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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 13 décembre 2007

Séance unique
Séance de 9 heures 30
84ème séance de la session
Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

DÉBAT SUR LE POUVOIR D’ACHAT

L’ordre du jour appelle le débat sur le pouvoir d’achat.

M. le Président – L’organisation de ce débat résultant d’une demande du groupe UMP, la parole est au premier de ses orateurs inscrits, M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé – Priorité politique absolue, le pouvoir d’achat est l’enjeu d’un combat de longue haleine, dans lequel nous, députés du groupe UMP, sommes engagés depuis longtemps et que nous continuerons de mener tout au long de la législature, aux côtés du Président de la République et du Gouvernement. Voilà pourquoi nous avons souhaité ce débat, qui permet de décliner une approche globale en propositions concrètes dans des domaines très divers, de préférence à la présentation d’une proposition de loi, nécessairement limitée à un sujet donné.

La question du pouvoir d’achat a d’abord suscité, voilà plus d’un an, une querelle d’experts : selon certains, il s’agissait d’un faux problème, toutes les statistiques montrant que le pouvoir d’achat des Français augmentait régulièrement et que les prix étaient même en baisse dans certains secteurs. Le recul du pouvoir d’achat est pourtant une réalité, même si les chiffres la traduisent mal : de plus en plus de Français vivent ou craignent l’appauvrissement, pour eux-mêmes ou pour leurs enfants. Cela s’explique d’abord par la forte augmentation des dépenses de base incompressibles – en particulier les dépenses de logement –, mais aussi par l’apparition de dépenses liées aux nouveaux modes de consommation – informatique, téléphonie mobile, frais bancaires –, généralement absentes des indices statistiques, mais qui résultent des sollicitations croissantes auxquelles sont exposés les consommateurs.

Enfin, on a bridé le moteur français de la croissance et de la création de richesses : le travail. Avec les trente-cinq heures, de nombreux citoyens ont eu le sentiment d’être victimes d’une véritable escroquerie – n’ayons pas peur des mots ! –, comme s’ils avaient signé un contrat d’assurance malhonnête portant en gros caractères « réduction du temps de travail » et en tout petits caractères, en bas de page, « réduction des salaires et du pouvoir d’achat » ! Ce sont les plus modestes et les plus fragiles qui en ont pâti.

Notre démarche de rupture nous conduit tout naturellement à consacrer à ces sujets une réflexion de fond. Il s’agit d’abord de payer moins pour acheter plus : pour faire baisser les prix, nous voulons casser les situations de rente en favorisant la concurrence et traquer les arnaques quotidiennes comme les aberrations qui pèsent sur le budget des ménages. De ce point de vue, la loi Chatel constitue une première étape.

Il s’agit ensuite de travailler plus pour gagner plus. Afin de relancer les revenus, il faut mettre fin à la spirale infernale de la diminution du temps de travail : le nombre d’heures travaillées en France est le plus faible de l’Union européenne – 1 470 heures par an, contre 1 700 en moyenne dans l’Union et plus de 2 000 au Royaume-Uni –, ce qui n’est pas sans effet sur les salaires… (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Marc Goua – C’est faux !

M. Jean-François Copé – …le salaire brut moyen s’élevant en France à 28 000 euros, contre 31 500 en moyenne dans l’Union et 38 000 au Royaume-Uni ! En somme, il s’agit de passer du plat unique imposé – les trente-cinq heures – à un choix « à la carte », favorable aux salariés comme à la compétitivité de nos entreprises.

Enfin, afin de permettre aux Français de gagner plus, et plus vite, lorsque leur employeur – entreprise ou administration – obtient de bons résultats, nous étendrons les dispositifs de participation et d’intéressement et le bénéfice des stock-options.

Pour exposer les conclusions de notre travail commun, onze députés s’exprimeront au nom du groupe, abordant chacun un domaine de compétence : la prime pour l’emploi pour M. Méhaignerie, la participation pour M. Ollier, le rachat des RTT et le logement pour M. Lefebvre, la généralisation de l’intéressement pour M. Chartier, la prime défiscalisée destinée aux salariés des petites entreprises pour M. Joyandet, le logement pour M. Piron, la mobilité professionnelle pour Mme Greff, le lien entre euro et pouvoir d’achat pour M. Myard, le chèque transport pour M. Le Maire, les comptes épargne temps dans la fonction publique pour Mme Vasseur, enfin le cumul emploi-retraite pour M. Poisson.

M. Michel Sapin – Sur un scénario de Jean-François Copé !

M. Jérôme Chartier – Les députés socialistes ne sont que deux ce matin !

M. Jean-François Copé – Ne soyez pas jaloux, Monsieur Sapin, même si les propositions que nous vous présenterons sont plus concrètes et plus efficaces que les piteuses mesures, profondément décevantes, que vous nous avez soumises il y a peu ! Nous vous avons alors retrouvés tels qu’en vous-mêmes – et tels que les Français vous rejettent…

M. Michel Sapin – Et vous, vous vous montrez tel que les Français ne vous aiment pas !

M. Jean-François Copé – …comme ils l’ont montré en 2002, puis en 2007. Lorsque vous êtes dans l’opposition, vous considérez que l’on peut régler tous les problèmes d’un claquement de doigts, mais, une fois au pouvoir, vous consacrez une grande énergie à démontrer qu’on ne peut rien faire !

Pour notre part, les Français nous ont confié une mission à laquelle nous consacrerons toutes nos forces au cours des semaines et des mois à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploiÀ l’approche de Noël, certains Français ne pourront, malgré le travail qu’ils fournissent, acheter tous les cadeaux qu’ils auraient voulu offrir à leur famille. C’est à ces situations que le Gouvernement entend remédier et je remercie le groupe UMP, dont M. Copé a brillamment exposé les positions, d’apporter son soutien à notre action.

Nos résultats économiques nous fournissent cependant des motifs de satisfaction : le taux de chômage est tombé à moins de 8 % ; le taux d’emploi, en augmentation croissante, dépasse 64 % ; entre le deuxième et le troisième trimestre 2007, la croissance a doublé, atteignant 0,7 % ; le taux d’investissement des entreprises augmente de 1 % ; enfin, la production industrielle a progressé de 2,1 % en octobre. Ces nouvelles sont réjouissantes, même si le taux d’inflation augmente…

M. Jacques Myard – À peine !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie…menaçant de dépasser 2,2 %, dans un contexte financier mondial qui n’est guère rassurant.

Monsieur le président du groupe UMP, je vous remercie tout particulièrement d’avoir souhaité consacrer cette matinée à la question du pouvoir d’achat, essentielle pour nos concitoyens. Je tiens à rendre notamment hommage aux contributions de Jérôme Chartier et Frédéric Lefebvre…

M. Jacques Myard – Fayots ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie…dont la réflexion approfondie et les propositions variées nous offrent un bel exemple de travail collectif.

Parce qu’elle concerne à la fois la hausse des rémunérations et la baisse des prix, la question du pouvoir d’achat justifie que Xavier Bertrand comme moi-même soyons présents.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Et moi !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économieJ’y viens : je consacrerai un développement spécifique au problème particulier de l’indexation des loyers.

La hausse des rémunérations et la baisse des prix sont nécessaires pour que le pouvoir d’achat augmente, mais comment atteindre ces objectifs ? Certains voudraient que l’État redistribue l’argent public, contraigne les entreprises et fixe les prix selon un modèle d’économie administrée qui n’a plus cours. Nous faisons le choix inverse : celui de la responsabilité individuelle et de la liberté.

Pour obtenir la hausse des salaires, nous misons sur la revalorisation du travail : avant de redistribuer la richesse, il faut commencer par la produire.

M. Jacques Myard – Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Et pour obtenir la baisse des prix, nous misons sur les vertus de la concurrence, au service des consommateurs – vous en débattiez voilà quelques jours encore…

Cette action résolue en faveur du pouvoir d’achat – augmentation des rémunérations, baisse des prix et, plus généralement, croissance économique – repose sur la compétitivité de notre économie, elle-même dépendante de la productivité des entreprises, de l’employabilité des salariés et de l’attractivité de nos territoires. C’est en utilisant ces leviers que nous obtiendrons de la croissance, condition indispensable pour redistribuer du pouvoir d’achat.

Or, nous n’avons pas chômé au cours des derniers mois. Notre action suit une ligne cohérente qui prévaudra, comme l’a indiqué le président du groupe UMP, tout au long du quinquennat. La hausse du pouvoir d’achat n’est pas une étape dans l’action du Gouvernement, mais une préoccupation continue, déjà au cœur des textes que nous avons présentés.

Avec la loi sur le travail et le pouvoir d’achat, nous avons ainsi réhabilité la valeur « travail » conformément aux engagements souscrits par le Président de la République au cours de la campagne électorale. Les mesures relatives à la défiscalisation des heures supplémentaires, au crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt et à la défiscalisation du travail étudiant feront gagner 6,9 milliards d’euros de pouvoir d’achat à nos concitoyens.

Grâce au projet élaboré par M. Bertrand et Mme Boutin, et auquel j’ai eu le plaisir de contribuer, nous allons maintenant libérer le travail en France. Je ne reviens pas sur la monétisation des jours de RTT, ni sur la libération de la participation, que M. Bertrand présentera plus en détail. Quelques mots en revanche sur la modification de l’indexation des loyers : l’indice composite actuel sera remplacé par l’indice des prix à la consommation, IPC, afin que les locataires bénéficient réellement de la diminution des prix.

J’ai également demandé à l’INSEE de mener un effort particulier en vue d’améliorer les instruments de mesure : l’appréciation du pouvoir d’achat variant selon les types de consommation, l’IPC n’est pas un outil suffisamment fiable. Cet indice ne sera pas supprimé, mais nous avons besoin de nouveaux indicateurs permettant de prendre en compte les consommations contraintes et les différences entre les types de ménage. Grâce à cela, nous mesurerons bien mieux le pouvoir d’achat tel qu’il est perçu par nos concitoyens.

Afin de déclencher la baisse des prix, la loi sur le développement de la concurrence au service des consommateurs vise à renforcer la concurrence entre les grandes surfaces : la réforme de la loi Galland permettra ainsi de répercuter les marges arrière. Nous allons également renforcer la concurrence entre les opérateurs de communications électroniques en instaurant un droit permanent de résiliation dans un délai de dix jours, et celle entre les banques, qui devront désormais envoyer à leurs clients un récapitulatif annuel des frais prélevés. Dans ces secteurs où les dépenses contraintes sont réelles, nous voulons pousser les opérateurs à répercuter les gains de productivité et les baisses de prix sur le consommateur.

En combinant les effets de toutes ces mesures, près de 30 milliards d’euros seront injectés, en année pleine, dans notre économie afin d’augmenter le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Permettez-moi de vous présenter deux exemples types.

Prenons tout d’abord le cas d’un salarié payé au SMIC, qui voudrait travailler pour gagner plus. En passant de 35 à 39 heures par semaine, il percevra 2 000 euros de plus grâce à la loi en vigueur depuis le 1er octobre. Cela représente plus d’un treizième mois ! Certains chefs d’entreprise ont rencontré des difficultés, qui ne tiennent pas à la complexité de la loi votée cet été, mais à la superposition entre les mesures nouvelles et la loi sur les 35 heures, dont l’effroyable complexité a intoxiqué la réglementation du temps de travail, devenue une véritable jungle. Ces problèmes sont en cours de résolution : nous avons engagé des actions de communication très importantes et nous avons clarifié certains points, notamment s’agissant des jours fériés. Les chefs d’entreprise semblent satisfaits de ces clarifications et, d’après les premières données disponibles, ce ne sont pas moins de 30 % des entreprises qui ont aujourd’hui recours au dispositif sur les heures supplémentaires.

J’en viens au cas d’une mère célibataire qui gagnerait 1 600 euros par mois, paierait un loyer de 600 euros et ne souhaiterait pas effectuer d’heures supplémentaires étant donné qu’elle doit garder ses enfants en dehors de son temps de travail. Cette personne pourra tout de même bénéficier de plusieurs mesures en faveur du pouvoir d’achat : elle recevra un chèque de 150 euros du Trésor public au titre de la prime à la cuve ; grâce aux mesures que l’assemblée commencera à examiner mardi prochain, son entreprise pourra lui verser 460 euros après déduction de la CSG et de la CRDS ; elle gagnera 284 euros supplémentaires si elle décide de monétiser quatre jours de RTT ; le changement d’indexation des loyers lui fera économiser 101 euros ; grâce à la réforme de la loi Galland, elle devrait enfin bénéficier d’une baisse des prix de 600 euros si l’on raisonne par analogie avec la négociation menée en 2004 par Nicolas Sarkozy et avec la loi Dutreil. Au total, cela représente 1 600 euros de plus, soit un mois de salaire.

