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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 22 janvier 2008

3ème séance
Séance de 21 heures 30
107ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

RAPPORT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LES CONDITIONS
DE LIBÉRATION DES INFIRMIÈRES BULGARES

M. le Président – M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu le 22 janvier 2008 de M. Pierre Moscovici, président de la commission d’enquête sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye et sur les récents accords franco-libyens, le rapport établi au nom de cette commission par M. Axel Poniatowski.

RÉFORME DE L’ORGANISATION DU SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi.

Mme Pascale Gruny – Parce qu’un élu a pour devoir de participer au développement économique de son pays, des élus locaux ont initié la création des Maisons de l’emploi, acteur essentiel du service public de l’emploi qu’il est essentiel de conserver et de pérenniser. Si je soutiens l'architecture générale que le projet de loi tend à instaurer, je souhaite que ces maisons y trouvent toute leur place. Elles ont pour avantage de fédérer en un même lieu tous les acteurs locaux d'un bassin d'emploi, au plus près du terrain ; elles tirent leur légitimité d’un travail auquel sont associés les acteurs traditionnels de l'emploi et qui porte sur des projets adaptés aux besoins locaux et à un espace géographique cohérent, lieu de rencontre entre l'offre et la demande ; elles permettent même d’anticiper, grâce à l’observation, les mutations économiques des territoires.

Souvent récentes, ces maisons sont pourtant déjà bien intégrées au territoire et les demandeurs d’emploi y voient un maillon essentiel de leur recherche. Aux 227 maisons existantes s’ajoutent de nombreux projets, chacun unique en son genre du fait de l’implication d’élus et d’acteurs locaux qui connaissent les besoins et les caractéristiques propres à leur bassin d'emploi. Quant aux entreprises, elles y trouvent enfin un interlocuteur attentif.

Ainsi, dans ma circonscription de l'Aisne, à Saint Quentin, demandeurs d'emploi, salariés et créateurs d'entreprises se réjouissent de l’existence d’un guichet unique au cœur de la ville, propre à satisfaire des attentes particulièrement fortes dans un département plus lourdement touché par le chômage que le reste du pays. En privilégiant la formation, l'évaluation de l'employabilité des personnes et la simplification de l'accès des jeunes à l'emploi, cette structure permet d’améliorer les conditions de recherche d’emploi de tous les chômeurs et de lutter ainsi de manière moderne et concrète contre le chômage.

Membre de la mission d'information sur les Maisons de l'emploi, j'ai pu vérifier leur apport à la mission de service public de l'emploi ; voilà pourquoi je soutiendrai les amendements déposés par la présidente de la mission, Mme Marie-Christine Dalloz, qui tendent à en garantir la prise en considération dans la nouvelle architecture institutionnelle. Bien sûr, Madame la ministre, je voterai votre projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Pinville – Madame la Ministre, sous couvert de réformer le service public de l'emploi, vous proposez en réalité la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, ce qui n’est pas tout à fait la même chose…

En effet, pour réformer le service public de l'emploi afin d’atteindre les deux objectifs principaux que vous a fixés le Président de la République – ramener le taux de chômage à 5% et porter le taux d’emploi de 63 à 70 % avant la fin du quinquennat –, il eût fallu concevoir le contenu de la réforme avant d'en créer l'outil. Il eût également fallu mieux réfléchir à l’accueil le plus approprié aux publics concernés, extrêmement divers. Il eût encore fallu développer la formation continue en concertation étroite avec l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'Éducation nationale et les associations concernées, afin de permettre à chaque salarié d'évoluer au cours de sa vie professionnelle, de changer d’activité le cas échéant et de jouir du droit à une formation qualifiante, notamment pour rechercher un emploi.

La réforme du service public de l'emploi eût en outre supposé une véritable orientation et un véritable accompagnement des demandeurs d’emploi ; une réforme de l'assurance chômage respectueuse du paritarisme et une indemnisation convenable des demandeurs d’emploi ; une gouvernance territoriale et une clarification du rôle et des compétences de chacun.

Au lieu de quoi vous vous livrez à une opération de communication afin de faire croire à l'opinion que l'exécutif s’efforce d'aider les chômeurs à retrouver rapidement un travail. Il s’agit là d’un pur effet d'affichage : l'instauration d'un guichet unique palliera-t-elle le déficit d'offres d'emploi ? Contribuera-t-elle à l'augmentation de la croissance que le Président de la République appelle de ses vœux ? Permettra-t-elle d'offrir aux chômeurs un véritable accompagnement, puis un emploi stable et rémunéré à hauteur de leurs qualifications ?

En réalité, cet ersatz de réforme a pour but de réaliser des économies au détriment des agents et des demandeurs d'emploi. Ainsi les personnels, dont le statut – pour les agents de l'ANPE – ou la convention collective – pour les salariés de l'UNEDIC – sont menacés, ont-ils fait part de leurs inquiétudes lors de nombreuses grèves ; dans la région Limousin-Poitou-Charentes, leur mobilisation dépasse 50 %.

Mais les lieux d’accueil sont également menacés : sur les 1 600 sites existants – ANPE et ASSEDIC confondus –, vous avez promis, Madame la Ministre, d’en préserver 1 000, ce qui revient à en fermer 600, soit presque un tiers. Or cela rejaillira sur l'aménagement de territoires péri-urbains et ruraux déjà sinistrés par la fermeture des bureaux de poste, des hôpitaux et des maternités, des tribunaux de proximité, des gendarmeries, et ne facilitera guère la vie des demandeurs d'emploi.

Plus grave encore, sous couvert d’un regroupement technique, vous entendez mettre la main sur les fonds de l'assurance chômage, puisque vous transférez aux URSSAF le recouvrement des cotisations chômage. Comme le précise le Président de la République lui-même dans sa lettre de mission, « sur le modèle des new deals britanniques, vous engagerez rapidement, en associant, le cas échéant, des partenaires privés rémunérés sur la base d'obligations de résultats, les programmes nécessaires pour aider ceux qui veulent travailler, mais se heurtent à des obstacles majeurs ».

En outre, la précipitation dont, une fois encore, vous avez fait preuve entretient la confusion : quelles compétences conserveront les régions, dont le rôle est essentiel en matière de formation professionnelle, de développement économique et d’enseignement scolaire ? Quel sera le rôle de l'AFPA ? Que deviendront les Maisons de l'emploi – créées il y a à peine deux ans –, les missions locales ou les permanences d’accueil, d’information et d’orientation ? Enfin, quelle gouvernance pour ce nouveau système ?

Voilà pourquoi nous ne saurions soutenir votre projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Alfred Almont – Le présent projet de loi propose, afin de réduire sensiblement le taux de chômage d’ici 2012, une politique active facilitant la rencontre entre demandeurs d'emplois et employeurs et encourageant la création d'emplois.

M. Alain Ferry – Très bien.

M. Alfred Almont – À cette fin, la fusion de l’ANPE et du réseau opérationnel des ASSEDIC doit donner naissance à un opérateur unique pourvoyant à la fois au placement et à l'indemnisation des demandeurs d'emploi, dont il facilitera les démarches.

Or comment cette politique ambitieuse, qui engage l'avenir du service public de l'emploi au sein de la République, pourrait-elle négliger la situation particulière de l'emploi outre-mer sans paraître discriminatoire ? Si le Gouvernement a confié à la mission IGAS un audit préalable à la réforme et portant sur l'ensemble du territoire national, cette étude ne concerne malheureusement pas l’outre-mer, lequel souffre pourtant de taux de chômage extravagants – près de 28 % aux Antilles, près de 40 % à la Réunion – qui y aggravent la précarité.

De fait, outre-mer, les salariés des ASSEDIC et de l'ANPE s’inquiètent à juste titre des suppressions d'emplois que pourrait entraîner le transfert de la collecte des cotisations d'assurance chômage à l'URSSAF, transfert qui menace par ailleurs la gestion paritaire du régime d'assurance chômage. Ces salariés souhaitent être rassurés quant à leur futur statut.

En outre, en nous présentant ce projet de loi, vous avez invoqué le respect des partenaires sociaux, précisant que l’UNEDIC conserverait la responsabilité du régime d'indemnisation et que les deux financeurs – État et partenaires sociaux – assureraient la gouvernance du système. Or votre projet ne le prévoit qu’au niveau national. S’agissant de la Martinique et plus généralement des régions d'outre-mer, il est donc nécessaire de préciser le rôle des partenaires sociaux afin de prendre en considération les réalités économiques régionales. En effet, en exprimant les besoins des entreprises régionales, les représentants des employeurs et des salariés permettent d’orienter la politique régionale de l'emploi et de la formation. Ainsi, sur dix stagiaires formés par Ies ASSEDIC, huit sont reclassés. En outre, le financement de l'assurance chômage étant assuré par les cotisations des employeurs et des salariés, il est légitime que les financeurs disposent d’un pouvoir de décision au niveau régional.

Pourquoi ne pas réunir les partenaires sociaux au sein d’une instance régionale de coordination du service public de l'emploi auprès du préfet, dotée d’un pouvoir de décision et chargée de favoriser la concertation entre acteurs et la coordination des politiques de formation professionnelle et d'emploi ? Par sa composition, le comité régional pour l'emploi proposé par le Sénat évoque malheureusement des institutions analogues qui ont échoué à remplir leur mission faute de moyens administratifs et budgétaires. Le moment paraît venu d’instituer une gestion véritablement paritaire, assurée par les représentations patronales et salariales.

Une des missions du nouvel organisme serait le reclassement des salariés et l’analyse du marché du travail. Toutefois, le transfert du recouvrement à l’ACOSS en 2012 mettra fin à une relation privilégiée avec l’entreprise, relation qui n’existe quasiment pas à l’ANPE. On peut donc craindre que ce transfert pénalise le nouvel organisme. L’intervention de l’URSSAF dans la collecte des fonds peut en effet altérer la fiabilité des statistiques de l’UNEDIC en matière d’emploi. Il est donc indispensable de garantir la mise à disposition du fichier des entreprises en temps réel, grâce à des outils performants de transfert de données en continu. On peut craindre également que le transfert du recouvrement à l’ACOSS porte atteinte à la carrière des agents affectés à cette fonction au sein de l’assurance chômage. Il faut garantir leur repositionnement dans le nouvel organisme, avec des parcours de professionnalisation adaptés.

Le projet de loi prévoit enfin pour les agents de l’ANPE un droit d’option entre leur statut actuel et la convention collective du nouvel organisme, alors que les agents de l’assurance chômage se verront obligatoirement appliquer cette dernière. Un amendement du Sénat prévoit que leur convention collective actuelle sera maintenue jusqu’en octobre 2010, mais il faut garantir leur rémunération et leur déroulement de carrière ultérieur.

Faire baisser le taux de chômage en Martinique dans des proportions analogues à la métropole est impossible. Le vouloir pourrait sembler une méconnaissance de la situation. Le dispositif d’assurance chômage doit garder sa pleine autonomie, avec l’obligation pour les gestionnaires de négocier enfin un avenant spécifique. Plus que jamais, il est nécessaire de rationaliser un véritable service public de l’emploi au niveau régional. Je reconnais que la tâche n’est pas simple, mais le moment est venu de prendre toute la mesure de ce défi de la cohérence et de l’efficacité d’un service public de l’emploi régional. Je souhaite donc vivement que ce projet de loi fasse l’objet d’adaptations appropriées à nos régions.

M. le Président – Il faut conclure, Monsieur Almont.

M. Alfred Almont – Pour cela, il faut engager une concertation avec l’ensemble des parties concernées. Je vous fais entièrement confiance pour cela, Madame la ministre. Je soutiens naturellement votre stratégie consistant à encourager la création d’emplois et à renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emplois – bref, à moderniser le service public de l’emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Letchimy – Un projet de loi sur l’emploi devrait, au-delà des divergences politiques, pouvoir susciter une certaine complicité intellectuelle. Parvenir au plein emploi d'ici 2012 est en effet une ambition que je suis prêt à partager, d’autant que la Martinique compte 23,6 % de chômeurs. C’est donc dans un état d’esprit des plus ouverts que j’ai examiné ce projet de loi. On y trouve des dispositions fondées, et d’autres qui relèvent de ce que Jacques Attali appelle les « conservatismes généralisés », dont les conséquences risquent d’être catastrophiques.

Tout d'abord, votre réforme se contente de recomposer des outils existants, sans créer cette politique publique territoriale de l’emploi qui nous fait défaut. Certains outils sont fusionnés, mais sans la réorganisation d’ensemble indispensable. Ensuite, ce projet ne remet pas en cause la séparation artificielle entre les politiques de développement économique, de formation et d'insertion, alors que la loi d'août 2004 a conforté dans ces domaines la place des territoires. Tant cette loi que la révision constitutionnelle de mars 2003 vous offraient pourtant l'opportunité d'entreprendre la démarche d'expérimentation puis d’évaluation nécessaire avant de généraliser toute nouvelle politique.

Enfin, on peut s’interroger sur la fonction réelle que vous conférez à ce nouvel outil. S’il doit être un véritable instrument stratégique, quelle politique de l'emploi va-t-il servir ? Ne serait-il pas plutôt un outil d'apurement qui permettrait, par pure éviction statistique, de diminuer – en apparence – le chômage ? La suppression des droits après deux refus d'offre d'emploi « valables » accrédite fortement cette idée, et rend manifeste votre volonté de stigmatiser les demandeurs d'emploi. En Martinique, on a déjà proposé à un comptable une activité d'ouvrier agricole, au motif qu'il était comptable dans une entreprise de ce secteur d’activité…

Le projet gouvernemental remet également en cause le paritarisme et procède à une recentralisation de la politique de l'emploi proche d'un processus d'étatisation libérale. Pourquoi transférer le recouvrement des cotisations chômage à l'URSSAF alors qu’elle est dépourvue d'outil statistique ? De même, le dispositif actuel ne comporte aucun document pluriannuel fiable. Vous me répondrez que le service public de l'emploi régional en fait fonction, mais il reste d’un intérêt très limité. Quelles sont les obligations de l'État en matière de financement ? Comment évoluera le statut du personnel des ASSEDIC ? Voilà quelques unes des interrogations que suscite votre démarche.

