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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 2 avril 2008

1ère séance
Séance de 15 heures
128ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

SANCTION DES VIOLENCES DANS LES STADES

M. Guy Delcourt – Mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues permettez-moi tout d’abord, au nom des Ch’tis, des parlementaires et de l’ensemble des élus du Nord-Pas de Calais, de vous remercier de votre soutien unanime à une population humiliée et blessée lors du match de football PSG-Lens (Vifs applaudissements sur tous les bancs). Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, car elle concerne plusieurs membres du Gouvernement.

Sans attendre les mesures auxquelles le Président de la République s’est engagé lors de l’entretien qu’il nous a accordé hier, demanderez-vous aux services de l’État placés sous votre autorité, en particulier à l’administration judiciaire, d’appliquer rigoureusement les textes qui existent déjà ?

En outre, l’incident survenu au niveau professionnel doit nous inciter à la vigilance à l’égard du sport amateur. Dans ce domaine, les maires et leurs adjoints, qui sont officiers de police judiciaire, doivent pouvoir intervenir auprès des représentants de l’État, notamment des forces de police – certes trop peu nombreuses le dimanche… –, afin que le racisme soit banni des stades et que le sport demeure un espace de fraternité et de tolérance.

Enfin, j’espère que vous demanderez, avec M. Laporte, aux fédérations sportives…

M. Lucien Degauchy – Demandez aux journalistes de ne pas filmer !

M. le Président – Monsieur Degauchy, je vous en prie.

M. Guy Delcourt – …d’appliquer les textes qu’elles ont elles-mêmes édictés et qui prévoient des sanctions majeures en pareil cas – sans quoi de tels incidents se propageront du football aux autres sports (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Je tiens à exprimer de nouveau notre solidarité aux Lensois et à la population du Nord dans son ensemble.

Aujourd’hui, deux textes prévoient des sanctions contre les hooligans : la loi que j’avais présentée en 1994 à votre Assemblée, qui l’a votée à l’unanimité, et un texte de 2006. Grâce à ces dispositions, plus de 400 interdictions administratives de stade ont été prononcées au cours de la saison 2006-2007 et 207 lors de la présente saison – dont 97 à la suite du match PSG-Lens, soit sensiblement autant que d’interdictions judiciaires.

Ces textes sont donc appliqués ; mais il faut aller plus loin. Voilà pourquoi j’ai décidé, au mois d’août, de créer un fichier des interdits de stade. En outre, la future loi d’orientation pour la sécurité intérieure – que, je n’en doute pas, vous voterez (Murmures sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) – portera la durée des interdictions administratives à six mois, voire à un an en cas de récidive.

En ce qui concerne plus particulièrement l’incident survenu lors du match PSG-Lens, outre les sanctions pénales et les interdictions judiciaires encourues par les supporters, j’ai décidé d’ouvrir une procédure pouvant mener à l’interdiction des associations ayant aidé à rédiger ou à déployer cette banderole inadmissible (Applaudissements sur tous les bancs). Soyez assurés qu’après avoir consulté la commission compétente, je n’hésiterai pas à dissoudre le ou les groupes concernés (Applaudissements sur divers bancs). Car le respect de l’autre – fût-il un adversaire – s’impose dans le sport comme à l’ensemble de la société (Applaudissements).

REPRÉSENTATIVITÉ SYNDICALE DANS LES DOM

M. Alfred Marie-Jeanne – Monsieur le ministre du travail, depuis plusieurs années, les organisations syndicales de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique demandent que soit pleinement reconnue leur représentativité dans leurs départements.

Or, aujourd’hui, la « présomption irréfragable de représentativité » accordée, en France, à cinq organisations syndicales fait débat. En outre, le 23 mai 2006, en réponse à une question écrite que je lui avais adressée, le ministre de l’emploi me précisait que la mission alors confiée par le Premier ministre à M. Raphaël Haddas-Lebel, et qui portait notamment sur la représentativité des organisations syndicales dans les départements d'outre-mer, examinerait la possibilité d’évaluer la représentativité d'une organisation au seul niveau de la collectivité. Mais il n’en a rien résulté.

Le moment n’est-il pas venu de faire droit à cette demande légitime ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité – Faut-il tenir compte d’une spécificité ultramarine ? Oui, assurément. À partir de quand y travaillerons-nous ? Dès cette année.

À l’heure actuelle, les partenaires sociaux engagent des négociations sur la question de la représentativité. À la lumière des conclusions de la réunion qui se tiendra le 9 avril, le Gouvernement proposera un texte au Parlement.

Il existe, en effet, une spécificité des départements outre-mer. Les syndicats représentatifs n’y sont pas toujours les mêmes qu’en métropole. Quant aux conventions collectives, elles doivent, pour s’appliquer dans un département d’outre-mer, le prévoir explicitement dans leur champ d’application. La situation est pour le moins complexe et retarde le dialogue social sur l’ensemble du territoire.

2008 ne sera pas l’année du statu quo en matière de démocratie sociale. À l’occasion de ce grand rendez-vous, la question des DOM sera posée et nous apporterons, ensemble, les réponses qui sont attendues depuis bien longtemps (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et du groupe NC).

RETRAITE DES MINEURS

M. Pierre Lang – Monsieur le ministre du travail, vous avez rencontré l’ensemble des partenaires sociaux la semaine dernière pour engager la concertation sur les retraites, préalablement au projet de loi qui sera discuté avant cet été.

Une grave injustice à l’encontre des mineurs retraités a été commise par le gouvernement Jospin en 2001 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Suite à un décrochage de leur pension de 17 % par rapport au niveau moyen des retraites du régime général, la ministre en charge du dossier – Mme Guigou – a accordé un rattrapage aux plus jeunes retraités, excluant ceux qui avaient pris leur retraite avant 1987. Or ce sont ces derniers qui ont subi les conditions de travail les plus difficiles et encouru les plus grands risques de maladie professionnelle, notamment la silicose.

Nicolas Sarkozy s’était engagé pendant sa campagne à mettre fin à cette discrimination, que dénonce le groupe Nouveau Centre (Applaudissements sur les bancs du groupe NC). Les mineurs les plus âgés, dont l’espérance de vie est la plus courte, attendent un geste significatif dès cette année. Une grande partie de leurs anciens collègues sont malheureusement décédés des suites de leurs conditions de travail particulièrement pénibles. Leurs veuves espèrent – elles aussi – une revalorisation de leur pension de réversion. Comment comptez-vous répondre à ces attentes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité – Je connais votre attachement à cette question, ayant été rapporteur du texte sur les retraites présenté par François Fillon en 2003. Nos engagements seront tenus. Nous savons combien est grand le sentiment d’injustice éprouvé depuis 2001, lorsque ceux qui avaient pris leur retraite avant 1987 ont été exclus du rattrapage.

Ces derniers verront dès 2008 l’amorce de la revalorisation de leur pension. Cela aura un coût et ces mesures généreuses devront être assorties de mesures courageuses.

Un député du groupe SRC – Ce sera le plan de rigueur !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – S’agissant des pensions de réversion, nous avons pris l’engagement de les augmenter, en les faisant toutes passer de 54 % à 60 %. Toutefois, il n’y a pas de plafond de ressources dans les pensions de mineurs et substituer tel quel un système à un autre n’est pas souhaitable. Nous devrons donc examiner cette question avec l’ensemble des partenaires sociaux et des acteurs locaux – dont vous faites partie, Monsieur le député. Cette spécificité sera de toute façon abordée dans le cadre du rendez-vous « retraites » de 2008.

Nous n’avons rien oublié des engagements qui ont été pris. Nous sommes là pour réparer les injustices commises à une certaine époque (Protestations sur les bancs du groupe SRC). Le rendez-vous « retraites » sera aussi celui de la justice sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

VIOLENCE DANS LES STADES

Mme Françoise Hostalier – J’associe à cette question l’ensemble de mes collègues élus du Nord-Pas de Calais. Un acte inacceptable a été commis lors de la finale de la coupe de la Ligue, portant atteinte à l'honneur des gens du Nord et à l'esprit sportif.

Contrairement à l’acte isolé d’un supporter raciste envers Abdeslam Ouaddou le 16 février à Metz, il s'agit cette fois-ci d'un acte concerté, commis avec préméditation, et sans rapport aucun avec le sport. Les voyous qui ont déployé cette banderole n’avaient d’autre but que d'insulter l’ensemble des habitants du Nord-Pas de Calais. Cet acte imbécile est symbolique des dérives qui touchent le monde sportif. Heureusement, les supporters des deux équipes ont su garder leur sang-froid et ne pas entrer dans le jeu de cette provocation.

Les rencontres sportives, qui devraient être des moments de fête, sont de plus en plus souvent le prétexte à des débordements inacceptables de violence et de haine. Les arbitres sont agressés, insultés et menacés. Même les matchs locaux exigent un filtre à l’entrée et un service d'ordre prêt à toute éventualité. À chaque nouvelle agression, on cherche des parades, mais l'imagination des provocateurs est sans limite.

Les joueurs, encore une fois, seront sanctionnés. Le Football Club de Metz a été durement puni ; ce sera bientôt le tour du Paris-Saint-Germain. Ce qui est ressenti comme une injustice supplémentaire risque à terme d'attiser les tensions entre supporters.

Que comptez-vous faire, Monsieur le Ministre des sports, pour rendre au sport ses valeurs de tolérance et de fraternité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Bernard Laporte, secrétaire d’État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative  Nous avons vu samedi le paroxysme de l’idiotie et de la bêtise humaine. Je veux manifester ma sympathie et mon soutien aux habitants de la région Nord-Pas de Calais et au club de Lens – ses supporters, son staff technique et ses dirigeants. Moi-même supporter du club du Paris-Saint-Germain, j’ai eu honte.

Après l’affaire Ouaddou à Valenciennes, l’affaire de Bastia, et maintenant l’affaire du Stade de France, nul doute que d’autres affaires, hélas, suivront si nous ne prenons pas de fermes résolutions. Le Président de la République a promis au président, à l’entraîneur du RC Lens et au député-maire de la ville qu’il a reçus, que des mesures concrètes seraient prises. La première consiste à appliquer fermement les interdictions administratives de stade et à les faire passer de trois mois à un an. La deuxième est de prévoir, comme cela existe en Grande-Bretagne, des sanctions financières à l’encontre des individus coupables d’actes de racisme et de violences. La troisième serait de généraliser, comme l’a fait la ligue de football amateur du Var, les travaux d’intérêt général pour ces individus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Maxime Gremetz – Il faut rejouer le match !

ÉDUCATION NATIONALE

Mme Laurence Dumont – Avec 11 200 postes supprimés à la prochaine rentrée, succédant aux 7 000 supprimés en septembre dernier, l’éducation nationale paie le plus lourd tribut à la réduction des effectifs de la fonction publique, que vous avez programmée par pure idéologie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – et ce, alors même que le Président de la République affirme souhaiter rendre le système éducatif plus efficace et que de nouveaux programmes, contestés et contestables, tant sur le fond que sur la méthode de leur élaboration, comportent des éléments nouveaux, et qu’est supprimée l’école le samedi. En réalité, la disparition de ces 11 200 postes entraînera une dégradation des conditions de travail des enseignants et crée une incertitude réelle sur la capacité des établissements à assurer les cours. Comment pourront-ils gérer la pénurie, si ce n’est en supprimant des options et des cours de soutien ? En réalité, ce sont nos enfants qui feront les frais de ces suppressions de postes avec des classes surchargées et des professeurs non remplacés en cas de maladie.

Monsieur le ministre, cessez cette gestion purement comptable de l’éducation nationale. Derrière les postes dont vous parlez sans cesse, il y a des hommes et des femmes qui exercent quotidiennement devant nos enfants. Vous pouvez être obsédé par le leitmotiv de la réduction des effectifs de la fonction publique, mais vous n’avez pas le droit d’hypothéquer l’avenir de nos enfants. Dans le pays, partout, la colère gronde… Enseignants, parents d’élèves, élus, tous sont mobilisés et s’inquiètent, à juste titre, des réformes en cours. Dans ma seule circonscription, pas moins de trente postes seront supprimés à la prochaine rentrée, dont six dans le primaire, si vous ne lâchez pas du lest. Dans mon département, le Calvados, ce sont quelque mille postes qui ont été supprimés depuis cinq ans dans le secondaire.

Mes deux questions sont simples. Combien de temps encore existera-t-il un service public de qualité de l’enseignement dans notre pays ? Le cadeau fiscal de 15 milliards fait l’été dernier aux plus aisés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) vaut-il le sacrifice de l’éducation de nos enfants ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Puisque vous nous taxez d’idéologie, puis-je vous rappeler qu’en vingt ans, le premier degré a perdu 200 000 élèves dans le même temps que l’on y a créé 12 000 emplois, et le second degré 145 000 élèves sans que le taux d’encadrement pédagogique y ait été réduit ? Il ne faut certes pas supprimer les emplois quand ils sont nécessaires. Pour autant, ces créations de postes successives ont-elles amélioré la performance éducative de notre pays ? La réponse est non.

« Puisque l’école primaire va mal, créez des postes », me dites-vous. Je vous réponds : non, plutôt que de créer des postes, il faut réformer l’encadrement pédagogique, assurer des études surveillées et des stages pour les élèves en difficulté, obliger les enseignants à consacrer une part de leur service aux élèves en situation d’échec scolaire. Voilà la réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Vous réclamez de même des postes pour les lycées professionnels. Là encore, je vous réponds non. Donnons plutôt aux baccalauréats professionnels la même utilité que les baccalauréats généraux, généralisons l’alternance, formons différemment. Voilà la réforme (Mêmes mouvements).

Pour ce qui est de l’école primaire, comment se fait-il qu’en vingt ans, nous ayons perdu dix places dans les classements internationaux de résultats ? Comment se fait-il qu’un élève sur deux, à l’entrée en sixième, ne sache pas écrire l’adverbe « certainement » ? Comment se fait-il que nous soyons classés parmi les cinq derniers dans certains classements ? Ce n’est pas avec des postes que l’on remédiera à cette situation, mais par la réforme, toujours la réforme, encore la réforme de notre système éducatif ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP, dont de nombreux membres se lèvent, exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

DEPISTAGE RAPIDE DU SIDA

M. Alain Marty – Le Sidaction a rencontré, cette année encore, un important succès. Avec Marie-George Buffet, nous avions demandé à l’ensemble des membres de cet hémicycle de se mobiliser afin de montrer que la lutte contre le sida demeure une priorité.

Il y aurait aujourd’hui en France quelque 40 000 personnes séropositives qui ignoreraient leur statut sérologique, ce qui aggrave le risque de dissémination de la maladie. Un progrès considérable pourrait être accompli grâce à l’utilisation des tests rapides, comme l’a d’ailleurs préconisé le Conseil national du sida. Ces tests sont aujourd’hui utilisés aux États-Unis, dans les pays du Sud et dans de nombreux pays de l’Union européenne, alors que l’on reste, en France, attaché au double test, dont un seul peut être un test rapide, et qu’il ne peut être effectué que dans un laboratoire d’analyses médicales, en présence d’un biologiste, ou dans un centre de dépistage anonyme et gratuit, où les résultats ne sont connus que plusieurs jours plus tard.