Il s’agit donc de mesures très concrètes, qui produiront de véritables résultats au bénéfice de nos concitoyens. On pourrait détailler d’autres situations types, résultant de la combinaison du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, du revenu de solidarité active, de la défiscalisation du travail étudiant ou de l’allégement des droits de succession – toutes ces mesures feront gagner du pouvoir d’achat à nos concitoyens.

Comme je l’ai déjà indiqué, cet objectif ne vaudra pas pour quelques mois seulement : il guidera en permanence notre action.

M. Frédéric Lefebvre – Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – J’en veux pour preuve le texte sur la modernisation de l’économie qui sera vous soumis à la fin du printemps prochain et s’inspirera des conclusions de la commission Attali afin de faire sauter les obstacles à la croissance française pour le plus grand bénéfice de tous nos concitoyens : ce sera à nouveau du pouvoir d’achat à redistribuer.

M. Frédéric Lefebvre – L’UMP sera à ce rendez-vous !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – C’est une politique économique d’ensemble que nous mènerons afin de dynamiser notre compétitivité : nous encouragerons la productivité, l’employabilité et l’attractivité. Il ne sert à rien, en effet, d’opposer politique d’offre et politique de demande.

M. Jacques Myard – Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Dans certaines situations, il faut combiner les deux pour dynamiser notre économie. C’est à cela que nous nous employons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Sapin – Il y a quelque chose de dérisoire dans ce débat…

M. Jean-François Copé – Comme c’est agréable à entendre !

M. Michel Sapin – …quelle que soit la sincérité des uns et des autres dans leur volonté de débattre du pouvoir d’achat, de faire des propositions et de s’attaquer à cette question difficile et prégnante.

Oui, il y a quelque chose de dérisoire : vous vouliez une grande proposition de loi, Monsieur Chartier, et vous n’avez obtenu qu’un petit débat sur ce sujet. Dérisoire aussi la volonté de la ministre de tourner la page en matière de pouvoir d’achat : un tel problème ne se réglera pas en un jour, car ce n’est pas une souffrance d’un jour pour nos concitoyens. Ce n’est donc pas sur un texte que les Français vous jugeront, mais sur la politique menée au cours des années à venir, et sur pièces !

Dérisoire aussi, votre manipulation des chiffres : trente milliards, nous dites-vous, seront consacrés au pouvoir d’achat des Français. Vous mélangez les carottes, les choux, les navets et les patates !

M. Jacques Myard – C’est ainsi que l’on fait les meilleures soupes !

M. Michel Sapin – Hélas, une somme de mesurettes ciblées ne fait pas un grand projet d’ensemble. Dérisoire enfin, votre évocation récurrente de cas anecdotiques, sous prétexte de coller à la réalité.

Celle-ci est sans commune mesure avec les dispositions que vous proposez qui toutes – sauf celles qui concernent le logement, que nous approuvons – se conjuguent au conditionnel,...

M. Frédéric Lefebvre – Faites confiance aux partenaires sociaux !

M. Michel Sapin – …ce qui révèle un net affadissement de la volonté politique.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Que dire de la vôtre ?

M. Michel Sapin – Le Président de la République clame pourtant haut et fort que la volonté politique doit l’emporter sur tout le reste. Et que nous proposez-vous ? Des mesures hypothétiques et indépendantes de votre volonté. N’ayant plus aucune marge financière, tant dans les comptes sociaux que dans les comptes publics, vous confiez la question du pouvoir d’achat à d’autres – en l’occurrence aux entreprises.

Même ainsi, tous les salariés ne sont pas concernés. Quid du pouvoir d’achat des retraités, dont les pensions n’augmenteront l’an prochain que de 1,1 % alors que Mme la ministre vient de nous annoncer une inflation à 2,2 %, voire davantage !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Je vous céderai volontiers mon temps de parole si vous allongez le vôtre pour tout dire et rétablir la vérité !

M. Michel Sapin – En outre, seuls certains salariés du privé sont concernés par la défiscalisation des heures supplémentaires, auxquelles toutes les entreprises n’ont pas besoin de recourir.

M. Frédéric Lefebvre – Vous préféreriez bloquer les salaires !

M. Michel Sapin – De même, toutes les entreprises n’ont pas mis en place un mécanisme de participation. Et quand bien même : les cadres seraient – puisqu’il faut conserver le conditionnel – les premiers concernés par vos mesures en la matière.

Hypothétiques et partielles : voilà ce que sont vos propositions. Face à elles, d’autres mesures, certaines et applicables à tous, grèvent le pouvoir d’achat de l’ensemble de nos concitoyens. Les franchises médicales sont votées, et elles s’appliquent à tous.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Non, pas à tous !

M. Michel Sapin – Vous en escomptez 800 millions d’économies : c’est autant de moins dans la poche des Français. L’annulation de l’exonération de redevance audiovisuelle est certaine, elle aussi. Or, elle frappe aveuglément des publics déjà vulnérables. Vous en attendez 200 millions : c’est autant de pris dans leur poche.

Et l’avenir est loin d’être radieux : le Conseil économique et social, qui vient de rendre un avis très critique sur la TVA sociale, prévient que l’augmentation des recettes sociales est indispensable pour faire face à l’augmentation de la dette, et rappelle que la loi y oblige. Vous ne pourrez dès lors faire autrement que d’augmenter la CRDS ! Ces milliards enlevés au porte-monnaie des Français ne sont pas hypothétiques, eux ! Voilà la réalité !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Non, la réalité, c’est que M. Fabius n’est plus ministre du budget !

M. Michel Sapin – Vous persistez à présenter des mesures incertaines et partielles alors que la réalité, elle, concerne l’ensemble des Français. Voilà les termes du débat. Les socialistes, quant à eux, apporteront des propositions concrètes qui peuvent s’appliquer à tous (MM. Ollier et Myard s’exclament). Elles ne sont pas à traiter avec dérision, Messieurs ! Nous ferons en sorte qu’elles soient au cœur du débat dans les jours qui viennent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Philippe Vigier – Le Gouvernement s’est à juste titre emparé de la question centrale du pouvoir d’achat. C’est d’autant plus urgent que les prix de l’immobilier et de l’énergie sont en train de flamber. De surcroît, les trente-cinq heures ont écrasé l’échelle des salaires et provoqué la paupérisation des classes moyennes. Environ 16 % des salariés touchent encore le SMIC, même s’il a augmenté ! Enfin, le ralentissement de l’augmentation du pouvoir d’achat – notamment celui des classes moyennes – coïncide avec celui de la croissance et de la productivité.

Ce sont les entreprises qui créent de la richesse. Il faut donc renforcer leur compétitivité, stabiliser leur environnement juridique, encourager l’innovation. J’entendais ce matin le responsable d’une grand parti politique parler d’entrepreneurs, et non plus de patrons : les temps changent, enfin !

La modernisation de l’État est une autre priorité. Stratège économique, l’État doit s’atteler à la baisse des prélèvements obligatoires. J’ajoute que la question des impôts, au cœur de celle du pouvoir d’achat, concerne aussi les régions. Dois-je rappeler qu’ils ont augmenté de 24 % en 2004 dans celle de l’orateur précédent ?

Mme Catherine Coutelle – Il faut bien financer les transferts de charges !

M. Jacques Myard – Gabegie !

M. Philippe Vigier – Vous compariez alors le poids de cette augmentation pour les ménages à l’achat d’un paquet de cigarettes : quel mépris !

Ensuite, le problème du logement crée de nombreuses frustrations. Le logement est pourtant, avec l’emploi, la condition de l’épanouissement d’une famille. Est-il normal qu’un jeune Francilien touchant moins de 1 500 euros ne puisse pas se loger à moins de cinquante kilomètres de Paris ? Est-il normal que les étudiants, faute de chambres universitaires en nombre suffisant, soient obligés de s’adresser aux bailleurs privés lorsque leurs parents en ont les moyens ?

Pour résoudre la question cruciale du pouvoir d’achat, le Gouvernement propose la monétisation des RTT : voilà une mesure essentielle qui permettra aux salariés du secteur privé de gagner plus. Hélas, une immense frustration demeure dans la fonction publique hospitalière et territoriale, où l’on ne peut envisager le même traitement.

MM. Jacques Myard et Charles de Courson – Très bien !

M. Philippe Vigier – De même, la question du travail dominical doit être abordée sans dogmatisme. Laissons à ceux qui veulent travailler le dimanche la possibilité de le faire ! J’ai été interne des Hôpitaux de Paris pendant six ans : j’étais très heureux de faire des gardes la nuit, et certains de mes collègues le faisaient pour pouvoir être disponibles pendant la semaine pour leurs enfants. Il faut simplement qu’il y ait un cadre juridique.

En ce qui concerne le logement, la proposition qui a été faite va dans le bon sens. Je réitère notre proposition d’un fonds de garantie pour le logement universitaire. J’espère que les collectivités territoriales feront elles aussi un effort particulier en faveur du logement étudiant.

Le Nouveau Centre souhaite aller plus loin en faisant des propositions très concrètes en faveur du pouvoir d’achat des familles. En raison du coût des abonnements de téléphonie mobile, une famille de deux enfants a vu son pouvoir d’achat diminuer de 80 à 100 euros en dix ans. La loi Chatel comporte un certain nombre de dispositions permettant de sortir plus rapidement des contrats. Nous souhaitons pour notre part que les opérateurs s’engagent à modérer le coût des abonnements de téléphonie mobile sur la durée. On ne peut continuer comme cela !

Il en va de même pour les frais bancaires en ligne : ce n’est plus acceptable à l’heure où on nous encourage à utiliser Internet. Quand vous payez vos salariés en ligne – comme je le fais dans mon entreprise –, votre banque vous facture des frais !

J’en viens à l’énergie. Il n’y a aucune raison qu’EDF augmente fortement ses tarifs dans les années qui viennent…

M. Jacques Myard – Si ! Pour nourrir les Allemands !

M. Philippe Vigier – …puisque sa production est à 90 % d’origine nucléaire ou hydraulique. Au reste, les tarifs publics influent aussi sur le pouvoir d’achat, qu’il s’agisse de ceux d’EDF, de la RATP, de la SNCF ou encore de GDF – et c’est pourquoi nous sommes favorables à l’amendement voté il y a quelques jours.

Il faut également agir sur les prix des produits de consommation courante. La grande distribution doit d’engager à garantir leur stabilité sur une vingtaine de produits de première nécessité, et pas simplement pour 2008.

En ce qui concerne l’accès au crédit, il faut aller plus loin dans la responsabilisation des organismes de crédit. Les affaires de surendettement sont scandaleuses. L’intensification de la concurrence est le seul moyen d’y mettre fin, car la libre concurrence induira nécessairement une baisse des prix.

À moyen terme, l'amélioration du pouvoir d'achat dépend de la création de richesses, donc des entreprises.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Philippe Vigier – Il faut favoriser la création d’entreprise, et d’urgence : des milliers d’emplois partent chez nos voisins parce que nous mettons huit mois à boucler une enquête publique, six à délivrer un permis de construire… Il faut également faciliter la transmission des entreprises, notamment des PME familiales.

Autre sujet majeur : l'innovation dans les entreprises, dont dépendent les emplois de demain. Malgré le niveau des prélèvements obligatoires, les contraintes administratives et les 35 heures, la France reste un grand pays d’innovation et de recherche. Il faut donc une politique ambitieuse en la matière.

Il faut aussi renforcer la sécurité juridique. L’instabilité des normes n’est pas compatible avec une vraie stratégie de développement d’entreprise : aucun chef d’entreprise ne bâtit une stratégie sur dix-huit ou vingt-quatre mois !

En ce qui concerne les exportations, nous devons miser sur les produits à forte valeur ajoutée, afin de gagner de nouvelles parts de marchés. Les contrats que nous signons à l’heure actuelle démontrent que nous en avons la capacité.

Nous appelons à l’institution d'un Small Business Act pour réserver une part de nos marchés publics aux PME. Je pense en particulier aux travaux de voirie ou d’enfouissement de réseaux des communes.

Enfin, il faut développer l'actionnariat salarié.

Un mot sur la modernisation de l'État. Là encore, il convient d’éviter tout dogmatisme. La réforme de l’État doit mieux valoriser le travail des agents de la fonction publique. Le Président de la République a promis que la moitié des économies faites dans la fonction publique seraient redistribuées à ses agents. Il faut le faire pour leur apporter une vraie reconnaissance.

Derrière la réforme de l'État se pose la question de l'évolution des prélèvements obligatoires. Au moment de la présentation du budget, Charles de Courson a insisté avec raison sur le fait qu’ils ne diminuent pas. C’est le chantier qui reste à ouvrir.

Le Gouvernement a pris, non des « mesurettes », mais de vraies mesures qui ne n’aggraveront pas le déficit de l’État ; ainsi la conversion des RTT. Maintenant qu’on a donné aux entreprises les moyens de mieux payer leurs salariés, il est temps de leur redonner de l’air en revoyant le contingent des heures supplémentaires, qui ne correspond plus à rien et est source de dysfonctionnements majeurs.

