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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 20 décembre 2007

1ère séance
Séance de 9 heures 30
90ème séance de la session
Présidence de M. Marc Le Fur, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2007 - CMP

L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2007.

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire – Je commencerai par rappeler les principaux aspects de ce projet : s’agissant des dépenses, le plafond de 270 milliards a été strictement respecté, les décrets d’avance intégralement gagés et aucune ouverture nette de crédit n’a résulté du projet lui-même, ce qui s’explique notamment par une gestion satisfaisante de la réserve de précaution. Quant aux recettes, qui avaient été prudemment évaluées, elles sont supérieures de 4 milliards aux prévisions de la loi de finances initiale. Limité à 38,3 milliards, le déficit est donc nettement inférieur aux 42 milliards prévus ; l'Assemblée nationale comme le Sénat y ont veillé avec sagesse et rigueur.

Quant au texte de la CMP, il propose tout d’abord une solution équilibrée, issue de longues discussions, sur la réduction d’ISF pour les PME investissant sur leurs fonds propres : la réduction dont bénéficient les FCPI et les FCPR – comme les fonds d’investissement de proximité depuis la loi TEPA – sera plafonnée à 20 000 euros au lieu de 50 000, et limitée à 50 % des investissements permis par ces fonds d’intermédiation – contre 75 % en cas d’investissement direct. La CMP s’est en outre montrée prudente en soumettant la mesure à la règle de minimis, dans l’attente des négociations européennes qui devraient définir avant le milieu de l’année des lignes directrices favorables à un élargissement du dispositif.

La CMP a également fait preuve d’inventivité s’agissant des nouvelles taxes liées au développement durable : au titre de la contribution durable aux activités de pêche marine, la première, qui s’appliquera à partir du 1er janvier aux poissons, aux crustacés et aux mollusques marins…

M. Charles de Courson – Pas aux huîtres ! (Sourires)

M. Gilles Carrez, rapporteur – …, représentera 2 % du prix – hors taxe – de vente final au consommateur, à condition que le chiffre d’affaires dépasse 763 000 euros – ce qui satisfait les préoccupations qui s’étaient exprimées dans cet hémicycle…

M. Jérôme Chartier – Excellent !

M. Gilles Carrez, rapporteur – …et correspond au seuil retenu pour le régime normal de TVA. La mesure contribuera à honorer la promesse, faite à juste titre aux marins-pêcheurs, dont nul n’ignore les difficultés, d’un plan ambitieux de modernisation de notre flotte de pêche et d’amélioration de l’ensemble de la filière.

La seconde taxe, l’éco-pastille, obéit au principe d’un malus s’appliquant dès lors que l’émission de CO2 dépasse 160 grammes par kilomètre ; au terme de longs débats, la CMP a exclu la familialisation…

M. Charles de Courson – Hélas !

M. Gilles Carrez, rapporteur – …comme la référence à une technologie spécifique.

M. Charles de Courson – Grave erreur !

M. Gilles Carrez, rapporteur – Afin de demeurer pure de toute autre préoccupation, une fiscalité environnementale ne doit pas viser des objectifs liés à la politique familiale, qu’il appartient aux allocations familiales de favoriser.

Sur ces deux taxes, les deux assemblées et la CMP ont fourni le meilleur travail possible, mais dans la précipitation, l’une des propositions nous étant parvenue…

M. Charles de Courson – À 21 heures !

M. Gilles Carrez, rapporteur – …une ou deux heures avant la dernière réunion de la commission des finances, et l’annonce de l’autre mesure n’ayant précédé que de quelques minutes !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances Certaines arrivent même après le vote ! (Sourires)

M. Gilles Carrez, rapporteur – En outre, aucune des études d’impact sollicitées par M. le président de la commission n’a pu être réalisée.

S’agissant des collectivités territoriales, deux dispositions permettent d’améliorer des taxes existantes : la taxe sur la publicité – affichage et emplacement –, que la CMP, suivant le Sénat, rétablit à partir du 1er janvier 2009, au terme d’une concertation avec les professionnels tout au long de l’année prochaine ; la taxe sur les spectacles, dont le bénéfice partiel, jusqu’alors réservé aux communes, s’étendra désormais à toute collectivité – intercommunalité, département ou région – qui finance un équipement dans ce domaine. En outre, la CMP a décidé, conformément à la proposition de M. le sénateur Lambert et dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la création, au sein du comité des finances locales, d’une commission consultative d’évaluation des normes…

M. Didier Migaud, président de la commission Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur – …sur le modèle de l’excellente commission d’évaluation des charges actuellement présidée par M. Auberger. Cette commission sera préalablement consultée sur tout texte engageant les finances locales, projet de loi ou texte résultant de normes européennes.

Au terme de ce travail constructif avec nos collègues du Sénat, je vous propose, avec l’ensemble de la commission des finances, d’adopter ce projet de loi, moyennant les corrections de la CMP et quelques amendements du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Le texte issu des travaux de la CMP montre combien nos débats ont permis d’enrichir le projet initial. Bien que le Gouvernement se soit efforcé de lui transmettre ses amendements le plus rapidement possible, le Parlement, en particulier l'Assemblée nationale, n’a pas toujours disposé d’un délai suffisant pour examiner ses propositions, notamment celle relative à l’éco-pastille. Parce que vous devez pouvoir légiférer dans les meilleures conditions possibles…

M. Jean Launay – On va rire !

M. Éric Woerth, ministre du budget – …cette situation doit demeurer exceptionnelle : j’en fais le vœu pour la nouvelle année (Sourires).

M. Gilles Carrez, rapporteur – Très bien !

M. Didier Migaud, président de la commission Merci !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Elle s’explique toutefois par la nécessité de répondre aux préoccupations du marché automobile sans attendre l’examen du texte que vous soumettra M. Borloo l’année prochaine, et par le souhait d’inscrire la mesure dans un texte budgétaire.

Quant aux amendements parlementaires, ils ont notamment permis de définir les modalités de financement de la prime à la cuve, d’améliorer le dispositif de taxation sur les poissons, auquel les deux assemblées ont beaucoup travaillé, ou de réduire à deux mois le délai de réponse de l’administration fiscale aux observations des TPE afin de garantir des relations équilibrées entre l’administration et les contribuables.

M. Jérôme Chartier – Très bien ! C’était un excellent amendement.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Enfin, les travaux de la CMP ont permis de parvenir à un texte équilibré, s’agissant notamment de la réduction d’ISF pour les PME ; sur les centres de gestion agréés, le Gouvernement, défavorable aux dispositions adoptées par le Sénat, est convaincu que les deux chambres doivent réfléchir à une solution durable. Je regrette principalement le maintien de la réforme de la taxe sur la publicité, introduite quelque peu brutalement par le Sénat, qui l’a adoptée à l’unanimité, et qu’il n’est donc pas question de supprimer, mais dont il faut examiner les modalités en concertation avec les professionnels, dans l’intérêt des collectivités elles-mêmes, en mettant à profit la période qui nous sépare du 1er janvier 2009.

Je tiens à saluer la création de la commission consultative sur l’évaluation des normes, qui se place dans le droit fil du souhait exprimé par le Premier ministre, en juillet, lorsqu’il a reçu les présidents d’exécutifs locaux. Donner vie à cette commission ne sera pas forcément facile. Je salue le travail mené à cet égard par M. Lambert.

Ce texte fait mieux que le projet de loi de finances initiale puisqu’il améliore le solde budgétaire, tout en finançant les priorités sur lequel le Président de la République s’était engagé. Il modernise également notre fiscalité : nous renforçons les procédures fiscales ; nous réalisons un effort en direction des revenus modestes ; nous élargissons le régime du mécénat et du patrimoine historique ; enfin, avec l’éco-pastille, notre fiscalité devient plus écologique. Sur tous ces points, nos débats ont été libres, responsables et constructifs. Ce projet, qui conclut un long cycle budgétaire entamé au mois de septembre, s’inscrit résolument dans une trajectoire d’assainissement progressif de nos finances publiques.

Je remercie l’ensemble des parlementaires, et plus particulièrement le rapporteur général, pour son sens de la pédagogie et sa faculté de rendre parfaitement intelligibles des sujets complexes, ainsi que le président de la commission, qui, tout en étant ferme dans ses convictions, a su s’acquitter de ses responsabilités avec l’impartialité qui s’impose. Je remercie enfin la présidence de l'Assemblée nationale pour la qualité de sa gestion des débats, ainsi que l’ensemble des collaborateurs de la commission et du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Charles de Courson – En première lecture, le Nouveau centre a porté une appréciation globalement positive sur le projet de loi de finances rectificative. Nous tenons à vous féliciter, Monsieur le Ministre, pour votre ouverture. Vous savez pratiquer le dialogue avec le Parlement ; avec la majorité, bien sûr, mais aussi avec l’opposition ; cela n’a pas toujours été le cas de vos prédécesseurs.

Ce projet comporte des avancées positives : clarification des relations entre l’État et la sécurité sociale, mais aussi entre l’État et la SNCF ; lutte contre les fraudes, avec la création de la flagrance fiscale ; amélioration du dialogue entre l’administration et le contribuable ; soutien au renforcement des fonds propres des PME, même si l’accouchement du dispositif a été difficile et que nous devons encore en discuter avec la Commission européenne.

Notre groupe regrette cependant le mauvais calibrage de certaines mesures, en partie dû aux mauvaises conditions d’examen de plusieurs documents, qui nous ont été soumis de manière extrêmement tardive. Ceci concerne, par exemple, l’éco-pastille. En l’état, le dispositif pénalise les familles nombreuses et les utilisateurs de véhicules flex-fioul. Le Nouveau centre a souhaité « familialiser » le dispositif en proposant la réduction des taux d’émission de 5 grammes par enfant à partir du deuxième enfant. La mesure n’est pas passée, et nous persistons donc à dire que vous aurez du mal à expliquer aux familles nombreuses le bien-fondé de la démarche.