Il serait important que ces tests rapides puissent être utilisés aussi dans notre pays, notamment auprès des populations les plus fragiles, de façon que leurs résultats soient connus très rapidement. Vous avez, Madame la ministre de la santé, évoqué la possibilité de leur utilisation lors de la dernière Journée de lutte mondiale contre le sida. Où en est-on de cette réflexion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative  Le nombre de contaminations par le VIH a diminué de 10 % en deux ans dans notre pays. Cette diminution, particulièrement marquée chez les femmes et dans les populations migrantes, n’est hélas pas constatée dans certaines populations, dont la communauté homosexuelle. Certains malades ne sont détectés qu’au moment de l’apparition du sida lui-même – avec, hélas le pronostic que l’on sait – mais aussi le risque de contamination que les personnes infectées ont pu faire courir à leur partenaires par ignorance de leur statut sérologique.

C’est pourquoi j’ai voulu que les tests rapides, pouvant être effectués par la personne elle-même avec une goutte de sang prélevé au bout du doigt ou de la salive, puissent être mis à disposition dans notre pays. Pour l’instant, ces tests n’y sont pas autorisés. La Haute Autorité de santé s’est donc saisie de la question. En attendant sa réponse prévue pour la fin de l’année, une expérimentation sera menée par l’Agence nationale de recherche sur le sida et par le biais d’un appel à projets auprès du secteur associatif.

L’association Aides a présenté un projet très intéressant, dont j’ai bon espoir qu’il se concrétisera dans un cadre respectant des normes éthiques et techniques. Un médecin le pilotera, et des bénévoles formés accompagneront les personnes qui veulent se soumettre au test rapide. J’en profite pour saluer le travail remarquable des associations, notamment dans le cadre du Sidaction. J’ai tenu à ce que, dans le budget 2008, leurs crédits soient non seulement maintenus mais augmentés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RECUL DU CHÔMAGE

M. Philippe Cochet – L’emploi reste une des premières préoccupations des Français. Il est synonyme de pouvoir d’achat, mais aussi de reconnaissance sociale. Le retour à l’emploi est pour nous une priorité. Depuis 2006, grâce aux importantes réformes engagées, le marché de l’emploi a connu une amélioration sensible. En 2007, le nombre de demandeurs d’emploi a diminué de 200 000 personnes et le taux de chômage est descendu à 7,5 %, soit le plus bas niveau depuis vingt-cinq ans.

L’UMP, parti de la réforme, obtient des résultats concrets. Ces chiffres sont très encourageants. L’objectif fixé par le Président de la République, de revenir au plein emploi d’ici 2012 est tout à fait à notre portée.

En raison des tensions internationales, il faut rester vigilant. Il faut aussi redoubler d’efforts pour nous attaquer au noyau dur du chômage : mettre un terme à l’immense gâchis économique social et humain de l’exclusion des seniors du marché du travail ; traiter de l’inadéquation entre offre et demande qui explique les problèmes de recrutement dans certains secteurs, où plusieurs centaines de milliers d‘emplois restent non pourvus.

Quelles actions comptez-vous engager en 2008 pour consolider les résultats déjà obtenus et aller encore plus loin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi – Disons le tout net : les derniers chiffres de l’emploi communiqués par l’ANPE sont bons (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). 13 700 personnes ont retrouvé un emploi en février. J’espère que tout le monde ici s’en réjouit, d’autant que toutes les catégories sont concernées, jeunes, seniors et chômeurs de longue durée.

Autre bonne nouvelle, le nombre de contrats de professionnalisation a augmenté de moitié et l’apprentissage se porte bien (Mêmes mouvements).

Au-delà de ces chiffres ponctuels, l’essentiel est la tendance longue. Effectivement, avec un taux de chômage de 7,5 %, la situation de l’emploi est la meilleure dans ce pays depuis vingt-cinq ans. C’est un beau démenti aux prédictions d’apocalypse que font chaque jour les Cassandre (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). En dépit des turbulences internationales, l’économie française se porte bien.

Ces résultats sont le fruit de la politique voulue par le Président de la République depuis dix mois. Avant que ne commence la crise internationale, le gouvernement de François Fillon a injecté 9 milliards dans l’économie pour soutenir l’offre…

Plusieurs députés du groupe SRC – 14 milliards !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – …Et incité les entrepreneurs à créer de nouveau des emplois.

Mais derrière les chiffres, il y a des hommes. Certains sont dans des situations douloureuses, et nous devons donc aller plus loin.

M. Pierre Gosnat – Allez à Gandrange !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État – Le cap reste de revenir au plein emploi en 2012. Pour y parvenir, aux côtés de Christine Lagarde, nous voulons dépasser une gestion conjoncturelle pour rénover le fonctionnement du marché de l’emploi : fusion opérationnelle de l’ANPE et des Assedic au service des demandeurs d’emploi, refonte de la formation professionnelle, meilleure définition des droits et des devoirs des demandeurs d’emploi, recherche d’activité pour les seniors et pour les jeunes. Le calendrier de travail est donc chargé et nous avons besoin de toutes vos propositions car j’espère que pour tous ici, faire de la politique ne consiste pas à prédire le pire ni à se repaître de mauvaises nouvelles (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), mais à agir pour le mieux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

ARCELOR-MITTAL

M. Michel Liebgott – D’abord, permettez moi de m’étonner en voyant les députés de l’UMP se lever comme un seul homme pour applaudir les suppressions d’emploi dans l’éducation nationale ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur la sidérurgie lorraine. La cacophonie règne au sommet de l’État quand il s’agit de politique industrielle. Nicolas Sarkozy a pris trois-quarts d’heure de son temps pour venir à Gandrange rassurer les salariés et annoncer des financements publics pour leur usine. Le lendemain, la ministre de l’économie a émis les plus grandes réserves sur cette proposition. Monsieur le Premier ministre, je vous avais alors interrogé, mais vous ne m’aviez pas répondu. Puis, il y a deux jours, vous avez donné votre aval au plan de licenciements d’Arcelor-Mittal et admis la fermeture de l’usine de Gandrange si l’entreprise propose des emplois de proximité aux salariés. Est-ce cela que le Président de la République dira à M. Mittal qu’il va rencontrer à nouveau ?

Le rapport des experts mandatés par les syndicats montre que fermer l’entreprise coûtera plus cher que la maintenir en l’activité. L’acier qui ne sera plus produit en Lorraine le sera en Allemagne.

M. Lucien Degauchy – En Allemagne, ils n’ont pas les 35 heures !

M. Michel Liebgott – En Allemagne, comme au Luxembourg ou en Belgique, les pouvoirs publics ont une stratégie industrielle, sur un marché de l’acier qui n’a jamais été aussi florissant.

Monsieur le Premier ministre, si vous revenez sur la parole du Président de la République, il faut que celui-ci revienne à Gandrange. Vous êtes désormais complices de M. Mittal : les emplois de reclassement ne sont pas assurés au-delà de 2012, et vous le savez. Sinon confirmez-nous que la filière liquide dans la vallée de la Fentsch sera prolongée au-delà. De plus, le laminoir qui subsisterait à Gandrange serait en situation délicate, puisque approvisionné par de l’acier produit en Allemagne. Vous donnez donc votre aval à la disparition de 575 emplois, et même le double en comptant la sous-traitance et les emplois induits. Il aurait été si simple d’investir 40 à 45 millions, pour le groupe Mittal qui a fait l’an dernier 7,5 milliards de bénéfices (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation – La France est un grand pays industriel…

M. Albert Facon – Dites plutôt qu’elle l’était !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État … qui s’appuie sur plusieurs acteurs mondiaux, dont le groupe Arcelor-Mittal. Chacun conviendra que l’avenir de notre sidérurgie passe par le maintien d’outils de production performants.

M. Henri Emmanuelli – Alors agissez !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Suite à l’annonce faite par la direction d’Arcelor-Mittal, le Gouvernement s’est entièrement mobilisé pour préserver l’emploi sur le site de Gandrange. Contrairement à ce que vous prétendez, un accord est intervenu entre les parties après la visite du Président de la République sur le site, qui porte sur la méthode et le calendrier. Une contre-expertise a été lancée, et la direction d’Arcelor-Mittal se prononcera dès vendredi sur les propositions qui en résultent. Il va de soi que le Gouvernement respecte la procédure en cours. Pour autant, nous pouvons d’ores et déjà tirer de cette affaire plusieurs enseignements. Ainsi, pour rendre notre industrie plus performante encore, il nous faut anticiper davantage et mieux former nos salariés (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Cela implique, d’une part, d’engager un dialogue fructueux avec les industriels en leur proposant des outils efficaces tels que le crédit impôt recherche créé par ce Gouvernement et qui est désormais le plus performant des pays de l’OCDE, mais aussi de garantir la formation des salariés de demain afin d’améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande.

Plusieurs députés du groupe SRC – Bavardage ! Vous ne répondez pas à la question !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État C’est un travail de longue haleine qu’il nous faut entreprendre. Quant au groupe Arcelor-Mittal, je vous rappelle qu’il proposera prochainement 800 emplois qualifiés à pourvoir, dont 400 dans le bassin Lorraine-Luxembourg : voilà où sont les vrais enjeux ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean Mallot – N’importe quoi !

CINQUIÈME BRANCHE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

M. Élie Aboud – Le 6 février dernier, le Président de la République annonçait la création dès cette année de la cinquième branche de la protection sociale, qui sera consacrée à l’autonomie des personnes âgées. C’est une avancée considérable.

M. Albert Facon – Qui va payer ?

M. Lucien Degauchy – Les riches !

M. Élie Aboud – Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à vivre jusqu’à un âge avancé : c’est à la fois une chance et un défi qui exige de nouveaux financements, ne serait-ce que pour conserver notre niveau de protection actuel. Les Français souhaitent pouvoir rester chez eux le plus longtemps possible, et c’est bien légitime. Or, les aides actuelles ne le permettent pas à ceux qui sont en situation de dépendance ou qui bénéficient d’une aide familiale. C’est pourquoi, s’agissant des maisons de retraite, il faut apporter au plus vite une réponse satisfaisante aux familles, et c’est l’objet de votre projet, Monsieur le ministre.

Pourquoi, dès lors, le Gouvernement a-t-il choisi d’ajouter une branche à la protection sociale ? Dès demain, vous ouvrez avec les partenaires sociaux une concertation sur ce sujet, après celle que vous avez menée sur les retraites. Quels en seront la forme, le programme et le calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité – C’est en effet demain que nous lançons, avec Mme Létard, ce chantier de la cinquième branche. La France compte aujourd’hui 1,3 million de personnes de plus de 85 ans ; elles seront deux millions en 2015. Aux quatre branches existantes de notre protection sociale – vieillesse, retraite, santé et famille – il fallait ajouter un maillon, celui de la dépendance. Personne n’imaginait en 1945 que l’on vivrait si vite aussi longtemps (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC). L’allongement de l’espérance de vie est une bonne nouvelle pour tout le monde, il nous faut simplement en tirer les conséquences.

Pourquoi une cinquième branche ? Pour permettre aux personnes âgées ou dépendantes de demeurer le plus longtemps possible chez elles et leur donner le choix. Plusieurs questions se posent : les aides à la personne sont-elles assez bien calibrées ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) La personne peut-elle rester chez elle sans aide permanente ? À ceux qui doivent être placés en établissement médicalisé, il nous faut offrir davantage de places, faire en sorte que le reste à charge soit supportable et éviter que certains restent jusqu’à plusieurs mois sur une liste d’attente. Enfin, la concertation portera également sur les questions de financement et de gouvernance. Dès demain, nous rencontrerons donc l’ensemble des partenaires sociaux, y compris l’Association des départements de France, les praticiens et les associations d’usagers. Le Parlement sera naturellement saisi, car il s’agit d’un sujet essentiel sur lequel les Français attendent beaucoup : c’est cette année que nous allons le prendre à bras-le-corps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

OFFRE DE LOGEMENT

Mme Christine Marin – Voici plusieurs années que la France s’est attelée à résorber la crise du logement, grâce à la politique des gouvernements soutenus par notre majorité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Cette crise profonde est essentiellement due au décalage entre l’offre et la demande : il n’y a tout simplement pas assez de logements en France. La construction est trop longtemps restée insuffisante, mais l’effort de notre majorité a permis de rattraper le retard accumulé. Ainsi, alors que 310 000 logements, dont 42 000 sociaux, étaient construits en 2000, il en est sorti 435 000 de terre l’an dernier, dont 110 000 sociaux. C’est un niveau inégalé depuis les années 1970 !

Dans le Nord-Pas de Calais, 19 000 logements neufs ont été construits an 2007, soit 5% de plus que l’année précédente. Dans l’arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe, qui compte 250 000 habitants, l’ANRU a signé six conventions multi-sites et investi 400 millions ! On ne pourra plus dire que l’État se désengage sur le front du logement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

Pour autant, dans une bataille qui ne peut se livrer avec les armes de la polémique et des invectives, mais bien plutôt grâce à un engagement franc et massif, la France a encore beaucoup à faire pour relever le défi, alors que les réserves foncières sont insuffisantes, que le cadre juridique est souvent trop contraignant et que l’on pourrait davantage mobiliser le parc existant. L’État doit entraîner toutes les forces de notre pays dans le même sens pour surmonter les obstacles à venir. Dès lors, Madame la ministre, quelles sont les mesures que vous prendrez pour permettre à la France de poursuivre son effort en matière de logement ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Je ne peux que confirmer votre état des lieux (Rires sur les bancs du groupe SRC). On n’avait jamais construit autant, en 2007, que depuis trente ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés du groupe SRC – Où ça ? À Neuilly ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Pour maintenir cet effort, il faut d’abord un État exemplaire. C’est notamment pourquoi le comité interministériel pour le développement de l’offre de logement vient, sous la présidence du Premier ministre, de décider la mobilisation de 1 140 hectares de terrains publics d’ici à 2012 pour la construction de 70 100 logements, dont 40 % de logement sociaux.

Un député du groupe SRC – C’est dérisoire !

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Les terrains sont identifiés et la liste fera l’objet d’une actualisation chaque année. Jamais l’État n’a fait autant.

Pour soutenir cet effort, il faut aussi exprimer une volonté forte. Cela passe par cinq axes : la relance de la construction, l’amélioration de l’efficacité du logement social, la relance de l’accession populaire à la propriété, …

Une députée du groupe SRC – Baratin !

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Certainement pas !

Cela passe, enfin, par le rétablissement de la confiance entre les propriétaires et les locataires et le renforcement de la cohésion sociale dans nos villes.

Quoiqu’il en soit, il ne faut pas toujours croire les titres des quotidiens du soir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Pierre Gosnat – Lisez plutôt l’Huma !