Il reste enfin à réformer le contrat de travail – car nous sommes dans l’hypocrisie totale. C’est mon témoignage de maire que je vous apporte. Un grand opérateur téléphonique – Flextronics, donc Nortel Networks – va supprimer 800 postes dans mon bassin d’emploi, dans quinze jours. Sont concernés des gens qui travaillent en intérim depuis vingt ans ! Ils ne pourront donc se voir proposer aucune reconversion : c’est inacceptable, et pourtant tous les gouvernements qui se sont succédé ont fermé les yeux ! Nous comptons donc sur vous pour une refonte ambitieuse des contrats de travail, Monsieur le ministre.

Le pouvoir d'achat n’est ni de gauche, ni de droite : c’est l'affaire de tous, État, entreprises, partenaires sociaux. Seule l’amélioration de la compétitivité des entreprises et la modernisation – toujours repoussée – de l’État permettront une hausse durable du pouvoir d’achat, à la seule condition que les prélèvements obligatoires n’augmentent pas (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Pierre Méhaignerie – Les réformes du Gouvernement permettront de revenir au plein emploi et d’améliorer le pouvoir d’achat. Mais, pour convaincre l’opinion publique et surmonter les résistances, elles doivent s’inscrire dans une stratégie à moyen et à long terme et s’accompagner de mesures de justice.

Nous devons partir des trois singularités françaises qui nécessitent d'être corrigées. D’abord le niveau élevé de nos dépenses publiques, qui pèse sur la compétitivité des entreprises et sur le pouvoir d'achat des salariés. Les onze pays développés qui ont le plus accru leur taux d'emploi et leur pouvoir d'achat ont en moyenne baissé leurs dépenses publiques de 3 à 10 % de leur PIB. Ce n’est pas notre cas. En 2007, la France sera, avec la Suède, le pays de l'Union européenne qui aura le taux de dépenses publiques le plus élevé, en proportion du produit intérieur brut. Nos politiques publiques ne souffrent pas d’une insuffisance de moyens, mais de l’empilement des structures et de la complexité des procédures (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. Jacques Myard – Supprimez les départements !

M. Pierre Méhaignerie – Toutes les mesures qui conduisent à réformer l’État et à le recentrer sur ses missions essentielles vont donc dans le sens de l’amélioration du pouvoir d’achat.

Deuxième singularité française : le salaire direct est limité par le poids, plus élevé qu'ailleurs, du salaire différé et des prestations sociales. La France est ainsi au troisième rang de l’Europe des Quinze pour le coût horaire, mais au dixième ou onzième rang pour les salaires. Selon le rapport de Jacques Delors publié dans le cadre du CERC, « la forte augmentation des dépenses de santé, de vieillesse et de prestations, tire vers le bas la part du revenu individualisé ». Il y a une face positive à cette situation – 24 prestations entre la naissance et la mort, le fait que le dernier quintile de revenu voie celui-ci s'améliorer de 56 % grâce aux prestations – mais aussi une face négative – la faiblesse du salaire direct.

Cette situation nous impose la recherche d'une meilleure performance sociale, afin de donner une plus grande priorité au salaire direct. La commission des affaires sociales y travaillera.

Troisième singularité : une croissance française faible par rapport à celle des pays de l'OCDE. Entre 1960 et 2005, le pouvoir d'achat du salaire moyen est passé de 9 900 à 22 000 euros par an, mais cette hausse s'est faite dans la période 1960-1980. Jusque dans les années 1980, la France faisait un demi-point de croissance de plus que la moyenne des pays de l'OCDE. Elle en fait aujourd’hui un demi-point de moins.

Cela se traduit par une différence de 15 % de pouvoir d’achat. L’expérience comme le dernier rapport du CAE poussent dans le même sens : en faveur d’une réforme du service public de l’emploi, d’une adaptation du droit du travail, de l’introduction de la concurrence dans les secteurs protégés, et de la réforme de la formation professionnelle.

Si dans la troisième étape, dont le ministre du travail a dit qu’elle était pour avril ou mai, nous pouvions ouvrir le chantier des heures supplémentaires…

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Je n’ai pas donné de date, j’ai cité le calendrier des partenaires sociaux.

M. Pierre Méhaignerie – …En tout cas si nous pouvions jouer sur 100 000 à 120 000 offres d’emplois non satisfaites, les recettes de sécurité sociale s’amélioreraient.

Les réformes seront mieux acceptées si les Français ressentent qu’on répond à une exigence de justice. Le Gouvernement a eu raison de ne pas augmenter le SMIC plus rapidement que le salaire moyen. Mais au bouclier fiscal doit correspondre un effort sur le plafonnement des niches fiscales et aussi, sans augmenter la dépense publique, pour améliorer encore la prime pour l’emploi.

M. Michel Sapin – Exactement ce que nous proposions !

M. Pierre Méhaignerie – Enfin, on peut mieux utiliser les crédits de la formation professionnelle en faveur des 150 000 jeunes qui sortent sans formation du système scolaire.

Je soutiens les réformes du Gouvernement, et je souhaite donc qu’elle s’inscrivent dans une stratégie à long terme pour être bien comprises et qu’elles s’accompagnent des mesures de justice nécessaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Marc Goua – Flambée des prix de l’alimentation – et le pire est à venir avec une nouvelle augmentation de 15 % en début d’année –, des prix du gaz et des carburants, ainsi que des loyers, un million de dossiers de surendettement en cinq ans… Et face à cela, baisse en euros constants des allocations familiales, stagnation des salaires et instauration d’une nouvelle taxe sur les malades que vous appelez « franchise » : le pouvoir d’achat des Français régresse. Selon une récente étude du CREDOC, la situation des classes moyennes se rapproche de celle des ménages à bas revenus, tandis que les hauts revenus se détachent.

Mais le pouvoir d’achat, il ne suffit pas d’en parler, il faut l’améliorer. Nous aurions donc préféré examiner des mesures concrètes. Cette dégradation continue du pouvoir d’achat n’est en effet pas une fatalité, mais le résultat de la politique que vous menez depuis 2002. En refusant notre proposition de loi sur le soutien au pouvoir d’achat et nos amendements aux projets de loi de finances, vous avez choisi l’inaction : pas de coup de pouce au SMIC ni à la prime pour l’emploi, stagnation des retraites et des allocations familiales, remise en cause des contrats aidés. Ce sont les plus modestes qui trinquent.

Ce sont également eux qui subissent de plein fouet la hausse du prix du pétrole, tandis que les bénéfices de Total ont augmenté de 9,6 milliards au cours des trois premiers trimestres. L’État, lui, préfère encaisser plus de TVA que de rendre du pouvoir d’achat aux Français, même si c’est encore trop peu pour remplir les caisses vidées par le vote du paquet fiscal au profit des nantis.

Mme Claude Greff – Ça veut dire quoi, les nantis ?

M. Marc Goua – Pour la ministre des finances, le vélo serait l’antidote à la hausse du prix du pétrole. Elle a également courtoisement demandé aux compagnies pétrolières de modérer leurs prix.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Et les prix baissent à la pompe.

M. Marc Goua – Pas pour longtemps, car ce matin le baril augmente de quatre dollars ! Les profits vont aux actionnaires au lieu de bénéficier à la collectivité. Le Président de la République a cependant évoqué une taxe spéciale pour financer le codéveloppement. Vous nous l’aviez refusé, mais apparemment notre idée n’était pas mauvaise.

Introduire la concurrence sauvage ou favoriser les grandes surfaces n’est pas la recette miracle. Le doublement de l’aide à la cuve, seule mesure concrète prise pour l’instant, ne suffit pas. Il faut prendre des mesures pour que les marges que la grande distribution obtient des producteurs bénéficient aux consommateurs et il faut faire diminuer le prix des produits de première nécessité, par exemple grâce à des baisses ciblées de la TVA.

Vous proposez bien quelques mesurettes, mais depuis juin, vous auriez eu le temps d’agir plus efficacement ! Pour augmenter le pouvoir d’achat des plus aisés, vous avez fait preuve de plus de célérité.

La présidente du Medef reconnaît que se pose un problème de pouvoir d’achat mais, pour le résoudre, elle propose de supprimer la durée légale du travail ! Et les déclarations du Président de la République ne sont pas de nature à nous rassurer. Une fois de plus, la majorité rend les 35 heures responsables de tous les maux. Mais les remises en cause successives de cette mesure depuis 2002 ont été sans effet sur le pouvoir d’achat. Quant aux heures supplémentaires, chômeurs et salariés à temps partiel subi ne peuvent en profiter pour gagner plus.

Contrairement à ce qu’a dit M. Copé, les Français ne travaillent pas moins d’heures que leurs voisins européens. Mais ils ont la meilleure productivité.

M. Michel Piron – Productivité horaire !

M. Marc Goua – Peut-être d’ailleurs les 35 heures n’y sont-elles pas étrangères (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Les mesures que vous annoncez sont décevantes, voire trompeuses, hormis l’indexation des loyers sur l’inflation et la suppression de la caution – ce que les socialistes demandaient depuis longtemps. Nous avions proposé un blocage des loyers pour 2008…

Mme Claude Greff – Vous avez bloqué la construction.

M. Marc Goua – De toute façon, vous ne proposez qu’une demi-mesure, puisqu’elle ne s’appliquera qu’aux baux en cours.

M. Jean-Frédéric Poisson – Avec vous, on pourrait revenir au Gosplan.

M. Marc Goua – Quant à la prime de 1 000 euros que pourrait attribuer les entreprises, elle est facultative : dans la majeure partie des cas, elle ne sera pas distribuée.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Quand une mesure marche bien, il faudra aussi le reconnaître.

M. Marc Goua – Nous avons proposé des mesures concrètes. Vous les avez balayées d’un revers de main.

M. Patrick Ollier – Lesquelles ?

M. Marc Goua – Nous proposons la création d’un vrai chèque transport. Le Gouvernement Villepin l’avait institué de façon virtuelle et le gouvernement Fillon l’a enterré, ce qui est irresponsable. Nous proposons une formule plus simple, qui encouragerait également à utiliser les transports collectifs. Vous le refusez.

Nous avons aussi proposé de rétablir la TIPP flottante.

M. Patrick Ollier – Ce fut un échec retentissant.

M. Marc Goua – Vous nous opposez l’argument écologique. Quelle hypocrisie, alors que vous avez supprimé les subventions pour les transports en commun en site propre et que vous avez poussé la SNCF à adopter un règlement qui va se traduire par le transfert de tonnes de fret du rail vers la route – pour les seul pays de Loire, les grandes surfaces affréteront 1 200 camions supplémentaires.

Nous avons proposé d’appliquer dès maintenant une partie des conclusions du Grenelle de l’environnement et d’affecter une partie des bénéfices des compagnies pétrolières au développement de transports alternatifs. À cette mesure écologique, à cette mesure de justice sociale, vous opposez une fin de non-recevoir !

Le Président de la République a annoncé la croissance. La ministre parle de 1,9 % pour 2007. Ce sera plutôt 1,8 % et sans doute moins de 2 % pour 2008 ! De toute façon, les fruits de la croissance vont aux plus riches. Nicolas Sarkozy n’est pas le Président du pouvoir d’achat, mais celui de la vie chère. Nous demandons une conférence salariale sur la revalorisation des salaires et des retraites. À quand un vrai Grenelle, le Grenelle social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Patrick Ollier – Face à l’indigence des propositions de l’opposition, l’UMP veut une politique ambitieuse de pouvoir d’achat. Les salaires sont concernés, bien sûr, mais dans les revenus, il n’y a pas que cela. Au-delà des effets immédiats de certaines politiques, il faut impulser des changements profonds dans les rapports entre les entreprises et les salariés, afin de promouvoir la participation. Cette idée du Général de Gaulle, qui remonte à 1947,…

M. Jacques Myard – Très bonne année !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Vous faites plus jeune… (Sourires)

M. Patrick Ollier – …n’est pas encore entrée dans les mœurs.

Il nous appartient aujourd’hui de transformer le statut du salarié dans l’entreprise, de privilégier une démarche partenariale plutôt qu’une démarche conflictuelle, de substituer aux rapports de contrainte des rapports solidaires. Il nous faudra nous battre au quotidien pour mener à son terme cette révolution des mentalités et édifier durablement les trois piliers du concept de participation que sont l’actionnariat salarié, le dividende du travail et l’intéressement. Associer le capital au travail, tel est le projet social de l’UMP et du Gouvernement.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Tout à fait !

M. Patrick Ollier – Monsieur le ministre, vous avez milité pendant des années pour que ce principe devienne une réalité. Il constitue bien une façon d’augmenter les revenus des salariés, et partant, leur pouvoir d’achat, quelle que soit la taille de leur entreprise.

