème du FFIPSA n’est pas résolu. J’ai dit qu’il fallait le régler avant le premier semestre 2008, en adossant le fonds à l’assurance maladie, tout en respectant la gouvernance par le monde agricole. Si on nous montre qu’il y a de meilleures solutions, nous sommes preneurs. Mais j’insiste sur le respect des agriculteurs, et de leur lien avec le FFIPSA.

Je remercie M. Chartier pour son plaidoyer vif, brillant et encourageant, sur la lutte contre la fraude. Nous allons y consacrer énergies et compétences, et innover dans ce domaine, face aux voyous qui, en volant la sécurité sociale ou le fisc, volent en fait les plus faibles. Il y a là une question de morale républicaine. Mais nous serons attentifs à ne pas confondre les bandits qui profitent des faiblesses de notre législation fiscale ou sociale et ceux qui commettent une erreur ou un simple oubli. Les carrousels de TVA sont un sujet que je me propose de traiter pendant la présidence française de l’Union européenne. La direction nationale des enquêtes fiscales s’en occupe, car cela nous coûte des centaines de millions, comme à la Grande-Bretagne et à l’Allemagne d’ailleurs. Nous sommes en train de définir des instruments de cette lutte. Il y en a dans le collectif et dans le PLFSS, et nous en créerons d’autres.

Je me réjouis, Monsieur Carcenac, que vous partagiez notre souci de lutter contre toutes les fraudes, mais je ne crois pas comme vous que la qualité du service en souffrira. Bien au contraire, nos concitoyens reconnaissent volontiers la compétence de l’administration fiscale.

M. de Rugy voit trop souvent l’économie tout en noir. Certes, la situation de l’euro ou des prix du pétrole appellent notre vigilance, mais il existe bien d’autres raisons de nous réjouir. Songez que le taux de chômage a été ramené à 8 % : qui l’aurait cru il y quelques années seulement ? Par ailleurs, le travail ne se partage pas. Au contraire : comme le pain, il se multiplie ! Et cessez d’accabler la loi TEPA, car elle recueille un grand succès d’estime, ne vous en déplaise ! Oui, nous croyons au travail, et nous voulons le développer, car les Français travaillent deux cents heures annuelles de moins que leurs voisins.

M. Lurel s’interroge sur la solidarité nationale après le passage du cyclone Dean aux Antilles, mais j’observe que 61 millions d’autorisations d’engagement ont immédiatement été débloquées, ainsi que 50 millions de crédits de paiement à dépenser sur-le-champ.

M. Jean Mallot – Pourquoi moins de crédits de paiement ? Une catastrophe de cette ampleur n’attend pas !

M. Éric Woerth, ministre du budget La différence sera comblée en temps utile : pourquoi débloquer des crédits s’ils ne peuvent pas être utilisés tout de suite ? D’ailleurs, j’observe que vous confondez souvent trésorerie et politique publique, Monsieur Lurel : c’est pourtant bien différent. D’autre part, il n’y a aucune annulation de crédits dans le budget de l’outre-mer, mais simplement des mises en réserve dues à des non-affectations ou à des transferts, comme dans les autres ministères. J’ajoute que le collectif prévoit quarante millions de nouveaux crédits.

S’agissant des risques sismiques aux Antilles, le Gouvernement est naturellement déterminé à réduire au maximum la vulnérabilité du bâti. Plus de 340 millions y seront consacrés, dont un dixième environ a déjà été délégué.

M. Serge Letchimy – Pour la Guadeloupe seulement !

M. Éric Woerth, ministre du budget Soit, je vérifierai.

MM. de Courson et Mariton ont évoqué le service annexe de l’amortissement de la dette de la SNCF : le collectif en clarifie la situation en assimilant cet engagement financier de l’État à une dette financière. Quant aux cessions d’actifs, qui exigent toute notre prudence, nous en reparlerons à l’occasion d’un amendement.

M. Vergnier évoque la compensation des transferts de compétences. En parlerez-vous encore dans un siècle ? Que ce soit clair : ils sont intégralement compensés !

M. Patrick Roy – Non ! Non !

M. Éric Woerth, ministre du budget Si. Vous évoquez une dette de l’État envers les conseils généraux de plus de deux milliards au titre du RMI, mais je n’en vois pas trace dans les comptes de l’État.

M. Patrick Roy – Et les anciennes routes nationales ?

M. Éric Woerth, ministre du budget En outre, en affectant certains produits fiscaux tels que la TIPP et la TSCA au transfert des TOS, nous avons une compensation euro par euro, pour ne pas reprendre une formule plus célèbre. Enfin, s’agissant du RMI, l’État a dépassé ses obligations en abondant de 500 millions par an entre 2006 et 2008 le fonds départemental de mobilisation pour l’insertion. Cessez donc d’accuser l’État : il fait son devoir à l’égard des collectivités locales.

M. Michel Vergnier – Pourquoi ne pas commander une expertise indépendante ?

M. Éric Woerth, ministre du budget La commission consultative d’évaluation des charges n’est-elle pas assez indépendante ? Elle est composée d’élus. Localement, croyez-moi, avant d’être de gauche ou de droite, un élu est un élu ! Et il n’est pas loin de penser que l’État, c’est l’enfer, et les collectivités le paradis…

M. Roy a lui aussi tenu des propos bien injustes. Les élus de droite, dites-vous, ne comprendraient pas les difficultés de nos concitoyens et la misère de certains. Vous ne manquez pas de toupet. Les élus de droite et de gauche parlent au même peuple et ont les mêmes électeurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. Leurs solutions seules sont différentes. Les vôtres consistent à distribuer de l’argent que vous n’avez pas.

M. Patrick Roy – Que nous n’avons plus, à cause de vos cadeaux fiscaux !

M. Éric Woerth, ministre du budget Bien au contraire : la loi TEPA est une incitation au travail !

M. Patrick Roy – Et les cent familles à qui vous avez accordé 100 000 euros ?

M. Éric Woerth, ministre du budget Bien des gens modestes votent pour des élus de droite, et ils ont raison !

Enfin, M. Bouvard, et je l’en remercie, a salué nos progrès en matière de gestion budgétaire, tout en rappelant qu’il en restait d’autres à accomplir : voilà précisément ce qui nous réunit ici. Vous nous encouragez à améliorer la transparence budgétaire : c’est déjà largement le cas, en matière de dotations sociales, ou encore d’OPEX et d’OMP, qui feront l’objet d’un amendement gouvernemental au Sénat visant à augmenter leur dotation.

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. Éric Woerth, ministre du budget Quant à la RGPP, vous avez raison : elle devrait toucher aux opérateurs, mais nous serons contraints de voir cela plus tard : l’État et les organismes sociaux nous donnent déjà un énorme travail.