TCHAD

M. Gaëtan Gorce – Début février, la France a apporté, dans le cadre des accords qui la lient au Tchad, son concours au régime d'Idriss Déby pour repousser une offensive rebelle. Dans les jours qui ont suivi, on apprenait que le président Déby avait profité de ces troubles pour arrêter arbitrairement des opposants qui n’avaient rien à voir avec la sédition, et dont on est sans nouvelles depuis, à commencer par M. Oumar Mahamat Saleh, porte-parole de la Coordination démocratique, dont le fils Hicham est en ce moment présent dans nos tribunes. Le 27 février, notre Président de la République, se rendant au Cap, a fait escale à N'Djamena et s’est contenté de la vague promesse d'une commission d'enquête, dont la communauté internationale conteste aujourd’hui la composition et l’indépendance. En attendant, M. Saleh n'a pas reparu. Que savez-vous de sa situation ? Si vous en savez quelque chose, pourquoi n’en dites-vous rien ? Et si vous n’en savez rien, pourquoi n’exigez-vous pas des réponses du gouvernement tchadien ? Il ne faudrait pas laisser penser qu’un sinistre marchandage aurait eu lieu, accordant le soutien militaire de la France et son silence sur la disparition des opposants en contrepartie de la grâce des membres de l'Arche de Zoé (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme – La situation des opposants tchadiens est une préoccupation importante pour le Gouvernement, et son règlement est un objectif clair pour nous. La défense des droits de l’homme est un des fondements de notre politique étrangère.

M. Henri Emmanuelli – Ce sont des mots ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Rama Yade, secrétaire d’État – Le ministre des affaires étrangères a pris contact avec les plus hautes autorités tchadiennes. Il a rencontré une délégation d’opposants politiques ainsi que l’ancien chef d’État Lol Mahamat Choua, arrêté le 3 février et qui séjourne désormais en France, tout comme le député Yorongar. La France a également accordé aide et protection à deux militantes des droits de l’homme exfiltrées en même temps que les ressortissants français. Nous restons très mobilisés quant au sort de M. Ibn Oumar Mahamat Saleh, qui représente l’opposition légale. Lors de la visite du Président de la République au Tchad, M. Déby a confirmé la mise en place d’une commission d’enquête (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) chargée de faire la lumière sur la disparition des opposants, commission à la mise en place de laquelle la communauté internationale a participé, et dans laquelle elle aura – et la France à travers elle – un statut d’observateur. Enfin, la relance du dialogue politique interne au Tchad reste un impératif pour la France, qui y travaille avec ses partenaires européen (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

NOCIVITÉ DES LIGNES À HAUTE TENSION

M. Claude Gatignol – À l’heure où les problèmes énergétiques vont croissant et qu’avec réalisme et courage le Président de la République propose de développer la plus grande source non carbonée d'énergie électrique, c’est à dire le nucléaire, grande a été l’émotion soulevée par les médias qui faisaient état de risques importants pour la santé causés par les lignes à haute tension, dus aux effets éventuels des champs électromagnétiques de basse fréquence. Or l'électricité doit être transportée vers les usagers par de telles lignes à haute tension. La compétence du RTE, le service public chargé de ces opérations, est reconnue dans le monde entier. Serait-il devenu subitement dangereux ? Élus, administrations, populations, agriculteurs s'interrogent. De nouveaux éléments existent-ils réellement, après trente-cinq années d’études épidémiologiques poussées ? La création d'une mission d'information parlementaire pour faire le point sur ces expertises est-elle envisageable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative  Les champs électromagnétiques de très basse fréquence sont produits par des appareils comme les ordinateurs ou les plaques à induction ainsi que par certaines structures telles que les lignes à haute tension. Aucune étude, y compris celles du centre international de recherche sur le cancer, de l’OMS ou, en France, du Conseil supérieur d’hygiène publique, n’a pu établir un risque pour la santé humaine. Des mesures de prévention sont toutefois à l’œuvre : la France respecte la recommandation européenne de 1999, et des servitudes d’utilité publique s’appliquent aux lignes les plus importantes.

Pour rassurer complètement la population, des études relatives à l’exposition des personnes aux champs électromagnétiques de basse fréquence sont menées par Supelec, l’une sur un petit échantillon, à Champlan dans l’Essonne, l’autre, que j’ai souhaité financer, de plus grande envergure puisqu’elle porte sur 2 000 personnes. Par ailleurs, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, M. Borloo et Mme Kosciusko-Morizet ont demandé à la Fondation santé et radiofréquences de lancer des recherches sur les effets sanitaires potentiels des radiofréquences.

Je ne verrais que des avantages à ce que la représentation nationale se saisisse de cette question et à ce que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont vous êtes le vice-président, confie à l’un de vos collègues un rapport sur le lien éventuel entre champs électromagnétiques et santé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Salles.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES
vice-président

ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS – SUITE

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif aux organismes génétiquement modifiés.

M. Noël Mamère – Rappel au Règlement. J’ai été profondément choqué par la manière dont M. Jacob, s’exprimant hier soir à la tribune, a traité les faucheurs volontaires de « voyous ». Outre que j’y vois une attaque personnelle, étant moi-même un faucheur volontaire (Sourires), on ne saurait parler en ces termes d’hommes et de femmes courageux qui s’efforcent, par la désobéissance civile et sans violence, de faire respecter un principe de précaution auquel le Parlement, réuni en Congrès, a donné valeur constitutionnelle en intégrant la Charte de l’environnement à notre loi fondamentale.

En outre, je suis à la fois surpris et écœuré de constater combien l’indignation de M. Jacob, ancien président du centre national des jeunes agriculteurs, est sélective. Avez-vous oublié qu’en 2001, vos amis de la FNSEA – syndicat qui défend de manière acharnée, idéologique et caricaturale l’utilisation des OGM dans l’agriculture et qui, coïncidence troublante, est aujourd’hui réuni en congrès – ont envoyé une équipe de « gros bras » s’attaquer à des abattoirs appartenant à la société Vivendus…

M. le Président – On est très loin d’un rappel au Règlement !

M. Noël Mamère – À l’époque, M. Jacob a défendu ces syndicalistes…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Ce n’est pas un rappel au Règlement, mais une attaque personnelle !

M. Noël Mamère – …coupables de destructions d’une valeur de 12 millions d’euros, aux frais du contribuable puisque c’est le préfet qui a remboursé l’entreprise…

M. Patrick Ollier, président de la commission – Si M. Mamère avait été présent hier soir, il aurait pu s’adresser d’emblée à M. Jacob !

M. Noël Mamère – …et que les coupables n’ont pas été poursuivis. M. Jacob ne les a pas traités de voyous, ne s’est pas élevé pour défendre la propriété privée !

M. le Président – Monsieur Mamère, cela n’a rien à voir avec un rappel au Règlement.

M. Noël Mamère – Si ! Laissez-moi terminer…

M. le Président – Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Il fallait venir hier soir !

M. le Président – (M. Mamère tente de poursuivre) Vous n’avez plus la parole, Monsieur Mamère.

M. Philippe Tourtelier – Rappel au Règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 1.

M. le Président – Merci de vous y tenir (Sourires).

M. Philippe Tourtelier – Lorsque la séance d’hier soir a été levée, à une heure avancée de la nuit, Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie n’avait pas précisé sa position sur la clause de sauvegarde. Celle-ci constituerait, après la recherche et la loi, le troisième pilier fondateur des conclusions du Grenelle de l’environnement, essentiel à leur équilibre. Mais sa pérennité dépend du sort réservé par l’Union européenne à l’autorisation de culture, et non de la France. De quelles garanties disposons-nous en la matière ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie – Monsieur Tourtelier, les conclusions du Grenelle sont claires : si des éléments nouveaux se sont fait jour depuis la première autorisation du Mon 810, c’est-à-dire depuis 1998 – ce qui est le cas, d’après le comité de préfiguration de la Haute autorité –, la clause de sauvegarde sera activée en attendant la procédure de révision, à l’occasion de laquelle la France informera l’Union européenne de ses doutes.

En outre, le ministre d’État a indiqué lors du « Conseil environnement » que nous n’étions pas satisfaits des procédures européennes d’évaluation, de même qu’une dizaine d’autres États membres. Nous comptons du reste mettre à profit la présidence française de l’UE pour les modifier en améliorant les analyses, dont la durée doit être prolongée.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président – J’ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe SRC une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Jean-Yves Le Déaut – Si nous demandons le renvoi de ce texte en commission, ce n’est pas qu’il ait été insuffisamment examiné – il l’a été pendant sept heures – mais parce que, quelque peu improvisé, il ne clarifie pas la législation et la réglementation sur un certain nombre de points fondamentaux. Je pense notamment à l’étiquetage d’un produit non-OGM ou sans OGM, au fonctionnement du Haut conseil des biotechnologies – notamment aux rôles spécifiques du comité scientifique et du comité de la société civile –, aux moyens de parvenir à une coexistence des cultures ou à la responsabilité des agriculteurs.

En outre, nous avons eu en commission la désagréable impression que le rapporteur avait pour mission de n’accepter aucun amendement du groupe SRC…

M. André Chassaigne – Ni du groupe GDR !

M. Yves Cochet – C’est vrai.

M. Jean-Yves Le Déaut – …et même de la majorité ! Lui faudrait-il préserver l’instable équilibre des arbitrages ministériels, entre la volonté de développer des cultures commerciales d’un côté et la prétention d’imposer le principe de précaution de l’autre ?

À la demande du président Debré, une mission s’est penchée en 2005 sur la question des OGM. J’ai eu l’honneur de la présider ; Christian Ménard en était le rapporteur. Le rapport a été voté à la quasi-unanimité.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État Pas par moi !

M. Jean-Yves Le Déaut – Vous anticipiez peut-être sur vos futures responsabilités… Manquaient également les voix d’Yves Cochet, dont les positions sont constantes, et de François Grosdidier, le trublion de la majorité.

Au motif qu’il ne s’agissait pas du Parlement, je n’ai pas été auditionné par l’intergroupe sur les OGM du Grenelle de l’environnement, pas plus, d’ailleurs, que Christian Ménard ou que Claude Birraud, président de l’office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Mais aujourd’hui, au nom d’un équilibre instable, toutes nos propositions d’amendements sont rejetées. Ce « Circulez, il n’y a rien à voir ! » démontre le peu de cas que vous faites du Parlement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire  Qui l’a dit ?

M. Jean-Yves Le Déaut – Le Gouvernement a joué un double jeu, flattant avec Jean-Louis, embrassant avec Nathalie, tout en fermant les yeux sur les dérives de certains agrochimistes internationaux avec Michel et Valérie !

Auteur du premier rapport sur les OGM en 1998 et organisateur de la première conférence de citoyens la même année, j’ai fait partie des « Quatre sages » nommés par Yves Cochet…

M. Yves Cochet – On commet parfois des erreurs ! (Sourires)

M. Jean-Yves Le Déaut – …appelés à se prononcer sur l’expérimentation en plein champ. Nous voulions une loi fondatrice sur les biotechnologies. Nous avons une loi a minima, sans véritable débat. Elle ne mettra pas fin aux affrontements, aux controverses et aux procédures.

Depuis sept ans – la directive date de 2001 – les gouvernements se passent cette patate chaude qu’est la question des OGM. Dix ans après le début de la controverse – Libération avait titré sur le « soja fou » – les deux camps continuent de s’affronter, sans avoir cédé un pouce de terrain, alimentant les incertitudes, qui, à leur tour, attisent le débat.

C’est parce qu’un certain nombre de grandes firmes agrochimiques internationales ont voulu imposer ces technologies sans consulter au préalable les citoyens que ceux-ci les ont rejetées – c’est d’ailleurs ce qui risque d’arriver avec les nanotechnologies. La bataille que vous avez laissée s’installer entre les faucheurs, d’une part, les chercheurs et les agriculteurs de l’autre, a nui à la qualité de la recherche publique française.

Il faut le constater, les activités humaines ont endommagé la nature. Au sud, la démographie galopante nourrit déforestation et désertification. Mais le mode de vie des pays riches n’est pas moins incompatible avec le développement durable. Le Grenelle de l’environnement a eu sur ce point son utilité. Je déplore cependant qu’on ait mis en avant la question des OGM au lieu de hiérarchiser les problèmes. Stratégie dangereuse car le soutien à une société de la connaissance et du savoir doit être au fondement d’un progrès maîtrisé.

Les citoyens ne perçoivent plus le progrès comme une obligation – conception héritée des Lumières – mais comme la possibilité de mieux appréhender notre monde, de créer des emplois, de se protéger des crises sanitaires, financières et économiques et de préserver notre planète. C’est la raison pour laquelle nous devons réfléchir aux notions d’incertitudes et de risques, de bénéfices et d’inconvénients.

Il n'y a pas de réponse simpliste à la question : « êtes-vous pour ou contre les OGM ? ». La transgénèse est une technique, ni bonne ni mauvaise, qui doit être jugée à l'aune des applications proposées par les chercheurs, les ingénieurs et les médecins.

Plusieurs députés du groupe UMP – Très bien !

M. Jean-Yves Le Déaut – Le bénéfice des plantes génétiquement modifiées n’est pas évident pour le consommateur, car la principale application en est de limiter les pertes des récoltes, alors que l’Europe doit réduire surproductions et excédents. Cette question ne se pose pas dans les mêmes termes en Afrique du Sud, en Inde ou en Chine et je ne partage pas l'avis de ceux qui refusent toute recherche publique et prétendent, sans le démontrer, que les OGM n'apporteront aucun bénéfice aux pays du Sud.

Plusieurs députés du groupe UMP – Très bien !

M. Jean-Yves Le Déaut – La mission que j'ai présidée en 2005 avait trouvé un juste équilibre, en votant un moratoire sur les cultures OGM en plein champ, dans l’attente d’une loi fondatrice sur les biotechnologies. Le rapport affirmait également que la recherche, y compris en plein champ, devait continuer.

Cette pause aurait permis de rétablir la paix civile. La mission parlementaire avait, grâce à son travail minutieux d'écoute, permis un rapprochement des opinions. La quasi-totalité des députés avaient préconisé de soutenir plus fortement la recherche, avec la possibilité d'expérimenter en plein champ dans un cadre rigoureux, de proposer des règles de coexistence des cultures. Ils avaient prôné la création d'un seuil unique de présence fortuite, imaginé la création d'un régime d'indemnisation spécifique en cas de préjudice, souhaité la clarification et l'homogénéisation des procédures nationales et européennes d'autorisation et de suivi, ainsi que l'amélioration de l'information du public.

Mais le débat s'est enlisé depuis trois ans. Votre Gouvernement a été contraint à des acrobaties réglementaires, créant en décembre, un comité de préfiguration de la haute autorité pour justifier l'activation de la clause de sauvegarde…

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – C’est ce que préconisait le Grenelle !

M. Jean-Yves Le Déaut – …interdisant la culture du MON 810 puis décrétant, il y a quelques jours, la création d'un comité provisoire du génie biomoléculaire pour autoriser des essais en plein champ en 2008.

De qui se moque-t-on ? La création d’un comité de préfiguration avait pour seul objectif de calmer les grévistes de la faim et de préparer au mieux les élections municipales – on a vu le résultat ! – tout cela pour revenir, en mars, à la loi de 1991 et autoriser les essais en plein champ. N’aurait-il pas été plus opportun de désigner le comité dès juillet 2007 ?

