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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 19 décembre 2007

1ère séance
Séance de 15 heures
88ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

POLITIQUE PÉNITENTIAIRE

M. Michel Hunault – Le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe dénonce, dans son rapport du 10 décembre, la situation dans les prisons françaises et notamment la surpopulation carcérale. La représentation nationale, de commissions d’enquêtes en rapports, soulève depuis longtemps ce problème.

Vous avez fait preuve, madame la Garde des sceaux, d’une grande volonté dans ce domaine, en faisant adopter un projet de loi sur le contrôle des lieux de privation de liberté, en appliquant un certain nombre de mesures préconisées par l’Union européenne et en vous engageant à faire voter, dans les semaines qui viennent, une loi pénitentiaire.

Concilier la nécessité d’une sanction ferme avec l’exigence du respect de la dignité des détenus constitue, plus que jamais, une urgence. Quelles sont les grandes lignes de ce projet de loi et quelles sont les mesures que vous entendez prendre pour offrir une alternative à la détention (Applaudissements sur les bancs du groupe NC) ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice En effet, le rapport du Comité européen critique la surpopulation carcérale en France ; mais il constate aussi des améliorations depuis 2003.

Pour lutter contre ce phénomène, nous utilisons les deux leviers que nous avons à notre disposition : la construction de nouvelles prisons et l’aménagement des peines. Un programme immobilier sans précédent prévoit que 13 200 places nouvelles seront créées d’ici à 2012. Nous avons mis en place d’autre part des conférences régionales, destinées à étudier l’aménagement des peines et la lutte contre la récidive. Déjà 11 % des peines font aujourd’hui l’objet d’un aménagement, ce qui représente une hausse, sans précédent, de 80 %.

Ces dispositions seront confortées dans le prochain projet de loi, qui contiendra également des mesures sur l’éducation et la formation professionnelle ainsi que sur la domiciliation des détenus, afin de faciliter leur insertion au terme de leur peine d’emprisonnement. Je profite de cette réponse pour rendre hommage au personnel pénitentiaire, qui, chaque jour, participe à la prévention de la récidive (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

CONFÉRENCE DE BALI

M. Serge Poignant – Monsieur le ministre d'État, j'ai eu l’honneur de vous accompagner à la Conférence de Bali sur les changements climatiques (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe SRC) et j’ai mesuré, à cette occasion, la difficulté de réunir 180 pays autour d’un texte commun.

Le consensus obtenu engage tous les pays, qu’ils soient industrialisés, émergents ou en voie de développement, dans la lutte contre le réchauffement climatique, condition de notre survie sur cette planète. Adaptation, coopérations renforcées, lutte contre la déforestation, transfert de technologies sont autant de points qui ont été pris en considération pour la préparation de l'après-Kyoto.

Il était impératif d’établir une feuille de route, et la France y a pris une part active. Cependant, la Conférence de Bali n’a pu définir des objectifs chiffrés de réduction d'émissions ; ils devront l’être d’ici à 2009, lorsqu’une nouvelle conférence se tiendra à Copenhague. Monsieur le ministre, quel rôle la France jouera-t-elle durant cette phase de négociations ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables – Sous l’autorité des Nations unies, 180 pays – représentant six milliards d’êtres humains – se sont réunis à Bali, autour d’une certitude : la situation est extrêmement grave. Tous, quel que soit leur niveau de développement économique, ont répondu par l’affirmative à ces deux questions : reconnaissez-vous l’existence du réchauffement climatique ? Êtes-vous déterminés à vous engager ?

L’ensemble des pays industrialisés, même ceux qui n’avaient pas ratifié le protocole de Kyoto, se sont engagés à faire un effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre, équivalent à celui inscrit dans le protocole de Kyoto. Toutefois, et même si le protocole global et la feuille de route sont explicites, nous n’avons pas obtenu un engagement chiffré. Notons que les plus grands scientifiques estiment nécessaire de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici à 2050 et de 25 à 40 % d’ici à 2020.

La France s’est battue et a réussi à ce que soient intégrées à la feuille de route les questions de la déforestation et de la lutte contre l’appauvrissement des sols. Les États-Unis et le Canada sont rentrés dans la barque, les Nations Unies sont le cadre du processus ; il nous reste un an avant la conférence de Poznan pour que l’Europe s’organise sur le sujet, sous présidence française, et une année de plus avant celle de Copenhague pour que chaque pays identifie ses obligations quantifiées. La conférence de Bali a été un très grand moment, mais le plus dur reste à faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

LOGEMENT

M. Michel Ménard – Les Français ont de plus en plus de mal à boucler leurs fins de mois, les locataires doivent chaque année se serrer un peu plus la ceinture pour payer leur loyer.

Deux mesures simples pourraient stopper cette spirale infernale de la baisse du pouvoir d'achat. On peut tout d’abord bloquer les loyers, comme l'avait fait le gouvernement Jospin en 1999 et 2000 : il suffit d'en avoir la volonté politique. D’autre part, on peut revaloriser les APL, qui ont perdu 10 % de leur pouvoir d’achat depuis 2001.

Quant au droit au logement opposable, que s'est-il passé depuis son vote il y a un an ? Les associations, que nous avons reçues ce matin, nous ont confirmé qu'il fallait construire plus de 100 000 vrais logements sociaux par an. Vous en êtes loin ! Aussi comptabilisez-vous des dizaines de milliers de logements qui n'ont de social que le nom, avec des loyers à 600 ou 700 euros ; comment les jeunes, les retraités et les salariés modestes pourraient-ils se loger ?

Pour construire des logements sociaux, il faut des financements publics. Or entre 2001 et 2007, les aides de l'État à la construction sont passées de 8 % à 2,5 % en moyenne ! L'État dépense beaucoup plus d'argent en cadeaux fiscaux aux plus riches (Exclamations sur les bancs du groupe UMP, applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Et à la mobilisation citoyenne et non violente pour le droit au logement, vous répondez en envoyant les forces de l'ordre.

Au moment où le Président de la République appelle à une rotation plus rapide dans le logement social, la presse fait état d'un scandale : madame la ministre du logement, est-il exact que votre directeur de cabinet occupe un logement à loyer modéré de 190 m² au coeur de Paris ? Si c’est vrai, que comptez-vous faire ? Le gardez-vous comme directeur de cabinet ? J'attends de vous une réponse claire et précise : les Français ont le droit de savoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Comme vous le savez, le projet de loi sur le pouvoir d’achat dont nous allons poursuivre la discussion après les questions au Gouvernement contient deux mesures importantes concernant le logement : l’indexation des loyers sur l’inflation et la réduction du dépôt de garantie à un mois. Vous négligez leur impact sur le pouvoir d’achat : c’est la différence avec nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Le blocage des loyers décidé par le gouvernement Jospin, vous le savez mieux que moi, a été une catastrophe pour l’investissement et la construction. C’est la période où l’on a le moins construit ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

Quant aux APL, vous savez très bien qu’elles vont augmenter de près de 3 % au début de l’année 2008, soit plus que l’inflation.

Enfin, la mise en œuvre de la loi DALO se fera selon un calendrier qui est très précis : mise en place des commissions départementales de médiation au 1er janvier 2008 ; le 1er décembre 2008, les personnes appartenant aux publics prioritaires qui n’auront pas pu être logées pourront se retourner contre l’État. Je vous ai déjà dit hier qu’il y aurait sans doute des difficultés car il est impossible de combler en quelques mois un retard de construction de trente ans ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

En ce qui concerne mon directeur de cabinet, vous me permettrez de régler le problème entre lui et moi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC).

SUITE DU GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT

Mme Martine Billard – J’aimerais quand même que nous ayons plus de précisions assez vite au sujet du directeur de cabinet (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

La France n'a pas transposé dans sa totalité la directive européenne de 2001 sur les OGM, et le décret de suspension pris à la sauvette en mars dernier n'offre aucune protection pour les filières sans OGM. Dix-neuf études menées dans différents pays sur le maïs MON 810 de la firme Monsanto en ont démontré la nocivité ; l'Autriche, la Hongrie, la Pologne, la Grèce et, de fait, l'Italie ont un moratoire bloquant cet OGM.

En France, le report de la transposition a prolongé d'un an la contamination de l'environnement par les OGM. Par ailleurs, la reconnaissance du droit à produire sans OGM suppose que l'agriculteur dont la production est contaminée ait un droit à réparation. Cela pose la question du seuil ; il ne peut être celui de 0,9 %, qui semble avoir votre faveur mais qui n'est qu'un seuil d'étiquetage commercial, sans fondement scientifique.

La directive prévoit que « les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle d'OGM dans d'autres produits » – distances entre les cultures et information obligatoire des cultivateurs voisins, par exemple. Enfin, le droit à consommer sans OGM implique une information plus complète du consommateur, et donc l'étiquetage des produits issus d'animaux nourris avec des OGM.

Monsieur le ministre de l’écologie, vous vous étiez engagé lors du Grenelle à mettre en œuvre la « clause de sauvegarde » permettant l'entrée en vigueur d'un moratoire sur la commercialisation des semences et sur la culture du MON 810. Or l’arrêté ministériel publié le 6 décembre 2007 les suspend seulement jusqu'au 9 février. Évidemment, vous ne risquez pas d'être contredit car il est peu courant de semer du maïs en cette période ! Ma question est simple : allez-vous utiliser la clause de sauvegarde comme vous vous y étiez engagé, afin que le débat sur le projet de loi que vous avez présenté ce matin en Conseil des ministres se déroule dans de bonnes conditions ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables – La France va-t-elle se doter d’une loi assurant la transparence, la responsabilité et la capacité à produire sans OGM ? La réponse est oui. Notre pays se dotera de surcroît d’une Haute autorité indépendante. Ce projet de loi sera soumis au Parlement, en commençant par le Sénat, à partir du 15 janvier 2008.

Quant à l’utilisation de la clause de sauvegarde concernant le Monsanto 810, les Allemands y ont renoncé après l’avoir d’abord utilisée. Conformément à l’engagement pris par le Président de la République devant le Grenelle de l’environnement, nous avons de notre côté décidé de suspendre la commercialisation de ce produit jusqu’à l’adoption de la loi sur les OGM et la publication des premières recommandations que rendra dès le 11 janvier – et non au mois de février, comme vous le dites – la Haute autorité indépendante installée depuis le 5 décembre. Voilà de quoi doter la France d’une position documentée et imparable (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

POUVOIR D’ACHAT DES FONCTIONNAIRES

M. Thierry Mariani – Bonne nouvelle : le Parti socialiste communique enfin ! Meilleure nouvelle encore : le Gouvernement et la majorité, eux, travaillent au service des Français (Huées sur les bancs du groupe SRC) ! Ce matin, le bureau national du PS a dénoncé par voie de presse le non-respect par le Président de la République de son engagement à augmenter le pouvoir d’achat des fonctionnaires (« Et pour cause ! » sur les bancs du groupe SRC). On croit rêver ! Il est vrai que votre seule proposition de campagne pour les fonctionnaires était de faire raccompagner les femmes policiers à leur domicile par un collègue masculin… Quel engagement ! (Interruptions sur les bancs du groupe SRC) Le Gouvernement, quant à lui, a ouvert ce lundi une négociation avec les partenaires sociaux sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires. Or, on nous annonce d’emblée une grève de vingt-quatre heures pour le 24 janvier prochain : étrange manière de nouer le dialogue ! Certains ne semblent pas avoir retenu la leçon de la réforme des régimes spéciaux, qui a pourtant révélé le décalage entre le discours socialiste et la maturité des salariés. Ce matin, M. le ministre déplorait d’ailleurs à juste titre que nous vivions encore à l’âge de pierre des relations sociales. Afin d’éclairer l’opposition, pouvez-vous, monsieur le ministre de la fonction publique, rappeler les principes qui encadrent la négociation tout juste ouverte et réfuter les arguments fallacieux du Parti socialiste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe SRC)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Le Parti socialiste n’a aucune leçon à nous donner en la matière (Rires sur les bancs du groupe SRC). Nous avons, depuis plusieurs mois déjà, engagé une négociation avec les partenaires sociaux sur le pouvoir d’achat. À ma demande, l’Insee nous a indiqué que 17 % des fonctionnaires avaient en effet perdu en pouvoir d’achat sur la base du traitement indiciaire. Je souhaite donc qu’une garantie générale de pouvoir d’achat pour tous les fonctionnaires soit à l’ordre du jour de la négociation, de sorte qu’elle puisse être intégrée dans la retraite additionnelle. Je suis même disposé, le cas échéant, à reprendre l’ensemble de la perte de pouvoir d’achat depuis 2003.

M. Marcel Rogemont – Quel aveu !

M. Éric Woerth, ministre du budget Vous voyez que j’aborde cette négociation en toute honnêteté. Il va de soi que nous continuerons au mois de janvier à discuter avec les syndicats de l’augmentation du point d’indice, ainsi que du rachat de jours inscrits sur un compte épargne temps ou de l’augmentation des heures supplémentaires.

Comment, dès lors, justifier l’attitude de certains syndicats qui, la négociation à peine entamée, appellent déjà à la grève ? C’est aller à l’encontre de l’intérêt des fonctionnaires eux-mêmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

INFORMATISATION DE LA JUSTICE

M. Patrice Martin-Lalande – Avec près de cinquante millions de téléphones mobiles et un micro-ordinateur dans 60 % des foyers, la France a fait de remarquables progrès en matière d’accès à l’internet. L’administration électronique se développe elle aussi : cette année, sept millions de déclarations d’impôt ont été remplies en ligne.

L’informatisation de la justice, priorité du Gouvernement, permettra aux Français d’accéder plus rapidement et d’où que ce soit à ce service public essentiel. Les actes les plus courants peuvent d’ores et déjà être effectués en ligne. On pose trop souvent la question de la proximité de la justice en termes de kilomètres. Or, combien de citoyens ne se rendent à une audience pas plus d’une fois ou deux dans leur vie ? En fait, ce sont les démarches les plus courantes qui comptent : information sur les droits et devoirs de chacun, saisine d’une instance, suivi d’un dossier en cours. Aujourd’hui, le réseau permet à quiconque de dialoguer avec son interlocuteur administratif comme s’il était face à lui, tout en restant chez soi. Vous avez, madame la ministre, annoncé l’expérimentation de visiophones, que nous sommes prêts à mener dans le Loir-et-Cher. D’autres avancées doivent suivre. Le Gouvernement est-il prêt à jouer à fond la carte numérique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Albert Facon – Il joue plutôt avec la carte judiciaire !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice La modernisation de la justice passe aussi par l’accès aux nouvelles technologies. Voici des années que les tribunaux attendent l’informatisation. J’ai pris dès le mois de juillet des mesures qui permettront à l’ensemble des juridictions de disposer de moyens de numérisation et de dématérialisation. Tous les échanges pourront avoir lieu par voie électronique, dès l’an prochain pour la procédure pénale et en 2009 pour les affaires civiles.

M. Alain Néri – Rendez-nous plutôt nos juridictions !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Par ailleurs, je viens de signer un décret permettant de généraliser les audiences par visioconférence. Cela permettra notamment aux centres pénitentiaires d’éviter le transfèrement des détenus. Voilà comment nous aboutirons à une justice proche et moderne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bruno Le Roux – À quand un débat sur la carte judiciaire à l'Assemblée nationale ?

POLITIQUE GÉNÉRALE

M. François Hollande – Puisqu’il n’y a guère plus de Gouvernement pour le faire, le Parti socialiste répondra aux questions de la majorité (Rires sur les bancs du groupe SRC, interruptions sur les bancs du groupe UMP) !

M. Jean-François Copé – C’est lamentable !

M. François Hollande – L’économie française finit l’année en douleur. L’inflation est largement au-delà des prévisions, la croissance bien en deçà. Les comptes publics ont atteint le niveau de déficit de 3 % du PIB considéré comme inacceptable par l’Union européenne, les comptes sociaux sont déséquilibrés et la balance du commerce extérieur atteint le déficit record de 32 milliards. Le pire, c’est que le pouvoir d’achat est aussi en berne. Les effets du plan que vous présentez ne seront pas immédiats – il n’y aura pas un euro de plus dans le portefeuille des Français au 1er janvier – et surtout seront partiels : pas plus d’un million de Français disposent d’un compte épargne-temps ! Sans compter que vos textes sont tellement complexes que les chefs d’entreprise ne savent même pas comment les appliquer, s’ils le souhaitaient (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Jacob – Baratineur !

M. François Hollande – Nous proposons pour notre part une mesure aux effets immédiats, concrète, bénéficiant à l’ensemble des Français : la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Votez-la, et les Français en verront les effets dès le 1er janvier. Ne le faites pas, et les Français sauront que ce n’est pas un plan pour le pouvoir d’achat, mais un plan de rigueur qui les attend. Les franchises médicales et la fin de l’exonération de la redevance télévisuelle en sont les premières manifestations (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Je vous demande de répondre à deux questions très précises : de combien allez-vous augmenter le gaz début 2008 ? Et de combien aussi, pour faire face aux 40 milliards de déficit cumulé de la sécurité sociale, allez-vous augmenter la contribution pour le remboursement de la dette sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Je vous trouve bien pessimiste (Éclats de rire sur les bancs du groupe SRC). Je ne partage pas cet état d’esprit. J’ai confiance dans les Français. Le Gouvernement tente de mériter la leur, en relançant la croissance. La loi votée cet été comme le projet en cours de discussion s’attaquent au cœur de la faiblesse française : l’incapacité à développer notre croissance (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Pour cela, il faut réconcilier les Français avec le travail – et vous, monsieur Hollande, qui êtes le représentant de ceux qui ont fait voter les 35 heures et qui ont fait oublier aux Français que pour gagner plus, il fallait à un moment donné travailler plus, portez une lourde responsabilité à cet égard (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC).

En ce qui concerne l’augmentation du gaz, Gaz de France a fait une proposition que la commission de régulation est en train d’examiner. Le Gouvernement fera connaître sa réponse au mois de janvier (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC). Vous pouvez être sûrs qu’elle sera parfaitement adaptée. En attendant, je ne peux que vous rappeler que le gaz est une matière première et que nous sommes dans une économie réelle. Quant à la question de la dette sociale, dont je ne cesse de rappeler l’importance, nous la traiterons au bon moment (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC).

