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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 10 janvier 2008

Séance unique
Séance de 10 heures 30
96ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen, Vice-Président

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La séance est ouverte à dix heures trente.

TARIFS RÉGLEMENTÉS D’ÉLECTRICITÉ ET DE GAZ NATUREL
(deuxième lecture)

L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi relative aux tarifs réglementés d’électricité et de gaz naturel.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – Permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter à tous une très bonne année.

Je salue le travail de votre rapporteur, M. Lenoir, qui connaît fort bien le sujet et a su améliorer cette proposition de loi dès la première lecture. Déposée au Sénat, celle-ci avait d’ailleurs été élaborée en étroite concertation avec la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Elle répond à la double exigence d’une meilleure concurrence dans le domaine de l’énergie et d’une amélioration du pouvoir d’achat des consommateurs.

L'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz s'inscrit dans le cadre de la construction d'un grand marché européen. Afin d'assurer une ouverture maîtrisée au bénéfice des consommateurs, la France a fait le choix d'une ouverture progressive et le Parlement a voté quatre lois successives, dont la dernière date du 7 décembre 2006. Depuis le 1er juillet 2007, tout consommateur est donc libre de choisir son fournisseur de gaz et d'électricité pour chacun de ses sites de consommation. L’objectif est d'accroître la sécurité d'approvisionnement énergétique des Européens – donc aussi des Français – tout en assurant un prix compétitif de l'énergie.

La loi du 7 décembre 2006 permet aux consommateurs domestiques de choisir les offres des fournisseurs alternatifs et leurs nouveaux services. Mais certaines de ses dispositions ayant été censurées par le Conseil constitutionnel, elle présente des imperfections qui rendent la situation inintelligible pour nos concitoyens. Les consommateurs domestiques ont donc été très peu nombreux à opter pour les offres des fournisseurs alternatifs – 6 000 à 7 000 pour l'électricité et 13 000 pour le gaz fin septembre.

Il résulte en effet des dispositions en vigueur que lorsqu'un occupant a exercé l'éligibilité pour un logement, les occupants suivants n'ont plus la possibilité de choisir. Cela inquiète sans doute les propriétaires, qui s'interrogent sur l'impact que peut avoir l'exercice de l'éligibilité par un locataire et craignent de voir apparaître deux marchés de l'immobilier – logements bénéficiant des tarifs réglementés et logements n'en bénéficiant plus. Vous avez été nombreux à le dire, ce risque ne doit pas être sous-estimé.

Le Gouvernement avait donc proposé au Parlement de rechercher des solutions : c’est l'objectif de ce texte, qui introduit la règle du site/personne pour les consommateurs domestiques d'électricité et de gaz. Le dispositif sera ainsi plus souple, puisque chaque consommateur particulier pourra choisir, au moment de son emménagement, entre une offre tarifaire réglementée et une offre proposée par un fournisseur alternatif. Il sera aussi plus simple : pour les logements neufs comme pour les anciens, les nouvelles dispositions sont identiques pour le gaz et l'électricité. Il sera enfin plus juste, le choix d'un consommateur domestique ne dépendant plus de ceux faits par les précédents occupants du logement, et ceux des locataires pouvant être revus par les propriétaires à leur départ.

Pour le cas particulier de l'électricité, ces dispositions s'appliquent également, comme l’a souhaité le président Ollier, aux petits consommateurs professionnels.

En ce qui concerne les tarifs réglementés de l'électricité pour les consommateurs domestiques, vous avez profité de la première lecture pour rendre les dispositions de ce texte plus justes pour les consommateurs, mais aussi plus favorables au développement de la concurrence. Vous avez en effet voulu permettre à tout consommateur d'électricité de souscrire une offre aux tarifs réglementés après six mois d'une offre alternative – autrement dit la réversibilité totale – et le Sénat vous a suivis mardi soir. Tout consommateur pourra donc rompre avec les choix faits par les précédents occupants d'un logement et revenir, même s’il ne déménage pas, aux offres réglementées. Il pourra ainsi souscrire sans crainte une offre alternative et bénéficier des services innovants proposés par les opérateurs, ce qui devrait permettre de dynamiser l'ouverture du marché.

Afin d'éviter que certains clients profitent, comme cela s’est vu à l’étranger, d'une trop grande souplesse dans la rupture des contrats pour changer de fournisseur chaque semaine, vous avez prévu un délai minimal de six mois pour revenir aux tarifs réglementés.

M. François Brottes – Pour le téléphone, c’est quinze jours !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État La réversibilité partielle – et a fortiori totale – avait été censurée en 2006 par le Conseil constitutionnel, au motif notamment qu’on n’avait prévu aucune date limite. C’est pourquoi le texte fixe une échéance au 1er juillet 2010 : ce délai permettra au marché de mûrir et aux consommateurs de mieux connaître les offres des fournisseurs alternatifs. Il s'agit donc d'un dispositif transitoire.

La date du 1er juillet 2010 – qui a été beaucoup débattue et le sera peut-être encore ce matin – est cohérente avec la date limite prévue par la loi sur le droit au logement opposable pour l'accès des nouveaux sites aux tarifs réglementés de l'électricité. Je tiens à saluer la simplicité de ces propositions.

Cette limite ne signifie pas que les tarifs réglementés disparaîtront au 1er juillet 2010 – ce qu’aucun texte communautaire ne demande. Après cette date s'appliqueront tout simplement les règles d'éligibilité découlant de la décision du Conseil constitutionnel de 2006.

Cette proposition remédie donc à la situation «incohérente et injuste» créée par la censure du Conseil constitutionnel. Il s'agit de rétablir un droit compréhensible pour les consommateurs particuliers, de préserver leur pouvoir d'achat en leur permettant de bénéficier en toute sécurité des offres du marché libre, aujourd’hui moins chères, et de dynamiser le marché en facilitant le développement de la concurrence. Le Gouvernement y est donc favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Nous pensions, lors de l’examen de ce texte en décembre dernier, en avoir fini avec la question des tarifs réglementés. Hélas, nous avions commis une erreur juridique en proposant un amendement qui empêcherait un locataire ayant déménagé de revenir au tarif réglementé si l’éligibilité avait été exercée par son prédécesseur.

M. François Brottes – Eh oui !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – L’erreur est humaine, et nous sommes là pour la réparer en adoptant la version que nous propose le Sénat, afin que la loi s’applique dans les meilleurs délais. Je rappelle donc que le dispositif est désormais plus généreux encore que celui que nous proposions en juillet : les consommateurs particuliers qui déménageront pourront revenir immédiatement aux tarifs réglementés, de même que les petits professionnels emménageant sur un site nouveau où l’éligibilité avait auparavant été exercée. C’est un dispositif simple et compris par l’ensemble des consommateurs ou presque.