L'épisode de l'activation de la clause de sauvegarde a été rocambolesque ! Ce matin, vous avez fait remarquer sur une radio nationale que ce qui donnait raison au Président de la République, c’est que je le critiquais. Si cela était le cas à chaque fois qu’un député de l’opposition s’exprime, Nicolas Sarkozy aurait toujours raison ! (Sourires) Philippe Tourtelier vous a posé une question : pensez-vous obtenir de Bruxelles l’activation de cette clause ?

Lors des vœux, le Président de la République a dit qu'il activerait la clause de sauvegarde si les experts lui affirmaient que le maïs Monsanto 810 comportait « des risques sérieux ». Il s'est en réalité appuyé sur une déclaration peu sérieuse du sénateur Le Grand, placé à la tête du comité – qui vous accuse d’ailleurs d’être à la solde des semenciers (M. Ollier proteste) – alors que ni les termes « risques sérieux », ni ceux d'« effets négatif » n'ont été employés dans l'avis rédigé par les membres de ce comité de préfiguration. Douze scientifiques sur quatorze se sont désolidarisés de ces déclarations. Pas étonnant que les Français perdent confiance dans la science et dans le politique !

Sept points principaux justifient le renvoi en commission de ce texte.

Il conviendrait tout d’abord de mieux définir dans la loi le terme d’OGM. Un OGM est, nous dit-on, « un organisme dont le matériel génétique a été modifié autrement que par multiplication ou recombinaison naturelle ». Que signifie « naturelle » dans ce contexte quand on sait que de tous temps l’homme a inventé des techniques pour hybrider et améliorer les plantes et pratique la sélection depuis des millénaires ? Apparu il y a sept millions d’années sur les hauts plateaux du Mexique, la téosinte ne ressemblait guère au maïs actuel. Un épi ne mesurait alors que deux centimètres et demi, contre dix centimètres sept mille ans plus tard … et trente centimètres aujourd’hui pour un épi de maïs. Par ailleurs, certaines techniques de mutagenèse assistée par ordinateur sont aujourd’hui autorisées qui ne sont pas des modes « naturels » d’obtention d’une espèce, sans que pour autant elles aboutissent à la création d’OGM. L’utilisation du terme « naturelle » est donc impropre.

En deuxième lieu, ce projet de loi aurait dû mieux tenir compte de l’extrême diversité des OGM. C’est une gageure que de vouloir dans un même texte couvrir tous les types d’OGM – bactériens, végétaux, animaux… En réalité, il y a autant d’OGM différents que d’événements transgéniques. On peut être favorable à un OGM bactérien qui fabrique de l’insuline en milieu confiné ou à l’expérimentation en plein champ, dans des conditions très strictes, de plantes génétiquement modifiées tout en étant défavorables à l’insertion dans des plantes de certains gènes résistants aux herbicides sans que toutes les études préalables, notamment sur le croisement possible avec des espèces sauvages voisines, n’aient été menées. Ce projet de loi est confus, commençant par traiter de l’ensemble des OGM pour finir par ne plus évoquer que la question des PGM.

Troisième point : une réglementation de la coexistence entre cultures de plantes transgéniques et cultures de plantes traditionnelles ou biologiques ne peut être élaborée que si l’on a préalablement défini un seuil de dissémination fortuite autorisée. Celui-ci a été fixé à 0,9 % au niveau européen, étant entendu qu’en-dessous de ce seuil, il n’est pas obligatoire de signaler la présence d’OGM. Mais qu’en sera-t-il pour les AOC, les productions labélisées ou l’agriculture biologique ? En réalité, la question n’étant pas traitée dans ce texte, on va faire passer en catimini dans la législation française le seuil de 0,9 % fixé au niveau européen. L’un des problèmes, comme le faisait valoir un représentant de la Fédération française des assurances lors de son audition par la mission d’information, est que les représentants de l’agriculture biologique contestent ce seuil de 0,9 %. Tout cela devrait être précisément défini en amont dans la loi, concluait-il, plutôt que de se régler ensuite devant les tribunaux. Or, sur ce point, le projet de loi est des plus flous. Il n’évoque que les distances minimales à respecter entre parcelles OGM et parcelles non-OGM, sans évoquer ni la présence de zones tampons ni le décalage dans le temps des cultures.

Quatrième point : il faudrait définir précisément dans quelles conditions un opérateur qui met un produit sur le marché peut le garantir sans OGM. La DGCCRF a publié une note sur le sujet en août 2004 qui stipule que toute trace d’OGM doit être exclue, qu’aucun OGM, aucun produit obtenu à l’aide d’OGM comme les acides aminés, les vitamines, les enzymes, ne doit avoir été utilisé à aucun stade de fabrication du produit, cette règle valant non seulement pour les ingrédients mais aussi pour les auxiliaires technologiques –supports d’additifs ou d’arômes. La DGCCRF ajoute qu’en l’absence de seuils spécifiques pour l’agriculture biologique, le seuil de présence fortuite fixé pour la filière conventionnelle, soit 0,9 %, s’y applique également. Je trouve grave que ce soit une administration, et non le Parlement, qui fasse ainsi la loi. Aucun des amendements que nous avons déposés sur le sujet n’a été repris. Je suis personnellement opposé à l’interprétation de la DGCCRF : des enzymes ou des acides aminés ayant servi à l’élaboration d’un produit mais ne se retrouvant pas dans le produit final ne doivent pas interdire au fabricant d’apposer la mention « sans OGM ». En effet, cela interdirait par exemple d’utiliser de la chymosine fabriquée par des bactéries génétiquement modifiées dans la fabrication du lait ou du fromage biologique ou bien encore d’utiliser certains additifs dans celle de la bière. Qu’en pensent nos collègues des régions concernées ? N’est-ce pas le législateur, et non l’administration, qui devrait décider de ces questions ? Nous souhaiterions en tout cas connaître la position du Gouvernement.

Cinquième point : nous aimerions des précisions sur la hiérarchie des avis des deux comités prévus dans le Haut conseil des biotechnologies. Quelle sera la nature des recommandations que pourra formuler le comité dit de la société civile ? Les deux comités étudieront-ils toutes les demandes d’autorisation au cas par cas ou se borneront-ils à juger de l’intérêt et de l’opportunité d’autoriser l’utilisation ou l’expérimentation de certaines plantes ou animaux transgéniques ?

Sixième point : la question de la responsabilité du préjudice en cas de dissémination fortuite n’a pas été clarifiée. Il nous paraît aberrant que l’on puisse invoquer la responsabilité sans faute d’un agriculteur qui aurait scrupuleusement respecté les conditions techniques imposées par l’administration. L’institution d’un fonds d’indemnisation, lequel était prévu dans le projet de loi discuté au Sénat en 2006, financé par la filière semencière et agricole, serait plus pertinent, au moins dans un premier temps.

Septième point : nous regrettons qu’à l’article premier, le rapporteur ait cru bon de supprimer ce qui constituait l’un des points d’équilibre du texte, à savoir la nécessité d’expertiser les risques, mais aussi les bénéfices, des PGM.

Si ces questions ne sont pas résolues, vous porterez la responsabilité d’innombrables litiges et procès, qui mettront le feu aux campagnes. En politique, il faut du courage et ne pas se contenter de consensus mous ou d’équilibres impossibles.

La question des OGM est bien sûr étroitement liée aux relations internationales. Comment d’un côté refuser des plantations d’OGM en France quand, de l’autre, on accepte l’importation de ces mêmes plantes ? Le rapport entre les surfaces cultivées en OGM dans le monde et en Europe est de mille à un. L’Europe est-elle donc à la traîne ou a-t-elle été plus perspicace ? C’est en effet l’une des premières fois dans l’histoire qu’on observe une telle divergence entre les choix européens et ceux du reste du monde. La France et l’Europe ont sans doute été plus perspicaces en lançant des études pour évaluer la dissémination des gènes, tester la stabilité de leur expression, étudier leurs interactions agronomiques, vérifier l’influence de l’insertion des transgènes sur les gènes voisins. Mais elles l’auraient été plus encore si, comme le demandaient la Conférence des citoyens réunie en 1998 ou le rapport que j’avais remis à Lionel Jospin, elles avaient soutenu des recherches publiques sur des plantes transgéniques avant d‘autoriser des cultures commerciales à plus grande échelle.

En mon âme et conscience, je pense personnellement que les biotechnologies seront utiles dans le futur, y compris dans l’agriculture (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Yves Cochet – C’est une croyance…

M. Jean-Yves Le Déaut – En effet, elles peuvent contribuer à relever les deux grands défis de demain que sont le réchauffement climatique et la démographie mondiale galopante. En 1960, chaque habitant sur terre disposait de 0,45 hectare pour la production alimentaire. Cette surface ne sera plus que de 0,2 hectare en 2020, notamment parce que la population mondiale sera entre temps passée de trois à plus de huit milliards d’individus. Si nous n’avons pas d’ici là financé de recherches publiques sur le sujet des OGM, nous ne serons plus que des nains totalement distancés.

Ce texte aura été une occasion manquée de débattre véritablement des OGM. La recherche en biologie végétale est au point mort dans notre pays. Beaucoup de chercheurs ont quitté notre pays.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Pourquoi ?

M. Jean-Yves Le Déaut – Je désapprouve le fauchage du champ de maïs de Marsat en août 2004 où était expérimentée une plante comportant un gène de résistance à la sécheresse. La société qui avait lancé cette recherche l’a en effet abandonnée et depuis, un brevet a été déposé… par une firme étrangère.

Un député du groupe UMP – Vous entendez, Monsieur Mamère ?

M. Jean-Yves Le Déaut – Comme le groupe socialiste l’a dit, l’expérimentation en plein champ, à condition d’être strictement encadrée et transparente, est importante. Elle est même indispensable.

MM. Noël Mamère et Yves Cochet – Non !

M. Jean-Yves Le Déaut – Il faudrait aborder un certain nombre d’autres questions, comme celle des animaux transgéniques, qui est plus préoccupante encore que celle des plantes transgéniques…

Mme Geneviève Gaillard – Absolument.

M. Jean-Yves Le Déaut – …Et celle des plantes transgéniques produisant des médicaments, car il n’est pas anodin de diffuser ce type de molécules dans la nature. Vous laissez aussi de côté la question de la propriété intellectuelle. Pourtant, Monsanto a engrangé 1,7 milliard de dollars de licences en 2007, y compris auprès de petits paysans dans des pays comme l’Afrique du sud.

Notre mission parlementaire avait demandé la ratification dans les plus brefs délais de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales et préconisé de promouvoir à l’échelle internationale le certificat d’obtention végétale pour limiter les dérives dans le droit des brevets, ainsi que le principe de la licence à des prix très avantageux avec des clauses de sauvegarde pour les producteurs des pays en voie de développement. Pourquoi n’avez-vous pas fait avancer ces propositions ?

Il faut aussi fixer des règles claires d’information du consommateur. Il faut organiser un véritable débat entre l’expert, le politique et le citoyen. Vous ne l’avez pas fait, pour les OGM, dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

De nombreux points n’ont donc pas été tranchés qui auraient dû l’être avant l’examen de ce texte. Vous donnez l’impression d’encadrer les cultures commerciales d’OGM, mais vous ne le faites pas réellement, car il n’y a pas de garde-fou réglementaire. La coexistence entre les différents types de cultures n’est pas réglée puisque vous n’avez pas défini le statut d’aliments qui contiennent un taux fortuit d’OGM inférieur à 0,9 %. Nous demandions une loi fondatrice sur les biotechnologies. Là où il aurait fallu faire preuve d’audace, vous recourez au trompe l’œil, au compromis. Pour le groupe socialiste, il faut renvoyer ce texte en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – M. Le Déaut a fait allusion à des propos du sénateur Le Grand. Le bureau de l'Assemblée nationale, réuni ce matin, les a condamnés à l’unanimité et a émis une protestation officielle à laquelle se sont joints tous les groupes de l’assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Ollier, président de la commission – Au nom de tous, je rends hommage au Bureau pour avoir pris cette position. De telles allégations, mensongères, malhonnêtes, portent atteinte à notre honneur.

Monsieur Le Déaut, j’ai apprécié la deuxième partie de votre intervention. Chacun reconnaît votre talent et votre compétence scientifique. Quand vous dites que les biotechnologies seront utiles à l’agriculture dans l’avenir, nous sommes d’accord. Pour ma part, hier, j’ai eu droit à une bronca lorsque j’évoquais l’alimentation de 9 milliards d’humains dans une trentaine d’années (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et les OGM à visée thérapeutique…

M. André Chassaigne – Ce n’est pas la même chose !

M. Patrick Ollier, président de la commission – J’ai donc apprécié votre objectivité et votre honnêteté intellectuelle.

En revanche, je n’ai pas très bien compris le début de votre intervention. Vous avez reconnu que la commission des affaires économiques avait bien travaillé, pendant huit heures. Et dans cette motion, rien ne concerne la commission. Toutes vos observations s’adressent au Gouvernement. Le mieux est donc de voter rapidement le rejet de votre motion pour que nous passions à la discussion des articles et que le Gouvernement vous réponde. Vous voulez connaître sa position, nous aussi. Seul le débat va permettre de le faire. Je vous demande donc de rejeter cette motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous passons aux explications de vote.

M. Christian Ménard – M. Le Déaut a été un excellent président de la mission parlementaire sur les OGM, dont j’étais le rapporteur. Je m’étonne un peu, aujourd’hui, de son revirement, pour des motifs qui me semblent très politiques. Mais nous faisons nôtres un certain nombre de ses propos.

Ce projet est fort et adapté.

M. Jean-Yves Le Déaut – Fort, non.

M. Christian Ménard – Et il était plus que temps de légiférer.

M. Jean-Yves Le Déaut – Nous sommes bien d’accord.

M. Christian Ménard – Il y a eu trop de désinformation, de « on dit », trop de fois nos plus grands savants ont été tournés en dérision par des opposants dogmatiques.

Il est plus que temps de dresser un constat objectif, en partant du rapport « bénéfices –risques » des OGM en matière sanitaire.

M. Yves Cochet – Parce qu’il y a des risques ?

M. Christian Ménard – À l’heure actuelle, aucun risque sanitaire authentifié n’a été signalé dans le monde.

M. Yves Cochet – Comme pour l’amiante il y a vingt ans !

M. Christian Ménard – Bien sûr, le risque zéro n’existe pas, mais il n’existera jamais, dans aucun domaine.

M. Noël Mamère – Les pesticides par exemple.

M. Christian Ménard – En revanche, les OGM augmentent la valeur nutritionnelle des plantes, réduisent les mycotoxines ainsi que certains caractères allergéniques.

M. Yves Cochet – On connaît des cas inverses.

M. Christian Ménard – N’oublions pas les vaccins, l’hormone de croissance – sans les prions, l’insuline, les anticancéreux. Aux États-Unis, 50 % des médicaments mis sur le marché sont issus du génie génétique.