En aucune manière ce supplément de rémunération n’a vocation à se substituer au salaire. En 2005, 14,5 milliards d’euros ont été distribués à 6 millions de salariés dans le secteur marchand. Le surcroît de rémunération annuelle dégagé par l’ensemble des mécanismes d’épargne salariale a atteint 2 169 euros par salarié, soit un gain de rémunération de 7,5 %.

Mais il faut aller plus loin dans le dialogue social, Monsieur le ministre, sans quoi il ne pourra y avoir extension de ce système. Madame la ministre, faites en sorte que ce qui a été voté sur l’actionnariat salarié et le dividende du travail soit appliqué. Bien que réservé au départ sur la libération du fonds de participation, j’accepte la décision prise, mais s’agissant de l’intéressement, le Gouvernement doit accepter nos propositions.

Quelle que soit la taille de l’entreprise, le salarié doit avoir le choix entre l’actionnariat salarié, la participation et l’intéressement. Le groupe UMP a donc déposé un amendement pour que les entreprises de moins de cinquante salariés puissent mettre en œuvre un mécanisme d’intéressement. Soyons audacieux, faisons évoluer les mentalités pour que cette juste rémunération contribue à augmenter le pouvoir d’achat des salariés et à soutenir l’activité des entreprises !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Annick Girardin – Le pouvoir d'achat est une question fondamentale que le Gouvernement ne saurait balayer d’un revers de mesurettes. Les Français ne savent pas comment ils vont pouvoir boucler les fins de mois, rembourser leurs dettes et vivre dans la dignité. Imaginez la profondeur de leur angoisse si les prix augmentaient de 5,7%...

Or c’est ce qui se passe à Saint-Pierre-et-Miquelon ! Là, ce n’est même plus le pouvoir d'achat qui est en cause, mais bien le droit à la survie. Pourtant, cette réalité de l’archipel – une contrainte structurelle spécifique – n'est pas reconnue par l'État. Les aides et les prestations sociales, les minima sociaux, les retraites évoluent à un rythme bien en deçà de l'inflation métropolitaine. Ainsi, les retraites n’augmentent que de 1,8 % quand les prix à la consommation subissent une hausse de 5,7 %. Pire, des droits sociaux qui existent en métropole sont refusés aux personnes dans le besoin. Pourtant, il suffirait d'une simple ordonnance pour les étendre à Saint-Pierre-et-Miquelon, et donner ainsi à ceux qui en ont le plus besoin un pouvoir d’achat vital, au bénéfice de l'économie de notre archipel.

La perte de pouvoir d'achat des retraités est particulièrement dramatique : elle atteint 10,3 %  pour les retraités de la Caisse de prévoyance sociale locale, et 22,1 % pour les retraités affiliés à l'Établissement national des invalides de la marine ! De même, les minima sociaux méritent bien leur nom à Saint-Pierre-et-Miquelon, puisque leurs montants ne changent pas, alors que le coût de la vie est supérieur de 40 % à celui de la métropole. Du coup, leurs bénéficiaires vivent en-deça du seuil de pauvreté. Quant aux fonctionnaires, ils ont vu leur pouvoir d’achat fondre de 27,3 % en dix ans. Monsieur le ministre, vous rendez-vous compte des conséquences que cela a sur la vie des familles de Saint-Pierre-et-Miquelon ?

Il m'arrive d'en douter, vu l'insouciance dont font preuve le Gouvernement et certains parlementaires, à l’image du sénateur Marini qui, en réponse à un amendement à la loi de finances pour 2008 de M. Detcheverry, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon, expliquait que l'inflation dans notre archipel étant tantôt supérieure, tantôt inférieure à celle de la métropole, l'évolution des dotations pouvait nous être avantageuse !

Il est vrai que l’on peut considérer comme minimes les hausses de prix de 0,2 % en 2001 et de 1,8 % en 2006 … quand elles succèdent à des taux d’inflation de 8,2 % en 1999, de 7 % en 2000, ou de 7,9 % en 2005 ! De qui se moque-t-on ? En dix ans, l'augmentation de l'indice des prix à la consommation à Saint-Pierre-et-Miquelon a été de 35,5 %, contre 16 % en métropole. L'avantage de l'habitant de Saint-Pierre-et-Miquelon par rapport à son concitoyen métropolitain est certain !

Les salariés saisonniers, véritables travailleurs pauvres des temps modernes, souffrent beaucoup à Saint-Pierre-et-Miquelon. Quatre à six mois par an, ils doivent survivre avec une indemnité de 700 euros mensuels, qui ne leur permet pas de faire face aux dépenses élémentaires, compte tenu du coût de la vie sur l’archipel.

Que faire, devant une telle urgence ? Il faut se retrousser les manches et rompre avec le préjugé selon lequel les Français d'outre-mer seraient des nantis. Permettez-moi de reprendre les propositions que je défends sans relâche auprès de votre Gouvernement, Monsieur le ministre, et à propos desquelles j’attends une réponse.

Il est urgent d'étendre les aides et les prestations sociales et de les adapter à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il est inacceptable de voir repoussée au premier trimestre 2008 la publication d'un décret, pourtant préparé par la Caisse locale, et qui constitue le premier pas positif consenti par votre Gouvernement, après sept ans de travail.

Il est impératif de revaloriser les retraites et les minima sociaux, afin d’effectuer un rattrapage du pouvoir d’achat par rapport à la métropole. Abandonner ainsi les gens dans le besoin serait, de la part du Gouvernement, de la non-assistance à personne en danger.

En outre, j’attire votre attention sur la situation profondément injuste que subissent les retraités dont le seul revenu est une pension de réversion, laquelle équivaut à la moitié de la pension du conjoint décédé. Certes, notre archipel n’est pas le seul concerné. Mais quand mettra-t-on un terme à cette relégation à la marge de la société ? Le candidat Sarkozy ne s’était-il pas exprimé sur ce thème lors de la campagne présidentielle ?

Vous avez dit qu’il était hors de question de voir un agent public perdre du pouvoir d'achat. Réagissez donc et revalorisez les traitements des fonctionnaires de Saint-Pierre-et-Miquelon qui, eux, je peux vous le certifier feuille de paye à l'appui, perdent du pouvoir d'achat chaque année.

Enfin, le sénateur Denis Detcheverry et moi-même demandons une subvention exceptionnelle pour le chauffage au fioul cet hiver. Ce soutien est une nécessité pour la survie des gens de notre archipel : la prime à la cuve annoncée par le Gouvernement, de 150 euros, ne représente pour eux que huit jours de chauffage sur les six mois d’un hiver rigoureux !

En s'attaquant aux défis conjoncturels, on ouvrira la possibilité de corriger les problèmes structurels qui grèvent l'économie de notre archipel. C'est tout le sens des propositions que les parlementaires de Saint-Pierre-et-Miquelon ont faites, dans le cadre de la préparation de la future loi d'orientation pour l’outre-mer : si l’on agit sur le coût des transports, tant à l'importation qu'à l'exportation, que l’on rend applicables les aides au logement, et que l’on renforce les infrastructures, notamment les ports d'intérêt national de Saint-Pierre et de Miquelon, le coût de la vie pourra retrouver un niveau comparable à celui de la métropole et, à long terme, les mesures de compensation deviendront sans objet.

En attendant, je vous demande solennellement de faire en sorte, en urgence, que soit évalué le coût réel du « panier de la ménagère » à Saint-Pierre-et-Miquelon, afin ensuite de le prendre en considération dans tous les domaines – retraites et minima sociaux comme traitements de la fonction publique et sort des travailleurs précaires du secteur privé.

Enfin, le pouvoir d'achat passant aussi par l'emploi, je demande pour Saint-Pierre-et-Miquelon un véritable accompagnement de l'État dans les filières porteuses d'emploi qui sont au cœur de notre futur schéma de développement économique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Frédéric Lefebvre – La France ne travaille pas assez, c’est un fait. Par conséquent, notre croissance n’est pas au niveau de celle de nos voisins européens, c’est une réalité. Les premiers à en pâtir sont les Français, dont les salaires sont inférieurs de 350 euros à la moyenne des pays européens. Vous avez voulu leur faire croire, Monsieur Sapin, que s’ils travaillaient moins on créerait des emplois, mais ils ont compris qu’on s’était moqué d’eux.

En 1999 et 2000, lorsque vous avez entrepris la réforme des 35 heures, nous avions une croissance inespérée, entre 3 % et 4 %...

M. Michel Sapin – Elle n’était pas inespérée : c’était le fruit d’une politique efficace !

M. Frédéric Lefebvre – …et cependant, les salaires ont chuté de 1 % en moyenne sur deux ans !

La présidentielle de 2002 s'est jouée sur la sécurité, celle de 2007 s'est jouée sur le travail et le pouvoir d'achat. Les Français ont choisi, et il nous appartient de tenir l’engagement du Président de la République. Travailler plus pour gagner plus, c’est ce qu’aujourd’hui 63 % d’entre eux souhaitent : c'est plus qu'il y a six mois, et tant mieux.

Sous l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement et la majorité se sont mis au travail dès cet été, notamment avec la loi visant à débloquer les heures supplémentaires ; et cela marche : 30 % des entreprises utilisent déjà le système.

M. Michel Sapin – Elles paient moins…

M. Frédéric Lefebvre – Les entreprises nous demandent de faire encore sauter quelques verrous, d'où la proposition de Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez que Jérôme Chartier et moi-même avons cosignée, ainsi qu’un certain nombre de nos collègues UMP.

Telle est notre démarche : au nom de l'UMP, j'avais déjà eu l'occasion de faire des propositions, le bonus–malus par exemple. Aujourd'hui, les négociations entre les partenaires sociaux sur les salaires peuvent aboutir : vous l'aviez rêvé, nous l’avons fait !

Nous avions proposé les stock-options pour tous – en fait une prime de résultat pour tous, avec moins d’impôts et charges. Le texte que nous présente le Gouvernement va dans ce sens, avec la création de la prime de 1 000 euros dans les entreprises de moins de 50 salariés…

M. Michel Sapin – Ce n’est qu’une possibilité !

M. Frédéric Lefebvre – …et j'ai été heureux d'entendre hier le Premier ministre dire devant les membres de l’association Croissance Plus son souhait de stock-options pour tous. L’UMP sera au rendez-vous que nous donne Christine Lagarde sur la loi de modernisation économique au printemps pour proposer la création d'une vraie prime de résultat pour tous – Jérôme Chartier va en reparler.

La méthode de notre groupe « pouvoir d'achat », constituée d’une quinzaine de députés UMP, est de saisir toutes les occasions pour faire voter des mesures propices à l’augmentation des salaires ou à la baisse des prix. J'ai fait voté, avec Patrick Ollier et Jean-Claude Lenoir, la réversibilité totale en matière d'électricité, que les associations de consommateurs demandaient unanimement. Le sénateur socialiste Jean-Pierre Bel avait déposé une proposition de loi en ce sens ; nous avions tendu la main à l'opposition mais nous avons été déçus : j'espère que la gymnastique des députés socialistes à laquelle nous avons assisté ici n'était pas une répétition pour le débat qui s'engage !

Nous vous demandons, chers collègues socialistes, d’être constructifs, de ne pas vous contenter de pratiquer l’affichage, et de suivre l'exemple de Didier Migaud, avec qui nous avons pu nous retrouver sur la suppression des surcoûts pour les abonnés du téléphone mobile ou sur la protection des petits emprunteurs qui souscrivent des prêts à taux variables, ou encore de Jean Launay, avec qui nous nous sommes retrouvés pour créer une contribution volontaire des pétroliers – 150 millions, grâce aux négociations menées par Christine Lagarde – en faveur des ménages les plus modestes qui se chauffent au fioul. Abandonnez vos vieilles lunes, telle la TIPP flottante, et dites-le clairement ! N'utilisez pas le texte qui va venir en discussion pour déposer des amendements sur tout et n'importe quoi !

M. Michel Sapin – Pas de leçons ! Donnez-les plutôt aux vôtres.

M. Frédéric Lefebvre – Aidez-nous plutôt à améliorer le pouvoir d'achat des Français, soutenez-nous dans l'incitation à augmenter les revenus des salariés, travaillez avec nous sur l'allègement des charges qui pèsent sur les locataires.

Après l’intervention du Président de la République, François Hollande s’est félicité qu’il ait retenu le principe de l’indexation des loyers sur le coût de la vie : j’espère donc que vous voterez cette disposition !

M. Michel Sapin – Bien sûr, puisque nous l’avions proposée le matin même ; mais vous l’aviez refusée !

M. Frédéric Lefebvre – J’espère que vous ne nous proposerez pas le blocage des loyers…

Quant à la proposition faite par le Président de la République de diviser le dépôt de garantie par deux, le loyer moyen étant de 600 euros et le nombre de changements de locataire de 1 million par an dans le parc locatif privé, elle permet de rendre aux locataires 600 millions de pouvoir d’achat.