La présentation de M. Bloche concernant la redevance audiovisuelle m’a semblé trompeuse. La lier à la taxe d’habitation fut une simplification bienvenue ! Cette mesure, qui a permis de nombreux gains de productivité, devait être réétudiée. Voici donc les statistiques : près de 4,5 millions de personnes sont exonérées de la taxe d’habitation, et elles ne sont pas les plus aisées. Avant la mise en correspondance, trois millions de personnes étaient exonérées de la redevance audiovisuelle. La situation de 750 000 d’entre eux a changé – il s’agit surtout de personnes âgées, mais aussi de personnes qui, à l’époque de la réforme, ne payaient pas d’impôt pour toutes sortes de raisons. Fonder l’exonération de redevance sur celle de la taxe d’habitation est donc plus juste, puisque l’on prend désormais en compte le revenu fiscal, et non plus l’impôt payé. Nous avons réfléchi avec M. Martin-Lalande à accorder l’exonération de redevance aux personnes handicapées touchant l’APA, et nous l’envisagerons en temps utile, mais on ne peut tout de même pas exonérer tout le monde !

M. Patrick Bloche – Ce n’est pas le problème : il ne s’agit que de 780 000 foyers, et leur nombre diminue d’année en année !

M. Éric Woerth, ministre du budget Les dispositions qui conduisent à exonérer de très nombreux ménages du paiement de la taxe d’habitation et de la redevance sont bonnes, et personne ne peut contester qu’elles concernent un très grand nombre de personnes.

En matière de logement, j’ai entendu M. Le Bouillonnec parler d’annulation des crédits comme s’il s’agissait de réduire les aides au logement. Il n’en est rien : au contraire, les crédits consacrés aux APL augmenteront de 3 % ! Mais si, pour un budget donné, il apparaît que l’on a ouvert plus de crédits que nécessaire, ne convient-il pas de modifier ce qui doit l’être ? N’est-ce pas l’objet même d’un collectif budgétaire ? Pourquoi pousser des cris d’orfraie sous prétexte que l’on déporte les crédits là où ils sont nécessaires, sans que l’équilibre budgétaire global s’en trouve modifié ? Ce qui vaut pour l’aide au logement vaut pour l’ANRU : si sa trésorerie est suffisante, point n’est besoin d’en rajouter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Jean Launay – L’examen du projet de loi de finances rectificative est un autre temps privilégié du travail du Parlement, pendant lequel il peut, dans l’idéal, exercer dans sa plénitude sa mission de contrôle financier de la politique du Gouvernement. Voire – car il faudrait qu’il dispose pour cela du délai nécessaire à une analyse complète. Ce texte est en effet un excellent indicateur de la situation économique du pays et des politiques publiques conduites. Celui qui nous est soumis en est la preuve, qui montre que ni la croissance ni la confiance ne sont au rendez-vous, que la lancinante question du pouvoir d’achat demeure et que l’équilibre des comptes publics est toujours menacé.

Le taux de croissance de 2,25 % attendu ne sera vraisemblablement pas atteint en 2007. En dépit des incantations de Mme Lagarde et des 0,7 % observés au troisième trimestre et dont nous nous réjouissons, l’INSEE estime que la croissance annuelle s’établira à 1,8 % fin 2007. L’institut souligne de plus que la crise financière constitue un aléa majeur et que si elle devait persister, « le financement de nombreux projets en serait compromis, et la croissance amoindrie ». La France est loin de s’engager sur la voie du point de croissance supplémentaire promis par le Président de la République.

Les chiffres publiés le 13 novembre dernier confirment que les ménages n’ont pas tort de percevoir leur pouvoir d’achat comme menacé. L’inflation est en hausse et le ralentissement du pouvoir d’achat est, depuis 2002, de plus en plus marqué, alors que, de 1998 à 2002, la hausse annuelle du pouvoir d’achat a constamment été supérieure à 3,2 % – un niveau jamais atteint depuis lors.

La question du pouvoir d’achat, que nous vous avons obligés à traiter, est centrale. Jeudi dernier, vous avez escamoté le débat sur notre proposition à ce sujet ; nous y reviendrons en déposant des amendements qui reprennent les articles qui n’ont pas été examinés. Mais il y a plus. Je l’ai dit jeudi : alors que la libération de l’épargne salariale décidée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie, n’avait provoqué q’un feu de paille s’agissant des revenus des ménages et de la croissance, le même homme reprend la même recette, qui produira les mêmes effets, réduits et sans impact sur ceux qui sont frappés par votre politique de l’emploi. Encore plus grave : les chiffres globaux masquent l’inégalité croissante des gains de pouvoir d’achat depuis 1998. Une étude de l’École d’économie de Paris le confirme, une période de « stagnation, voire de repli du revenu moyen et du revenu médian s’est ouverte ».

Dans le même temps, les comptes publics sont toujours sous pression. Le déficit est certes ramené des 42 milliards prévus à 38,2 milliards, mais cela résulte de deux mesures exceptionnelles – le versement anticipé par EDF d’un dividende de 923 millions et la baisse de 1,9 milliards du prélèvement pour l’Union européenne –, et il demeure supérieur de 6 milliards à ce qu’il était fin 2001. Rien n’indique que, structurellement, les choses s’amélioreront, ni pour l’État ni pour la sécurité sociale.

J’en viens à vos choix de politiques publics. Votre premier texte, la loi TEPA, n’était pas qu’un paquet fiscal – ce sera un paquet explosif et, comme notre collègue Muet l’a dit tout à l’heure, un boulet, parce qu’il n’était pas financé, et parce qu’il dégrade les équilibres financiers. Parce qu’il n’était pas financé, 737 millions de surplus de recettes sont utilisés, contrairement à la règle fixée dans la loi de finances initiale pour 2007, pour financer les dispositions prévues cet été, le rapporteur général l’a reconnu. D’autre part, la loi TEPA dégrade les équilibres financiers, puisqu’elle oblige à une pause dans la réduction du déficit budgétaire – sachant que si le ralentissement prévisible se confirmait, ce serait de creusement du déficit qu’il faudrait parler. Enfin, nous craignons que ces dispositions soient sans effets ; ce serait la rançon de la précipitation et du dogmatisme qui ont présidé à leur élaboration.

Au total, le surplus de recettes fiscales est moindre que ce à quoi le Gouvernement s’attendait. Comme la Cour des comptes, nous constatons que plusieurs ouvertures de crédits ont été rendues nécessaires en raison de sous-évaluations manifestes en loi de finances initiales, ce qui en affecte la sincérité, Didier Migaud l’a rappelé. Le texte ne contient rien des dispositions relatives à la fiscalité écologique évoquées initialement, ce que l’audition de M. Borloo par la commission, après le Grenelle de l’environnement, laissait augurer.

Le contexte imposait d’autres choix, en faveur des ménages en premier lieu – dont le pouvoir d’achat est attaqué de toutes parts, ce que vous ne démentez pas –, par cohérence avec la politique environnementale annoncée ensuite, et nous déposerons des amendements en ce sens.