M. Yves Cochet – Cela n’a rien à voir !

M. Germinal Peiro - Vous mélangez tout !

M. Christian Ménard – Pourquoi la France, par soumission au dogmatisme, prendrait-elle du retard sur le reste du monde ? À quoi doit-on l’allongement général de la vie, si ce n’est aux progrès de la science ? Dire le contraire serait du négationnisme (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Je peux évoquer encore la production de médicaments par les plantes : l’hémoglobine, le collagène, la lipase qui sert à lutter contre la mucoviscidose – malheureusement des faucheurs volontaires ont détruit les cultures expérimentales pour ce produit. Il est inadmissible que l’obscurantisme puisse détruire près de vingt ans de recherche. Les pathologies ont beaucoup reculé chez les planteurs de coton BT car ils utilisent moins d’insecticides. Bien sûr, il ne faut pas baisser la garde, en ce qui concerne la surveillance et la toxicologie. Les OGM sont aussi bénéfiques pour l’environnement – moins de produits chimiques, meilleure gestion de l’eau, captation de l’azote de l’air par les plantes.

Néanmoins, nous sommes bien conscients de la nécessité de ne pas expérimenter n’importe quoi.

M. le Président – Je vous demande de conclure.

M. Christian Ménard – Il vous est proposé pour cela de réorganiser la gouvernance.

Enfin, les enjeux économiques sont essentiels pour la France, et plus encore pour les pays en voie de développement.

Choisissons l’avenir, la recherche, le succès économique. Saisissons la chance que nous offre ce projet de loi. Je vous demande donc de rejeter cette motion de renvoi en commission (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. le Président – Veuillez respecter strictement les temps de parole. À partir de maintenant, je ne tolérerai pas les dépassements (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Cochet – D’abord, je veux rectifier une certaine confusion intellectuelle, que je m’étonne de trouver chez M. Ménard, entre les OGM qui servent à produire des médicaments en circuit fermé en laboratoire et les plantes génétiquement modifiées qu’on cultive en plein champ ! Cela n’a rien à voir. Évidemment, nous ne sommes pas contre la production d’insuline !

Sans être d’accord avec tous les points évoqués par M. Le Déaut, je suis favorable à sa motion de renvoi et je reviens sur certaines questions qu’elle soulève.

D’abord, qu’est-ce qu’un OGM et qu’est-ce qu’un produit sans OGM ? Pour définir ce dernier, on dispose simplement d’une note d’information de la DGCCRF assez alambiquée. De ce fait, nous proposons par amendement de mieux définir ce produit : une plante sans OGM, c’est une plante qui contient 0 % d’OGM, pas davantage. Le rapporteur, lui, se réfère au seuil d’étiquetage, qui est de 0,9 % : tout ce qui est en deçà est selon lui sans OGM. Non ! Vous confondez le seuil d’étiquetage, destiné aux consommateurs, et le seuil de détectabilité scientifique, qui n’a rien à voir !

Certains s’imaginent que la production d’un OGM est une opération chirurgicale méticuleuse. Il n’en est rien : cela se fait avec un canon à gènes, qui tire brutalement et au hasard, si bien que l’on ne sait pas précisément ce que l’on fait. Et pourtant, c’est grâce à cette manipulation que l’on acquiert un brevet pour toujours, et la dépendance des agriculteurs qui s’ensuit. Pire encore : non seulement il est impossible de localiser avec précision les fragments d’ADN transgénique dans un champ, mais, comme tout organisme vivant, les OGM évoluent de telle sorte que l’on ne plante plus les mêmes variétés d’une année sur l’autre. Le vivant n’a rien à voir avec les produits chimiques ou les pesticides : il change en permanence !

Il n’y a déjà plus de soja non transgénique dans les Amériques. Qu’en sera-t-il de la liberté de produire « avec ou sans OGM » dès lors que toutes les cultures sont contaminées ?

M. Christian Jacob – La téosinte existe au Mexique depuis 7 000 ans, et elle n’est toujours pas menacée !

M. Yves Cochet – Au cours du cycle de reproduction végétale, les nouveaux gènes s’insèrent de manière aléatoire dans les plantes classiques pour devenir parfois ces gènes « dormants » qu’évoquait M. Le Déaut, et dont le comportement dépend de leur place dans l’ADN.

M. le Président – Concluez, je vous prie.

M. Yves Cochet – Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de renvoi en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Germinal Peiro – Le groupe SRC soutiendra naturellement la demande de renvoi en commission défendue par M. Le Déaut. Chacun ici a son domaine de compétences. M. Le Déaut, quant à lui, est un scientifique reconnu qui a participé à de nombreuses commissions, ainsi qu’au Conseil des quatre sages, et qui a présidé la mission d’évaluation sur les OGM. C’est en scientifique qu’il a présenté cette motion en défendant ce qui nous tient tous à cœur : l’avenir de la recherche. Personne ici ne prétend que les biotechnologies n’apporteront rien à l’humanité. Nous disons simplement qu’en l’état actuel des choses, le passage aux grandes cultures d’OGM est inacceptable.

Nous avons les uns et les autres déposé de nombreux amendements qui ont été rejetés par la commission, comme si le débat était bouclé avant même d’avoir lieu. La majorité restera-t-elle ainsi figée sur le texte du Gouvernement, dont M. Le Déaut a pourtant rappelé la confusion ? Confusion entretenue par M. Ménard lui-même, dont je connais les qualités par ailleurs : cessez de faire croire que nous contestons les bienfaits des biotechnologies en matière médicale et pharmaceutique ! De même, nous sommes favorables à des essais de cultures transgéniques en plein champ pourvu qu’elles se fassent dans des conditions très encadrées et qu’elles ne concernent pas la production pharmaceutique, car on ne fait pas de la pharmacie en plein champ.

Enfin, ce texte fera porter une responsabilité écrasante aux agriculteurs eux-mêmes, qui sont déjà régulièrement désignés comme pollueurs alors qu’ils ne font qu’utiliser des produits et des méthodes culturales légales et souvent encouragées par les ministères. Chacun sait que la coexistence entre plantes génétiquement modifiées et plantes conventionnelles est impossible. Dès lors, ce sont les agriculteurs que l’on jugera coupables de la moindre contamination.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter la motion de renvoi en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Philippe Folliot – Je tiens à saluer l’expertise de M. Le Déaut, que je connais pour avoir travaillé à ses côtés – ainsi qu’avec M. Ménard – au sein de la mission d’information sur les OGM qu’il présidait. J’ai eu plaisir à l’épauler en tant que vice-président, et je me félicite du chemin parcouru. En effet, nous nous étions alors efforcé de faire un pas les uns vers les autres et de renouveler un débat archaïque et trop médiatisé, afin d’en éclairer les complexes enjeux. C’était en 2005, et nous réclamions ce débat. Aujourd’hui, nous l’avons. M. Ollier rappelait que la commission a passé huit heures à amender le texte et à préparer la discussion. Si nous votons cette motion de renvoi en commission, alors le débat s’arrêtera et nous serons de nouveau bloqués pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Quelle que soit l’opinion que l’on a de ce texte, il constitue un bon point de départ pour aller au fond du débat. Le groupe Nouveau Centre votera donc contre la motion.

La motion de renvoi en commission, mise au voix, n’est pas adoptée.

M. le Président – J’appelle les articles du projet de loi dans le texte du Sénat. À la demande de la commission des affaires économiques, les articles 3 à 5 et les amendements portant articles additionnels s’y rattachant sont réservés jusqu’après les amendements portant articles additionnels après l’article 7. La réserve est de droit.

AVANT L'ART. 1ER

M. André Chassaigne – L’amendement 250 vise à demander au Gouvernement un rapport sur l’état de la recherche publique en biotechnologies et les moyens alloués à son développement. Pour avoir été rapporteur des budgets de plusieurs instituts de recherche, dont l’INRA, le CIRAD et le CEMAGREF, je sais que leurs moyens sont souvent insuffisants, au point qu’ils doivent parfois s’associer avec des organismes privés – ce fut le cas de l’INRA dans le cadre du programme Génoplantes. Une forme de dépendance s’instaure alors, dès lors que la recherche publique doit se plier à des objectifs de recherche appliquée à court terme. C’est la raison pour laquelle les recherches fondamentales ne se font pas.

Les effets d’annonce ne suffisent pas : il ne suffit pas de dire qu’on donne de l’argent aux recherches sur les biotechnologies, si l’argent remplit les buts du secteur privé ! Il faut plus de transparence en la matière, afin que les organismes publics puissent fonctionner dans de bonnes conditions.

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques On connaît, Monsieur Chassaigne, votre attachement à ces sujets. Mais la commission a rejeté cet amendement : un rapport n’est pas utile puisque le sujet est examiné tous les ans à l’occasion de la discussion budgétaire.

M. André Chassaigne – Pas de manière globalisée.

M. Antoine Herth, rapporteur – Sur le fond, on sait que 45 millions ont été affectés à la recherche publique sur les biotechnologies végétales. Ils vont bénéficier à un programme extrêmement intéressant, mené en collaboration entre l’INRA et la Leibniz Gemeinschaft, qui permettra de caractériser les gènes et d’identifier la fonction de quelque 40 000 variétés de blé. Notre connaissance générale de la génétique en sera très largement améliorée.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État L’objectif de cet amendement est louable, mais il relève plutôt d’une loi de programmation sur la recherche. Le programme Génoplantes, qui a été lancé en 1999, se poursuit. Il est doté de 13 millions par an et une rallonge a été annoncée pour le secteur. Ajouter un rapport ne paraît pas s’inscrire dans l’objet de la présente discussion.

M. Noël Mamère – Notre rapporteur n’a pas vraiment répondu : ce qui est demandé, c’est de faire l’état de la recherche publique dans les biotechnologies. Nous savons que les entreprises privées participent à ces recherches, voire les commanditent, et il paraît utile, à l’heure où l’on essaye de créer la confusion entre ce qui est de l’ordre de la recherche médicale et de l’application aux plantes, de faire le bilan de la part de chacun. Des institutions comme l’INRA sont aujourd’hui aux mains du privé plus que de l’État, et c’est une imposture de faire croire qu’elles restent pleinement publiques. Lors du lancement du programme Génoplantes, le ministre de gauche de l’époque, qui donne beaucoup de leçons en matière d’OGM et a hésité à rejoindre l’actuel gouvernement, Claude Allègre, l’avait justifié comme une manière de rattraper notre immense retard par rapport aux États-Unis par exemple – argument que reprennent actuellement nombre de nos collègues. Mais la question n’est pas là : ce qu’il faut, c’est permettre aux agriculteurs qui le souhaitent de cultiver sans être menacés d’une contamination irréversible ! C’est l’occasion de noter que certains chercheurs des grands instituts publics qui critiquent les orientations de la recherche et la loi OGM sont aujourd’hui en butte à des punitions et des intimidations, et aussi de rappeler que, comme le dit le collectif « Sauvons la recherche », la recherche n’est aujourd’hui plus une priorité nationale. On la laisse entre les mains du privé, comme on l’a fait ailleurs, dans la loi sur les universités par exemple (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. François Brottes – Peut-être le sujet est-il abordé tous les ans lors de la discussion budgétaire, mais la date du 31 juillet 2008 est tout à fait particulière. À l’heure où le monde de la recherche se sent dessaisi de sa capacité à mener des recherches fondamentales et où personne ne sait vraiment qui commande à qui entre le public et le privé, il est très important de faire le clair sur ce point. Par ailleurs, la ministre – tout en se permettant hier de commenter nos propos sur la forme, ce qui lui évite sans doute de nous répondre sur le fond – a évoqué les crédits qui étaient alloués dans un cadre pluriannuel et ceux qui résulteraient du Grenelle de l'environnement. Nous en prenons acte, mais c’est justement cet été que nous pourrons vérifier si ces engagements auront été tenus, et c’est ce qui fait de 2008 une année particulière ! Il serait donc opportun d’adopter cet amendement.

M. André Chassaigne – Réfléchissez bien avant de voter !

L'amendement 250, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne – Il semble que toute la majorité connaisse son Musset par cœur et qu’elle n’aime les portes qu’ouvertes ou fermées – en l’occurrence, définitivement closes pour ce qui est de nos amendements. Nous avons beaucoup travaillé sur ce texte, dans un esprit constructif, et nous tirerons les conséquences de votre attitude au cours de la discussion.

L’amendement 251 reprend une des propositions de la mission d’information de l'Assemblée nationale sur les OGM, demandant au Gouvernement d’élaborer un rapport sur la promotion au niveau international de licences gratuites et de clauses de sauvegarde en faveur des petits agriculteurs des pays en développement. De nombreux députés, en particulier de la majorité, affirment que le développement des plantes génétiquement modifiées ne peut en aucun cas avoir un effet négatif sur les pays en développement, que c’est une chance pour leur agriculture et qu’il ne faut pas confondre une technologie avec l’utilisation qui en est faite. Mais ces pays en difficulté ont besoin de faire des progrès, dans le domaine agronomique, qui ne sont pas liés mécaniquement à la transgénèse. Notre recherche publique doit pouvoir mettre à leur disposition des licences gratuites. Elle doit ainsi, si elle n’est pas monopolisée par la transgénèse, œuvrer au bénéfice non seulement de nos propres agriculteurs, mais des pays en développement, et contribuer à des progrès agronomiques qui seront déterminants pour résoudre la fracture alimentaire.

M. Antoine Herth, rapporteur – Avis défavorable. Cet amendement pose la question de la brevetabilité du vivant et de l’accès à des licences gratuites, et la réponse ne se trouvera pas du côté d’un rapport, mais d’une loi traitant des obtentions végétales, dont j’espère qu’elle sera mise à notre ordre du jour, et aussi d’un sommet international du gène, qui permettrait de poser la question à l’échelle mondiale. Nous ne pouvons nous dispenser d’autre part d’une réflexion sur les moyens de sauvegarder les semences traditionnelles, qui doivent rester accessibles aux agriculteurs du monde entier.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie – Le problème que vous évoquez est très grave, et il a été longuement débattu dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Avec le certificat d’obtention végétale, la France a, sur ces questions, une position connue et qu’elle défend. Il conviendrait maintenant de parvenir à réunir un Sommet international du gène, mais la présentation d’un rapport ne changerait rien à la dynamique que nous avons enclenchée. Avis, pour cette raison, défavorable.

M. Yves Cochet – Pour une fois, je ne suis pas favorable à l’adoption de l’amendement présenté par mon camarade Chassaigne (Mouvements divers) qui, à mon sens, présente deux inconvénients. D’abord, il laisse entendre que l’utilisation d’OGM sans licence permettrait de résoudre le problème de la faim dans le monde – notamment dans les pays du Sud dont les populations ont du mal à s’alimenter pour partie parce que leurs productions agricoles sont exportées pour nourrir nos propres animaux. Je ne le crois pas – et comment des pays aux ressources dérisoires auraient-ils les moyens d’expertise et de contrôle que nous avons nous-mêmes tant de mal à instaurer ? Ensuite, un même OGM breveté – à supposer que ces mots accolés aient un sens, puisque les OGM mutent – aura une expression différente en fonction de l’écosystème dans lequel il est cultivé. Ainsi, il différera selon qu’il est produit dans la plaine picarde ou au Burkina-Faso. Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à l’amendement de mon camarade Chassaigne.

M. le Président – Puis-je vous rappeler que, même camarades à l’extérieur, dans cet hémicycle nous sommes tous collègues ?