M. Michel Sapin – Nous l’avions proposé aussi !

M. Frédéric Lefebvre – Nous proposons de leur en rendre encore autant, en permettant aussi le lissage sur la durée du bail du paiement de la garantie qui reste ; nous comptons sur vous, Madame la ministre du logement, pour réunir dans les prochains jours les représentants des propriétaires.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Je l’ai déjà fait.

M. Frédéric Lefebvre – Je sais en effet que vous les avez réunis vendredi dernier. Ils nous disent qu’ils sont prêts à mettre en œuvre un dispositif lié à la garantie des risques locatifs. Ainsi, nous rendrions aux locataires 1,2 milliard en pouvoir d’achat !

Nous faisons également des propositions sur la monétisation des RTT, pour allonger la période de réflexion ; nous espérons que Xavier Bertrand y sera attentif.

Vous l’aurez compris, dans le débat qui s'ouvre pour de longs mois en faveur du pouvoir d'achat des Français, la majorité est bien décidée à faire des propositions et souhaite travailler de manière constructive avec l’opposition. Montrons aux Français que nous sommes capables de travailler ensemble sur une question qui est aujourd'hui leur priorité : j'ai conscience que ce que je demande est osé, mais j'espère que nous serons tous à la hauteur de ce rendez-vous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Chartier – Le Parlement a toute sa place dans le débat sur le pouvoir d’achat, et je salue l’initiative de Jean-François Copé d’avoir souhaité que cette « niche » parlementaire y soit consacrée.

L’amélioration du pouvoir d’achat passe obligatoirement, Pierre Méhaignerie l’a très bien rappelé, par le retour à une croissance pérenne : c’est un préalable incontournable ; mais c’est le cœur de la politique du Gouvernement, qui vise à favoriser la création de richesses.

Il est tout aussi indispensable d’assurer le partage de ces richesses. Nous ne préconisons pas un égalitarisme absolu, qui n’aurait aucun sens, mais un juste partage de la valeur entre le travail et le capital. Comme l’a rappelé Patrick Ollier, ce débat a été ouvert par le Général de Gaulle ; et avec Frédéric Lefebvre, au nom du groupe « pouvoir d’achat » de l’UMP, nous vous faisons ce matin une proposition. Elle consisterait à créer une prime annuelle de résultat obligatoire pour toutes les entreprises de France – à la différence de la participation, réservée aux entreprises de plus de 50 salariés, et de l’intéressement, dispositif optionnel : une part des bénéfices, par exemple 10 %, serait obligatoirement répartie entre les salariés.

En 2007, les entreprises auront réalisé des profits importants ; début 2008, la question se posera donc naturellement de la manière dont les salariés vont pouvoir en bénéficier. C’est le sens de notre proposition, complémentaire de ce qui existe déjà, mais qui créerait une obligation. Ce n’est pas une charge supplémentaire pour l’entreprise ; nous proposons que les charges sociales soient allégées, en traitant cette prime de la même façon qu’un dividende.

Ainsi, le capital sera justement rémunéré, mais le travail sera, lui aussi, justement valorisé ; les résultats de l’entreprise permettront de donner aux salariés un supplément de pouvoir d’achat.

Cette mesure semble indispensable alors que les entreprises s’apprêtent à engranger d’importants profits – dont nous ne pouvons que nous féliciter puisqu’ils permettront l’investissement, donc le retour de la croissance (« Très bien ! et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Joyandet – Je me réjouis que le groupe UMP ait choisi de consacrer cette « niche » au pouvoir d’achat, permettant ainsi d’ouvrir un débat passionnant. En la matière, l’approche du Président de la République et du Gouvernement est particulièrement adaptée à la diversité des situations des entreprises. En effet, la mondialisation a ses gagnants – les entreprises dont les bénéfices représentent de véritables gisements de pouvoir d’achat, donc de croissance – et ses perdants – celles qui peinent à affronter la concurrence internationale –, ce qui proscrit toute mesure générale. Comme l’a souligné à juste titre M. Méhaignerie, il n’est donc pas question de creuser davantage le déficit public, ponctionné sur l’ensemble des entreprises, ni d’augmenter les salaires réglementés, notamment le salaire minimum, car ce qui permet à certaines entreprises de créer des emplois risque d’en obliger d’autres à déposer le bilan ! Il est donc bienvenu d’aller chercher le pouvoir d’achat et la croissance là où l’on peut les trouver.

Il en va de même s’agissant des PME et des TPE. Seule une politique souple permettra à celles de ces entreprises qui se portent bien de partager leurs bénéfices avec leurs salariés. Ainsi, la prime de 1 000 euros exonérée de charges qu’instaure le projet de loi adopté hier en Conseil des ministres, et qui nous sera soumis la semaine prochaine – rejoignant ainsi la proposition de loi que j’avais cosignée en 2005 avec 77 parlementaires – permet de multiplier par deux le salaire net sans coût supplémentaire pour l’entreprise. Les entreprises qui ne pratiquent pas la participation ne seront plus tentées de répercuter leurs charges sur la rémunération nette des salariés – ce qui ramenait à 600 ou 700 euros un salaire brut de 1 000 euros qui en coûtait 400 de plus à l’employeur. En outre, le plafonnement de la prime évitera les effets d’aubaine : les entreprises ne la substitueront pas au salaire. Le pouvoir d’achat en sortira renforcé.

Il s’agit enfin d’une mesure juste : même en tant que chef d’entreprise, je n’ai jamais compris que les actionnaires touchent immédiatement et sans autre charge que l’impôt sur le revenu leur part des bénéfices annuels de l’entreprise, alors que les salariés demeurent tributaires des dispositifs de participation et d’intéressement et des accords de branche ou d’entreprise. Désormais, le salarié dont le travail a permis à son employeur de faire des bénéfices aura droit au même traitement fiscal que l’actionnaire extérieur, qui apporte certes à l’entreprise un capital indispensable. J’espère que la mesure ne se limitera pas à 2008, mais s’appliquera chaque année…

M. Patrick Ollier – On retrouve l’intéressement !

M. Frédéric Lefebvre – Bravo !

M. Alain Joyandet – …sans dépendre nécessairement d’accords de branche ou d’entreprise ou de dispositifs d’intéressement.

MM. Jacques Myard et Patrick Ollier – Oui !

M. Alain Joyandet – Enfin, la mesure revalorisera le travail, dont les fruits ne coûteront pas plus cher que ceux du capital. Quel bonheur pour les parlementaires de constater qu’ils ont été entendus au plus haut niveau de l’État ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Piron – Je m’attacherai au seul problème – considérable – du logement. Sur le court terme, les aides à la personne seront alignées cette année sur l’indice révisé du loyer et non plus sur l’indice du coût de la vie, ce qui portera à 2,76 % leur revalorisation, laquelle interviendra automatiquement au 1er janvier. Cette augmentation est essentielle pour les ménages. Quant aux loyers, ils seront indexés sur l’indice du coût de la vie, inférieur à l’indice de référence des loyers – IRL –, ce qui permettra de libérer du pouvoir d’achat, à condition d’évaluer les effets de la mesure sur les investisseurs : la politique de l’offre doit être privilégiée à l’heure où le nombre de logements disponibles ne suffit pas à satisfaire la demande, en particulier en région parisienne, dans le Genevois et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il en va de même, pour les mêmes raisons, des effets de la diminution du montant de la caution exigée, notamment par rapport à la garantie des risques locatifs. À ces mesures s’ajoute le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, qui favorisera l’accession, notamment sociale, à la propriété.

Sur le moyen terme, en matière d’habitat, il s’agit de remédier à l’augmentation des charges liée à la hausse des prix de l’énergie. On ne peut que se féliciter des mesures de requalification des logements déjà adoptées, notamment des dispositions fiscales encourageant depuis 2005 ou 2006 les économies d’énergie – ainsi de l’application du taux réduit de TVA au chauffage urbain –, mais il faut faire davantage ! Comme l’a souligné le Président de la République, la réhabilitation des logements doit faire l’objet d’un effort important ; 800 000 HLM sont concernés, mais n’oublions pas que les consommations d’énergie sont plus élevées encore dans le parc privé – quelque 240 kilowattheure par mètre carré, contre 160 pour le parc public. Peut-être faudra-t-il s’appuyer davantage encore sur l’ANAH, l’ANRU contribuant pour sa part à l’économie d’énergie par la requalification des quartiers.

Sur le long terme, pour le pouvoir d’achat comme pour le travail, c’est une politique de l’offre qu’il faut privilégier. L’effort financier consenti depuis trois ou quatre ans doit être poursuivi pour atteindre l’objectif de construction de 500 000 logements, dont 120 000 logements sociaux, et mieux ciblé sur les trois régions particulièrement déficitaires que j’ai évoquées, la région parisienne devant en absorber près de la moitié. S’agissant des logements sociaux, l’attribution comme la mobilité – peut-être liée au surloyer – doivent être améliorées, comme l’a souligné le Président de la République, et un effort supplémentaire doit être consenti en faveur de l’accession.

Enfin, si l’hébergement est une urgence et l’habitat une exigence, l’avenir, c’est l’urbanisme.

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Très bien !

M. Michel Piron – En la matière, habitat, lieu de travail et transport ne peuvent plus être dissociés l’un de l’autre. Comment les organiser ? Qui doit en décider ? La région parisienne doit faire l’objet d’une réflexion analogue à celle qui s’est déjà appliquée à Londres, qu’elle soit menée par le maire du grand Paris, par le préfet ou par le président de région. C’est à la fois un problème de réglementation et de gouvernance.

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Vous avez raison.

M. Michel Piron – La politique du logement est un ensemble de petites mesures qu’il ne faudrait pas mépriser – je le dis en pensant à M. Sapin. C’est aussi une grande perspective d’ensemble qui doit être impulsée par l’État et partagée par les collectivités locales.

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Très bien !

M. Michel Piron – Pour agir efficacement, les politiques doivent être territorialisées, différenciées localement, et – pourquoi pas ? – décentralisées. J’y crois fermement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Claude Greff – Je salue tout particulièrement les interventions de MM. Chartier et Lefebvre, que je ne peux qu’essayer de compléter sur un point.

Le 29 novembre dernier, j’ai remis un rapport sur les freins à la mobilité professionnelle dans les secteurs public et privé. C’est une question cruciale, car il existe aujourd’hui 2 millions de chômeurs et 500 000 offres d’emploi non satisfaites. Ces dernières résultant pour partie d’un déficit de mobilité, il faut améliorer la rencontre entre l’offre et la demande, et rendre plus fluide le marché de l’emploi.

Les freins actuels posent des difficultés de recrutement dans certains métiers et contraignent certains de nos concitoyens au chômage de longue durée ou à l’inactivité. C’est que les contraintes du marché ont changé. Il faut mieux accompagner la mobilité professionnelle, dont dépendent le pouvoir d’achat et l’employabilité des Français. Cette question n’est pas étrangère au point de croissance qui nous manque aujourd’hui…

Être mobile n’a pas toujours été bien perçu : pendant longtemps, cela signifiait qu’on venait de se faire licencier, alors qu’il s’agit plutôt d’aller de l’avant, d’anticiper et de prendre des risques. Avoir une situation stable était un gage de sérieux. Or, l’allongement de la vie professionnelle est aujourd’hui incompatible avec un tel schéma. Quelle entreprise peut garantir un travail pendant quarante ans ?

Le changement doit être abordé positivement, car changer d’emploi, c’est bien souvent gagner plus, retrouver un emploi et bénéficier de l’ascenseur social. Enfin, quand certains bassins d’emploi ont des potentiels non satisfaits et que d’autres sont dans la situation inverse, il faut faciliter la mobilité afin d’améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande.

J’en viens aux freins actuels, qui sont divers. Certains sont psychologiques – il y a l’est, l’ouest, le sud et le nord de la France, et il semble parfois difficile de passer de l’un à l’autre… D’autres sont familiaux : il est notamment bien difficile de se résoudre au célibat « géographique » ! À cela s’ajoutent les difficultés financières et celles tenant au logement. Il existe certes des solutions, mais ceux qui acceptent la mobilité manquent cruellement d’informations. Je propose donc de rédiger un guide de la mobilité afin de répertorier les différentes aides, suggestion que Mme Lagarde a bien voulu accepter.

Parmi les dix propositions que j’ai faites, je demande notamment d’instaurer un droit à congé dès la première année d’embauche : accepter de nouvelles responsabilités dans une entreprise en cas de mobilité professionnelle et géographique, c’est en effet renoncer à une partie de sa vie sociale et familiale. La prime de 1 500 euros accordée entre le 1er juillet 2005 et le 31 décembre 2007 doit également être étendue à tous ceux qui acceptent de prendre le risque de la mobilité professionnelle pour occuper des emplois non pourvus.