Reste la question des grandes entreprises qui ont recouru au tarif régulé transitoire d’ajustement du marché – le fameux TARTAM dont je fus le concepteur. Nombre d’entre elles, Monsieur le ministre, craignent de se voir imposer des prix à la hausse après la disparition programmée de ce tarif transitoire à la fin de l’année.

M. François Brottes – Vous allez donc pouvoir voter nos amendements !

M. Lenoir, rapporteur – Plusieurs collègues avaient l’intention de proposer par amendement la prolongation du TARTAM.

M. François Brottes – Nous l’avons fait !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – – Il semble préférable d’en connaître les résultats avant de légiférer.

M. François Brottes – Attendre, toujours attendre !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – – Néanmoins, j’espère que le Gouvernement pourra nous confirmer qu’il déposera bien un rapport en septembre sur le sujet, pour répondre aux préoccupations dont nous nous faisons l’écho. Nous pourrons ainsi mettre en œuvre un dispositif qui doit beaucoup à plusieurs membres de la commission – MM. Ollier, Poignant et Nicolas, mais aussi M. Lefebvre qui a largement contribué à nos travaux en décembre. Je vous propose donc d’adopter conforme le texte qui nous vient du Sénat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Jean-Pierre Nicolas – Après examen par le Sénat, l’article premier de la proposition de loi demeure seul en discussion, les deux autres ayant été adoptés conformes. En première lecture, l’Assemblée avait voté un amendement instaurant la réversibilité du choix au bout de six mois pour les clients particuliers, mais sans faire la distinction entre logement courant et emménagement. En cas de déménagement, le nouvel occupant devait donc patienter six mois avant de pouvoir revenir au tarif réglementé : ce n’était pas la volonté du législateur, et le Sénat a heureusement clarifié ce point.

Désormais, le nouvel occupant pourra, dès son emménagement, revenir au tarif réglementé sans être lié par le choix de son prédécesseur. Tout consommateur ayant choisi la concurrence pourra en outre revenir au tarif réglementé après un délai de six mois. Ces deux dispositions seront applicables jusqu’au 1er juillet 2010.

Le groupe UMP se félicite de l’inscription rapide de ce texte à notre ordre du jour, car la loi sera applicable dans les meilleurs délais. Nous sommes d’autant plus attentifs au pouvoir d’achat des Français que l’augmentation des prix de l’énergie prend une part grandissante dans leurs dépenses de logement, avec un baril de pétrole à plus de cent dollars, alors que les tarifs règlementés n’ont pas crû de plus de 0,6 % par an en moyenne. Ainsi, cette proposition de loi redonne du pouvoir d’achat à nos concitoyens et facilite l’ouverture à la concurrence d’un marché qui concerne vingt-six millions de consommateurs d’électricité et onze millions de consommateurs de gaz.

La réversibilité ne pénalisera pas les capacités d’investissement à long terme d’EDF et profitera aux consommateurs qui disposeront d’une période d’adaptation.

M. Daniel Paul – Tout baigne !

M. Jean-Pierre Nicolas – En outre, le texte laisse au Gouvernement le temps d’avancer dans sa discussion avec les instances européennes sur le maintien des tarifs réglementés.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Exactement !

M. Jean-Pierre Nicolas – Les députés du groupe UMP ont d’ailleurs noté avec attention les déclarations du commissaire à l’énergie, M. Piebalgs, et se félicitent que la Commission ne souhaite pas supprimer les tarifs réglementés. Le consommateur doit en effet pouvoir choisir librement entre tarifs et prix du marché, afin d’agir lui-même sur son pouvoir d’achat. Enfin, s’agissant du TARTAM, j’espère que le Gouvernement pourra déposer son rapport dans les meilleurs délais.

Le groupe UMP votera sans hésiter cette proposition de loi qui, dans l’esprit de la directive, fait de l’éligibilité un choix personnel, et non une obligation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Jean Gaubert – Ce n’est pas seulement la quatrième loi sur le sujet, Monsieur le ministre, c’est aussi son énième mouture que vous nous présentez aujourd’hui, conformément à votre habitude de multiplier les textes sur certains sujets – le débat d’hier soir sur la sécurité en donne un autre exemple.

Vous nous avez récemment soumis un projet sur la consommation et nous en promettez rapidement un autre qui, hélas, aura les défauts du premier : improvisation, impréparation et amendements de dernière minute, d’origine majoritaire ou gouvernementale. C’est ainsi que s’est posée au Sénat, avec votre bénédiction, la question de l’ouverture de magasins le dimanche.

M. Jean-Paul Charié – Uniquement pour les magasins de meubles !

M. Jean Gaubert – Nous l’avons indiqué en CMP, nous n’étions pas sûrs de la validité juridique de ce que proposait l’amendement. Or, nous découvrons, dans un article du Monde paru hier, que le seul texte pouvant servir de référence ne s’applique qu’à la Corrèze. La Corrèze a pu être naguère le centre du monde, mais celui-ci s’est tout de même déplacé depuis ! (Sourires)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – M. Hollande est député de la Corrèze !

M. Jean Gaubert – Qu’un parlementaire puisse proposer ce genre de disposition, et que le Gouvernement lui donne sa bénédiction, tout en ayant la certitude qu’elle n’est pas juridiquement fondée, cela n’arrive pas souvent !

M. Jean-Paul Charié – Si nous avions eu cette certitude, nous ne l’aurions pas adoptée !

M. Jean Gaubert – Mes chers collègues, je sais que cela vous met mal à l’aise.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Nous sommes très loin des tarifs du gaz !

M. Jean Gaubert – Les tarifs du gaz sont présentés par le ministre de la consommation, compétent sur les questions que j’aborde. Et je parle ici de votre méthode.

De la même façon, est venu un autre amendement, gouvernemental celui-là, sur l’UMTS ; il a fallu que la CMP vote elle-même un amendement pour que l'Assemblée nationale puisse être saisie de la question avant qu’une décision soit prise.

Je pourrais multiplier les exemples de votre improvisation. Ces derniers jours, le texte sur les OGM a été inscrit, retiré, réinscrit, sans qu’on sache s’il sera en fin de compte discuté.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Quel rapport avec l’électricité et le gaz ?