M. Arnaud Montebourg – Après les élections !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Cette dette est pour partie dans la CADES, et donc financée par la CRDS, et pour partie dans l’ACOSS. Le parti socialiste gagnerait sans doute à travailler plus et à penser plus, pour proposer mieux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PLAN « RÉUSSIR EN LICENCE »

Mme Martine Aurillac – Les universités ont enfin retrouvé le calme et la liberté de travailler (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Un large dialogue a été engagé avec les responsables étudiants, dont certains sont heureusement plus conscients que d'autres de la réalité européenne et mondiale. Parmi leurs inquiétudes figurent notamment l'accès à l'université, le processus de l'orientation active, les conditions de vie étudiante et la réussite en licence. Une série de chantiers majeurs ont aussi été lancés, appuyés par les engagements budgétaires pris par le Président de la République et par le Premier ministre. Dans ce contexte ambitieux, et même inégalé, quelles mesures envisagez-vous pour la réussite des étudiants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche – Le premier objectif du plan pour la réussite des étudiants que j’ai présenté la semaine dernière est de réduire le taux d’échec en premier cycle. Aujourd’hui, un étudiant sur deux échoue à la fin de sa première année : nous voulons diviser ce taux par deux en cinq ans. Pour cela, il faut améliorer l’accompagnement des étudiants, pour leur donner de nouveaux points d’appui et opérer une transition douce avec la terminale. Il faut aussi appliquer un processus d’orientation active, c’est-à-dire une démarche de conseil pour aiguiller les étudiants dans les filières où ils auront le plus de chances de réussir. Les étudiants signeront un contrat de réussite avec leur université, avec des engagements mutuels. Ils auront un professeur référent et bénéficieront de tutorats rémunérés lorsqu’ils décrocheront dans une matière.

Le deuxième objectif est de donner davantage de valeur au diplôme de la licence, pour en faire un tremplin vers la poursuite des études mais aussi une clef d’entrée dans le monde du travail. Actuellement, les études sont marquées par une hyperspécialisation prématurée. Nous voulons faire du début à l’université des années fondamentales où les étudiants consolideront leurs acquis fondamentaux, leurs bases juridiques, économiques, scientifiques et leur culture générale, et acquerront des compétences nécessaires dans le monde d’aujourd’hui comme les langues étrangères, l’expression orale et écrite et les technologies de l’information. La licence sera aussi beaucoup plus ouverte sur les métiers, et comportera un stage obligatoire. Au total, ce plan d’une très grande ampleur prévoit cinq heures d’enseignement ou d’accompagnement pédagogique supplémentaires par semaine et par étudiant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PASSAGE AUX 40 HEURES DANS L’USINE CONTINENTAL À SARREGUEMINES

M. le Président – La parole est à Céleste Lett – député de la nation, comme chacun sait (Sourires).

M. Céleste Lett – Toute la presse, notamment Le Républicain lorrain (Exclamations et rires sur divers bancs), évoque aujourd’hui le vote des salariés de l'usine Continental de Sarreguemines – ville dont je suis le maire – en faveur du retour aux 40 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). L’usine, qui a embauché 300 salariés au cours des quatre dernières années et en compte aujourd’hui 1 400, ouvre ainsi une brèche dans le rempart de la rigidité sociale (Approbations sur les bancs du groupe UMP) construit par les socialistes au moyen des lois Aubry – les fameuses 35 heures (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Peut-être eût-il été plus pertinent d'en faire table rase dès 2002 ; tel n'a pas été notre choix, ce qui nous a obligés à empiler des lois et à imaginer des dispositifs parfois, reconnaissons-le, peu lisibles et d’application complexe (« Oui ! » sur quelques bancs du groupe UMP).

Si le partage du travail – noble principe en apparence – a permis de créer des emplois et de dégager du temps libre, c’est au prix fort et en fragilisant notre économie (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe GDR). Les lois Aubry sont obsolètes : puisque le monde a changé…

M. Lucien Degauchy – …mais pas les socialistes !

M. Céleste Lett – …notre pays doit changer de braquet ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

À Sarreguemines, les acteurs économiques l'ont compris et les salariés se sont exprimés démocratiquement, non seulement pour gagner plus, mais pour mieux relever ces défis économiques.

M. le Président – Veuillez poser votre question.

M. Jean-Paul Bacquet – La question !

M. Céleste Lett – Monsieur le secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur…

M. Jean Glavany – À lui, vous ne lui dites rien, Monsieur le président ! Vous êtes le président du groupe UMP !

M. Céleste Lett – … comment le Gouvernement continuera-t-il de favoriser notre réussite face à la concurrence mondiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur – Votre question vient à point nommé (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) alors que le Président de la République reçoit l’ensemble des organisations syndicales pour déterminer avec elles l’échéancier social de l’année 2008 et que votre Assemblée s’apprête à reprendre la discussion du projet de loi en faveur du pouvoir d’achat des Français.

La consultation organisée à l’usine Continental de Sarreguemines (« Ce n’est pas une consultation, c’est un chantage ! » sur les bancs du groupe SRC) a permis à 1 300 salariés – soit 89 % de participation, ce qui garantit un résultat démocratique (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) – de répondre à deux questions simples : étaient-ils favorables à la possibilité de racheter leurs jours de RTT ? Etaient-ils prêts à faire des heures supplémentaires rémunérées à 125 % ? À 76 %, ils ont répondu oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il appartient désormais aux syndicats de prendre leurs responsabilités en tenant compte du souhait qu’expriment les salariés français lorsqu’on les consulte : pouvoir gagner plus en travaillant plus ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC) Mesdames et messieurs les députés socialistes, si vous voulez leur donner davantage de pouvoir d’achat, votez le projet de loi que le Gouvernement vous a soumis ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

TRAVAIL DOMINICAL

M. Jean Gaubert – « Dormez bien, les mauvaises nouvelles viendront après les élections municipales ! » nous déclarait en substance M. Woerth tout à l’heure (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). Quant à Continental, on omet opportunément de rappeler qu’une menace de fermeture – comme celle de l’usine d’Angers, qui comptait 700 salariés – planait sur les salariés qui ont voté à Sarreguemines ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Vivons-nous encore dans un pays libre ? (« Pas sûr ! » et « C’est du chantage ! » sur les bancs du groupe SRC)

C’est aussi ce que l’on se demande à la lecture de l’amendement sur l’ouverture dominicale des commerces d’ameublement que le Sénat vient de voter. Sur la forme, comment pouvez-vous accepter que cet amendement soit promulgué avec la loi sans que notre Assemblée ait eu à en connaître ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Thierry Mariani – Et la CMP ?

M. Jean Gaubert – De même, seul le Sénat a débattu de la quatrième licence UMTS. Voilà le résultat des déclarations d’urgence que l’on nous impose systématiquement depuis le début de la session ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Quant au fond, c’est le code du travail et la culture du repos dominical dans leur ensemble que l’on bouleverse ainsi au détour d’un amendement ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) Préférez-vous voir nos jeunes sur un terrain de sport ou dans les allées des grandes surfaces ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR) « C’est ce que veulent les Français », nous objectez-vous systématiquement ; mais lesquels ? Pas les associations de consommateurs, ni les associations familiales, sociales, culturelles, religieuses…

M. le Président – Veuillez poser votre question.

M. Jean Gaubert – Sont-elles toutes coupables d’archaïsme ? Je ne parle pas des syndicats de salariés ou des PME qui nous ont fait parvenir de nombreux courriers électroniques en ce sens, parfois même par l’intermédiaire de nos collègues de l’UMP !

M. le Président – Il faut poser votre question, sans quoi le dernier orateur inscrit ne pourra s’exprimer !

M. Jean Gaubert – Après Leclerc et Métro, ce sont Ikéa et Conforama qui font adopter leurs amendements…

M. le Président – Merci (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean Glavany – Sectaire ! Rendez-nous Debré ! (« Debré ! Debré ! » sur les bancs du groupe SRC)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – Notre législation en matière d’ouverture dominicale n’est plus adaptée à certains secteurs, tel l’ameublement ; son assouplissement répond à une demande des Français, qui souhaitent consacrer le dimanche à des achats liés à leurs loisirs, achats réfléchis qui exigent un temps difficile à dégager au cours de la semaine.

En outre, ce qui vous apparaît comme une contrainte représente une opportunité pour de nombreux salariés (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), notamment les étudiants et les jeunes à temps partiel qui désirent augmenter leurs revenus en travaillant le dimanche (« Et la nuit ? » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). Dans l’ameublement, par exemple, le travail dominical est payé le double et donne droit à une journée de récupération.

Ainsi, 1 000 des 6 000 emplois de la zone commerciale Plan-de-campagne, dans les Bouches-du-Rhône, sont directement liés au travail dominical, qui représente 25 à 33 % du chiffre d’affaires des magasins et auquel l’accord signé le 24 janvier 2007 par les trois syndicats majoritaires – CGC, CFTC et FO – est favorable.

En la matière, les attentes des salariés, des entreprises et des consommateurs diffèrent en zone rurale et dans les grandes agglomérations. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite assouplir la législation à ce sujet (Huées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) en concertation avec les syndicats et en tenant compte des exigences de l’aménagement du territoire. Le sujet est d’ailleurs à l’ordre du jour de la conférence sociale organisée aujourd’hui par le Président de la République (Vives protestations sur les mêmes bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Je signale aux membres du groupe SRC que M. Gaubert avait dépassé de trente secondes son temps de parole (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Aurait-il poursuivi que M. Balligand n’aurait pu s’exprimer, ce qui aurait été dommage (Protestations sur les mêmes bancs).

SUITES DU GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT

M. Daniel Spagnou – En organisant le Grenelle de l'environnement, la France s'est mise à l'avant-garde des États dans la prise de conscience d’enjeux considérables. Notre pays a ainsi enclenché une dynamique concertée en faveur du développement durable. Il gagne de ce fait en crédibilité et devient un exemple. Pour la première fois, des représentants de l’État, des collectivités territoriales, des ONG, des employeurs et des salariés ont travaillé ensemble, avec enthousiasme. Toutefois, certains participants au Grenelle de l'environnement redoutent que l'ambition écologique affirmée s’amenuise. Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures précises sont envisagées et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie – Le Président de la République l’a réaffirmé : les engagements pris à l’issue du Grenelle de l’environnement seront scrupuleusement respectés, et le Gouvernement s’attache activement à mettre au point les mesures tangibles qu’attendent nos concitoyens. Déjà, le dispositif du « malus-bonus » pour les véhicules individuels a été adopté. Déjà, M. Bussereau et moi-même avons présenté un plan de lutte renforcée contre les nuisances aériennes. Pour ce qui est des organismes génétiquement modifiés, le ministre d’État a présenté ce matin au conseil des ministres un projet de loi mettant en œuvre les recommandations formulées ; ce texte crée en particulier la Haute autorité indépendante et pluridisciplinaire prévue. D’autres actions seront mises en œuvre sous peu, qu’il s’agisse de la sensibilisation des écoliers à la préservation de l’environnement ou de la situation en Guyane. Les trente comités opérationnels appelés à définir la manière d’appliquer à la lettre les engagements pris rendront leurs premières conclusions en janvier. Une loi-cadre sur les OGM devrait être discutée au Parlement en janvier, une première loi sur les suites du Grenelle de l’environnement en février et une seconde au printemps (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

AVENIR DE LA CAISSE DES DEPÔTS

M. Jean-Pierre Balligand – Les Français sont très attachés au Livret A. Depuis 190 ans, l’argent qu’ils y déposent est sécurisé par la centralisation des placements auprès de la Caisse des dépôts. Mais les banques françaises ont attaqué l’État pour obtenir la généralisation de la diffusion de ce livret, actuellement réservé aux caisses d'épargne et à la Banque postale, la Cour de justice européenne leur a donné raison et la Commission européenne nous enjoint de nous plier à ce verdict. Cette évolution pourrait paraître intéressante. On peut craindre toutefois que les banques s’évertuent à proposer à ceux de leurs clients – dont le livret est le mieux garni – des produits à des taux plus intéressants, ce qui les dissuadera de placer plus longtemps leur épargne sur les livrets A. Ces derniers deviendront l’outil d’épargne des plus modestes et d’eux seuls. Il en résultera que la collecte de la Caisse des dépôts diminuera considérablement. Or la Caisse finance 70 % du logement social, la rénovation des villes et des quartiers, les transports collectifs en site propre. Si cette évolution se confirme, la France ne pourra plus investir à long terme, comme le dispositif actuel lui permet de le faire.

Les membres du groupe SRC, très attachés, comme certains de leurs collègues sur d’autres bancs, à la pérennité de ce dispositif, demandent donc au Gouvernement de dire quelles sont ses intentions réelles. Certes, l’État a déposé en juillet un recours devant la Cour européenne de justice, mais le maintenez-vous, madame la ministre de l’économie, alors que le Président parle de la banalisation de la diffusion du Livret A comme si le principe en était acquis ? Par ailleurs, étant donné les attaques incessantes dont la Caisse des dépôts est l’objet, nous devons savoir si vous entendez la maintenir dans son rôle d’investisseur de long terme, dont bien des intervenants se félicitent. Ne touchez pas au Livret A ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe NC.)

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – Dans le rapport qu’il a remis hier au Premier ministre, M. Camdessus observe que la mise en demeure faite à la France par la Commission européenne de mettre un terme au système actuel de diffusion du Livret A peut être une chance. Il souligne que le dispositif actuel s’essouffle et que le financement du logement social pourrait être meilleur marché. De plus, de nouveaux outils financiers performants ont été mis au point, particulièrement lorsque M. Sarkozy était ministre des finances (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), qu’il s’agisse du droit au compte bancaire ou de la définition du service bancaire de base. Selon M. Camdessus, la généralisation de la diffusion du Livret A, outre qu’elle faciliterait l’accès à un produit d’épargne populaire, permettrait de réduire de un à deux milliards le coût du financement du logement social. Le Gouvernement, qui s’est attaqué résolument au problème de la pénurie de logements (Mêmes mouvements) estime qu’il faut envisager la question avec audace (Huées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) et examiner sans a priori les propositions contenues dans ce rapport, qui pourraient être des outils puissants de soutien de sa politique.

La Caisse des dépôts joue un rôle de pivot pour le financement du logement social. Le Gouvernement entend préserver ce rôle. Le rapport Camdessus offre des pistes intéressantes pour renforcer les outils dont elle dispose. Nous l’examinerons avec attention (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous avons terminé l’examen des questions au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous souhaite, ainsi qu’à vos familles et aux Français dont vous êtes les élus, de bonnes fêtes de fin d’année. Je vous souhaite également de revenir ici en 2008 apaisés.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20.

POUVOIR D’ACHAT (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le pouvoir d’achat.

M. Philippe Vigier – Ce projet de loi, qui nous place au cœur des préoccupations des Français, pose la question des revenus disponibles. Le problème essentiel est le poids des prélèvements obligatoires, dont le taux, soit 44 % du PIB, est confiscatoire. Aux impôts locaux qui ne cessent d’augmenter, aux impôts nationaux très élevés et aux taxes de toutes sortes, il convient encore d’ajouter la hausse du coût de l’énergie, des transports, des communications, des frais bancaires et du logement. Parallèlement, les salaires ne suivent pas, malgré une série de revalorisations qui ont augmenté le montant du SMIC de 20 % entre 2002 et 2007. Notons que le nombre de smicards a crû, pendant la même période, de 16 %.

Notre drame, que nous ne finirons jamais de solder, tient aux 35 heures, qui ont déstabilisé la fonction publique et les entreprises. Le coût des allégements de charges sociales s’élève à 38 milliards dans le budget de 2008, soit quatre fois plus que le coût des mesures contenues dans la loi TEPA. Par ailleurs, comme le rappelait un quotidien du soir, 3,5 millions d’heures supplémentaires n’ont pas été payées par l’administration, en particulier dans la fonction publique hospitalière, ce qui laisse imaginer l’ampleur de la désorganisation provoquée par les 35 heures. Et tandis que notre pays se place en tête pour ce qui est de la productivité, le volume de production a diminué par rapport à celui de nos partenaires européens.

Il y a urgence, Madame la ministre. Hier, j’entendais M. Cahuzac dire que nous pouvions attendre encore, mais il faut agir dès maintenant, en prenant des mesures ponctuelles et en adoptant une stratégie propre à améliorer la qualité de vie de nos concitoyens.

La première vertu de ce texte est de réhabiliter le travail. D’aucuns nous ont expliqué qu’il était possible de gagner plus en travaillant moins, allant même jusqu’à créer, en 1981, un ministère du temps libre ! Nous préférons, pour notre part, nous référer à Adam Smith qui écrivait en 1770 dans sa Recherche sur la nature et les causes de la richesse des Nations : « Le travail annuel d’une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la vie ; et ces choses sont toujours, ou le produit immédiat de ce travail, ou achetées des autres nations avec ce produit. Ainsi, selon que ce produit, ou ce qui est acheté avec ce produit, se trouvera être dans une proportion plus ou moins grande avec le nombre des consommateurs, la nation sera plus ou moins bien pourvue de toutes les choses nécessaires ou commodes dont elle éprouvera le besoin ». Le travail, en augmentant la richesse du pays, permet la redistribution !

Il nous faut aborder ce débat avec honnêteté et sans dogmatisme. Ceux qui nous donnent des leçons feraient mieux de commencer par appliquer les règles de modération financière à leurs propres collectivités : les impôts régionaux ont subi des augmentations sans précédent depuis 2004 et le taux de la TIPP, pour 2008, a été porté à son maximum !

Ce texte, tout en concernant l’ensemble des salariés, qu’ils appartiennent au secteur public ou au secteur privé, présente l’intérêt de restaurer le dialogue social.

La loi TEPA contenait déjà des dispositions sur les heures supplémentaires, pour un coût, rappelons-le, bien inférieur à celui des allégements de charges sociales. 37 % des salariés ont déjà bénéficié de cette mesure ; je peux en témoigner, leur moue n’est pas aussi dubitative que celle des députés de gauche lorsqu’ils évoquent la contrepartie financière… Une autre mesure de la loi TEPA a été peu commentée bien qu’elle soit importante pour les ménages qui se sont endettés afin d’acquérir leur résidence principale : il s’agit de la défiscalisation partielle des intérêts d’emprunt.

S’agissant de la possibilité de faire racheter par son employeur les journées de RTT, je serais tenté de m’exclamer : « enfin ! ». Dans la fonction publique hospitalière, les personnels n’ont pas hésité à effectuer des heures supplémentaires pour assurer leur mission de service public : celles-ci ne leur ont jamais été payées par leur direction. Notre groupe est favorable à ce que le volume de journées de RTT concerné ne soit pas limité à dix jours.

Le groupe Nouveau Centre a toujours soutenu le principe de déblocage de la participation. En 2005, pas moins de 8,4 millions de salariés du secteur marchand ont eu accès, au moins, à un dispositif d’épargne salariale. Plus de 6,5 millions de personnes ont perçu une prime au titre de la participation, de l’intéressement ou de l’abondement d’un plan d’épargne entreprise ou d’un plan d’épargne pour la retraite collectif. Je pense, contrairement à ce qui a été dit hier, que le déblocage anticipé de ces sommes aura un effet positif sur le pouvoir d’achat, ne serait-ce que parce qu’elles sont exonérées de charges sociales.