Notre groupe a également souhaité prévenir une pénalisation excessive des véhicules flex-fioul, selon deux voies possibles : soit l’exclusion de ces véhicules du champ de la taxation, soit un abattement de 50 % sur la taxe. Alors que le Gouvernement avait donné son accord sur la seconde proposition, celle-ci a été repoussée en CMP, à notre grand étonnement et regret. Nous espérons que le Gouvernement se rattrapera avec la loi Borloo.

Nous ne pourrons faire l’économie d’une discussion de fond sur les éco-taxes. Notre rapporteur général et celui du Sénat ont-ils raison de prétendre qu’il ne faut courir qu’un lièvre à la fois ? Nous ne pouvons pas mener une politique du flex-fioul, notamment par des mesures fiscales, tout en votant une éco-taxe qui aboutit au résultat inverse. Sinon, on dira que l’État est schizophrène ! Cela n’est pas tenable. La politique, cela consiste à trouver les bons équilibres entre plusieurs objectifs ; il faut donc sortir de l’idée monomaniaque selon laquelle chaque mesure ne serait censée viser qu’un seul et même objectif. Je suis persuadé que notre rapporteur général évoluera sur cette question.

En ce qui concerne les biocarburants, notre groupe se félicite de l’adoption de son amendement diminuant à due proportion le montant de la taxe intérieure de consommation applicable au superéthanol, afin de maintenir la compétitivité de ce carburant. Mais nous regrettons que le Gouvernement ait réduit le niveau de la défiscalisation sur le bioéthanol et le diester, alors que la hausse des matières premières qui alimentent cette industrie a été considérable, notamment pour les oléoprotéagineux, le blé et le maïs. Nous vous avons avertis : vous serez obligés d’élever de nouveau la défiscalisation l’an prochain, dans un contexte budgétaire extrêmement difficile.

Il y a là un problème de ligne politique et un risque de déstabilisation des industries concernées. De nombreux industriels se demandent, alors même que certains d’entre eux ont déjà investi, comme l’entreprise Roquette, s’ils vont bien ouvrir leur filière bioéthanol, car ils n’ont aucune lisibilité sur la ligne du Gouvernement.

Par ailleurs, nous ne sommes pas des zélateurs de la taxe sur les poissons. Lorsqu’un secteur est en difficulté, il est préférable de l’aider par le biais de l’impôt général, plutôt que de créer une taxe ad hoc. En outre, certaines questions restent en suspens : cette taxe est-elle eurocompatible ? Entre-t-elle dans l’assiette de la TVA ? En l’état actuel des textes, la réponse est affirmative, et la taxe sera donc, non de 2 %, mais de 2,40 %. Enfin, elle ne sera pas déductible de l’impôt sur les sociétés, faute de dispositions spécifiques en ce sens, alors qu’elle sera supportée aussi par les industriels, en fonction des équilibres conjoncturels du marché. Nous n’avons pas suffisamment précisé ces différents aspects.

Au-delà de ces problèmes, la principale préoccupation du Nouveau centre tient à la situation encore très fragile de nos finances publiques. Ce projet ne comporte pas de mesures de redressement supplémentaires. La réduction du déficit n’est pas structurelle, mais, pour 80 %, le fruit de plusieurs opérations exceptionnelles : économie de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, ainsi que trois mesures non reconductibles.

En outre, le Gouvernement a pris le risque de surestimer les recettes de l’impôt sur les sociétés. Les acomptes ayant été reçus le 15 décembre, avez-vous des éléments qui confirmeraient le bien-fondé de vos prévisions ? Faire passer celles-ci de 45,9 millions en loi de finances initiale à 51,1 millions en loi de finances rectificative ne me paraît pas prudent, car cela ne tient pas compte de la chute des profits bancaires, ni du fait que la hausse des profits pétroliers n’a que peu d’incidences sur les recettes fiscales, puisqu’un groupe comme Total, par exemple, réalise moins de 5 % de ses énormes bénéfices en France.

Le Nouveau Centre souhaite donc alerter le Gouvernement sur le risque de dégradation de la conjoncture économique, du fait du risque croissant aux États-Unis.

En conclusion, nous regrettons que le Gouvernement ne s’engage pas davantage dans la révolution culturelle que nous attendons et qui consiste à privilégier les mesures d’économie sur celles qui augmentent la dépense publique. Nous espérons que les conclusions de la révision générale des politiques publiques débouchera dès 2008 sur des économies durables. Notre groupe a formulé trois propositions d’économies : la réduction des exonérations de charges accordées aux grandes entreprises ; un pacte de solidarité entre l’État et les collectivités territoriales ; le plafonnement des niches fiscales.

La commission des finances a commencé à travailler sur les premier et troisième points afin de faire des propositions au printemps.

Souhaitant encourager le Gouvernement dans la voie de l'assainissement de nos finances publiques, le groupe Nouveau Centre votera ce texte comme en première lecture. Il donne rendez-vous au Gouvernement pour la discussion du budget 2009 : nous verrons alors si ses objectifs de réduction des déficits publics et de la dette se traduisent bien dans les faits (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jean Launay – Ce collectif est bâti sur une hypothèse de croissance de 2 % pour 2007. La loi de finances initiale avait retenu 2,25 à 2,5 %, mais le Premier ministre avoue aujourd’hui que nous serons plus proches de 1,9 %. Nous craignons pour notre part que la croissance soit encore inférieure et le déficit plus important qu’annoncé dans ce texte. Des interrogations persistent en effet sur les recettes fiscales supplémentaires – M. de Courson vient de s’en faire l’écho pour ce qui concerne l’impôt sur les sociétés.

Nous l’avions dit lors de l’examen de la loi TEPA, la croissance et la confiance ne se décrètent pas. Les prévisions de l’INSEE pour 2008, annoncées ce matin, nous laissent d’ailleurs perplexes. Les Français s’inquiètent tous de leur pouvoir d’achat. Cette inquiétude se fait plus grande devant l’effet sournois mais réel d’une inflation que vous continuez de sous-estimer. Le désarroi de nombre de nos concitoyens est profond, et la réalité plus cruelle que vous ne le mesurez.

Ce collectif est aussi l’illustration d’une mauvaise méthode, la précipitation voire l’improvisation. J’en prendrai trois exemples. D’abord l’éco-pastille : où est le grand texte sur la fiscalité écologique attendu après le Grenelle de l’environnement ? Le débat improvisé sur ce sujet – notamment sur la familialisation – est resté inabouti. Celui sur les biocarburants n’a pas été abordé sous l’angle scientifique. Il n’est donc pas étonnant que les associations quittent aujourd’hui la discussion de l’après-Grenelle, mesurant déjà l’écart entre les annonces faites et la réalité !

Les deux autres exemples – la taxe poissons et la redevance télévision – montrent l’intrusion permanente du Président de la République dans l’Hémicycle, avant même la réforme des institutions.

Devant la contestation des pêcheurs bretons, le Président de la République a annoncé en novembre l’adoption d’un mécanisme législatif de compensation réintégrant le coût du gasoil dans le prix du poisson vendu à l’étal. Le lendemain, Michel Barnier est revenu sur les déclarations du Président pour indiquer que ce mécanisme devrait veiller à ne pas pénaliser le consommateur. Le 28 novembre, le Gouvernement a de nouveau annoncé la mise en place d’une éco-contribution de 1 % à 2 % sur le prix de vente final du poisson. C’est donc dans la cacophonie la plus totale qu’il a fait voter par la majorité un amendement à la loi de finances rectificative instituant une taxe de 2 % sur la vente du poisson à la première vente, c’est-à-dire au niveau des mareyeurs. Bref, il a agi dans l’urgence et la confusion : loin d’avoir les effets escomptés, la mesure adoptée à la sauvette a mobilisé contre elle toute la filière. Il n’est même pas certain qu’elle soit euro-compatible ! L’augmentation du coût du gasoil est un problème complexe, dont les répercussions diffèrent selon les flottilles. Il exige donc une réflexion approfondie avec l’ensemble de la filière. Ceux qui connaissent bien le milieu de la pêche dénoncent déjà les conséquences de cette disposition. Concentrée sur une seule partie de la filière, la taxe pèsera lourdement sur ceux qui y seront assujettis. Toutes les activités de transformation et de valorisation du poisson risquent d’être pénalisées, au bénéfice des produits d’importation déjà transformés. Même amendé au Sénat – solution qui a été reprise par la CMP – l’article 22 quater ne résout en rien le problème de l’augmentation du prix du carburant : il ne fera que masquer les difficultés des pêcheurs et constitue une menace pour la filière de transformation et de valorisation des produits de la mer.

Troisième exemple, celui de la redevance télévision. Le parti socialiste réclame depuis 2004 – date de la réforme – le maintien de l’exonération pour les retraités modestes. Le débat a été relancé dans le cadre du texte sur le pouvoir d’achat, puisque les exonérations temporaires prennent fin cette année. Que n’avons-nous entendu ! M. Marini, rapporteur général du Sénat, nous a accusés de jouer les bons apôtres et a déclaré que nos amendements relevaient de la manœuvre politicienne ; M. le ministre nous a répondu avec agacement que le Gouvernement s’était exprimé mille fois sur le sujet. Tout cela pour arriver à cette demi-mesure du collectif réduisant de moitié le montant de la taxe pour les contribuables nouvellement assujettis. Et voilà qu’hier, le Président de la République a décidé – les élections municipales et cantonales approchant – de maintenir l’exonération temporaire pour un an. Voilà où nous en sommes ! Les injonctions de l’Élysée ne font que repousser le problème, le pouvoir d’achat restant malmené. Preuve que nous ne faisons pas du bon travail, les prévisions du projet de loi de finances pour 2008 – que nous avons voté mardi – sont déjà fausses du fait de ce que nous allons adopter aujourd’hui. Il faudra d’ailleurs nous dire, Monsieur le ministre, si des amendements du Gouvernement doivent venir préciser la pensée présidentielle…

Ce texte porte encore quelques autres mauvais coups. Les Français pensaient naïvement que leurs mutuelles les protégeraient des franchises médicales. En intervenant dans les contrats entre assurés et mutuelles, l’article 45 quater leur montre qu’ils seront directement soumis aux franchises. Ce collectif comporte en outre des mesures qui augmentent encore les exonérations et les cadeaux consentis cet été par la loi TEPA. Vous avez déjà instauré l’impôt choisi. En doublant le plafond des sommes placées en fonds d’investissement de proximité et en exonérations d’ISF, vous montrez une fois de plus qu’il n’y en a jamais assez pour les nantis, et cela alors que nous n’avons pas encore eu de retour sur l’impact de la mesure !