M. Jean-Paul Charié – C’est du tango !

M. Jean Gaubert – Il s’agit toujours de la méthode ! C’est la cacophonie la plus complète sur les OGM : on dirait une fin de législature, alors qu’on en est au début !

L’aménagement sur les tarifs d’électricité et de gaz était nécessaire, tout en n’étant que la conséquence de vos imprécisions, parce que votre texte posait des problèmes quant à la liberté des occupants, mais aussi des propriétaires, y compris les bailleurs sociaux. Là aussi, l’improvisation était totale ! Aussi, pourquoi ne pas profiter de la loi pour reparler du tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché ?

M. Patrick Ollier, président de la commission – Parce que, dès le début, nous avons prévu un autre dispositif !

M. Jean Gaubert – Monsieur le ministre, vous venez de déclarer que 2010 ne serait pas la fin des tarifs réglementés. Bonne nouvelle ! Nous aurions préféré que cela soit écrit. Cependant, certains spéculent sur la convergence des tarifs et des prix de marché à cet horizon. Seront-ce les prix qui s’ajusteront à la baisse ou bien les tarifs qui augmenteront ? Nous avons un début de réponse avec ce que vous venez de faire pour les tarifs du gaz. La raison de cette augmentation était-elle l’incapacité de GDF à assumer ses charges, à équilibrer son compte d’exploitation ? Pas du tout : elle réalise des bénéfices très confortables. La vraie raison, c’est qu’il faut servir les actionnaires avant de servir les usagers !

M. Jean-Paul Charié – C’est totalement faux !

M. Jean Gaubert – Ne nous parlez pas de pouvoir d’achat : vos choix conduiront immanquablement à un alignement du tarif à la hausse sur les prix de marché !

Nous souhaiterions qu’on puisse faire une fois pour toutes le tour de cette question, sans avoir à y revenir constamment, avec des amendements hasardeux à l’assise juridique inexistante. Certes, vous avez corrigé un certain nombre d’imperfections, mais il en reste d’autres, et vous ne méritez pas le satisfecit que vous vous adressez.

Nous vous donnons rendez-vous sur un autre texte, car il y en aura d’autres, et nous pourrons de nouveau vous rappeler les imperfections des précédents et la difficulté de les appliquer. Entre vos discours sur le pouvoir d’achat et les conséquences des décisions que vous prenez, la marge est ample ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. François Brottes – Ah, c’est dur à entendre !

M. Daniel Paul – Protection des consommateurs et pouvoir d'achat : voilà des mots prometteurs pour les consommateurs-électeurs, et stratégiques à quelques semaines des élections municipales, alors que les ménages sont préoccupés par la baisse de leur pouvoir d'achat et la hausse du coût de la vie. Il est vrai que la cote de popularité de M. Sarkozy est en baisse…

M. Jean-Marie Binetruy – Comme celle du parti communiste !

M. Daniel Paul – …et pourrait faire « flancher » quelques candidatures municipales. Alors il faut agir. Rapidité et efficacité sont vos maîtres mots, paraît-il.

Nous ne contesterons pas la rapidité. En effet, nous examinons un texte qui était hier encore en seconde lecture au Sénat, qui est arrivé dans la nuit à la commission, où il a été examiné quelques heures plus tard, et qui est présenté 24 heures après en séance. On bat des records !

Mme Claude Greff – C’est de l’efficacité !

M. Daniel Paul – Après le « travailler plus », c'est le « travailler plus vite », mais en réalité, cela veut dire travailler moins bien ! Si vous n’aviez pas confondu vitesse et précipitation, vous auriez sans doute évité de commettre l’erreur juridique qui rend ce second examen nécessaire. Voilà toute l'estime que l'exécutif a pour le Parlement ! C'est bien la peine d'aller claironner à la radio que la réforme institutionnelle revalorisera l'institution parlementaire… Ce qu’il faudrait, c’est de la sérénité, et non l’urgence permanente.

Quant à l'efficacité, permettez-moi d'en douter, car vous agissez trop souvent en contradiction avec les objectifs que vous annoncez. Ainsi, vous annoncez une revalorisation du pouvoir d'achat des salariés… en offrant de nouveaux cadeaux fiscaux aux patrons. Pour faire baisser les prix dans les grandes surfaces, vous avez permis à ces dernières d'augmenter leurs marges. Et vous prétendez revaloriser le pouvoir d'achat des ménages en augmentant le tarif du gaz !

Quels sont les intérêts en jeu dans ce texte ? Certes, vous évoquez l'injustice pour les nouveaux occupants d'un logement d’être liés par le choix des occupants précédents. Mais il y a aussi l'échec de l'ouverture à la concurrence en France et le second rapport de M. le sénateur Poniatowski titre même là-dessus : seuls 6 600 consommateurs d’électricité sur 26 millions ont fait le choix de la concurrence, et à peine plus pour le gaz.

Alors il faut sauver le soldat « concurrence » ! Vous restez dans le dogme, en refusant de vous pencher sérieusement sur les conséquences de l’ouverture et de la privatisation du secteur. Le refus, en première lecture, d'adopter notre amendement demandant un bilan, est révélateur. Vous avez compris que l’irréversibilité avait effrayé certains consommateurs et fait de l'ouverture un échec. Il est vrai que l'expérience des clients non domestiques n’a pas été concluante puisque les entreprises du secteur électro-intensif ont subi une hausse des tarifs de 117 % en quatre ans !

Pour sauver le marché, vous feignez d'y introduire un peu plus de sécurité afin de ne pas trop effrayer les consommateurs et de donner une chance aux distributeurs privés de gagner des parts de marché et de réaliser des profits ?

Mais hormis la réversibilité jusqu'au 1er juillet 2010, quelle protection offrez-vous aux consommateurs ? Vous ne nous avez apporté aucun élément de réponse convaincant en première lecture, Monsieur le ministre. Ainsi, vous vous êtes contenté d'évoquer des offres aux consommateurs « plus à leur avantage, plus adaptées à leur besoin, moins chères », sans présenter de faits à l’appui de cette affirmation.

Alors que la France était le pays européen offrant l'énergie la moins chère et que l'ouverture à la concurrence a provoqué ailleurs des hausses de prix vertigineuses, vous prétendez qu’elle fera ici baisser les prix. Alors que la France jouit depuis des dizaines d’années d’une sécurité d'approvisionnement et d’une sûreté des réseaux de transport et de distribution, tandis que de gigantesques pannes se sont produites dans les pays pionniers dans la libéralisation, vous vous réfugiez dans l’incantation en parlant d'offres adaptées aux besoins des consommateurs !