Mais votre réforme bute surtout sur la question de la légitimité de votre politique de l'emploi. Aujourd'hui, les politiques publiques de l'emploi souffrent d'un déficit global de pilotage territorial. Les actions développées par l’État, les régions, les départements ou les communes sont insuffisamment coordonnées et déconnectées des réalités économiques et sociales locales. L'absence d’articulation empêche toute politique cohérente et efficace de lutte contre le chômage et de développement économique.

Votre projet laisse de coté cette considération essentielle. Il ne tient pas compte de la réforme de l'architecture territoriale d’août 2004 et n’assure pas à la région la place qui devrait être la sienne. C’est pourtant l’échelon pertinent, puisqu’elles sont à la fois suffisamment vastes pour animer des projets ambitieux et suffisamment restreintes pour coller aux spécificités du territoire. Cette démarche doit être complétée par un instrument global de planification territoriale, qui pourrait prendre la forme d'un schéma régional de I'emploi qui prenne en considération tous les niveaux de collectivités, et notamment les communautés d'agglomérations et de communes.

Ce sont là des exigences essentielles dont on ne trouve pas trace dans votre texte. C’est une de ses nombreuses carences. Au final, je conclus que votre projet est moins une simple réforme de l'outil qu’une étape essentielle d’un processus de dérégulation du marché du travail.

M. le Président – Il faut conclure, Monsieur Letchimy.

M. Serge Letchimy – Ce faisant, vous laissez de côté un certain nombre de principes indispensables à une économie solidaire, alors que le plein emploi est loin d’être pour demain. C'est pour ces raisons que j'ai déposé des amendements à ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Claude Mathis – Le Président de la République l'avait promise, le Gouvernement y a travaillé et l’Assemblée devrait l’adopter, comme le Sénat il y a quelques jours : la réforme du service public de l'emploi va devenir réalité, avec comme objectif de ramener le taux de chômage autour de 4 ou 5 % pour 2012, en mettant en adéquation l'offre et la demande de travail. L'objectif est double : améliorer le service rendu à la fois aux demandeurs d'emploi, en simplifiant leurs démarches et en renforçant les moyens de leur accompagnement, mais aussi aux entreprises.

La fusion entraîne certains problèmes pratiques, dont ceux relatifs au statut et au transfert des personnels, au maillage du territoire et au durcissement des conditions d'indemnisation des chômeurs. La coexistence de plusieurs statuts du personnel sera pour le moins compliquée à gérer. Les agents de l'ANPE sont en effet en grande majorité des contractuels de droit public à durée indéterminée, tandis que ceux de l'assurance chômage sont des salariés de droit privé régis par une convention collective. Les statuts actuels des deux types seront conservés, jusqu'à la mise en place de la convention collective de la nouvelle institution.

En outre, les salariés des ASSEDIC s'interrogent sur l’avenir de leurs collègues affectés aux tâches de recouvrement. Le délai prévu avant le transfert devrait permettre d'organiser en douceur leur reclassement professionnel, soit auprès des URSSAF, soit au sein du nouvel opérateur, avec la formation nécessaire. Comme l’a dit la ministre, la fusion des réseaux ne devrait pas entraîner de réduction d'effectifs et il ne devrait pas y avoir de mobilité géographique imposée. Enfin, il faudra veiller à prendre en considération les cultures des deux pôles de la nouvelle institution.

Pourtant, nombre de responsables de collectivités locales manifestent des inquiétudes. Ils craignent des fermetures d'agences…

Plusieurs députés du groupe GDR – Évidemment !

M. Jean-Claude Mathis – …et s’interrogent sur la nécessité de maintenir les Maisons de l'emploi soutenues par le précédent gouvernement, qui ont le même objectif que la présente réforme. Les élus craignent que cet empilement de structures ne mène à des usines à gaz…

Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe GDR – Ah !

M. Jean-Claude Mathis – …et ne fasse naître une concurrence néfaste au lieu d'une dynamique bénéfique. Puissiez-vous les rassurer, Madame la ministre ! Le projet de loi doit lever ces inquiétudes, car l'objectif est bien de disposer sur l'ensemble du territoire d'implantations polyvalentes et non de réduire la présence du service public de l'emploi dans les zones rurales.

Par ailleurs, les trois principaux syndicats de l'ANPE craignent que la réforme ne se traduise par des pressions sur les demandeurs d'emploi pour qu'ils acceptent n'importe quel travail. Le Président de la République a en effet demandé l’élaboration d'un calendrier pour l'instauration de sanctions à l’encontre de chômeurs qui refuseraient deux offres d'emploi dites acceptables – sans qu’il existe de critère précis pour définir de telles offres. Tous les pays européens ont pris des mesures pour suspendre les droits des demandeurs d'emploi ayant décliné plusieurs offres valables. La France ne peut pas se permettre d'être l’exception : on constate statistiquement une accélération du retour à l'emploi quand l'échéance des droits à indemnisation approche.

La fusion de l'ANPE et des ASSEDIC marque une première étape de la réforme du marché du travail, qui a besoin d'être complétée dans les prochains mois par une réforme du contrat de travail et de notre système de formation professionnelle. Car créer des emplois ne suffira pas : encore faut-il qu'ils soient pourvus. Nombre d'entreprises ont beaucoup de difficultés à trouver du personnel adapté, à la fois en quantité mais surtout en qualité.

M. le Président – Monsieur Mathis, il faut conclure.

M. Jean-Claude Mathis – Notre pays est confronté à un défi considérable, que nous devons tous ensemble relever. Pour cela, il faut améliorer notre système de formation.

Ce texte, qui devrait être judicieusement amendé au cours de notre discussion, est largement propice à l’emploi, pour le bien du plus grand nombre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-René Marsac – Une réforme du service public de l'emploi est nécessaire. Mais les injonctions du Président de la République qui visent à faire baisser le taux de chômage à tout prix et à répondre immédiatement à l'impatience des entreprises vous conduisent à une improvisation totale.

Votre projet ne repose sur aucune évaluation avec les partenaires sociaux, les personnels, les acteurs de l’insertion et les demandeurs d’emploi. Ancien responsable national d'une fédération d'insertion par l'activité économique j'ai entendu, durant dix-huit ans, les reproches formulés faits par de nombreux chômeurs à l'égard d'un système complexe et angoissant. Contrairement à ce que croient beaucoup, la pression très forte sur des chômeurs conduit plus souvent à l'exclusion qu'à l'emploi ; on ne peut pas s'apitoyer sur les SDF et ne pas considérer que leur situation est aussi en grande partie le signe de l'échec des politiques publiques de l'emploi.

Dans nos permanences, nous entendons des licenciés économiques, des chômeurs de longue durée et des travailleurs très précaires raconter leur parcours. Ils attendent des réponses durables. Mais votre réforme s'adresse-t-elle à l'ensemble des demandeurs d'emploi ? Si oui, pourquoi ne pas attendre les résultats du Grenelle de l'Insertion qui devrait avoir un impact sur l'organisation du service public de l'emploi ?

En réalité, votre objectif étant d'atteindre 5 % de chômage, vous concentrez vos efforts sur la catégorie 1 des demandeurs d'emploi, seuls pris en compte dans les statistiques officielles. En effet, 47 % seulement des demandeurs d'emplois comptabilisés sont indemnisés par les ASSEDIC et vous concentrez le service public d'État sur cette catégorie plus proche de l'emploi, laissant aux collectivités territoriales et locales la responsabilité des chômeurs de longue durée et des exclus du marché du travail.

Il est sans doute utile de rappeler que l’indemnisation relève encore d'un système d'assurance payé conjointement par l'employeur et le salarié, donc de la solidarité collective et non d'une assurance privée individuelle. On pourrait en effet croire en vous entendant que la Nation fait preuve d’une générosité exceptionnelle envers des chômeurs qui feraient trop peu d'efforts pour s'insérer et qu'en conséquence, il faut durcir les conditions de maintien de la couverture ASSEDIC. Nous ne sommes pas hostiles à l'exigence envers les individus mais avec un accompagnement beaucoup mieux structuré ; il ne faut jamais oublier que le chômage est en soi un traumatisme.

Peut-être est-il aussi utile de rappeler que, selon le préambule de la Constitution, « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Nous sommes déjà actuellement très en deçà de cette exigence. Jusqu'où comptez vous allez dans la négation de ces principes fondamentaux ?

En fait, dans votre réforme, vous ne vous intéressez pas aux chômeurs, mais au marché du travail et aux « tensions » sur ce marché, sans voir que si certains métiers sont peu attractifs, c’est en raison des mauvaises conditions de travail et de rémunération, des problèmes de mobilité et de logements saisonniers, et de la faible considération sociale dont ils font l’objet. D'ailleurs tous ceux qui dissertent, ici et ailleurs, sur l'importance d'y pousser les chômeurs, sous la menace de supprimer leurs moyens d'existence, se garderaient bien de le faire pour leurs propres enfants en recherche d'emploi !

Le débat va donc porter sur l'institution, sur le devenir des personnels du service public, sur les besoins des entreprises, sur votre vision abstraite du marché du travail, dans l’optique des entreprises qui exigent que le service public mette à leur disposition, en flux tendu, la partie la plus mobile des demandeurs d'emploi. Je souhaite que nous remettions les besoins des demandeurs d'emploi au centre de nos choix et des missions du service public de l’emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Louis Cosyns – Ce texte a pour objectif de mettre en place un service public de l'emploi efficace permettant ainsi à moyen terme le retour au plein emploi. Dans cette perspective, j'évoquerai quatre points qui me semblent particulièrement importants.

D’abord, il est nécessaire d’unifier des implantations pour créer une culture commune de travail au service des chercheurs d'emploi et des entreprises. Ce regroupement permettra aussi de simplifier les démarches avec un guichet unique, et devrait concerner aussi les autres structures, PAIO et missions locales.

M. Alain Ferry – Très bien.

M. Louis Cosyns – Toutefois la fusion ne saurait servir de prétexte à un recul du service public de l'emploi dans les zones rurales.

Par ailleurs, cette fusion devrait permettre de perfectionner les outils, notamment les systèmes informatiques. Ainsi le ROME, répertoire opérationnel des métiers, en cours d'actualisation, prévoit dans sa version papier un code pour le métier d'attaché parlementaire. Mais la transcription dans le système informatique va prendre près de deux ans. C'est inacceptable ! Profitons de la fusion pour renforcer l'efficacité des systèmes d'information.

Un autre dysfonctionnement tient à la formation des conseillers. J'ai déjà évoqué la proposition d'emploi de chauffeur livreur qui avait été faite à une personne handicapée visuelle. En plus du bon sens, il faudrait que plus de conseillers soient mieux formés aux métiers, à la relation, aux attentes des entreprises et des chercheurs d'emploi. La nouvelle entité devra donc avoir une politique de formation continue de ses agents.

Il existe, au sein de l'ANPE et de l'UNEDIC, des personnes formidables, qui font tout leur possible pour aider les chercheurs d'emploi. Il faut leur permettre de rester aussi investis et aussi efficaces. Il faut également que ce niveau de service, cet esprit de service se généralise dans la nouvelle entité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Régis Juanico – Nous ne sommes pas hostiles au principe d’une réforme du service public de l’emploi, lequel n’est pas, comme vous l’avez dit, Madame la ministre, dans un lapsus révélateur, « un marché public de l’emploi ». Mais cela, à condition d’améliorer le service rendu aux demandeurs d’emploi et d’apporter quelque chose aux personnels concernés par la fusion. Nous doutons fortement que ce soit le cas. Vous avez, une fois de plus, créé une usine à gaz.

Dans la Loire, les personnels de l’ANPE et des ASSEDIC ont fait grève à 75 % le 8 janvier dernier. C’est qu’ils ne comprennent pas ce que vous voulez avec cette réforme, si ce n’est des économies d’échelle et de moyens. Pourtant, ce sont eux qui vont la mettre en œuvre sur le terrain. Ils y vont à reculons. Ce n’est pas simplement qu’ils luttent pour garantir leur statut. Ils auraient souhaité qu’on comprenne mieux leurs métiers et qu’on ait une vision plus claire de leurs missions. Par exemple, vous confiez à l’URSSAF la mission exercée par les 1 500 agents du recouvrement des cotisations des ASSEDIC – dont 160 personnes en Rhône-Alpes. Mais en réalité, ils n’encaissent pas les chèques – cette activité est sous-traitée – ils se consacrent à analyser les comptes, à conseiller les entreprises, à gérer les aides au retour à l’emploi, à faire de la prospective et ainsi à produire un outil statistique indispensable. L’URSSAF ne remplira jamais de telles missions.

Les personnels s’inquiètent également de l’implantation territoriale du service de l’emploi. Vous évoquez des plates-formes intégrées de 40 à 45 personnes. Que deviendront les sites de villes moyennes avec dix ou vingt agents comme Firminy, Andrezieux ou Montbrison ? Après la casse du service public de la justice, allez-vous organiser la casse du service public de l’emploi dans nos territoires ?

Ensuite, sur ce qu’apportera cette réforme aux demandeurs d’emploi, nous avons aussi de sérieux doutes. Par exemple, il existe dans les ASSEDIC des commissions paritaires au niveau local qui examinent les recours des demandeurs d’emploi et, dans huit cas sur dix, trouvent une solution adaptée. Leur disparition dans la nouvelle structure signifie une perte de garanties pour les chômeurs. De façon générale, la loi va accroître le recours aux organismes privés de placement qui seront rémunérés sur la base d’une obligation de résultat. Ils exerceront des pressions sur les chômeurs, soumis par ailleurs à une nouvelle règle après le refus de deux offres d’emploi. Le service public de l’emploi va ainsi devenir l’instrument d’un marché du travail à deux vitesses, délaissant ceux qui sont le plus en difficulté et entraînant une déqualification des demandeurs.