Nous ne travaillons pas dans de bonnes conditions. Le Parlement est manipulé ; les Français ne sont pas entendus ; les réponses qu’ils obtiennent sont des réponses de circonstance. Nous ne pouvons décidément pas voter ce collectif (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jérôme Chartier – Les constats de M. Launay ont un côté un peu déprimant, surtout au vu de ce projet. Nous avons réussi à contenir la dépense publique et les déficits publics ; nous allons avoir des recettes fiscales supplémentaires. Bref, c’est une bonne loi de finances rectificative ! Nous y avons en outre introduit quelques dispositions fiscales opportunes comme la taxe poissons, qui ne pèsera pas sur le porte-monnaie des Français. Assise sur les chiffres d’affaires supérieurs à 762 000 euros, elle ne sera pas répercutée par le poissonnier, mais par le grossiste. La CMP a donc bien travaillé.

Avant de revenir sur les dispositions adoptées par la CMP, je souhaiterais faire trois remarques. D’abord, bien des choses ont certes changé depuis le 6 mai dernier, mais pas tout. Ainsi, le Président de la République n’est pas subitement entré dans l’hémicycle : conformément à l’esprit de notre Constitution, il y est depuis 1958 via des messages personnels ou par voie de presse interposée. Ses engagements, Dieu merci, se traduisent en actes, dont nous sommes ici saisis. En effet, les choses vont parfois vite, mais les Français n’attendent pas de nous que nous tergiversions : ils veulent de l’action !

M. Jean Launay – Ils ont plutôt de l’agitation…

M. Jérôme Chartier – Ensuite, la croissance, Monsieur Launay, est au rendez-vous puisqu’elle atteindra presque 2 % en 2007. Nos collègues socialistes prévenaient qu’elle ne dépasserait jamais 1,5 % : vous voyez que c’est déjà fait ! L’année prochaine s’annonce donc sous de bons auspices.

Enfin, nous débattrons tout à l’heure de l’exonération de redevance. Cessez donc de nous accuser d’emblée !

J’en viens aux dispositions adoptées par la CMP. Un amendement sénatorial exonère de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel les livraisons de chauffage aux logements particuliers, notamment sociaux. C’est très judicieux : les charges des ménages en profiteront.

S’agissant de l’affectation aux communes de la taxe sur le PMU, je regrette que le Sénat n’ait pas retenu la proposition de l’Assemblée. Le ministre partagera sans doute mon opinion.

Ensuite, le Sénat a élargi à son tour le champ du crédit d’impôt en faveur de l’industrie phonographique aux albums de nouveaux talents, dont la moitié au moins sont en français ou dans une langue régionale parlée en France – telle que le patois de la Marne (Sourire). C’est une disposition très favorable à la promotion de notre culture.

S’agissant de l’éco-pastille, M. de Courson a, comme de coutume, apporté d’utiles précisions. Là comme ailleurs, l’Assemblée a travaillé vite. Ne confondez pas rapidité et urgence !

M. Patrick Roy – La nuance est subtile…

M. Jérôme Chartier – Mais elle est importante : la qualité du travail de nos collaborateurs parlementaires, ainsi que de ceux du ministre, permet d’aboutir aux meilleurs dispositifs dans les délais les plus brefs. En l’occurrence, l’éco-pastille est viable : regardons-la fonctionner cette année et attendons la loi de finances pour 2009 pour, le cas échéant, revenir sur certains points comme son caractère familial.

Le groupe UMP votera donc ce texte, et souhaite manifester à M. le ministre que le plaisir qu’il a à travailler avec nous est partagé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Président – Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du Règlement, j’appelle l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.

M. Éric Woerth, ministre du budget L’amendement 1 est rédactionnel.

M. Carrez, rapporteur – Avis favorable.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

M. Éric Woerth, ministre du budget – L’amendement 2 vise à inclure la taxe « poisson » dans la base de la TVA, conformément à la directive européenne du 28 novembre 2006. S’agissant de sa déductibilité, j’ajoute que cette taxe sera neutre au regard des résultats des professionnels concernés.

M. Carrez, rapporteur – Nous aurions souhaité que cette taxe ait la même assiette que la TVA, de sorte que toutes deux s’appliquent sur le prix à la vente. Il a fallu y renoncer, car c’est impossible : supposons que la taxe « poisson » s’applique à un montant de 100 euros, il faut y ajouter deux euros de TVA – du coup, la taxe sera de 2,4 %. Par ailleurs, elle sera naturellement déductible de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu, puisqu’elle se perçoit en aval.

M. Patrick Roy – Quel bricolage !

M. Carrez, rapporteur – Au contraire : le Parlement tient ici tout son rôle et participe pleinement à l’élaboration de la loi !

M. Charles de Courson – J’ai jeté un froid sur la CMP en rappelant que, conformément au droit communautaire, la TVA s’appliquerait au prix majoré, ce que le ministre vient de nous confirmer. Le Gouvernement reversera-t-il donc l’équivalent de 2,4 % au fonds d’aide aux pêcheurs, ou 2 % seulement ? D’autre part, cette taxe peut-elle être assimilée à une charge, comme c’était le cas de celle dont nous avons tant débattu concernant l’équarrissage, qui était déductible ? Qu’en sera-t-il de la taxe « poisson » ? Enfin, un problème d’eurocompatibilité subsiste.

M. Patrick Roy – À force de travailler dans l’urgence, nous compliquons considérablement le travail parlementaire au point que nos jeunes collègues fraîchement élus s’en plaignent souvent. Il n’y a qu’à voir l’affaire de la redevance télé : défendre le maintien de l’exonération était le fait d’irresponsables… jusqu’au moment où vous avez changé d’avis. Aujourd’hui aussi, le Gouvernement cafouille et les explications laborieuses du ministre sont loin de nous avoir éclairés.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Je n’ai pas voulu vous imposer la litanie des articles du code concernés, mais tout est très clair ! (Sourires) La taxe est intégrable à la base de calcul de la TVA : il n’y a aucune discussion sur ce point. Quant à la neutralité, certes le commerçant paye sur 102, mais il bénéficie de la déduction de la taxe : le mécanisme est donc neutre pour le calcul de son résultat.

M. Jean Gaubert – Nous avons bien compris la mécanique, et surtout qu’elle assure un boni de 0,4 aux caisses de l’État. Mais ce boni sera-t-il rétrocédé à la filière pêche ? Vous aviez une autre solution pour que le système soit réellement neutre, et vous ne l’avez pas retenue. Est-ce dans le seul but de « détourner » ces fonds vers les caisses de l’État, qui entre nous en ont bien besoin ?

M. Éric Woerth, ministre du budget – Ce n’est pas si facile que cela à calculer. Nous allons travailler avec la filière sur les possibilités de reversement des autres cotisations sociales. S’il y a réellement un boni, nous aviserons, mais je vous avoue que les finances de l’État supporteraient bien quelques bonis…

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. Éric Woerth, ministre du budget – L’amendement 3 apporte une précision.

L'amendement 3, accepté par le commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Nous en arrivons aux explications de vote.

M. Jean Launay – Sur le sujet fondamental de la croissance, nous avions contesté vos estimations de 2,25 ou 2,5 % parce qu’elles nous semblaient exagérément éloignées des réalités. Aujourd’hui, la croissance va s’établir à 1,8 ou 1,9 %, bien en dessous de ce qu’il faut à notre machine économique.

S’agissant de la taxe « poisson », le rapporteur général a fait preuve de son opiniâtreté bien connue, mais la conviction du ministre m’a semblé beaucoup plus relative. Les interrogations techniques ne sont pas résolues, sans compter le problème de l’eurocompatibilité.

Enfin, je ne doute pas que la récente décision présidentielle sur la redevance télévisuelle soit appliquée avec la plus grande célérité. Elle aura donc des répercussions sur la loi de finances rectificative, qui n’ont pas été évoquées aujourd’hui.

M. Jérôme Chartier – Au début de la discussion budgétaire, Monsieur Launay, vous annonciez 1,5 % de croissance. C’était faire preuve d’un bien grand pessimisme, et les chiffres définitifs sont plutôt du côté des prévisions gouvernementales. La croissance a sa part de psychologie. C’est pourquoi il faut marquer notre volonté de poursuivre dans la réduction des déficits budgétaire, la contrainte des dépenses publiques et l’effort pour les dépenses d’avenir. Le Gouvernement y est plus que jamais déterminé, et l’UMP aussi. J’espère que le groupe socialiste va progressivement partager le même point de vue. Le groupe UMP votera ce collectif budgétaire.

M. Charles de Courson – Le Nouveau Centre aussi, mais il voudrait appeler chacun à se garder tant d’un pessimisme trop noir que d’un optimisme béat.

M. Jérôme Chartier – Nous ne sommes pas d’un optimisme béat.

M. Patrick Roy – Et chez nous, le pessimisme est rose.

M. Charles de Courson – La situation est difficile. Même si vous étiez au pouvoir, nous n’échapperions pas à une politique extrêmement active en matière de contrainte des dépenses publiques. Et cette situation est plus difficile que beaucoup le pensaient il y a encore six mois.

M. Patrick Roy – Surtout après la loi TEPA.

M. Charles de Courson – On peut faire de la démagogie, on peut jouer les pères Noël, mais cela ne dure jamais longtemps. Soyons raisonnables et votons cette loi de finances rectificative.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix compte tenu du texte de la CMP modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée, est adopté.