Accordons également un crédit d’impôt en cas de mobilité géographique supérieure à 200 kilomètres : les frais de déménagement qui ne seraient pas pris en charge au titre du loca-pass pourraient être déductibles des impôts en tant que frais professionnels. Pour faciliter la mobilité entre public et privé, il faut en outre envisager la transformation des contrats de droit public en contrats de droit privé dans le cadre plus général de la transformation des services publics en entreprises commerciales ou en sociétés anonymes.

On pourrait également supprimer les droits de mutation lorsque les transactions résultent d’une mobilité imposée, comme l’a proposé Nicolas Sarkozy. Quant au transfert des frais bancaires d’un achat immobilier à un autre en cas de mobilité professionnelle, c’est déjà possible à l’intérieur d’une même banque, mais tout le monde n’est pas suffisamment informé.

En outre, pourquoi ne pas étendre le parc de logements réservés aux fonctionnaires par les préfectures aux candidats à la mobilité professionnelle ? Il y aurait ainsi moins de célibataires « géographiques ». De même, les collectivités pourraient réserver des places de crèche : c’est l’enfer de trouver une place quand on habite déjà dans une ville, mais c’est « hyper galère » quand on n’y réside pas encore ! Je propose enfin d’élargir le dispositif du 1 % logement aux entreprises de moins de dix salariés. Le bénéfice du loca-pass et du mobili-pass serait ainsi étendu.

Pour que la mobilité professionnelle ne connaisse plus de freins, il faut l’intégrer dans les parcours professionnels, comme c’est déjà le cas pour les études grâce aux programmes européens d’échanges et aux stages dans l’enseignement professionnel et technologique, mais aussi dans les domaines de la culture et du tourisme.

Comme l’indique le rapport remis par l’AFPA en octobre dernier, les principaux freins sont essentiellement d’ordre psychologique et familial, et résultent surtout de schémas traditionnels d’emplois et d’un ancrage régional. Il est donc essentiel d’adapter l’accompagnement. Une meilleure communication contribuera également à lever les freins actuels et ainsi à redonner du pouvoir d’achat aux salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Myard – On entend souvent dire que les Français sont fâchés avec les mécanismes économiques. Or, tel n’est pas mon avis : ce sont nos choix structurels qui ont abouti au blocage économique actuel. Il est donc urgent de déverrouiller les structures macroéconomiques de la France, qu’il s’agisse de la demande ou de l’offre. Il faut jouer sur ces deux tableaux pour augmenter le pouvoir d’achat, lequel est, non une cause première, mais une conséquence économique.

Nous devons tout d’abord agir sur l’offre et la demande de travail. Permettre le rachat des heures de RTT est une excellente mesure que nous devrons étendre à toutes les fonctions publiques pour leur redonner plus de souplesse. Il faut également se départir de l’idée que la retraite est une impasse : on ne cesse jamais de pouvoir servir l’économie de son pays ! Supprimons donc toutes les entraves au cumul de l’activité et de la retraite. Là aussi, il faut de la souplesse : un senior doit pouvoir travailler selon son gré ou selon les possibilités qui s’offrent à lui.

Comme l’a indiqué le président Ollier, on peut être en revanche plus réservé sur la question du déblocage des fonds de participation : c’est un fusil à un coup, et la hausse ponctuelle du pouvoir d’achat qui pourrait en résulter n’aura pour contrepartie aucun travail effectif. Veillons aussi à ne pas accroître artificiellement une demande qui ne correspondrait pas à une offre !

Deuxième nécessité absolue, il faut augmenter les investissements. L’épargne française est en effet partie à l’étranger à cause d’une fiscalité sur le patrimoine particulièrement imbécile – je pense à l’ISF, mais aussi, dans certains cas, à l’IS. Instaurons donc un moratoire fiscal afin de faire revenir l’épargne en France !

N’oublions pas non plus les effets de la mondialisation : la TVA sociale n’est certainement pas la solution à tous nos maux, Monsieur Sapin, mais c’est un moyen de corriger les avantages dont jouissent les pays où le coût de travail est plus faible que chez nous.

M. Michel Sapin – C’est surtout le meilleur moyen de faire augmenter les prix !

M. Jacques Myard – Il faut explorer cette piste sans dogmatisme, à droite comme à gauche.

J’en viens aux carcans imposés par l’Union européenne : nous avons besoin de coopérations, qu’on le veuille ou non, mais pas de la monnaie unique, qui est totalement inadaptée à la structure de notre production. L’autisme de la Banque centrale nous coûte cher ! Mieux vaudrait disposer de deux monnaies différentes, l’une autour de l’économie la plus forte, l’Allemagne, l’autre autour de la France, de l’Italie et de l’Espagne, pays dont les structures sont comparables.

N’oublions jamais que l’euro fort nous a coûté un point de PIB au cours des cinq dernières années en entravant nos exportations ! Comme j’ai eu l’occasion de le dire au gouverneur de la banque centrale, la monnaie unique est parfaite, mais seulement pour un monde parfait qui n’existe pas… Il est particulièrement regrettable que le traité de Lisbonne ne remette pas les pendules à l’heure !

Par ailleurs, le « tout Europe » a prévalu pendant des années pour nos exportations. Or, nos partenaires européens ne nous achètent plus rien, car leur population vieillit. Cela, l’Allemagne l’a compris en jouant, depuis 1992, la carte des pays émergents. Las, nous nous sommes cantonnés, pour notre part, à une euro-béatitude complète. Il est temps de miser sur la mondialisation et d’aller au grand large !

Alors qu’il faudrait mener une véritable politique industrielle au niveau européen, nous avons également cassé EDF et GDF au nom de modèles mathématiques. Or, la concurrence n’est pas tout ! Il faut protéger nos intérêts en préservant les entreprises qui réussissent – nous le disions encore hier à un commissaire européen enfermé dans ses modèles mathématiques. À cette politique industrielle doit s’ajouter une politique active en faveur des familles, notamment les plus nombreuses, car ce sont elles qui portent l’investissement et qui sont l’avenir de notre nation ! Faute d’agir dans ces domaines, le pouvoir d’achat, qui n’est que le résultat d’une politique économique, n’augmentera pas ! (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP)

M. Bruno Le Maire – Je me réjouis des propositions simples, justes et efficaces que nous présente le Gouvernement, s’agissant notamment du déblocage de la participation et de la facilitation de l’intéressement chère à M. Ollier. Les mesures annoncées sont cohérentes avec le projet porté par le Président de la République : le travail crée du pouvoir d’achat, et l’emploi fait la richesse des Français.

Les mesures d’application immédiate ne doivent pourtant pas masquer le fait que les salaires stagnent depuis vingt ans, pour plusieurs raisons – développement du travail à temps partiel, souvent subi pour les femmes, et des contrats précaires, notamment. Cette stagnation s’observe aussi ailleurs, en Allemagne par exemple, où la question a récemment refait surface. Nul besoin de lancer un Grenelle salarial, qui ne ferait que nuire à la compétitivité des entreprises. Il vaut mieux engager une réflexion de longue haleine sur un meilleur partage des revenus entre le capital et le travail. D’autres propositions, telles que celles de MM. Chartier et Lefebvre, sont également utiles.

En réponse à M. Sapin, je souhaite m’attarder sur le chèque transport, qui n’a pas encore porté ses fruits. Certaines idées, comme les trente-cinq heures, échouent parce qu’elles sont mauvaises, d’autres, comme le chèque transport, parce qu’elles sont bonnes, mais que les modalités de leur application n’ont pas été trouvées.

M. Michel Sapin – Voilà pourquoi le Gouvernement veut le supprimer !

M. Bruno Le Maire – Les faits sont têtus, pourtant. Les inégalités entre salariés sont particulièrement criantes en matière de transport. En Île-de-France, des dizaines de milliers de salariés vivant dans la troisième couronne sont contraints de parcourir plus de cent kilomètres pour se rendre au travail. Ils dépensent plus de cent euros pour un titre de transport mensuel valable dans six zones, ou jusqu’à quatre cents euros en essence et frais divers lorsqu’ils sont obligés d’emprunter leur véhicule. Ce coût est parfois intégralement remboursé, parfois pour moitié seulement, parfois pas du tout. Il représente pourtant jusqu’à 20 % du salaire net. C’est injuste ! Là comme ailleurs, la solution n’est pas d’appliquer un modèle unique, tant les situations des salariés, des entreprises et des administrations sont disparates. Deux pistes peuvent néanmoins être envisagées : la dématérialisation du chèque transport d’abord, qui permettrait de réduire les frais de gestion en intégrant la compensation à la feuille de paie. D’autre part, je propose que cette question soit soumise à concertation avec les partenaires sociaux. Nul doute que M. Bertrand, qui a montré ses talents de négociateur au cours des dernières semaines, saura parvenir à des résultats concrets en la matière. Ce sont des propositions qui s’inscrivent dans la ligne tracée par le Président de la République consistant à revaloriser le travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Isabelle Vasseur – Près des deux tiers de nos concitoyens estiment que leur pouvoir d’achat a diminué au cours de l’année écoulée. Je me félicite que M. Copé ait proposé de consacrer la niche UMP à ce débat, afin que les députés, dont c’est le rôle, proposent des pistes de réflexion au Gouvernement.

Pour ma part, je souhaite attirer votre attention sur le sort de la fonction publique hospitalière, qui rassemble 20 % des fonctionnaires, soit plus d’un million de personnes. Elle souffre de plusieurs maux : la pénurie de personnels d’abord, aggravée par la mise en place des trente-cinq heures dont la plupart des praticiens s’accordent à dire qu’elle fut une catastrophe, puisqu’ils doivent travailler plus sans réelle compensation salariale. Ensuite, le compte épargne temps proposé par M. Ollier est une démarche utile mais les personnels hospitaliers ne peuvent récupérer leurs jours de RTT sans mettre en péril le fonctionnement de leur service, au point qu’un million de journées étaient accumulées à la fin 2005. Enfin, les infirmières disposent de comptes locaux pour accumuler leurs heures supplémentaires. Ces comptes locaux cumulent 2,5 millions de jours depuis 2002. Or, ces heures bien souvent imposées ne sont pas rémunérées.

C’est une infirmière qui vous le dit : les professionnels de la fonction publique hospitalière souffrent d’un profond mal-être. La réforme de ce système injuste et inefficace est d’autant plus légitime que ces praticiens effectuent un travail remarquable qui permet à nos concitoyens de bénéficier d’un service de santé très performant.

Il faudra donc rapidement trouver une solution pérenne pour gérer les heures supplémentaires dans les hôpitaux et améliorer les comptes épargne temps. Les personnels hospitaliers ont, eux aussi, le droit de travailler plus pour gagner plus.

Un premier pas a été franchi avec le PLFSS pour 2008 qui anticipe le paiement des heures supplémentaires non récupérées ou non payées en instaurant le fonds pour l’emploi hospitalier, doté de 130 millions. S’agissant du compte épargne temps, la situation reste problématique : chaque agent cumule entre soixante et cent jours, et plus d’un quart d’entre eux, ayant plus de 55 ans, feront valoir leurs droits dans les dix ans qui viennent. La ministre de la santé a d’ores et déjà annoncé le transfert des droits acquis aux ayants droit. Plusieurs autres pistes peuvent être envisagées, en concertation avec les professionnels concernés : la retraite anticipée, l’allongement de la durée d’épargne, la conversion de jours en cotisations de retraite complémentaire, la récupération de jours épargnés via un exercice à temps partiel ou encore la monétisation des jours placés sur un compte épargne temps grâce au fonds pour l’emploi hospitalier. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé le lancement, dès le début de l’année prochaine, d’une négociation avec les syndicats portant sur le rattrapage des heures supplémentaires non payées. Faisons confiance à la concertation, un art auquel M. Bertrand est désormais rompu, et espérons qu’elle aboutira à un accord propre à rendre du pouvoir d’achat aux agents de la fonction publique hospitalière (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Frédéric Poisson – Avant toute chose, je tiens à apporter mon soutien à la proposition de MM. Ollier, Joyandet et Chartier sur le déblocage de la participation.

Notre action en matière de pouvoir d’achat doit porter sur trois échelles de temps. À long terme, d’abord : aucune augmentation du pouvoir d’achat ne sera possible sans une réflexion de longue haleine sur l’administration et les services généraux de l’État.

Il y a des gisements de productivité importants dans l’administration – et selon les enquêtes d’opinion, les agents attendent ces réformes. On entend souvent dire qu’on ne pourrait réduire la dimension de notre État parce qu’il y a besoin d’enseignants, d’infirmières, de policiers. Mais il y a tout un travail de management de la performance qui reste à conduire dans les services administratifs.

Nous parlons depuis ce matin du pouvoir d’achat des salariés. Mais n’oublions pas que le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté et de travailleurs pauvres s’accroît chaque année. J’attends donc avec impatience le rapport d’Éric Besson sur le dividende universel, seul moyen de régler durablement la question de la répartition des richesses.

