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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 16 avril 2008

2ème séance
Séance de 21 h 30
145ème séance de la session
Présidence de Mme Catherine Génisson, Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

MODERNISATION DU MARCHÉ DU TRAVAIL - SUITE

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant modernisation du marché du travail.

ART. 5 (SUITE)

M. Michel Bouvard – L’amendement 79 est relatif à l’assistance dont peut bénéficier le salarié en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail. C’est un élément essentiel pour garantir la liberté de consentement des parties.

Le projet de loi reprend le système déjà prévu pour l’entretien préalable à un licenciement, à savoir une assistance soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, délégué syndical, représentant du personnel élu ou simple salarié, soit une personne choisie sur une liste dressée par l’autorité administrative. Il s’agit pourtant de deux situations très différentes : au cours de l’entretien préalable, stade auquel le licenciement est seulement envisagé, le rôle de l’assistant se limite souvent à la rédaction d’un compte rendu ; en cas de rupture conventionnelle, il aura un véritable rôle de conseil sur le principe même de la rupture et sur ses modalités.

Afin d’offrir au salarié la meilleure assistance possible, l’amendement 79 prévoit donc la possibilité d’un conseil extérieur. De la même façon, il ne faudrait pas priver l’entreprise du recours à ses conseils habituels, car ce serait introduire un déséquilibre entre les grandes entreprises, qui disposent de services juridiques internes, et les PME ou les artisans. Il est donc de l’intérêt de toutes les parties d’élargir les modalités de l’assistance.

La brièveté du délai de rétractation impose par ailleurs que les parties concernées disposent aussi rapidement que possible d’un éclairage complet sur les incidences de la convention.

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – La commission a repoussé ces amendements.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité – Je suis heureux que nous puissions revenir sur ce sujet, sur lequel M. Houillon et M. Lefebvre ont également fait part de leurs interrogations.

Le projet de loi ne fait que reprendre fidèlement la liste limitative qui a été établie par les partenaires sociaux. D’après la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’entretien préalable au licenciement, l’employeur ne peut se faire assister que par une personne appartenant à l’entreprise. Si l’on élargit cette possibilité à un représentant d’une organisation patronale, il est en ira de même, parallélisme des formes oblige, pour le salarié. Il me semble qu’une telle solution pourrait être approuvée par les signataires de l’accord, mais nous aurons l’occasion de revenir plus tard sur ce point.

S’agissant plus particulièrement des avocats, leur intervention n’est pas prévue par le code du travail. Si on leur permettait d’apporter leur concours pendant l’entretien, aux côtés de l’employeur ou bien du salarié, cela remettrait en cause l’équilibre actuel. J’observe en revanche qu’il leur est toujours possible d’intervenir avant et après l’entretien, notamment pendant le délai de rétractation. Sans nier aucunement le rôle essentiel de ces professionnels du droit, il me semble important que des temps demeurent réservés aux seules parties, avec l’assistance de titulaires de mandats représentatifs ou de représentants des partenaires sociaux. Ne remettons pas en cause cette spécificité de la relation du travail.

Comme vous, les partenaires sociaux ont voulu réduire la judiciarisation du processus. Ils ont choisi une solution d’équilibre en sanctuarisant l’entretien, sans exclure les tiers de la procédure au sens large. J’espère vous avoir convaincu de la nécessité de retirer votre amendement, Monsieur Bouvard. À défaut, avis défavorable.

M. Michel Bouvard – Les arguments du ministre sont d’une grande clarté. La limite de son analogie est que nous ne discutons pas des entretiens préalables à un éventuel licenciement, mais des licenciements négociés.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Ce ne sont pas des licenciements…

M. Michel Bouvard – Je prends acte que les salariés pourront se faire assister par un professionnel du droit, extérieur à l’entreprise, en amont ou en aval de l’entretien, notamment pendant la période de rétractation. Notre souhait est donc, au moins en partie, satisfait.

Compte tenu de ce qu’a indiqué le ministre, je retire mon amendement.

L'amendement 79 est retiré.

M. Lionel Tardy – Le texte permet au salarié de se faire assister par une personne choisie au sein de l’entreprise ou par un conseil inscrit sur une liste dressée par l’autorité administrative. De son côté, l’employeur pourra se faire assister si le salarié a choisi cette solution pour son propre compte.

Nous devons laisser au salarié le choix de se faire assister, ou non. Toutefois, pour parvenir à des conventions de rupture équilibrées, il me semble nécessaire que le salarié puisse choisir de se faire assister par un conseil extérieur à l’entreprise, notamment un avocat spécialisé en droit du travail.