La séance, suspendue à 10 h 40, est reprise à 10 h 50.

DÉVELOPPEMENT DE LA CONCURRENCE AU SERVICE DES CONSOMMATEURS

L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire Ce projet de loi – qui vise à rendre du pouvoir d’achat aux consommateurs en renforçant la concurrence sur les biens de grande consommation – a été enrichi, au cours de son examen, de treize articles. Il en compte aujourd’hui trente-neuf. Ces apports permettront de renforcer la confiance des consommateurs en leur garantissant une plus grande transparence et une meilleure information.

Le passage au « triple net » – contrairement à ce qu’affirment certains à grand renfort de publicité – permettra aux distributeurs, s’ils le souhaitent, de revendre à prix coûtant. C’est un changement important, qui apparaissait encore en 2005 comme une révolution et suscitait le scepticisme, voire l’opposition, de nombre de parlementaires – dont je faisais partie. Les débats, et notamment la démarche progressive adoptée dans la loi Jacob-Dutreil, ont permis d’aboutir à un consensus, au point qu’en juillet, distributeurs et industriels faisaient du « triple net » l’une des revendications de leur plateforme commune.

Depuis lors, les distributeurs ont fait de la surenchère, réclamant la « négociabilité » des conditions générales de vente, allant jusqu’à nous accuser de voter une loi au bénéfice des marchés financiers. Nous devons donc faire de la pédagogie et expliquer que les distributeurs ont toute latitude de baisser leurs prix en intégrant la totalité des avantages financiers versés par leurs fournisseurs. S’ils ne le font pas, ils devront en assumer la responsabilité.

M. André Chassaigne – Ce n’est pas de la pédagogie, c’est de la propagande ! (Parole d’expert ! bancs du groupe UMP)

M. Michel Raison, rapporteur La CMP a rétabli la mesure, supprimée par le Sénat, qui permet aux grossistes de pratiquer un seuil de revente à perte minoré lorsqu’il s’agit de petits commerçants indépendants, ce qui contribuera à maintenir la compétitivité de ces derniers.

La CMP a également confirmé un article, introduit par le Sénat, qui modère les marges des pharmaciens d’officine, ce qui représente un gain de 100 millions pour l’assurance maladie et une économie de 30 millions pour les patients et les assurances complémentaires.

L’article 2 crée une convention unique retraçant la totalité de la relation commerciale, conclue avant le 1er mars, qui devrait permettre de rapprocher les négociations « à l’avant » des négociations « à l’arrière ». Notre assemblée a introduit une disposition, maintenue par le Sénat, qui permet d’adapter la convention à l’évolution, en cours d’année, de la négociation.

L’article 3 offre aux interprofessions agricoles la possibilité d’introduire dans des contrats type des clauses de révision en cas de variations fortes des cours des matières premières agricoles. La CMP a maintenu une disposition, introduite par les députés, qui sanctionne les prix abusivement bas en cas de hausse des cours. Dans le contexte actuel d’augmentation structurelle des prix des céréales ou du lait, c’est une bonne nouvelle pour les producteurs et les transformateurs.

La CMP a adopté la dépénalisation du refus de communication des CGV.

Elle a validé l’article, introduit par le Sénat, autorisant les commerces de détail d’ameublement à ouvrir le dimanche. Cet article a fait l’objet de longs débats.

M. Jean Gaubert – La pilule est amère !

M. Michel Raison, rapporteurJ’étais plus que réservé sur cette disposition, d’autant que l’auteur de l’amendement avait envisagé d’y inclure les commerces d’équipement de la maison et de bricolage.

M. Jean Gaubert – Ce sera pour le mois d’avril…

M. Michel Raison, rapporteur – Compte tenu de l’existence d’un accord collectif étendu très protecteur pour les salariés concernés, j'ai finalement souscrit à cette proposition ; je suis néanmoins conscient que, si elle peut régler certains problèmes en région parisienne, elle peut au contraire en provoquer en province. Cela étant, elle ne préjuge pas des conclusions que le Conseil économique et social s’apprête à rendre dans son avis sur le travail le dimanche.

La réflexion se poursuivra dans les prochaines semaines. Les règles actuelles sont excessivement complexes et sans doute inadaptées à certains types de commerces ou à certaines zones géographiques ; nous devons néanmoins procéder avec circonspection et ne prendre les décisions qu’après avoir réuni l’ensemble des éléments.

Au titre II, s’agissant des communications électroniques, l'Assemblée et le Sénat ont adopté l'article 6, qui limite à dix jours le remboursement des avances et des dépôts de garantie et fixe également à dix jours le délai de résiliation des contrats.

La CMP a maintenu l'ajout par notre Assemblée de l'article obligeant à mentionner sur les contrats la date de fin de l'engagement, ainsi que celui subordonnant à l'accord exprès des consommateurs la poursuite à titre onéreux de la fourniture de services accessoires.

L'article 7, qui consacre la gratuité des temps d'attente et l'accès aux services après vente via des numéros non surtaxés, répond à une demande exprimée de longue date par les consommateurs.

Le Sénat a suivi notre assemblée pour permettre au consommateur qui a signé un contrat de 24 mois de résilier son engagement par anticipation à partir du treizième mois, mais a ramené la pénalité de 33 % à 25 %. Les sénateurs ont également interdit que la durée minimale d'engagement soit supérieure à 24 mois ; ils ont accepté en CMP de supprimer l'interdiction – qu'ils avaient introduite – de subordonner le bénéfice de points de fidélité au réengagement du consommateur, convenant qu’elle pouvait avoir des effets pervers et remettre en cause le système des points de fidélité dans d’autres secteurs que la téléphonie.

La Haute assemblée a également souscrit à notre proposition de rendre effectives les allégations de gratuité de certains numéros pour les appels passés depuis des téléphones portables, ainsi que d'appliquer le tarif d'une communication nationale aux appels émis depuis un portable vers les services de renseignements téléphoniques. La CMP a validé le principe et amélioré la rédaction de la disposition obligeant ces services à informer du coût de la mise en relation préalablement à celle-ci.

Conformément à la volonté du Sénat, la totalité de ces mesures seront applicables aux personnes physiques, qu'elles agissent ou non à des fins professionnelles.

S'agissant du secteur bancaire, le relevé annuel des frais bancaires va enfin voir le jour, comme le réclamaient les associations de consommateurs. Notre assemblée a souhaité que ce relevé soit le plus exhaustif possible, et a donc inclus les agios.

Elle a également voulu renforcer la transparence sur les prêt immobiliers. Le Sénat a ajouté qu'une fois par an, le prêteur devra informer l'emprunteur du montant du capital restant à rembourser.

Les deux assemblées ont également enrichi le texte de dispositions qui concernent la consommation dans ses divers aspects – droit de renonciation du consommateur qui souscrit un contrat d'assurance dans le cadre d'un démarchage à domicile, mesures destinées à remédier aux abus constatés en matière de vente à distance, notamment dans le secteur du commerce électronique. L’Assemblée a ainsi rendu obligatoire l'information du consommateur sur les délais de livraison et le Sénat a fait obligation au professionnel de mettre à disposition un numéro de téléphone non surtaxé, a renforcé l'information sur le droit de rétractation et a posé le principe d’un remboursement sous forme de paiement, le remboursement sous forme d'avoirs ou de bons d'achat étant subordonné à l’accord du consommateur.

Le Sénat a souhaité que l'ensemble de ces dispositions soient applicables aux consommateurs et aux non-professionnels.

Mon homologue du Sénat et moi-même vous proposons aujourd'hui un amendement visant à préciser que l'ensemble des dispositions relatives à la vente à distance entrent en vigueur le 1er juin 2008.

Le Sénat a également introduit la faculté pour le juge de se saisir d'office des dispositions du code de la consommation.

Enfin, à l'initiative de la commission des lois, et plus précisément de nos collègues Bertrand Pancher et Jean-Luc Warsmann, notre assemblée a transposé la directive sur les pratiques commerciales déloyales. La CMP, je m’en félicite, est revenue sur la dépénalisation de ces pratiques souhaitée par le Sénat.

Quelques mots encore sur l'article 8 ter, qui autorise le Gouvernement à définir le montant et les modalités de versement de la redevance due par le futur exploitant – sous réserve d'ailleurs qu'il y en ait un – d'un réseau mobile de troisième génération.

Cet article introduit au Sénat par un amendement du Gouvernement a provoqué parmi nous un certain trouble : cette affaire de la quatrième licence aurait mérité davantage de débats ; l'Assemblée en a été privée par la procédure d'urgence, et je le regrette. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement, qui a été sous-amendé par M. Brottes et adopté à l'unanimité par la CMP, demandant au Gouvernement d’organiser un débat au Parlement avant toute mise en œuvre de cet article. Monsieur le ministre, je souhaite que vous preniez devant nous l'engagement de vous y conformer.

Agir vite pour renforcer la concurrence et rendre du pouvoir d’achat aux consommateurs : tel est l’objet de ce projet. De grands dossiers nous attendent encore ; ils seront débattus à l'occasion du projet de loi de modernisation de l'économie. Je souhaite que nous soyons pleinement associés à ce travail, mais je ne doute pas que le président de la commission des affaires économiques y veillera.

Pour terminer, je tiens à remercier tous ceux qui ont participé activement à ces débats, ainsi que nos collaborateurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. André Chassaigne – Le Sénat a accompli la prouesse d’aggraver encore le contenu d'un texte déjà mauvais ! Il est détestable de remettre ainsi en cause des acquis sociaux en catimini, sans débat en commission ni discussion préalable avec les partenaires sociaux. Chapeau bas, Monsieur le ministre ! Vous êtes très fort quand il s'agit de saigner la France du travail au profit de la France des dividendes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Deflesselles – C’est Zola !

