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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 17 janvier 2008

3ème séance
Séance de 21 heures 30
104ème séance de la session
Présidence de M. Rudy Salles, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

DROIT DES VICTIMES ET EXÉCUTION DES PEINES

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Luc Warsmann, Étienne Blanc et plusieurs de leurs collègues, créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l’exécution des peines.

M. Étienne Blanc, rapporteur de la commission des lois Cette proposition de loi contribuera à résoudre une question longtemps restée en suspens : à quoi sert la justice si ses décisions sont trop peu exécutées ? La commission des lois a décidé d’en faire une priorité, et c’est à cette fin qu’une mission d’information consacrée à l’exécution des peines a été créée le 25 juillet dernier. Le rapport qu’elle a rendu le 13 décembre contient 49 propositions, certaines d’ordre réglementaire, d’autres qui seront intégrées à la loi pénitentiaire que nous examinerons bientôt, et d’autres enfin que l’on retrouve dans la présente proposition de loi, articulée autour de trois dispositifs.

Le premier confie au fonds d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions, saisi par la victime ou par le bureau d’exécution des peines, la mission de recouvrer les dommages et intérêts en lieu et place de la victime, voire de lui avancer les sommes dues avant le recouvrement. En contrepartie, le fonds bénéficiera de moyens nouveaux : jusqu’ici, il ne pouvait s’adresser à des administrations, organismes sociaux ou établissements publics que via des intermédiaires. Il pourra désormais mieux recouvrer les avances faites aux victimes. D’autre part, l’article 3, essentiel, accordera aux automobilistes assurés au tiers et dont le véhicule est incendié au pied de leur immeuble une indemnité versée par le fonds dans un délai bref afin de leur permettre d’acquérir un véhicule de remplacement. Cette avancée considérable est conforme aux engagements de campagne du Président de la République.

Ensuite, la signification des décisions pénales est améliorée. La mission parlementaire dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur a relevé la particularité française que constituent les jugements contradictoires à signifier, ces décisions rendues en l’absence du prévenu qui, bien qu’y ayant été convoqué, ne s’est pas rendu à l’audience. C’est le début d’un cheminement erratique qui encombre les tribunaux : le parquet adresse ces jugements aux huissiers si le prévenu vit dans le même département ; dans le cas contraire, il les transmet au parquet concerné. Les huissiers admettent volontiers que ces affaires pénales ne sont pas prioritaires, et les parquets ayant signifié la décision ne sont pas toujours informés de ses suites. Le présent texte améliore cette situation en favorisant la présence des prévenus à l’audience, puisque le droit fixe passera de 90 à 180 euros s’il n’est pas payé dans les délais prescrits, en obligeant les huissiers à signifier les décisions dans les quarante-cinq jours suivant la décision afin d’éviter les relances inutiles, et enfin en facilitant la signification des décisions. En effet, les huissiers pourront désormais convoquer les destinataires à leur étude par simple lettre ou avis de passage. C’est d’ailleurs une mesure de bon sens, Monsieur le président de la commission des lois, et qui aurait dû être envisagée plus tôt.

Enfin, ce texte permettra au Trésor public d’étendre aux amendes forfaitaires majorées les remises totales ou partielles qui sont déjà accordées pour les amendes initiales. Cette possibilité de transiger simplifiera considérablement le traitement des dossiers. Nous souhaitons également autoriser le comptable du Trésor à former une opposition aux transferts de cartes grises pour les débiteurs qui n’ont pas déménagé, comme c’est aujourd’hui le cas pour ceux-là seuls qui l’ont fait. Par ailleurs, les instances concernées pourront désormais accéder au fichier national de retrait du permis de conduire, afin de s’assurer que le retrait prononcé a bien été exécuté. Enfin, la réduction de 20 % accordée aux peines d’amende s’étendra désormais aux frais de justice, permettant ainsi aux greffiers de simplifier leur calcul et de limiter le risque d’erreur.

Si nous attendons beaucoup de la loi pénitentiaire, le texte que nous examinons ce soir n’est pas anodin pour autant : non seulement il honore les engagements de campagne du Président de la République, mais il facilite les procédures et améliore le fonctionnement de la chaîne pénale, dans l’intérêt de toutes les parties. La commission des lois l’a donc naturellement adopté à l’unanimité !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice La proposition qui vient d’être présentée fait honneur au Parlement. C’est la suite donnée au rapport de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale que votre commission des lois a créée et qui, trois mois durant, a travaillé de manière approfondie. Je tiens à rendre hommage au président de votre commission des lois, M. Jean-Luc Warsmann, et au rapporteur de ce texte, M. Etienne Blanc.

Monsieur Warsmann, chacun connaît votre action en faveur d'une meilleure exécution des peines. Vous êtes l'auteur d'un rapport qui a très largement inspiré le volet sur l'exécution et l'application des peines de la loi du 9 mars 2004. Ce texte, dont vous avez été le rapporteur, incite les prévenus à régler sous un mois leurs amendes pour bénéficier d'un abattement de 20 pour cent ; cette loi a aussi créé les bureaux de l'exécution des peines. Ces deux mesures ont indiscutablement amélioré le recouvrement des amendes et la mise à exécution des décisions pénales. Monsieur le Rapporteur, je salue votre analyse très fine. Nous connaissons votre intérêt pour les questions de justice et nous apprécions votre volonté de mieux adapter le droit aux réalités sociales. Vous avez fait la synthèse parfaite de ces deux préoccupations, tant dans votre rapport que dans cette proposition.