Il règne aujourd’hui une certaine hypocrisie : les avocats ne sont pas autorisés à participer à l’entretien préalable, mais ils peuvent intervenir de façon informelle au cours de la procédure, ainsi qu’après le licenciement, devant les conseils de prud’hommes. C’est précisément cette issue que l’amendement 152 tend à éviter en permettant aux avocats de participer aux négociations en amont.

Pourquoi l’interdire ? Ils interviennent déjà devant les conseils de prud’hommes et devant n’importe quelle commission de discipline. Pourquoi ne pourraient-ils le faire dans l’entreprise à l’occasion d’une discussion aussi importante que la rupture du contrat de travail ? En éclairant le salarié sur le principe même de la rupture, mais aussi sur ses incidences et ses modalités, les conseils apportés par les professionnels permettront d’éviter une judiciarisation ultérieure de la procédure : dès l’origine, chacun sera en mesure de faire valoir ses droits. L’adoption de l’amendement 152 donnerait des bases plus solides aux ruptures par consentement mutuel et permettrait de garantir le consentement mutuel des parties.

M. Dominique Dord, rapporteur – Même avis que précédemment.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même argumentation. Le droit du travail ne permet pas aujourd’hui l’intervention des avocats, lors de l’entretien, et il n’appartient pas à la transposition de l’accord de le modifier sur ce point. L’important, pour M. Lefebvre, avec qui je me suis entretenu, était de bien préciser le cadre général d’intervention de l’avocat dans la procédure globale. J’espère que cet amendement, comme le précédent, pourra être retiré, afin de n’avoir pas à y donner un avis défavorable.

M. Lionel Tardy – Notre souci était d’éviter des procédures inutiles devant les prud’hommes pour des questions de forme. J’accepte de retirer l’amendement. Mais j’espère que dans les négociations à venir avec les partenaires sociaux, ce sujet sera abordé.

L'amendement 152 est retiré.

M. Jean-Pierre Decool – L’amendement 142 précise que l’employeur doit signifier, par tout moyen, au salarié qu’il peut se faire assister.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement non pas sur le fond mais parce qu’il relève du domaine réglementaire, voire infra-réglementaire. On peut supposer que le formulaire-type qui va être élaboré le sera de façon à éviter tout litige ultérieur sur le respect des droits des parties et comportera bien la reconnaissance explicite de la part des deux parties qu’elles ont été dûment informées de leurs droits, comme celui d’être assisté ou de la possibilité de se rétracter durant quinze jours.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis. Les dispositions des alinéas 9 et 10, conformes aux souhaits des partenaires sociaux, semblent suffisantes. La demande d’homologation de la rupture conventionnelle transmise à la direction départementale du travail et de l’emploi comprendra la mention explicite de cet élément clé de la procédure. Nous travaillons actuellement à l’élaboration du formulaire que nous pourrons transmettre aux parlementaires qui le souhaitent.

M. Jean-Pierre Decool – Vous m’avez convaincu et, après consultation des cosignataires de l’amendement, je le retire.

L'amendement 142 est retiré.

M. Jean-Pierre Decool – Le texte ne précise pas si, dans le cas d’une rupture par consentement mutuel, l’employeur ne peut se faire assister que par des salariés de l’entreprise ou s’il peut faire appel à des personnes extérieures. Sur ce point, il conviendrait de reprendre les règles applicables en matière de licenciement. Tel est l’objet de l’amendement 143.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement qui va dans le sens inverse de ceux examinés tout à l’heure concernant le recours à un avocat puisqu’il limite les possibilités d’assistance. La commission considère qu’il n’est pas anormal que le chef d’entreprise puisse être assisté éventuellement d’un tiers extérieur à l’entreprise – sans que celui-ci soit un avocat – dès lors que le salarié peut bénéficier d’une assistance syndicale. Pour l’équilibre même du dispositif, il nous semble qu’il faut repousser cet amendement. L’amendement 95 à venir de la commission précise d’ailleurs ce point.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis. Les amendements 142 et 143 allaient de pair. Si l’amendement 143 était adopté, alors que le 142 ne l’a pas été, on déséquilibrerait en effet le dispositif.

M. Jean-Pierre Decool – Je retire l’amendement.

L'amendement 143 est retiré.

M. Dominique Tian – Le texte prévoit que l’employeur peut se faire assister lors du ou des entretiens préalables, mais uniquement quand le salarié lui-même se fait assister. Celui-ci n’ayant aucune obligation d’informer préalablement l’employeur de son souhait d’user de cette faculté ou non, l’employeur ne saura s’il peut lui-même se faire assister qu’au début de l’entretien, ce qui réduit fortement sa possibilité effective de se faire assister. C’est pourquoi nous proposons par l’amendement 156 que le salarié informe l’employeur préalablement.