M. André Chassaigne – À la détérioration du pouvoir d'achat, la seule riposte valable consiste à revaloriser les salaires, à maîtriser les loyers, à baisser le prix de l'énergie, à remettre en question les rentes de situation des compagnies des eaux, à en finir avec les pratiques bancaires abusives. Tournant le dos à cette politique audacieuse, vous laissez croire que la solution est au contraire de libéraliser et de déréglementer.

Ainsi, vous vous attaquez au repos dominical, acquis social qui s'enracine dans une tradition séculaire, je dirais même millénaire, qui veut que tout créateur ou travailleur se repose après une semaine de dur labeur.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Vous avez lu la Bible, c’est bien !

M. André Chassaigne – Ce repos dominical permet de méditer, de se réunir en famille, d’échanger avec ses enfants, et plus largement de maintenir les liens sociaux nécessaires à l'équilibre de tout individu.

Mme Laure de La Raudière – Amen !

M. André Chassaigne – En ouvrant une brèche supplémentaire dans cette tradition, vous renforcez l'atomisation de notre société, vous la déstructurez encore un peu plus ; et vous préparez la déréglementation généralisée des horaires hebdomadaires. De même que la remise en cause des régimes spéciaux de retraite prépare une nouvelle dégradation du régime général, celle du repos dominical prépare une refonte du Code du travail inspirée par le Médef.

Je reconnais que cet amendement adopté au Sénat est pleinement cohérent avec le reste du projet : l’objectif est toujours de doper les profits de la grande distribution. Vous lui offrez à celle-ci un cadeau indécent en permettant l'ouverture le dimanche, au lieu de remédier à la faiblesse des rémunérations des salariés ; et vous institutionnalisez tant la concurrence déloyale des grandes surfaces à l’égard du petit commerce que le racket de la grande distribution sur les petits producteurs.

La loi Galland, certes, n'était pas parfaite, mais elle avait le mérite de protéger le petit commerce en mettant un terme à la pratique de prix d'appel abusivement bas, même si elle a été dévoyée par le développement des marges arrière. En proposant sous l'influence de la grande distribution d'intégrer la totalité des marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte, le Gouvernement veut en réalité revenir à cette pratique des prix d'appel prédateurs. Par cette disposition, le seuil de revente à perte va baisser de manière dramatique, et la chute brutale des prix d'achat aux fournisseurs aura des conséquences très graves pour les PME et les producteurs agricoles, ainsi que sur les conditions de travail dans la distribution. La guerre des prix risque de conduire à la disparition du petit commerce de proximité.

Ce projet est une première étape, avant la fin des restrictions à l'implantation de grandes surfaces, préconisée par la commission Attali. L’artisanat et le commerce alimentaires de proximité emploient encore 428 000 personnes, contre 636 000 pour la grande distribution, et ils ont créé 3 600 emplois nets en 2006, contre 1 200 dans la grande distribution ; en outre, le petit commerce contribue à l'aménagement du territoire et à la sociabilité rurale et urbaine, alors que le développement des zones commerciales accompagne la « rurbanisation » et l'artificialisation des terres.

À terme, quand elle aura fait disparaître le petit commerce, la grande distribution pourra augmenter ses prix de vente, d’autant plus facilement que les grands réseaux, de plus en plus concentrés, disposent d'un monopole de fait dans chaque zone. Non seulement le consommateur n’y gagnera donc pas, mais il sera obligé d'utiliser sa voiture pour faire ses courses, ce qui augmentera ses dépenses d'essence et aggravera la pollution…

Les personnes âgées devront s’approvisionner dans de grandes surfaces labyrinthiques, éloignées de leur domicile, tandis que les marges arrière viendront s’ajouter aux bénéfices des grandes centrales d’achat – 1 857 millions pour Carrefour en 2006, 600 millions pour Casino !

Quant aux producteurs, la baisse des prix de vente leur bénéficie bien moins qu’aux distributeurs : ce sont les centrales d’achat – cinq d’entre elles, responsables de plus de 86 % des achats de la grande distribution, s'approvisionnent, directement ou non, auprès de 590 000 exploitations agricoles – qui fixent les prix de leurs fournisseurs, lesquels en viennent, malgré les tentatives d’organisation de la profession agricole, à pratiquer des prix de vente inférieurs à leur coût de production, ce qui menace la survie même de leur exploitation. Le même rapport de forces préside aux rémunérations consenties au titre de la coopération commerciale.

Or la suppression des marges arrière annoncée par Nicolas Sarkozy, véritable tour de passe-passe, préserve en réalité des rémunérations qui dépassent parfois la moitié du prix, le plus souvent sans la moindre « coopération commerciale » – du reste de moins en moins justifiée. On institutionnalise des marges arrière qui ont augmenté de 32,5 % en 2005, puis de 33,1 % en 2006, au lieu de mettre fin à une pratique opaque, propice à tous les abus, qui expose le fournisseur réticent au risque d’être « déréférencé » par le distributeur... Un ami coutelier vient de me détailler le véritable parcours du combattant auquel s’apparente la négociation avec certain grand distributeur, au point de rendre trop coûteuse la fabrication des produits en Chine : c'est proprement écœurant ! Notre amendement visant à remédier à cette situation par l’obligation de mentionner en pied de facture les accords de coopération commerciale consentis en contrepartie des rémunérations a malheureusement été repoussé.

De même, notre proposition de double affichage du prix de vente au consommateur et du prix d’achat au producteur, qui aurait placé devant leurs responsabilités les distributeurs, souvent accusés par consommateurs et producteurs de ne répercuter que les hausses de prix à la production, jamais les baisses, et de prélever une marge excessive, cette proposition, dis-je, a été votée par l'Assemblée le 27 novembre au soir, mais repoussée par le Sénat, sur lequel vous avez fait pression, Monsieur le Ministre…

M. Michel Raison, rapporteur – Ah non !

M. André Chassaigne – J’ai ici le compte rendu des débats, Monsieur le rapporteur ! Au mépris du vote de notre Assemblée…

M. Patrick Ollier, président de la commission – Le mot est excessif !

M. André Chassaigne – …, M. le ministre a même proposé, par dérision, un affichage en francs !

M. Michel Raison, rapporteur – Vous confondez mépris et humour !

M. André Chassaigne – Mépris, je le maintiens ! Les quelques avancées que propose notre Assemblée sont aussitôt battues en brèche pour complaire aux groupes de pression de la grande distribution…

Quand cesserez-vous de défendre les plus aisés contre les plus modestes, de mener une véritable politique de classe ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Mallié – C’est la lutte des classes !

M. Guy Geoffroy – L’Union soviétique n’existe plus !

M. Richard Mallié – C’est bien là ce qu’il regrette !

M. André Chassaigne – Et vous, vous n’hésitez pas à aller à l’abreuvoir !

Pour toutes ces raisons, et malgré les dispositions renforçant les droits des consommateurs dans les secteurs de la banque et des communications électroniques, dont nous nous étions faits, avec d’autres, les avocats, le groupe GDR votera contre ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Charles de Courson – Le groupe Nouveau Centre se réjouit des débats intenses et constructifs que ce texte a suscités à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Très attendu par les Français – dont de récentes enquêtes d’opinion montrent que le pouvoir d’achat est leur préoccupation principale, aggravée par la hausse du coût des matières premières, qui rejaillit sur les prix des produits alimentaires –, ce projet résulte du débat sur le pouvoir d’achat, l’un des plus importants de la campagne présidentielle. Deuxième pilier de l'action du Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat après la loi TEPA, il sera complété par le projet de loi sur le pouvoir d’achat, en cours de discussion, et par la loi de modernisation de l'économie qui sera examinée au printemps.

Les mesures de modernisation des relations commerciales incluses dans le texte permettent de réformer une loi Galland qui, de l’aveu de tous, a échoué à empêcher de graves dérives : la fixation des prix s'est progressivement transformée en une opération d'entente entre grands industriels et grands distributeurs, au détriment des consommateurs et des PME. Comme le rappelait M. Dionis du Séjour en première lecture, les marges arrière demeurent l’un des nids de la corruption à la française. Après avoir tiré profit du système, la grande distribution elle-même a pris ses distances à l’égard d’un dispositif qui s’est emballé sous l’effet de la hausse des matières premières et dont la loi Dutreil, qui a autorisé en 2005 les distributeurs à réintégrer une partie des marges arrière dans leur prix de vente final, n'a pas suffi à enrayer le mécanisme inflationniste. Lors de l’examen de ce dernier texte, nous étions les seuls à demander la suppression totale des marges arrière ; notre position n’a pas varié depuis lors. Nous sommes ravis de découvrir tant de nouveaux convertis ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean Gaubert – Nous aussi !

M. Charles de Courson – Mais l'article premier, qui fixe à juste titre au « triple net » le seuil de revente à perte, ne profitera pas aux consommateurs tant que nous n’aurons pas supprimé la non-négociabilité des conditions générales de vente et réintégré la coopération commerciale dans le contrat unique de négociation. Nous regrettons, Monsieur le ministre, que ce débat soit renvoyé à la prochaine loi de modernisation de l'économie.

S’agissant de l’amendement sénatorial relatif à l'ouverture dominicale des commerces de détail d'ameublement, les débats, au Sénat comme au sein de la CMP, ont montré combien le sujet est controversé. La généralisation progressive de l’ouverture dominicale – à laquelle les grandes enseignes implantées dans des villes importantes sont favorables, à la différence des magasins indépendants situés dans des villes moyennes – ne doit pas pénaliser le commerce de détail au profit de la grande distribution. En outre, d’éventuelles dérogations ne seront à nos yeux justifiées que par la situation spécifique des entreprises situées en zone frontalière – car l’ouverture dominicale que pratiquent certains de nos partenaires européens ne doit pénaliser ni nos emplois, ni notre société – ou que si des mesures négociées avec les partenaires sociaux pourvoient au repos dominical des mères, à la majoration des taux horaires et à la récupération.