Le texte doit donc être renvoyé en commission pour que nous puissions retravailler tous ces points et bien d’autres, abordés par les orateurs de notre groupe, qu’il s’agisse du pouvoir d’achat ou de la suppression de l’exonération de la redevance audiovisuelle. Mon collègue Bloche a souligné que cela pose problème à 780 000 familles ; je note qu’une prise de conscience a dû se faire, puisqu’un amendement de votre majorité propose maintenant un abattement de 50 % ; nous avons donc eu raison de vous alerter… Il nous faudrait aussi traiter du logement et des rentrées de TVA. Il nous faudrait encore pouvoir examiner comme il se doit les nombreux amendements que le Gouvernement a présentés tardivement en commission, pour certains ce soir encore. Il nous faudrait enfin parler en détail de la redevance spécifique sur les gisements gaziers, chère à nos collègues Lurel et Taubira. Ils avaient déposé, lors de la discussion de la loi sur l’outre-mer, un amendement tendant à instituer une redevance spéciale sur les titulaires de concessions de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux. Le ministre de l’outre-mer nous avait demandé d’attendre une étude d’impact, mais celle-ci tarde à venir…

Rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics », je m’interroge également sur l’augmentation de 2,5 millions d’euros des crédits de l’Élysée – 1 pour les frais de personnel, et 1,5 pour les frais de fonctionnement. La loi de finances initiale étant censée avoir mis en conformité la présentation des comptes en augmentant de 68,5 millions la dotation de l’Élysée, montant compensé par des réductions de crédits au sein des missions correspondantes, il y a de quoi s’étonner : pourquoi augmenter des crédits que nous venons tout juste de voter, sans attendre de voir si leur exécution sera conforme aux prévisions ? Au nom de la transparence dont vous vous recommandez, ces hausses répétées de crédits sont difficilement compréhensibles.

J’observe aussi que ce budget ne porte pas trace des mesures annoncées par le Président de la République en vue de soutenir le pouvoir d’achat. On est bien loin des mesures fiscales colossales que vous avez fait adopter cet été ! Avec vous, il y a deux poids et deux mesures, et ce qui viendra risque d’être inversement proportionnel aux attentes de nos concitoyens. Chacun les connaît pourtant : Mme Darciaux rapportait ainsi la décision prise par un directeur de grande surface de baisser de 3 % les prix pour les titulaires de la carte « famille nombreuse » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Nous en venons aux explications de vote.

M. Michel Vergnier – Sur la question des différences d’appréciation qui opposent l’État et les collectivités locales, le ministre nous a répondu qu’on pourrait en parler pendant 110 ans encore... Voilà qui ne nous rassure guère ! Pourquoi ne pas lancer le « Grenelle » des finances locales souhaitées par le Président de la République ?

Ce projet de loi de finances rectificative comporte des mesures de bon sens, comme l’a indiqué le président de la commission, mais chacun aura observé l’inquiétude de la majorité : les mesures adoptées en loi de finances initiale n’ont pas eu l’effet de levier attendu sur le pouvoir d’achat, la croissance et les comptes publics. Or, ce texte n’y changera rien.

M. Launay ayant parfaitement démontré qu’un renvoi en commission s’imposait, je n’y reviens pas, sauf pour noter votre improvisation : après le vote d’une première loi sur le pouvoir d’achat en juillet, une nouvelle loi en décembre. Celle-ci sera-t-elle rectificative ou complémentaire de la première ? Qu’est-ce qui a changé en quelques mois ? Vous n’aviez pas bien appréhendé le sujet, vous vous inquiétez des derniers sondages d’opinion, ou bien redoutez-vous les échéances électorales à venir ? Il y a sans doute un peu de tout cela à la fois…

Vous faites preuve d’improvisation, mais aussi de précipitation et même d’agitation. Un de nos collègues a ainsi découvert en commission qu’il était signataire d’un amendement relatif à une taxe sur le poisson dont il ignorait tout.

M. Jérôme Chartier – C’est faux !

M. Michel Vergnier – Mais non ! Ce collègue a souhaité retirer sa signature. Nous avons également dû survoler un amendement de 9 pages du Gouvernement en moins de dix secondes ; nous n’avons bien sûr rien compris, mais les explications ont été renvoyées à la séance publique ! Certains collègues nous ont même demandé d’adopter des amendements tout en reconnaissant qu’ils ne les avaient lus qu’en diagonale. Tel amendement n’avait rien à faire là, nous a-t-on dit, tandis qu’un autre avait déjà été vu la semaine dernière... Tout cela justifie pleinement le renvoi en commission.

Je tiens malgré tout à féliciter le président de la commission des finances et le rapporteur général (« Tout de même ! » sur les bancs du groupe UMP). Ils ont bien du mérite de travailler dans de telles conditions, et je dois reconnaître leur honnêteté intellectuelle.

M. Michel Bouvard – C’est pour ces qualités que nous les avons choisis ! (Sourires)

M. Michel Vergnier – Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Charles de Courson – J’observe qu’il y a beaucoup de redites entre les différentes motions, mais peu de propositions. C’est pourtant ce qui m’intéresse.

M. Michel Vergnier – Il y a nos amendements !

M. Charles de Courson – Malgré le flou actuel, j’ai quand même essayé d’évaluer vos propositions : après de grands débats, le parti socialiste s’est mis d’accord sur une baisse de 0,6 point du taux normal de TVA et de 0,5 du taux réduit, ce qui coûterait 4,5 milliards. Ajoutons à cela 1,5 milliard de hausse de la PPE, ainsi qu’une éventuelle baisse de la TIPP flottante, sujet sur lequel j’ai appris que vous vous battiez comme des chiffonniers – à juste titre d’ailleurs, puisqu’il vaudrait mieux parler de « TIPP sombrante » du fait de la contraction actuelle de la TVA.

Bref, vous ne savez pas où vous en êtes ! Je respecte l’opposition, mais on attend toujours les propositions du PS. C’est pourquoi le groupe Nouveau centre votera contre le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Patrick Roy – Le Nouveau centre, c’est surtout la “nouvelle droite”!

M. Louis Giscard d'Estaing – Le propre d’une loi de finances rectificative est de préciser la loi de finances initiale. Citant le président de la commission des finances, M. Launay reconnaît que certaines mesures vont dans le bon sens. Pourquoi donc en rediscuter en commission ?

M. Jean Mallot – C’est qu’il y a tout le reste !

M. Louis Giscard d'Estaing – Précisément, de quoi s’agit-il, sinon de mesures dont nous avons déjà largement débattu en commission, notamment à l’occasion des décrets d’avance, qui nous ont été communiqués en temps et en heure par le ministre – je tiens à le faire remarquer. Le service annexe de la dette ferroviaire n’est pas davantage un sujet nouveau pour nous !

Il n’y a donc nul besoin de revenir sur toutes ces mesures, du moins pas en commission : passons plutôt à la discussion en séance publique ! Pour cette raison, le groupe UMP ne souhaite pas le renvoi en commission(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Sandrier – Le groupe GDR votera la motion (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe UMP), et ce pour une raison très simple : nous regrettons votre ardeur à vous débarrasser du débat de fond, Monsieur le ministre. Afin de botter en touche, vous avez non seulement fait allusion au passé, argument facile que vous devriez réserver aux préaux d’école, mais aussi au caractère « excessif » de nos propos.