Elle est consacrée à deux volets essentiels de la procédure pénale : l'indemnisation des victimes et l'exécution des peines, deux phases de « l'après-jugement » qui ne sont pas suffisamment suivies alors qu’elles sont fondamentales. C'est parce que les peines sont exécutées que la justice est dissuasive, parce que les amendes sont payées que la décision de justice est efficace. C'est parce que les victimes sont dédommagées que la justice est humaine. Il ne sert à rien de juger ni de condamner si les sanctions ne sont pas appliquées.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois – Absolument !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Votre proposition tend à mieux dédommager les victimes ainsi qu’à améliorer l'exécution des peines et le recouvrement des amendes. De fait, il n'est pas acceptable qu'une victime dépense davantage pour être indemnisée qu'elle n'obtient à l'issue de ses démarches.

M. Jacques Alain Benisti – Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Il n'est pas normal non plus que la victime, après l'audience, soit laissée seule face à son agresseur pour être dédommagée alors qu’elle en a peur. Il en résulte que, bien souvent, les victimes préfèrent renoncer à leur droit plutôt que d'être confronté avec leur agresseur. Ce n'est donc pas la justice qui triomphe mais la peur et le découragement qui s'imposent. C'est pourquoi j'ai créé, dans tous les tribunaux de grande instance, un juge délégué aux victimes, installé depuis le 2 janvier, et qui accompagnera la victime dans ses démarches. Mais il faut aller plus loin.

Aujourd'hui, les trois quarts des victimes ne sont pas éligibles à la commission d'indemnisation des victimes d'infractions – la CIVI. En juillet dernier, j'ai donc décidé de créer un service d'assistance au recouvrement. La proposition que nous examinons va dans le même sens. En créant un droit à l'aide au recouvrement des dommages et intérêts, elle permettra de remédier aux difficultés rencontrées par les victimes d'atteintes aux biens ou de violences légères qui, en l'état de la loi, ne satisfont pas aux conditions nécessaires pour être dédommagées par la CIVI. Ces victimes, qui sont environ 75 000 chaque année, sont trop souvent privées d'une réparation effective. Grâce à votre proposition, elles pourront être indemnisées, et ne se sentiront plus délaissées et ignorées. C'est un véritable progrès.

Votre texte propose également d'assouplir les conditions de dédommagement des propriétaires de véhicules incendiés volontairement par des tiers. L'indemnisation pourra se faire par le biais de la CIVI. Les personnes victimes de tels faits sont souvent plongées dans une situation dramatique, leur vie quotidienne est bouleversée. Elles n'ont pas les moyens d'acheter un nouveau véhicule et, parfois même, elles doivent continuer à payer un emprunt.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – C’est vrai.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Lorsqu'elles ne peuvent plus se rendre à leur lieu de travail, elles risquent aussi de perdre leur emploi. Les Français qui vivent dans des quartiers difficiles se sentent exposés à de tels actes, et ils n'ont pas toujours les moyens d'assurer leur véhicule contre tous les risques de sinistre. Pour toutes ces personnes, la solidarité nationale ne joue pas nécessairement car, pour être indemnisées par la CIVI, elles doivent prouver que la perte de leur véhicule les place dans une situation matérielle ou psychologique grave, ce qui est très difficile à établir. On ne peut plus accepter que soient opposés des critères tatillons à une personne aux revenus modestes dont le véhicule a été volontairement détruit alors que son usage lui est indispensable.

La proposition permet aux victimes d'être dédommagées de la perte de leur véhicule incendié sans qu’elles doivent prouver une situation psychologique ou matérielle grave. L'objectif poursuivi est bon, à l'évidence, mais nous devons nous assurer que toutes les garanties sont prises pour empêcher que certaines personnes ne détournent le dispositif pour se faire rembourser des véhicules qu'ils auraient eux-mêmes incendiés. D’autre part, la solidarité nationale ne doit pas se substituer aux assurances privées. Enfin, il faut veiller à ce que ce dispositif ne déséquilibre pas le mécanisme d'indemnisation des victimes par la solidarité nationale. À ces conditions, votre excellente proposition permettra d'offrir aux victimes une réponse efficace et équitable.

D’autre part, la proposition rend plus efficaces le recouvrement des amendes et l'exécution des peines. Je pense comme vous, Monsieur le Rapporteur, que la justice n’est que virtuelle si les décisions rendues restent lettre morte. La confiance de nos concitoyens en la justice dépend de sa faculté à faire respecter les décisions qu'elle rend au nom du peuple français. Veiller à la bonne exécution des peines rejoint l'objectif du Gouvernement de lutter contre le sentiment d'impunité et la récidive qui en est le corollaire. Le retard apporté à l’exécution d’une peine peut aussi nuire à la réinsertion du condamné en faisant perdre sa cohérence à la peine prononcée. Pour toutes ces raisons, je veillerai à ce que l'exécution des peines ne soit plus considérée comme secondaire par aucune juridiction.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux La proposition répond aux principales propositions d’ordre législatif du rapport d'information. Elle incite les prévenus à comparaître aux audiences ou à s'y faire représenter. Cette disposition est bienvenue, car le taux d'exécution des jugements où le prévenu ne comparaît pas est deux fois moindre que pour les jugements rendus en présence du prévenu, et leur délai d'exécution est deux fois plus long. La proposition facilite également la signification des décisions par les huissiers et en assure l'efficacité. Elle comprend aussi des dispositions nouvelles visant à assurer un meilleur taux de recouvrement des amendes et des frais de procédure. Le texte étend l'opposition qui empêche la vente d'un véhicule dont le propriétaire n'a pas acquitté ses amendes routières majorées. Toujours en matière routière, les services judiciaires pourront désormais accéder directement au fichier national des permis de conduire, ce qui permettra aux bureaux de l'exécution des peines de notifier plus précisément aux condamnés les dates de fin de leur suspension de permis, voire le retrait ou l'annulation du permis résultant d'une perte totale de points.