M. Richard Mallié – Nous sommes d’accord !

M. Charles de Courson – Le maintien d’une approche décentralisée permettra de prendre en compte la diversité des situations économiques. Le président de la commission des affaires sociales lui-même souhaite que le Gouvernement reporte l’application du dispositif jusqu’à la discussion du projet de loi sur la modernisation de l’économie, qui pourrait permettre de l’étudier de manière approfondie.

MM. Christian Eckert et Jean Gaubert – Il suffit de ne pas voter le texte !

M. Charles de Courson – D’autre part, le projet permet à la concurrence de s’exercer dans deux secteurs – communications électroniques et services bancaires – qui se caractérisent par la spécificité de l’offre et par des pratiques anticoncurrentielles. Le marché des télécommunications, secteur de plus en plus stratégique que l’on a cherché ces dernières années à fluidifier, n’est plus concurrentiel dès lors que les opérateurs semblent s’être entendus pour stabiliser leurs parts de marché (« Vous croyez ? » et sourires sur les bancs du groupe SRC) – à 49 % pour Orange, 35 % pour SFR, 16 % pour Bouygues.

Si nous sommes très satisfaits de l'ouverture d'une quatrième licence, dont un amendement adopté par le Sénat permettra au Gouvernement de déterminer par décret les modalités financières, puis de lancer un nouvel appel d'offre, le Parlement ne doit pas être dessaisi de cette question essentielle pour notre économie, pour nos industries et pour l’aménagement du territoire…

M. Jean Gaubert – Très bien !

M. Charles de Courson – …comme nous l’avons indiqué en CMP.

Enfin, dans le secteur bancaire, nous nous réjouissons de l’adoption de l’amendement du rapporteur que nous avions cosigné et qui oblige les banques à intégrer les agios au relevé annuel des frais bancaires. L’augmentation de ces derniers, leur complexité et leur montant, apparemment peu justifié, ont contribué pour beaucoup à dégrader l’image des banques. Désormais, le consommateur, mieux informé, pourra négocier avec son banquier et, le cas échant, faire jouer la concurrence. On aurait cependant pu aller plus loin, notamment en instaurant, sur le modèle du Royaume-Uni – où le taux de mobilité bancaire est très supérieur au nôtre –, un service d'aide au changement de compte. C’est à quoi tendait l’un de nos amendements, adopté par la commission des affaires économiques mais repoussé en séance publique, et nous comptons y revenir dans la suite de la discussion du projet sur le pouvoir d'achat.

Le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce texte, qui, favorisant la concurrence tout en déterminant des règles claires, indispensables dans un contexte de relations commerciales tendues, améliorera le pouvoir d’achat et la protection du consommateur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Laure de La Raudière – Je tiens à vous remercier, Monsieur le ministre, de nous avoir communiqué bien en avance le texte du projet, nous permettant ainsi de l’étudier dans des conditions satisfaisantes.

M. Patrick Roy – En travaillant le dimanche ?

Mme Laure de La Raudière – Le groupe UMP tient également à remercier vos services pour la qualité des échanges qu’ils ont permise, et M. le rapporteur Raison pour son sens de l’écoute et pour le travail approfondi qu’il a réalisé sur l’ensemble des sujets auxquels touche ce texte.

En révisant l’encadrement des relations commerciales, le titre premier bouleverse le secteur de la grande distribution. En instaurant le triple net, donc en abaissant le seuil de revente à perte, la loi permet aux enseignes de pratiquer une véritable concurrence sur les prix. Ce n’est pas une réformette, mais une véritable réforme, dont les consommateurs seront les premiers à bénéficier.

M. Jean Gaubert – On verra !

Mme Laure de La Raudière – Certains au groupe UMP auraient souhaité aller plus loin dans la libéralisation des prix. Nous savons que le Gouvernement y réfléchit. Il conviendra en particulier d’envisager des mesures d’accompagnement destinées au petit commerce et aux PME, qui ne doivent pas être pénalisés par des mesures prises trop hâtivement.

En ce qui concerne l’ouverture des magasins le dimanche, nous avons suivi le Gouvernement pour ce qui est des magasins d’ameublement. Nous souhaitons toutefois appeler votre attention sur la grande disparité des situations et des besoins des consommateurs selon qu’on se trouve dans une grande agglomération ou dans une ville moyenne.

La seconde partie du projet tend à garantir une bonne concurrence dans deux secteurs emblématiques, celui des communications électroniques et celui des services bancaires, au sein desquels la concurrence jouait mal, du fait de la spécificité de certaines offres, de la nature des liens existant entre le fournisseur et le client, mais aussi de certaines pratiques dans lesquelles il convenait de mettre de l’ordre.

Ainsi, ce texte répond aux attentes des clients de la téléphonie mobile. Nous avons tous l’expérience de relations difficiles avec les opérateurs. Et plus les relations étaient difficiles, plus l’opérateur pouvait gagner d’argent.

M. Patrick Ollier, président de la commission – C’est vrai !

Mme Laure de La Raudière – Il fallait attendre longtemps au téléphone, et ce temps d’attente était facturé ; ou bien encore, il était difficile de résilier un contrat.

Ce projet réalise de grandes avancées. Il impose, tout d’abord, la gratuité du temps d’attente lors des appels aux services d’assistance. Il est vrai que certains opérateurs l’avaient déjà décidée, suite à la médiation du Gouvernement, mais la pratique était loin d’être généralisée. Ensuite, il interdit aux opérateurs d’utiliser des numéros surtaxés dans les relations avec leurs clients. Enfin, l’usager pourra résilier son contrat à partir du douzième mois, moyennant un dédit raisonnable.

Nous avons débattu de la généralisation de la non-facturation du temps d’attente à tous les centres d’appel. Il n’est, en effet, pas normal de payer alors qu’aucun service n’est rendu, mais une telle mesure est en l’état actuel de la technique impossible à mettre en œuvre aujourd’hui. Le Parlement a donc été sage de ne pas l’adopter.

M. Patrick Ollier, président de la commission – C’est vous qui nous avez éclairés !

Mme Laure de La Raudière – Cependant, il convient d’étudier les moyens de faire progresser la technique, afin d’apporter rapidement une réponse aux consommateurs.

En ce qui concerne le quatrième opérateur de téléphonie mobile, je me réjouis que le Parlement ait la possibilité d’en débattre.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Très bien !

Mme Laure de La Raudière – Cela nous permettra d’étudier les différents scénarios possibles pour le développement de la concurrence dans le secteur.

Enfin, le texte renforce les droits des consommateurs dans les relations avec les banques, en généralisant le recours au médiateur, et je m’en réjouis.

Au moment où le pouvoir d’achat est la principale préoccupation des Français, ce texte permet de développer la concurrence dans des secteurs très importants pour la vie quotidienne de chacun. Le groupe UMP y est très favorable et y apportera son plein soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Gaubert – Nous arrivons au terme d’une discussion dont nous ne pouvons pas dire qu’elle ait été très constructive. Cela ne doit pas vous être reproché, Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, car vous étiez pieds et poings liés, par des décisions qui vous échappent complètement. En effet, nous avons plutôt légiféré au rythme des déclarations de M. Michel-Édouard Leclerc, qui n’était lui-même que le héraut des conclusions du serment du Fouquet’s (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). D’où un texte incomplet, bancal et largement inefficace.

Ce texte est incomplet, tout d’abord, car l’action de groupe en est absente, alors même que le ministre qui défend ce projet l’avait théorisée, en tant que député.

M. Patrick Roy – Pour le Gouvernement, ce n’est pas urgent !

M. Jean Gaubert – Ce n’était pas le jour, Monsieur le ministre ; il fallait encore convaincre dans vos rangs.

M. Bernard Deflesselles – Pas du tout !

M. Jean Gaubert – Nous avions, au groupe socialiste, formulé une proposition raisonnable puisque limitée aux associations de consommateurs reconnues et assortie d’une procédure de recevabilité. Mais comme vous ne deviez rien accepter de nous, et très peu de l’UMP, vous n’avez pu faire valoir votre point de vue.

La transparence est certes améliorée dans le secteur des banques et des assurances, mais le texte ne contient rien non plus sur le surendettement. « Cela tuerait l’économie », nous répondiez-vous, Monsieur le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur – Je n’ai pas dit cela !

M. Jean Gaubert – Vous avez dit qu’il ne fallait pas « freiner » l’économie ; dont acte. En attendant, vous laissez tuer des familles par le surendettement. Ne pas légiférer favorise les organismes de crédit à la consommation, qui font leur beurre sur le dos des plus fragiles.

Enfin, ce texte est réduit à la peau de chagrin s’agissant des appels surtaxés. Et l’amendement de Mme Zimmermann a été rejeté ; les lobbies ont été entendus ! Comme l’a rappelé M. de Courson, le lobbying des opérateurs est puissant.

Ensuite, ce texte est bancal. Sur les marges arrière, Monsieur de Courson, vous faites erreur : les socialistes étaient déjà favorables à la suppression des marges arrières au moment de la loi Dutreil, comme vous. Et nous le sommes encore. La différence, c’est que, vous, vous dites que vous n’êtes pas d’accord mais vous voterez, tandis que nous, nous ne sommes pas d’accord et nous ne voterons pas.

M. Patrick Roy – Eh oui ! Nous sommes cohérents.

M. Bernard Deflesselles – Vous êtes surtout dans l’opposition !

M. Jean Gaubert – On a essayé de moraliser à plusieurs reprises, en 1996, en 1999, en 2005 ; aujourd’hui, vous promettez d’y revenir en 2008 ou 2009. Mais peut-on ainsi reporter quand il s’agit d’un système mafieux ? Je dis bien mafieux car ceux qui sont lésés ne peuvent pas porter plainte ni témoigner, de crainte d’être tués économiquement par les grands distributeurs.

Par ailleurs, le SRP n’est pas un véritable seuil de revente à perte, puisqu’il ne prend pas en compte un certain nombre de charges obligatoires des magasins – et je ne parle pas des charges de personnel : vous avez beau parler de pouvoir d’achat, le personnel des grandes et moyennes surfaces n’a pas été au centre de vos préoccupations. Comme nous l’avons dit, ce SRP permettra aux surfaces généralistes de tuer les surfaces mono-produits.