Moins de garanties et plus de pression : nous sommes loin d’une amélioration du service public de l’emploi, qui consisterait à travailler au retour vers un emploi de qualité, stable et bien rémunéré, avec des perspectives d’évolution et de bonnes conditions de travail. Votre texte est une formidable occasion manquée (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. François Scellier – Je me réjouis de ce que, grâce à un amendement du Sénat, un représentant des collectivités territoriales siègera au conseil d’administration de la nouvelle institution. Ainsi le rôle des départements est mieux reconnu, et c'est justice : il existe déjà un vrai partenariat entre ceux-ci et l'ANPE dans le cadre de la gestion du RMI, qui va parfois jusqu'à la présence d'agents de l'ANPE au sein des services départementaux pour permettre une meilleure collaboration dans la recherche d'emplois à destination des érémistes.

Je me félicite d’ailleurs de la logique qui a prévalu lors de la refonte du RMI : mettre enfin l'emploi au centre du dispositif. Nombre de départements ont en effet pour priorité le retour à l'emploi des érémistes, que souhaitent d’ailleurs la majorité des intéressés. Le lancement à titre expérimental du RSA apparaît comme une démarche essentielle pour réussir le retour à l'emploi des publics en difficulté, ce qui renforce la nécessité d’un partenariat entre les départements et le futur établissement qui naîtra de la fusion de l'ANPE et de l'ASSEDIC.

Une mission sur la place des Maisons de l'emploi dans le nouveau dispositif a été confiée à notre collègue Anciaux. Je souhaite qu’à terme, la réforme concerne aussi !a multitude d'acteurs et d'organismes chargés d'accompagner les jeunes dans leur insertion – missions locales, PAIO – dont l'efficacité est parfois sujette à caution. Leur action doit pouvoir être évaluée et le cas échéant réformée pour permettre aux jeunes d’accéder plus facilement à un emploi.

La réforme engagée aujourd’hui devra donc se poursuivre, comme l’envisage d’ailleurs le Gouvernement puisque selon le préambule du projet de loi, le dispositif nouveau a aussi pour but de resserrer les liens entre les différents réseaux d'accueil et d'accompagnement des personnes sans emploi, ce qui doit concerner tous les publics sans distinction d'âge. Une meilleure coordination de ces dispositifs – voire leur intégration dans un même ensemble – devrait permettre d'améliorer le service rendu aux jeunes.

En un mot, je me réjouis de cette réforme, en regrettant qu'il n'ait pas été possible de la faire plus tôt. Je voterai donc ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Présentée comme simplifiant les démarches des demandeurs d'emploi, la fusion de l'ANPE et des réseaux de l'UNEDIC vise en fait à faire des économies sur le dos du service public de l'emploi. Nous appelons certes depuis longtemps de nos vœux la simplification des démarches administratives jalonnant le parcours laborieux des chômeurs. Mais la réforme du service public de l'emploi n’est pas au rendez-vous : ce texte semble plutôt s’inspirer de l'expérience britannique des job centers, qui ont pourtant contribué à développer la précarité Outre-Manche. Rien ne permet de penser qu’il permettra de faire passer le chômage sous la barre des 5 % d’ici 2012. En effet, la baisse du chômage ne se décrète pas : il faut que des emplois soient créés, et les mesures de la loi TEPA adoptée cet été ne font déjà plus illusion. Le slogan « travailler plus pour gagner plus » ne s'appliquera pas aux oubliés de votre politique. Je pense aux salariés à temps partiel, à ceux qui ne sont pas aux 35 heures, dont le temps de travail est annualisé ou qui ne bénéficient pas de RTT, aux chômeurs… Les déclarations du Président de la République, agitant le chiffon rouge des chômeurs fraudeurs, font plutôt craindre un recul des garanties collectives du monde du travail.

Ce texte aidera t-il les chômeurs à trouver un emploi stable, à mieux se former ? Non : il s'agit d'organiser un marché du travail à deux vitesses : d’un côté les réformes conduites par Martin Hirsch – réforme des minima sociaux, généralisation du RSA financé par les conseils généraux – de l’autre, pour les chômeurs les plus près de l’employabilité, l’obligation d'accepter n'importe quel travail après deux offres d'emplois valables ou acceptables, pour reprendre la déclaration du Président de la République. Qu’entend-on d’ailleurs réellement par ces mots ?

Pour simplifier les démarches des demandeurs d'emploi, il n'est nul besoin de fusionner l'ANPE et l'UNEDIC. Le guichet unique pouvait se généraliser à la faveur du développement des Maisons de l'emploi créées en 2005, qui sont chargées de cordonner les actions menées dans le cadre du service public de l'emploi. Mais le Gouvernement a préféré se désengager, et parfois geler leur conventionnement faute de financement. Précipitation et urgence guident l'action du Gouvernement, à tel point qu'il réforme ce qu'il n'a pas encore fini de mettre en place !

Oui, une réforme du service public de l'emploi est nécessaire. Les dispositifs d'accompagnement à l'emploi ont été multipliés sans grand succès, si bien qu’on aboutit aujourd'hui à un service public éclaté. L’ANPE est chargée du placement des demandeurs d'emploi ; l'UNEDIC gère leur indemnisation ; l'AFPA propose des actions de formation ; les services de l'État mettent en œuvre la politique de l'emploi. Ajoutez à cela les missions locales pour les moins de 25 ans, les PLIE pour les plus éloignés de l'emploi, les conseils généraux pour l'insertion des érémistes, les conseils régionaux pour le développement économique et la formation, et j’en passe… Vous auriez été mieux inspirés de mettre à plat tous ces dispositifs pour engager une véritable réforme.

Le vrai problème reste la pénurie d'offres d'emploi correctement rémunérées et l'insuffisance d'offres de formations qualifiantes. Ce texte n'y répond pas. Les radicaux de gauche le considèrent comme dangereux, car il est dans la droite ligne de ce que réclame le Medef : le détricotage de la protection sociale et du droit du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Lionel Tardy – Ce texte organise la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC pour créer enfin un service public unifié de l'emploi. J’approuve pleinement cette mesure, car je suis favorable aux guichets uniques, qui organisent les services publics en fonction des usagers et non du confort de fonctionnement des administrations. Je crains cependant que nous ne nous dirigions pas vers une amélioration du service public de l'emploi. Nous discutons organisation et pilotage d'une nouvelle entité administrative de droit public, statut du personnel, convention collective, « droit d'option ». Et les usagers dans tout cela ? Quid du service que l'on entend rendre, de la philosophie de cette nouvelle entité ? Pas grand-chose jusqu’à présent, pour ne pas dire rien. C'est pourtant là l'essentiel !

Au-delà du sauvetage de la convention collective revendiqué par l'UNEDIC, le nouvel organisme aura pour tâche l'accueil, l'orientation, le placement et l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Nous avons tous reçu dans nos permanences des demandeurs d'emplois perdus dans le maquis administratif, radiés pour s'être trompés et avoir envoyé à l'ANPE un document qu'il fallait adresser à l'UNEDIC ou avoir raté – parfois pour d’excellentes raisons comme un entretien d’embauche – un rendez-vous avec leur conseiller ANPE. Un demandeur d’emploi de ma connaissance, qui travaillait à temps très partiel et avait été convoqué un jour où il avait précisé qu'il n'était pas disponible, a été radié trois jours après la date du rendez-vous parce qu’il ne s’était pas présenté !

En tant que chef d'entreprise, je n'ai jamais fait appel à l'ANPE. Les raisons en sont simples : manque de réactivité (Protestations sur les bancs du groupe GDR), pas de demandeurs d'emploi disponibles sur les métiers en tension et les métiers d'avenir.

M. Roland Muzeau – Haro sur le service public !

M. Lionel Tardy – Les patrons de PME recrutent davantage par le bouche à oreille ou en débauchant chez leurs concurrents. Ce n'est pas normal (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe UMP). Il faut réconcilier les patrons de PME avec l'ANPE, et j'espère que la nouvelle entité s'y attellera.

Si le service public de l'emploi ne donne satisfaction ni aux demandeurs d'emplois, ni aux entreprises, ce n'est pas seulement à cause de la division des tâches entre l'ANPE et les ASSEDIC. La fusion débouchera certes sur une meilleure qualité de service. Mais la réforme du service public de l'emploi ne saurait se limiter à celle des structures. C'est tout un état d'esprit qu'il faut réformer. Comment cette nouvelle entité va-t-elle prendre en charge les demandeurs d'emploi ? Quel accompagnement, quelle réactivité vis-à-vis des demandes des entreprises ? Comment redéploierez-vous les salariés de l'UNEDIC, peu formés au contact avec les usagers, vers des emplois d'accueil, de placement et d'accompagnement ?

Ce sont ces sujets qui intéressent les usagers, et c'est là qu'est la clé du succès de la réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Christine Dalloz – Nous avons entendu beaucoup de choses sur ce projet de fusion. Je retiendrai, Madame Iborra, l’image de la carpe et du lapin. Je me demande qui est l’un et qui est l’autre… Plus sérieusement, la création d'un opérateur national unique au service de la personne sans emploi était une réforme indispensable.

Je me réjouis donc que ce grand projet de fusion de l'ANPE et des ASSEDIC devienne enfin une réalité. Pierre Mauroy promettait déjà au début des années 1980 la création d'un vaste service public de l'emploi. Nul jusqu'à présent n'avait eu le courage de s'y atteler.

Nous éprouvons chaque jour au sein des Maisons de l'emploi la nécessité d'un interlocuteur unique. Créées pour réunir les acteurs institutionnels, économiques et politiques travaillant pour l'emploi et faire naître une synergie autour de projets, elles facilitent grandement les démarches des chercheurs d'emploi.

Ce vaste service public unifié de l'emploi est un outil majeur de l’accompagnement individuel des chômeurs, corollaire indispensable à la souplesse du marché du travail. En cela, le projet va bien au-delà du plan de cohésion sociale.

Pour autant, je tiens, en tant que présidente de la mission d'information sur les Maisons de l'emploi, à appeler votre attention sur divers points qui devraient être précisés. J'ai déposé des amendements en ce sens et la commission en a repris certains. En premier lieu, il faut réaffirmer le rôle des Maisons de l’emploi. Créées par une volonté politique locale, elles ont en effet un rôle fédérateur essentiel, complémentaire du nouvel opérateur. Le Sénat a déjà amendé le texte en ce sens, mais nous devons aller plus loin et, en coordonnant leur réseau et la nouvelle institution, tenir pleinement compte de la dimension territoriale que les Maisons de l’emploi apportent aux politiques nationales en contribuant à coordonner les missions d'observation et de reconversion des territoires.

Nous gagnerons en efficacité en clarifiant les relations entre les Maisons de l'emploi et le nouvel opérateur. Je me réjouis donc que la commission ait adopté mon amendement précisant que les Maisons de l'emploi seront consultées par le conseil régional de l'emploi sur les termes de la convention qui définira notamment leur coopération avec la nouvelle institution. Je note aussi avec satisfaction que la décision a été prise d’assurer leur représentation au sein du futur Conseil national de l'emploi. Je souhaiterais, de plus, que nous modifiions la composition du conseil d'administration de la nouvelle instance, afin qu’y siège un représentant des Maisons de l'emploi.

Je tiens enfin à vous remercier, Madame la ministre, d’avoir prêté une oreille attentive aux inquiétudes que les membres de la mission d'information exprimaient et mieux reconnu le travail accompli par les Maisons de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Benoist Apparu – Je ne reviendrai pas sur la philosophie générale de ce projet, que j’approuve, mais j’aborderai le sujet de l'emploi des jeunes. En France, l'entrée dans la vie active est, depuis longtemps, particulièrement difficile et si nous avons désormais ramené notre taux de chômage dans la moyenne européenne, il n'en va pas de même pour ce qui concerne les jeunes, qui demandent une prise en charge spécifique. Si un diplôme de l'enseignement supérieur demeure un atout majeur pour trouver un emploi, ce n’est pas un sésame, puisque, deux ans après avoir terminé leurs études, près de 20 % des diplômés de l’enseignement supérieur n’ont pas d’emploi. Mais c’est le cas de 40 % des jeunes d’une même classe d’âge qui n’ont pas ce diplôme.

Ces chiffres masquent évidemment des disparités considérables. Ainsi, 40 % des diplômés de l'enseignement supérieur ont connu le chômage au cours des trois années qui ont suivi la fin de leurs études, principalement les titulaires d'un diplôme de lettres, sciences humaines ou sciences sociales. Or l'ANPE est mal outillée pour traiter ces publics. Le projet doit en tenir compte, en précisant que l’une des missions fondamentales de la nouvelle structure est de favoriser l’accès au premier emploi. Il convient aussi de s'interroger sur l’articulation des institutions qui traitent de l’emploi des jeunes – je pense plus particulièrement au « bureau insertion » que la récente loi sur l'autonomie des universités vient de créer. Il serait en effet pour le moins surprenant qu'à l'heure ou le Gouvernement s'efforce de rationaliser les institutions chargées de l'emploi, on laisse de coté une institution publique à peine créée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Paul – Nous nous interrogeons sur l’ambition réelle du Gouvernement en matière de lutte contre le chômage. Le service public de l’emploi, ce n’est pas un jeu de Meccano, ce sont des hommes et des femmes. De part et d’autre de la table se font face les demandeurs d’emploi, en plein désarroi, à qui il faut redonner une sécurité par un accompagnement personnalisé et des offres d’emploi crédibles, et des équipes soumises à des changements permanents et à des stratégies incomplètes, auxquelles nous devons redonner moyens et efficacité. Il était donc grand temps, en effet, de réinventer l’action publique en ce domaine, mais sans se limiter à une fusion des guichets sans pilote apparent.