La proposition permet également au Trésor public d'accorder des remises sur les amendes forfaitaires majorées, une décision partiellement exécutée paraissant préférable à une décision totalement inexécutée. Enfin, l'abattement de 20 % qui existe depuis 2004 pour les amendes payées dans le délai d’un mois est étendu au droit fixe de procédure afin d'encourager son paiement rapide.

Votre commission montre une nouvelle fois son attachement au suivi des textes votés par votre Assemblée ; le Gouvernement, vous le savez, partage cette préoccupation. Le législateur remplit pleinement son office, le Gouvernement remplira également le sien. Ce travail ne sera pas vain. Il nous fait agir dès aujourd'hui et il orientera l'action à venir de mes services. Enfin, la loi pénitentiaire satisfera certaines propositions de la commission d'information relatives au dispositif de l'application des peines (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – C’est un travail parlementaire exemplaire que celui-là. Il découle de celui de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale que notre commission a créée dès juillet dernier. Sa réflexion s’est portée sur les majeurs sous la conduite de M. Etienne Blanc, et sur les mineurs sous celle de Mme Michèle Tabarot, dont le rapport fera date, lui aussi, j’en suis sûr. Au terme de vingt-cinq auditions et de dix-sept déplacements, la mission d’information a rendu en décembre un rapport comprenant quarante-neuf propositions qui, toutes, ont été élaborées pour remédier aux lacunes et dysfonctionnements constatés. Ce rapport a recueilli l’unanimité de la mission et de la commission. Nous nous sommes ensuite attelés à la rédaction de la proposition qui vous est soumise et qui reprend les propositions d’ordre législatif contenues dans ce rapport, exception faite, à la demande du Gouvernement, de ce qui concerne le domaine pénitentiaire.

Je remercie Mme la garde des sceaux, son cabinet et ses équipes de leur écoute, dont le travail qui nous réunit ce soir est la preuve. Je remercie aussi le Gouvernement, et singulièrement M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui a permis que nous trouvions quelques heures pour examiner cette proposition dans notre ordre du jour prioritaire. Permettez-moi d’espérer que la même priorité vaudra au Sénat, afin que cette proposition soit adoptée avant l’interruption des travaux du Parlement et qu’elle entre en vigueur au plus vite. Nous avons entendu bien des gouvernements parler de valoriser ou de revaloriser le rôle du Parlement ; force est de constater que celui-ci traduit ses mots en pratique.

M. Jacques Alain Benisti – Absolument.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – La proposition découle d’une conviction partagée par la commission unanime : on ne peut vivre dans un pays où les décisions de justice ne sont pas appliquées…

M. Étienne Blanc, rapporteur – Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – …car ce poison affaiblit la parole de l’Etat. Que dire à ceux à qui nous demandons d’appréhender des délinquants qui, ensuite, ne sont pas véritablement sanctionnés ? Que dire aux fonctionnaires de justice si le produit de leur travail reste sans résultats ? Je saisis cette occasion pour dire ma confiance à l’ensemble des magistrats de notre pays, dont je mesure la difficulté de la tâche.

Mme Delphine Batho – Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – Sur le fond, rendre des décisions de justice qui, ensuite, ne sont pas appliqués à des délinquants manquant de tout repère, c’est renforcer le sentiment d’impunité et, avec lui, le risque de récidive. C’est, en outre, scandaleux à l’égard des victimes. Combien d’entre elles obtiennent des décisions de justice théoriquement favorables et des indemnisations tout aussi théoriques, avant qu’un auxiliaire de justice ne les dissuade d’engager les frais qui devraient les conduire à percevoir ce qui leur est dû, tant sont minces les chances d’aboutir ?

On assiste aujourd’hui à un mouvement positif dans l’exécution des décisions de justice concernant les majeurs. Plusieurs mesures ont été votées dans la loi du 9 mars 2004, telles que la convocation dans les trente jours pour les peines de prison avec sursis et mise à l’épreuve ou de travail d’intérêt général, le paiement des amendes dès la sortie de l’audience ou la création des bureaux d’exécution des peines. Néanmoins, nous sommes encore loin d’une situation normale. La mission d’information a donc formulé 49 propositions, dont certaines ne sont pas du domaine législatif mais sont néanmoins fondamentales. Je pense notamment à la création du dossier judiciaire unique. Le ministère de la justice est véritablement sinistré en matière informatique, et le système Cassiopée, en cours d’expérimentation, reste très au-dessous des besoins, non seulement parce qu’il ne couvre pas l’ensemble de la chaîne pénale, mais aussi parce qu’il n’est conçu que comme un système de gestion de données. Le dossier judiciaire unique commencerait, lui, avec la plainte de la victime et s’enrichirait de tous les actes de procédure, avant d’être transmis immédiatement au service d’exécution des peines. Aujourd’hui, les juges d’application des peines doivent attendre plusieurs semaines avant de convoquer des condamnés, faute d’avoir leur dossier, et des centaines de fonctionnaires emploient leur temps à photocopier des dossiers ! L’accent doit donc être mis sur la dématérialisation.

La généralisation du paiement à la sortie de l’audience est également un impératif. En la matière, nous avons été extrêmement déçus de constater que de nombreux tribunaux n’acceptaient pas tous les moyens de paiement. Il doit être possible de payer en liquide, par chèque ou par carte bleue dans chacun d’eux. Le Trésor public sait parfaitement faire preuve d’inventivité lorsqu’il s’agit de récupérer des sommes dues ! Or, aujourd’hui, le tribunal de Paris perd des centaines de milliers d’euros d’amendes parce qu’il n’est pas possible de payer en espèces, tandis qu’à Bobigny, la carte bancaire est refusée. Il y a des mesures à prendre.