En ce qui concerne le logement, l’indexation des loyers sur l’indice des prix à la consommation et la réduction du dépôt de garantie à un mois ne sont pas des mesures anodines.

Il faudrait cependant aller plus loin.

Le Nouveau Centre a beaucoup travaillé sur la téléphonie mobile, qui représente désormais une dépense importante dans le budget d’une famille, et nous avons déposé des amendements sur ce point. Il convient de mieux informer les clients, afin qu’ils puissent ajuster leur consommation. De plus, nous souhaitons que les opérateurs signent avec le Gouvernement un engagement de modération : ils ont gagné beaucoup d’argent ces dernières années et peuvent donc participer à l’effort de tous.

Il en va de même pour les banques. Nous proposons la création d’un service d’aide au changement de banque. Par ailleurs, nous souhaitons que les établissements bancaires fassent un effort sur les frais en ligne – qui sont rarement notifiés en début de contrat. Entre ces frais et les prélèvements des opérateurs téléphoniques, on arrive souvent à 100 ou 150 euros par mois, ce qui n’est pas rien pour des personnes à revenus modestes.

En ce qui concerne l’énergie, Mme Lagarde a annoncé qu’elle demandait aux opérateurs publics un effort de modération. Il serait incompréhensible qu’EDF augmente ses tarifs de 5 ou 10 % alors que pour 90 %, l’énergie vendue n’est pas liée au pétrole. Un effort est également indispensable de la part de GDF.

S’agissant des produits de consommation courante, je souhaiterais que le Gouvernement passe un accord-cadre avec la grande distribution sur une vingtaine de produits, pour assurer la stabilité de leurs prix pendant deux ou trois ans.

Concernant l’accès au crédit, nous souhaitons qu’on responsabilise les organismes prêteurs et que les poursuites pour recouvrement ne puissent être engagées à l’encontre de personnes surendettées, dont on connaît l’extrême fragilité.

Il est important également de subordonner les allégements de charges accordés aux entreprises à une obligation annuelle de négociation avec les partenaires sociaux.

En ce qui concerne les étudiants, il est grand temps de réagir sur le problème du logement. Enfin, nous sommes favorables au maintien de l’exonération de redevance audiovisuelle en faveur des personnes âgées.

À plus long terme, il faut travailler sur trois chantiers.

Le premier, c’est celui de la compétitivité des entreprises – car, faut-il le rappeler, ce sont elles qui produisent les richesses, donc le pouvoir d’achat. Il faut donc favoriser leur développement et leur transmission, encourager la recherche et l’innovation – qui ne sont pas du tout assez développées dans les plus petites d’entre elles. Il faut aussi renforcer la sécurité juridique des entreprises, favoriser les heures supplémentaires et faciliter l’accès des PME aux marchés publics.

Le deuxième, c’est la modernisation de l’État. La revue générale des politiques publiques est une chance historique, qu’il nous faut saisir à bras-le-corps.

Le troisième, c’est la refonte des contrats de travail : abandonnons les dispositifs dépassés, choisissons la souplesse et la « flexicurité ».

Le pouvoir d’achat est l’affaire de tous. Peut-être parce que je suis un jeune parlementaire, je comprends mal que l’opposition adopte une stratégie de blocage : il faut avancer, le pouvoir d’achat n’est pas un problème de droite ou de gauche !

M. Henri Emmanuelli – Qu’avons-nous fait ce matin ?

M. Philippe Vigier – Nos concitoyens ont besoin qu’on les aide, Monsieur Emmanuelli. Vous faites partie de ceux qui ont augmenté les impôts locaux !

M. Henri Emmanuelli – Raté, ce n’est pas vrai ! Vous êtes un menteur !

M. Philippe Vigier – Les Français ont besoin qu’on soutienne leur pouvoir d’achat, et le Nouveau Centre s’y emploiera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP)

M. Frédéric Lefebvre – Au nom du groupe UMP, je voudrais tout d’abord me féliciter que le Président de la République ait demandé au Gouvernement de proposer au Parlement de maintenir en 2008 l’exonération de la redevance audiovisuelle pour tous les Français de plus de 65 ans disposant d’un revenu modeste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je m’étonne que les socialistes n’applaudissent pas… (Interruptions sur les bancs du groupe SRC)

« Le groupe socialiste sera constructif » disait M. Hollande il y a deux jours. Or qu’avons-nous vu ? Le président Ayrault a cherché l'incident, vous défendez trois motions de procédure, vos orateurs contredisent MM. Hollande et Migaud sur l'indexation des loyers. M. Hollande s’est évertué à interrompre M. Cahuzac à plusieurs reprises, dans le seul but d’essayer de faire adopter une motion de procédure ; vous auriez eu l'air malin si elle avait été votée ! Souvenez-vous du pacs et de l'arroseur arrosé…

M. Henri Emmanuelli – Occupez-vous de vous !

M. Frédéric Lefebvre – Le pouvoir d'achat ne doit pas être un terrain de jeu politicien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). L'UMP vous tend la main (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Soyons à la hauteur des attentes des Français !

« La réforme de l'État, je l'ai promise, je la ferai », a dit le Président de la République.

M. Henri Emmanuelli – Vous lisez votre évangile ?

M. Frédéric Lefebvre – Réforme de l'État, poids de la dépense improductive, baisse des salaires et stagnation du pouvoir d'achat : tout est lié. Les administrations dépensent trop, et la France ne travaille pas assez.

La revue générale des politiques publiques est une chance pour notre pays. C'est la première fois dans notre histoire que l’on va sérieusement chasser la dépense improductive. C’est l’esprit du bonus-malus. En écoutant M. Cahuzac ou M. Le Bouillonnec, on voit que vous ne comprenez pas que l’augmentation du pouvoir d’achat, ce n’est pas nécessairement l’augmentation de la dépense publique. L’allégement de la charge du loyer en est un parfait exemple ; c’est un contrat « gagnant-gagnant » entre le propriétaire et le locataire. J’invite donc les socialistes à voter ce texte, et à ainsi accorder leurs actes avec leurs paroles.

Les administrations publiques dépensent chaque année plus de 1 000 milliards ; si le taux de dépense publique dans la richesse nationale était le même qu'en Allemagne, nous dépenserions 850 milliards. Il y a donc 150 milliards de gisements d'économies : de quoi nous permettre de voter les lois de finances en équilibre et de réduire la dette publique, qui a connu une hausse de 72 % sur les dix dernières années. 150 milliards, c'est deux fois le plan Marshall ; c'est aussi trente fois l'aide apportée par le monde entier à la Palestine. La France est donc au pied du mur ; non seulement nous avons un budget en déficit depuis 25 ans, mais nous rallongeons la facture pour les générations futures ! Comment expliquer que la part de la dépense publique dans la valeur ajoutée soit chez nous de 53,5 %,contre 48,6 % en moyenne dans la zone euro et 36 % aux États-Unis ?

Il nous faut changer de logique économique. L'évaluation, voilà un chantier que la France doit investir avec sérieux et courage. J'ai moi-même déposé un amendement sur cette question avec Alain Joyandet et l’un de vos amis, Gaëtan Gorce, à qui je tiens à rendre hommage. Nous allons faire des propositions car Didier Migaud nous a confié une mission ; nous voulons notamment donner le pouvoir au Parlement d'être donneur d'ordre sur les outils d'évaluation de l'État.

À l’UMP, nous savons être constructifs ! Nous voulons chasser la dépense improductive.

Qu'est-ce qu'une dépense productive ? C'est celle qui rapporte plus à la collectivité qu'elle ne lui coûte. Il faut que l'État apprenne à arbitrer entre la dépense productive et la dépense improductive.

M. Henri Emmanuelli – Voici un futur prix Nobel d’économie…

M. Frédéric Lefebvre – Quand M. Cahuzac nous dit qu’il n'y a pas d'argent pour payer les heures accumulées à l'hôpital, je lui demande de ne pas inverser les responsabilités : les 35 heures à l'hôpital au détriment de la santé des Français, c'est vous ! Les heures supplémentaires non payées, donc la parole de l'État non tenue, c'est vous ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

Quant aux fonctionnaires, nous leur demandons d’accompagner la réforme structurelle : s’ils acceptent la réduction de leur nombre, nous dégagerons des moyens – au moins 3,25 milliards sur cinq ans – pour revaloriser leur situation.

Sur la participation, je suis d'accord avec M. Cahuzac : sur les 7 milliards débloqués en 2004, 2,5 milliards ont été immédiatement injectés en pouvoir d'achat. C'est à partir de cette réalité que j'ai chiffré à 3,5 milliards au minimum le pouvoir d'achat attendu du déblocage de 12 milliards.

Inutile de polémiquer plus longtemps sur les chiffres : les estimations du Gouvernement sont raisonnables. La croissance se gagne par le travail. Elle repose sur la foi qu’une société tout entière a dans son propre avenir.

M. Henri Emmanuelli – Elle était bien meilleure sous la gauche !

M. Céleste Lett – Et qu’en avez-vous fait ?

M. Frédéric Lefebvre – La croissance ne se décrète pas, mais elle s’accompagne par la réforme. C’est ce que le Gouvernement nous propose de faire au plus vite avec ce texte, en en attendant d’autres, qu’ils soient issus de la concertation avec les partenaires sociaux ou qu’ils comportent des réformes structurelles de grande ampleur. Par ailleurs, l’UMP a constitué un groupe de travail sur le pouvoir d’achat, auquel de nombreuses personnalités ont accepté de participer – je pense notamment à M. Méhaignerie, ici présent, qui réfléchira à l’amélioration de la prime pour l’emploi. Enfin, Mme Lagarde nous présentera bientôt un texte sur la modernisation de l’économie.

L’année prochaine aura également lieu le rendez-vous des retraites.

Mme Michèle Delaunay – Six euros de revalorisation pour les plus petites !

M. Frédéric Lefebvre – Tous les Français sont désormais traités à égalité. À cet égard, je salue le courage de ceux des élus socialistes qui ont soutenu notre réforme des régimes spéciaux. Le groupe UMP veillera au respect de l’engagement du Président de la République de revaloriser les petites retraites.

M. Patrick Roy – De 1,1 % : bravo !

M. Frédéric Lefebvre – S’agissant de la redevance, le Président de la République a entendu l’appel des Français. L’évaluation que nous avons demandée au Gouvernement permettra, parmi les 750 000 foyers exonérés, de distinguer entre les plus fragiles et les autres, grâce notamment à un amendement cosigné par de nombreux membres du groupe UMP.

Plus généralement, il faut en convenir : la France ne travaille pas assez. La durée moyenne de travail des salariés a, depuis dix ans, diminué de 1 % par an contre 0,1 % aux États-Unis, 0,2 % en Espagne et 0,4 % au Royaume-Uni ! La gauche l’a voulu : elle doit assumer.

M. Henri Emmanuelli – On n’est plus à l’Assemblée, ici : c’est Disneyland !

M. Frédéric Lefebvre – Quant aux salaires, ils sont inférieurs de 350 euros à la moyenne européenne. Lorsque les socialistes ont décidé les trente-cinq heures, notre croissance atteignait presque 4 % : c’était inespéré ! Hélas, les salaires ont chuté de plus de 1 % dans le même temps.

J’en viens à la question essentielle du logement. Le Président de la République a proposé d’indexer les loyers sur les prix : j’espère que nos collègues socialistes voteront cette mesure !

Mme Michèle Delaunay – C’est une bonne chose, en effet.

M. Frédéric Lefebvre – Nous proposons également de lisser le dépôt de garantie sur la durée du bail. Je salue la réactivité de Mme Boutin, qui a réuni l’ensemble des professionnels pour, avec l’aide « Loca-pass », faire en sorte que tout le monde y gagne, propriétaires comme locataires.

M. Christian Eckert – Vous oubliez les assureurs privés !

M. Frédéric Lefebvre – Avec M. Chartier notamment, nous défendrons des amendements sur le rachat des jours de RTT afin d’éviter que des inégalités entre les régimes ne nuisent à certains salariés. C’est une question de justice. Méditons sur le résultat du vote organisé dans l’entreprise Continental : les trois quarts des 89 % de salariés à y avoir participé ont approuvé le retour aux quarante heures.

M. Patrick Roy – C’était un vote sous la menace !

Plusieurs députés du groupe UMP – Pas du tout ! Vous insultez les salariés : c’est indigne !

M. Frédéric Lefebvre – Les Français veulent travailler plus pour gagner plus : cette réalité s’impose à nous tous ! J’espère que nos collègues de gauche sauront se montrer constructifs au cours de ce débat. Hélas, c’est déjà mal parti ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gaëtan Gorce – Ce débat s’ouvre sur un paradoxe. Je ne fais pas ici allusion au candidat de l’augmentation du pouvoir d’achat, devenu Président de sa diminution, ni à la présence de Mme Boutin succédant sur ces bancs à Mme Lagarde qui, lors d’une récente session extraordinaire ad hoc, nous présentait déjà des mesures en faveur du pouvoir d’achat. L’histoire nous dira qui a échoué, du texte ou de son auteur… Prenez garde toutefois que l’opinion ne se charge de vous rappeler ces contradictions !

Clamant partout que le travail ne se partage pas, vous nous avez longtemps reproché d’instrumentaliser la durée du travail en instaurant la semaine de trente-cinq heures.

M. Lionnel Luca – Cela va de soi !

M. Gaëtan Gorce – Pourtant, c’est vous-mêmes qui commettez cette erreur aujourd’hui, en manipulant la durée du travail au prétexte d’augmenter le pouvoir d’achat. On ne crée de richesses supplémentaires que si la croissance augmente. Or, ce n’est pas le cas : il n’y a aucun surcroît à partager, mais bien plutôt un manque à gagner.

Dans ce contexte, les mesures que vous nous proposez, dont le rachat des RTT, sont injustes, puisque tous les salariés ne sont pas concernés. Seuls ceux qui disposent d’un compte épargne temps, c’est-à-dire un sur cinq, ou de jours de RTT stockés, soit moins d’un sur vingt, en bénéficieront, et encore : l’employeur aura toute discrétion en la matière, puisque les partenaires sociaux ont été laissés de côté.

Injustes, ces mesures sont également inefficaces, car elles ne font que reprendre un mécanisme de la loi Borloo qui, en 2005, autorisait déjà le rachat des RTT dans les entreprises de moins de vingt salariés. Jamais évalué, ce dispositif n’a manifestement pas fait ses preuves, puisque vous êtes contraints de le relancer. Quant aux mesures relatives aux heures supplémentaires adoptées en juillet dernier, elles n’ont pas plus produit de résultat, malgré leur coût. Ensuite, les exonérations fiscales et les taux de rémunération que vous nous proposez sont moins avantageux que ceux de la loi TEPA. Le dispositif est même inefficace au point d’avoir poussé la majorité à prolonger par amendement le délai durant lequel il fonctionnera.

M. Frédéric Lefebvre – Vous allez donc le voter ?

M. Gaëtan Gorce – Enfin, ces mesures sont excessivement coûteuses. Vous dissociez l’évolution des rémunérations de la valeur créée. Ce faisant, vous encouragez les effets d’aubaine, provoquez un reflux de l’emploi et produisez, par ricochet, une baisse du pouvoir d’achat puisqu’il faudra bien compenser ailleurs les exonérations que vous accordez ici, étant donné qu’elles ne peuvent être gagées sur la croissance – qui ne dépend pas de votre loi – et alors que les caisses de l’État sont déjà vides.

En fait, parce que la situation vous échappe, vous êtes contraints d’improviser. Ce serait acceptable en temps d’excédent budgétaire mais, en l’espèce, ne vous faudrait-il pas enfin revenir à la raison ? Pourquoi ne pas, comme vous nous le demandez constamment, cesser d’utiliser la durée du travail à des fins fort éloignées de l’objet de sa réglementation ? La source de nos difficultés, en effet, n’est autre que l’insuffisance de notre croissance. Notre richesse nationale est inférieure d’un tiers à celle des États-Unis – cela vaut d’ailleurs pour l’ensemble de l’Union européenne. Cet écart est dû, à parts égales, à trois facteurs : l’insuffisance de notre productivité, à laquelle vous devriez remédier en priorité ; la faiblesse de notre taux d’emploi, à laquelle nous attendons toujours une réponse de votre part ; la durée du travail enfin. De ce dernier aspect, il ne faut donc pas faire une tunique de Nessus. Cessons d’en faire une polémique politique stérile, et laissons plutôt les partenaires sociaux négocier par branche professionnelle.

Vous ne pouvez pas réellement vous attaquer à la durée légale du travail fixée à trente-cinq heures. Son relèvement uniforme n’aurait d’ailleurs aucun sens au plan économique. Pourtant, vous multipliez les exceptions à la règle et, partant, créez une coûteuse confusion. Il est temps de clore cette querelle et de redéfinir les rôles de chacun : à l’État la durée légale, les durées maximales, les jours de repos et le taux de base de rémunération des heures supplémentaires, et le reste aux partenaires sociaux, dans le cadre d’accords majoritaires, ce qui suppose une réforme préalable de la représentativité.

Si nous avons réduit la durée du travail, c’était pour favoriser l’emploi. J’étais rapporteur de la loi en question, et je ne regrette rien : il y a dix ans, priorité absolue devait être accordée au recul du chômage. Cette époque est révolue, où l’on pouvait modifier la durée du travail pour influencer l’emploi ou le pouvoir d’achat. Stabilisons la règle, et laissons la négociation procéder aux ajustements nécessaires. Nous pourrons alors nous attaquer au vrai problème de notre économie : la création de richesses. On ne la décrètera pas par les heures supplémentaires.

Ce qu’il faut, c’est une véritable révolution culturelle. Contrairement à ce que pense M. Sarkozy, ce n’est pas avec les dents qu’on obtiendra le point de croissance qui nous manque, mais avec le cerveau : en investissant dans le matière grise, en encourageant la qualification, en soutenant la formation. Votre vision datée est fondée sur une concurrence par les coûts que nous ne pourrons pas soutenir. L'enjeu n’est plus de travailler plus ou moins, mais de travailler mieux. Cette priorité à la formation, Victor Hugo l’aurait peut-être exprimée ainsi : une école qui ouvre aujourd’hui, c'est une agence pour l'emploi qui ferme demain !