Vous n’avez pas non plus voulu traiter le scandale du retour des invendus, ni les délais de paiement, ni le référencement, toutes ces pratiques qui permettent à la grande distribution de faire de l’argent sur le dos des PME et des consommateurs. M. Leclerc – toujours lui – a déclaré que les délais de paiement représentaient 11 milliards. Les taux d’intérêt étaient alors de 3 % ; comme ils sont aujourd’hui de 5 %, c’est de 18 milliards qu’il s’agit en fait, dont les deux tiers pèsent sur les PME. Cela ne vous fait ni chaud, ni froid.

Enfin, ce texte est inefficace. Pour redonner du pouvoir d’achat, il s’agissait de jouer sur les délais de paiement : vous n’avez pas voulu le faire. Il fallait aussi aller jusqu’au bout sur les communications surtaxées : vous n’avez pas voulu non plus. Vous avez en revanche donné satisfaction à ceux qui considèrent que la bonne solution est de vendre des téléphones à crédit et de « tenir » les acheteurs avec des formules contestables.

M. Frédéric Lefebvre – Nous avons déposé des amendements avec M. Migaud ! Soyez honnête !

M. Jean Gaubert – Ce sera comme en 2005 : vous direz que les prix ont baissé, mais les consommateurs ne le verront pas ! Faut-il vous rappeler l’enquête de Familles rurales de 2006, qui avait conclu à des hausses sur l’ensemble des produits, y compris pour les marques distributeur ?

Bref, c’est encore un coup d’épée dans l’eau, sans parler du scandaleux comportement du Gouvernement. Tout le monde – associations culturelles, sportives, familiales ou religieuses, syndicats de salariés, propriétaires de petites et moyennes surfaces d’ameublement – est contre l’ouverture des commerces le dimanche.

M. Bernard Deflesselles – Pas du tout !

M. Jean Gaubert – Vous le savez du reste comme nous. Des collègues de l’UMP m’ont d’ailleurs demandé de m’y opposer en tant que membre de la CMP ! Certains ont même contesté votre réponse lors de la séance de questions d’hier, Monsieur le ministre.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Vous n’arriverez pas à nous diviser, Monsieur Gaubert !

M. Jean Gaubert – Il y a en effet des choses qui nous séparent. Nous aimons mieux voir les jeunes au stade plutôt qu’au supermarché, ce nouveau temple du vingt-et-unième siècle.

L’ouverture des commerces le dimanche augmentera-t-elle le pouvoir d’achat des consommateurs ? Non. Simplement, ils achèteront dans les grandes surfaces implantées à la périphérie des villes plutôt que dans les petites. En clair, ce sera Ikea plutôt que Monsieur Meuble !

On nous dit qu’il faut légiférer parce que certains sont hors la loi. Ainsi, il suffirait désormais d’être hors la loi pour que le Parlement modifie cette loi ! Il me semblait pourtant que lorsqu’on est dans ce cas, on doit s’attendre à être convoqué au tribunal, et non demander au Parlement de vous sauver la mise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) C’est pourtant ce qui s’est passé, et cela fera date dans les annales de l’Assemblée.

On nous dit encore qu’il s’agit d’un amendement d’origine parlementaire. Ce n’est pas à de vieux élus qu’on la fera !

Il y a un autre scandale, à propos de la quatrième licence. Pourquoi n’avez-vous pas voulu présenter cet amendement au demeurant intéressant à l'Assemblée nationale, Monsieur le ministre ? Non seulement il n’y a pas d’urgence, mais vous étiez prêt bien avant la semaine dernière ! Il y a là un mépris des députés, mais aussi des sénateurs, puisque vous laissez entendre qu’ils seraient plus dociles.

Bref, ce texte est une occasion ratée. Ce n’est pas grave, répondrez-vous selon une méthode désormais éprouvée, puisque nous nous reverrons après les municipales. De grâce, faites enfin une loi parfaite, au lieu de dire qu’elle ne l’est pas mais qu’on y reviendra ! Ne vous servez pas d’un prochain texte pour évacuer les débats !

M. Bernard Deflesselles – Vous ne seriez pas un peu donneur de leçons ?

M. Jean Gaubert – Le coup médiatique que vous avez tenté a fait « plouf », en particulier sur l’ouverture des commerces le dimanche. Les consommateurs constateront rapidement qu’ils n’en tirent aucun bénéfice. Les PME, elles, ont déjà compris : les GMS gagneront sur tous les fronts. Les dirigeants de Leclerc, Metro, Ikea ou Conforama peuvent vous féliciter dans leurs cartes de vœux, Monsieur le ministre. Pour notre part, nous voterons clairement contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Roy – Rappel au Règlement. Une fois de plus, on nous annonce lors d’un débat qui devrait être sans surprise…

M. le Président – Sur quel article fondez-vous votre rappel au Règlement ?

M. Patrick Roy – Sur l’article 58 ! (Rires sur les bancs du groupe UMP) On nous annonce donc, disais-je, l’ouverture des commerces le dimanche – dont nous n’avons jamais débattu dans le cadre de ce projet (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Ollier, président de la commission – Cela n’a rien à voir avec un rappel au Règlement !

M. Patrick Roy – Mais si, mes chers collègues !

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Patrick Roy – Lorsque mes électeurs vont m’interpeller sur le travail le dimanche, je serai bien obligé de leur dire que nous n’en avons pas débattu et que j’ai dû faire un rappel au Règlement pour pouvoir en parler quelques secondes devant la petite quinzaine de députés qui étaient présents… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy – Vous êtes trois socialistes !

M. Patrick Roy – C’est tout de même surprenant, alors que le président Méhaignerie lui-même a pris la parole pour dire combien il était mécontent – et pour une fois, nous l’avons applaudi. Vous me direz que cette ouverture ne concerne que les magasins de meubles. Mais vous savez bien que c’est ouvrir la porte aux autres !

M. André Chassaigne – Très pertinent !

M. Bernard Deflesselles – Flagorneur !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Ce n’est pas la démagogie qui transformera ce que vous dites en vérité, Monsieur Roy.

M. Patrick Roy – On veut toujours nous faire taire !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Le travail que vous-même et vos services avez entrepris avec ce texte, Monsieur le ministre, est un travail utile à l’intérêt général.

M. Patrick Roy – On n’a pas parlé du travail le dimanche !

M. Patrick Ollier, président de la commission Et je tiens à dire que la majorité était d’accord pour que l’urgence soit déclarée sur ce texte. Ce que vous avez dit n’est pas acceptable, Monsieur Gaubert. Vous avez fait voter la loi Nouvelles régulations économiques en 2001 : que n’avez-vous réglé alors le problème des marges arrière !

Mme Marylise Lebranchu – Nous allons l’expliquer.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Il faut être prudent : les boomerangs reviennent souvent dans la figure de ceux qui les envoient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous approuvons pour notre part ce texte, car des décisions s’imposaient sur les relations commerciales. L’action de Nicolas Sarkozy a tout de même permis – vous étiez alors président de la mission d’information que j’avais lancée, Monsieur le ministre – de diminuer de 3,5 % les prix des grandes marques. Ne feignez pas de l’ignorer, Messieurs : les effets sont indéniables !

Quant au calendrier, laissez donc la majorité et le Gouvernement en décider. Des rendez-vous ont été fixés : ils seront respectés. Luc Chatel a pris une part prépondérante, en son temps, au débat sur l’action de groupe. Le problème sera donc réglé, mais quand le Gouvernement aura achevé les négociations sur le sujet.

Mme de La Raudière a fort bien expliqué les progrès que ce texte permettrait s’agissant des prix des télécommunications. D’autres doivent être réalisés, notamment sur les temps d’attente, mais il y a une difficulté technique à régler.

En ce qui concerne le secteur bancaire, je tiens à rendre hommage au rapporteur pour son remarquable travail (assentiment sur les bancs du groupe SRC). M. Raison a défendu avec courage ce que nous avions décidé, et cela mérite d’être reconnu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Ce texte est donc un bon texte. Je ferai cependant une observation sur la forme. L’urgence ayant été déclarée, nous avons été surpris de voir apparaître des amendements au Sénat. Au nom de la commission, je tiens à dire que nous avons mal vécu cet épisode (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Je ne vous demande pas de m’applaudir : je veux simplement que l’on respecte le Parlement et que nos collègues sénateurs sachent que nous n’accepterons plus cette méthode. Je reconnais néanmoins que certains problèmes devaient être réglés d’urgence. Un groupe de travail présidé par M. Mallié réfléchit justement à l’ouverture des commerces le dimanche. Je suis à titre personnel réticent à l’égard d’une ouverture systématique, mais en tant que président de la commission, j’accepte le débat. C’est un travail qui prend du temps. S’agissant des magasins de meubles, le Sénat a saisi l’occasion de régler un problème. J’ai approuvé cet amendement, dès lors qu’on excluait une liste inacceptable. Attendons pour décider si on peut aller plus loin.

Enfin, l’amendement relatif à la quatrième licence m’a également surpris. Pure question de forme : le débat, sur ce sujet, est impératif. Nous allons donc sous-amender votre amendement afin que l’Assemblée puisse se prononcer en toute connaissance de cause.

Que l’opposition se rassure : lorsqu’une question se pose, l’Assemblée s’en saisit et dialogue avec le Gouvernement pour la résoudre. Je ne peux pas laisser dire que l’on ne respecte pas le Parlement : certaines choses, en effet, sont inacceptables, et c’est notre rôle de veiller à ce qu’elles ne se reproduisent plus. Quant à ce texte, la majorité unie lui apportera tout son soutien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marylise Lebranchu – Rappel au Règlement. Je rappelle à M. Ollier que c’est M. Charié, membre de votre majorité, qui avait défendu la suppression des marges arrière lors de l’examen de notre texte de régulation économique. L’opposition de l’époque avait d’ailleurs voté ces dispositions. Hélas, le système de contrôle que nous avions alors envisagé n’a jamais été mis en place. Or, bien des PME refusent encore de justifier leurs comptes de peur de dégrader leurs relations avec la grande distribution. Celle-ci clame que les marges arrière lui permettent de négocier avec les grands producteurs européens : c’est oublier les deux tiers des PME !