Nierez-vous la qualité de service et la modicité des prix qui caractérisent notre secteur énergétique ? N’ont-ils pas permis de financer un réseau fiable et de grande qualité, les bénéfices allant à l'investissement, à la recherche et à la rémunération de salariés qualifiés ? Ce modèle est-il à vos yeux périmé ?

Où ira l’argent provenant de la nouvelle hausse du gaz, validée par le Conseil d'État ? Dans la poche des actionnaires ! Aurez-vous le courage de dire ici ce que vous pensez de cette logique capitaliste ? J'avais, lors de ma dernière intervention, égrené les augmentations du résultat opérationnel net et des dividendes des actionnaires dont se flatte GDF. Je veux aujourd’hui dénoncer un nouveau scandale : le PDG de GDF, M. Cirelli, a créé un « comité de rémunération » – dont sont exclus les représentants de l'État – afin d’aligner son propre salaire sur celui du PDG de Suez, M. Mestrallet – c'est-à-dire, de le multiplier par dix !

Les protections garanties aux consommateurs après le 1er juillet 2010 risquent d’être bien maigres puisque les règles d’éligibilité voulues par le Conseil constitutionnel en 2006 s’appliqueront à cette date. La trêve ne durera que deux ans et demi et vous aurez perdu toute crédibilité en légiférant pour une période aussi courte, sans apporter de garanties.

Dans un document que M. Mestrallet nous a fait parvenir le 14 décembre, le PDG de GDF affirme du reste que « les États membres doivent veiller à ne pas imposer des tarifs réglementés à des niveaux bien inférieurs aux prix des marchés de l’électricité et du gaz. De tels tarifs ont un effet désincitatif sur les investisseurs, ce qui a un impact négatif sur la sécurité d’approvisionnement ». Telle est bien votre logique : vous n’avez certes pas l’intention de supprimer les tarifs réglementés, mais vous comptez faire en sorte qu’ils soient plus élevés, « adaptés » au marché, comme le réclame la Commission européenne.

D’ailleurs, la lettre de mise en demeure pour transposition incorrecte des directives que celle-ci a adressée à la France n'est guère rassurante, puisqu’elle y qualifie le mode de fixation étatique des prix de « rigide et dénué de transparence ». M. Poniatowski lui-même a rappelé au Sénat que les institutions communautaires jugent les tarifs réglementés français trop bas. Faut-il s’attendre à les voir vidés de leur substance et alignés sur les prix « libres » en vigueur dans les autres pays européens ? Les évolutions du prix du gaz le laissent craindre. La nouvelle hausse de 4 % fait suite à une hausse de 6,8 % en 2005 et de 12,7 % en 2006. Il serait par trop facile d’attribuer ces augmentations à la seule hausse du prix du pétrole ! Aurez-vous le courage politique de reconnaître que la privatisation des profits se fait sur le dos des usagers ? Allez-vous nous expliquer la façon – extrêmement opaque – dont GDF forme ses tarifs, et dont son conseil d’administration lui-même n’est pas informé ?

Ce texte ne vise qu'à faire passer la pilule libérale, en l'absence de protection réelle des usagers du secteur énergétique. Le groupe GDR votera contre ce texte.

M. François Brottes et M. Jean Gaubert – Très bien !

M. François Rochebloine – La libéralisation du marché de l’énergie est effective dans l’Union européenne depuis le 1er juillet, mais cette ouverture ne va pas sans susciter des difficultés : le Conseil constitutionnel a censuré certaines dispositions de la loi du 7 décembre 2006, autorisant les consommateurs à choisir leur fournisseur à partir du 1er juillet 2007. Cela a rendu la situation inintelligible, et peu de consommateurs ont opté pour le marché libre.

De surcroît, il s’avère que lorsqu’un occupant a exercé son éligibilité pour un logement, les occupants suivants n’ont plus la possibilité de choisir. Pour les propriétaires, l’exercice de l’éligibilité par les locataires peut s’avérer pénalisante en cas de vente du bien et favoriser ainsi l'apparition d'un double marché, celui des logements bénéficiant des tarifs réglementés et celui des logements n'en bénéficiant plus.

Le texte initial prévoyait donc que le consommateur pourrait revenir aux tarifs réglementés de gaz et d'électricité en cas de déménagement. Notre assemblée a souhaité aller plus loin en votant, à l'unanimité, la réversibilité totale des droits dans l'électricité. Les consommateurs pourront ainsi revenir aux tarifs réglementés six mois après avoir souscrit un contrat de fourniture à un prix de marché. Cette disposition – qui est un garde-fou – nous permet de respecter à la fois notre tradition énergétique et nos engagements européens.

En aucun cas l'Europe ne s’oppose au concept de « tarif réglementé ». Le commissaire européen Andris Piebalgs a rappelé, lors de son audition par la délégation pour l'Union européenne, que la Commission ne demandait pas la suppression des tarifs réglementés pour les ménages.

Nous devons aujourd’hui concilier trois points de vue contradictoires. Le premier est celui des consommateurs, qui, après avoir financé l’industrie nucléaire, ont droit à un juste retour. Le second est celui de l’État, qui a un intérêt objectif à la suppression des tarifs et la libéralisation des marchés, dans la mesure où les profits pourraient être extrêmement importants et que les besoins en matière d'investissement et de renouvellement des installations sont énormes. En outre, actionnaire principal d'EDF, l'État pourra utiliser ces résultats pour assainir ses finances publiques.

M. Daniel Paul – Cela a le mérite de la clarté (Sourires) !

M. François Rochebloine – Enfin, d’un point de vue écologique, on peut se demander s’il ne serait pas souhaitable que les Français rompent avec des habitudes de consommation élevées, rendues possibles par des prix bas. Le groupe Nouveau Centre appelle de ses vœux un débat sur ce thème, peut-être dans le cadre de l’examen de la future loi d'orientation relative à l'environnement.

En tout cas, il faut cesser de naviguer à vue, en prenant des décisions ponctuelles comme la vente de 2,5 % du capital d'EDF, dont le produit est destiné à la modernisation des universités – en rupture avec la règle, à laquelle le groupe Nouveau Centre est attaché, selon laquelle les recettes des privatisations doivent servir à la réduction de la dette.