C'est à cette tâche que je vous invite à vous consacrer, plutôt que d'embrouiller les esprits et d'affaiblir nos finances publiques par des mesures inefficaces. Notre ambition pour l’économie de demain ne doit pas être de travailler plus, mais de se former plus pour gagner plus : cela, vous ne l’avez manifestement pas compris (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Claude Sandrier – La semaine dernière, Xavier Bertrand expliquait ici même que depuis six mois, le Président de la République et le Gouvernement se mobilisaient pour le pouvoir d'achat des Français.

M. Patrick Roy – Ça se saurait !

M. Jean-Claude Sandrier – Il a ainsi confirmé que les gouvernements des cinq années précédentes, auxquels il avait participé, de même que M. Sarkozy, ne l’avaient pas fait – les Français s’en étaient rendu compte – et leur a surtout appris une « mobilisation » dont ils n’avaient guère pu s’apercevoir. Pendant cinq ans, MM. Mer, Sarkozy, Breton et Copé sont venus imperturbablement affirmer que le pouvoir d'achat augmentait. Mais la vérité est la plus forte : présenter aujourd’hui ce texte en catastrophe prouve non seulement que le problème est réel, mais que vous n’y travaillez pas depuis six mois – ou alors, comment expliquer d’avoir manqué de respect à ce point à l’Assemblée que la commission fut réunie de manière précipitée, sans que les députés aient pu préalablement disposer du texte et dans des délais qui ne permettaient pas un examen sérieux ? Ce sont des pratiques que veut changer la commission des sages présidée par M. Balladur. Le Président de la République semblait partager ce point de vue : la preuve qu’il y a loin de la théorie à la pratique…

En réalité, c’est dans l’urgence et de très mauvaise façon que vous vous préoccupez du pouvoir d'achat de nos concitoyens, qui vous pressent de toutes parts d'agir. Les reculs sociaux et la baisse de pouvoir d’achat qu’ils subissent deviennent intenables, surtout lorsqu’ils affectent des éléments aussi essentiels que le logement, l'alimentation, la santé ou l'énergie. Conséquences de cette précipitation comme de votre idéologie conservatrice, vous nous présentez des mesures partielles et partiales, non pérennes et aux effets impossibles à chiffrer. Autrement dit, le soufflé ne va pas tarder à retomber. Les retraités – des millions de Français ! – en sont exclus, de même que les chômeurs et la plupart des travailleurs précaires – bref, ceux qui souffrent le plus. Pour les autres, s’agissant des RTT, toute la question est de savoir si les patrons voudront, ou pourront, accéder aux demandes de leurs salariés. S’agissant du déblocage de la participation, qui ne concerne déjà qu'à peine la moitié des salariés, votre mesure ne consiste en fait qu’à « permettre aux salariés de demander », comme l’indique l’exposé des motifs de l’article. C’est toujours mieux que de ne pas avoir la permission ! Mais on sait que, comme en 2004, les deux tiers retourneront immédiatement à l'épargne. Par ces deux mesures, le Gouvernement réussit le tour de force assez exceptionnel de distribuer de l'argent qui appartient de fait aux salariés.

S’agissant de la prime exceptionnelle, inutile de préciser que les salariés concernés devront livrer une bataille de titan pour l'obtenir. Il est très précisément « proposé de permettre de verser une prime exceptionnelle aux salariés » qui « pourra être modulée selon les salariés ». Quelle belle langue que la langue française ! Enfin, concernant les loyers, les mesures sont d'une faiblesse patente. D'abord, la modification de l'indice de référence ne fait qu'entériner les hausses faramineuses de ces dernières années : le poids du loyer dans le budget d'un ménage a atteint un record de près de 25 %. Le minimum serait d'établir un moratoire d’un ou deux ans sur les loyers, assorti d'un contrôle réel sur le prix du foncier et de mesures strictes pour empêcher la spéculation. Ensuite, la limitation du dépôt de garantie à un mois, une mesure juste, semble faire l'objet de contreparties accordées aux propriétaires, mais on ne sait pas lesquelles, ni qui paiera.

Bref, ces mesures, qui n’auront déjà que très peu d’effets, ne bénéficieront qu’à une petite partie des Français. Elles seront donc bien loin d’améliorer leur pouvoir d’achat, dans la mesure où les ponctions dans leur porte-monnaie s’accroissent. La franchise médicale va entrer en vigueur. Les mutuelles, dans la foulée, augmentent leurs tarifs. Des centaines de milliers de personnes âgées vont devoir payer la redevance audiovisuelle, même si elles en sont encore exonérées cette année – en somme, vous nous demandez d’applaudir au report d’une mesure inacceptable ! Ceux que nous applaudissons, c’est ceux qui vous ont contraints à reculer sur cette mesure inique, et du reste contradictoire avec votre supposé objectif de hausse du pouvoir d’achat. Scandale de plus, il est fortement question de remettre en cause la prise en charge à 100 % des affections de longue durée. Le gaz va commencer à augmenter, l’électricité va continuer. Les tentatives de baisse des prix alimentaires n’ont quasiment pas d’effet. Une grande partie des prix sont en fait prisonniers de grands groupes non seulement de la distribution mais aussi pétroliers ou de l'agro-alimentaire dont les stratégies indifférentes à l'intérêt général comme aux problèmes de la planète ne s’intéressent qu’au rendement des dividendes de leurs principaux actionnaires. La raréfaction des produits sert de paravent à toutes les manipulations financières. Comme pour l'eau, la question se pose de laisser de tels secteurs aux mains d'intérêts particuliers. Il y a une contradiction de plus en plus pesante entre la responsabilité que doivent prendre les pays et des peuples sur ces questions vitales pour toute l'humanité et cette appropriation privée, servant des intérêts particuliers.

Les cinq articles de ce projet de loi ne sont donc absolument pas à la hauteur des enjeux. En effet, seul le transfert d'une partie de la valeur ajoutée vers les salaires serait de nature à améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Or, depuis trente ans, l'écart ne cesse de se creuser entre la rémunération du capital et celle des salaires. « Depuis plusieurs années, l’argent coule à flots ». « Le partage de la valeur ajoutée devrait continuer à se déformer en faveur du capital et au détriment des salaires ». Ce n’est pas l’Humanité qui le dit, mais la Tribune du 26 juillet. Dire que le Gouvernement fait des efforts pour récompenser le travail est donc un mensonge. S’il respectait vraiment le travail, il le rémunérerait plus que le capital. Non seulement ce n'est pas le cas, mais l’écart se creuse. Un seul exemple, donné par l'école d'économie de Paris : ces huit dernières années, les salaires ont augmenté de 5,3 %, les revenus fonciers de 13,2 %, les revenus du capital de 30,7 % et les revenus des capitaux du Cac 40 de 80 %. Cherchez l'erreur !

L’enjeu essentiel est bien de rémunérer plus le travail que le capital. C'est exactement l'inverse de ce que vous faites. Vous le reconnaissez vous-même en permettant le rachat des RTT ou la perception anticipée de la participation : cela ne consiste qu’à accorder généreusement aux salariés ce qui leur appartient déjà ! Ce n’est donc pas une reconnaissance supplémentaire. Et « travailler plus pour gagner plus » n’est après tout qu’un rapport de cause à conséquence parfaitement normal et ne change rien à la question centrale de la rémunération du travail et du capital. L’ensemble des problèmes d'inégalités et de recul social ne sont donc toujours pas traités. Ils ont des répercussions sur la compétitivité, que vous évoquez sans cesse pour légitimer vos mauvais coups. La compétitivité réside dans les capacités humaines. Le travail est la seule source de richesses, pas le capital ! La rémunération du travail, le développement de la formation, de la recherche et de la santé sont le premier pilier non seulement de la consommation, mais aussi de la compétitivité. Rémunérer des capitaux dont les trois quarts ne sont pas réinvestis dans la production et dont une grande partie va dans les paradis fiscaux ne crée pas de richesses, mais la stérilise !

Voilà pourquoi nos propositions sont infiniment plus efficaces que les vôtres : elles soutiennent ce qui crée la richesse au lieu de protéger les comportements parasites. Nous proposons une augmentation générale des salaires, supérieure au niveau de l'inflation, avec un rattrapage du pouvoir d'achat perdu, ainsi que la réunion d’une conférence nationale sur les salaires et les retraites. Nous proposons aussi la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, ainsi que le blocage des loyers, puis leur encadrement strict, assorti de mesures contre la spéculation foncière. Nous proposons enfin une augmentation substantielle de l'APL et une baisse immédiate de 10 % du prix des carburants en conjuguant une taxe sur les profits pétroliers et une TVA ramenée à la moyenne de l'Union européenne. J’ai déjà énoncé toutes les possibilités de financement de ces mesures. Je rappellerai simplement que l'argent existe, comme le disent d'éminents économistes, allant de Patrick Artus à Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, en passant par les éditorialistes de la Tribune et des Échos. Revaloriser les salaires serait source de rentrées fiscales pour la sécurité sociale et les retraites, tout en relançant la consommation, donc l'emploi. Or, pour mémoire, un million d'emplois représente 15 milliards pour la sécurité sociale et les retraites ! La taxation des revenus financiers au même taux que les salaires rapporterait 13 milliards. Un prélèvement de 0,5 % sur les actifs financiers dégagerait 17 milliards. On obtiendrait 12 milliards supplémentaires en réorientant 70 % du « paquet fiscal », qui, à en croire les spécialistes, n’a profité qu’aux plus riches ; 4 milliards en doublant l’ISF ; 17 milliards en supprimant les exonérations de cotisations sociales qui n’ont rien apporté à l’emploi, selon le rapport publié par la Cour des comptes en 2006.

En refusant de toucher à l'essentiel, c'est-à-dire à la production et à la répartition des richesses, vous en restez à des mesures superficielles. Voilà pourquoi le groupe GDR votera résolument contre un projet de loi qui ne satisfait en rien les besoins de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Jean-François Lamour – Le Président de la République a fait du pouvoir d'achat l'un des thèmes majeurs de sa campagne électorale ; les Français l'ont entendu ; il nous appartient de tenir ses engagements. En effet, sans un pouvoir d'achat fort, l’activité économique à long terme, la confiance dans notre capacité à avancer, à innover et à produire, en somme l’ensemble du système sur lequel est fondée notre société sont menacés. Voilà pourquoi nous défendrons avec volontarisme et détermination le pouvoir d'achat, c’est-à-dire le droit à vivre dans de bonnes conditions.

L'opposition, qui s’apprête à combattre notre action…

M. Patrick Roy – Absolument !

M. Jean-François Lamour – … a étouffé sans scrupules le pouvoir d’achat des Français en imposant sans concertation, sans étude d’impact – si chères au président de la commission des finances –, sans ambition de revalorisation du travail, une mesure – les trente-cinq heures – dont nous continuons de payer les conséquences…

M. Patrick Roy – En avant les violons ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Lamour – …et qu’aucun autre pays au monde n’a adoptée. Aujourd’hui, le nombre d'heures travaillées par salarié en France est le plus faible de l'Union européenne ! Il est temps que les Français retrouvent la maîtrise de leur carrière et que ceux qui le souhaitent puissent travailler plus pour gagner plus !

M. Michel Issindou – Et les chômeurs ?

M. Jean-François Lamour – La loi TEPA a ouvert la voie d'une politique ambitieuse en faveur du pouvoir d'achat de tous, notamment des salariés les plus modestes et des classes intermédiaires, au grand dam d’une opposition qui n’a su lui objecter que des arguments simplistes. Mais il faut aller plus loin et plus vite : comme l’a souligné le Président de la République, c’est par l’action, et non par les discours, que nous obtiendrons des résultats.

De fait, ce projet de loi ne se réduit pas à des mesures satisfaisantes sur le rachat des RTT ou la participation : il concerne également le logement, dont le pouvoir d’achat est la condition, et qui constitue une préoccupation constante des Français parce qu’il peut les soustraire à une précarité qui les effraie plus que jamais. Dans ma circonscription, socialement très diversifiée, deux tiers des jeunes me font part de leurs difficultés à accéder à un logement normal, c'est-à-dire adapté à leur cellule familiale – qu’il s’agisse des jeunes commerçants auxquels certains bailleurs opposent des exigences drastiques, des jeunes couples ou des jeunes parents forcés de s’exiler du quartier de leur enfance faute de moyens, ou des jeunes travailleurs – cadres, chefs d’entreprise, fonctionnaires – qui ne peuvent plus choisir leur lieu de résidence. C'est à cette jeunesse, innovante, volontaire, déterminée, que nous devons donner un coup de pouce face à ce fléau qui menace notre cohésion sociale…

M. Jean-Claude Sandrier – Par la faute de votre politique !

M. Patrick Roy – Triste bilan de vos six années au pouvoir !

M. Jean-François Lamour – Nous devons faire œuvre de décloisonnement, d’assouplissement, protéger les Français et leur faire confiance en leur offrant de nouvelles perspectives. Tel était le sens de mon amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2007, qui proposait d’étendre le dispositif dit « Borloo dans l’ancien » aux locations de logements locatifs privés conventionnés de niveau intermédiaire et qui a été adopté par notre Assemblée.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Très bien ! C’est très important.

M. Jean-François Lamour – Parce qu’il n’est plus acceptable que les locataires se voient imposer des conditions de ressources littéralement surréalistes – 3,3 fois le montant du loyer pour un couple – et le versement de deux mois de loyer à titre de garantie, le texte ramène ce délai à un mois, ce qui permet de dégager une marge de manœuvre pour les futurs locataires sans porter atteinte aux droits des propriétaires. De même, l’indexation des loyers sur les prix en rationalise l’augmentation tout en protégeant les locataires les plus fragiles.

Autant de mesures simples et de bon sens, propres à favoriser le pouvoir d'achat, et qui ne sont ni trop sélectives ni trop générales. À l'opposition, qui évoque des dispositions partielles réservées à quelques-uns…

M. Patrick Roy – Absolument !

M. Jean-François Lamour – …je répondrai que notre pays a trop souffert des fausses bonnes mesures appliquées à tous sans discussion avec quiconque !

M. René Couanau – Très bien !

M. Jean-François Lamour – Seule l’adhésion de tous nous permettra de remporter la bataille du pouvoir d’achat ! Je me réjouis donc des mesures annoncées par M. Lefebvre sur la redevance audiovisuelle, qui profiteront aux familles les plus modestes. Voilà le résultat du travail de l’Assemblée et du débat parlementaire que vous n’avez eu de cesse de refuser ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Henri Emmanuelli – C’est vous qui avez rejeté tous nos amendements !

M. Jean-François Lamour – Que chacun prenne ses responsabilités ! Tel est le sens de notre engagement envers nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Françoise Imbert – Madame la ministre, vous nous présentez dans l’urgence un projet de loi en faveur du pouvoir d’achat, après une loi TEPA votée l’été dernier pour relancer la croissance et améliorer le pouvoir d’achat de nos compatriotes – en vain.

M. Céleste Lett – Quand on n’a rien fait, on trouve toujours que cela va trop vite !

Mme Françoise Imbert – Ce nouveau texte se résume à quelques mesures sur la possibilité de paiement des RTT, le déblocage de la participation et l’octroi d’une prime de 1 000 euros dans les entreprises employant moins de cinquante salariés, auxquelles il faut ajouter diverses dispositions relatives aux loyers.

Mais pour pouvoir racheter des jours de RTT, encore faut-il en avoir, ce qui n’est le cas que d’un salarié sur six ! En outre, comment inciterez-vous les chefs d’entreprise à payer les jours de RTT non utilisés ? Cette mesure, qui plus est limitée à 2007, ne bénéficiera donc, au mieux, qu’à une minorité de salariés.

Le déblocage de la participation est tout aussi aléatoire : cet argent appartient déjà aux salariés ! Quant à la prime, qui décidera de l’attribuer dans les petites entreprises ?

M. Patrick Roy – Bonne question !

Mme Françoise Imbert – Certainement pas les salariés ! En outre, comme toute prime, elle sera exceptionnelle et non intégrée au calcul de la retraite.

En somme, vous distribuez de l’argent qui ne vous appartient pas ! Le texte n’a guère de chances de remplir la traditionnelle hotte du père Noël… Décidément, cette fin d’année est rude pour les Français, confrontés à l’augmentation du prix des carburants, des produits alimentaires et des loyers ; mais 2008 n’est guère plus prometteuse – application des franchises médicales, augmentation du prix du gaz, maintien au même niveau du SMIC, que perçoit un salarié sur six, allocation adulte handicapé particulièrement peu élevée, extension de la redevance audiovisuelle aux personnes âgées modestes, qui en étaient jusqu’alors exonérées.

Aucune des mesures du texte ne profitera aux chômeurs, aux salariés des petites entreprises qui ne sont pas passées aux trente-cinq heures…

M. Yves Fromion – Heureusement pour eux !

Mme Françoise Imbert – …ou aux salariés du secteur public.

Quant aux retraités, ils verront leur retraite augmenter de 1,1 % au 1er janvier – augmentation « habituelle », selon la ministre de l’économie et de l’emploi, mais bien insuffisante pour accroître leur pouvoir d’achat alors que le taux d’inflation, comme vous l’admettez vous-mêmes, devrait atteindre 2,2 % l’an prochain ! Qu’est devenue votre promesse de revaloriser de 25 % les petites retraites ? Les 800 000 retraités modestes âgés de plus de 65 ans devront même économiser pour pouvoir acquitter la redevance audiovisuelle, puis, bientôt, les franchises médicales ! Quant à la suppression de la caution et à la réduction du dépôt de garantie exigible, dont ils n’ont que faire, elles ne sauraient compenser la hausse des loyers et des charges et la diminution des aides au logement, dont ils pâtissent depuis plusieurs années.

Une nouvelle fois, ce second projet sur le pouvoir d’achat en l’espace de trois mois laisse injustement de côté de nombreux Français – retraités, mais aussi salariés de PME, fonctionnaires, demandeurs d’emploi, étudiants, non-salariés, artisans et commerçants, handicapés. Quelle déception ! Jamais le pouvoir d’achat n’a été aussi malmené ; jamais notre croissance n’a été aussi faible. Les Français en ont assez des slogans, eux qui ont de moins en moins d’argent mais paient de plus en plus…

M. Céleste Lett – Ils en surtout assez de vous !

Mme Françoise Imbert – …et refusent de voir les trente-cinq heures démantelées et le travail dominical facilité. Cessons de porter atteinte au contrat social sous couvert de progrès social et d’équité ! Redonnons de l’espoir à tous les Français, au-delà des plus aisés ! Appliquons les mesures d’urgence, structurelles, qui s’imposent pour améliorer le pouvoir d’achat ! Nous entendrez-vous, Madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Lionnel Luca – On se réjouira qu'à l'initiative du Président de la République, le Gouvernement nous soumette un projet qui améliore une nouvelle fois le pouvoir d'achat des Français, tout en permettant à notre pays de s’extirper un peu plus de la loi la plus anti-économique qui soit, celle qui a institué la semaine de travail de trente-cinq heures, semelle de plomb pour nos entreprises, un texte qu'aucun pays au monde, à commencer par ceux de l'internationale socialiste, n'a imaginé devoir copier.