Mais ces propos portent sur l’argent dont pourrait disposer l’État s’il le prenait là où il est. Et il y en a beaucoup ! Ce n’est pas moi qui le dis, mais des professeurs d’économie, comme Patrick Artus, ou des publications comme la Tribune. Soit ces gens, pourtant compétents, ont tort, et il faut expliquer pourquoi, soit ils ont raison et il faut se demander comment, d’après le Président de la République, les caisses peuvent être vides.

Ce qui est excessif, c’est de dire que les Français ne travaillent pas assez. Ce n’est pas seulement une provocation : c’est tout simplement faux ! Ainsi, l’OFCE affirme que les Français ne travaillent pas moins que les habitants des autres pays de la zone euro, et qu’ils sont plus productifs ; les Échos mettent la France dans la liste des pays qui ont travaillé en moyenne entre 41 et 42 heures effectives en 2006, avec l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie ; quant au coût horaire du travail, il est moins élevé qu’aux États-Unis, en Allemagne et au Japon – nous sommes d’ailleurs au treizième rang sur vingt dans l’Union ! Soit ces différents chiffres sont faux, et il faut expliquer pourquoi, soit ils sont exacts et il faut en débattre.

En sept ans, les salaires ont augmenté de 5,3 %, les revenus fonciers de 13,2 %, les revenus des capitaux de 30,7 % et ceux du CAC 40 de 80 %. Ça, c’est excessif ! C’est de cela qu’il faut débattre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Patrick Roy – La justice, vue par le Gouvernement !

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.

M. le Président – J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

ART. PREMIER

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan – Les amendements 122 à 126 sont rédactionnels.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Avis favorable.

L'amendement 122, mis aux voix, est adopté, de même que les 123, 124, 125 et 126.

L'article premier, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Gilles Carrez, rapporteur général – L’amendement 127 est rédactionnel.

L'amendement 127, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Cet article 3 traite des amendes de police, qui figurent en recettes dans le budget de l’État mais donnent lieu à un prélèvement sur recettes à due concurrence, pour être reversées aux collectivités locales. Le montant de recettes prévu en loi de finances initiale était de 680 millions, mais les sommes qui seront réellement perçues sont estimées à 510 millions. Peut-être les contrevenants, espérant une amnistie après l’élection présidentielle, ont-ils différé leur paiement – auquel cas on retrouvera les amendes majorées sur une autre ligne du budget. Toujours est-il qu’il faut ajuster les montants à la baisse de 170 millions. C’est le premier objet de l’amendement 3. Par ailleurs, l’article prévoit d’affecter 35 millions au fonds interministériel de prévention de la délinquance. Je rassure Michel Bouvard, qui a déposé un amendement sur cette question : ces 35 millions ne seront pas pris directement sur le produit des amendes, mais sur le budget général de l’État. L’amendement 3 propose, ainsi que nous l’avions déjà fait l’an dernier, de majorer la dotation globale de fonctionnement, avec 35 millions supplémentaires qui permettront de satisfaire aux besoins des intercommunalités et de faire progresser la péréquation.

M. Éric Woerth, ministre du budget Sagesse.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Bouvard – Compte tenu de cet éclaircissement, je retire l’amendement 106.

L'amendement 106 est retiré.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – L’amendement 121 est rédactionnel.

L'amendement 121, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 3, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Gilles Carrez, rapporteur général – L’amendement 28 est rédactionnel.

L'amendement 28, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 5, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Les amendements 29 et 30 sont rédactionnels.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Avis favorable.

L'amendement 29, mis aux voix, est adopté, de même que l’amendement 30.

L'article 6, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 6

M. Jean Launay – En 2001, dans un contexte de tension très forte sur les prix des produits pétroliers tout à fait comparable à la situation actuelle, le gouvernement socialiste avait institué un prélèvement exceptionnel sur les compagnies pétrolières. Depuis trois ans, les prix des carburants ont augmenté de 26,2 %, entraînant, d’après les associations de consommateurs, un surcoût pour les ménages de 7 milliards. Mais pour leur part, les compagnies pétrolières en ont largement bénéficié, avec des niveaux de rentabilité économiques proches de 35 %. L’amendement 186 propose donc une majoration de l'impôt sur les sociétés pour les compagnies pétrolières, cette imposition exceptionnelle pouvant être diminuée en cas d’investissements dans les énergies renouvelables ou de financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Avis défavorable. Cette taxe supplémentaire qui s’applique en cas de progression des bénéfices ne servirait à rien, car le bénéfice de la compagnie que vous visez devrait diminuer en 2007. En revanche, une autre de vos propositions, concernant les provisions des compagnies, est plus intéressante. Jérôme Chartier s’en est inspiré pour un amendement dont nous discuterons tout à l’heure.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Deux amendements ultérieurs, que le Gouvernement proposera de sous-amender, répondent en partie à votre préoccupation. Avis défavorable.

M. Jean Launay – Je note avec satisfaction qu’un peu d’insistance permet de faire évoluer les choses.

L'amendement 186, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Launay – L’amendement 185 est dans la même veine. Le prélèvement exceptionnel que nous avions institué en 2001 était justifié par le fait que, hors de toute décision propre aux entreprises, leur résultat s’améliore mécaniquement dans un contexte de hausse des prix. On nous oppose toujours un risque de délocalisation : nous n’y croyons pas. En revanche, nous pensons que les grandes compagnies pétrolières – il n’y a pas que Total – doivent participer au partage de la richesse nationale et à la redistribution vers les ménages.

L'amendement 185, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Alain Muet – L’amendement 166 propose de ramener les taux de TVA de 19,6 à 19 %, de 5,5 à 5 %, et de 8,5 à 8 % à la Guadeloupe.

Notre système fiscal a deux défauts. D’abord, il est très peu redistributif : notre impôt sur le revenu est extrêmement faible, et il est aujourd’hui dépassé par la CSG – l’ensemble des deux étant à peu près comparable à l’impôt sur le revenu dans les autres pays, mais avec une moitié seulement progressive ! Ensuite, nos impôts indirects sont beaucoup plus élevés que dans les autres pays. La meilleure façon d’amortir, à court terme, le choc des prix que nous connaissons est de baisser la TVA, ce qui permet aussi, de même que l’augmentation de la prime pour l’emploi que nous proposerons plus tard, de corriger ces défauts.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre du budget Tout ce que j’ai à dire est que cet amendement coûte cinq milliards (Rires sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre-Alain Muet – On les assume !

M. Jérôme Chartier – Soyons raisonnables : cet amendement est gagé par un relèvement des droits du tabac ! S’il vous plaît, Messieurs les socialistes, faites preuve au moins d’un peu d’imagination !

M. Charles de Courson – Cinq milliards ! Envisagez-vous vraiment d’augmenter les recettes du tabac de cinq milliards, et de faire exploser le trafic par la même occasion ?

Surtout, la priorité du pays est-elle vraiment de continuer une politique keynésienne, dans un monde ouvert ?