Le but de cette proposition de loi est d’améliorer l’exécution des décisions pénales dans leurs deux aspects. Le premier est celui de la sanction : nous croyons que plus encore que la gravité de celle-ci, c’est la célérité avec laquelle elle est prononcée et exécutée qui est essentielle pour la lutte contre la récidive. La mission d’information a relevé des dysfonctionnements très concrets, portant sur la comparution à l’audience comme sur le paiement des amendes, en passant par la signification des jugements. Le texte comporte des moyens concrets pour accélérer l’exécution des sanctions pénales. À ce propos, je souligne que la mission d’information durera toute la législature et qu’elle suivra attentivement les résultats de la loi. Avec la mobilisation de chacun, nous devrions arriver avant la fin de la législature à une exécution des décisions de justice en temps réel.

Le second aspect est celui des victimes. Aujourd’hui, lorsque l’auteur est condamné, la victime obtient une indemnisation pour les dégâts qu’elle a subis, mais c’est à elle ensuite de faire des démarches, de trouver un huissier et d’avancer les honoraires pour que celui-ci retrouve l’auteur de l’infraction, vérifie qu’il est solvable et obtienne un paiement. Nous vous proposons un dispositif qui constitue une petite révolution : chaque victime, si elle n’a pas été indemnisée dans le mois qui suit le jugement, pourra demander à un fonds de garantie une avance pouvant aller jusqu’à 3 000 euros sur les dommages et intérêts et la participation aux frais de défense qu’elle aura obtenus, le fonds se retournant ensuite contre l’auteur de l’infraction. Ainsi, les droits des victimes deviennent vraiment concrets. Surtout, le fonds de garantie sera puissamment armé pour agir contre l’auteur de l’infraction. Aujourd’hui par exemple, le fonds doit s’adresser au procureur de la République pour connaître l’origine des revenus du condamné : il formule environ 40 000 réquisitions par an, traitées en quatre mois en moyenne. La proposition de loi supprime ces réquisitions – ce qui fait du travail en moins pour les parquets – et permet au fonds d’avoir directement accès aux revenus, publics – État, sécurité sociale, Assedic – ou privés. Les montants seront donc récupérés beaucoup plus rapidement. Même si les auteurs d’infractions mettent deux ou trois ans à payer, fût-ce à raison de vingt ou trente euros par mois, l’important est qu’ils exécutent la sanction – y compris les parents des mineurs condamnés, qui doivent rembourser les dégâts que leurs enfants ont causés.

Un dispositif spécial a été conçu pour les voitures incendiées, car il nous semble qu’il ne s’agit pas d’une infraction banale. Dans de nombreux cas en effet, les victimes sont des personnes aux revenus extrêmement faibles ou précaires. Leur véhicule a une valeur vénale peu élevée – et est d’ailleurs souvent assuré au tiers –, mais c’est leur seul moyen d’aller travailler ou leur seul espoir de retrouver un emploi. Aujourd’hui, ces personnes ne sont pas indemnisées et les dégâts sociaux ainsi causés sont considérables.

Le dispositif que nous proposons n’a pas vocation à se substituer à l’assurance, mais constituera un filet de sécurité pour ces personnes les plus vulnérables, en remboursant leur véhicule à hauteur de 4 000 euros. Il ne s’agit évidemment pas de rembourser des épaves qu’on aurait fait brûler exprès : que n’avons-nous entendu à ce sujet ces derniers jours ! C’est pourquoi je remercie la garde des sceaux d’avoir soutenu cette proposition à la tribune. Certes, nous sommes contre la fraude, mais nous ne pouvons accepter de maintenir le dispositif actuel qui, en subordonnant le remboursement à une situation psychologique ou sociale grave, ne permet pas de rembourser plus de 250 véhicules par an.

Nous voulons un dispositif simple, suffisamment encadré pour éviter les dérives, mais effectif. Je ne crois pas que les incendiaires se multiplieront au lendemain de la promulgation de la loi, ni que le coût atteindra des sommes colossales. En revanche, il va éviter à certains de nos concitoyens de perdre le contact avec le marché du travail. En outre, lorsque l’auteur de l’incendie sera retrouvé, le fonds aura une capacité juridique renforcée pour le poursuivre et exiger le remboursement des dégâts.

Voilà pourquoi tous ceux qui ont participé à la mission d’information ou à l’examen du texte peuvent être fiers de ce travail parlementaire exemplaire, qui va améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens, un travail qui fait honneur au Parlement (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Guy Geoffroy – Au nom du groupe UMP, je voudrais d’abord remercier le Gouvernement d’avoir si vite inscrit la présente proposition de loi à notre ordre du jour. Dès la création de la mission d’information, et a fortiori lorsque la proposition a été élaborée, nous avons souhaité que ces mesures entrent rapidement en application et nous sommes heureux, Madame la garde des sceaux, que vous en ayez jugé de même. Je voudrais aussi saluer le travail de la commission des lois et l’opiniâtreté de son président Jean-Luc Warsmann, très impliqué dans la mission d’information. Je salue également le travail de la mission elle-même créée très rapidement – mais sans précipitation, car elle s’inscrit dans la continuité du travail approfondi de la commission depuis le début de la précédente législature.

En effet, nous avions constaté l’incompréhension qu’inspirait à nos concitoyens une justice dotée de moyens croissants sous les deux précédentes législatures, notamment sous la dernière, grâce à la loi d’orientation et de programmation pour la justice. Elle est désormais pourvue de 8 000 magistrats qui, de l’avis des spécialistes, suffisent à satisfaire les besoins, et dont le président de la commission a rappelé la qualité, mais elle peine à s’adapter à notre temps et à accomplir efficacement sa mission. En effet, notre dispositif pénal et nos procédures n’ont pas évolué au même rythme que la délinquance et la criminalité, même si, après la loi d’orientation et de programmation, la loi « Perben II » – largement inspirée de propositions de M. Warsmann – a permis de mieux les adapter aux besoins de notre société.