Ce texte, qui propose un dispositif plus souple pour le consommateur et plus juste pour le propriétaire, va dans le bon sens. À n’en pas douter, il permettra de redynamiser le marché de l'électricité en incitant le consommateur à tester des offres alternatives innovantes (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président – J’ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe SRC une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. François Brottes – À écouter le Président de la République, je constate qu’il n’y a pas que dans le domaine de l’énergie que la notion de réversibilité totale s’applique…

Jamais, dans l’histoire de notre assemblée, une disposition législative n’aura fait l’objet de tant de correctifs. C’est bien là la preuve de l’inconséquence des décisions successives de votre majorité, qui n’a eu de cesse de cumuler les erreurs et de jouer les apprentis sorciers, au détriment du service public et des consommateurs.

Si cela n'était pas aussi grave pour les consommateurs, on pourrait comparer votre politique au jeu des sept erreurs.

La première erreur date de novembre 2002, lorsque le gouvernement Raffarin a décidé d'engager la France dans l'ouverture du marché à la concurrence pour les ménages, alors que Lionel Jospin s'y était fermement opposé à Barcelone. Cela fait déjà 61 mois que vous auriez dû penser au maintien des tarifs réglementés !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Barcelone, c’était en 2000 !

M. François Brottes – Le ministre a indiqué que ce texte devait mettre fin à la situation incohérente et injuste qui résulte de la censure du Conseil Constitutionnel. Or, chacun sait que la situation actuelle n’est pas due à la décision du Conseil Constitutionnel, mais à votre choix politique et dogmatique d'accepter une libéralisation totale qui nie la nature spécifique de l'énergie, bien de première nécessité.

Vous avez commis une seconde erreur en décembre 2006, lorsque vous avez promulgué la loi portant privatisation progressive de nos opérateurs publics de l'énergie en dépit de la promesse solennelle, faite en 2004 par M. Sarkozy, de ne jamais les privatiser. On avait de la même façon promis qu’on ne reviendrait jamais sur l’acquis social des 35 heures…

Cela fait donc 13 mois que vous auriez pu réparer les conséquences du démantèlement du service public, organisé à seule fin de servir quelques intérêts privés, du reste triés sur le volet. Dès cette époque, il aurait fallu penser au maintien des tarifs réglementés.

Sans doute rongés par le remords à l'approche de l'échéance de juillet 2007, date fatidique de l'ouverture du marché, vous avez souhaité préserver quelques « miettes » du service public de l'énergie à l'occasion de l’examen de la loi sur le droit au logement opposable en mars 2007. Cette loi ouvrait en effet aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux de distribution ou de transport avant le 1er juillet 2010 le bénéfice du tarif réglementé – avant le 1er janvier 2010 pour ceux qui ne déménagent pas. Or, l’échéance approche !

Comme je n’avais pas manqué de l’indiquer à l’époque, cette disposition était insuffisante et incohérente, puisqu'elle faisait prévaloir la notion de site sur le choix de la personne : ceux qui emménageaient dans un logement sorti du tarif ne pouvaient plus bénéficier de ce dernier. C’était votre troisième erreur.

Puis le 1er octobre 2007, après la victoire à l'élection présidentielle de celui qui a privatisé EDF et GDF, le Sénat a examiné une proposition de loi ouvrant au consommateur domestique d'électricité, qui en ferait la demande avant le 1er juillet 2010, le bénéfice des tarifs réglementés pour la consommation d'un site, à condition de ne pas avoir fait usage de la faculté de bénéficier du prix libre du marché. Concernant les consommateurs non domestiques abonnés au tarif bleu, cette faculté n'était ouverte qu'en cas de changement de site.

Après quelques hésitations, il a ensuite été prévu d’étendre la réversibilité du site au consommateur domestique de gaz naturel. Votre quatrième erreur a été de laisser s'écouler une douzaine de semaines avant que ce texte vienne en débat à l'Assemblée nationale, laissant les consommateurs dans la plus grande incertitude.

Puis, le 11 décembre 2007, quelques heures avant que le texte vienne en discussion et alors que vous aviez annoncé un vote conforme avec le Sénat, pour ne plus perdre de temps…

M. Fréderic Lefebvre – Dans l’intérêt du consommateur !

M. François Brottes – …le Gouvernement et la majorité se sont déclarés favorables à la réversibilité totale – coup de théâtre salué par les opérateurs privés, qui avaient dû recevoir l’assurance que les tarifs réglementés rejoindraient au plus vite les prix du marché, comme le Gouvernement s'y était d'ailleurs engagé par écrit dans le contrat de service public signé entre l'État et Gaz de France.

Après avoir refusé, à trois reprises, nos amendements sur la réversibilité, vous en avez subitement découvert le charme. C’était reconnaître votre cinquième erreur. Mais avec le zèle des nouveaux convertis, vous ne vouliez pas voir le déséquilibre inhérent à cette nouvelle proposition, qui était favorable aux prix du marché, compte tenu du délai de six mois qui était prévu. Ce fut là votre sixième erreur : une fois de plus, vous ne nous aviez pas correctement écoutés. (Rires sur les bancs de la commission) Votre susceptibilité dût-elle en souffrir, nous n’en serions pas là si vous aviez accepté notre motion de renvoi en commission.

Vous essayez maintenant de corriger votre sixième erreur, tout en préparant sans doute une septième… Je note que le rapporteur n’accepte même pas de reconnaître son égarement : le rapport se contente d’indiquer que l’adoption de l’amendement, cosigné par le président de la commission et d’autres collègues, nécessitait quelques ajustements et mesures de coordination, auxquelles le Sénat aurait procédé à juste titre. Il sait pourtant que la rédaction initialement retenue portait un grave préjudice à ceux qui déménageaient.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur Vous réécrivez l’histoire afin de vous attribuer tous les mérites !

M. François Brottes – De son côté, M. Lefebvre arguait de la liberté de choix du consommateur pour défendre la réversibilité totale. Or, du fait de la flambée des prix du marché et de l’augmentation des tarifs du service public, cela ne changera rien au pouvoir d'achat des consommateurs... Ce sont eux qui paieront votre gestion catastrophique du secteur de l'énergie.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Que n’avez-vous donc refusé en bloc la loi de 2000 et les directives européennes ?

M. François Brottes – Il est scandaleux que le tarif réglementé du gaz ait augmenté de plus de 4% au 1er janvier alors que Gaz de France venait d'engranger 3 milliards d’euros de profits, dont une partie notable reversée à l'Etat.