Quant au débat sur le travail du dimanche, le Parlement en est privé. On vient pourtant d’annoncer à ceux qui gagnent moins de 1 100 euros par mois qu’une négociation s’ouvrira bientôt pour les magasins d’ameublement. Ainsi, des chefs de rayon, qui gagnent cinquante euros de plus que leurs collègues et dont la présence est indispensable, seront contraints de renoncer à leur repos dominical. Et ce dossier si lourd échappe à la souveraineté du Parlement !

M. Patrick Ollier, président de la commission Ce n’est pas un rappel au Règlement !

Mme Marylise Lebranchu – Si, certainement davantage que lorsque M. Lefebvre commente un communiqué de presse de M. Ayrault. Le travail du dimanche est une question de société. Le Président de la République se soucie volontiers des enfants seuls après l’école : que fera-t-il des enfants seuls en fin de semaine ? La majorité fait une erreur. J’espère qu’elle s’en rend compte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Fréderic Lefebvre – Rappel au Règlement. Hier, M. Ayrault s’est contenté de venir en séance pour multiplier les rappels au Règlement tout en s’absentant par ailleurs pour faire des communiqués dont nous n’avons pu débattre.

M. Jean Gaubert – Où est M. Copé ? À son cabinet ?

M. Patrick Roy – C’est un député à temps partiel !

M. Fréderic Lefebvre – D’autre part, l’opposition ne cesse depuis hier de mettre en cause les amendements d’origine parlementaire. Comment, dès lors, entendez-vous revaloriser le rôle du Parlement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme  Au terme de ce débat, je tiens à remercier le rapporteur pour la très grande qualité de sa contribution, et le président Ollier pour avoir laissé la commission jouer tout son rôle tout en soutenant l’action du Gouvernement.

Ce texte important est le deuxième volet de notre action en faveur du pouvoir d’achat. Après les salaires, nous agissons sur les prix, via la concurrence dont je rappelle qu’elle n’est pas un objectif, mais un moyen d’améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs. Le triple net est une avancée audacieuse, comme l’a rappelé le rapporteur : il permettra d’accroître la concurrence entre distributeurs et la transparence des relations commerciales. Il nous faudra aller plus loin encore : Mme Hagelsteen, ancienne présidente du Conseil de la concurrence, travaille d’ores et déjà à la question de la négociabilité, mais les chantiers sont nombreux, des délais de paiement à l’abus de position dominante.

MM. Gaubert et Chassaigne prétendent que ce texte sert les grands distributeurs, qui auront à cœur de me remercier à l’occasion des fêtes. Ce n’est pourtant pas ce que je lis dans la presse nationale !

M. Jean Gaubert – En effet : ils vous demandent encore un petit effort !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Comment pouvez-vous critiquer d’une même voix les marges arrière et la négociabilité ? Vous affichez une hostilité aux grands distributeurs tout en présentant des amendements qui reprennent leurs propositions ! De même que vous souhaitez réduire les délais de paiement tout en augmentant le pouvoir d’achat : comment est-ce possible ?

Ensuite, s’agissant des services bancaires, le texte comporte également d’importantes avancées. J’en viens à l’amendement sénatorial concernant le travail du dimanche. Le repos dominical est un principe juridique ancien…

Mme Marylise Lebranchu – Instauré en 1906 !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État En effet. Toutefois, il fait aujourd’hui l’objet de pas moins de 180 dérogations.

Mme Marylise Lebranchu – Toutes justifiées, mais aucune dans le commerce !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État L’amendement en question ne concerne que le seul secteur de l’ameublement. Il canalise la volonté des consommateurs de pouvoir faire leurs achats le dimanche en famille, celle des entreprises de pouvoir ouvrir un jour où elles font près du quart de leur chiffre d’affaires et celle, enfin, des salariés qui, grâce à des conditions de rémunération très avantageuses, augmentent leur pouvoir d’achat. Le Gouvernement a donc naturellement soutenu cette mesure pour ce secteur précis. Nous souhaitons travailler plus avant avec l'Assemblée nationale, pour tenir compte, notamment, des disparités géographiques – la question ne se pose en effet pas de la même manière selon qu’on est dans la banlieue parisienne ou dans la campagne champenoise. Il faudra donc ensemble assouplir la législation en la matière, tout en préservant le principe général du repos dominical.

M. Patrick Roy – Travailler le dimanche ou préserver le repos dominical : il faut choisir !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État M. Ollier a réprouvé la méthode employée concernant la quatrième licence : le débat qu’il a réclamé à juste titre permettra à l’Assemblée de s’exprimer sur ce sujet.

Je remercie la majorité de son soutien à un texte qui bénéficiera aux consommateurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du Règlement, j’appelle l’Assemblée à statuer sur l’amendement dont je suis saisi.

M. Michel Raison, rapporteur – Un mot, avant d’en venir à l’amendement proprement dit, sur les marges arrière : ce n’est pas parce que l’Assemblée décide, au détour d’un amendement, de supprimer la coopération commerciale qu’elle disparaîtra vraiment ! Au contraire, son coût ne fera que se déplacer de l’arrière au sein même du prix, et la grande distribution n’en aura que plus de facilité à massacrer certains petits producteurs.

M. André Chassaigne – C’est du racket !

M. Michel Raison, rapporteur – Je ne comprends vraiment pas que vous défendiez somme toute la même position que Michel-Édouard Leclerc. Quant au surendettement, je refuse de mettre sous tutelle 95 % des Français sans pour autant régler le problème des 5 % surendettés.

L’amendement 1 dispose que les mesures applicables aux professionnels de la vente à distance ne s’appliqueront qu’au 1er juin, afin de leur permettre de s’y préparer. Ce délai est identique à celui que la commission mixte paritaire a ménagé pour les professionnels du secteur des communications électroniques. Le même amendement a été déposé au Sénat.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Le Gouvernement est favorable à cette harmonisation dans la mise en œuvre du texte.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

Mme Marylise Lebranchu – Nous avons salué les avancées de ce texte, ce qui prouve que nous sommes capables de nous entendre sur certains sujets. Mais nous conservons des regrets importants, à commencer par celui qui concerne l’action de groupe, devenue indispensable à la protection des consommateurs. On y viendra, mais il est dommage de ne pas avoir profité de ce texte. Nous connaissons les contraintes de calendrier de la majorité, mais prenez garde de ne pas repousser trop une décision importante et, au surplus consensuelle.

Nous resterons également extrêmement vigilants pour ce qui est de la négociabilité. Tirer sans cesse sur les prix a rendu extrêmement mauvaises les relations entre l’oligopole de la grande distribution et les petits producteurs. Pour remettre un peu d’éthique dans tout cela, il faut travailler ensemble à des mesures de contrôle. Beaucoup avaient d’ailleurs déjà été votées, mais n’ont jamais été mises en œuvre, faute de fonctionnaires suffisants…

Le problème, surtout en matière alimentaire, n’est pas forcément lié à la concurrence européenne ou mondiale mais à la différence des marges entre la distribution et la production. Aujourd’hui, en pleine crise à la fois des prix agricoles et des prix du gazole, certains producteurs arrivent à une valeur ajoutée nette nulle mais la grande distribution, elle, continue de s’assurer, à elle ou aux grands groupes, des marges extrêmement importantes. Nous devons travailler sur ce point ensemble.

Quant aux délais de paiement, il est sûr que les PME sont devenues la plus grande banque du pays ! Il est grand temps de se pencher sur le sujet. Un texte très intéressant existe d’ailleurs, qui a été rangé dans les tiroirs à la fin 2002 et n’en est jamais ressorti.

Enfin, nous sommes opposés à l’ouverture du dimanche. Nous sommes en train d’assister à une expansion extrêmement intéressante des commerces de centre-ville dans le secteur du petit ameublement et de la décoration, expansion qui tire vers le haut tout le commerce avoisinant. Ce sont des artisans et « designers » qui font très attention à leurs marges, mais qui craignent aujourd’hui de ne pas pouvoir tenir le coup s’ils doivent travailler tous les jours, car il est exclu de confier à un étudiant une tâche par trop complexe. Or, les grands magasins d’ameublement que vous avez servis avec votre amendement ont tous une offre de décoration. Au salon Meubles et objets, vous avez rencontré, Monsieur le ministre, toutes ces PME et TPE qui font des efforts extraordinaires de technologie et sont présentes sur le marché mondial. L’ouverture du dimanche va annuler ce petit plus pour la qualité de vie en centre-ville, va enlever le goût d’y aller. Nous mettons en danger aujourd’hui tout ce secteur d’activité, en attendant le tour d’autres. Certes, les grandes surfaces commerciales créent des emplois, mais il faut considérer la question dans son ensemble, pour construire la chaîne économique qui dégage la meilleure valeur ajoutée tout en protégeant le consommateur. Il nous faut un État stratège pour imposer enfin cette vision globale. L’ouverture du dimanche va favoriser les importations, au détriment de notre balance commerciale, et mettre à genoux des PME dynamiques (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Charles de Courson – Le Nouveau Centre votera ce texte. Certes, il y a encore beaucoup à faire, mais le projet de loi du printemps nous en donnera l’occasion. Quant à l’amendement voté, hélas sans discussion au fond, sur l’ouverture du dimanche, nous nous opposons à un libéralisme échevelé, mais nous sommes favorables à un assouplissement négocié avec les partenaires sociaux et bien réparti géographiquement. C’est ce qui nous semble raisonnable.

Plusieurs députés du groupe UMP – Très bien !

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l’amendement adopté par l’Assemblée, est adopté.

Prochaine séance : cet après-midi à quinze heures.

La séance est levée à 12 h 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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