M. Michel Sapin – Ne soyez pas impatient, vous risquez d’être déçu !

M. Jean-Frédéric Poisson – À moyen terme, il est nécessaire de refondre notre politique familiale. Vous aviez rédigé avec Étienne Pinte il y a dix ans, Madame la ministre, un rapport intitulé « Oser la famille » proposant de ramener le nombre des prestations de vingt-huit à trois. Cette réforme me paraît nécessaire, car le système actuel n’assure plus une juste répartition de la richesse nationale vers les familles. Une des raisons pour lesquelles le gouvernement de l’époque n’avait pas donné suite à ce rapport était que cette refonte du système aurait des conséquences importantes sur l’organisation de la CNAF. Ce n’est pas l’objection la plus pertinente que l’on puisse faire !

Il faut prendre en considération dans nos réflexions l’évolution de la structure des dépenses des ménages. De nombreuses familles payent désormais trois ou quatre abonnements de téléphone et un abonnement à la télévision par satellite. Nous avons commencé ce travail avec le projet de loi de M. Chatel pour ce qui est des télécommunications. Permettez-moi cependant d’attirer votre attention sur ce qui est une des causes du montant élevé des abonnements à la télévision par satellite. Un excellent quotidien sportif évoquait ce matin encore les négociations entre la Ligue de Football et Canal + et TF1 sur les droits de diffusion du Championnat de France – pas moins de 600 millions d’euros par an. Imaginez l’impact que cela peut avoir sur le montant des abonnements ! Il me semble que le Gouvernement pourrait avoir une influence sur un certain nombre de prestataires de services qui abusent de leur position.

Autre problème, auquel le Sénat avait réfléchi en son temps : la concentration excessive des opérateurs de services. Les élus locaux savent bien qu’il est difficile de maîtriser les prix des prestations – je pense à l’eau ou aux transports – lorsqu’on n’a plus qu’un ou deux opérateurs potentiels de service public. Nous avons donc une réflexion à conduire sur la maîtrise des tarifs.

Enfin, je fais mienne la proposition de Jacques Myard sur la possibilité de cumuler une retraite et un emploi salarié. J’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson – Je crois savoir que cela fait partie des perspectives ouvertes par les négociations sur la réforme des retraites à venir. Il y a deux verrous à faire sauter : le délai de six mois et les 160 % du SMIC. Il faut le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Lecoq – Je trouve un peu étrange d’organiser ce débat aujourd’hui, puisque nous débattrons la semaine prochaine d’un projet de loi déjà ficelé sur cette question du pouvoir d'achat.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Et le droit d’amendement ?

M. Jean-Paul Lecoq – À quoi sert ce semblant de débat, puisque le projet de loi a déjà été présenté hier en conseil des ministres et transmis illico à la commission des affaires sociales, convoquée le jour même sans que nous ayons le temps de déposer des amendements. La majorité semble si peu sûre de son bricolage à la va-vite qu'elle ne respecte même plus l'institution parlementaire. La dégradation des conditions du débat politique se poursuit, tandis que la décision politique est dictée par les coups médiatiques. L’opposition a pourtant des propositions à faire sur le pouvoir d'achat ! Mais visiblement, le but de la majorité est bien de monopoliser le débat.

Voyant sa cote de popularité chuter – car ses promesses électorales sur le pouvoir d'achat n’ont pas été tenues – le Président de la République a ressorti lors de son intervention télévisée sa formule magique du « travailler plus pour gagner plus », devenue : « si vous avez besoin de gagner plus, vous n'avez pas d'autre choix que de travailler plus ».

L’augmentation de la durée du travail ne résoudra pas les problèmes de pouvoir d'achat. Le discours présidentiel glorifie le travail : il ne faut donc pas s'étonner que les propositions avancées ne concernent que les personnes d'âge actif ayant la capacité de travailler. Elles excluent en effet les personnes écartées de l'emploi : handicapés ou malades, retraités, chômeurs – ce qui va de soi pour ces derniers puisque vous les considérez comme des assistés. Que dites-vous aux autres ? « Travailler plus pour gagner plus » ?

Il y a des solutions pour améliorer le pouvoir d'achat : d’une part, la hausse des revenus du travail dès la première heure travaillée et l'augmentation des revenus de remplacement ; de l’autre, la baisse ou l'encadrement des dépenses contraintes des ménages modestes, sans oublier les enjeux écologiques.

L'UMP, au pouvoir depuis bientôt six ans, découvre par miracle qu'il existe un problème de pouvoir d'achat. Celui-ci épargne cependant les catégories aisées, qui ont bénéficié en priorité des réductions d'impôts et autres avantages de ces dernières années. Les plus riches ont été l'objet de toutes les attentions dès l’élection du nouveau Président de la République, avec la loi TEPA – 15 milliards d'euros offerts aux quelques centaines de milliers de personnes les plus riches, sous forme de bouclier fiscal et de déduction des intérêts d'emprunts immobiliers, quand des millions ont du mal à manger, se vêtir, se loger. Il est vrai que vues de Neuilly, ce sont des préoccupations bien terre à terre.

Mais qu'avait fait le Président de la République pour le pouvoir d’achat lorsqu’il était responsable de l'UMP ou ministre de l'économie ? On oublie souvent la promesse du ministre de l'économie Sarkozy de faire baisser de 5 % les prix de la grande distribution.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – C’est ce qu’il a fait fin 2004 !

M. Jean-Paul Lecoq – C'était tellement irréaliste qu'à peine installé, il a préféré retourner au ministère de l'intérieur. Plus tard, le Président a servi en premier ses amis – les Lagardère, Dassault et autres gros actionnaires. Il est vrai qu’ils avaient facilité son élection…

L'évolution des salaires reste bien en deçà du revenu des actions ou des revenus immobiliers. Pire, les salaires minimaux de certaines branches sont toujours inférieurs au SMIC. Cela permet – par exemple dans le commerce, avec la rémunération des temps de pause – de contourner la loi sur le SMIC. L'obligation d'aligner les minima de branche sur le SMIC entraînerait ainsi un relèvement automatique de la grille des salaires. Plusieurs fédérations patronales font de la résistance : vous ne faites rien pour les faire céder. Cette situation inadmissible provoque actuellement des débrayages dans plusieurs enseignes de la grande distribution et je tiens à apporter mon soutien aux salariés concernés.

Depuis cinq ans, vous avez systématiquement défiscalisé et exonéré de cotisations sociales les revenus des rentiers, encourageant ainsi la spéculation au détriment des revenus du travail. Le revenu déclaré des 10 % les plus riches a fait un bond de 32 % entre 1998 et 2005. Pendant ce temps, celui des 90 % restants n'augmentait que de 4,6 % et le revenu médian – inférieur à 1 500 euros mensuels – stagnait.

Les plus pauvres – 7,1 millions de personnes, soit plus de 10 % de la population – doivent pour leur part se contenter de moins de 817 euros par mois. Avec une inflation moyenne de 2 % par an, l'immense majorité des Français a subi une réelle perte de pouvoir d'achat, d'autant que l'indice des prix INSEE ne correspond pas au panier d'achat des revenus les plus faibles mais à un panier «moyen» qui sous-estime le poids des dépenses de logement.

Ce ne sont pas les miettes du « travailler plus pour gagner plus » qui y changeront quelque chose. Même en multipliant les heures supplémentaires au SMIC, cela ne va pas loin quand les dépenses contraintes – alimentation, logement, énergie – sont en hausse. Les couches populaires sont particulièrement touchées par les hausses de prix des derniers mois : l'alimentation représente en effet 17 % du budget d'un ouvrier, contre 12 % de celui d’un cadre. Le transport représente 19 % de celui d'un habitant d'une commune rurale contre 12 % de celui d’un Parisien. Les locataires ont aussi été plus touchés que les propriétaires, les habitants des zones rurales plus que ceux de la région parisienne, les familles monoparentales plus que les couples sans enfant.

Aussi faut-il s'entendre sur les catégories sociales qui ont besoin d'une augmentation de pouvoir d'achat. Augmenter celui des plus riches, c'est accroître la spéculation et les émissions de polluants et de gaz à effet de serre : voyages en avion, acquisitions de 4x4 et surconsommation de luxe... Mieux vaudrait instituer des prélèvements supplémentaires pour permettre une meilleure redistribution des richesses !

Il faut agir sur les dépenses contraintes des foyers les plus modestes, en menant une politique offensive contre les rentes de situation.

Les prix des produits alimentaires, qui restent une grosse dépense pour les bas salaires et les foyers modestes, ont crû de 2,3 % sur un an. Cette inflation va se poursuivre puisque les prix agricoles ont augmenté de 18 % en un an, avec déjà un chiffre inquiétant : 12,5 % d'augmentation annuelle pour le prix de la baguette.

Quant à celui de la brioche, je vous laisse le calculer…

M. Jacques Myard – Laissons cela à Marie-Antoinette !

M. Jean-Paul Lecoq – C’est que le prix du blé s'est en effet envolé de 71 % à la Bourse de Chicago entre octobre 2006 et octobre 2007. Le marché se tend en raison du développement de la production d'agrocarburants. Les effets pervers de ce nouveau capitalisme vert commencent à se faire sentir. Il est urgent de cesser d’encourager fiscalement la production d'agrocarburants au détriment de la filière agro-alimentaire.

M. Jacques Myard – Il n’a pas tort.

M. Jean-Paul Lecoq – La hausse des prix touche également les fruits et légumes frais. Nos compatriotes en consomment de moins en moins, selon une étude récente du Credoc. Si, pour suivre les recommandations de l'Organisation mondiale de la Santé, chacun en consommait 400 grammes par jour, cela coûterait 57 euros par mois à un couple sans enfant et 115 euros à un couple avec deux enfants de plus de 10 ans, soit entre 5 % à 12 % du SMIC. Et je ne parle pas des produits biologiques. Dès lors, les messages publics sur la nutrition ont peu d'impact.

L'envolée des prix des produits laitiers à la consommation est la conséquence de la spéculation des distributeurs. Danone a augmenté ses prix de 10,5 % en novembre dernier et Lactalis annonce 15 % à 17 % d'augmentation. Or, il n'y a pas de pénurie de lait en Europe et la production satisfait à la demande. De 2002 à 2006, 30 000 paysans ont arrêté de produire du lait parce que la baisse des prix à la production leur a fait perdre en quatre ans l'équivalent de deux mois de revenus. Pendant ce temps, les grands groupes industriels transformateurs augmentaient les prix à la consommation. La hausse des prix à la production, cette année, est due aux exportations hors Union européenne qui représentent moins de 10 % du volume de lait produit en Europe.

Quant au coût du logement, il a subi un dérapage constant en raison des mesures prises en six ans de gouvernement UMP. Vous avez notamment encouragé fiscalement la spéculation dans le secteur privé de construction de logement, alors que cet argent aurait été mieux utilisé en investissant dans le logement social et réellement social.

Mme Christine Boutin, ministre du logement C’est ce que nous faisons.

M. Jean-Paul Lecoq – Il y a une continuité de la politique de la majorité. La moitié des 120 000 logements vendus en 2006 ont été achetés par des particuliers qui en ont profité pour alléger leurs impôts. Depuis 2003, le dispositif de Robien a permis de construire des milliers de logements qui restent vides parce qu’ils sont situés dans des zones où l’on n’en maquait pas ou parce que leurs loyers sont trop élevés.

Aujourd'hui, les dépenses de logement représentent entre 15 % et 40 % des dépenses des foyers. Une mesure urgente s’impose : un gel temporaire des loyers, y compris lors du changement de bail, pendant le temps nécessaire pour compenser l'augmentation de ces dernières années, qui a été plus rapide que l'inflation.

Face au renchérissement des produits pétroliers, le doublement de l'aide à la cuve n'est pas une solution à moyen et long terme. Je propose de créer un fonds de reconversion du chauffage au fioul vers des énergies renouvelables, alimenté par un prélèvement sur les profits des industries pétrolières. Quant aux dépenses de transport, n'en déplaise à Madame Lagarde – qui ne montre d'ailleurs pas l'exemple – l'utilisation du vélo ne résout pas tout. Il faut instaurer un chèque-transport qui serait pris en charge comme l’est la Carte orange en Île-de-France.

Enfin les dépenses de santé pèsent toujours plus lourdement dans le budget des ménages modestes et je réaffirme notre opposition aux franchises médicales et aux dépassements d'honoraires.