La fusion est une idée séduisante dans son principe (« Ah ! « sur les bancs du groupe UMP) mais tel qu’il est conçu, le projet paraît fragile. C’est de plus un extraordinaire abus de langage que de prétendre qu’il réformerait l’ensemble du service public de l’emploi – on en est loin ! Plusieurs de mes collègues l’ont dit, les réseaux se sont sédimentés depuis les années 1970, mais le projet ignore les services du ministère en régions et l’on ne sait ce qu’ils deviendront. C’est la conséquence de la faute originelle commise lors de la constitution du Gouvernement : il n’y pas de véritable ministre de l’emploi.

Le projet témoigne par ailleurs d’une vision incroyablement étatiste des politiques publiques, ce qui est un contresens historique. Les néo-libéraux feignent de croire que rien ne se passe ni avant ni après le face-à-face entre demandeur d’emploi et agent du service public de l’emploi, comme si l’on pouvait se passer des collectivités locales et de la formation professionnelle. C’est une nouvelle preuve de l’improvisation qui marque la politique de l’emploi depuis 2002, et que démontrent, si besoin en était, les tête-à-queue successifs depuis votre tentative de gommage du traitement social du chômage…

Mme Martine Faure – Oh !

M. Christian Paul – Mais oui, Madame Faure ! Principe de réalité aidant, il fut suivi d’un brusque remords en 2004, ce qui n’empêcha pas ensuite de porter à nouveau atteinte aux contrats aidés… De cette discontinuité dans l’action gouvernementale, l’affaire des Maisons de l’emploi est emblématique. J’aimerais, Monsieur Anciaux, que vos efforts soient couronnés de succès…

M. Jean-Paul Anciaux – Ils le seront !

M. Christian Paul – …et que l’engagement de l’État, garant de l’égalité des droits, se traduise par un pilotage régional de la politique de l’emploi. Je vous sais, Monsieur le Président Méhaignerie, attaché aux expérimentations ; j’espère donc que nous expérimenterons le pilotage régional de la politique de l’emploi que nos concitoyens attendent (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Nous aurons l’occasion de revenir sur le fond lors de l’examen des articles. Je me limiterai donc à quelques commentaires rapides. Je tiens en premier lieu à tordre le cou à quelques idées fausses, qui témoignent de l’incompréhension de notre approche. Nous souhaitons placer les demandeurs d’emploi et les entreprises au cœur du dispositif. Il va sans dire que nous ne vilipendons pas les demandeurs d’emploi…

M. Roland Muzeau – Mais si ! Et cela dure depuis six ans !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Nous ne voulons pas davantage stigmatiser les entreprises.

M. Roland Muzeau – Ça non !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Elles se trouveront au cœur du dispositif, dans la mesure où – elles aussi – sont des chercheurs d’emplois.

Certains d’entre vous ont le sentiment qu’il n’y a pas de pilote. Que serait-ce si les chiffres étaient mauvais ! Or ils sont plutôt bons : il y a moins de deux millions de demandeurs d’emploi ; les entreprises, qui étaient au rendez-vous en 2007, le seront en 2008 (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Monique Iborra – Et la précarité ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Vous avez été nombreux à évoquer les maisons de l’emploi. À cet égard, je veux remercier M. Anciaux pour le travail approfondi qu’il mène dans le cadre de la mission qui lui a été confiée. Deux cents Maisons de l’emploi sont aujourd’hui labellisées et avalisées.

Mme Monique Iborra – Et financées ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Et financées au titre de l’année 2008, dans le cadre du plan triennal. Ancrées dans un bassin d’emploi, elles accomplissent un travail indispensable d’anticipation et de mise en adéquation des besoins des entreprises avec les demandes d’emploi. Il n’est pas question, dans mon esprit, de les supprimer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Paul – C’est un virage à 180 degrés !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – C’est que nous nous intéressons à ce qui se passe sur le terrain ! Cette réforme n’est pas décidée d’en haut…

M. Régis Juanico – Si !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – …elle part du terrain, où je me rends souvent, et est intimement inspirée des problèmes rencontrés par les demandeurs d’emploi.

La mission qui sera confiée à la nouvelle institution sera globale, puisqu’elle recouvrira la gamme des services, depuis l’accueil jusqu’à l’indemnisation du demandeur d’emploi, en passant par le diagnostic, le placement, l’accompagnement et le suivi.

Les propositions que vous avez faites en matière d’expérimentation m’ont particulièrement intéressée. Je vous propose, Monsieur le président de la commission des affaires sociales, que nous puissions évoquer cette perspective.

Je veux dire aussi aux élus d’outre-mer qu’il sera tenu compte des caractères spécifiques des territoires. La dimension territoriale est au cœur du projet. Les taux de chômage des Antilles et de la Réunion sont beaucoup plus élevés et nécessitent un traitement particulier, notamment en matière de formation, pour laquelle ces collectivités sont déjà pilotes.

Ce projet, loin d’être précipité, constitue la première étape d’un processus beaucoup plus long, qui comportera notamment une réforme de la formation professionnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe GDR une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Patrick Braouezec – Chacun le sait, la recherche d'un travail relève du parcours du combattant. Au-delà de l'incapacité du marché à absorber toutes les demandes, le fonctionnement de la machine administrative reste fastidieux. Les agents en conviennent et seraient prêts à réfléchir avec les partenaires à un projet de réforme. Mais ce Gouvernement ne les écoute pas et, en déclarant l’urgence, prive les parlementaires – ainsi que les syndicats, les salariés et les demandeurs d’emploi – d’un vrai débat.

L’idée de réforme n'est pas nouvelle : depuis vingt ans, les gouvernements successifs se sont attaqués au monopole du service public de l'emploi. Une première brèche a été ouverte avec l’ordonnance de 1986, qui autorisait les communes à effectuer des opérations de placement. Après la ratification par le gouvernement Raffarin de la convention 181 de l'Organisation internationale du travail, ouvrant la voie à la concurrence, la loi Borloo de 2005 a autorisé les opérateurs privés à placer et à accompagner les chômeurs.

Par ailleurs, le principe de gratuité du service public est remis en cause. La même loi autorise l'ANPE à créer des filiales lui permettant de développer des activités payantes. Selon Jean-Pierre Guenaten, délégué national du Mouvement national des chômeurs et des précaires, « en 2005, l'expérimentation avec cinq officines privées a été jugée positive, alors que les résultats sont les mêmes qu'avec l'ANPE. Fin 2006, dix-sept agences privées ont été retenues pour s'occuper de 100 000 chômeurs ». Pourtant, l'ANPE évalue le coût moyen par chômeur à 730 euros quand l'agence s'en occupe, et à 3 500 euros avec les placements privés. Mais pour biaiser les chiffres, il suffit de réserver les chômeurs faciles à placer aux officines privées !

Le véritable but de cette libéralisation est de permettre aux entreprises de mieux contrôler la main-d'œuvre. On en revient ainsi au commerce de placement du XIXe siècle, quand les placeurs étaient des sous-traitants des entreprises.

Le contrôle accru des chômeurs, l'augmentation des radiations, les offres d'emploi peu sérieuses, les glissements de catégories, la pression hiérarchique au sein des agences ANPE pour répondre aux prérogatives statistiques, les placements au forcing, la restriction des offres de formation : autant d'éléments qui attestent que la rénovation du service public de l'emploi était déjà amorcée sous la mandature précédente.

Votre projet se place dans la continuité de cette action en organisant le démantèlement du service public de l'emploi. La mainmise du patronat est à l'œuvre dans le rapprochement de l'ANPE – organisme public créé en 1967 – et de l’UNEDIC – organisme de droit privé créé en 1958, géré par les partenaires sociaux. Cette fusion est une aubaine pour le Medef, qui siège à la direction de l'Unedic en position de force – un protocole d'accord étant conclu dès lors qu’il y a accord entre une organisation d'employeurs et une seule organisation de salariés. Aussi, certains syndicats sont opposés à la fusion « parce qu'elle ferait entrer le Medef dans l'organisation des politiques de l'emploi et parce que l'indemnisation doit être déconnectée du placement pour que le nouvel organisme ne soit pas juge et partie ».

La « privatisation rampante », selon les mots de Jean-François Yon, président du Mouvement national des chômeurs et précaires, « est souhaitée par le Medef. La fusion va « renforcer son pouvoir, déresponsabiliser les entreprises et accroître la pression sur les chômeurs ». Sous prétexte de simplifier son parcours, la réforme risque de rendre la vie impossible au chômeur, qui verra ses droits attaqués dans le cadre d’une politique de rigueur et d’économies d’échelle.

Déjà, en 2000, sous le gouvernement Jospin hélas, la réforme du Plan d'accompagnement pour le retour à l'emploi avait permis que les ASSEDIC participent au financement de l'ANPE à hauteur de 25 %. Grâce à la loi de cohésion sociale, les ASSEDIC participent désormais au contrôle de la recherche d'emploi, en suspendant le versement des allocations. Il y a un danger de revenir à une forme de travail forcé (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Mme Valérie Rosso-Debord – C’est la préhistoire !

M. Patrick Braouezec – Je ne suis pas là pour vous plaire, mais pour me faire l’écho des salariés et des demandeurs d’emploi !

Grâce à cette fusion, les entreprises auront un pouvoir direct sur l'ANPE et sur les demandeurs d'emploi. Laurence Parisot n’estime-t-elle pas qu’il faut « penser les modalités d'un rapprochement des deux entités pour qu'elles soient plus efficaces encore à l'égard de leurs clients », aspirant même à ce que ce « service, délivré par une seule entité, soit du coup plus performant » ?

Mais, dans un contexte de chômage de masse et de précarité, avec une formation professionnelle au rebut et une création d’emploi à la traîne, je me demande quelle amélioration peut apporter une ANPE-UNEDIC fusionnée qui persisterait à mettre à distance ses « clients » !

Par ailleurs, à trop vouloir trouver un « bon business model », selon les mots de Mme Parisot, le Gouvernement semble avoir oublié qu'il s'agissait de structures différentes : l'ANPE – établissement public à caractère administratif – assure l'accompagnement des demandeurs d'emplois et des entreprises, tandis que l'UNEDIC – association loi 1901 gérée selon le régime paritaire – est chargée de collecter les cotisations d'assurance chômage et d'assurer l'indemnisation des demandeurs d'emplois.

M. Lionel Tardy – Et de choisir les permanents !

M. Patrick Braouezec – Mélanger ces deux missions revient à permettre au régime d'assurance-chômage, pour dépenser moins, de fixer des conditions strictes afin que les chômeurs trouvent à n’importe quel prix un travail, le plus rapidement possible.

La lutte contre le chômage passe toujours par la lutte contre ses victimes : cette réforme, soi-disant destinée à « favoriser la compétitivité des entreprises françaises et à stimuler leur production », vise à spolier de leurs droits ceux qui travaillent. La présidente du Medef en appelle au sens des responsabilités des syndicats. Il faudrait donc que les salariés continuent à se sacrifier sur l’autel de la mondialisation économique.

Mme Valérie Rosso-Debord – Sortez les kleenex !

M. Patrick Braouezec – J’espère que cela figurera au compte rendu…

Selon Mme Parisot, c’est l’occasion ou jamais que plus personne ne fasse « le choix du chômage ». Mais qui est responsable ? Sont-ce les chômeurs, qui seraient des fainéants ayant choisi de perdre leur travail ? Ou bien certaines entreprises qui n’ont de cesse de rogner sur leur masse salariale et de faire le choix du licenciement, laissant l’UNEDIC et la collectivité dans son ensemble en payer le prix ?

Plusieurs députés UMP – Caricature !

M. Patrick Braouezec – Avec Roland Muzeau et Pierre Gosnat, j’ai reçu à plusieurs reprises les syndicats…

Plusieurs députés UMP – Nous aussi, nous les avons reçus !

M. Patrick Braouezec – Dans ce cas, vous ne les avez pas bien entendus. 

N’en déplaise au Gouvernement et au Medef, les syndicats ont le sens des responsabilités. Ils ont ainsi essayé de faire comprendre au Gouvernement qu’il n’est nul besoin de fusionner l’ANPE et l’UNEDIC pour simplifier les démarches des demandeurs d’emploi. Leur proposition est de réfléchir paritairement à un nouveau projet pour l’ANPE – optimisation de son action, conseil aux entreprises, remplacement du suivi mensuel personnalisé par un accompagnement des demandeurs d’emploi. Mais rien n’y a fait. Ce projet porte la marque de la précipitation : vous n’avez pas pris le temps d’écouter les représentants des personnels et des chômeurs.

Contrairement à ce qu’affirme le Président de la République, la fusion ne placera pas ces derniers au centre du système, mais fera peser sur eux toute la responsabilité. En proposant de sanctionner ceux qui refuseraient deux offres d’emploi acceptables, vous établissez un lien avec les 500 000 offres d’emploi non pourvues. Comme l’indique la CGT, la notion d’offre « acceptable », et non plus « valable », tend à contraindre les chômeurs à accepter des offres en dessous de leur niveau de qualification, assorties d’une baisse de rémunération ou de contraintes géographiques incompatibles avec leur vie familiale.

Le concept d’offre valable d’emploi existe déjà dans le code du travail, mais reste imprécis : aux termes de l’article L. 311-5, doivent être radiés ceux qui refusent un emploi, quelle que soit la durée du contrat de travail offert, s’il est compatible avec leur spécialité ou leur formation, leurs possibilités de mobilité géographique compte tenu de leur situation personnelle et familiale, et s’il est rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région.

La présidente de l’UNEDIC, Annie Thomas, observe que les possibilités de sanction existent déjà dès un premier refus. Le problème n'est pas là : l'ANPE est aujourd’hui incapable de proposer deux offres d'emploi correspondant à chacun des 2 millions de chômeurs, et le nombre des sanctions pour refus d'offre reste infime : 13 672 sur un total de 563 680 radiations prononcées entre janvier et novembre 2007, soit guère plus de 2 %.