M. Pierre-Alain Muet – Et la loi TEPA ?

M. Charles de Courson – Vous pouvez être pour ou contre la loi TEPA, mais vous ne pouvez pas nier que sa principale mesure – deux tiers des dépenses ! – a pour objectif d’encourager le travail. Vous, vous n’encouragez rien du tout.

C’est toujours le même problème : sans politique de l’offre, il n’y a rien à distribuer ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 166, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Alain Muet – L’amendement 167 est un amendement de repli qui nous permet de prolonger un peu le débat : nous sommes confrontés à un choc de prix. Pour faire baisser les prix, il faut baisser la TVA et, Monsieur le ministre, les 5 milliards que vous évoquez sont à rapprocher de l’effet positif qu’aurait la mesure sur la croissance. Demandez à vos services ou à l’OFCE de se pencher sur le problème et vous serez surpris du résultat !

L'amendement 167, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Launay – Notre amendement 168 vise à appliquer le taux super-réduit de TVA de 2,1 % aux fruits et légumes, afin de permettre aux ménages les plus modestes d’y accéder plus facilement, notamment dans un objectif de santé publique.

L'amendement 168, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Charles de Courson – L’amendement 240 vise à obtenir des précisions sur l’application d’une disposition de la loi TEPA, qui dispose que les réversions d’usufruit au profit du conjoint survivant relèvent du régime de droits de mutation par décès. Cette disposition a eu pour effet d’étendre aux réversions d’usufruit successives entre époux le bénéfice de l’exonération des droits de mutation par décès. S’agissant du régime fiscal applicable aux réversions d’usufruit ayant pris effet antérieurement à la loi TEPA, la chambre mixte de la Cour de cassation a conclu que si la clause de réversion d’usufruit présente le caractère d’un terme dont seule l’exécution est retardée, son existence actuelle a pour conséquence de la rendre immédiatement passible du droit proportionnel de mutation à titre gratuit auquel est assujettie toute obligation à terme. La position de l’administration fiscale selon laquelle la réversion d’usufruit n’est imposable qu’au décès du premier usufruitier n’était donc justifiée qu’au vu de la qualification juridique retenue jusqu’à présent par la chambre commerciale. Il convient par conséquent de souligner que si les contribuables peuvent se prévaloir d’une instruction administrative pour différer l’imposition des réversions d’usufruit, l’administration elle-même ne peut opposer une telle instruction aux contribuables. Il en résulte que l’imposition à la date du décès des réversions d’usufruit ayant pris effet avant le 22 août 2007 repose aujourd’hui sur une base juridique très incertaine. Pour autant, l’administration fiscale poursuit de telles impositions dans le cadre des procédures de rectification. Il est souhaitable que l’administration fiscale ne poursuive plus les rectifications visant à assujettir aux droits de mutation par décès les réversions d’usufruit entre conjoints ayant pris effet avant le 22 août dernier. Tel est l’objet de notre amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – La commission n’a pas retenu cet amendement, dans la mesure où la question semble clairement tranchée. Ce qui compte, c’est la date du décès : s’il s’est produit avant le 22 août 2007, la mutation est soumise au régime ancien et le conjoint survivant est donc imposé selon les tarifs en vigueur ; s’il est survenu après le 22 août, le conjoint survivant bénéficie d’une exonération totale. Cela donne l’occasion de rappeler aux collègues de l’opposition qui critiquent si fort le paquet fiscal que l’ensemble des Français trouvent cette mesure parfaitement juste et l’attendaient depuis longtemps ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard – Mais l’opposition a voté contre !

M. Éric Woerth, ministre du budget L’article 796-0 quater du CGI, issu de la loi TEPA, dispose que les réversions d’usufruit au profit du conjoint survivant relèvent du régime des droits de mutation par décès. Vous souhaitez préciser que cet article n’est applicable qu’aux réversions d’usufruit entre conjoints ayant pris effet à compter du 22 août 2007, date de publication de la loi TEPA. Je confirme que, selon les dispositions de l’article précité, les réversions d’usufruit au profit du conjoint survivant ne sont taxées que lors du décès du stipulant, fait générateur des droits de mutation par décès. En raison de la suppression des droits de succession pour le conjoint survivant, ces réversions sont désormais exonérées. Les clauses de réversion d’usufruit au profit du conjoint survivant prenant effet suite à une succession ouverte à compter du 22 août dernier seront donc exonérées de droits de mutation à titre gratuit, quelle que soit la date de l’acte.

Vous souhaitez par ailleurs que l’administration fiscale n’entame pas de procédures de rectification en vue de leur assujettissement aux droits de mutation par décès, lorsque ces réversions par décès ont pris effet avant la date d’entrée en vigueur de la loi précitée. Je tiens à vous rassurer sur ce point : l’administration fiscale n’a pas rapporté sa doctrine suite à l’arrêt rendu le 8 juin dernier par la Cour de cassation, lequel dit que les clauses de réversion d’usufruit sont taxables au jour de l’acte. Par conséquent, les clauses de réversion d’usufruit rédigées entre le 8 juin et le 22 août 2007 resteront taxables au jour du décès du stipulant, selon les tarifs applicables à cette date. Le régime fiscal antérieur est donc bien maintenu dans cette période transitoire.

Au bénéfice de ces précisions, je vous invite à retirer votre amendement.

M. Charles de Courson – Les choses étant bien éclaircies, je le retire.

L'amendement 240 est retiré.

M. Patrice Martin-Lalande – L’amendement 204, que j’ai déposé avec MM. Chartier et Lefebvre, vise à garantir l’application de l’article 6 de la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, lequel dispose le financement par l’État de la reprise, sur le bouquet satellitaire gratuit de la TNT, des 24 programmes régionaux de France 3. Cela permettra, où que l’on se trouve en France, de suivre le journal régional de sa région. La couverture de ce besoin de financement en 2007, évaluée par la société à 1,9 million, ne figure pas dans les comptes consolidés du contrat d’objectifs et de moyens – COM – signé entre l’État et France Télévisions le 27 avril dernier. Pour les années suivantes, le financement de la reprise satellitaire des décrochages régionaux de France 3 figure bien dans le COM, à hauteur de 5,7 millions chaque année. Merci, Monsieur le ministre, de nous permettre de clarifier ce point.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Je suis désolé de devoir indiquer à Patrice Martin-Lalande que la commission n’a pas accepté cet amendement, lequel consiste en fait à financer ce 1,9 million supplémentaire en augmentant la ligne de dégrèvement de 509 millions de redevance télévisuelle, prise en charge par l’État. Compte tenu du fait que le financement à partir de la redevance s’élève à 2 milliards, nous avons estimé que l’on pouvait très bien trouver de quoi financer 1,9 million au sein de France Télévisions.