Quant à la procédure pénale, l’affaire d’Outreau, qui a profondément marqué notre Assemblée, a entraîné la création d’une commission d’enquête dont nous pouvons être fiers, malgré les critiques qui lui ont été adressées, car elle a permis de formuler des propositions et d’appliquer rapidement des dispositions soustrayant la justice à d’inacceptables aléas de procédure. Vous avez fait en sorte, Madame la ministre, d’en tirer rapidement les conséquences s’agissant des pôles d’instruction et de la collégialité de l’instruction.

Mais il fallait aller plus loin, car nos concitoyens, s’ils comprennent nos efforts, n’acceptent pas l’échec de notre justice à prévenir la récidive et à faire exécuter les peines. De fait, la première loi que vous nous avez soumise, Madame la ministre, visait à maîtriser, à prévenir et à punir la récidive et la multi-récidive ; quant à l’exécution des peines, elle doit être plus efficace en matière pénale – tel est l’objet de nos quarante-neuf propositions, votées à l’unanimité par la mission comme par la commission, et qui incluent les douze articles de la présente proposition de loi. Si toutes ne s’y retrouvent pas, c’est que nous n’examinons aujourd’hui que celles qui relèvent de la loi, à l’exception de celles que vous nous avez demandé de réserver pour la prochaine loi pénitentiaire. Le groupe UMP sera particulièrement attentif à leur inclusion dans cette dernière loi, ainsi qu’à l’application rapide des dispositions de nature réglementaire.

Le premier volet de la proposition concerne l’indemnisation des victimes. Celles qui ne peuvent accéder à la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, et qui avaient l’impression d’être abandonnées par la collectivité une fois condamnés les auteurs des faits, auront désormais la possibilité, grâce au fonds de garantie, de faire valoir leurs droits et, le cas échéant, de recouvrer leurs dommages et intérêts. Grâce aux dispositions relatives aux véhicules, longuement évoquées, à juste titre, par le président Warsmann, les victimes qui n’avaient pas pris la peine, parce que la valeur de leur véhicule ne le justifiait pas, de contracter une assurance tous risques n’auront plus à prouver qu’elles se trouvent dans une situation matérielle et psychologique grave ; en outre, le plafond de ressources exigé pour l’indemnisation est relevé de moitié.

Quant au second volet, la majoration du droit fixe de procédure devrait encourager la présence à l’audience des personnes incriminées et le délai de quarante-cinq jours imparti aux huissiers pour faire leur travail, sans quoi le procureur pourra se tourner vers les autorités de police et de gendarmerie, montrera que la justice suit les affaires, traque les coupables, les condamne et leur notifie rapidement leur condamnation.

En troisième lieu, le texte permet au Trésor public de minorer les majorations d’amendes afin d’être assuré de recouvrer les sommes dues. Quant aux dispositions relatives au permis de conduire, elles sont essentielles, car les accidents provoqués par ceux qui conduisent sans permis, soit qu’ils ne l’aient jamais passé, soit qu’ils l’aient perdu, – parfois à leur insu –, sont particulièrement dramatiques.

Il est donc bienvenu d’ouvrir à l’autorité judiciaire, mais aussi aux préfets et aux services de police et de gendarmerie, un accès direct au fichier national des permis de conduire.

Je tiens enfin à remercier le Gouvernement du respect qu’il témoigne aux travaux du Parlement, ainsi que la commission des lois, son président et son rapporteur, qui ont fait preuve d’une louable opiniâtreté, et les membres de la mission d’information (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Delphine Batho – On l’a dit, cette proposition de loi est l'exemple même d’un bon travail parlementaire : lorsque le Parlement est libre de procéder à des auditions, des enquêtes, des déplacements et d’étudier ainsi en détail les dysfonctionnements auxquels se heurtent nos concitoyens, nous parvenons, par-delà les clivages politiques, à trouver des solutions utiles permettant d’améliorer la vie quotidienne des Français.

Permettez-moi donc de saluer la qualité des travaux de la mission d'information sur l'exécution des décisions de justice pénale et de rendre hommage à l’état d’esprit consensuel qui a inspiré son président comme notre rapporteur. À l'heure où l’on parle beaucoup de renforcer les pouvoirs du Parlement et de donner une plus grande place à l'initiative parlementaire, nous espérons, Madame la ministre, que cette proposition sera adoptée, inscrite à l’ordre du jour du Sénat et promulguée sans tarder, à l’instar des autres propositions de loi issues des travaux de la mission d’information.

Comme l’a notamment rappelé le président de la commission, la non-exécution des décisions de justice pénale est consubstantielle à l'impunité qui mine l'idée même de justice dans notre société. Elle se heurte à l'incompréhension des Français, fabrique la récidive et discrédite finalement l'institution judiciaire elle-même. En outre, la montée des violences, objet de débats récurrents, peut être expliquée – mais non excusée – non seulement par la situation sociale et économique, par les problèmes éducatifs et la perte des repères, la culture de l’argent facile et le consumérisme ambiant, mais également par l'incapacité du système judiciaire à apporter à chaque délit une réponse rapide, appropriée et effectivement appliquée.

Sur ce sujet, les efforts du Parlement n’ont rien de nouveau ; les personnels de justice en sont eux-mêmes conscients, nos déplacements nous ont permis de le constater. Parce que je souhaite que nous luttions désormais de la même manière contre la non-exécution des peines concernant les mineurs, beaucoup plus lourde de conséquences car elle prive la sanction de sa vertu pédagogique, j’espère que les conclusions du rapport de Mme Tabarot déboucheront aussi rapidement sur une loi.