M. Jean-Paul Charié – C’est encore insuffisant !

M. François Brottes – Entre la fin 2004 et 2006, les tarifs ont augmenté de 33 %... Tout va bien pour les actionnaires, dont les dividendes sont passés de 420 à 1 100 millions, soit une multiplication par 2,5. Dans ces conditions, quelle nécessité d’augmenter les tarifs, si ce n’est pour rivaliser avec l’action de Suez et ainsi soutenir votre projet de fusion ? Ce projet sera funeste pour les consommateurs, mais pas pour les actionnaires, car M. Mestrallet a indiqué que les dividendes augmenteraient encore de 50 %. Ce sont toujours les mêmes qui sont servis ! Je rappelle que pour un ménage, la facture représente déjà 1 000 euros par an…

Avec cette motion, nous faisons donc usage de notre droit d’alerte sur la politique énergétique que vous menez. À ce sujet, permettez-moi de revenir sur les déclarations du Président de la République. Non content d’avoir indiqué qu’il ne privatiserait pas EDF et GDF, il avait également fait référence à Marcel Paul lors de la présentation du projet de loi sur le service public de l’électricité et du gaz en 2004. Reprenant des propos prononcés en 1950 à la Bourse du travail, M. Sarkozy nous avait demandé de ne jamais oublier que nous avions en charge « un instrument fondamental de la vie du pays… »

Puisse cette motion de renvoi en commission agir comme une piqûre de rappel : l'énergie n'est pas un bien comme les autres, et il vaudrait mieux tourner sept fois en l’air ses liasses d’amendements au lieu de commettre une huitième erreur. Je la redoute, car l'histoire n'est probablement pas terminée : la contrainte de six mois ne s'appliquera pas à tous les consommateurs de la même manière – c’est même précisé dans le rapport ; la Commission européenne exige une séparation patrimoniale des entreprises ; vous refusez de porter au-delà de 2010 la réversibilité des tarifs, même si ce n’est pas interdit par le droit européen ; vous refusez également de prendre en considération la proposition de tarification mixte faite par l’UFC ; à cela s’ajoute enfin le mécontentement des consommateurs, qui ne fait que grandir. Voilà autant de raisons qui vous obligeront sans doute à revoir un jour vos positions.

À moins que vous ne votiez le renvoi en commission, je prends donc date. Et j’espère, Monsieur le président de la commission, que vous ne ferez pas semblant d’être offusqué. Il est parfois plus simple de reconnaître ses erreurs : cela ferait gagner du temps aux consommateurs, même si ce n’est pas de l’argent (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Ollier, président de la commission – J’entends bien vos arguments, Monsieur Brottes, mais les navettes sont là pour corriger les erreurs. Avec humilité, le rapporteur et moi avons reconnu que nous nous étions trompés en ne voyant pas que le délai de six mois s’appliquerait en cas de déménagement. C’est l’honneur du Parlement et de la majorité de rectifier une erreur si elle a été commise.

M. Jean-Paul Charié – Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Le texte ayant été modifié en ce sens, je souhaite un vote conforme afin d’éviter que l’on perde encore du temps. Notre objectif est que ce texte soit appliqué le plus rapidement possible aux 28 millions de consommateurs. La protection que nous leur apportons est sans commune mesure avec toutes les polémiques.

Vous nous dites qu’il aurait fallu accepter le premier renvoi en commission que vous aviez déposé… Mais il aurait fallu nous aider à corriger l’erreur ! Vous non plus, vous ne vous en étiez pas aperçu.

M. François Brottes – Nous l’avions signalée !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Vous n’avez pas déposé de sous-amendements à ce sujet.

Le débat se poursuivra plus tard, c’est vrai, car le Gouvernement proposera d’autres textes destinés à construire notre politique énergétique. Laissez-nous respecter le calendrier fixé par le Président de la République. Le débat que vous souhaitez aura lieu en son temps, mais il n’est pas encore venu.

Je demande donc à nos collègues de rejeter la motion de renvoi.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Daniel Paul – Nous demandons régulièrement un rapport sur l’évolution de la situation depuis la décision européenne d’ouvrir à la concurrence les secteurs du gaz et de l’électricité : comment les tarifs et l’emploi ont-ils évolué dans les entreprises énergétiques ? Vous n’êtes guère pressés de réaliser ce bilan, pourtant facile à faire. Nous sommes de plus en plus nombreux à demander que l’on fasse le point. Tel est l’objet de l’amendement 8.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Avis défavorable. Cet amendement avait déjà été repoussé en première lecture. Il est évident qu’un débat doit avoir lieu en commission avant l’extinction des droits : la discussion autour du troisième paquet énergie en sera l’occasion. Votre demande sera ainsi satisfaite.

Mais je voudrais profiter de cet amendement pour faire le point sur cette fameuse date qui agite tant de fantasmes. D’aucuns cherchent à faire accroire que c’est la Commission de Bruxelles qui a décidé qu’il n’y aurait plus de tarifs réglementés à compter du 1er juillet 2010. Mais c’est tout simplement moi qui suis à l’origine de cette date, ce qui ramène son importance à des proportions beaucoup plus modestes. Lorsque nous avons voulu, dans la loi sur le droit au logement opposable, laisser la possibilité d’accéder aux tarifs réglementés sur un nouveau site, il était en effet nécessaire de prévoir une date afin que le Conseil constitutionnel ne censurât pas cette disposition.

M. Jean-Paul Charié – Voilà la véritable raison !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Si le dispositif du TARTAM n’a pas été censuré par le Conseil, c’est justement qu’il fixait un délai. Il fallait donc une date et j’ai choisi le 1er juillet 2010, comme cela aurait pu être le 30 novembre 2009 ou le 25 février 2011…

M. Jean Gaubert – Un 29 février eût été mieux !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Voilà toute l’explication.

M. François Brottes – Voilà du travail parlementaire sérieux !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – M. Brottes a toujours la langue bien pendue, mais je rappelle que si nous avons cette discussion, c’est parce que tout le dispositif de la loi du 9 décembre 2006 a été démantelé à cause du recours des socialistes devant le Conseil constitutionnel.

M. Fréderic Lefebvre – C’était la première erreur !

L'amendement 8, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. François Brottes – Lorsqu’on dit des vérités, elles dérangent… Mais la véritable motivation est plutôt liée à votre choix de privatiser Gaz de France : pour que cela soit possible, il faut éliminer les tarifs réglementés.

L’amendement 1 propose de supprimer la date du 1er juillet 2010. Vous n’y serez sans doute pas opposé, puisque vous venez d’expliquer qu’elle n’est ni tellement importante, ni tellement réfléchie et que par ailleurs le commissaire européen ne voit pas d’inconvénient à ce que les tarifs réglementés demeurent. N’attendons donc pas un prochain rendez-vous pour la supprimer. Mais si vous vous y refusez, c’est qu’en fait vous vous attendez qu’à cette date les tarifs réglementés soient supérieurs aux prix du marché. Le Gouvernement aura réussi la bascule, et les tarifs réglementés auront tellement augmenté que vous en aurez honte.