M. Henri Emmanuelli – Nous avons toujours été des précurseurs !

M. Lionnel Luca – Toutefois, la complexité des dispositifs superposés, incompris de bon nombre de patrons de petites entreprises, induit le risque d’une sous-utilisation ; qu’il ait fallu nommer un missus dominicus chargé de leur expliquer le mode d'emploi le montre. De même, la défiscalisation des heures supplémentaires pourrait inciter les entreprises à substituer des heures de travail au recrutement et favoriser des comportements opportunistes. Le plus simple serait donc de parvenir à supprimer toute réglementation de la durée du temps de travail (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), comme c'est le cas au Royaume-Uni, en Allemagne et au Danemark, et de s’en tenir à des durées de travail fixées par voie conventionnelle. Le texte qui nous est présenté s’engage dans cette voie, et nous le soutiendrons.

Au sujet du logement, les mesures proposées sont séduisantes pour les locataires mais elles risquent d'avoir des effets pervers et de décourager davantage encore les propriétaires de louer…

M. Patrick Roy – Ah ! Encore les nantis !

M. Lionnel Luca – Vous expliquerez à vos administrés que les propriétaires sont tous des nantis !

M. Henri Emmanuelli – Occupez-vous de vos âneries et laissez-nous en paix ! (Vives protestations sur bancs du groupe UMP)

M. le Président – Je vous prie, monsieur Emmanuelli, de laisser l’orateur s’exprimer et de mesurer vos propos.

M. Henri Emmanuelli – Ce n’était pas une injure mais un constat.

M. Lionnel Luca – Réduire la durée du dépôt de garantie et supprimer la caution sont des mesures qui ne valent que si le propriétaire peut récupérer son bien. Pour cela, il faut faire appliquer les décisions de justice relatives aux expulsions des mauvais payeurs – à ne pas confondre, comme c’est malheureusement trop souvent le cas, avec les victimes d'accidents de la vie, dont la prise en charge par les services sociaux doit être favorisée. Si on ne le fait pas, les propriétaires préféreront ne pas louer plutôt que s’exposer à des vicissitudes.

De même, il faut supprimer la taxe sur les logements vacants, créée par la loi SRU il y a près de dix ans, qui a fait la preuve de son inefficacité. C'est par l'incitation fiscale que le propriétaire mettra son bien en location ; on peut, par exemple, imaginer une exonération de la taxe sur le foncier bâti, totale si le loyer est modéré. Ces pistes devraient être envisagées.

Mme Christine Boutin, ministre du logement Elles le sont.

M. Lionnel Luca – Pour ma part, j’ai proposé une exonération d’ISF pour les propriétaires qui accepteraient de réduire immédiatement de 10 % le loyer qu’ils perçoivent car, comme l'outil de travail industriel ou commercial, l'offre de logement peut être considérée comme un outil économique. L’occasion m’est ainsi donnée de rappeler que l’ISF est aussi une exception française : seuls trois pays membres de l'OCDE continuent de percevoir cet impôt anti-économique…

M. Christian Eckert – Faisons simple, supprimons les impôts.

M. Lionnel Luca – …que la Suède a supprimé avant-hier, et dont le Premier ministre socialiste espagnol a annoncé la suppression s’il était réélu.

Enfin, je me réjouis que le Président de la République ait tenu compte de l’émoi des quelque cinquante parlementaires membres du groupe UMP qui ont cosigné l’amendement que M. Ciotti et moi-même avons déposé et qui tend à ce que les contribuables âgés les plus modestes demeurent totalement exonérés du paiement de la redevance audiovisuelle. Je suis heureux que le Président de la République soit toujours à l’écoute de ses concitoyens et en particulier des parlementaires de la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Christian Eckert – Cette intervention est véritablement scandaleuse !

M. Salles remplace M. Accoyer au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES
vice-président

Mme Christiane Taubira – On aurait presque envie de saluer le stakhanovisme législatif de la majorité sur le pouvoir d’achat et les injonctions réitérées du Gouvernement à une croissance qui, d’évidence, reste boudeuse. Mais dans ce texte le souci ne transparaît guère des petites pensions et des petits salaires, de tous ces gens qui comptent chaque centime chez le boulanger, qui ne peuvent monter sur un vélo pour échapper à la hausse du prix des carburants – soit qu’ils soient trop vieux, soit que la distance à parcourir soit trop longue –, dont les enfants ne partent pas en vacances, tous ces gens qui doivent user de mille astuces pour faire avec ce qu’ils ont jusqu’à la fin du mois et qui payent la TVA au même taux que les bénéficiaires de gros revenus. À eux, vous faites les poches…

M. Lionnel Luca – Quel langage bas ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Christiane Taubira – J’appelle un chat un chat !

M. Lionnel Luca – Drôle de chat !

Mme Christiane Taubira – C’est appeler un chat un chat que de dire de ce texte ce qu’il est : un conte de Noël. Mais vos vœux pieux ne résisteront pas à l’épreuve des faits. En Guyane, l’État s’est déclaré propriétaire privé de 90 % du territoire et il provoque l’enchérissement artificiel des prix pour toute construction. Aussi longtemps que vous n’aurez pas modifié la politique foncière, aussi longtemps que l’État prendra ses aises dans le versement de budgets pourtant votés, tous les subterfuges possibles n’y feront rien, le blocage persistera. Les déclarations d’intention n’ont jamais eu d’impact sur la réalité et, aussi longtemps que vous n’imposerez pas le respect de la loi SRU, vous vous limiterez à décompter les communes qui en font le moins !

Quant au semblant de sommation faite aux entreprises de verser une prime exceptionnelle à leurs salariés – à hauteur de ce que vous leur croyez dû ! – elle mérite que l’on s’y attarde un instant. Auriez-vous voulu susciter le malentendu que vous ne vous y seriez pas pris autrement, puisque vous ignorez sciemment les difficultés de trésorerie des entreprises visées – a fortiori quand il s’agit, à 90 %, de très petites entreprises !

La question du pouvoir d’achat ne peut se régler par de pareils expédients mais par la redistribution, un terme que vous tenez pour une grossièreté, sauf quand il s’agit de définir certain paquet fiscal estival. Traiter du pouvoir d’achat, c’est s’attacher à réparer les injustices, ce à quoi vos tours de passe-passe ne parviendront pas, non plus que les invocations mystiques à la croissance. Si vous en êtes là, c’est que vous refusez d’admettre que donner plus aux riches n’a jamais permis de relancer la consommation ! (Marques d’approbation sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Or, sept millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté et 47 millions craignent de se retrouver un jour sans abri. Vous qui croyez aux effets psychologiques de la confiance sur la croissance, vous devriez méditer sur la signification de ce sentiment, si largement partagé, de précarité (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

Mme Annick Le Loch – « Je travaille de 26 à 30 heures par semaine dans un hypermarché. Je gagne 760 euros par mois. Mes horaires de travail, en général, sont 10 heures-12 h 30 et 17 heures-22 heures. Je dis « en général » car cela peut changer, puisque mon contrat précise que je dois être disponible à tout moment dans la fourchette des horaires d'ouverture du magasin – soit de 10 heures à 22 heures. Mes horaires me sont communiqués une dizaine de jours à l’avance, si bien que je ne peux rien prévoir – une formation ou un emploi complémentaires sont inconcevables. Pour moi, la hausse du pouvoir d'achat, ce serait de pouvoir travailler à temps complet et peut-être, bientôt, le dimanche » – encore qu’il était intéressant de constater que trois députés seulement ont applaudi la réponse du ministre interrogé sur le travail dominical… – « car je consacre 40 % de mon salaire à me loger. »

Ce portrait, c’est celui d’une salariée précaire, comme 31 % des salariés français. Ils n’étaient que 17 % il y a 30 ans. Oubliée des cadeaux fiscaux et du « gagner plus », cette France, invisible à vos yeux, est toujours perdante.

Depuis 2002, les 20 % de salariés qui ont les revenus les plus bas n’ont bénéficié d’aucun encouragement de votre part. Selon le Portrait social de la France dressé par l’INSEE pour 2007, de 2002 à 2005, la pauvreté monétaire a fluctué sans tendance nette, alors que de 1996 à 2002, la tendance à la baisse était évidente.

Votre projet oublie cette France invisible des 1 500 000 travailleurs pauvres, les familles monoparentales, celles qui n’ont pas de couverture santé complémentaire, et les retraités pauvres. Que sont devenues les promesses sur l’augmentation de 25 % du minimum vieillesse, la revalorisation des petites pensions et des pensions de réversion ?

Que peuvent attendre les retraités et les chômeurs, les travailleurs à temps partiel, les intérimaires, ceux qui, fidèles à une entreprise de moins de 20 salariés, ne sont pas concernés par les trente-cinq heures et les RTT ?

Lisez le dernier rapport du Secours catholique sur la géographie de la pauvreté…

Mme Christine Boutin, ministre du logement Je le lis, c’est mon livre de chevet.

Mme Annick Le Loch – Vous y verrez qui sont les oubliés de votre projet.

La France va mal, c’est une France à plusieurs vitesses. Revaloriser le pouvoir d’achat ? Oui, mais pas pour ceux qui en ont suffisamment – ils sont nombreux, et c’est tant mieux – mais pour les plus modestes, les précaires, les ouvriers et employés qui travaillent dur : c’est là l’urgence (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Roy – Mme Le Loch a parfaitement décrit cette France que le Gouvernement ne veut pas voir.

M. Lionel Tardy – J'approuve pleinement la volonté du Président de la République et du Gouvernement de faire du pouvoir d'achat la grande priorité de leur politique, au même titre que l'emploi.

M. Patrick Roy – C’est raté !

M. Lionel Tardy – Je suis néanmoins dubitatif sur la méthode (Ah ! sur les bancs du groupe SRC). C'est le deuxième texte en six mois qui vise spécifiquement le pouvoir d'achat. À peine digérées les mesures de la loi TEPA, on en ajoute de nouvelles, qui auraient pu être votées dès juillet. Heureusement, les trois premiers articles sont assez simples à appliquer, sauf si nous les rendons plus complexes. Il ne faudrait pas en faire une nouvelle usine à gaz, comme la mise en place des heures supplémentaires défiscalisées. Mais ce sont tout de même encore des règles qui changent, alors que les entrepreneurs ont besoin d'un environnement juridique stable. Ce n'est pas en votant des lois en rafale que l'on favorise l'activité économique et la croissance. Ces mesures vont dans le bon sens mais ne rapportent rien aux entreprises, principaux vecteurs de croissance, si ce n'est du travail supplémentaire. En tant que dirigeant de PME, je dis donc : laissez-nous un peu respirer !

La défiscalisation des heures supplémentaires a révélé au grand jour toute la complexité de notre droit du travail. La moindre petite réforme se perd dans un maquis technique inextricable. Notre code du travail est rempli de malfaçons. Il est urgent d'arrêter de bricoler. À ce stade, il faut raser et reconstruire !

Réformer le code du travail est un grand chantier, mais cela profiterait au pouvoir d'achat bien plus que les mesurettes proposées dans ce texte. Mais pour cela, il faut cesser de jeter un regard suspicieux sur le chef d'entreprise, exploiteur et fraudeur en puissance, monsieur Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli – Chef d’entreprise, je l’ai été avant vous !

M. Lionel Tardy – Je suis particulièrement heureux que la revue générale des politiques publiques soit un axe majeur de la stratégie du Président de la République et du Gouvernement.

Sur le logement, je suis inquiet du déséquilibre créé par l'article 5. La législation et la jurisprudence sont déjà très favorables aux locataires. En réduisant le montant du dépôt de garantie à un mois de loyer, vous risquez de décourager les particuliers propriétaires, qui n'ont pas les moyens des administrateurs de biens pour se défendre ; ils risquent de placer leur argent ailleurs. C’est en partie à cause des craintes d’impayés et de tracasseries que plus de deux millions de logements sont vacants. La priorité doit être de tout faire pour remettre ces logements sur le marché, car nous n'arriverons pas à rattraper, avant plusieurs années, notre retard en terme de construction.

M. Patrick Roy – Pas un applaudissement.

M. Jean-Pierre Balligand – Je me concentrerai sur les articles 2 et 3 qui concernent la participation et, pour les entreprises de moins de 50 salariés, le versement d’une prime de 1 000 euros. Ces mesures relèvent d’un grand bricolage, dont on a eu un autre exemple à propos de la redevance audiovisuelle. Nous avions déposé des amendements pour que les 780 000 personnes âgées exonérées continuent à l’être. On a choisi de leur en faire payer la moitié. Et le Président de la République vient de déclarer l’inverse de ce que l’UMP avait voté ! Vous adorez peut-être manger votre chapeau, mais il faut un peu de cohérence.

Je reviens à la participation. Il y a quelques années, j’avais travaillé avec Jean-Baptiste de Foucauld sur l’épargne salariale. Dans ce domaine le gouvernement Fillon nous offre finalement un remake de ce qu’avait fait le gouvernement Villepin : à défaut de s’attaquer vraiment au problème du pouvoir d’achat, il bricole avec la réserve de participation, dans une improvisation qui me stupéfie.

D’abord, les entreprises de plus de 50 salariés pourront libérer la réserve de participation. Mais je me mets un instant à la place d’un chef d’entreprise…

Plusieurs députés du groupe UMP – Ça va être dur !

M. Jean-Pierre Balligand – C’est quelque chose que je connais mieux que d’autres, ayant quelques responsabilités.

D’abord, une entreprise qui passe de 30 salariés à 70 franchit le seuil relatif à la réserve de participation, qui est de 50 salariés. Mais un grand nombre d’entre elles ne payent pas la réserve de participation, car il n’y a jamais de contrôle de l’inspection du travail sur ce point. Ce sont un peu plus de 22 milliards de perdus. Que va-t-on faire pour leurs salariés ?

Ensuite, de nombreuses PME qui franchissent ce seuil, mais n’ont pas beaucoup de capital, peuvent inscrire la réserve de participation en haut du bilan, en fonds propres, ce qui leur permet de ne pas payer trop d’agios bancaires. Dès lors, ce n’est plus de l’argent disponible.

Donc des PME ne pourront pas payer, puisque la réserve de participation sert de fonds propres.

M. Lionel Tardy – Mais non, la plupart l’externalise.

M. Jean-Pierre Balligand – Certainement pas la plupart.

Sans polémiquer, sur ces deux points, je voudrais des réponses précises. Sinon, on reste dans le bricolage, et j’ai peur que vous ne trompiez les salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Roy – C’était le gouvernement du camping, c’est aussi celui du bricolage.

M. Gérard Gaudron – Le Président de la République et le Gouvernement se mobilisent pour augmenter le pouvoir d’achat. La vie chère, dont se plaignent nos concitoyens, n’est pas une fatalité. Mais c’est une réalité et, quand on travaille, il est normal de vouloir profiter des fruits de ce travail. Encore faut-il pouvoir travailler comme on l’entend, et non dans le carcan des trente-cinq heures.

Sur la baisse du pouvoir d’achat, une étude récente de l’INSEE sur la Seine-Saint-Denis montre de fortes disparités territoriales. Dans ce département, fin 2006, 25 % des gens percevaient des revenus inférieurs à 845 euros. Il y avait alors en Île-de-France 593 000 foyers à bas revenus bénéficiaires d’une allocation de la CAF, soit 1 400 000 personnes et 14 % de la population de la région.

Le Gouvernement n'est pas resté inactif : il a agi vite et fort. Les premiers effets de la mesure sur les heures supplémentaires se font sentir : les salariés au smic ayant effectué 4 heures hebdomadaires de plus ont vu leur rémunération augmentée de 182 euros.

Nous comprenons l'inquiétude de ceux qui craignent de voir leur pouvoir d'achat amputé par la hausse des prix. Ce projet de loi a fait l’objet d’une déclaration d’urgence, afin que les mesures, pragmatiques, puissent améliorer rapidement les conditions de vie de nos concitoyens. Plusieurs millions de personnes pourront ainsi toucher, en monnaie sonnante et trébuchante, les RTT dont elles n’ont pu profiter, et verront débloquées les sommes qui leur avaient été versées au titre de la participation. Contrairement à ce qui a été dit, cette dernière mesure ne déstabilisera en aucune façon l’épargne salariale ; en outre, une prime exceptionnelle pourra être versée aux salariés non concernés.

Comme beaucoup de maires, je suis confronté chaque jour aux problèmes de logement, dans une commune qui compte pourtant près de 37 % de logements sociaux. Deux millions de personnes sont aujourd'hui mal logées : ce n’est plus admissible ! Madame la ministre, vous avez déclaré vouloir soutenir les maires bâtisseurs ; ceux des zones urbaines sensibles attendent avec impatience le plan « banlieues » de Mme Amara.

Pour l’heure, les mesures contenues dans ce texte sont particulièrement intéressantes : l’indexation sur les prix à la consommation permettra de diviser par deux les augmentations de loyer, et la limitation à un mois de loyer du dépôt de garantie réduira d’autant les difficultés vécues par nombre de locataires. Par ailleurs, madame la ministre, permettez-moi de vous féliciter pour la retenue dont vous avez fait preuve en vous entendant critiquer par l’opposition : vous avez prévu de mettre en chantier 100 000 logements PLUS et PLAI en 2008, quand les socialistes n’en ont pas même financé 38 000 en 2000 !

L'esprit de ce texte est de reconstruire une société du travail fondée sur le dialogue social. Nous approuvons cette dynamique et voterons en sa faveur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bruno Le Maire – Ce texte contient des mesures efficaces, justes et durables. Il constitue un point de départ pour un réexamen des rapports entre la rémunération du travail et celle du capital, pour une discussion sur la rémunération des salariés les plus fragiles et sur le pouvoir d’achat des salariés à temps partiel.

Je souhaite m’attarder sur la question du chèque transport, que ce projet de loi ne traite pas, mais qui est d’intérêt général. Les transports représentent 15 % du budget des ménages, et 70 % des dépenses qui y sont consacrées sont contraintes, puisqu’elles concernent les déplacements entre le domicile et le travail. Le carburant, dont le prix a fortement augmenté, représente le premier poste de ce budget.

Il convient de trouver une solution à ce problème, ne serait-ce que par cohérence avec notre doctrine économique – permettre à chacun de travailler plus facilement – et pour soutenir l’activité des entreprises. C’est aussi une question de justice sociale : tandis que les entreprises d’Île-de-France remboursent à leurs salariés 50 % de leurs dépenses de transport, celles des salariés des zones rurales ne sont pas du tout prises en charge.