M. Jacques Alain Benisti – Très bien !

Mme Delphine Batho – Je veux vous interroger, Madame la ministre, sur les propositions de la mission d’information qui ne figurent pas dans ce texte. Une partie d’entre elles trouveront leur place dans le futur projet de loi pénitentiaire, dont vous nous aviez dit dans un premier temps qu’il serait déposé en octobre 2007. Mais, lors de l’examen de votre budget – il est vrai tout entier absorbé par le débat sur la réforme brutale de la carte judiciaire – vous nous avez annoncé qu’il serait prêt en février. Et récemment, lors de la discussion du projet de loi sur la rétention de sûreté, vous avez parlé de mai ou de juin. À défaut d’un dépôt prochain, il serait de bonne politique, Madame la garde des sceaux, que les membres de la mission d’information soient associés en amont à l’élaboration de ce projet de loi. Ce serait là le moyen le plus certain – sinon le seul – de parvenir à un texte consensuel.

Une série de propositions relèvent du domaine réglementaire. Nombre de nos interlocuteurs ont souligné la pénurie de moyens, notamment matériels, et l’arlésienne que constitue l’informatisation des services. Aussi la mise en place du système Cassiopée et l’instauration d’un dossier juridique unique forment-elles le fil rouge des propositions de la mission. Nous savons que l’obsolescence des matériels n’est pas de votre fait, mais il est plus que temps que la justice entre dans le XXIe siècle.

Vous le savez, la numérisation des dossiers papier n’est pas à proprement parler une dématérialisation des procédures. Nous souhaitons qu’un groupe de travail interministériel analyse l’interopérabilité des données entre la justice et la police, ou à l’intérieur même du système judiciaire, entre le Service pénitentiaire d’insertion et de probation et le juge d’application des peines par exemple.

Autre préoccupation majeure, les moyens en personnel. Certes, des postes ont été prévus par la loi de finances pour 2008, mais ils seront en nombre insuffisant pour compenser les départs à la retraite. Partout, on manque de greffiers et de fonctionnaires de catégories B et C. C’est peut-être, d’ailleurs, ce qui explique la réforme de la carte judiciaire : la suppression de tribunaux permettant un redéploiement des personnels.

Cette pénurie de moyens est sans aucun doute la cause des retards d’inscription au casier judiciaire, ce qui pose problème aux policiers et aux magistrats qui se trouvent parfois confrontés, sans le savoir, à des récidivistes. La mission d’information est permanente. Elle demeurera, tout au long de la législature, vigilante et exigeante quant au sort réservé à ses propositions.

Cette proposition de loi contient des mesures concrètes et précises, à même de lever certains blocages. Elles visent notamment une notification effective des décisions de justice, une meilleure exécution des peines d’amende et de retrait de permis et une indemnisation effective des victimes, qui rencontrent encore trop de difficultés à faire valoir leurs droits.

Le texte introduit une disposition nouvelle, qui renvoie à un problème de société récurrent. Depuis les émeutes de 2005, près de 45 000 véhicules sont incendiés chaque année. Ce chiffre a plus que doublé, et il a fallu attendre deux Saint-Sylvestre pour que le ministère de l’intérieur accepte de publier un bilan objectif. Depuis 2005, le parti socialiste propose la création d’un dispositif d’indemnisation des victimes, dont beaucoup sont des familles modestes, vivant dans des quartiers mal desservis par les transports en commun et qui ressentent comme une double peine l’absence d’indemnisation. M. de Villepin s’était opposé à une telle mesure, alors que certaines collectivités avaient pris l’initiative de mettre en place des dispositifs provisoires. Nous vous donnons acte, Madame la ministre, de ne pas avoir fait obstacle à cette proposition – et d’avoir tenu bon face à certaines administrations.

Ce dispositif est réservé aux personnes dont les ressources n’excèdent pas 1,5 fois le SMIC. Toutefois, nous devons prendre garde à ne pas donner aux personnes issues des catégories moyennes le sentiment de ne pouvoir bénéficier de la solidarité nationale. C’est pourquoi nous nous félicitons de la décision du président de la commission des lois d’évaluer ce dispositif, et le cas échéant, de l’améliorer.

Le groupe SRC a voté les conclusions du rapport d’information dans un esprit constructif. Nous souhaitons que cette proposition de loi soit adoptée et la loi promulguée rapidement, certains d’avoir fait œuvre utile pour la vie quotidienne de nos concitoyens et d’avoir contribué à la revalorisation du Parlement (Applaudissements sur tous les bancs).

La discussion générale est close.

M. le Président – J’appelle les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

AVANT L’ARTICLE PREMIER

Mme Delphine Batho – L’amendement 4 reprend la proposition n° 12 du rapport de la mission d’information. Depuis sa création, l’Observatoire national de la délinquance recommande la création d’un numéro unique de procédure, qui suive un dossier depuis le dépôt de plainte jusqu’à son traitement judiciaire. L’intérêt d’une telle mesure est statistique et pratique, puisqu’elle est la condition de l’interopérabilité des systèmes d’informations. Toutefois, cette proposition – qui va dans le sens des préoccupations exprimées par la mission d’information – n’a jamais trouvé d’écho. Pourrions-nous au moins obtenir de votre part, Madame la ministre, un engagement précis sur cette question ?