M. Daniel Paul – L’amendement 6 est identique. Je voudrais commencer par remercier M. Mestrallet pour avoir mis noir sur blanc ce que nous n’étions que quelques uns à dire : les tarifs réglementés ne vont pas disparaître, car ce serait politiquement délicat, mais vous comptez les augmenter jusqu’au prix du marché, afin que les entreprises privées puissent soutenir la concurrence. Le commissaire européen à l’énergie n’a pas dit autre chose lors de son audition : si les prix du marché et les prix réglementés sont identiques, il n’y aucune raison de supprimer les tarifs réglementés !

Par ailleurs, comment se fait-il que le conseil d’administration de GDF ne puisse pas être informé de la façon dont se constitue le prix du gaz dans notre pays ? Tant que l’entreprise restera publique, cela serait pour le moins normal – et je vois que M. Lefebvre opine. Nous devrions tous l’exiger : après tout, nous sommes représentés dans ce conseil d’administration. Or, aujourd’hui seule une dizaine de dirigeants, aux postes les plus élevés, dispose de cette information.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Je ne reviens pas sur les raisons constitutionnelles et communautaires de s’opposer à ces deux amendements : il serait vraiment déraisonnable de supprimer cette date.

Monsieur Brottes, nous passons de longues heures ici à remédier aux conséquences des initiatives socialistes. Aujourd’hui, il s’agit de votre recours devant le Conseil constitutionnel de fin 2006. Hier, il s’agissait de voter le TARTAM pour corriger les effets de la loi de 2000 sur l’accès au marché libre pour les entreprises. Ne nous accusez donc pas d’improvisation. Il faut remédier à vos erreurs, dans l’intérêt des consommateurs et des entreprises.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – La date du 1er juillet 2010 est non seulement cohérente avec la loi sur le droit au logement opposable, mais elle tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel que vous aviez vous-même sollicitée. J’ai un peu de mal à comprendre que vous puissiez vouloir à la fois pérenniser les tarifs réglementés et supprimer cette date au risque de les faire censurer… Avis défavorable donc.

Les amendements 1 et 6, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Brottes – L’amendement 2 supprime une autre référence à cette date. Je rappelle que si le Conseil constitutionnel s’est intéressé aux tarifs réglementés alors que nous ne l’avions pas saisi sur ce point, c’est qu’il voulait vous laisser le champ libre pour privatiser Gaz de France en éliminant tout ce qui pouvait ressembler à une gestion monopolistique. Le fait générateur de cette décision est bien votre choix de la privatisation.

S’il y a un recours sur ce texte devant le Conseil – dont le rapporteur et le ministre semblent par ailleurs contester la légitimité – se posera le problème d’une inégalité entre les consommateurs, puisque ceux qui ne déménageront pas verront s’éteindre la réversibilité au 1er janvier 2010 et les autres au 1er juillet.

M. Patrick Ollier, président de la commission Leur situation n’est pas égale !

M. François Brottes – Les consommateurs ne seront donc pas à égalité, d’où l’intérêt de supprimer cette date.

M. Daniel Paul – L’amendement 7 est identique.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Avis défavorable. Je rappelle qu’en décembre, le groupe socialiste était opposé au principe de la réversibilité. Maintenant, il veut une réversibilité illimitée. Sans compter qu’en janvier 2007, vous aviez voté la disposition sur la date du 1er juillet 2010. Comprenne qui pourra.

M. Fréderic Lefebvre – M. Brottes mérite un grand prix de gymnastique. En décembre, j’avais déposé un amendement sur ce sujet, puis je m’étais rallié au sous-amendement du Nouveau Centre qui introduisait cette fameuse date, afin de ne pas risquer la censure du Conseil constitutionnel. Vous vous étiez opposé avec la plus grande fermeté à cet amendement. Vous aviez même demandé une interruption de séance – et nous avions tous espéré que le groupe socialiste allait se ressaisir et se prononcer finalement pour la réversibilité, mais non. Sans doute avez-vous été depuis lors contacté par les associations de consommateurs, car vous proposez à présent de revenir au texte de mon amendement ! Un peu plus de cohérence ne vous nuirait pas.

M. François Brottes – Ne confondez pas la gymnastique de plein air et celle qu’on pratique en salle… En l’occurrence, nous parlons de ce qui s’est passé dans cet hémicycle. Or, vous n’étiez pas encore sur ces bancs lorsque nous avons voté le texte sur le droit au logement opposable, même si vous vous intéressiez d’assez près à nos travaux. Nous avions voté cet amendement tout en disant qu’il manquait d’audace, M. Lenoir peut en témoigner.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – En effet.

M. François Brottes – Sur la réversibilité, nous nous étions abstenus ; et nous avons voté contre l’ensemble du texte. En effet on propose aux consommateurs un marché de dupes : votre logique d’augmentation incessante des tarifs réglementés pour qu’ils dépassent les prix du marché affaiblit grandement l’intérêt de la réversibilité.

Les amendements 2 et 7, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Brottes – Notre amendement 4 tend à préciser que les tarifs réglementés doivent faire l’objet d’une offre spécifique, distincte des offres duales qui obligent le consommateur à payer l’une des deux énergies au prix du marché – GDF ne pouvant pas proposer le tarif réglementé de l’électricité et EDF ne pouvant pas proposer le tarif réglementé du gaz : il s’agit d’éviter toute ambiguïté, dans l’intérêt du consommateur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Cet amendement étant déjà satisfait par le code de la consommation, je vous invite à le retirer.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Outre le fait que les offres duales peuvent être attractives, la loi de 2006 précise, en effet, que les offres doivent être présentées en des termes clairs et compréhensibles et indiquer le caractère réglementé ou non des prix proposés. Avis défavorable donc, d’autant que cette loi a institué un médiateur de l’énergie, fonction dont M. Lenoir est le premier titulaire, qui pourra être saisi d’éventuels manquements ou dérives.

M. François Brottes – A posteriori, ce sera trop tard !

L’amendement 4, mis au voix, n’est pas adopté.

M. Jean Gaubert – Notre amendement 3 vise à supprimer la limite de 36 kilovoltampères, qui a conduit de nombreuses entreprises à passer au tarif commercial et à subir en conséquence des augmentations.

Les aviculteurs, par exemple, qui utilisent beaucoup le gaz pour le chauffage des poussins, ainsi que les serristes, subissent les hausse du prix du gaz ; il en résulte de fortes hausses de prix pour les consommateurs, notamment sur les fruits et légumes.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Cet amendement concerne l’électricité, non le gaz !