Dans la négociation portant sur la modernisation du marché du travail, le Medef a proposé d'intégrer dans la définition de l'offre valable l'ancienneté dans le chômage : plus le chômage se prolongerait et plus les critères de l'emploi acceptable seraient assouplis. Une telle dégressivité existe déjà dans six des onze pays étudiés par l'UNEDIC en juillet 2007 ; seul le Danemark a abandonné la référence à cette notion en 2003, les chômeurs indemnisés étant désormais tenus d'accepter tout emploi qui leur est proposé. Dans tous ces pays prévaut une politique très « libérale », malgré quelques nuances sociales, avec de fortes contraintes à l’encontre des chômeurs.

Il reste que les critères en vigueur ne manquent pas de précision : en Italie, par exemple, le montant du salaire acceptable ne peut être inférieur de plus de 10 % au salaire antérieur ; en Espagne, le temps de trajet ne peut excéder 25 % du temps de travail quotidien et les frais de transport ne doivent pas dépasser 20 % du salaire mensuel. L’offre valable d’emploi reste au contraire à définir en France. Dans la dernière convention de l'UNEDIC, en date du 18 janvier 2006, les partenaires sociaux ont prévu que tout allocataire âgé de plus de 50 ans, ou indemnisé depuis plus de douze mois, qui accepterait un emploi dont le salaire serait inférieur d'au moins 15 % à son salaire journalier de référence, recevrait une aide destinée à compenser la baisse de sa rémunération. L'UNEDIC affirme avoir dépensé un peu plus de 18 millions d'euros à ce titre.

Considérant que votre objectif est de ramener le taux de chômage à 5 % d'ici à la fin du quinquennat et de porter à 70 % le taux d’emploi, quitte à créer des job centers aux dires de M. Lefebvre, que signifie donc la suppression des allocations au deuxième refus d'une offre dite valable ? On peut redouter que l’on contraigne désormais les chômeurs à accepter des emplois précaires. Pour cela, rien n'est plus efficace que la radiation. Malgré la baisse officielle du chômage, près de 462 100 décisions de radiation ont été prises en 2006, soit deux fois plus qu’en 2001, et cinq fois plus qu’en 1996.

Pénaliser les demandeurs d'emploi et déresponsabiliser les entreprises, voilà votre fusion ! En proposant un élargissement du dispositif de prise en charge du chômage en échange du financement de l’indemnisation de base par l’État, le Medef tente de pousser jusqu’à son terme la déresponsabilisation. On passerait ainsi de l'aide aux chômeurs à l'aide aux entreprises.

Chaque réforme a vu les droits des chômeurs se réduire et les pressions à leur encontre s'intensifier. Ce texte ne dérogera pas à cette règle. Il est bien regrettable que premiers intéressés, ceux qui sont privés d'emploi, n'aient toujours pas le droit de cité dans les négociations. Comme le faisait observer une jeune femme – une de celles que vous ne rencontrez sans doute jamais (Protestations sur les bancs du groupe UMP) : on parle toujours des moins de 25 ans, mais une grande partie des 26-50 ans ont d'immenses difficultés à trouver un emploi ; en recherche d'emploi depuis cinq ans, cette jeune personne n’obtient jamais que des CDD ne dépassant pas un mois, et ne touche aucune indemnité depuis deux ans. Bien que son ami travaille, sa situation est très dure, car elle se sent invisible et inutile ; elle ne peut pas payer ses factures ; tous les CV et toutes les lettres de motivation qu’elles envoient demeurent sans réponse. On peut malheureusement trouver des milliers de témoignages similaires (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Le travail du Sénat n’a pas permis d’améliorer votre réforme du service public de l'emploi, bien au contraire ; le texte a été durci, comme en témoigne l'article 6, alinéa 3 : au 30 septembre 2010, la convention collective nationale applicable aux salariés des organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage sera remplacée par une convention collective agréée par l'État. Les salariés de l'UNEDIC perdront ainsi le bénéfice de leur convention collective actuelle. Les salariés en charge du recouvrement des cotisations ne connaissent pas encore le reclassement dont ils bénéficieront. Or, les salaires des agents de l’ANPE sont inférieurs à ceux de l'UNEDIC. Pour aligner la rémunération des 33 000 agents de la fonction publique sur celui des 22 000 employés de l'ASSEDIC, il faudra débourser 400 millions d'euros. Est-ce compatible avec l’objectif de rationalisation budgétaire ? L’État va-t-il puiser dans les 3 milliards d'euros d'excédents de l'UNEDIC ? Il n’en a pas légalement pas le droit, mais tout est possible…

La nature de la nouvelle institution est également peu claire. Nous savons seulement qu’il s’agira d’une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Mais quel sera précisément son statut juridique ? Vous n'avez pas laissé au législateur le temps de se pencher sur la question.

Ajoutons à cela que les demandeurs d'emploi sont particulièrement absents de ce projet de loi. Pour éviter la stigmatisation des salariés victimes de la violence déchaînée par la mondialisation libérale, je m’associe aux associations qui demandent un statut identique aux autres pour les demandeurs d’emploi au sein du conseil national de l'emploi.

M. Roland Muzeau – Très bien !

M. Patrick Braouezec – Un flou similaire entoure la contribution de l’État au financement de la nouvelle institution, de même que la représentation des collectivités territoriales. Ni les partenaires sociaux, ni les régions n'ont participé à la discussion en dépit du calendrier très précis du Gouvernement : adoption définitive du projet de loi au début de 2008 et fusion effective dans moins d’un an. J’observe que les 1 500 agences censées mailler le territoire remplaceront certainement les Maisons de l'emploi, le Gouvernement ayant décidé de geler ce dernier dispositif afin de l’évaluer et de réfléchir à la coordination entre les Maisons de l'emploi et la nouvelle structure.

Un représentant des collectivités territoriales siègera certes au conseil d'administration, ce qui est une amélioration notable, mais ce texte ne se démarque pas des attaques frontales du Gouvernement contre la protection collective des salariés : la durée hebdomadaire légale de travail, les quarante annuités nécessaires pour bénéficier d’une retraite pleine, le droit d'asile et de régularisation, les droits des chômeurs et des travailleurs précaires, le décret de 1945 sur la justice des mineurs, les services publics livrés à la concurrence, et j’en oublie…

Ne craignant jamais la démagogie, le Gouvernement prétend que la nouvelle organisation du service public de l’emploi contribuera à ramener le taux de chômage à 5 %. Qui peut croire que la fusion de deux administrations sera la solution au problème du chômage de masse ? On se demande par quel miracle cette réforme pourrait susciter des créations d'emplois…

À qui profitera la fusion ? Selon la Confédération Nationale du Travail, cette réforme entérine la création du dossier unique du demandeur d'emploi, le DUDE, qui tend à partager des informations de nature professionnelle et personnelle – grève, arrêt maladie... Vous instaurez un fichage informatique qui sera accessible aux opérateurs privés de placement choisis par l'UNEDIC, notamment les entreprises d'intérim, mais aussi aux employeurs potentiels.

Cette fusion ne confortera pas un service public de l'emploi indépendant et porteur d’une véritable utilité sociale ; elle ouvre en revanche le marché du placement à la concurrence, et va dans le sens de la réduction des dépenses et du nombre d'agents, de la privatisation du service public de l'insertion, du fichage, de l’accroissement des pressions et des dispositifs de surveillance portant sur les demandeurs d'emploi, et enfin de la gestion comptable des demandeurs d'emploi.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR ne peut que demander le renvoi en commission de ce projet. Nous avons besoin de réponses précises sur toutes les zones de flou (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe SRC).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – En toute amitié, Monsieur Braouezec, votre intervention m’a déçu…

M. Patrick Braouezec – Cela ne m’étonne pas !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission – L’entreprise serait méchante, le demandeur d’emploi éloigné de nos préoccupations, la mondialisation libérale responsable de tous les maux… Comment le partisan de la modernisation que vous êtes peut-il ressasser de telles caricatures ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP) S’il suffisait d’être antilibéral pour réussir, Cuba serait un paradis tropical et la Roumanie d’hier un modèle indépassable ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; protestations sur les bancs du groupe GDR)

Quant au fond, le texte a fait l’objet d’un véritable débat : dès le 2 octobre, Mme Lagarde a informé la commission des grandes lignes du projet – et nous avons, ce jour-là, abondamment discuté des Maisons de l’emploi ; puis, en décembre, s’est tenue une table ronde associant le président de l’UNEDIC et le directeur général de l’ANPE, et ouverte, Monsieur Braouzec, à toutes les commissions ! (Approbation sur les bancs du groupe UMP)

M. Lionel Tardy – Absolument !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission – En outre, notre rapporteur a procédé à plus de trente auditions. Tous ont pu prendre connaissance des travaux du Sénat et notre commission s’est réunie à deux reprises avant une nouvelle réunion demain matin…

M. Régis Juanico – Pour vingt minutes !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission – Elle a déjà examiné 208 amendements et en a adopté 84 – dont 6 émanant de l’opposition !

M. Patrick Braouezec – Vous êtes bon prince !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission – En un mot, cette motion de renvoi en commission est tout à fait excessive et je souhaite qu’elle soit rejetée afin que nous passions sans tarder à l’examen des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jean-Frédéric Poisson – Monsieur Braouezec, vous avez adressé plusieurs reproches à ce projet de loi : il pécherait par manque de concertation ; il démantèlerait le service public de l’emploi pour le livrer aux dures lois du marché ; il lutterait contre les chômeurs plutôt que contre le chômage, appliquant la politique de pure sanction voulue par le Medef ; il manquerait de précision ; il favoriserait enfin la « privatisation » du service public de l’emploi, le « fichage » et la « concurrence ».

M. Patrick Braouezec – Très bonne synthèse !

M. Jean-Frédéric Poisson – Si j’ai bien résumé vos propos, je ne saurais naturellement les endosser. Sans reprendre les arguments de M. Méhaignerie, j’ai été, comme lui, quelque peu interloqué par votre manière de tracer une frontière invisible entre ceux qui, dans l’hémicycle, prêteraient attention aux chômeurs et ceux qui leur seraient indifférents… Pour notre part, nous sommes persuadés que c’est principalement en créant davantage d’emplois qu’on luttera contre la précarité, y compris celle des travailleurs ! Tel est le sens de la politique du Gouvernement, notamment grâce à l’outil que nous sommes en train d’élaborer.

Quant à la justice et à la solidarité, pourquoi ne pas admettre que, si peu de chômeurs le sont de leur plein gré, d’autres se complaisent dans cet état, voire commettent des fraudes ?

M. Patrick Braouezec – C’est scandaleux de dire cela ! Ce phénomène est tout à fait marginal !

M. Jean-Frédéric Poisson – Mais il existe ! Et c’est à la loi de l’encadrer, si nos débats l’y autorisent.

En fait de démantèlement du service public de l’emploi, il s’agit bien plutôt d’une diversification des acteurs, dont l’expérience a prouvé qu’elle était en la matière plus efficace qu’un monopole !

S’agissant du prétendu manque de précision, les travaux du Sénat, évoqués par M. Méhaignerie, ont pour l’essentiel réglé le problème du statut, même si de nouvelles précisions pourront être apportées par voie réglementaire. En outre, vous avez tort d’affirmer que les chômeurs sont absents de ce texte ; l’examen de l’article 2, qui leur est, à juste titre, presque exclusivement consacré, le montrera. Quant au rôle de l’État, je vous renvoie aux deux premiers articles. Enfin, même si nous pourrons y revenir, les travaux préparatoires ont permis de définir clairement la place des partenaires sociaux et des régions.

Je souhaite donc, afin que nous passions à l’examen des articles, que la motion soit rejetée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Francis Vercamer – Monsieur Braouezec, j’ai été moi aussi déçu par votre intervention caricaturale…

M. Patrick Braouezec – Le contraire m’eût inquiété !

M. Francis Vercamer – …car j’attendais de vous davantage de pragmatisme (Exclamations sur les bancs du groupe GDR). Ainsi, s’agissant de l’inquiétude légitime des salariés de l’ANPE et des agents des ASSEDIC quant à leur avenir, nous interrogerons pour notre part le Gouvernement par voie d’amendement : point n’était besoin de dramatiser et de chercher à renvoyer le texte en commission ! Quant à la concurrence, comment peut-on l’approuver quand il s’agit de faire baisser les prix et l’incriminer par ailleurs ? Cette position abstraite est proprement insoutenable. Voilà pourquoi le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette motion de renvoi en commission (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce – Monsieur le président de la commission, votre référence à Cuba échappe-t-elle au reproche de caricature que vous avez adressé à M. Braouezec ? Rien n’est moins sûr (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Le groupe SRC votera cette motion, car il partage l’essentiel, sinon la totalité, des préoccupations de M. Braouezec, et souhaiterait notamment que des réponses soient apportées à certaines des questions que nos débats ont permis de soulever.

Ainsi, de quelle manière les partenaires sociaux et, plus encore, les collectivités territoriales seront-ils mobilisés ? D’autre part, quels seront les rôles respectifs des différents acteurs qui continueront d’exister, notamment l’AFPA, les directions départementales du travail et les Maisons de l’emploi – même si je n’ai jamais été un partisan enthousiaste de ces dernières ? En somme, qui dirige ? Comment les objectifs requis, comment les moyens seront-ils décidés et les résultats évalués ? En réalité, le maintien des Maisons de l’emploi relève davantage d’un empilement de structures, voué à satisfaire les élus, que d’une organisation cohérente et rationnelle.

En outre, quels moyens permettront de reclasser les demandeurs d’emploi ? De quel effectif chaque conseiller sera-t-il chargé ? Combien y aura-t-il de conseillers ?

Autant de questions sur lesquelles nous reviendrons par voie d’amendement, dans l’hypothèse où la motion de renvoi que nous soutenons ne serait pas votée… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.