Si la mise en place du « ticket restaurant » a pris plus de cinquante ans, celle du chèque transport peut être plus rapide. Mais elle doit s’appuyer sur trois principes : tenir compte de la taille de l’entreprise ; s’inscrire dans le cadre de la politique de développement durable ; tirer les leçons de l’échec du « chèque transport » matérialisé.

Madame la ministre, je vous propose d’ouvrir une négociation entre les partenaires sociaux afin qu’ils étudient de la manière la plus cohérente et la plus ouverte possible la mise en place d’un chèque transport pour l’ensemble des salariés (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Georges Tron – Je profite de la fin de la discussion générale pour aborder un sujet qui m’est cher, celui du pouvoir d’achat des fonctionnaires (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC). Je tenterai de m’extraire des polémiques stériles pour évoquer quelques points importants.

Il est capital de remettre à plat le mode d’évaluation de la rémunération des fonctionnaires – pendant dix ans, aucun accord n’a pu aboutir. Si la note de l’INSEE parue en juillet signalait une diminution de 0,9 % du salaire moyen par tête dans la fonction publique de l’État, le calcul de l’évolution de la rémunération moyenne des personnes en place – la RMPP – montrait une augmentation de 0,4 %. De fait, nous ne parlons pas de la même chose. À ce titre, je ne peux que me réjouir des mesures annoncées par le ministre de la fonction publique, qui visent à simplifier le mode d’évaluation.

Il convient aussi de ne pas se concentrer sur les seuls fonctionnaires de l’éducation nationale, qui représentent la moitié des effectifs de la fonction publique de l’État et effectuent 90 % des heures supplémentaires. Les autres agents doivent faire l’objet de toute notre attention. Il faut, notamment, identifier ceux qui sont exclus des augmentations de pouvoir d’achat. C’est le cas de 17 % des agents, qui ont vu leur traitement indiciaire diminuer pendant la période de 2001-2005. Aujourd’hui, 40 000 agents sont arrivés au sommet de leur grade et ne bénéficient pas des évolutions du pouvoir d’achat au-delà du point d’indice.

Il convient d’explorer deux ou trois pistes de travail. Éric Woerth a détaillé ces derniers jours la garantie individuelle de pouvoir d’achat, qui permet d’identifier exactement les agents qui bénéficient des augmentations de pouvoir d’achat. De ce fait, on ne raisonnera plus en termes de moyenne. Une seconde mesure, préconisée par Christian Jacob et reprise par Éric Woerth, vise à mettre en place une « indemnité de sommet de grade » au bénéfice des agents exclus du GVT. Une troisième mesure, mise en place au-delà des alternances – et que j’ai soutenue alors que j’étais dans l’opposition…

M. Michel Sapin – On avançait, à cette époque !

M. Georges Tron – …consiste à favoriser la titularisation. 67 % des agents rentrés dans la fonction publique entre 1983 et 1990 étaient titularisés au bout de cinq ans. Ils sont 80 % aujourd’hui.

Redonner aux fonctionnaires 50 % des économies réalisées grâce au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux est une façon intelligente de répondre à la problématique du pouvoir d’achat (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Patrick Roy – Alors que nous sommes réunis depuis hier pour débattre en urgence de ce qui nous a été présenté comme un grand texte – sans doute le Président de la République voulait-il réagir à sa dégringolade dans les sondages –, il n’y a au banc du Gouvernement qu’une seule ministre – certes de qualité. Le ministre en charge de ce projet n’est pas là !

Plusieurs députés – Il arrive ! (M. Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité entre dans l’hémicycle)

M. Patrick Roy – Monsieur le ministre, je réclamais votre présence, mais je crains de ne pouvoir vous résumer toutes les interventions.

Deuxième sujet d’étonnement : hier soir, pendant que nous débattions de ce texte si important, la majorité festoyait (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et l’opposition s’est retrouvée majoritaire. Il a fallu aller en urgence chercher des députés de la majorité entre le fromage et le dessert !

Heureusement, l’opposition, elle, est présente. C’est qu’elle a bien entendu le peuple qui gronde parce que la vie est de plus en plus difficile. Non seulement ils subissent la hausse du prix de l’énergie, de celui des produits alimentaires de base et des loyers, mais le Gouvernement a décidé de taxer encore davantage les plus faibles, notamment à travers la franchise médicale, qui est une véritable taxe sur les malades, y compris les victimes de l’amiante. Et je ne parle pas des promesses non respectées, en particulier sur les petites retraites.

Ce projet appelle deux critiques majeures.

Tout d’abord, le Gouvernement indique aux Français que dorénavant, les salaires n’augmenteront plus : pour avoir plus d’argent, la seule solution sera de travailler plus – le soir, le dimanche, et pourquoi pas en supprimant les congés payés ! Pour les plus riches, c’est différent : eux, sans travailler plus, gagnent grâce à vous beaucoup plus.

D’autre part, Monsieur le ministre, vous nous présentez un texte d’exclusion.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Vous ne pensez pas ce que vous dites !

M. Patrick Roy – Mais si ! Il exclut les fonctionnaires, les retraités, les titulaires de contrats aidés, les chômeurs, les érémistes, les travailleurs à temps partiel subi. Quant aux salariés, seulement la moitié d’entre eux pourront éventuellement en bénéficier, si leur patron le veut bien…

Les Français sont nombreux à souffrir et à attendre que l’on s’intéresse vraiment à eux. Nous, nous voulons leur apporter des réponses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

La discussion générale est close.

Mme Christine Boutin, ministre du logement Je me félicite de la qualité de ce débat et du climat pacifié dans lequel il a pu se dérouler, le pouvoir d’achat étant un sujet qui dépasse tous les clivages. Je voudrais répondre aux orateurs qui ont parlé des mesures concernant le logement.

Monsieur le rapporteur, vous avez souligné leur cohérence. Le Président de la République avait annoncé ces deux mesures lors de son allocution télévisée et les a développées le 11 décembre dans son discours de Vandœuvre-lès-Nancy sur le logement. D’autres textes suivront, le logement étant un élément important du pouvoir d’achat.

Monsieur Chartier, vous avez proposé que le locataire puisse étaler le versement de son dépôt de garantie ; nous en reparlerons dans la discussion des articles. À ce propos, monsieur Lefebvre, je voudrais vous dire combien j’apprécie la création du groupe « pouvoir d’achat », dont le partenariat avec le Gouvernement est très fructueux.

Nous aurons également l’occasion de reparler, monsieur Chartier, du développement de la garantie des risques locatifs.

Monsieur Migaud, vous avez évoqué un problème de méthode : c’est un sujet sur lequel on peut toujours discuter ; en tout cas, vous avez laissé entendre qu’un consensus pourrait se dégager sur certains points : j’en accepte l’augure.

M. Vigier a évoqué le problème du logement des étudiants ; nous attendons sur ce sujet le rapport de M. Anciaux avant de formuler nos propositions.

À M. Gorce, je répondrai que la rapidité avec laquelle ce texte arrive en discussion prouve la réactivité du Gouvernement et de la majorité. Quant au fait de donner un toit à tous, c’est également notre volonté et nous aurons l’occasion d’en reparler dans la discussion des articles.

Monsieur Sandrier, vous avez dit que l’argent était abondant et qu’il fallait parvenir à le capter : je partage votre point de vue. Sur le blocage des loyers, j’ai déjà répondu cet après-midi à une question d’actualité : le système a été expérimenté, et on en a constaté les effets très pervers sur l’investissement et la construction.

On ne peut que faire sien le propos de M. Lamour, qui a rappelé que le logement est primordial dans la construction d’une vie. C’est bien pourquoi il faut absolument décongestionner l’ensemble de la chaîne du logement, afin que chacun puisse avoir un toit. Je vous remercie tout particulièrement, Monsieur Lamour, de l’amendement que vous avez déposé pour permettre aux associations de se substituer aux personnes les plus fragiles en louant à leur place ; c’est une avancée très importante.

À Mme Imbert, qui a évoqué certaines injustices, je répondrai que les mesures proposées s’adressent à tous les Français et que les locataires appartiennent à toutes les catégories socio-professionnelles.

M. Luca a raison de dire qu’il faut un équilibre entre les locataires et les propriétaires. Ce texte donne la priorité aux locataires, mais il faudra aussi faire en sorte de ne pas décourager les investisseurs et les propriétaires qui ont des logements à mettre sur le marché. Le Président de la République a annoncé une réforme importante, tendant à proportionner l’aide au caractère social du logement ; toutes les pistes vont être étudiées. Quant à l’expulsion, c’est toujours un échec, et je compte sur la représentation nationale pour soutenir le texte qui viendra en discussion au début de l’année prochaine sur la garantie et la mutualisation des risques locatifs.

Vous avez, madame Taubira, soulevé à juste titre le problème foncier en Guyane. Je transmettrai le dossier à M. Estrosi, compétent en la matière. Pour autant, la question ne se pose pas qu’en Guyane, mais partout, et l’État doit y répondre de manière exemplaire. De nombreuses procédures sont d’ailleurs en cours, via la délégation interministérielle pour développer l’offre de logement ou la Sovafim, afin de consacrer au plus vite à la construction certains terrains possédés par l’État. S’agissant de la loi SRU, je vous confirme que j’entends veiller à son application stricte.

Plusieurs députés du groupe SRC – Même à Neuilly ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement Naturellement. Toutefois, s’il faut sanctionner les maires qui ne remplissent pas leurs obligations, il faut aussi encourager ceux qui bâtissent : nous travaillons à plusieurs pistes, de l’exonération à la subvention.

Je vous confirme, Madame Le Loch, que le rapport sur la pauvreté du Secours catholique est mon livre de chevet !

M. Jean-Claude Sandrier – Hélas, cela ne suffira pas…

Mme Christine Boutin, ministre du logement Ceux qui me connaissent bien savent que le Secours catholique ne m’est pas complètement étranger, et que la lutte contre la précarité a toujours été au cœur de mon engagement politique.

M. Tardy a justement rappelé qu’en matière de construction, il faut veiller à ne pas décourager les investisseurs privés par de trop bonnes intentions, car nous avons besoin d’eux autant que des constructeurs publics.

Je félicite M. Gaudron d’avoir si bien contribué à loger les plus démunis dans sa ville. Je m’engage à préparer l’avenir à long terme des maires qui, comme lui, bâtissent !

Oui, Monsieur Le Maire, les dépenses de logement et de transport sont inévitables. À mesure que l’on s’éloigne des villes, les unes diminuent et les autres augmentent. Je connais votre attachement à la question du chèque transport : il faut travailler à ce dispositif dans le cadre de la négociation, afin de permettre à chacun, notamment dans les quartiers fragiles, d’avoir accès à la mobilité.

Enfin, monsieur Tron s’est interrogé sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires : ils sont aussi concernés par le développement de l’offre de logement, notamment social, et la réflexion sur la mobilité.

Je remercie, en conclusion, l’ensemble des députés pour la qualité de leurs interventions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Si je n’ai pu assister à la discussion générale, c’est parce que je participais, avec Mme Lagarde, MM. Hirsch et Besson…

M. Alain Néri – Besson ? Qui est-ce ?

M. Patrick Roy – Un homme de conviction…

M. Xavier Bertrand, ministre du travail …et sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République, à une conférence sociale unique en son genre, dont se sont réjouis tous les partenaires sociaux. Néanmoins, j’ai tenu à répondre personnellement aux interventions de chacun en m’appuyant notamment sur les entretiens que j’ai eus avec Mme Boutin et mes collaborateurs.

M. Morange a souligné les efforts du Gouvernement en faveur de ceux qui souhaitent travailler davantage. Je sais tout le rôle que vous avez joué dans l’assouplissement des trente-cinq heures en 2005. Aujourd’hui, nous souhaitons franchir une nouvelle étape en permettant le paiement des heures supplémentaires après accord entre le salarié et son employeur. Par ailleurs, vous avez à juste titre rappelé l’intérêt du compte épargne-temps et son lien avec des questions telles que la gestion des carrières ou l’épargne longue – un sujet qui m’est cher depuis que j’ai, en 2003, rapporté ici même le texte sur les retraites. Toutes ces questions seront abordées par la négociation dont la conférence que le Président de la République a présidée aujourd’hui même a donné le coup d’envoi.

Je salue les propositions constructives concernant l’intéressement et la participation que M. Chartier a présentées avec M. Lefebvre à l’occasion de ce texte. Tout ce qui peut en rendre l’application simple et efficace est utile.

M. Migaud regrette un manque de données chiffrées. Vous savez pourtant que je ne suis pas avare en la matière ! Tenez : les 38 % de salariés qui ont des journées de RTT en ont 13 par an en moyenne, 10 % des salariés sont régis par un forfait jours et 6 % disposent d’un compte épargne-temps. Contrairement à la méthode employée pour les trente-cinq heures, nous faisons le choix politique, philosophique même, de ne pas vouloir régler l’ensemble de ces cas d’en haut, mais de rendre les choses possibles à ceux qui le souhaitent. Quant à l’articulation de ce texte avec la loi TEPA, elle fera l’objet d’un amendement du Gouvernement.

M. Vigier a souligné la nécessité d’assouplir le carcan des trente-cinq heures en permettant à ceux qui le souhaitent de travailler davantage. Comme vous, je souhaite avancer en matière de conditionnalité des allégements de charges et de flexicurité – sujet que la France a porté devant la Commission européenne. Il faut en effet donner autant de garanties aux employeurs qu’aux salariés, et non un cheval aux uns et une alouette aux autres. C’est ainsi que l’on renforcera la confiance de tous.

M. Lefebvre a utilement resitué ce débat dans le programme économique d’ensemble de l’UMP. La loi TEPA fut la première étape de la libération du travail, que nous poursuivons aujourd’hui avec le rachat des journées de RTT avant de poser ensemble les questions de la durée du travail, de sa rémunération et du pouvoir d’achat. Il n’est naturellement pas question de laisser n’importe qui faire n’importe quoi : j’ai déjà exprimé mes réserves sur la directive « Temps de travail », qui n’offre pas assez de garanties à la France. Il est essentiel de poursuivre la modernisation du marché du travail en lien avec les partenaires sociaux, afin de tourner une nouvelle page du dialogue social. J’ajoute que nous n’oublions pas les revenus de remplacement, contrairement à ce que prétend l’opposition. Deux chantiers sont en cours, et ils me sont chers : les petites retraites, et l’allocation adultes handicapés.

Vous nous avez expliqué, Monsieur Gorce, que les deux tiers de notre écart de richesse avec les États-Unis sont dus à la faiblesse de l’emploi et à la durée du travail. C’est un constat que je partage – encore que, dans certains domaines, le modèle américain ne soit une référence ni pour vous ni pour nous. La France a notamment le plus faible taux d’emploi des seniors en Europe. J’ai donc engagé avec Mme Lagarde une ambitieuse politique pour l’emploi des seniors, dont les premières mesures ont été adoptées avec le PLFSS pour 2008. Quant à laisser plus de place à la négociation, je suis d’accord : l’ancien rapporteur que vous fûtes parle d’or !

M. Sandrier nous a présenté des propositions en faveur du pouvoir d’achat. Il faut cesser d’opposer ainsi capital et travail, tout en posant clairement la question de leur rémunération respective. Ainsi, MM. Lefebvre, Chartier et Ollier défendent une plus large diffusion de la participation et de l’intéressement : nous pourrions nous y retrouver. De même, s’agissant des stock-options, il faut plus de transparence.

Plusieurs députés du groupe UMP – Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Nous sommes nombreux à croire que l’on pourra ainsi redonner confiance au monde des entreprises et à celui du travail.

Mmes Imbert, Taubira, Le Loch et M. Roy ont critiqué l’action du Gouvernement. Il est certes plus facile d’être procureur que d’être avocat ! Nous attendons toujours des propositions constructives de votre part. Vous avez évoqué la situation des personnes âgées ou handicapées : j’ai été le premier à en parler.

Mme Christiane Taubira – Il faut agir !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Vous savez pertinemment que le projet de loi de financement de la sécurité sociale contient déjà des mesures à leur sujet. Mais cela ne vous empêche pas de nous reprocher de ne pas aller assez vite – cela change des critiques sur notre précipitation – bien que nous ne soyons élus que depuis six mois. Sur tous ces sujets, je vous assure que nous n’oublions rien de nos engagements, qu’il s’agisse des petites retraites ou de la revalorisation de l’allocation adulte handicapé.

Les mesures concernant la participation et la prime exceptionnelle s’appliquent aux salariés à temps partiel. Mais, surtout, nous refusons que le temps partiel subi et éclaté soit considéré comme une fatalité. Nous souhaitons, dans certains secteurs tels que la grande distribution ou le nettoiement, étudier avec les syndicats et les organisations patronales les moyens d’améliorer la formation et d’aller vers des temps pleins. Les conventions qui vont bientôt être signées avec deux enseignes de la grande distribution montreront que si nous déployons des efforts tous ensemble, nous pouvons avancer. C’est une démarche pragmatique qui nous guide. C’était certes par souci de pouvoir d’achat, mais surtout de justice sociale et d’équité que nous avons voulu faire suivre la conférence sur l’égalité professionnelle d’une conférence sur le temps partiel subi et éclaté, qui concerne à 82 % les femmes.

Jean-François Lamour a dit que nous avions trop souffert de mesures applicables à tout le monde, mais discutées avec personne. Il parle d’or. Nous voulons en effet rompre avec cette méthode qui consiste à décider d’en haut sans tenir compte de la réalité. Le but de ce projet de loi est d’ouvrir des possibilités.

M. Tardy a évoqué l’idée de raser le code du travail pour le reconstruire.

Plusieurs députés du groupe SRC – C’est fait !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Je pense, moi, que le code du travail a une histoire, et donc forcément un avenir. J’y crois profondément, à ce moment où une nouvelle ère s’ouvre dans laquelle les partenaires sociaux arrivent à s’entendre et à se comprendre. Nous connaîtrons en janvier les résultats de la négociation sur le marché du travail, et je ne peux pas m’empêcher d’être optimiste.

Jean-Pierre Balligand a exprimé son inquiétude, que je sais sincère, au sujet du déblocage de la participation. Pour les PME qui ont placé la participation en quasi-fonds propres, le déblocage sera soumis à un accord préalable, de façon à préserver l’intérêt de l’entreprise et donc l’avenir des salariés. Bruno Le Maire a rappelé le poids des dépenses de transport dans le budget des ménages et proposé l’ouverture de négociations sur ce sujet. Je suis sensible à cette préoccupation et je pense qu’il faut tirer toutes les leçons de la mauvaise diffusion du chèque-transport.