M. Yves Cochet – C’est vrai.

M. Philippe Tourtelier – Je soutiens l’amendement. Notre collègue Yves Cochet a raison à propos des brevets, mais l’amendement ne porte pas sur les seuls OGM. La mission d’information a voulu, par cette proposition, promouvoir les licences gratuites. Voyez ce qu’il est advenu en matière médicale : des pays en développement se sont trouvés dépossédés de savoirs ancestraux parce que des brevets ont été déposés qui reprennent leurs pratiques millénaires. Une tentative en ce sens a eu lieu pour l’huile d’arbousier, qui est un fongicide ; les Indiens que l’on s’apprêtait à spolier ont dû produire un texte de l’an mil pour que le tribunal devant lequel ils s’étaient transportés leur donne gain de cause en leur accordant, en quelque sorte, l’antériorité du brevet. Mais que se passe-t-il quand il n’y a pas de texte ? Il faut lutter contre ces dépossessions. On ne sait pas encore si l’on aura, un jour, besoin d’OGM en milieu salin ou aride mais l’on sait que le riz doré fait déjà l’objet de soixante-douze brevets – qui devront tous, bien sûr, être rémunérés. Dans ces conditions, les paysans des pays en développement ne pourront pas utiliser ces semences. Il faut adopter cet amendement, et amorcer ainsi la dynamique que vous appelez de vos vœux, Madame la ministre.

L'amendement 251, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jack Queyranne – Chaque année, nous importons, pour l’alimentation du bétail, cinq millions de tonnes de tourteau de soja, dont 4,5 millions de tonnes de soja transgénique, et la situation est la même partout en Europe. Par l’amendement 340, nous appelons l’attention sur la nécessité de relancer la production de protéines végétales sur notre sol. C’est possible, comme le montre le plan défini en Rhône-Alpes et qui sera appliqué cette année. Madame la ministre fera sans doute valoir qu’un rapport ne changera rien à la situation ; soit, mais il faut souligner qu’il s’agit d’une question déterminante. Hier, M. Sauvadet nous a dit qu’il était inutile de s’opposer aux OGM au motif qu’ils sont déjà présents dans l’alimentation du bétail. Mais ne faut-il pas, justement, inverser la tendance, notamment par le biais de la PAC ? Le président de la République a indiqué que l’une des priorités de la prochaine présidence française de l’Union européenne serait l’écologie ; par ailleurs, nous approchons du bilan à mi-parcours de la politique agricole commune. La proposition que nous vous faisons, si elle était suivie d’effet, permettrait de lever les limitations apportées à la culture des terres consacrées à la production de fourrage en Europe, qui résultent d’un accord ancien. Elle répondrait aussi aux attentes des éleveurs qui ne veulent pas être dépendants d’importations de soja, notamment transgéniques.

M. Antoine Herth, rapporteur – Je partage votre opinion, la réponse à cette épineuse question doit être trouvée au sein des structures communautaires, où la réflexion sur la diversité des cultures a été engagée. D’autre part, des travaux sont en cours sur cette question au ministère de l’agriculture, dans le prolongement du Grenelle de l’environnement et dans la perspective de la présidence française de l’Union. Enfin, une réflexion sur ce point est en cours à propos de la définition de la haute valeur environnementale. La commission a donc exprimé un avis défavorable, non qu’elle ne soit pas d’accord avec votre proposition mais parce qu’elle a trouvé la présentation d’un rapport inutile au vu de la multiplicité des travaux engagés par ailleurs.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État – Le déficit de notre production de protéines végétale est patent et le souhait d’un rééquilibrage est régulièrement évoqué. La question me semble plutôt relever de la PAC. Sagesse.

M. André Chassaigne – L’amendement est très important car il pointe l’extrême insuffisance de la production de protéines végétales en France et en Europe, qui traduit un choix de l’OMC accompagné par la PAC. Cette situation nous rend dépendants de l’importation de tourteaux importés d’Amérique du Sud, pour l’essentiel transgéniques. Au-delà, il nous revient d’aider les pays latino-américains, actuellement sous l’entière dépendance des grands groupes semenciers d’Amérique du Nord, et qui ont besoin, comme nous, de produire du soja non transgénique. En France, le manque de protéines végétales non transgéniques est tel que les éleveurs qui ont signé des chartes de qualité avec des groupes de distribution qui leur imposent des cahiers des charges très contraignants à ce sujet sont parfois contraints de mentir…

Le rapport demandé devrait satisfaire les régions d’Europe sans OGM – une cinquantaine – et la grande majorité des régions françaises. Il y va de l’indépendance et de la liberté de produire sans OGM – pour nous, mais aussi pour les pays d’Amérique du Sud (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. Germinal Peiro – Puisque Mme la ministre s’en est remise à la sagesse de notre Assemblée, ne pourrions-nous tomber d’accord ? Comme l’ont souligné MM. Queyranne et Chassaigne, nous devons défendre l’indépendance française et européenne en matière de protéines végétales ; les accords de Blairhouse doivent être revus, afin que nous cessions de confier au continent américain l’alimentation de nos animaux. Le soja que nous importons est transgénique à 80 % ; en d’autres termes, nous importons des OGM que nous hésitons par ailleurs à cultiver en plein champ ! Tous ont relevé cette incohérence.

D’autre part, le Président de la République, au cours de sa campagne, puis devant les agriculteurs à Rennes, au Salon de l’agriculture, enfin aujourd’hui même, à l’assemblée générale de la FNSEA, a invoqué la préférence communautaire. Quand sera-t-elle appliquée ? M. Barnier, que j’ai interrogé sur ce point devant la commission, tarde à me répondre. En réalité, la préférence communautaire est incompatible avec les règles libérales de l’OMC, que nous avons acceptées !

De quelle marge de manœuvre disposons-nous ? Au niveau économique, l’OMC nous interdit de favoriser nos productions ; en matière environnementale, elle refuse d’imposer une surtaxe aux pays qui enfreignent le protocole de Kyoto. Reste l’argument sanitaire, que les États-Unis n’hésitent pas à faire valoir pour limiter les importations de fromage ou de foie gras, comme l’élu du Sud-Ouest que je suis le sait bien. Nous pourrons y recourir, à condition de prévoir une relance de la production de protéines végétales en France et en Europe.

M. Philippe Folliot – Cet amendement est intéressant (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. François Grosdidier – Bravo ! Tout à fait d’accord !

M. Philippe Folliot – J’y ai insisté lors de la discussion générale : comment peut-on imposer un moratoire sur la culture du Mon 810, mais non sur son importation ? C’est intenable ! (Approbation sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Les PGM sont les mêmes, qu’elles soient produites sur le sol national ou à l’étranger ! Or, les oléoprotéagineux que nous importons sont en grande partie transgéniques – 80 %, on l’a dit, pour le soja.

Du reste, notre dépendance extérieure en la matière, rappelée par plusieurs orateurs, est en elle-même problématique. Il serait donc opportun d’envisager de relancer la culture de ces protéines en France. Nous défendrons du reste un amendement à l’article 2 relatif aux importations.

Le groupe Nouveau centre est donc favorable à cet amendement.

MM. André Chassaigne et Yves Cochet – Excellent !

M. Bernard Debré – L’argumentation de M. Chassaigne est surprenante : si nous pouvons aider l’Argentine à renoncer à la production de colza transgénique, c’est donc que la réversibilité est possible ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe GDR)

M. André Chassaigne – Que se passera-t-il cette année en France, étant donné le moratoire ?

M. François Grosdidier – Le compagnon Grosdidier vote l’amendement ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

L'amendement 340, mis aux voix, est adopté. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Yves Le Déaut – Je ne doute pas que vous voterez également l’amendement 341 (Rires), qui propose d’inclure l’ensemble du génome de la biosphère dans le patrimoine commun de l’humanité, auquel la loi de bioéthique a déjà ajouté le patrimoine génétique humain.

Il y a quelques années, au début des travaux de séquençage du génome, la société privée américaine Celera Genetics a entrepris, sous l’impulsion de son président, Craig Venter, de breveter les gènes eux-mêmes.

M. François Brottes – Scandaleux !

M. Jean-Yves Le Déaut – L’Office européen des brevets a par la suite limité le dépôt de brevets aux seules fonctions du gène. Mais il demeure fondamental de protéger l’ensemble du génome en l’intégrant au patrimoine commun de l’humanité. Le projet de loi ne réserve pas une place suffisante à la propriété intellectuelle alors que, à la différence du certificat européen d’obtention végétale – qui peut être attribué au producteur d’une nouvelle variété, à condition que celle-ci présente un caractère stable –, les brevets font de plus en plus obstacle à la recherche (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Antoine Herth, rapporteur – Avis défavorable (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. François Brottes – Obscurantisme !

M. Antoine Herth, rapporteur – Non, clairvoyance ! Les conventions d’obtention végétale existent déjà ; commençons donc par transposer l’évolution européenne en droit interne. En outre, le sujet est délicat : nous reprochons depuis plusieurs années à la Chine sa désinvolture en matière de propriété intellectuelle.

M. Christian Jacob – Très bien !

M. Antoine Herth, rapporteur – Le sommet international sur le gène que prévoient les conclusions du Grenelle de l’environnement sera l’occasion d’en débattre.

M. François Brottes – Cela s’appelle botter en touche.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État – Même avis, car cet amendement ne relève pas du présent projet de loi, mais bien de la loi de bioéthique, qui doit être révisée avant 2011, et des états généraux de la bioéthique dont le Premier ministre vient d’annoncer la tenue en janvier 2009.

M. Yves Cochet – Dès 1992, la convention de Rio sur la biodiversité avait examiné les notions de propriété intellectuelle et de patrimoine commun de l’humanité, dont relèvent les richesses qui n’appartiennent à personne, telle l’atmosphère, et dont une organisation internationale – l’ONU – est par conséquent dépositaire. Le patrimoine et le code génétiques étant communs à l’ensemble du vivant, le gène fait partie de ces richesses qui ne sauraient être accaparées par un groupe privé. À Rio, nous avions d’ailleurs dénoncé la « biopiraterie » : certaines entreprises transnationales profitent du savoir vernaculaire des populations amazoniennes et font breveter, à leur profit, les propriétés médicinales de certains gènes.

Par ailleurs, selon une dépêche AFP, le groupe agrochimique Monsanto, dopé par le succès de ses semences génétiquement modifiées, a vu ses bénéfices croître de 107 % par rapport à l’année dernière, pour atteindre 1,13 milliard de dollars. Son président, Hugh Grant a déclaré : « la performance de notre activité « semences » nous met sur la voie d’une nouvelle année exceptionnelle ».

M. Philippe Folliot – Cet amendement n’est peut-être pas idéalement placé, mais il me semble intéressant d’affirmer ce principe. Je suis donc favorable à son adoption.

M. Bernard Debré – Nous devons nous poser cette question, mais pas ici, puisqu’elle relève davantage de la loi de bioéthique, que nous devrions réexaminer prochainement. En outre, je crains que l’adoption d’un tel amendement ne ferme la porte à toute commercialisation nationale – les plantes hybrides, brevetées, résultent bien d’une manipulation du génome – tout en l’ouvrant plus grand encore à Monsanto et à son impérialisme, contre lequel je lutte, quoiqu’en disent certains.

M. Jean-Yves Le Déaut – Je souhaite ajouter un mot…

M. le Président – Non, chacun s’est exprimé.

M. Jean-Yves Le Déaut – Rappel au Règlement. Sur un sujet aussi important, il est regrettable de ne pas laisser toutes les opinions s’exprimer. Vous donnez l’impression de vouloir faire cesser le débat, ce qui n’est pas une bonne manière de légiférer.

J’ajoute, en réponse à M. Debré, que la loi de bioéthique ne s’appliquera pas au règne végétal.

M. le Président – J’ai appliqué le Règlement : un orateur contre, et deux interventions pour répondre au Gouvernement et à la commission. Il y a plus de 460 amendements…

À la majorité de 74 voix contre 60 sur 137 votants et 134 suffrages exprimés, l’amendement 341 n’est pas adopté.

M. Jean Gaubert – L’amendement 343 vise à interdire, sauf à des fins de recherche confinée, toute production et mise sur le marché d’animal transgénique ou cloné. Dans ce domaine, nous avons encore moins de recul que dans celui des plantes génétiquement modifiées. Les autorités européennes parlent pour l’instant de « données très limitées », ce qui signifie que nous ne savons pas grand-chose, mis à part le fait que le taux de mortalité parmi ces animaux est extrêmement élevé.

Cet amendement a pour objet d’imposer le principe de précaution dans l’attente de l’avis scientifique que préparent les autorités européennes.

M. Antoine Herth, rapporteur – Vous soulevez une question très intéressante, que les médias évoquent sur la base d’exemples américains. La commission a émis un avis défavorable car elle estime que cet amendement n’a pas sa place avant l’article premier et que le sujet pourrait être débattu à l’article 2, qui porte sur les missions du Haut conseil des biotechnologies.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État – Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui, d’une part, ne relève pas d’un texte sur les OGM, d’autre part, ne serait pas compatible avec le droit communautaire.

M. Jean Gaubert – Monsieur le rapporteur, votre argument est un peu court. Si une proposition est digne d’intérêt, on lui trouve toujours une place dans un texte !

Madame la Secrétaire d’État, je ne vois pas comment notre amendement pourrait ne pas être compatible avec le droit communautaire, l’Union européenne n’ayant pas encore pris position sur le sujet. Ensuite, traitant « d’animaux transgéniques ou clonés », il me paraît avoir tout à fait sa place dans le texte en discussion où, que je sache, est bien abordée la question de la transgenèse.

M. Bernard Debré – Cet amendement n’a rien à voir avec ce projet de loi qui ne traite absolument pas du clonage. Je ne me prononcerai pas sur le fait de savoir s’il est bon ou mauvais de consommer des animaux clonés, mais sachant que le clonage est la réplication à l’identique d’un individu, je ne vois pas pourquoi si l’un est propre à la consommation, l’autre ne le serait pas…

Enfin, il serait extrêmement dangereux d’interdire toute production et commercialisation d’animal transgénique, comme le proposent les auteurs de cet amendement. Ainsi, en Argentine des vaches ont reçu un gène leur permettant de sécréter de l’insuline, et trente de ces vaches suffisent à produire la quantité d’insuline nécessaire pour traiter tous les diabétiques argentins, pour un coût de 50 % à 70 % inférieur aux techniques traditionnelles de fabrication. L’interdiction de la production d’animaux transgéniques irait à l’encontre de tout progrès médical à attendre des OGM.

L'amendement 343, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marylise Lebranchu – Il a été fait tout à l’heure état d’une position prise ce matin par le Bureau de l’Assemblée. On a demandé aux membres du Bureau s’ils supportaient l’accusation portée dans un article de presse contre certains parlementaires d’être sous influence ou corrompus. Il va de soi qu’une telle allégation n’est pas tolérable. Nous avons même dit que si des faits de corruption étaient avérés, la justice devait être saisie afin que toute la lumière soit faite. Ce n’est qu’ensuite que j’ai pris connaissance de l’article de presse en question pour m’apercevoir que l’auteur, parlementaire, n’y parlait pas de « corruption ». Un peu de sérénité donc ! Nous avons tous convenu que des influences tentaient parfois de s’exercer sur les parlementaires – face auxquelles nous devions d’ailleurs organiser la résistance. Entre le communiqué de presse et ce qui s’est réellement passé au Bureau, il me paraît y avoir une certaine différence, je tenais à le dire ici. Nous ne pouvons tolérer que les parlementaires soient accusés sans preuve de corruption. En revanche, un parlementaire pensant que de fortes influences se sont exercées, il conviendra de regarder ce dont il s’agit et ne pas classer l’affaire. Pour l’heure, il n’y a aucune raison d’invoquer la position prise ce matin par le Bureau, ce qui perturbe le cours de ce débat qui doit rester serein.