M. Étienne Blanc, rapporteur – La mission d’information a souhaité que soit mis en place le plus rapidement possible un numéro unique, mais aussi un dossier unique de procédure. Toutefois, sans renforcement des moyens informatiques, cette mesure sera difficile à mettre en œuvre : les différents intervenants dans la procédure pénale disposent de logiciels informatiques divers, et parfois incompatibles les uns avec les autres. Cet amendement, que nous approuvons sur le fond, relève du domaine réglementaire. Avis défavorable, donc

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Je suis bien sûr favorable au dossier judiciaire unique, qui permettra de gagner du temps et d’améliorer la qualité du travail judiciaire. Cet amendement ne relève pas de la loi, mais je prends l’engagement de mettre en œuvre cette mesure d’ici à 2010.

L’arrivée des nouvelles technologies et de l’informatisation dans les juridictions est annoncée depuis 1999. Elle a toujours été retardée et la complexité des systèmes est telle qu’au sein d’une même cour d’appel, il n’y a aucune connexion entre les TGI !

juillet dernier, j’ai signé une convention avec la Caisse des dépôts, prévoyant l’informatisation de toutes les juridictions. Au 1er janvier, ces dernières étaient toutes équipées de matériel de numérisation et dématérialisées, ce qui devrait permettre d’améliorer la qualité de leur travail. Il y a encore des greffiers qui passent leurs journées à chercher des dossiers dans les archives et à faire des photocopies…

J’ai également signé, le 15 novembre dernier, un décret qui autorise la communication des pièces sous forme dématérialisée dans le cadre de la procédure pénale. Jusqu’à présent, les pièces transmises sous cette forme n’étaient pas probantes.

Nous avons déjà beaucoup progressé, mais nous irons plus loin encore en 2010 grâce au dossier judiciaire unique – c’est un engagement que je prends. Tout le monde va sur internet aujourd’hui, mais la justice n’est pas informatisée ! Ce sera chose faite en 2008 pour la procédure pénale et en 2009 pour la procédure civile.

S’agissant des greffiers, je rappelle que tous les départs à la retraite ont été compensés cette année. C’est le seul ministère qui bénéficie d’une telle mesure. Nous avons même créé 187 emplois nets de greffiers.

M. Jacques Alain Benisti – Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux À chaque nouvel emploi de magistrat doit en effet correspondre un emploi de greffier. La justice doit être efficace quand elle prend des décisions, mais aussi lorsqu’elle les notifie.

Le délai d’inscription des peines au casier judiciaire s’est également amélioré – il est aujourd’hui de six semaines, et devrait bientôt passer à trois semaines. Dès mon arrivée au ministère de la justice, j’ai en effet veillé à alléger la charge de travail des greffiers et des fonctionnaires de la justice, qui s’était singulièrement accrue au cours des dernières années : j’ai notamment demandé à toutes les cours d’appel de me faire connaître leurs besoins en vacataires afin de rattraper les retards.

Mme Delphine Batho – Je prends acte de cet engagement, qui est important. Mais il faudra que d’autres ministères s’impliquent dans la dématérialisation des procédures. Les officiers de police judiciaire en ont assez de rédiger des quantités astronomiques de procès verbaux qui ne seront pas intégralement lus – on leur préfère les PV dits de « synthèse »…

Il y a besoin d’informaticiens dans les juridictions, mais aussi d’un pilotage de l’administration centrale : ne faudrait-il pas une direction des systèmes informatiques ?

Une remarque enfin sur le budget : vous dites que vous créez autant de postes de greffiers que de magistrats, mais tous les chiffres sont compilés dans la rubrique « greffe, insertion et éducation ». En 2007 et 2008, il y a tout de même 758 emplois équivalents temps plein en moins ! Mais je ne vais pas recommencer le débat budgétaire…

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Je rappelle qu’il y a 187 créations nettes de postes.

Pour ce qui est des partenaires extérieurs, l’interconnexion avec la police et le Trésor public se effectuée en 2008, celle avec les huissiers à la fin de 2009.

J’ajoute que la loi pénitentiaire repose sur les conclusions du rapport du comité d’orientation restreint, qui est en ligne et a été communiqué à la commission des lois. Vous pourrez sans difficulté être associée aux travaux en cours.

S’agissant des nouvelles technologies, nous avons enfin prévu 67 millions d’euros en 2008.

L'amendement 4 est retiré.

ART. 1ER À 3

Les articles 1er à 3, successivement mis aux voix, sont adoptés.

APRÈS L'ART. 3

Mme Delphine Batho – L’amendement 5 ne concerne pas les décisions rendues par la justice pénale, mais les violences urbaines. Une partie des dommages subis par les collectivités locales restent en effet à leur charge : sur 690 000 euros de dégâts causés par les violences urbaines à Brétigny-sur-Orge, 260 000 n’ont pas été couverts par les assurances. À Clichy-sous-Bois, les primes d’assurance ont augmenté de 30 % et la franchise en cas de sinistre a été portée à 2 millions d’euros.

Alors que l’insécurité de certains territoires ne relève pas de la responsabilité des communes, ses conséquences ne sont pas prises en charge par les assurances. Le problème est le même que celui des particuliers victimes des incendies de véhicules en 2005.

Les dégâts avaient été chiffrés à 200 millions d’euros par M. Copé, alors ministre du budget, puis M. Hortefeux avait organisé une table ronde avec les associations de maires et les représentants des assurances afin de trouver des solutions pour l’avenir. Mais les trois groupes de travail qui ont été constitués n’ont pas abouti à des propositions concrètes.

Pour faire face aux situations exceptionnelles, les communes demandent l’instauration d’un fonds d’indemnisation. Elles ont également déposé des recours contre l’État devant la justice administrative sur le fondement de l’article 92 de la loi du 7 janvier 1983, qui pose la responsabilité de l’État en cas d’attroupements et de rassemblements. Nous nous dirigeons donc vers un lourd contentieux juridique.