Georges Tron a enfin évoqué la question du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Le Gouvernement veut aller encore plus loin que le paiement de quatre jours de RTT : une concertation pour la monétisation du stock d’heures et pour la mise en place d’un nouveau régime est prévue pour le premier trimestre 2008.

Je pense que cette discussion générale aura permis d’aller directement au fond sur les amendements et je vous en remercie, en vous priant une nouvelle fois d’excuser mon absence de cet après-midi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  Demain matin, Monsieur le ministre, l’Assemblée examinera les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la consommation, qui prévoit la généralisation de l’ouverture des magasins de meubles le dimanche. Or, cette disposition, introduite par amendement, n’a pas été débattue à l'Assemblée nationale.

Plusieurs députés du groupe SRC – Ah !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles – Nombre de nos collègues sont hostiles à une telle ouverture, estimant que le dimanche doit rester un jour férié, tout en admettant l’élargissement des dérogations dans certains sites. Je souhaite donc que le Gouvernement dépose un amendement, afin que le groupe de travail de l’Assemblée qui réfléchit sur ce point ait le temps d’exprimer sa position. Dans le cas contraire, de nombreux parlementaires déposeront une proposition de loi, pour provoquer sur ce sujet un véritable débat. La consommation n’est pas tout. Le dimanche doit continuer à être réservé à la vie de famille (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Marc Ayrault – Je voudrais faire un rappel au Règlement concernant l’organisation de nos travaux. Hier, le ministre nous avait exposé les raisons de son absence de cet après-midi, sans renoncer d’ailleurs à une part de polémique.

M. Frédéric Lefebvre – Vous n’étiez pas là non plus !

M. Jean-Marc Ayrault – Mais la façon dont nous travaillons n’est pas de nature à nous rassurer sur les réformes institutionnelles que le Président de la République appelle de ses vœux : il faudrait commencer par être exemplaire aujourd’hui, à l’Assemblée ! Le président de la commission des affaires culturelles, en manifestant une inquiétude que nous sommes nombreux à partager, révèle vos façons de faire : c’est un amendement de dernière minute voté au Sénat qui va modifier les conditions de travail et la vie quotidienne de centaines de milliers de salariés. C’est inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Le Gouvernement ne peut pas continuer à traiter l'Assemblée nationale de cette manière. Il lui a été proposé de déposer un amendement. Il a l’entière responsabilité de le fixer ou non, mais il nous faut une réponse.

Ce n’est d’ailleurs pas le seul exemple de votre manque de respect pour l’opposition. M. Lefebvre, par exemple, a vitupéré ces « démagogues » de gauche qui réclament des prélèvements exceptionnels sur les compagnies pétrolières : des irresponsables, qui n’auraient aucun sens des réalités économiques ! Mais voilà que vous-mêmes, fût-ce de façon très timide, commencez à aller dans ce sens… Nous avions aussi mené une bataille contre cette injustice grave qu’est la suppression de l’exonération de la redevance audiovisuelle pour les personnes âgées modestes. Nous étions des démagogues, des irresponsables ! Et voilà que l’ordre vient de l’Elysée de faire marche arrière ! Nous vous demandons simplement un peu de respect, car nous sommes, comme vous, les représentants du peuple français. Je pense que sur bien des points, nous avons raison et que si vous avez tant de difficultés aujourd’hui, c’est que les décisions de juillet diminuent vos marges de manœuvre autant qu’elles pénalisent les Français.

Quant à l’ouverture des magasins, c’est Mme Lagarde, à cette tribune, qui a clairement dit qu’il fallait travailler tous les dimanches. Avec de telles consignes, nombre de parlementaires zélés sont prêts à suivre… Mais maintenant, monsieur le ministre, vous avez le devoir de répondre à la question qui vous a été posée (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Frédéric Lefebvre – Je voudrais à mon tour faire un rappel au Règlement. M. Ayrault reproche au ministre son absence durant la conférence sociale. L’UMP est, elle, très contente, que le Gouvernement prenne le temps de discuter avec les partenaires sociaux.

M. Alain Néri – Des textes qui passent en commission le matin et en séance publique l’après-midi : c’est ça, prendre le temps ?

M. Frédéric Lefebvre – M. Ayrault lui-même n’était pas dans l’hémicycle, de tout l’après-midi. On ne l’y voit qu’au fil de ses rappels au Règlement. On a bien compris qu’il ne s’agissait en fait que de perturber la discussion (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. Patrick Roy – Il fallait la reporter !

M. Frédéric Lefebvre – La question des compagnies pétrolières, qu’il a soulevée, est un exemple parfait de nos différences de méthode. Mme Lagarde, en octobre, a réuni les entreprises pétrolières, comme l’avaient fait d’ailleurs certains ministres socialistes. En l’occurrence, vous avez prédit qu’elle n’obtiendrait strictement rien. En fin de compte, c’est une contribution volontaire qui a été négociée.

M. Alain Néri – Homéopathique !

M. Frédéric Lefebvre – Vous-mêmes avez voté l’amendement que j’ai déposé pour créer le fonds qui doit récupérer ces 150 millions et s’en servir pour aider les plus modestes, grâce au doublement de la prime à la cuve.

Mme Martine Billard – Cela ne couvre que la moitié de l’augmentation !

M. Frédéric Lefebvre – C’est pourquoi il devient important que vous nous expliquiez la position du groupe socialiste sur la TIPP flottante. Depuis trois semaines, nous avons vu certains de vos amis la défendre et la revendiquer. Mais d’autres, comme M. Launay ou M. Cochet, ont expliqué qu’elle ne fonctionnait pas, et, on a en effet la preuve aujourd’hui que, du fait de l’augmentation du prix du baril, l’effet volume annule le gain de recettes pour l’État. C’est sans doute pourquoi, d’ailleurs, vous n’avez pas proposé d’amendement pour rétablir ce mécanisme.

Si vous voulez vraiment faire quelque chose, réunissez les présidents de région socialistes et demandez-leur de rendre aux Français les dix centimes d’augmentation sur la TIPP qu’ils ont décidée en un an ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Deux présidents de région seulement ne l’a pas fait : Camille de Rocca Serra (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et Mme Ségolène Royal ! Rendez-lui donc hommage ! Pourquoi ne restituez-vous pas une part de la TIPP aux Français, puisque la TIPP flottante est inefficace ? J’espère en tout cas que vous reviendrez nous rendre visite à l’occasion d’un autre rappel au Règlement, Monsieur Ayrault ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Alain Néri – Il s’agit non pas de 10 centimes, mais de 0,10 centime !

M. Frédéric Lefebvre – Non, ce sont bien 10 centimes !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Si je comprends bien, Monsieur Ayrault, vous me demandez de répondre ici et maintenant ? (Approbation sur les bancs du groupe SRC) Je vous l’ai dit hier : le Gouvernement n’a pas l’intention de réserver certains articles du texte.

M. Jean-Marc Ayrault – Me voilà rassuré !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Si le Gouvernement parvient à rassurer l’opposition, tant mieux ! Pourvu que cela dure !

M. Alain Néri – Ce n’est pas sûr !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Monsieur Néri, pourquoi décourager les bonnes intentions ?

Je vous remercie par ailleurs d’avoir compris les raisons de mon absence cet après-midi.

Mme Christine Boutin, ministre du logement – J’étais là ! (Sourires)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Certes, mais la présence d’un ministre n’empêche pas toujours que l’on reproche à un autre son absence…

S’agissant du travail dominical, que vous avez évoqué après M. Méhaignerie, l’amendement de Mme Isabelle Debré que le Sénat a adopté – avec l’accord, disons-le sans fard, du Gouvernement (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) – relève du droit d’amendement inscrit dans notre Constitution. En outre, les députés réunis au sein de la CMP viennent d’approuver ce dispositif (« Pas nous ! La majorité ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) – eh oui, les Français ont choisi une majorité et une opposition !

Sur le fond, le dimanche, qui n’est pas un jour comme les autres, ne devrait pas, selon moi, être un jour travaillé. Mais, d’après les statistiques fournies par mes services, un Français sur quatre travaille le dimanche – 11 % de façon habituelle et 14 % de façon occasionnelle. Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à souhaiter l’ouverture dominicale des commerces. Face à ces réalités, faut-il maintenir le statu quo ?

Mme Marylise Lebranchu – Oui !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Je suis d’accord. Mais il ne faut pas non plus faire n’importe quoi : le Gouvernement se serait opposé à un amendement sénatorial qui, au-delà du secteur de l’ameublement, aurait remis en cause les principes qui régissent le travail dominical…

M. Jean-Claude Sandrier – Cela viendra !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – …car le dossier exige une concertation avec les parlementaires – lesquels peuvent s’en saisir par l’intermédiaire du groupe de travail qui étudie déjà ces questions ou d’une proposition de loi – et avec les partenaires sociaux. Je l’ai déjà précisé à la presse : des raisons sociologiques que les motivations économiques ne sauraient annihiler obligent à distinguer des autres jours le dimanche, nécessaire à la cohésion de la cellule familiale ; en la matière, la concertation est indispensable ; un droit au refus doit être assuré aux salariés, parmi lesquels certains souhaitent travailler le dimanche, mais de manière périodique…

M. Philippe Vigier – Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – …ainsi des familles monoparentales, ou encore des étudiants, dont le travail est défiscalisé depuis le vote de la loi TEPA. Un salarié doit pouvoir changer d’avis !

Mme Marylise Lebranchu – Il ne le pourra pas !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – En outre, le salaire de ceux qui travaillent le dimanche dans le cadre de dérogations spécifiques doit être au moins doublé. Tels sont les principes qui doivent présider à l’étude de ce dossier, qu’elle résulte de l’initiative du Gouvernement ou de celle du Parlement.

Quant au zonage, je sais, pour être ministre de la République, mais aussi élu local d’une circonscription de province, que la situation de l’Île-de-France ou de Provence-Alpes-Côte-d’Azur ne saurait être généralisée à toutes les régions – comme vous l’avez rappelé il y a peu à des journalistes parlementaires, monsieur Ayrault. Le pouvoir de décision du préfet, représentant de l’État, et le droit de dérogation des maires devraient permettre de dessiner un zonage précis et justifié et de définir des bassins de population afin d’éviter toute distorsion de concurrence entre les petits commerces et les autres. Il faut en tout cas remédier aux aberrations existantes – dont le Président de la République a fourni un exemple en évoquant l’avenue des Champs-Élysées, dont un seul trottoir bénéficie du statut de zone touristique autorisée à ouvrir ses magasins le dimanche !

Enfin, sans l’amendement adopté par le Sénat, une fois passée la période des fêtes, au cours de laquelle des dérogations municipales autorisent l’ouverture dominicale des magasins…

M. Jean-Marc Ayrault – Cinq dimanches au maximum !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – …les grandes enseignes auraient fermé le dimanche, au détriment des salariés qui éprouvent le besoin de travailler ce jour-là. Si l’amendement a été voté par les sénateurs, puis par la CMP, avant d’être soumis aux deux assemblées, c’est donc afin d’éviter de pénaliser le pouvoir d’achat de ces salariés – mais non de préjuger des conclusions d’un futur débat parlementaire, parfaitement transparent, sur l’ouverture dominicale. Sur ces sujets délicats, l’ouverture du débat, assorti de plusieurs garanties, doit permettre de progresser.

M. Philippe Vigier – Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Il y va du développement économique, mais aussi du pouvoir d’achat et de l’intérêt des salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jean-Marc Ayrault – Rappel au Règlement. Monsieur le ministre, ce long discours était inutile : en émettant un avis favorable à cet amendement que notre Assemblée n’a pu étudier sérieusement, vous avez ouvert une brèche ! M. Lefebvre peut bien se targuer de rénover un dialogue social que nous aurions entaché d’archaïsme : le jour-même de la conférence sociale, vous légiférez en catimini !

M. Frédéric Lefebvre – Non, toute la France nous regarde!

M. Jean-Marc Ayrault – Où est l’esprit de négociation, de compromis que vous évoquiez ? Tout cela n’est que mise en scène !

M. Frédéric Lefebvre – Et la TIPP ? Vous ne m’avez pas répondu !

M. Jean-Marc Ayrault – La prise en compte des réalités doit s’appuyer sur un compromis entre l’intérêt économique et celui des salariés auquel votre idéologie ultralibérale fait obstacle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Veuillez conclure, Monsieur Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault – Voilà pourquoi j’ai évoqué le discours caricatural de Mme Lagarde, que vous êtes en train d’appliquer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe GDR une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

Mme Martine Billard – Vous venez de fournir un bon exemple des méthodes que l’opposition ne cesse de dénoncer.

En s’appuyant sur des sondages pour montrer que le pouvoir d’achat constitue la préoccupation principale des Français, le rapporteur a oublié de préciser que, selon ces mêmes sondages, c’est sur ce sujet qu’ils jugent le Président de la République le moins crédible… Ainsi, 63 % de nos compatriotes les plus pauvres condamnent sa politique économique.

M. Frédéric Lefebvre – Un Français sur deux y est favorable !

Mme Martine Billard – Quant aux conditions d’examen du texte, elles confirment que le fonctionnement de notre Assemblée et ses relations avec le pouvoir exécutif vont de Charybde en Scylla ! Pourquoi avoir réduit les délais de dépôt des amendements s’agissant d’un projet que l’Assemblée aurait fort bien pu, comme le fera le Sénat, examiner en janvier ? Mais le « bougisme » de la majorité – à l’image du Président de la République – l’oblige à un bricolage hâtif qui ne sacrifie même plus aux formes élémentaires de l'institution parlementaire et de ses procédures. Les conditions du débat politique ne cessent de se dégrader, les décisions importantes étant dictées par la seule volonté de faire un « coup » médiatique. À peine Nicolas Sarkozy a-t-il une nouvelle idée que, toutes affaires cessantes, le Gouvernement doit présenter un nouveau projet de loi…

M. Michel Issindou – C’est vrai !

Mme Martine Billard – …que les lois précédentes aient ou non fait l’objet d’un bilan, que leurs décrets d’application aient été publiés ou non ! Les désirs du président sont des ordres : tout doit être mis en œuvre pour satisfaire son dernier caprice !

De fait, le conseil de la caisse nationale d'assurance-maladie, saisi pour avis, a dénoncé les conditions « inacceptables » dans lesquelles il devait examiner le projet, jugeant les délais imposés « incompatibles » avec le temps qu’exige l'analyse d'un texte de cette nature.

Une émotion chassant l'autre, le projet de loi sur l'enfermement des personnes atteintes de trouble mental, hier de la plus grande urgence, est relégué à l'arrière-plan : oublié le dernier fait divers en date, il faut enrayer la baisse de crédibilité du Président de la République sur la question du pouvoir d'achat ! Quant au Grenelle de l'environnement, la grande loi de programmation qui devait en concrétiser les conclusions est reportée, peut-être au-delà du premier semestre 2008 ! La planète peut attendre... alors même que bien des mesures urgentes proposées dans le cadre du Grenelle sont propres à accroître le pouvoir d'achat à moyen terme.

Mais votre action est toujours à courte vue. Ainsi, contrairement à ce qui a été allégué, la hausse du prix du pétrole n’était pas imprévisible, puisque la ressource s’épuise. Nous vous l’avions dit, mais vous avez refusé de nous entendre. C’est que le moyen terme ne s'accommode pas du temps médiatique… Peu importe que tout cela ne soit que poudre aux yeux : il suffit de bien maîtriser la communication, et peut-être les Français se laisseront-ils berner. Mais les « veaux », selon l’aimable qualificatif du général de Gaulle, peuvent se révolter, mai 68 l’a montré…

Le Gouvernement et l'UMP ont donc été priés de trouver des idées pour faire croire à une augmentation du pouvoir d'achat. L’ennui est qu’il n'y a plus d'argent dans les caisses et plus d'idées à l'UMP, si bien que le Président de la République a ressorti sa formule magique, devenue : « Si vous avez besoin de gagner plus, vous n'avez d'autre choix que de travailler plus ». Mais le jour où nos concitoyens se rendront compte qu'une fois les trente-cinq heures rayées du code du travail et le travail dominical banalisé, il n'y aura plus de raison de leur payer des heures supplémentaires, le réveil risque d’être dur.

Par ailleurs, nous sommes sommés d'examiner ce projet sans que nous ait été présentée la moindre étude d'impact budgétaire et économique. Tout se fait à la louche, et les milliards valsent. Peu importe que ces chiffres n'aient aucune réalité : on les assène ! Alors que nous avons à peine achevé la discussion du budget de l'État et des comptes sociaux pour 2008, deux textes qui reflètent votre gestion calamiteuse des finances, vous créez de nouvelles exonérations qui sont autant de dépenses fiscales supplémentaires ! À quoi sert donc le débat budgétaire ? Notre collègue Charles de Courson s’en est lui-même inquiété.

Le vocabulaire médiatique est une nouvelle fois appelé à la rescousse mais, cette fois, il ne fonctionne pas aussi bien que d'habitude – et pour cause : ce texte a un air de « déjà vu ». C’est qu’ayant d'abord servi ses plus sûrs soutiens électoraux, les rentiers, le Gouvernement n'a plus d'argent dans les caisses, et qu’il est un peu à court d’idées, la proposition de Mme Lagarde tendant à remplacer la voiture par le vélo n'ayant pas eu le succès escompté… Force est de constater que, le jour-même où est réunie la conférence sociale, nous débattons ici d'un texte non soumis aux partenaires sociaux, alors qu’il remet en cause les accords collectifs et, un peu plus encore, la durée légale du travail. Comment s’étonner que les responsables des services de ressources humaines aient le tournis ? Qui, déjà, avait parlé de « simplifier les procédures » ?

Voilà pour la méthode. Sur le fond, la baisse du pouvoir d’achat est-elle seulement « ressentie » comme ose le dire le Medef ? Il faut le savoir : 90 % des Français n'ont vu leurs revenus progresser que de 4,6 % entre 1998 et 2005, leur revenu mensuel médian est bien inférieur à 1 500 euros et 7,1 millions de personnes doivent se contenter de moins de 817 euros chaque mois. La proportion des salariés rémunérés au smic est passée de 8,6 % en 1990 à 15,1 % en 2006, et 27 % des personnes en CDI des secteurs privé et semi-public touchent moins de 1,3 fois le et la proportion monte à 37,8 % si on leur adjoint les personnes qui n'ont qu'un emploi précaire. L’inflation annuelle étant de 2 %, le revenu réel de la grande majorité des Français a donc baissé – et encore faut-il préciser que l'indice de référence minore le poids des dépenses de logement dans les dépenses globales des ménages.