M. le Président – J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

ART. 1ER

Mme Marie-Renée Oget – D’autres l’ont dit : ce texte organise une fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC sans préciser le rôle, au sein de ce nouveau dispositif, des nombreuses institutions impliquées dans la politique de l'emploi au niveau local. Il s’agit des antennes de l'ANPE, des antennes ASSEDIC et de leurs guichets uniques ; des 268 Maisons de l'emploi et de la formation professionnelle, dont l'avenir reste incertain, puisque après en avoir annoncé la suspension, vous affirmez vouloir les pérenniser, alors qu'une mission d'information parlementaire travaille sur le sujet ; des 417 missions locales, dont la place future reste indéterminée. Il s’agit également des points d'accueil, d'information et d'orientation ; des plans locaux pour l'insertion et l'emploi ; des maisons d'information sur la formation et l'emploi ; des réseaux Cap emploi ; des guichets d'accueils des mairies ; enfin des antennes décentralisées de l'AFPA.

Or ce nombre excessif d’interlocuteurs plonge dans la confusion des demandeurs d'emploi qui ne savent plus à qui s'adresser ; en outre, le futur dispositif, très disparate, ne bénéficie d’aucune approche territoriale, ni d’aucun pilote. C’est un handicap majeur pour son efficacité.

Même si l'ensemble des acteurs travaillent de concert, le manque de définition des rôles et l'absence de pilote sont préoccupants. Les régions semblent être l’échelon de pilotage pertinent, et une expérimentation serait fort indiquée. Votre réticence à étendre leurs compétences à la coordination des politiques locales de l'emploi est incompréhensible, dans la mesure celles en matière de formation professionnelle et d'apprentissage leur ont été transférées.

En ma qualité de présidente de la mission locale Centre-Ouest Bretagne, je voudrais insister sur le rôle de ces organismes créés en 1981, et qui prennent en charge des jeunes de moins de 26 ans en très grande difficulté, leur apportant un accompagnement personnalisé permettant de prendre en compte aussi leurs problèmes de santé, de logement ou de mobilité par exemple. Les missions locales sont aujourd'hui le premier réseau partenaire de l'ANPE. Leur connaissance des particularités locales constitue un atout essentiel pour la réussite des politiques publiques. Les excellents résultats du dispositif CIVIS sont la preuve du rôle majeur que tiennent les missions locales. Il est donc aberrant que ce projet de loi les ignore et qu’elles soient exclues de l'ensemble des dispositifs de coordination des politiques de l'emploi.

Ce mutisme soulève plusieurs interrogations. Comment seront intégrées les missions locales dans le nouveau dispositif ?

M. le Président – Ma chère collègue, il faut conclure.

Mme Marie-Renée Oget – Quel sera le rôle des missions locales ? Seront-elles absorbées par le nouveau dispositif où intégrées à un autre ? Leur rôle sera-t-il pleinement reconnu ? Madame la ministre, vous avez indiqué à Mme de Veyrinas, présidente du Conseil national des missions locales, qu'une réflexion était engagée sur ce sujet. Mais pourquoi avez-vous choisi de faire adopter ce texte dans la plus grande précipitation ? Pourquoi avez-vous omis d’associer les acteurs à l’élaboration du texte ? Face aux carences de votre texte, nous attendons vos réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Serge Letchimy – Je voudrais revenir sur la question du pilotage territorial. S’il n’est assuré ni au seul niveau régional, ni conjointement avec l’État, cela veut dire qu’il sera effectué en pratique par le préfet. C’est nier à la fois la décentralisation, la transversalité des politiques publiques, la nécessité d’une cohérence entre politique de développement et politique d’insertion, et enfin la responsabilité des régions en matière de développement économique. En outre, cette gestion sera statique, alors qu’il est nécessaire d’intégrer une dynamique démographique : ainsi, la Martinique va connaître environ 30 000 départs à la retraite en quelques années.

Le choix d’un pilotage statique est celui d’une politique centralisatrice et rétrograde. Il faut faire un choix dynamique, qui mette en cohérence les politiques de la région, du département, des intercommunalités et des communes. Cela pourrait être assuré directement par la région, ou bien par un copilotage territorial entre le préfet et l’État. Or, le texte ne donne aucune orientation claire entre les deux. Je peux difficilement comprendre que la capacité de développement locale soit ainsi ignorée. Il est essentiel qu’un document d’orientation définisse la politique publique territoriale de l’emploi. Pourtant, aucune des deux conventions que vous avez évoquées, au niveau national entre l’UNEDIC et l’État ou au niveau local entre préfet et directeur de l’établissement, ne permettent au conseil régional de s’exprimer.

M. Christian Paul – C’est une recentralisation !

M. Serge Letchimy – Madame la ministre, vous avez dit à Alfred Almont que vous aviez tenu compte des particularités de l’outre-mer. Nous en sommes heureux. Mais comment y répondre autrement que par une politique de proximité ? Le seul moyen de tenir compte de ces particularités dans la politique publique de l’emploi, c’est de laisser naître les imaginations et les initiatives. C’est pour cela que le copilotage entre le préfet ou la région doit s’accompagner d’un document de mise en cohérence.

Enfin, chacun sait qu’un traitement social du chômage ne pourra être évité. Dans quelques mois, 1 700 personnes, en Guadeloupe et à la Martinique, seront au chômage parce que les contrats aidés arrivent à terme. Il faut absolument que nous réussissions ensemble une politique à la fois cohérente et locale (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Frédéric Poisson – Nous voterons cet article 1er, sous réserve des amendements adoptés par la commission. L’architecture proposée nous paraît cohérente, et à la problématique du pilotage s’ajoute celle des moyens donnés à l’institution nouvelle en matière d’actions d’accompagnement. C’est l’un des facteurs majeurs de succès, qui doit être décliné à tous les niveaux du dispositif.

M. Roland Muzeau – Je voudrais faire un rappel au Règlement au titre de l'article 58, alinéa 1, pour m’étonner de l'interprétation très extensive de l'article 40 que pratique la commission des finances. Elle a en effet déclaré irrecevable notre amendement proposant qu'une loi de programmation pluriannuelle définisse « les axes de développement et les moyens prévisionnels alloués au service public de l'emploi ». En quoi ces moyens prévisionnels devraient-ils être nécessairement supérieurs aux fonds actuels ? Il me semble que ce genre d’interprétations, devenues la règle, est abusif. Je regrette donc de ne pouvoir défendre une proposition dont le seul travers est de rappeler que gouverner, c'est prévoir.

J’en viens à l’amendement 108. Nous avons déjà exposé notre hostilité à un projet de loi qui veut flexibiliser au maximum le marché de l'emploi et réduire le rôle de l'État. La simplification administrative qui bénéficierait au demandeur d'emploi, la création d’une cohérence et d’une synergie nouvelles ne relèvent que de la rhétorique : vos motivations se bornent à faire peser sur la personne privée d'emploi le fardeau de l'emploi contraint, et à organiser les modalités d'un chantage permanent à la réduction des indemnités. Pourquoi cette tendance générale dans l’Union européenne, à l’instar de l’Allemagne, à exercer cette pression constante sur les chômeurs ? L’OCDE, à sa manière cynique, apporte sa réponse : les réformes structurelles se heurtent à une opposition moindre si le poids du changement est supporté dans un premier temps par les chômeurs, moins susceptibles que les employeurs ou les salariés de constituer une majorité de blocage…

La fusion est l'occasion de désengager l'État, de le dégager de ses responsabilités dans l'impulsion et le financement des politiques d'emploi pour confier les clefs à une nouvelle institution dont l’article premier ne prend même pas la peine de spécifier la forme juridique, comme si cela ne relevait pas du législateur. Nous n'aurions pas été opposés à de nouveaux rapprochements opérationnels entre l'ANPE et les ASSEDIC, élaborés en concertation avec les partenaires sociaux, dans le respect des missions de chacun, mais ce n’est pas ce que vous avez choisi. À un véritable accompagnement des chômeurs, vous préférez des mesures participant de la réforme du marché du travail. C'est une raison plus que suffisante pour demander la suppression de cet article.

M. Dominique Tian, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et socialesAvis défavorable, puisqu’il s’agit de s’opposer à la fusion.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Même avis.

L'amendement 108, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Monique Iborra – Notre amendement 181 introduit dans les missions du service public de l’emploi l’orientation, indissociable de la formation et de l’insertion, ainsi que l’aide à la sécurisation de parcours professionnels, en corrélation avec les dispositions de l’accord des partenaires sociaux sur la modernisation du marché du travail.

M. Dominique Tian, rapporteur – La commission avait d’abord émis un avis défavorable, souhaitant ne pas trop s’éloigner de ce qui avait fait l’objet de la concertation avec les partenaires sociaux. Mais, après le débat intéressant que nous avons eu, il semble que la ministre soit d’accord pour accepter cette disposition.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie  En effet, nous sommes ouverts à la discussion dès qu’il s’agit d’améliorer le texte. Cet amendement souligne l’importance de l’insertion et de la sécurisation du parcours professionnel, sur quoi les partenaires sociaux ont insisté dans l’accord du 11 janvier. J’y suis donc favorable.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission  Le rapporteur avait quelque hésitation dans la mesure où se référer à la notion de sécurisation des parcours professionnels entraînait des dépenses supplémentaires, mais je partage les conclusions du Gouvernement. À ce propos, un amendement déposé par M. Cherpion a été rejeté par le président de la commission des finances au titre de l’article 40. Il s’agissait de prolonger l’expérimentation du contrat de transition professionnelle, qui devrait cesser fin février, dans la mesure où la négociation n’est pas encore terminée. Je voudrais avoir la certitude que le Gouvernement reprendra cet amendement, puisqu’il concourt justement à la sécurisation des parcours professionnels.

M. Roland Muzeau – C’est la preuve qu’il fallait renvoyer le texte en commission !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie  Je confirme que le Gouvernement reprendra cet amendement.

M. Roland Muzeau – Le nôtre aussi ?

L'amendement 181, mis aux voix, est adopté.

M. Roland Muzeau – La notion d’institution manque de rigueur, et celle d‘organisme à peine moins. Pour y remédier, nous proposons par l’amendement 109 d’écrire que la nouvelle structure sera un établissement public national à caractère administratif. Trop de services publics sont en effet confiés à la gestion des collectivités locales sans qu’il y ait forcément compensation financière. Surtout, une telle définition doterait l’organisme de l’autonomie administrative et financière, il exercerait sa mission sans ambiguïté sous le contrôle et l’autorité de l’État, et le statut des agents serait garanti. En tout état de cause, les missions d’accueil, de conseil, de placement et d’indemnisation ne peuvent relever que d’un service administratif.

Mme Monique Iborra – L’amendement 182 est défendu.

M. Dominique Tian, rapporteur – Avis défavorable à l’amendement 109, qui introduirait une confusion alors qu’il est clair, après la discussion au Sénat, qu’il s’agit d’une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. La ministre y a d’ailleurs donné des assurances quant à son caractère d’établissement public.

En revanche, la commission a adopté l’amendement 182, qui précise que le service public de l’emploi est organisé sous forme d’institution publique.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie  La nouvelle entité sera bien un établissement public à caractère administratif, mais qui aura des spécificités pour ce qui est des règles comptables, de la convention collective, de la composition du conseil d’administration. Il n’est donc pas opportun d’adopter l’amendement 109.

En revanche, le Gouvernement est favorable à l’amendement 182. La notion d’institution nationale publique figure à l’article L. 311-7 ; il convient de l’introduire également à l’article L. 311-1 qui définit le service public de l’emploi.

L'amendement 109, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 182, mis aux voix, est adopté.

Mme Monique Iborra – Notre amendement 183 précise la désignation de l’organisme chargé de l’assurance chômage, afin d’apaiser les inquiétudes des organisations syndicales.

M. Dominique Tian, rapporteur – L’amendement 7 rectifié de la commission est identique.

Les amendements 183 et 7 rectifié, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Patrick Gille – Je voudrais revenir sur la nature de l’entité créée. C’est un établissement public à caractère administratif, mais, en quelque sorte, génétiquement modifié… Il faudra être vigilant sur la nature de ce monstre hybride que vous allez créer, et le principe de précaution devrait s’imposer.

Notre amendement 184 supprime le recours aux agences de placement privé dans le cadre du service public de l’emploi. Elles n’ont pas prouvé leur efficacité, ou plutôt, elles ont obtenu des résultats intéressants, mais pour des publics ciblés et avec des moyens dont ne dispose pas d’ordinaire le service public.

M. Dominique Tian, rapporteur – Avis défavorable. Il s’agit d’un acquis de la loi de cohésion sociale. Ces agences de placement, qui agissent en France comme à l’étranger, ont prouvé leur efficacité.

M. Régis Juanico – Non !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie  Avis défavorable.

On ne peut pas parler, à propos de la nouvelle entité, d’organisme « génétiquement modifié » : il s’agira d’un établissement public administratif qui, comme d’autres, par exemple la Banque de France, aura ses spécificités.

M. Michel Ménard – Le problème est que les agences privées placent les personnes qui sont déjà les plus proches de l’emploi, tandis qu’on demande à l’ANPE de placer celles qui en sont le plus éloignées. C’est d’ailleurs ce à quoi tend votre politique en général : on laisse le plus rentable et le plus facile au privé, et le service public s’occupe du reste ! Que ces agences privées agissent à la demande d’une entreprise, soit, mais pas dans le cadre du service public de l’emploi !

L'amendement 184, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marie-Christine Dalloz – L’amendement 8, adopté par la commission, vise à insérer à l’alinéa 6, après les mots « des collectivités territoriales », les mots « des maisons de l’emploi ». Dans la mesure où elles contribuent à la coordination des actions menées dans le cadre du service public de l’emploi dans leur bassin d’emploi, les Maisons de l’emploi enrichiront en effet de leur expérience un organisme qui veille à la cohérence des institutions participant à ce service public et définit les orientations stratégiques de la politique de l’emploi.