M. Marc Laffineur – Le Président n’a en rien « perturbé » le cours de notre débat en rappelant la position adoptée ce matin à l’unanimité par le Bureau, au sujet d’un article de presse. Cet article, même s’il ne portait pas d’accusations directes, citait le Président de l’Assemblée nationale et laissait entendre que plusieurs députés pourraient légiférer sous influence. La position du Bureau ne comporte nulle ambiguïté.

M. François Goulard – Très bien !

Mme Marylise Lebranchu – Ce point n’était bien sûr pas prévu à l’ordre du jour. Il nous a simplement été demandé si nous approuvions ou non un communiqué de presse préparé par le Président après la parution d’un article, dont, pour ma part, je n’avais pas eu préalablement connaissance. Il est abusif de parler d’unanimité des groupes politiques à ce sujet. Tout au plus y a-t-il eu unanimité des membres présents du Bureau, qui n’étaient pas mandatés pour prendre quelque position que ce soit au nom de leur groupe.

M. le Président – À la lecture du projet de communiqué de presse, aucun membre du Bureau n’a émis la moindre contestation. Il y a donc bien eu parfaite unanimité de tous ses membres, quelle que soit leur appartenance politique (quelques exclamations sur les bancs du groupe SRC).

ARTICLE PREMIER

M. Philippe Martin – Ce projet de loi et en particulier cet article, qu’on le veuille ou non, constituent un bras d’honneur au Grenelle de l’environnement et à tous ceux qui y ont cru. Si les associations et les ONG en avaient alors eu connaissance, elles auraient probablement quitté la table, scellant l’échec du Grenelle, ce qui n’aurait pas permis au Président de la République de faire le show dont il nous a gratifiés… Il y a donc là une véritable escroquerie intellectuelle.

Élu du Gers, terre de rugby, je sais que si on recule à la première mêlée, on recule pendant tout le match. Si vous reculez à ce point sur ce premier texte relatif aux OGM, autant dire que vous reculerez encore s’agissant de la biodiversité, des pesticides, des transports, de l’énergie… On a l’impression, avec ce texte, que les députés UMP prennent leur revanche sur le Grenelle de l’environnement, comme si, n’y ayant pas été assez écoutés, ils voulaient d’un coup se venger de tout, des ministres d’ouverture, du rapport Attali… Ne vous en déplaise, Monsieur Debré.

M. Bernard Debré – Je n’ai rien dit.

M. Philippe Martin – Permettez-moi, même si je ne suis pas médecin, de vous dire ce que je pense. Il y a 1 400 hectares de cultures d’OGM en plein champ dans mon département. Je sais donc de quoi je parle. Je n’ai pas envie, Monsieur Debré…

M. le Président – M. Debré n’a rien dit.

M. Philippe Martin – Je ne suis certes pas député du 16e arrondissement…

M. le Président – Ce n’est pas une tare.

M. Bernard Debré – Fait personnel !

M. le Président – En fin de séance !

M. Philippe Martin – Vouloir garantir la liberté de produire et de consommer « avec ou sans OGM », c’est renoncer à jamais à la liberté de pouvoir produire et consommer sans OGM (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Si l’on vote cet article premier, ce ne sera pas la peine de s’interroger sur les conséquences potentielles à long terme des OGM. 

Pour ma part, je ne peux m’empêcher de penser à la culture de coton transgénique en Inde, qui pousse certains producteurs au suicide, ou à ces champs de soja transgénique au Paraguay, qui rendent malades les enfants qui les traversent…

Jamais je ne voterai un texte qui ouvre la voie à l’aliénation des peuples pour permettre des profits aux multinationales semencières (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Noël Mamère – Je plains sincèrement la ministre de l’écologie, comme je l’ai plainte lorsqu’elle a défendu ce texte devant le Sénat. En effet, le texte issu du Sénat, qu’elle nous présente aujourd’hui, ne correspond pas à son intention initiale, non plus qu’à celle du ministre d’État. Avant d’être ministre, Mme Kosciusko-Morizet était députée, et elle a pris souvent des positions courageuses au sein de son parti – dont elle est aujourd’hui devenue secrétaire générale adjointe. Je me souviens notamment qu’elle avait refusé avec mon collègue Yves Cochet mais aussi avec François Grosdidier, autre député UMP, de voter le rapport de la mission d’information sur les OGM. Elle avait eu raison, défendant en cela une certaine conception de la recherche et de l’agriculture, et au-delà un certain mode de consommation et de vie.

Ensuite, elle a beaucoup participé à la mise en place du Grenelle de l’environnement, avec sincérité et en suscitant de grandes espérances. La vérité oblige à dire que ces espérances sont trahies dès cet article 1er qui relève de l’imposture politique. En effet, le droit de produire sans OGM, décidé au Grenelle de l’environnement, devient ici le droit de produire « avec ou sans OGM ». Comme le disent les militants de la courageuse confédération paysanne, si une culture conventionnelle ou biologique ne peut contaminer un champ d’OGM, l’inverse n’est pas possible. On l’a vu en Afrique, où les grandes compagnies semencières mènent l’offensive. Au Mali, premier producteur du coton du continent, la société Syngenta a « acheté » le directeur de l’école d’agriculture, devenu directeur de l’agence Syngenta, l’agence USaid, fer de lance des États-Unis, a pour conseiller un ancien de Monsanto. La société malienne résiste encore au coton OGM, alors que le Burkina Faso voisin a cédé. Et la France joue un rôle détestable, avec l’ancienne société nationale des cotons maliens, dont elle détient 40 %, pour l’introduction des OGM.

Nous ne pourrons donc pas voter l’article 1er, ni ce projet passé par la machine à concasser du Sénat. Nous regrettons que vous ayez manqué l’occasion de transposer, comme l’ont fait les Allemands, les Hongrois ou les Autrichiens, la directive européenne d’une façon dont nous aurions pu être fiers. Au lieu de cela, nous sommes face à un véritable scandale (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. Pascal Deguilhem – Dès l’article 1er de ce projet, le Gouvernement renie les conclusions du Grenelle de l’environnement, contre l’avis des consommateurs. Pourquoi inscrire ici une liberté factice ? Est-ce pour se donner bonne conscience ? En effet, dès lors qu’on cultive des OGM en plein champ, la pollution génétique est programmée et parler de la liberté de produire « avec ou sans OGM » est un abus de langage.

Dans ces conditions, le doute planera toujours sur la nature réelle du produit. On peut consommer une bière avec ou sans alcool, un yaourt avec ou sans sucre, mais demain on ne pourra plus dire que l’on consomme une farine de maïs avec ou sans OGM. En légalisant une coexistence impossible, vous privez le producteur de la possibilité de cultiver des espèces traditionnelles sans OGM. Sans faire de catastrophisme, voyez l’Espagne, qui a les plus grandes surfaces d’OGM en Europe : dans les plaines d’Aragon et en Catalogne, les producteurs témoignent que la contamination est réelle. Et cette situation irréversible bénéficie aux groupes semenciers. Sur nos territoires, ce sont les labels de qualité qui sont menacés, l’agriculture durable, dont on a si peu parlé depuis le début des débats, qui est en péril. C’est pourtant une solution d’avenir. En Dordogne, c’est le soutien aux filières de qualité qui a permis le succès économique dans le respect de l’environnement.

Les défenseurs du texte mettent en avant des aspects quantitatifs. Mais les OGM ne règleront jamais le problème de la faim dans le monde, qui est de nature politique. Pour notre part, nous avons l’ambition de faire une agriculture de qualité, qui soit un réservoir de biodiversité. Nous ne sommes pas hermétiques au progrès, nous ne menons pas un combat d’arrière-garde et ne sommes pas inféodés à des groupes de pression. Nous exprimons simplement le bons sens paysan. Les OGM ne peuvent coexister avec d’autres cultures, la pollution transgénique est irréversible. Cet article 1er supprime donc une liberté, et nous ne le voterons pas (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Sandrine Mazetier – Le quatrième alinéa de cet article prétend garantir à la fois la liberté de produire sans OGM et celle de produire avec OGM. Je rappelle simplement que la déclaration des droits de l’homme de 1789 dit que la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres. Les deux libertés qu’on veut préserver ici sont inconciliables. Une récente étude de l’INRA montre que la coexistence de deux types de cultures à l’échelle locale est impossible si l’on veut garantir l’absence de contamination. Personne ici ni en commission n’a été capable de prouver le contraire. Avec ce quatrième alinéa, vous signez l’arrêt de mort du Grenelle de l’environnement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Pierre-Alain Muet – Dès cet article 1er, le projet renie l’engagement pris au Grenelle de l’environnement de laisser produire et consommer sans OGM. Autoriser les OGM en plein champ, c’est autoriser la contamination. Quelques dizaines de mètres entre les champs n’empêcheront pas les abeilles et les oiseaux de transporter le pollen. Progressivement, l’agriculture sans OGM disparaîtra, et ce choix est grave car il est irréversible.

On a prétendu que les OGM étaient nécessaires pour lutter contre la faim dans le monde. Un grand économiste de l’après-guerre a montré que les famines ne proviennent jamais de l’insuffisance de la production agricole mais d’un problème politique et de répartition, et qu’aucun pays démocratique, en temps de paix, ne connaît de famine. En généralisant les OGM, vous aggraverez les problèmes.

Cette loi n’est pas ordinaire, puisque aucune loi ultérieure ne pourra la défaire. Elle va mettre l’agriculture française dans la dépendance définitive des OGM. Nous sommes donc opposés à l’ensemble du projet, à commencer par l’article 1er (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. François Grosdidier – Je ne m’associe pas au procès fait à l’article 1er  ; le problème tient plutôt aux articles suivants. Les principes posés ici correspondent à la philosophie du Grenelle de l’environnement : principe de l’expertise indépendante, et du droit de produire ou de consommer sans OGM. C’est sur cette notion « avec ou sans OGM » que le bât blesse. Produire sans OGM est un droit antérieur, qui a priorité. Mais les semences peuvent traverser les mers et les montagnes et en la matière, le droit absolu n’existe pas.

En revanche, je partage les inquiétudes de ceux qui s’opposent au texte issu du Sénat, car les articles suivants risquent de nous conduire à une agriculture globalement contaminée et mal indemnisée, et laissent plusieurs questions en suspens. Ainsi, en cas de contamination, qui sera responsable, de l’agriculteur voisin ou de l’ensemble de la filière ? Si j’adhère à l’article premier parce qu’il reprend les principes énoncés lors du Grenelle de l’environnement, je crains de ne pouvoir voter que celui-là... J’espère que le débat pourra nous éclairer.

M. Yves Cochet – En effet, cet article premier contient les principes fondamentaux du texte. Hélas, les choses s’enchaînent très vite après lui. Le principe de précaution est d’abord apparu au grand public à Rio, en 1992, et c’est la loi Barnier de 1995 qui l’a intégré à notre droit. Il fallait faire davantage en lui donnant valeur constitutionnelle : vous y êtes parvenue, Madame la ministre, en nous proposant d’adosser la Charte de l’environnement, dont vous êtes en quelque sorte la mère, à la Constitution.

Néanmoins, les principes, une fois adoptés, doivent être appliqués. En vertu du principe de précaution, les pouvoirs publics doivent parer à tout dommage potentiel lorsqu’une incertitude scientifique pèse sur une technologie nouvelle. Or, on ne peut rêver de meilleur exemple pour appliquer ce principe que celui des OGM. En effet, pas un scientifique au monde, pas même M. Debré ici présent, ne saurait affirmer avec certitude que les OGM sont inoffensifs, ou qu’au contraire ils sont nocifs. Dans l’incertitude, il faut donc poursuivre les recherches et, par précaution, donc, ne pas autoriser la dissémination en plein champ de produits dont on ne connaît pas les effets. Dois-je rappeler les ravages de l’amiante et les travaux que son usage autrefois immodéré nous impose aujourd’hui, à Jussieu ou même à l'Assemblée nationale ? L’incertitude est devenue certitude : il en ira de même un jour pour les OGM. J’ajoute que les scientifiques ne sont pas les seuls à douter : les assureurs, eux non plus, ne peuvent garantir un risque qui n’est pas décrit. Parce que le principe de précaution s’impose, nous ne voterons pas l’article premier.

M. François de Rugy – L’article premier ne règlera pas le problème au moyen de quelques phrases floues et contradictoires. Au mieux, il est hypocrite parce qu’il vise à donner raison à tout le monde, et au pire, il est mensonger – ce que je crois, hélas. En effet, vous y prétendez que l’ouverture des champs aux OGM est garantie par de grands principes, mais on sait bien que ceux-ci ne seront pas appliqués, illustrant cruellement le sort du Grenelle tout entier. Ce faisant, c’est la légitimité de l’action politique que vous sapez ! À quoi bon organiser un Grenelle ou adopter une Charte de l’environnement si c’est pour, dans la foulée, prendre des décisions qui les bafouent ? Le principe de précaution exige que l’on s’en tienne à la culture d’OGM en laboratoire, et non en plein champ. Par ailleurs, comment pourrons-nous garantir aux exploitants la liberté de produire « avec ou sans OGM » dès lors que nous ne pouvons pas prévoir leur niveau de contamination ?

Les agriculteurs d’Orvault, dans ma circonscription, producteurs laitiers pour la plupart, ne voient pas l’intérêt des OGM. Ceux qui font de l’agriculture biologique sont même très inquiets car, en cas de contamination, ils perdraient leur label et leurs revenus. Il y va de leur liberté économique, et je ne parle pas de la liberté de choix des consommateurs ! Si votre texte est adopté tel quel, vous allez, sous couvert de consensus, instaurer la loi du plus fort ! Dès que certains exploitants choisiront les OGM, les autres n’auront d’autre choix que de suivre ou de fermer boutique. Enfin, en vertu du principe de précaution, il faut exiger de celui qui utilise des OGM qu’il produise la preuve irréfutable qu’ils sont inoffensifs pour l’environnement.

Mme Aurélie Filippetti – En ouvrant la voie à la coexistence entre cultures, l’article premier consacre un droit : celui de polluer. Il est en cela contraire au Grenelle de l’environnement et contraire aux conventions de Rio. Promouvoir le développement durable, c’est concilier les intérêts écologiques, économiques et sociaux. Or, au plan écologique, la contamination des parcelles conventionnelles sera évidente et incontrôlable, menaçant jusqu’aux apiculteurs. Les scientifiques sont unanimes : la coexistence étanche est impossible. Au plan économique, les OGM n’apportent aucun progrès où que ce soit. Certes, ils peuvent dans un premier temps permettre de produire davantage et à moindre coût, mais les paysans sont vite soumis à la dépendance de grandes multinationales – dont les profits sont faramineux – et cette dépendance s’accroît à mesure que la contamination progresse. Ce n’est donc pas aider nos agriculteurs que d’ouvrir les champs à la culture des OGM, mais au contraire les jeter dans la gueule des lobbies !