M. Michel Bouvard – Cela ne fait aucun doute !

M. Éric Woerth, ministre du budget Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement car le groupe France Télévisions a conclu avec l’État un COM pour les années 2007-2010 qui fixe en ces domaines des objectifs très ambitieux. La demande ne semble pas justifiée, dans la mesure où la dépense a bien été prise en compte dans le COM – même si elle n’apparaît pas au plan comptable. Elle est incluse dans les 22,3 millions de dépenses de diffusion numérique pour 2007, lesquelles enregistrent une augmentation de plus de 80 % par rapport à l’année précédente ! En outre, lorsque l’on se penche sur l’exécution du budget de France 3, on constate que les dépenses en faveur de la diffusion en analogique et en numérique seront, à la fin de l’année, inférieures de 2,4 millions au budget prévu. La demande de crédits supplémentaires est donc paradoxale. Au bénéfice de ces explications, je vous serais reconnaissant de retirer cet amendement.

M. Patrice Martin-Lalande – Monsieur le ministre, vous avez reconnu implicitement que cela ne figurait pas de manière claire dans le tableau du COM. Cela dit, je retire l’amendement.

L'amendement 204 est retiré.

ART. 7

M. Gilles Carrez, rapporteur général – L’amendement 4 tend à confirmer une règle très importante, adoptée fin 2004 à l’initiative de Nicolas Sarkozy alors ministre de l’économie et des finances et relative à l’affectation des surplus de recettes fiscales. À l’époque, nous avons modifié la LOLF pour préciser que, chaque année, la loi de finances initiale doit fixer à l’avance la manière dont seront utilisés, le cas échéant, les surplus de recettes fiscales. Il peut ainsi être décidé de les destiner à une baisse du déficit, à des dépenses nouvelles ou à des baisses d’impôt. C’est du reste cette règle d’affectation systématique des surplus qui a permis, en 2005 et 2006, de réduire sensiblement le déficit, entre la prévision et l’exécution.

En juillet 2007, avec la loi TEPA, nous avons adopté un texte essentiel pour relancer le travail. Du fait qu’il comporte des allègements de cotisations sociales et des exonérations fiscales, ce texte a eu une incidence sur les recettes de l’exercice, qui ont diminué. Par l’amendement 4, nous entendons retracer précisément ce qui s’est passé depuis le début de l’année 2007, eu égard à la règle votée à l’article 52 de la LFI pour 2007, lequel disposait que les éventuels surplus de recettes fiscales seraient intégralement affectés à la réduction du déficit. L’amendement constate par conséquent que, sur environ 3 milliards de surplus, 735 millions ont été affectés au financement des allègements de charges sociales et de fiscalité sur les heures supplémentaires au titre de la loi TEPA, les 2 milliards restants étant destinés à réduire le déficit. C’est du reste ce qui nous permet aujourd’hui de constater que le déficit a été ramené de 42 milliards à 38,3 milliards.

J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit absolument pas de remettre en cause la finalité de la loi TEPA mais simplement de suivre la manière dont ont été utilisés les surplus (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Éric Woerth, ministre du budget – On pourrait aussi considérer que la diminution des recettes provoquée par la loi TEPA a été compensée par celle du prélèvement sur recettes au titre de l’Union européenne ou par le dividende supplémentaire de 923 millions obtenu d’EDF. Votre amendement a cependant un but de clarification. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée.

M. Jean Launay – Le rapporteur général vient de jouer brillamment les équilibristes, mais nous soutiendrons son amendement. C’est Didier Migaud qui a demandé la modification de l’article prévoyant l’affectation totale des surplus au déficit à laquelle déroge la loi TEPA. Rappelons également que c’est le Président de la République qui a fait voter ce principe en 2004 : il a manifestement changé d’avis sur ce que doit être une bonne gestion…

M. Charles de Courson – Que se passera-t-il lorsque l’on constatera en loi de règlement quelques centaines de millions de soulte de la SNCF au titre de la reprise des 8,2 milliards de dette du SAAD ? Cet amendement s’appliquera-t-il aux 3,7 milliards de recettes constatées sur la cession des 2,5 % d’EDF ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général – La règle d’affectation des surplus est à législation constante. Or ici, la législation est modifiée. Vous avez donc raison en ce qui concerne une éventuelle soulte de la SNCF. J’ignore si le Gouvernement présentera un amendement à ce sujet. Mais si cette soulte doit être constatée au titre de l’exercice 2007, elle figurera au titre des recettes supplémentaires en loi de règlement.

Quant aux recettes issues de la cession des actions EDF, elles s’inscriront en recettes au compte d’affectation spéciale. Je pense pour ma part qu’elles y resteront affectées. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan – Je salue cet amendement qui relève moins de l’équilibrisme que d’un souci de transparence et d’orthodoxie budgétaire. Lors du vote de la loi organique de 2004, nous avions réussi à convaincre le ministre de l’économie et des finances de retenir une formule moins rigide que celle qu’il proposait.

Vous dites que ce n’est pas nécessairement le surplus de recettes fiscales qui finance la loi TEPA, Monsieur le ministre. Vous évoquez le prélèvement sur recettes et le dividende supplémentaire d’EDF.

La LOLF ne parle pas de recettes fiscales, mais d’impositions de toute nature, ce qui est plus large. Cet amendement a le mérite de clarifier les choses : notre Assemblée devrait le voter.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2007, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 8

M. Éric Woerth, ministre du budget – L’amendement 276 vise à régulariser le montant des autorisations d’engagement nécessaires pour assurer les paiements prévus en loi de finances initiale.

L'amendement 276, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 9

M. Éric Woerth, ministre du budget – Même explication pour l’amendement 277 rectifié.

L'amendement 277 rectifié, accepté par la commission, est adopté.

L'article 9 ainsi modifié est adopté.

ARTICLES 10 À 12

Les articles 10, 11 et 12 sont successivement adoptés.

AVANT L’ARTICLE 13

M. Gilles Carrez, rapporteur général – L’amendement 31 est rédactionnel.

L'amendement 31, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 13

M. Éric Woerth, ministre du budget – L’amendement 59 a pour objet de demander la ratification du décret d’avance pris le 26 novembre.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – En vertu de la LOLF, la commission des finances doit désormais donner un avis préalable sur les décrets d’avance, avant leur examen par le Conseil d’État. Nous avions donné un avis favorable aux décrets d’avance du mois de mars et du mois d’octobre, qui ouvraient et annulaient des crédits de même montant. Nous avons été saisis il y a une quinzaine de jours du troisième décret d’avance. Nous y avons également donné un avis favorable, mais un délai était nécessaire pour sa ratification. Le Gouvernement nous a donc proposé hier cet amendement que la commission a adopté.

L'amendement 59, mis aux voix, est adopté.

L'article 13 ainsi modifié est adopté.

AVANT L’ARTICLE 14

M. Gilles Carrez, rapporteur général – L’amendement 32 est rédactionnel.

L'amendement 32, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 14

M. Gilles Carrez, rapporteur général – L’amendement 119 est rédactionnel.

L'amendement 119, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Michel Bouvard – Je regrette, Monsieur le président, que vous n’ayez pas souhaité me donner la parole sur les dispositions concernant l’affectation des recettes supplémentaires. Il n’aurait pas été anormal que le groupe UMP s’exprime sur ce point. Je rappelle en outre que j’ai présidé la commission spéciale qui a eu à traiter de cette question lors des modifications de la LOLF. C’est bien d’aller vite, mais il n’est pas acceptable que les parlementaires qui suivent les lois de finances depuis des années ne puissent pas s’exprimer ! Je ne souscris pas à cette façon de diriger nos travaux.