Mme Monique Iborra – L’amendement 188 est identique. Il reste cependant à savoir par qui peuvent être représentées les Maisons de l’emploi. Mme Dalloz avait proposé qu’elles le soient par M. Anciaux, président de la commission nationale de labellisation. Quelles que soient ses qualités personnelles, cela ne me semble pas une bonne idée : cette commission a encore des progrès à faire, et le nom de M. Anciaux a été cité avant toute discussion sur la pertinence du choix du président de la commission de labellisation…

Les amendements 8 et 188, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Roland Muzeau – Votre texte substitue au Conseil supérieur de l'emploi un Conseil national de l'emploi : le sigle aurait dû vous laisser dubitatifs sur l'opportunité de la création de cette instance… Ce CNE aura pour mission de définir les orientations stratégiques des politiques de l'emploi, de mettre en cohérence l'action des diverses institutions et – c'est à la mode – d’évaluer les actions engagées. Or, ces orientations stratégiques relèvent du pouvoir exécutif, et plus précisément de la compétence du Gouvernement.

Nous sommes encore plus réservés sur l’idée de faire siéger dans ces instances des sociétés privées de placement et d'intérim, friandes de dérégulation et de casse des droits collectifs. Nous comprenons que vous teniez à avoir des alliés dans la place. C’est aussi le cas des « personnalités qualifiées » que vous invitez autour de la table. Nous préférons pour notre part supprimer la référence aux « principaux opérateurs du service public » comme aux « personnalités qualifiées », au profit de personnes effectivement intéressées à la qualité du service public : les représentants des demandeurs d'emploi. Tel est le sens de l’amendement 174.

M. Dominique Tian, rapporteur – Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Même avis.

M. Roland Muzeau – Puis-je reprendre la parole ? La commission et le Gouvernement n’ont pas répondu.

M. le Président – Non, nous passons au vote. Je vous ai déjà donné la parole pour défendre votre amendement.

L'amendement 174, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Monique Iborra – L’amendement 185 est de cohérence.

M. Dominique Tian, rapporteur – La commission a adopté cet amendement, identique à son amendement 9.

Les amendements 9 et 185, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Patrick Gille – L’amendement 186 propose que les associations de chômeurs soient représentées au Conseil national de l’emploi. Les chômeurs sont en effet les premiers concernés par la définition des politiques de l’emploi, et Mme la ministre a dit tout à l’heure que les usagers devaient être au cœur de ces dispositifs.

M. Roland Muzeau – L’amendement 175 a le même objet. J’en profite pour demander à Mme la ministre quelques mots d’explication sur l’avis défavorable qu’elle a donné à notre précédent amendement. Il est essentiel de substituer aux personnalités qualifiées les représentants des associations de chômeurs. Je rappelle que seuls 47 % de demandeurs d’emploi sont indemnisés. Sous la dernière législature, M. Borloo avait évoqué le chiffre de 7 millions de personnes sans emploi ou en situation de « mal emploi ».

M. Dominique Tian, rapporteur – Avis défavorable. De nombreuses personnalités siègent déjà au Conseil national de l’emploi (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

Mme Marylise Lebranchu – C’est tout ce que vous trouvez à dire ?

M. Dominique Tian, rapporteur En principe, les chômeurs sont d’ailleurs représentés par les organisations syndicales.

M. Roland Muzeau – Pas toujours !

M. Dominique Tian, rapporteur – Enfin, rien n’empêche de nommer un représentant des demandeurs d’emploi au CNE au titre des personnalités qualifiées.

M. Roland Muzeau – Que le Gouvernement en prenne donc l’engagement !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements. Nous avons évoqué ce sujet avec les organisations syndicales et patronales dans le cadre de la concertation que nous avons menée. La composition du CNE fait une place aux salariés, qu’ils aient un emploi ou en recherchent un. Par ailleurs, les personnalités qualifiées qui seront nommées pourront être des représentants des associations d’usagers.

Quant à votre amendement précédent, Monsieur Muzeau, il présentait l’inconvénient d’exclure des intervenants tels que les Maisons de l’emploi ou l’AFPA. Je préfère pour ma part retenir une rédaction plus large.

M. Patrick Roy – Je suis stupéfait. Mme la ministre nous a dit que la réforme devait permettre d’améliorer le service rendu à ceux qui en ont l’utilité – employeurs et chômeurs. Elle nous a expliqué longuement que les chômeurs étaient au centre du projet, et elle vient maintenant nous dire qu’ils ne pourraient pas siéger au CNE ! Je ne vois pas d’autre explication que la volonté manifeste de les écarter du dispositif.

M. Francis Vercamer – J’ai déposé un amendement identique s’agissant du conseil d’administration de la nouvelle institution. Il est en effet important que les associations de chômeurs soient représentées dans les structures qui œuvrent en leur faveur. Mais il est certain que nous n’aurions pas à déposer ce type d’amendements si nous avions voté le texte sur la représentativité syndicale qu’on nous promet depuis trop longtemps… Je voterai ces amendements.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission – La réponse de Mme la ministre a été claire. Le chômage n’est pas un état permanent ; par conséquent, les chômeurs sont représentés par les organisations syndicales. En outre, des représentants des associations de chômeurs pourront être désignés au titre des personnalités qualifiées.

Les amendements 186 et 175, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Patrick Gille – L’amendement 187 vise à permettre la représentation des associations de chômeurs au sein du Conseil national de l’emploi.

L'amendement 187, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Monique Iborra – Par l’amendement 189, nous évoquons ce dont le Gouvernement parle si peu : les emplois précaires. Si le chômage baisse, la précarité explose, personne ne peut le nier. L’amendement tend donc à préciser que le Conseil national de l’emploi concourt à la définition des politiques de réduction des emplois précaires. Nous ne sommes pas les seuls à penser qu’il doit en aller ainsi : les partenaires sociaux, dans l’accord sur la modernisation du marché du travail qu’ils viennent à peine de signer, précisent que « le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail » et que « le recours au contrat de travail à durée déterminée et au contrat de travail temporaire (…) ne peut se justifier que pour faire face à des besoins momentanés de renfort, de transition et de remplacement ».

M. Dominique Tian, rapporteur – Avis défavorable. Le contrat à durée indéterminée est effectivement la forme d’emploi souhaitable, mais c’est à l’entreprise de déterminer sous quelle forme elle entend embaucher, A qui bon encombrer la loi de dispositions dont on sait qu’elles seront sans effet ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Je pense, comme vous, que les questions de l’emploi précaire, des CDD, du temps partiel sont des sujets qu’il convient de traiter au fond, mais je ne crois pas que cela doive se faire dans un article qui vise à définir le Conseil national de l’emploi. Je vous demande donc de retirer l’amendement ; à défaut, je devrai exprimer un avis défavorable. Je vous indique que M. Xavier Bertrand a demandé qu’une concertation s’engage sur ces questions dans les secteurs de la maintenance et de la grande distribution.

M. Roland Muzeau – Il va y avoir du travail !

Mme Monique Iborra – Le problème est crucial. Accepter l’amendement aurait conforté l’accord, et le refus que vous avez exprimé ne laisse pas d’inquiéter sur la teneur du texte qui nous sera soumis pour lui donner force de loi. L’incertitude demeure. Nous maintenons donc l’amendement.

L'amendement 189, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Patrick Gille – Par l’amendement 190, nous précisons les missions du conseil national de l’emploi qui, dans l’esprit de l’accord des partenaires sociaux sur la modernisation du marché du travail, doit concourir à la définition des politiques de mise en œuvre de la sécurisation des parcours professionnels. Si tel est bien l’engagement que vous prenez en définissant une nouvelle politique de l’emploi, il faut le préciser ici.

M. Dominique Tian, rapporteur – J’aimerais connaître l’avis du Gouvernement sur ce point.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission L’ambition est partagée, mais est-il judicieux de l’inscrire dans le texte ? Ne revient-il pas plutôt au Conseil national de l’emploi de définir ses propres objectifs ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Il ne me paraît pas utile de définir dans la loi les modalités d’intervention du conseil nationale de l’emploi ; il les définira lui-même. Avis, donc, défavorable.

M. Jean-Patrick Gille – Je comprends l’argument avancé, mais cet amendement définit, bien davantage qu’une mission du futur Conseil, la philosophie même de son action.

M. Jean-Frédéric Poisson – Je suis en désaccord avec cette interprétation, et avec l’amendement. Nous nous accordons tous à penser que la sécurisation des parcours professionnels participe des missions d’une telle institution, mais il n’y a pas lieu de surcharger un texte de loi par des dispositions qui sont du ressort de l’instance considérée.

L'amendement 190, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Monique Iborra – Par l’amendement 191 rectifié, nous abordons un sujet dont nous avons déjà longuement débattu. Je le redis : il est illogique, anormal et inefficace de ne pas tenir compte des compétences nouvelles données aux régions – qui ne les avaient d’ailleurs pas demandées – en matière d'emploi et de formation professionnelle et dans la coordination des actions de développement économique. On voit que la suite des lois ne brille pas par sa cohérence ! L’efficacité commande que le conseil régional de l’emploi soit coprésidé par le président du conseil régional et par le préfet de région. Nous serions d’accord pour des expérimentations ; si aucune n’est décidée, l’amendement qui vous est soumis constitue une proposition a minima. S’il était refusé, l’efficacité de votre politique en serait affectée, et le financement de l’institution par les régions ne serait évidemment pas possible.

M. Dominique Tian, rapporteur –Je sais que Mme la ministre a écouté M. Rousset avec beaucoup d’attention et que le Gouvernement réfléchit à la possibilité d’une expérimentation. Aussi, je vous invite à retirer l’amendement sur lequel j’exprimerai, sinon, un avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Avis défavorable. Le conseil régional de l’emploi est une instance de concertation appelée à émettre un avis sur la convention passée chaque année avec l’État. Sachant qui sont les payeurs et les commanditaires, il est logique que l’institution soit pilotée par le préfet.

Cela étant, j’ai entendu vos commentaires, et je considère que pour permettre une meilleure insertion et un meilleur retour à l’emploi, toutes les pistes doivent être explorées. S’il est avéré que, dans le cadre d’un pilotage – et non d’un co-pilotage – par le président de région, le résultat atteint est meilleur, nous devrons reconsidérer le dispositif. Je vous propose donc que, d’ici 6 mois, après avoir consulté les associations de collectivités territoriales, nous lancions une expérimentation dans deux régions – si possible d’orientation politique différente. Au vu des résultats, nous déciderons ou non de son extension. Comme vous le constatez, je fais preuve d’ouverture d’esprit, animée par le souci exclusif de lutter contre le chômage.

M. le Président – L’amendement est-il retiré ?

Mme Monique Iborra – Je demande une suspension de séance, afin que nous puissions nous concerter.

La séance, suspendue mercredi 23 janvier à 0 heure 30 est reprise à 0 heure 40.

Mme Monique Iborra – Nous notons avec satisfaction que notre proposition, dans son principe, a été retenue par Mme la ministre. Toutefois, nous maintenons l’amendement.

M. Alain Ferry – Je suis favorable à l’amendement, et crois pouvoir dire que le président de la région Alsace, M. Adrien Zeller, assumera sans aucun doute la conduite d’une telle expérimentation.

M. Christian Paul – Si ce n’est pas de l’opportunisme… (Sourires)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Je rappelle que le Gouvernement est défavorable au principe de copilotage énoncé dans l’amendement 191 rectifié. Toutefois, nous travaillerons dans les jours qui viennent, et notamment en CMP, à élaborer un projet d’expérimentation.

M. Christian Paul – Nous souhaitions clairement un copilotage de cette instance, considérant que c’est la mise en commun des stratégies de l’État et des régions qui permettra de faire avancer le service public de l’État. Nous avons entendu l’engagement pris par Mme la ministre et par le président de la commission de trouver, au sein de la CMP ou de la commission, le cadre d’une telle expérimentation, laquelle serait conduite dans trois régions.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Deux !

L’amendement 191 rectifié, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Roland Muzeau – L’amendement 176 est défendu.

L'amendement 176, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Benoist Apparu – La loi sur les responsabilités et les libertés ayant reconnu la mission d’insertion professionnelle des universités, il convient que les universités entretiennent des relations étroites avec le nouveau service public de l’emploi. C’est pourquoi l’amendement 85 rectifié tend à ce que les universités soient représentées dans les conseils régionaux de l’emploi.

M. Dominique Tian, rapporteur Avis favorable. Associer les universités est une très bonne chose.

M. Roland Muzeau – Et les chômeurs ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Les conseils comportent déjà de nombreux représentants, notamment des personnalités qualifiées, dont on peut très bien penser qu’elles seront issues du monde universitaire. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, mais je rappelle que les petits groupes sont les plus efficaces.

L'amendement 85 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Patrick Gille – L’amendement 194 tend à instaurer la représentation des missions locales au sein des conseils régionaux de l’emploi. Nous témoignerons ainsi de notre volonté commune d’œuvrer en faveur de l’insertion des jeunes. J’ajoute que l’organisation en réseau des missions locales est tout à fait compatible avec la désignation d’un représentant dans chaque région.

M. Dominique Tian, rapporteur N’alourdissons pas les conseils régionaux de l’emploi. Les missions locales participent déjà aux Maisons de l’emploi.

M. Roland Muzeau – Et là où n’y a pas de Maisons de l’emploi ?

L'amendement 194, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Tian, rapporteur – L’amendement 10 est de précision.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Letchimy – L’amendement 192 demande l’élaboration d’un document de planification de la politique territoriale de l’emploi, soumis pour approbation aux collectivités locales.

M. Dominique Tian, rapporteur – Cette exigence me semble excessive. Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Même avis. L’élaboration des études prospectives et de la planification des politiques de l’emploi relèvent du comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle.

M. Jean-Patrick Gille – Puisque l’idée de l’expérimentation a été acceptée, il faut donner du contenu aux conseils régionaux de l’emploi. Cela étant, la ministre a raison : il y a un problème d’articulation avec les comités de coordination. Evitons qu’il y ait deux coquilles vides, et un comité de liaison par-dessus le marché !