La proposition des collectivités locales a reçu l’accord des assureurs, mais il reste à convaincre l’État. Il est inéquitable que les communes les plus pauvres subissent des charges trop lourdes pour leurs finances quand un équipement public est touché. Lorsqu’un gymnase brûle, elles sont incapables de le remettre rapidement en état.

M. Étienne Blanc, rapporteur – La mission en charge de l’exécution des peines n’a pas examiné cet amendement, mais je reconnais qu’il soulève un vrai problème.

Avis défavorable, car nous avons besoin de consulter les associations d’élus locaux afin de connaître l’ampleur exacte du problème et d’examiner de plus près la réglementation des assurances.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Après les violences urbaines de 2005, le Gouvernement a utilisé les différentes possibilités ouvertes par le droit commun, notamment le recours au FCTVA et le versement de subventions d’équilibre aux communes en difficulté. La commune de Sevran a ainsi bénéficié de 400 000 euros. Une consultation a ensuite été menée en 2006 avec les assureurs, les élus et les mutuelles.

Il ne semble pas opportun de retenir cet amendement, car la mutualisation du risque d’assurance relève du droit des assurances. Seuls les dommages résultant d’attroupements ou de rassemblements relèvent de la solidarité nationale, c’est-à-dire d’une indemnisation de l’État.

Mme Delphine Batho – Tout le débat porte précisément sur la notion d’attroupement et de rassemblement. La justice tranchera…

L’État a effectivement aidé la commune de Sevran, mais la région Île-de-France a dû verser une subvention de 1 425 000 euros correspondant à ce qui était resté à la charge de la commune en l’absence de mécanisme d’indemnisation.

De leur côté, les assureurs ont créé un nouveau risque, relatif aux violences urbaines. Les communes de banlieue, les plus pauvres et les plus premières victimes de l’insécurité, devront donc consacrer 2 ou 3% de leur budget à leurs primes d’assurance. C’est une inégalité territoriale supplémentaire !

Il est bien dommage que la commission des lois ne se soit pas penchée sur cet amendement que nous maintenons donc.

L'amendement 5, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 4 À 11

Les articles 4 à 11, successivement mis aux voix, sont adoptés.

EXPLICATIONS DE VOTE

Mme Sandrine Mazetier – L’ensemble des groupes ont dit leur préoccupation de voir les décisions de justice appliquées efficacement. Je regrette cependant que l’on n’ait pas accepté l’amendement de Delphine Batho sur l’indemnisation des collectivités locales et l’expression de la solidarité nationale. Les incendies ne sont pas limités à certains quartiers : il y a quelques jours, après d’autres équipements, c’est l’Assemblée de Corse qui brûlait ! Au-delà du préjudice pour les usagers et les élus, il est dommage que les victimes n’aient pas le sentiment que la République est présente à leurs côtés.

Malgré cette déception, et le regret aussi de ne pas avoir plus de précision sur une éventuelle prise en compte de cette proposition dans un texte ultérieur, le groupe SRC votera ce texte, pour donner un signal aux praticiens de la justice et aux justiciables.

M. Guy Geoffroy – Cette proposition est triplement exemplaire : par sa préparation, par la rapidité de son inscription à l’ordre du jour, par son contenu. C’est un très bon texte, précis, efficace et pragmatique, qui aura rapidement les effets positifs attendus par nos concitoyens.

Avec son adoption ne s’achève pas, cependant, la lourde tâche de la mission d’information. À propos des mineurs, quand Mme Tabarot aura rendu son rapport, nous espérons que le Gouvernement sera tout aussi actif. Il faudra également que la partie réglementaire de nos 49 propositions soit rapidement mise en œuvre, et nous nous assurerons que les dispositions législatives prévues dans le rapport de la mission figurent dans la loi pénitentiaire. Mais nous ne sommes pas inquiets…

La qualité de ce texte a été reconnue au-delà des frontières artificielles entre les groupes. Il faudra poursuivre le travail. Le groupe UMP le votera avec satisfaction et avec résolution.

L’ensemble de la proposition de loi, mise aux voix, est adoptée.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – Je remercie tous les groupes qui ont soutenu cette proposition. C’est une première étape pour que les décisions de justice soient mieux exécutées. Nous resterons mobilisés et espérons que le Gouvernement inscrira rapidement ce texte à l’ordre du jour du Sénat et que celui-ci en conservera l’esprit général.

Je souhaite que la mission continue à travailler dans le bon esprit de coopération qui y règne depuis le début de la législature . Notre travail sera plus difficile sur la question des mineurs. Mais nous tiendrons nos engagements et, avec la même persévérance, nous continuerons à vérifier que toutes les juridictions disposent des moyens juridiques et matériels de bien exécuter les décisions de justice. Si nous restons aussi mobilisés, nous parviendrons, à la fin de la législature, à venir à bout de ce mal français qu’est la non-exécution des décisions de justice. Nous avons en tout cas franchi une première étape qui fait honneur au Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Ce travail fait effectivement honneur au Parlement, et je vous en remercie. Cette proposition de loi, qui illustre sa fonction de contrôle, répond à de vraies questions. Le Gouvernement tiendra le plus grand compte des autres propositions de la mission dans l’élaboration du projet de loi pénitentiaire. Je suis très heureuse que cette proposition soit votée à l’unanimité. Je suis très attachée à l’initiative parlementaire et je m’engage à ce que ce texte soit inscrit rapidement à l’ordre du jour du Sénat. Je remercie tous les députés qui ont concouru à son adoption, malgré l’intensité du programme législatif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Prochaine séance mardi 22 janvier à 9 heures 30.

La séance est levée à 23 heures 10.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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