J’en viens à l’amendement 110, qui a pour but d’harmoniser les délais dont disposent les contribuables pour répondre à une proposition de rectification en le portant de 30 à 60 jours.

M. Charles de Courson – L’amendement 243 est identique. L’article 14 du projet prévoit de porter le délai de réponse du contribuable à une proposition de rectification, à sa demande, de 30 à 60 jours. L’obligation de demande expresse est susceptible d’alourdir la procédure et source de litiges. En outre, l’administration n’est tenue à aucun délai pour répondre aux contribuables, à l’exception du délai de trois mois prévu par le projet pour les seules petites entreprises. Pour améliorer le débat oral et contradictoire, mieux vaudrait allonger le délai de réponse à 60 jours pour tous.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – La commission a donné un avis défavorable à ces amendements. En effet, ils ne modifient pas l’article 14 du texte, mais l’article L. 11 du code général des impôts : ils visent de ce fait toutes les procédures de contrôle ou demandes de renseignement. Les deux tiers de ces demandes ne donnent lieu à aucune observation de la part des contribuables. Ces amendements auront pour effet de repousser systématiquement d’un mois le délai de recouvrement de l’impôt, ce qui a un coût considérable.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Même avis, pour les mêmes raisons. Un amendement ultérieur devrait d’ailleurs vous donner satisfaction.

Les amendements 110 et 243 sont retirés.

M. Charles de Courson – Cet article impose à l’administration un délai de trois mois pour répondre par écrit aux observations du contribuable, et uniquement en cas de vérification des comptabilités d’une entreprise ou d’un contribuable au régime simplifié. Le délai de 90 jours paraît suffisamment long et doit être appliqué à tous les contribuables. Tel est l’objet de notre amendement 244.

M. Jérôme Chartier – L’amendement 151 harmonise à deux mois les délais de réponse des contribuables soumis à vérification et de l’administration, sauf en cas de graves irrégularités.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – La commission préfère l’amendement 151, plus complet et plus équilibré, à l’amendement 244.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Le Gouvernement est également favorable à l’amendement 151 et défavorable à l’amendement 244, en raison de la taille des entreprises visées. Un délai unique de deux mois est un bon compromis. En portant le chiffres d’affaires à 1 500 000 euros, on touchera 43 000 des 45 000 entreprises contrôlées. C’est possible pour l’administration, et souhaitable pour les administrés.

M. Charles de Courson – L’amendement 151 ne touche pas toutes les entreprises, mais je m’y rallie et je retire l’amendement 244.

L’amendement 244 est retiré.

L'amendement 151, mis aux voix, est adopté.

L'article 14, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 15

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Les amendements 55 rectifié, 50 rectifié, 46 rectifié, 47 rectifié, 48 rectifié, 49 rectifié, 51 rectifié, 52 rectifié, 45 rectifié, 53 rectifié et 54 rectifié sont rédactionnels ou de précision.

Les amendements 55 rectifié, 50 rectifié, 46 rectifié, 47 rectifié, 48 rectifié, 49 rectifié, 51 rectifié, 52 rectifié, 45 rectifié, 53 rectifié et 54 rectifié, acceptés par le Gouvernement , mis aux voix, sont adoptés.

L'article 15, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. Gilles Carrez, rapporteur général – L’amendement 143 est rédactionnel.

L'amendement 143, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 16, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 16

M. Jean-François Mancel – L’amendement 210 rectifié, que nous avons déposé à l’initiative de M. Myard, fait bénéficier les 250 communes dotées d’un hippodrome d’une quote-part de 0,1 % du montant des paris sur les courses. Ces sommes non négligeables constitueraient une compensation pour les charges supportées par ces communes qui ne tirent pas des paris une recette directe. La somme serait plafonnée à 500 000 euros.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – M. Myard avait proposé le même amendement en première partie de la loi de finances dans une rédaction inappropriée. Le présent amendement, avec un plafond de 500 000 euros, est raisonnable. Pour les parieurs, ce ne sera pas un manque à gagner excessif. Il est normal que ces communes qui ont des charges aient un minimum de recettes – même si elles n’ont pas la chance de celles qui ont un casino. Je suis sûr que le ministre considérera cet amendement avec reconnaissance (Sourires sur tous les bancs).

M. Éric Woerth, ministre du budget – Cela ne diminue pas les recettes de l’État ni de la filière hippique, mais un peu les gains des parieurs. Le président du groupe d’études sur le cheval a agi avec une grande constance en la matière. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

L'amendement 210 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 17

M. Lionel Tardy – L’amendement 42 est défendu.

M. Michel Bouvard – L’amendement 109 a le même objet. il s’agit d’obliger l’administration à communiquer à un contribuable la nature et les résultats des traitements informatiques qui ont conduit à rehaussement, afin que ce contribuable, qui pour sa part a fourni des données informatiques à l’administration, ait l’information lui permettant d’en comprendre les raisons.

M. Charles de Courson – L’amendement 245 est identique. C’est un autre cas de dissymétrie des droits entre l’administration et le contribuable.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – La commission est favorable à l’amendement 42, dont la rédaction est meilleure, plutôt qu’aux deux autres.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Le Gouvernement donne également un avis favorable à l’amendement 42, qui a été brillamment défendu (Rires sur tous les bancs).

Les amendements 109 et 245 sont retirés.

L'amendement 42, mis aux voix, est adopté.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – L’amendement 67 est rédactionnel.

L'amendement 67, accepté par Gouvernement , mis aux voix, est adopté.

L'article 17, amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 17

M. Éric Woerth, ministre du budget – La taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales à été créée en 1983 pour lutter contre l’évasion fiscale en matière d’impôt sur la fortune. Elle est dissuasive et rarement payée en pratique, puisque les entreprises peuvent s’en exonérer en révélant le nom de leurs actionnaires. Compte tenu de l’évolution du marché immobilier, cette taxe est devenue un obstacle à l’investissement par des étrangers. En même temps, dans sa forme actuelle, elle ne touche pas certains montages à des fins patrimoniales. Pour moderniser le texte en tenant compte du droit communautaire et recentrer le dispositif sur la lutte contre l’évasion fiscale, il est proposé par l’amendement 81 rectifié d’en étendre le champ d’application, qui serait identique à celui couvert par les autres dispositifs immobiliers et de compléter les exonérations. Les obligations déclaratives seront simplifiées, notre territoire rendu plus attrayant, tout en luttant contre l’évasion fiscale de façon ciblée.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – La commission est très favorable à cet amendement qui permet d’assujettir les organismes sans personnalité morale que sont les trusts et les fiducies et de compléter les exonérations.

L'amendement 81 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Bouvard – Les réseaux terroristes réalisent des opérations financières d’envergure. Par l’amendement 101, il est proposé de délier les agents des impôts de leur obligation de secret professionnel pour communiquer des renseignements touchant à la sécurité du pays et à la défense.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Favorable.