L'amendement 192, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Letchimy – Je persiste et signe : nous avons besoin de cohérence. Pour mieux associer les différents acteurs, l’amendement 193 tend à ce que les conseils régionaux de l’emploi valident l’organisation territoriale du service public de l’emploi, au lieu d’être simplement consultés.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission – Laissons respirer les structures ! Je suis frappé, à la veille des élections municipales, par le nombre d’élus qui abandonnent leurs charges, usés qu’ils sont par la complexité des dispositifs. Laissons un peu d’air circuler !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Même position.

M. Gaëtan Gorce – Comment mettrons-nous en cohérence les actions menées sur le terrain par l’État, par la nouvelle institution, par les régions, mais aussi par les autres collectivités qui participent aux Maisons de l’emploi ?

Si ce texte tend seulement à renforcer les compétences et les moyens dont dispose l’ANPE, c’est s’arrêter au milieu du gué. Pour améliorer l’efficacité des politiques de l’emploi, il faut corriger les défauts actuels, qui ne se limitent pas à la séparation entre les fonctions d’indemnisation et de placement : elles tiennent aussi à la multiplicité des acteurs, dont les responsabilités se confondent parfois.

La solution, c’est le co-pilotage et la contractualisation autour d’objectifs et de moyens au niveau régional et à l’échelle des bassins d’emploi. J’aimerais savoir comment le Gouvernement appréhende la nouvelle articulation des compétences. Si l’on juxtapose des politiques menées par la nouvelle institution, par l’État et par les régions, les effets de la fusion seront minimes.

L'amendement 193 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission – L’amendement 11 est de cohérence.

M. Jean-Patrick Gille – L’amendement 195 est identique.

Les amendements 11 et 195, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Dominique Tian, rapporteur – L’amendement 12 est également de cohérence.

M. Jean-Patrick Gille – L’amendement 196 est identique.

Les amendements 12 et 196, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Patrick Gille – Par l’amendement 197, nous proposons d’associer à la convention pluriannuelle l’AFPA, qui en est pour l’heure exclue bien qu’elle fasse partie intégrante du service public de l’emploi.

M. Dominique Tian, rapporteur – Avis défavorable. En effet, si l’amendement soulève l’intéressant problème de la gouvernance, il témoigne d’une mauvaise compréhension du dispositif : à la différence de la convention tripartite actuellement en vigueur, qui intègre l’AFPA au nom de la coopération entre acteurs du service public de l’emploi, la convention créée par le texte vise à permettre aux seuls commanditaires – l’État et l’UNEDIC – de définir les objectifs stratégiques du nouvel opérateur. Il ne s’agit pas pour autant de remettre en cause le rôle de l’AFPA, qui continue d’appartenir aux acteurs du premier cercle.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économieMême avis. Je l’ai dit au Sénat : la convention pluriannuelle prévue à l’article L. 311-1-2 du code du travail ne concerne que la nouvelle institution et ses deux commanditaires financiers, l’État et l’organisme chargé de l’assurance-chômage.

Quant à la cohérence du système, Monsieur Gorce, faisons preuve, comme nous y invitait M. Méhaignerie, d’esprit d’ouverture, de créativité et de liberté, au lieu d’imposer des relations rigides sans tenir compte de la diversité des bassins d’emploi, des situations locales et de la volonté des acteurs locaux de travailler ensemble. Pourquoi ne pas expérimenter le dispositif, comme vous l’avez vous-même suggéré, avant d’en tirer les conséquences ?

D’autre part, si la convention d’objectifs dotera la nouvelle institution d’une ligne directrice au niveau national, sa politique territoriale devra être déterminée par d’autres conventions, avec l’État – pour les emplois aidés et les actions du fonds national pour l’emploi –, mais aussi avec les régions et les départements. Le conseil régional pour l’emploi s’apparentera quant à lui à une convention des financeurs.

Quant au rapprochement entre le conseil actuellement chargé de l’emploi et de la formation professionnelle et le futur conseil pour l’emploi, Monsieur Gille, la réforme de la formation professionnelle permettra de trancher en faveur de leur cohabitation ou de leur convergence ; il faudra également en évaluer la représentativité, notamment celle que confère le financement.

L'amendement 197 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – Nous avons proposé de substituer à la convention pluriannuelle une loi pluriannuelle de programmation définissant les axes de développement et le financement par l’État du service public de l’emploi, car seule une politique ambitieuse d’emploi et de formation permettra de lutter contre le chômage. La convention pluriannuelle que vous entendez instaurer identifiera les personnes devant bénéficier prioritairement de l’aide de l’institution, objectif louable, mais qui risque d’entraîner des dérives – rupture de l’égalité entre usagers ou difficultés d’une prise en charge ciblée. S’agira-t-il en réalité des personnes sur lesquelles vous exercerez la plus forte pression, au mépris de leur projet de vie ?

L’amendement 111 tend à supprimer la référence à ces publics prioritaires, et donc l’alinéa 16 de l’article.

M. Dominique Tian, rapporteur – Avis défavorable. Je suis un peu surpris : il est essentiel que la convention apporte cette précision : comment saurons-nous, sinon, qui a le plus besoin d’être orienté et aidé ? Il n’y a là aucune atteinte aux libertés individuelles.

M. Roland Muzeau – J’ai parlé d’atteinte au principe d’égalité !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économieMême avis. Je précise que les prestations seront proposées à tous les demandeurs d’emploi, indemnisés ou non ; mais il est indispensable de destiner prioritairement certaines d’entre elles aux publics les plus éloignés de l’emploi – seniors, jeunes ou femmes.

M. Roland Muzeau – Monsieur le rapporteur, je n’ai pas parlé d’atteinte aux libertés individuelles ; simplement, l’effort global qui doit être consenti en faveur des demandeurs d’emploi ne pourra que pâtir de la désignation de publics prioritaires – Mme la ministre l’a bien compris. En outre, on frôle la stigmatisation ; enfin, comment favoriser le retour à l’emploi par un dispositif contraignant, fondé sur une appréciation tout aussi délicate que les notions d’offres d’emploi « valables » ou « acceptables » évoquées tout à l’heure ?

L'amendement 111, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Patrick Gille – Sur le même sujet, et pour reprendre l’argumentation de M. le président de la commission et de Mme la ministre, l’alinéa 16 alourdit le texte en rendant obligatoire – et non simplement possible – la définition par la loi de publics prioritaires. L’amendement 199 visait à réparer cette maladresse. Étant donné la discussion qui vient d’avoir lieu, nous le retirons, mais nous souhaitions attirer votre attention sur ce point.

L'amendement 199 est retiré.

M. Gaëtan Gorce – Par l’amendement 200, nous demandons au Gouvernement de fournir des précisions sur les moyens humains mis au service de l’accompagnement des demandeurs d’emploi – c’est-à-dire sur le nombre de demandeurs d’emploi par conseiller - et sur ses objectifs en la matière.

M. Dominique Tian, rapporteur – Avis favorable : cette précision est importante.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économieJe m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, car, si le débat est intéressant, ce degré de précision ne semble pas relever du domaine législatif. Quant à nos objectifs, il s’agit de passer de quatre-vingt-dix demandeurs d’emploi – inscrits depuis plus de quatre mois – par référent à soixante, voire, pour les personnes les plus éloignées de l’emploi, à trente.

L'amendement 200, mis aux voix, est adopté.

M. Roland Muzeau – L’amendement 112 est défendu.

L'amendement 112, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Monique Iborra – Par l’amendement 201, nous proposons de faire dépendre les conditions de recours aux organismes privés de placement et d’évaluation d’indicateurs de performance précisés par voie réglementaire. Il s’agirait donc de compléter l’alinéa 19 de l’article par ces mots : «, ainsi que les conditions d’évaluation à partir d’indicateurs de performance fixés par décret ».

M. Dominique Tian, rapporteur – Le texte évoque déjà non seulement à l’alinéa 19, mais à l’alinéa 20, les conditions de recours à ces organismes privés. Pourquoi y ajouter cette précision ? Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économieMême avis, pour les mêmes raisons. Les opérateurs privés de placement sont déjà mis en concurrence, donc évalués ; ce n’est pas au législateur d’entrer dans ces détails.

L'amendement 201, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – Le texte prévoit que la convention pluriannuelle précise les conditions dans lesquelles les acteurs de la nouvelle institution seront évalués à partir d’indicateurs de performance qu’elle aura définis. Or ces critères sont généralement strictement quantitatifs, comme l’est votre objectif de ramener le taux de chômage à 5 % d’ici 2012. L’efficacité des activités de placement ne sera-t-elle évaluée que de manière chiffrée, abstraction faite de la qualité des emplois fournis ?

L’amendement113 vise donc à préciser que l’évaluation porte sur la qualité des missions de l’institution telles que les définit le code du travail. De fait, la situation de l’emploi dans notre pays exige de substituer l’obligation de moyens à l’obligation de résultats. Nous proposons donc, après le mot « évaluées », de rédiger ainsi la fin de l’alinéa 20 : « par référence aux missions qui lui sont confiées, telle que définies dans le code du travail ».

M. Dominique Tian, rapporteur – Contrairement à vos amis socialistes, vous refusez l’évaluation des actions à partir des indicateurs de performance – une évaluation qui nous semble, à nous, des plus souhaitables. Avis défavorable.

L'amendement 113, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Tian, rapporteur L’amendement 280 est de précision.

L'amendement 280, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 1ER

M. Francis Vercamer – L’amendement 244 vise à développer la pratique du CV anonyme, disposition qui a beaucoup fait débat. Après la discussion de la loi de cohésion sociale, le Gouvernement a demandé à la commission Fauroux de plancher sur le sujet, et le CV anonyme a enfin été instauré par la loi sur l’égalité des chances. Malheureusement, le décret d’application prévu n’est pas paru à ce jour. La négociation entre partenaires sociaux souhaitée par le Gouvernement a eu lieu, l’accord interprofessionnel sur la diversité a été signé le 12 octobre 2006, et les expérimentations prévues ont été lancées. En novembre, les syndicats signataires de l’accord appelaient à appliquer le CV anonyme ; en décembre, le président de la HALDE regrettait qu’il ne soit pas assez utilisé.

Mon souhait est donc d’étendre la pratique du CV anonyme aux organismes de placement, tels que l’institution que nous sommes en train de créer, et aussi de savoir si le décret d’application va être pris. À tous ceux qui répondent que le CV anonyme revient à embaucher à l’aveugle, je rappelle qu’il s’agit seulement de s’assurer que les candidats sont choisis sur leur motivation, leur expérience et leur qualification, et non sur leur nom, leur âge ou leur lieu de résidence.

M. Dominique Tian, rapporteur – L’intention est évidemment louable, mais le nouvel organisme aura tellement à faire qu’on voit mal comment il pourrait assurer une expérimentation du CV anonyme au niveau national… Attendons plutôt de pouvoir tirer les enseignements de l’expérimentation en cours dans le Rhône.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie La lutte contre les discriminations à l’embauche est une cause nationale, et la nouvelle institution devra y participer activement. L’invité d’honneur du quarantième anniversaire de l’ANPE était d’ailleurs M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, qui a su convaincre les dirigeants de l’Agence de la justesse de sa cause. Le service public de l’emploi, lui, s’est déjà engagé sur la professionnalisation des acteurs de l’intermédiation concernant les questions de discrimination. Je m’engage à ce que les règles applicables au sein du service public de l’emploi relèvent d’une déontologie sans faille en la matière, et à ce que l’ensemble des acteurs prennent à leur compte la promotion de la diversité. Au bénéfice de ces engagements, que je prends ici solennellement, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. Francis Vercamer – Je comprends bien que le dispositif n’est pas facile à mettre en place, surtout lors de la création d’une nouvelle institution, mais au moment où nous allons parler du plan banlieues et de l’emploi dans les quartiers, il est important de faire avancer la question – et le CV anonyme est loin d’être la seule disposition envisageable.

L'amendement 244 est retiré.

Mme Monique Iborra – L’État a transféré aux régions les compétences et les moyens relatifs aux activités de l’AFPA. L’amendement 210 propose de prolonger la période transitoire prévue jusqu’au 31 décembre 2010 et d’en profiter pour réfléchir en lien aux formes juridiques qui pourraient permettre à l’Agence de conserver son statut actuel.

M. Dominique Tian, rapporteur  Cet amendement a été déposé trop tard pour pouvoir être examiné en commission, mais la ministre a rejeté au Sénat une proposition semblable, en expliquant que toutes les régions sauf deux ont déjà accompli le transfert des compétences et des crédits associés, et qu’il reste onze mois et demi aux deux dernières. Elle a en outre précisé que, s’agissant du code des marchés publics, toutes les analyses juridiques concluaient que l’achat de prestations de formation relève de la mise en concurrence. Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Au Sénat, j’ai proposé de constituer un groupe de travail entre mes services et l’Association des régions de France, pour étudier de meilleures conditions de passation des commandes de formation des régions. Les travaux, qui commenceront dans les tous prochains jours, devront aboutir, d’ici fin mars, à des outils méthodologiques permettant de garantir juridiquement les procédures, et qui seront mis à la disposition des conseils régionaux. Tout sera fait pour qu’ils soient disponibles avant le 31 décembre 2008. Il ne me paraît donc pas utile de prolonger la période transitoire.

L'amendement 210, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 2

M. Serge Letchimy – Je voudrais une nouvelle fois mettre l’accent sur l’absence de gouvernance locale. La politique de l’emploi sera fondée sur deux conventions essentielles, liant pour l’une l’État et le régime d’assurance chômage, et pour l’autre l’État et le représentant régional de l’institution. Je regrette que les collectivités locales soient absentes de ces conventions, mais l’éventualité d’une expérimentation dans deux régions est une ouverture très intéressante. Je souhaite que cette expérimentation permette d’élargir le champ de la gouvernance régionale de la manière la plus efficace possible.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 1 h 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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