Vous distribuez à tout va les exonérations fiscales et de cotisations sociales. Puis, une fois ses ressources épuisées, l'État reprend ce qu’il avait donné avec tant de prodigalité. Ainsi le projet dont nous débattrons la semaine prochaine revient à puiser dans les réserves des salariés. Ce qui est aux riches leur reste acquis. Mais tout ce qui est aux 90 % restants de la population, est négociable... (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Le logement est une charge croissante pour les ménages, qui y consacrent 10 % à 25 % de leurs revenus, parfois plus. Seules les aides personnalisées au logement permettent aux plus modestes de l’assumer. Il faut instituer un dispositif global pour dynamiser la chaîne du logement, qui repose sur un équilibre entre locataires et bailleurs, investisseurs publics et privés, marché locatif et accession à la propriété. Le Président de la République a annoncé un première série de mesures le 29 novembre, en particulier en faveur des plus modestes, qui sont souvent locataires. Le problème majeur est le manque de logement, dont nous sommes tous en partie responsables ; le Président de la République nous a fixé l’objectif de construire 500 000 logements. Relever ce défi réintroduira la fluidité dans la chaîne du logement, qui va du SDF à celui qui est logé confortablement. L’indexation des loyers sur l‘inflation et la réduction à un mois du dépôt de garantie auront un effet concret sur le pouvoir d’achat. D’autres chantiers vont déboucher sur les accords entre partenaires ou des mesures législatives.

M. Vigier propose un fonds de garantie pour les étudiants. Nous y travaillons avec l’ensemble des partenaires. Comme M. Goua, je salue la qualité des études du CREDOC, et j’ai chargé son directeur d’une mission de réflexion sur la ville et notamment sur la place des commerces dans les centres-villes. Je suis tout à fait sensible au problème propre à Saint-Pierre-et-Miquelon qu’a soulevé Mme Girardin et je suis sûre que le ministre de l’outre-mer le sera également.

M. Lefebvre a souligné l’intérêt de la réduction du dépôt de garantie. Nous présenterons également d’autres pistes dans ce sens. Ces mesures concernant le logement ont bien sûr toute leur place dans le guide de la mobilité proposé par Mme Greff. Dans le vaste panorama qu’a présenté Monsieur Piron, je retiens l’importance d’être vigilants sur l’effet qu’auront les mesures présentées au Grenelle de l’environnement pour les charges, notamment des plus modestes. Nul ne peut être contre les mesures en faveur de l’environnement, mais il ne faut pas créer une précarité supplémentaire liée aux dépenses d’énergie. Dans une approche globale, il faut prendre en compte le logement, les équipements publics, mais également les transports, donc tout le fonctionnement de la ville, pour intégrer les quartiers fragiles aux dynamiques urbaines. S’agissant des politiques locales, on sait combien je suis favorable à la décentralisation. Sur ce plan, nous sommes à la croisée des chemins. Nous pouvons aller vers plus de décentralisation, si nous avons la garantie que cela sera efficace, notamment pour l’application du droit au logement opposable. Comme le souhaite M. Poisson, dans toutes mes rencontres avec les partenaires, je les incite à équiper les logements des nouvelles technologies, de la fibre optique et du haut débit.

Monsieur Lecoq, la mise en place du droit au logement opposable répond directement à votre préoccupation d’aider les plus modestes. J’en suis une militante convaincue, et je suis persuadée que j’aurai votre soutien lorsque ce sera nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – En mai dernier, les Français ont fait le choix d’une société davantage fondée sur le travail. Cela signifie tout à la fois valoriser ceux qui ont un travail, redonner du travail et agir pour ceux qui ne peuvent pas ou plus travailler. Notre politique repose sur ces trois piliers, et le ministre du travail est aussi celui de la solidarité. Mais on ne peut pratiquer la solidarité que si l’on a produit des richesses, en travaillant davantage.

M. Jacques Myard – Très bien.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Nous pouvons certainement en être d’accord, mais nous pouvons l’être aussi, je pense, sur la méthode, qui combine le dialogue social et un changement assumé par rapport aux erreurs du passé. Nous en avons tous commis, droite et gauche. Permettez-moi, sans esprit polémique, mais parce que cet exemple vient forcément à l’esprit : je ne veux absolument pas reproduire l’erreur des 35 heures imposées. Certains à gauche reconnaissent d’ailleurs qu’il n’aurait pas fallu procéder de cette façon.

Ce que nous proposerons la semaine prochaine c’est de ne pas imposer les choses d’en haut, mais de les rendre possibles, notamment dans les entreprises. Aussi, ne comptez pas sur moi pour avancer des chiffres globaux, ou des mesures que j’aurais élaborées tout seul dans mon bureau de la rue de Grenelle…

M. Jean-Paul Lecoq – Non, c’est le Président de la République qui décide.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Ces mesures ont été demandées dans les entreprises, par les employeurs comme par les salariés. Issues du dialogue social, elles vont aussi permettre de le renforcer, et chacun doit s’en réjouir. Nous sommes engagés dans la voie du volontarisme. Bien sûr, ce n’est pas le Gouvernement qui fixe les salaires dans les entreprises privées. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas agir. Ainsi, nous allons engager le débat sur la conditionnalité des allégements de charges. Le comité d’orientation pour l’emploi, où siègent les partenaires sociaux, pourra s’en saisir. Je tiens à préciser qu’une entreprise ou une branche qui refuserait de jouer le jeu verrait ses allègements de charges révisés à la baisse (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). En outre, pourquoi ne pas aller plus loin et mettre sur la table, par exemple, la question de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes ?

Monsieur Sapin, ne caricaturez pas notre action. Vous risquez ainsi de porter atteinte à la crédibilité de l’ensemble de la classe politique. Autant vous pouvez être en totale opposition avec le Gouvernement sur certains sujets, autant nos positions, dans le domaine social, ne sont pas distantes de plusieurs années lumière, et peuvent se rapprocher. Je le dis, d’autant que je vous tiens pour un socialiste non dogmatique – j’espère que ce compliment ne vous portera pas préjudice… (Sourires)

M. Michel Sapin – C’est un simple commentaire.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Les chiffres sont là. Un salarié au SMIC qui voudra se faire payer cinq jours de RTT recevra 375 euros. Un salarié payé 2 500 euros par mois touchera 1 440 euros pour dix jours de RTT. Nous ne vivons pas dans une économie administrée : ce dispositif est incitatif, et respecte la volonté des salariés, qui selon leur âge ou leur situation de famille, choisiront entre un gain de pouvoir d’achat ou un peu plus de repos. C’est la souplesse que nous recherchons.

Plusieurs députés du groupe UMP – Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Je sais que dans certains secteurs sous tension, où existe un fort besoin de main d’œuvre, cette disposition est attendue et s’appliquera de suite. Dans d’autres secteurs, le dialogue sera engagé entre chefs d’entreprise et salariés. Ce projet de loi n’aura d’autre vertu que de favoriser, précisément, ce type d’échanges.

Ce texte devrait également rendre possible le déblocage de la participation, ce qui concernera la moitié des salariés. Les salariés des petites entreprises, non couvertes par un accord de participation, seront également concernés car notre logique n’est pas parcellaire.

MM. Méhaignerie, Vigier et Le Maire ont souligné combien les mesures contenues dans le projet de loi respectaient l’équilibre des finances publiques. Elles rendent aux Français du pouvoir d’achat à partir de ce qui leur appartient. Nous n’augmenterons pas le montant des prélèvements obligatoires qui, comme chacun le sait, pèsent à la fois sur la croissance et sur le pouvoir d’achat.

Comme vous l’avez dit, Monsieur Méhaignerie, nous sommes attachés au dialogue social. C’est la raison pour laquelle le président de la République lancera, à partir du 19 décembre, de nouveaux chantiers, poursuivant ainsi la politique de la main tendue en direction des partenaires sociaux. Comme en politique, une nouvelle page de la démocratie sociale doit se tourner, avec les questions de la représentativité et des négociations liant salaires et durée du temps de travail.

M. Goua a indiqué que le parti socialiste faisait des propositions, mais n’a pas pris la peine de les détailler ce matin. J’espère que nous en débattrons la semaine prochaine. Autant le dire dès maintenant : si ces propositions devaient être synonymes de dépenses, voire de taxations punitives des entreprises, elles seraient rejetées car contraires à l’état d’esprit qui règne aujourd’hui, aussi bien chez les entrepreneurs que chez les salariés.

M. Ollier a soulevé la question de la participation financière, sujet suivi par le Conseil supérieur de la participation et qui a fait l’objet d’une nouvelle impulsion en 2006. L’objectif est d’aller plus loin encore dans la généralisation de l’accès des salariés aux dispositifs collectifs d’épargne salariale. Il est temps de repenser l’association capital/travail, et de redonner confiance dans les entreprises, synonymes d’emploi. La France, sur ces thèmes, doit être exemplaire au niveau européen. Il nous faut explorer ces pistes de travail passionnantes – évoquées par MM. Chartier et Lefebvre que sont l’intéressement, la participation, la question de la liaison entre stock options et performances des chefs d’entreprises, celle de leur généralisation.

Mme Girardin a évoqué la situation de nos concitoyens d’outre-mer et plus particulièrement des habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon. Eux aussi sont concernés par les dispositions du projet de loi sur le pouvoir d’achat, qu’ils soient – je le précise – à temps complet ou à temps partiel.

M. Lefebvre, qui a de la suite dans les idées, a tenu à parler de la période de référence. Gageons qu’il le fera la semaine prochaine. Pour le moment, il est important de faire la part entre les mesures temporaires, à caractère exceptionnel, et les mesures structurelles, qui doivent faire l’objet de négociations avec les partenaires sociaux. Nous saurons, dès le 19 décembre, quels sont, pour eux, les sujets prioritaires.

Je partage le souci de M. Ollier de favoriser l’intéressement, tout en veillant à ce que ce revenu ne se substitue pas au salaire. L’ensemble des salariés doit être concerné : c’est ce qu’a rappelé M. Chartier. La prime de 1 000 euros sans charges, permettra de n’oublier personne.

Le sujet des retraites sera évoqué lors de la conférence sur la revalorisation des pensions, le 20 décembre, et le rendez-vous des retraites du premier semestre 2008. Pourquoi, ministre du travail, oublierais-je les promesses du candidat Sarkozy dont j’étais le porte-parole ? Il ne faudra pas attendre cinq ans pour que les premiers résultats, en termes de revalorisation de l’allocation adulte handicapé et de celle du minimum vieillesse comment à se faire sentir.

M. Joyandet a, lui aussi, évoqué la prime de 1 000 euros. Les entreprises non soumises aux accords de participation, pourront partager leurs bénéfices avec leurs salariés et, si elles le souhaitent, aller plus loin. Le plafond ne s’entend que pour les exonérations de charge.

Mme Vasseur et M. Myard ont évoqué la question du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Là non plus, notre politique n’est pas parcellaire. Que les fonctionnaires relèvent de l’État, des collectivités territoriales ou de la fonction publique hospitalière, des décrets seront pris après concertation entre les ministres concernés et leurs représentants. Un premier décret, paru le 12 novembre 2007, permet de monétariser quatre jours de RTT d’ici à la fin de l’année 2007. Là encore, nous pourrons aller plus loin en 2008. Sur le sujet de la durée de travail à l’hôpital, Mme Bachelot s’est engagée à rompre avec le statu quo.

Monsieur Le Maire, le chèque-transport était fondé sur l’idée d’assurer l’égalité entre les salariés de province et ceux d’Île-de-France, ces derniers bénéficiant depuis 1982 du remboursement de 50 % du prix de leur abonnement. Mais il faut le dire clairement, il a pâti à la fois d’une absence totale de publicité et de l’hostilité de certains – je vous laisse le soin de voir d’où venaient les résistances. Les émetteurs eux-mêmes, découragés par cet état de fait, n’ont pas assuré la promotion du dispositif, alors même qu’ils ont été sollicités par des entreprises et des comités d’entreprise. Voilà pourquoi aucun chèque transport n’a été émis ; et si l’idée a été portée par des politiques et par des syndicalistes, on s’aperçoit que pour en faire une réalité, il aurait fallu assurer le service après vote !

Monsieur Lecoq, qui profite des heures supplémentaires permises par la loi TEPA ? Vous le savez bien, ce sont les ouvriers et les employés ; et dernièrement encore, une caissière de magasin m’a fait part d’un sentiment nouveau, celui que ceux qui travaillent sont davantage valorisés.

Cela veut dire aussi qu’il faut absolument ramener vers l’emploi ceux qui en sont éloignés. Voilà pourquoi, et c’est le travail de Martin Hirsch, il faut développer le revenu de solidarité active, afin que chacun soit certain de ne pas y perdre lorsqu’il reprend un emploi. C’est aussi le sens de la lutte contre l’exclusion à laquelle travaille Christine Boutin.

Il faut également, chaque fois que c’est possible, jouer sur les prix : en 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, avait réussi à baisser les prix ; nous voulons travailler dans le même sens.

Ce débat aura été utile et passionnant. Je ne doute pas un seul instant que celui de la semaine prochaine le sera aussi, et que chacun fera en sorte qu’il aboutisse dans les meilleurs délais à une amélioration du pouvoir d’achat des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le débat est clos.

Prochaine séance mardi 18 décembre à 9 heures 30.

La séance est levée à 12 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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