Parmi les utilisateurs d’électricité, on distingue trois catégories : les consommateurs domestiques, les grosses entreprises et les petits professionnels – jusqu’à 36 kVA. Nous avons institué au bénéfice de ces derniers la possibilité, pour celui qui s’installe sur un site en remplacement d’un autre qui avait fait jouer son éligibilité, de revenir au tarif. Nous avons également adopté dans la loi de 2006 des mesures protectrices des intérêts de ces professionnels en adaptant certaines dispositions du code de la consommation. Avis défavorable donc.

M. Jean Gaubert – Qu’il s’agisse d’électricité ou de gaz, le problème est le même : le coût de l’énergie pèse sur le prix des produits qui sont sur nos marchés.

L'amendement 3, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – Les factures d’électricité ayant augmenté de plus de 60 % pour les entreprises qui avaient fait valoir leur éligibilité – à la suite de dispositions votées par une autre majorité, je ne le cache pas –, M. Lenoir avait proposé à juste titre d’instaurer un tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, dit « TARTAM ». Nous avions trouvé cette disposition intéressante, tout en contestant fortement les moyens de son financement. Parmi les entreprises clientes du marché, 72 % ont opté pour ce dispositif, qui va s’éteindre dans quelques mois. Nous proposons donc par notre amendement 5 de supprimer cette limitation de durée, d’autant que les entreprises électro-intensives n’ont toujours pas pu constater le bénéfice du système des groupements d’achat. Il y a urgence à régler ce problème, et je sais que sur les bancs de la majorité, M. Méhaignerie est tout à fait favorable à cette disposition.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – J’avais en effet pris cette initiative dans le cadre de la loi du 9 décembre 2006 afin de corriger les effets négatifs de la loi du 10 février 2000 que la gauche avait fait voter. Le TARTAM est limité à deux ans ; nous allons examiner la situation de près, le ministre a pris un engagement à ce sujet, et s’il faut prolonger le dispositif, la commission en prendra l’initiative.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Elle a pris l’engagement de le faire.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Il serait cependant prématuré de prendre une décision aujourd’hui. J’ajoute, Monsieur Brottes, que votre amendement n’est pas applicable car il modifie un alinéa sans modifier celui qui précède ! Je vous invite donc à le retirer.

M. Fréderic Lefebvre – Je fais observer en souriant qu’après avoir refusé de voter la réversibilité totale, qui profite à l’ensemble des consommateurs et aux petites entreprises, le groupe socialiste défend un amendement, certes important, qui concerne 3 600 grosses entreprises…

Je ne doute pas que nous aurons un rapport d’évaluation en septembre, mais j’aimerais, Monsieur le ministre, que nous puissions d’ores et déjà rassurer les entreprises sur le fait que, si cela se révèle nécessaire, le tarif TARTAM pourra être prolongé.

M. François Brottes – Je ne me livrerai pas à ce jeu politicien, Monsieur Lefebvre – même si j’en ai grande envie. Je pourrais en effet vous dire que ces 3 600 entreprises sont celles qui ont le plus d’emplois.

Avec cet amendement, Monsieur le rapporteur, nous vous offrions l’opportunité de compléter immédiatement la loi – honneur qui vous revient évidemment en tant que rapporteur et auteur de cette disposition. Je constate que cela vous a froissé et que vous ne voulez pas relever le défi. Je le déplore.

M. Yves Censi – C’est du Feydeau ! (Sourires)

M. François Brottes – Vous me permettrez cependant de demander l’avis du ministre : il est important que le Gouvernement s’exprime sur ce point. M. Lefebvre a certes plus d’influence que moi, mais je joins mes instances aux siennes pour obtenir cette réponse.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Je veux bien qu’on recommence le débat, mais pas qu’on fasse semblant d’oublier le travail effectué par la commission et les engagements pris par le Gouvernement ! Nous avons déjà eu ce débat, Monsieur Brottes – vous aviez même retiré votre amendement. Nous avons prévu une évaluation du système par un rapport. Pour conforter celui-ci, je vais d’ailleurs demander au rapporteur un rapport sur l’exécution de la loi. Lors de notre dernier débat, M. le ministre m’a indiqué que si, au vu de ce rapport, la situation le justifiait, il prendrait les dispositions qui s’imposent pour les 3600 entreprises concernées. Nous les avons reçues à plusieurs reprises avec M. Lenoir, ce qui nous a permis d’adopter le meilleur système possible pour elles. J’aimerais que vous nous confirmiez cet engagement, Monsieur le ministre. Pour ma part, je fais confiance au Gouvernement pour rouvrir le débat le moment venu si cela s’avère nécessaire.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État C’est à votre initiative, Monsieur le rapporteur, qu’a été créé le TARTAM, qui constituait une réponse adaptée à l’augmentation conjoncturelle des prix de l’électricité pour les entreprises. Vous l’avez conçu comme un dispositif temporaire – d’où la limite de deux ans. Une évaluation du dispositif est prévue, et nous devrons donc nous poser un certain nombre de questions. M. Lefevbre a rappelé par exemple que seules 3 600 entreprises sur 795 000 en bénéficient : les autres y trouveraient-elle avantage ? La loi a prévu que le Gouvernement vous présenterait ce rapport avant le 31 décembre 2008. Je vous redis ce que j’ai dit au Sénat il y a deux jours : pour laisser le temps de la réflexion au Parlement, le Gouvernement vous le présentera dès le mois de septembre.

S’agissant des contrats arrivant à échéance cet été, et qui doivent être renouvelés, le Parlement pourrait décider que le futur TARTAM s’applique aux contrats en cours.

M. François Brottes – Compte tenu de la réponse précise du ministre – qui n’avait encore jamais évoqué dans cet hémicycle l’échéance de septembre – je retire mon amendement.

L'amendement 5 est retiré.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

MODIFICATION DE L’ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le Président – M. le Secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement m’a fait connaître que l’ordre du jour était ainsi modifié : le jeudi 17 janvier à 15 heures, l’Assemblée entendra une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat sur le Grenelle de l’insertion, puis examinera le projet de loi autorisant l’approbation d’un accord entre la France et le Surinam relatif à la coopération transfrontalière en matière policière ; à 21 heures 30, l’Assemblée examinera la proposition relative aux droits des victimes et à l’exécution des peines.

Prochaine séance, mardi 15 janvier, à 9 heures 30.

La séance est levée à 12 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr

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