Quant à l’argument de la faim dans le monde, que l’on entend depuis longtemps, il ne tient pas : il va de soi que les famines ne sont pas dues à une insuffisante production, mais à une mauvaise répartition et, souvent, à la guerre.

J’ajoute que la perte de biodiversité entraînée par l’utilisation croissante des OGM fragilise l’écosystème tout entier. Ainsi, il ne reste plus que quelques variétés transgéniques de riz ; si l’une d’entre elle attrape une maladie, combien d’exploitations seront-elles contaminées ?

Et prétendre que les OGM vont aider nos agriculteurs à sortir de leurs difficultés économiques est tout simplement un mensonge. C’est la qualité qui fait la valeur de l’agriculture française : c’est donc le développement des labels, du bio qui va les aider. Or, ce texte représente la fin de l’agriculture biologique.

D’un point de vue social enfin, veut-on vraiment un pays où ceux qui ont les moyens de se payer une agriculture de qualité et ont accès à l’information consomment sans OGM, tandis que les plus pauvres seront condamnés à la malbouffe, avec toutes les conséquences qu’elle a sur la santé ?

M. le Président – Veuillez conclure.

Mme Aurélie Filippetti – Cette discussion oiseuse sur le seuil de 0,9 %, cette confusion qu’on entretient entre le seuil d’étiquetage et le seuil de présence des OGM aura des conséquences sociales considérables. Il n’est pas acceptable que les plus pauvres soient condamnés à manger des OGM (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. François Grosdidier – Attention, M. Le Déaut défend les 0,9 % ! (Dénégations sur les bancs du groupe SRC)

M. Bernard Debré – Je suis atterré. Les OGM sont cultivés depuis douze ans, près de 600 millions d’hectares ont été plantés et aucune étude n’a jamais pu leur attribuer une seule maladie. Certes, on peut toujours soutenir qu’il faut encore attendre trente ou quarante ans…

Mme Martine Lignières-Cassou – Comme pour l’amiante ?

M. Bernard Debré – Pour l’amiante, on ne disposait pas d’études aussi poussées.

M. François Grosdidier  – Si !

M. Bernard Debré – Actuellement, 114 millions d’hectares sont plantés en OGM et aucune anomalie n’a été détectée. Alors, comptez-vous vraiment refuser des céréales aux 800 millions d’hommes qui ont faim tous les jours et les nourrir avec de la « politique » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je vous rappelle que les réserves céréalières mondiales ne dépassent pas soixante jours !

Vous soutenez que la contamination empêchera toute production simultanée de produits OGM et non OGM. Mais comment se fait-il alors qu’au Mexique, on trouve à côté de cultures de maïs OGM, un maïs totalement naturel ?

M. Yves Cochet – Les études ne sont pas sûres.

M. Bernard Debré – On a simplement étudié 153 740 grains sans trouver aucune contamination significative ! Et comment se fait-il que le maïs naturellement OGM qu’on trouve en Australie n’ait pas envahi…

M. Yves Cochet – Qu’est-ce que ça veut dire ?

M. Bernard Debré – Lorsque le phylloxera a failli anéantir les vignes françaises, on est allé chercher un cep de vigne américain naturellement résistant. Aujourd’hui, on fait exactement la même chose, en un peu plus rapide et plus contrôlé.

M. Yves Cochet – Mais pas du tout !

M. Bernard Debré – Je ne vous traiterai pas d’ayatollahs, mais il est clair que si nous ne pensons pas comme vous, c’est que nous avons tort et que nous obéissons aux semenciers ! La contamination n’existe pas au Mexique, ou peu, mais vous continuez à parler d’irréversibilité. Messieurs les censeurs, oubliez un peu l’idéologie et aidez la science à se développer ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Jean-Frédéric Poisson – Il est heureux que ce débat, qui était mal parti, retrouve un peu de modération. Et comme la plupart d’entre nous ne sont pas des spécialistes, je voudrais poser quelques questions de néophyte dans l’espoir d’éclairer le débat – étant entendu que, s’il existe des positions scientifiques rassurantes et parfaitement fiables sur les OGM, aucune science ne peut garantir que cela restera le cas pour les quarante années à venir. Cette incertitude ne doit pas motiver une absence de décision, elle est au contraire la noblesse du politique.

D’abord, pourquoi faut-il poser la question de l’indépendance alimentaire de notre pays au cours de ce débat ? D’aucuns soutiennent que le vote du texte renforcerait cette indépendance, d’autres qu’il nous mettra sous la coupe d’organismes à caractère lucratif dont la préservation de l’indépendance d’États souverains est la dernière préoccupation. Qui faut-il croire ? Ensuite, est-il vrai que si nous ne votons pas ce texte, nous affaiblissons la position de nos entreprises et ouvrons des autoroutes aux semenciers étrangers ? En quoi le vote permettrait-il de sauver ce secteur et de renforcer notre recherche ? Bref, quel est le bénéfice réel du texte pour notre pays ?

Enfin, que penser de la responsabilité finale des agriculteurs ? Certes, le mésusage de produits qu’on a achetés constitue une faute contractuelle et engage sa responsabilité, mais s’il y a dissémination autrement que par intervention humaine, il est difficile de conclure à la responsabilité de l’agriculteur ! Il me semble que des réponses à ces questions sont indispensables.

M. Philippe Tourtelier – Pour répondre d’abord à M. Debré, le principe d’équivalence substantielle interdit la traçabilité sur la plupart des cultures OGM. On ne peut donc rien conclure au niveau épidémiologique. C’est d’ailleurs un de vos collègues qui a souligné, dans le cadre de la mission OGM, qu’on ne pouvait prétendre à aucune étude épidémiologique sérieuse avec seulement quinze années de recul, et qu’aucune prédiction concernant les effets à long terme ne pouvait être faite.

Mais revenons-en à ce premier article, et à ces deux tout petits mots qui changent tout : « avec ou ». Car le Grenelle de l'environnement n’a jamais parlé que de produire et consommer sans OGM. Même si la synthèse de l’intergroupe titre « Produire ou consommer « avec ou sans » OGM », il n’a jamais été question, en réunion, que de produire et consommer « sans OGM » : j’ai vérifié ! D’où sans doute votre prudence tout au long de ce débat : alors que le ministre avait parlé de produire et consommer sans OGM, Mme la secrétaire d’État a rectifié : « avec ou sans », ce qui a suscité des protestations. Quant au rapporteur, il s’est contenté de parler de « produire ou consommer »…

Car ces petits mots constituent un reniement fondamental : alors que le Grenelle de l'environnement avait défendu l’idée de la liberté de produire ou consommer sans OGM, introduire la production avec OGM annihile toute possibilité de consommer sans. Le reste est de l’habillage : vous essayez de faire croire que 0,8 % d’OGM, c’est comme s’il n’y en avait pas, et de confondre le seuil d’étiquetage et le seuil de détection… Une véritable trahison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean Gaubert – Il arrive, dans cet hémicycle, de devoir répéter et répéter les choses, tant la faculté d’écoute de certains est parfois limitée... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Debré – On a le droit d’avoir une opinion différente de la vôtre !

M. le Président – Monsieur Gaubert, abstenez-vous de procès d’intention.

M. Arnaud Montebourg – Le Président n’a pas à intervenir sur le fond.

M. Jean Gaubert – Si chacun avait écouté attentivement ce que M. Le Déaut a dit à propos de l’alimentation mondiale, nous n’aurions pas à revenir sans cesse sur des arguments fallacieux ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Je ne suis pas un scientifique, mais je suis un paysan qui a une certaine expérience du travail de la terre. ll est vrai que la surface agricole par habitant a beaucoup diminué, mais il est tout aussi vrai que beaucoup de terres sont mal mises en valeur et que les pratiques pourraient être améliorées sur les deux tiers de la planète. Ne faudrait-il pas commencer par enseigner les bonnes pratiques au lieu de présenter les OGM comme la seule solution possible ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Debré – Nous n’avons jamais dit cela !

M. Jean Gaubert – Après avoir créé une première fois la confusion en centrant la recherche sur le nucléaire au lieu de l’appliquer à l’énergie en général, on réitère l’erreur en prétendant maintenant centrer la recherche sur les OGM au lieu de l’appliquer aux pratiques culturales dans leur ensemble ! (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP) Au lieu de traiter de l’alimentation dans le monde sereinement et de manière globale, sans occulter aucun volet – les systèmes d’irrigation qui ne sont pas au point et les défaillances des systèmes de distribution, par exemple – on n’aborde jamais ces questions et on se satisfait d’une perspective rétrécie.

Il est d’autre part extrêmement déplaisant de se faire traiter d’ « idéologue » au seul motif que l’on ne partage pas l’opinion de la majorité du groupe UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Debré – Allons ! C’est exactement l’inverse qui se produit !

M. Christian Jacob – Vous avez mal entendu !

M. Jean Gaubert – Que si ! Or, il faudrait s’écouter, car le problème n’est pas l’idéologie mais d’être rationnel. Certains, ici, doutent, mais d’autres ne doutent pas…

M. Bernard Debré – Et certains mentent !

M. Jean Gaubert – Or, ceux qui ne doutent pas m’effrayent.

Il est question ce soir de la liberté de produire ou de consommer avec ou sans OGM - ce qui est rigoureusement impossible : la liberté de produire des OGM condamne celle de consommer sans OGM (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Aucun scientifique ne sachant quelle est la distance de dissémination, on est incapable de protéger la liberté de consommer sans OGM ! D’ailleurs, M. Borloo n’a pas dit autre chose ce matin à la radio (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – La parole est à M. Montebourg pour un rappel au Règlement.

M. Arnaud Montebourg – M. Jean-Marc Ayrault m’a demandé de faire un rappel au Règlement au nom du groupe socialiste. Le sénateur Jean-François Le Grand, qui présidait le comité de préfiguration, un homme libre, a tenu des propos courageux... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et d’une telle force que certaines personnes mises en cause ont cru bon d’utiliser les institutions dont elles disposent pour les faire condamner.

M. Richard Mallié – C’est scandaleux !

M. Arnaud Montebourg – Le groupe socialiste affirme sa solidarité avec le sénateur Le Grand, qui n’a pas craint d’affirmer que « certains ont fait main basse sur l'UMP afin de défendre des intérêts mercantiles, "ripolinés" pour les rendre sympathiques » (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Mallié – Quelle sorte de rappel au Règlement est-ce là ?

M. Arnaud Montebourg – Le sénateur Le Grand a ajouté : « Ils ont été actionnés. J'ai été approché par Monsanto, et j'ai refusé de leur parler. Je veux rester libre » (Violentes exclamations renouvelées sur les mêmes bancs). Ne peut-on lire ici des propos diffusés par un quotidien qui tire à 500 000 exemplaires ? Le groupe socialiste, nonobstant une décision du Bureau qui n’engage personne (Vitupérations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Richard Mallié – Mais pour qui vous prenez-vous ?

M. Arnaud Montebourg – …est solidaire du sénateur Le Grand et de sa liberté d’expression (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – La parole est à M. Mamère pour un rappel au Règlement.

M. Noël Mamère – Le groupe GDR n’était pas représenté au Bureau quand celui-ci a, paraît-il, condamné « unanimement » les propos du sénateur Le Grand (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous nous désolidarisons donc d’une condamnation à laquelle nous avons été associés contre notre gré. Je rends hommage au courage de M. Le Grand et à sa liberté de penser, qui a trouvé un écho ce matin au cours de la conférence de presse de M. Grosdidier (Protestations sur les bancs du groupe UMP). J’indique que les Verts vont demander formellement la constitution d’une commission d’enquête parlementaire chargée de faire toute la vérité sur les graves propos tenus par le sénateur Le Grand (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. Patrick Ollier, président de la commission – Après avoir été mis en cause personnellement par M. Philippe Martin hier, je dois vous dire à quel point je suis choqué, Monsieur Montebourg…

M. Arnaud Montebourg – Je suis mandaté par le groupe socialiste, Monsieur Ollier.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Je le suis par toute la majorité, et je n’ai aucune leçon à recevoir de vous. Je n’accepte pas que, voulant profiter de la présence des caméras…

M. Arnaud Montebourg – Il n’y en a pas !

M. Patrick Ollier, président de la commission – …vous vous serviez de ce débat pour défendre de misérables intérêts politiciens, portant atteinte à l’honneur des députés. En disant que nous aurions été « actionnés par les semenciers » …

M. Arnaud Montebourg – L’expression n’est pas de moi : je me suis limité à citer les propos d’un de vos amis politiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Ollier, président de la commission  …vous sous-entendez que nous sommes peut-être sous l’emprise de la corruption…

M. François Grosdidier – Ce n’est pas ce qu’a dit le sénateur Le Grand.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Cela peut le laisser entendre, et c’est inacceptable. Sur la mise en culture des OGM, chacun peut avoir une opinion, mais cela n’excuse pas que l’on mette en doute notre honnêteté. Je le répète : c’est inacceptable (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Monsieur Montebourg, vous ne perdez rien pour attendre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. le Président – Je tiens à préciser que, ce matin, l’ensemble des membres du Bureau, ayant lu l’article de presse cité, a exprimé une protestation unanime. J’ajoute que, contrairement à vos allégations, Monsieur Mamère, tous les groupes étaient représentés lorsque le président de notre Assemblée a lu devant le Bureau le projet de communiqué de presse, qui n’a fait l’objet d‘aucune remarque d’aucun des représentants du groupe socialiste.

M. Richard Mallié – Exactement !

M. François Brottes – Avant de prendre la parole sur l’article premier, qui consacre donc l’impossible coexistence entre production et consommation avec et sans OGM, j’observe que par votre prise de position, Monsieur le président, vous semblez ignorer la mise au point de Mme Lebranchu. Elle a pourtant précisé que la protestation signée par le Bureau n’engage nullement les groupes politiques.

Au détour de son intervention assez véhémente, M. Ollier a pour sa part apporté une intéressante clarification en contredisant Mme la ministre qui, hier, a expliqué que l’objet du texte n’est pas la mise en culture des OGM. Enfin, je remercie M. Poisson, dont l’intervention a montré que tout n’est pas noir et blanc et que des questions légitimes se posent sur tous les bancs.

À M. Debré, qui nous a traités de « censeurs », j’accorde le droit d’avoir des doutes. Cette absence de doutes est inquiétante. Dans son rapport, le rapporteur, lui, fait état de ses doutes : « les gènes dormants – certaines plantes n’utilisant parfois qu’une partie de leur génome – demeurent un mystère pour la science » ; « les problèmes de l’agriculture biologique et de l’apiculture ne sauraient être sous-estimés », les seconds requérant la création d’un Institut technique de l’abeille ; enfin, « l’absence de garantie de réversibilité pose problème » – mais pas, semble-t-il, à Monsieur Debré ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 45.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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