À cela s’ajoute le fait que les dépenses contraintes – loyer, eau, chauffage, électricité, déplacements entre domicile et travail – pèsent de plus en plus lourdement sur le budget des ménages, le logement représentant dorénavant à lui seul de 15 à 40 % des dépenses obligées. Le transport représente 19 % du budget d'un habitant d'une commune rurale, 12 % pour un Parisien. Les locataires sont plus touchés que les propriétaires par les hausses de prix, les habitants des campagnes que ceux de la région parisienne, les familles monoparentales que les couples sans enfant, le décile inférieur que le décile supérieur.

Compte tenu des autres dépenses auxquelles il n'est pas possible de se soustraire – assurances, frais bancaires, téléphonie, emprunts immobiliers... – le total des dépenses obligatoires représente plus de 70 % des dépenses pour les 20 % de foyers les plus modestes. Il ne reste plus grand chose pour se nourrir, s'habiller, se soigner. Inutile de parler de dépenses de loisir quand la moindre hausse ou le moindre accident de santé peut précipiter les familles dans une crise financière grave.

Les mesures auraient donc dû tendre à minorer les dépenses contraintes qui s’imposent aux foyers les plus modestes, les couches populaires étant particulièrement touchées par les hausses de prix de l’alimentation – qui pèse pour 17 % dans le budget d'un ouvrier, contre 12 % chez un cadre. Il est inquiétant de constater que l’augmentation annuelle du prix de la baguette est de 12,5 %. C’est, pour partie, la conséquence de la hausse du prix du blé dont le marché se tend à cause de la concurrence de la production d'agrocarburants. Comme ils ne permettront pas de pallier la raréfaction du pétrole, il est urgent de mettre fin aux exonérations fiscales dont leur production bénéficie, alors qu’elle se fait au détriment de la filière agro-alimentaire. La hausse des prix touche également les fruits et les légumes frais, dont la consommation recommandée par l'OMS conduit à une dépense qui varie de 5 % à 12 % du smic selon la composition de la famille. Quant à l'envolée des prix des produits laitiers, elle résulte de la spéculation à laquelle se livrent les transformateurs.

À cela s'ajoute l'augmentation des frais de santé dus à des dépassements d'honoraires médicaux pharamineux que vous aggravez avec les franchises médicales tous azimuts. Dans ces conditions, boucler ses fins de mois devient, pour nombre de ménages, impossible.

En revanche, les 3 500 foyers fiscaux dont les revenus ont progressé de 42,5 % entre 1998 et 2005 ne sont pas concernés par cette évolution, non plus que le décile des foyers les plus riches, dont les revenus ont augmenté de 32 % au cours de la même période. Ceux-là n’ont assurément aucun problème de pouvoir d'achat… Il serait particulièrement injuste socialement, et irresponsable écologiquement, de décider de nouvelles mesures qui feraient encore progresser leurs revenus. Ce serait, d’une part, augmenter la spéculation, d'autre part les émissions de polluants et de gaz à effet de serre liées à la surconsommation de luxe. Or, étant donné l'état de la planète, il est plus qu'urgent d’en venir à une consommation responsable, sobre et autrement répartie. Notre philosophie est bien loin de la vôtre, qui est de « consommer pour consommer » sans se préoccuper des ravages que cela induit pour la planète. L’ouverture dominicale des magasins ne ferait qu’aggraver ce phénomène.

Il ne saurait être question pour nous d'entériner la répartition des richesses qui favorise le capital spéculatif et les rentes – d’autant que cette politique n'a aucun impact positif sur les investissements. En effet, les entreprises distribuent plus de dividendes qu'elles n'investissent, et l'exigence d'une rémunération du capital toujours plus élevée les amène à considérer les salariés comme la seule variable d'ajustement. Aussi longtemps que cette économie purement financière perdurera, les salariés verront leur niveau de vie stagner, sinon baisser, cependant qu'une petite minorité s'enrichira effrontément en gaspillant à tout va, dans une frénésie de consommation mettant en péril la sauvegarde de notre planète malmenée (Marques d’approbation sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

J’en viens à votre projet, dont la portée est très restreinte, en premier lieu parce que vous ne vous intéressez qu’aux salariés. Qu’en sera-t-il des retraités, des invalides, des handicapés, des chômeurs, des allocataires des minima sociaux ? Il nous a été dit que des augmentations étaient prévues, mais nous les attendons depuis deux mois et ne voyons rien venir. Qu’en sera-t-il des salariés à temps partiel, pour lesquels la désormais fameuse injonction de M. Sarkozy est tout simplement indécente ? Les personnes âgées sont particulièrement laissées pour compte, elles qui devront désormais régler la redevance audiovisuelle et qui subiront l’effet des franchises médicales. D’évidence, au royaume de l’UMP, mieux vaut être un jeune cadre actif !

À propos de la participation, le ministre, en commission, a donné des indications différentes, indiquant une première fois que cinq millions de salariés – soit 31 % des salariés du secteur privé marchand – étaient concernés, une autre fois que plus de la moitié des salariés étaient couverts par un accord de participation. Quelle est la vraie proportion ? On voudra bien convenir que selon qu’il s’agit de l’une ou de l’autre, l'impact des mesures proposées n’est pas du tout le même.

D’autre part, selon le ministre lui-même, 38 % des salariés ont des RTT. Pour en avoir, il faut en effet travailler plus de trente-cinq heures par semaine, et ne pas avoir un contrat de travail annualisé ou soumis à un autre dispositif de modulation. Par exemple, comme l’expliquait aujourd'hui dans la presse le responsable d’une petite entreprise du bâtiment, l'accord de modulation au semestre signé par la CAPEB rend impossible le paiement d'heures supplémentaires que demandaient ses employés – qui avaient pourtant cru pouvoir en bénéficier… Raté !

M. Patrick Roy – Eh oui !

Mme Martine Billard – Ensuite, tout dépend du nombre de jours de RTT dont dispose le salarié. Le ministre parle de treize jours en moyenne par salarié, mais certains n'en ont que quatre ou cinq, notamment les salariés sous contrat de travail au forfait qui, je le rappelle, ne concerne pas que les cadres depuis que votre majorité a modifié la loi. D'ailleurs, les études sur la répartition des trente-cinq heures montrent que les cadres sont plus concernés que les ouvriers. Donc, par ce texte, vous aggravez encore les différences de traitement entre catégories de salariés et selon les secteurs d'activité.

Or ce sont justement les secteurs où les salaires sont les plus bas qui ont le moins de RTT. Ainsi, il n’y a que très peu, voire aucune RTT pour les caissières de supermarché dont l'immense majorité travaille à temps partiel non choisi ; il n’y en a pas non plus pour toutes les femmes qui travaillent dans le secteur des services à la personne, ni pour nombre d’ouvriers... Mais dans 71 branches professionnelles sur 160, les minima salariaux sont inférieurs au smic, et le salaire de 3,7 millions de salariés n'atteint le smic que par l'artifice de compléments de rémunération.

Qu'en est-il, par ailleurs, de l'impact financier des mesures proposées ? Nous n’en savons rien, puisque rien ne nous a été fourni. Une étude a-t-elle même été faite ? Visiblement, l’évaluation ne concerne pas l'aide au travail parlementaire, et mieux vaut maintenir les députés dans l'ignorance – et notamment du résultat des mesures prises depuis cinq ans. Il est vrai que votre majorité pourrait alors se rendre compte que vous lui faites voter du vent ! Nous n'avons donc pas disposé d'étude d'impact financier préalable, ce qui justifie le renvoi du texte en commission, mais voici néanmoins quelques éléments qui nourriront le débat.

La loi de 2004 avait provoqué le déblocage de 7 milliards d’euros, dont les deux tiers ont été convertis en assurance vie ou ont servi à alimenter les livrets A. Il s’est donc agi d’un transfert de mode d'épargne plutôt que d’une réelle incitation à la consommation, mais l’opération a, au passage, coûté fort cher aux finances de l'État. Quant aux deux milliards injectés dans l'économie, ils ont servi à l’achat de produits importés, ce qui a contribué à la dégradation de notre commerce extérieur. Bilan : pas d'emplois créés en France.

M. Patrick Roy – Bien sûr !

Mme Martine Billard – Or, selon notre collègue UMP Bruno Le Maire, le dispositif présenté aujourd'hui est moins intéressant fiscalement que celui de 2004. De plus, dans la majorité des sociétés, le déblocage est conditionné à un accord négocié ou à défaut à une décision de l'employeur, ce que d’ailleurs je conçois, en particulier pour les SCOP.

Pour ce qui est de la prime de 1 000 euros, il est peu probable que les entreprises se précipitent ! Or, nous sommes en période de fêtes, et les salariés des petites entreprises qui auraient trop cru au père Noël risquent d’être déçus à l'ouverture des paquets... De plus, cette prime hypothétique sera imposable, contrairement au déblocage de la participation. Le rapporteur général a confirmé qu'une étude d'impact émanant du Gouvernement chiffre la perte de recettes consécutive à ce dispositif à 35 millions pour la sécurité sociale et à 130 millions pour l'État au titre de l'impôt sur les sociétés.

Quant au renoncement aux RTT – il s’agit bien d’un renoncement, non d’un paiement – les opinions diffèrent beaucoup selon que le sondé est salarié ou non, selon que le salarié a déjà des RTT ou non. Ainsi plus d'un salarié sur deux bénéficiant de jours de RTT estime que la mesure sera inefficace.

La loi TEPA prévoyait l'exonération totale, sociale et fiscale. Cette loi prévoit une exonération totale patronale et une exonération sociale hors CSG et CRDS. Ce sera simple sur la feuille de paie ! Voilà ce qui arrive quand on légifère dans la précipitation et sans étude d'impact.

L’article 1er pose un autre problème. Dans le budget 2008, nous venons de voter la suppression de l’exonération pour les cotisations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Huit semaines plus tard, vous la rétablissez. En commission, vous avez dit que la perte de cotisations pour la sécurité sociale serait fictive, parce que l’utilisation des journées de RTT comme congés n’aurait entraîné aucune recette. Mais pour faire travailler dix jours de plus chaque salarié, il faut qu’il y ait de l'ouvrage, auquel cas, même sans cette mesure, l’entreprise ferait appel à des heures supplémentaires ou à de l’intérim et il y aurait bien cotisations ou compensation de cotisations sur ces heures travaillées. La perte n’est donc pas fictive : c'est vous qui jouez au prestidigitateur.

Vous vous félicitez du résultat du référendum au sein de la société Continental où les salariés auraient eu à choisir entre un repos supplémentaire ou plus de rémunération. Mais ce choix, en fait, c’était « la bourse ou la vie » version UMP (Protestations sur les bancs du groupe UMP), c'est-à-dire la fermeture de l'entreprise ou les quarante heures. Du reste, les ouvriers y ont été beaucoup moins favorables que les cadres.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Donnez les chiffres.

Mme Martine Billard – C’est 96 % pour les cadres.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Et 74 % chez les ouvriers.

Mme Martine Billard – Donc quand même moins.

Les députés Verts ont d'autres propositions pour agir réellement sur le pouvoir d'achat, et j’y reviendrai en défendant nos amendements. Il faut à la fois augmenter les revenus du travail dès la première heure travaillée ainsi que les revenus de remplacement, et réduire ou encadrer les dépenses contraintes des ménages modestes.

Ainsi, les minima de branches ne doivent plus être inférieurs au smic. Il faut augmenter le point d'indice dans la fonction publique afin que plus un fonctionnaire – et je n’en suis pas – ne voie ses revenus diminuer ; augmenter aussi les revenus des retraités et des handicapés.

Il faut instaurer un blocage de loyers pour 2008 et 2009, de manière à rattraper partiellement l'augmentation de ces dernières années. Mobiliser les excédents de TVA perçus par l'État ainsi que les surprofits des compagnies pétrolières et soumettre l'aviation commerciale à la TIPP permettrait en outre d'instaurer un fonds pour la reconversion du chauffage au fioul et d'apporter les aides nécessaires à la généralisation des chèques transports pris en charge par les employeurs.

Il faut encore développer les programmes visant à renforcer l'isolation thermique des bâtiments, particulièrement dans l'habitat social ; abandonner les franchises médicales et agir contre les dépassements d'honoraires de consultations de santé ; limiter la durée minimum obligatoire des forfaits de téléphonie mobile à un an renouvelable ; prendre des mesures pour réduire les frais bancaires ; limiter l'augmentation des prix du gaz et de l'électricité ; mettre en place un chèque fruits et légumes à l'exemple de l'Italie, en créant un fonds pour la promotion de la nutrition ; abroger les dispositifs d'aides aux agrocarburants qui provoquent un renchérissement des céréales et favorisent l'utilisation intensive de pesticides.

Faire tout cela, ce serait tourner le dos aux politiques menées par cette majorité. Mais comme il n'a pas été possible d'en discuter sereinement, sur le fond, le groupe GDR vous demande de voter le renvoi dans les deux commissions saisies (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Christian Eckert – Renvoyer un texte en commission signifie que celui-ci n’a pas eu le temps de travailler sereinement. De fait, nous avons eu connaissance en séance d’un projet adopté en conseil des ministres le matin même, et les amendements ont été examinés à la hussarde – nous avions à peine le temps de tourner les pages d’une liasse entre deux « rejet » du rapporteur. Et vous dites vouloir revaloriser le travail parlementaire. Mais chaque jour, c’est par les journaux, éventuellement dans les couloirs, que nous apprenons de nouveaux revirements. Sur la forme, le renvoi en commission est donc tout à fait justifié.

D’autre part, vous semblez penser que les Français ne s’intéressent qu’à ce qui les touche directement. En tant que parlementaires, nous voulons nous légiférer pour l’ensemble de la nation. Vous dites que nous ne faisons aucune proposition, mais tous nos amendements ont été traités par le mépris. Nous avons maintes fois proposé de créer le chèque transport généralisé ; vous nous disiez que c’est inefficace, mais pour peu que la proposition vienne de votre camp, Mme Boutin lui découvre de nouvelles vertus…

Plus grave encore, vous opposez des catégories de Français entre eux, les « nantis » des régimes spéciaux, les fonctionnaires avec leurs privilèges, les chômeurs qui refuseraient le travail qu’on leur propose, les érémistes qui profiteraient des minima sociaux, les malades qui mériteraient bien de payer une franchise médicale – et les Français dans leur ensemble sont accusés de travailler moins que les autres, bref, d’être des fainéants (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Mais quel modèle nous proposez-vous ? Le modèle américain (Même mouvement). À Vandœuvre-les Nancy, le Président de la République est allé jusqu’à vanter l’urbanisme des États-Unis qui ont été capables, eux, de construire des tours en centre ville ! Aux États-Unis, beaucoup de commerces sont ouverts la nuit. Après le dimanche, est-ce ce que vous allez nous proposer ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Je suis fier de mon pays en ce qu’il est une exception, fier que l’enseignement y soit gratuit, et qu’on soigne les gens en leur demandant de présenter une carte de sécurité sociale et non leur carte bancaire.

Mais – auriez-vous eu une révélation ? – vous faites mine aussi de vous interroger sur la redistribution des richesses entre capital et travail. Après six ans de cette majorité, il est bien temps. Chiche ! Nous sommes prêts à en discuter.

Mme Lagarde, interrogée sur le pouvoir d’achat, a dit que c’était la rencontre entre deux courbes. Mme Taubira et Mme Le Loch ont su, avec plus de sensibilité, dire que ce qui est en jeu ici, c’est la justice sociale. Notre groupe votera la motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Claude Sandrier – Le groupe GDR la votera également. Vous avez l’art de présenter les choses. M. Lefebvre a essayé de nous faire applaudir comme une mesure de la majorité le recul que la gauche et les Français vous ont imposé sur la redevance. On nous présente aussi le vote des salariés de l’usine Continental de Sarreguemines comme un choix entièrement libre. Mais donner le choix entre les quarante heures et la fermeture, c’est un chantage éhonté, pas la démocratie !

Vous nous dites que la question du pouvoir d’achat dépasse les clivages. S’il s’agissait de mettre de l’argent dans tous les porte-monnaie, ce serait peut-être le cas. Mais la situation est plus compliquée : il s’agit de savoir combien on met, là où met, et à qui l’on prend. Et sur ces questions, nous n’avons pas tous les mêmes réponses, et les clivages réapparaissent !

Enfin, pour masquer le fait que des millions de Français sont sous-payés et précarisés, vous leur expliquez qu’ils ne travaillent pas assez. Vous culpabilisez nos concitoyens, alors qu’ils ne travaillent pas moins que leurs voisins – entre 41 heures et 42 heures hebdomadaires – et qu’ils sont plus productifs. En revanche, le coût horaire du travail est moins élevé en France qu’aux États-Unis, en Allemagne et au Japon, et notre pays, dans ce domaine, se classe à la treizième place dans l’Union européenne. Comment expliquer autrement que nous soyons le troisième pays au monde pour l’accueil des investisseurs étrangers ?

Cessez de culpabiliser les Français, faites-les rémunérer correctement et n’augmentez pas la durée de leur temps de travail ! Au contraire, attachez-vous à modifier la répartition de la valeur ajoutée, toujours plus favorable au capital qu’aux salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. Frédéric Lefebvre – Nous avons écouté avec attention Mme Billard, et nous avons constaté combien elle avait travaillé sur ces questions. Je ne doute pas qu’à l’occasion de l’examen de prochains textes, nous pourrons explorer, ensemble, des pistes de travail. Ce ne sera pas le cas pour ce texte, qui comme vous le savez, est discuté après déclaration d’urgence, ce que nous assumons…

M. Jean Gaubert – Comme d’habitude !

Mme Martine Billard – On ne travaille pas correctement dans l’urgence !

M. Frédéric Lefebvre – …Ces dispositifs doivent s’appliquer dès le début janvier. Il est donc normal que nous en discutions maintenant, au même rythme – et il faut s’en féliciter – que les discussions avec les partenaires sociaux. Pour une fois, on ne pourra pas dire que le Parlement soit déconnecté des négociations sociales.

Le groupe UMP ne votera pas cette motion car vous avez prouvé, en la défendant, Madame Billard, que vous aviez eu la possibilité de travailler sur ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Billard – Vous vous moquez du monde ! C’est scandaleux !

M. Philippe Vigier – On ne peut pas, pendant des semaines, reprocher au Gouvernement de ne pas répondre à la question du pouvoir d’achat et lui demander de surseoir lorsqu’il met en place un premier dispositif !

Mme Martine Billard – Vous oubliez la loi TEPA !

M. Philippe Vigier – S’agissant de la redevance, le groupe Nouveau Centre a toujours dénoncé cette mesure. Je suis satisfait que le Gouvernement nous ait entendu. Cela montre que, parfois, nous servons à quelque chose ! Le groupe NC ne votera pas cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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