M. Éric Woerth, ministre du budget – C’est un excellent amendement pour lutter contre le terrorisme. L’État est républicain, mais n’est pas naïf.

L'amendement 101, mis aux voix, est adopté.

ART. 18

M. Pierre-Alain Muet – L’amendement 163 tend à supprimer cet article qui introduit des niches fiscales non plafonnées, auxquelles nous sommes opposés depuis longtemps. À défaut, nous proposons un amendement de repli 175 visant à supprimer les alinéas 1 à 3 de l’article, qui concernent les œuvres d’art.

L'amendement 163, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard – Les alinéas 1 à 3 posent en effet problème. Une fois n’est pas coutume, le rapporteur général n’a pas su nous indiquer le coût de cette mesure. Certes, une incitation fiscale est souhaitable pour le mobilier classé, mais on sait bien que, malgré les autorisations d’engagements, les crédits de paiement sont rarement au rendez-vous dès qu’il s’agit de restauration de patrimoine, au point que ce secteur enregistre aujourd’hui un passif significatif. Ne vaudrait-il donc pas mieux consolider ces crédits, plutôt qu’engager une nouvelle dépense fiscale ? C’est d’autant plus souhaitable que les subventions tardives entraînent souvent le report des chantiers, ce qui est préjudiciable tant à l’image de l’État qu’aux entreprises spécialisées.

M. Pierre-Alain Muet – L’amendement 175, identique, a été défendu.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Avis défavorable pour les raisons que je vais expliquer dans un instant en défendant l’amendement de la commission.

M. Éric Woerth, ministre du budget  Contre également.

Les amendements identiques 107 et 175, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Plutôt que de supprimer tout ou partie de l’article, la commission préfère le modifier en y introduisant par l’amendement 5 un dispositif d’exonération fiscale au bénéfice du mobilier classé, qui concerne environ 150 000 objets dans les collectivités – essentiellement dans les édifices religieux – et 15 000 objets environ chez des particuliers. Le Gouvernement nous propose une déduction de revenu imposable non plafonnée. Deux objections : tout d’abord, la réduction d’impôt est plus simple à évaluer et surtout plus juste. Contrairement à l’immobilier classé, qui procure souvent des revenus liés au tourisme, le mobilier classé profiterait mieux d’un tel dispositif. Ensuite, la commission des finances vient, à l’initiative de son président, de créer un groupe de travail sur les niches fiscales, dont elle souhaite le plafonnement systématique.

Nous proposons donc une réduction d’impôt de l’ordre de 25 % et plafonnée à 10 000 euros. La réhabilitation d’un objet classé coûte généralement quelques dizaines de milliers d’euros ; compte tenu des diverses subventions publiques existantes, une réduction d’impôt de 2 500 euros au plus semble très raisonnable. La commission a d’ailleurs adopté cet amendement à l’unanimité !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Le mobilier classé ne concerne pas que des meubles, mais aussi des tapisseries, voire des bateaux ou des locomotives. L’article 18 permettra donc d’entretenir ce patrimoine. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de la commission, mais souhaite le sous-amender en relevant le plafond de 10 000 à 30 000 euros, pour aboutir à un seuil incitatif. Certains travaux, en effet – songez à la restauration du thonier de Ciboure, par exemple – coûtent bien plus cher que la moyenne.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – C’est trop élevé. Nous pouvons faire un effort, mais pas au-delà de 20 000 euros, soit le coût moyen d’une rénovation.

M. Charles de Courson – Attention : ce montant est celui de l’ensemble des subventions publiques accordées, en moyenne, à une opération de réhabilitation. Le département de la Marne, par exemple, subventionne parfois 40 % ou 50 % des travaux sur du mobilier classé. Ajoutez-y la réduction d’impôt, et voilà jusqu’à 40 000 euros de subvention ! En outre, il existe des biens immobiliers par destination, tels que les trumeaux, qui relèvent des mesures s’appliquant à l’immobilier classé. Qu’en est-il des vitraux classés : s’agit-il de mobilier ou d’immobilier ?

M. Michel Bouvard – Je soutiens l’amendement de la commission et me réjouis du retour possible en cas de vente, mais n’est-il pas souhaitable d’insérer une clause spécifique empêchant tout objet ayant fait l’objet d’une restauration subventionnée de quitter le territoire français ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général – C’est déjà impossible, puisqu’il s’agit d’objets classés.

M. Michel Bouvard – D’autre part, si les objets détenus par des personnes privées sont restaurés pour partie grâce à des fonds publics, la moindre des choses serait qu’ils soient exposés dans un musée.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Les vitraux sont considérés comme des meubles et font donc partie des 150 000 objets mobiliers classés.

La procédure de classement d’office empêche les exportations. Vous vous souvenez certainement, Monsieur Bouvard, de cette peinture de Vincent van Gogh pour laquelle l’État avait engagé une telle procédure, afin d’éviter sa sortie du territoire. Le propriétaire s’était d’ailleurs ensuite retourné contre l’État qui avait été condamné à lui verser quelque 120 millions de francs…

M. Jean Launay – Ce débat n’a rien d’anecdotique puisqu’il concerne les niches fiscales. Il confirme, s’il en était besoin, la nécessité d’un débat de fond à ce sujet ; pourtant, nos amendements de suppression ont été rejetés… Sensible, comme d’autres, au charme du thonier de Ciboure et des tapisseries de Hautefort, j’étais d’accord avec la rédaction du rapporteur général, mais je suis très surpris par le sous-amendement du Gouvernement, qui induit un très sérieux manque à gagner pour l’État alors que les caisses sont, paraît-il, « vides ». Voilà qui montre que quand le Gouvernement le veut bien, il sait trouver de l’argent !

M. Didier Migaud, président de la commission Les membres de la commission des finances sont tombés d’accord pour créer un groupe de travail appelé à réfléchir sur l’ensemble des niches fiscales ainsi qu’à l’éventualité d’une imposition minimale, et à formuler des propositions à ce sujet. Il n’est pas cohérent de la part du Gouvernement, qui a accueilli cette idée avec faveur, de créer une nouvelle niche fiscale, dont l’urgence n’est pas immédiatement perceptible. J’ai cosigné la proposition de plafonnement du rapporteur général car je considère qu’un plafonnement par niche est un minimum. Les dix mille euros envisagés me semblent raisonnables – très raisonnables même, si l’on tient compte des arguments de Charles de Courson, qui montrent que c’est déjà là un geste très significatif…

M. Éric Woerth, ministre du budget Je tiens à préciser qu’il s’agit, bien sûr, d’objets exposés au public. Ayant entendu les arguments de votre commission, je vous propose, par le sous-amendement 287, de plafonner la réduction d’impôt à 20 000 euros. Le texte sera alors à la fois équilibré et incitatif.

Le sous-amendement 287, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 5, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Gilles Carrez, rapporteur général – L’amendement 6 précise le texte.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 18, modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 6 décembre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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