M. Roland Muzeau – Ce n’est pas dans l’ANI !

M. Jean-Frédéric Poisson – Le sous-amendement 161 précise que si l’employeur souhaite se faire assister, il en informe à son tour le salarié.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission n’a pas examiné ce sous-amendement. Mais la logique voudrait que, pour l’équilibre de la procédure, on approuve et le sous-amendement et l’amendement.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Le Gouvernement est favorable à l’amendement sous réserve que le sous-amendement qui l’équilibre soit adopté.

Le sous-amendement 161, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 156 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Gérard – Au moment où on essaie de simplifier le code du travail, il serait bon d’harmoniser les dispositions et de ne retenir, comme dans ce dernier, que les jours ouvrables, et non pas calendaires. L’amendement 144 substitue donc dans la première phrase de l’alinéa 14 le mot « ouvrables » au mot « calendaires ».

M. Dominique Dord, rapporteur – L’ANI est très clair sur le point, précisant qu’il s’agit bien de jours calendaires. Respectons-le à la lettre. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Faisons simple ! Comptabiliser les jours ouvrables et non les jours calendaires complexifierait la procédure et risquerait d’être source d’erreurs. Avis défavorable.

L'amendement 144 est retiré.

M. Dominique Tian – L’amendement 84, satisfait, tombe.

M. Jean-Patrick Gille – L’amendement 29 a été suscité par une remarque de Mme Brunel en commission qui a fait observer, à juste titre, que vu le manque de moyens des directions départementales du travail et de l’emploi, l’homologation des ruptures conventionnelles risque de se faire le plus souvent de manière tacite. Et que se passera-t-il si aucune des deux parties n’envoie la demande d’homologation, a-t-elle demandé ? Cela pourrait en effet arriver, le salarié comptant par exemple sur l’employeur pour envoyer le document. Au bout de quinze jours, chacun considérera que l’homologation a eu lieu tacitement. Notre amendement vise à ce que chacune des deux parties envoie de son côté le document. Cela faciliterait le travail du directeur départemental du travail qui n’aurait plus qu’à s’assurer de la conformité des deux documents. Cela éviterait que l’une des parties n’endosse à son détriment la responsabilité de la rupture et cela protégerait les salariés qui auraient été victimes d’une pression pour accepter une rupture conventionnelle, puisqu’en ce cas, il leur suffira de ne pas envoyer le document.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. J’avoue être plus sensible aux arguments développés ici qu’à ceux exposés en commission mais ne suis pas encore totalement convaincu. « La partie la plus diligente » peut parfaitement être « chacune des deux parties » : il n’y a pas là de contradiction.

S’il était adopté, cet amendement serait source d’ambiguïtés. Serait-il impératif que les deux parties demandent l’une et l’autre l’homologation ? Et à partir duquel des deux envois commencerait de courir le délai de quinze jours ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Le rapporteur a parfaitement raison : Cette disposition créerait une complexité source de contentieux. L’homologation vaut validation, et c’est l’intérêt des deux parties de transmettre ce formulaire. Rejet.

M. Jean-Patrick Gille – La rupture conventionnelle est un constat partagé de séparation. Les deux parties enverront donc le formulaire spontanément. Quant à la date de déclenchement, dans le formulaire, on peut indiquer la date de signature de l’accord, celle de la fin du délai de rétractation et celle de la demande d’homologation. Cet accord des deux parties sur les dates éviterait d’autres problèmes qu’on rencontre aujourd’hui, par exemple des documents antidatés.

L'amendement 29, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Vous aurez satisfaction car il est prévu de porter ces dates sur le formulaire.

M. Jean-Pierre Decool – Pour éviter tout abus de l’autorité administrative, notre amendement 145 fixe une possibilité de renouvellement de 15 jours avec des conditions de motivation et pour une durée limitée d’instruction.

M. Dominique Dord, rapporteur  Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Une telle disposition serait contraire à l’accord et créerait une possibilité de recours supplémentaire. Défavorable.

M. Jean-Pierre Decool – Je retire mon amendement.

L'amendement 145 est retiré.

M. Roland Muzeau – L’amendement 112 est défendu.

L'amendement 112, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Decool – L’amendement 146 précise que les compétences du conseil de prud’hommes portent aussi sur les conditions de la rupture.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Défavorable, par souci de clarté.

L’amendement 146 est retiré.

M. Roland Muzeau – Notre amendement 110 supprime l’alinéa 19 qui étend la possibilité de rupture conventionnelle aux salariés protégés. C’est aller plus loin que l’accord, alors que les partenaires sociaux n’en ont pas discuté, et cela crée un risque de pression patronale ou de corruption. Le représentant investi d’un mandat conféré par les salariés ne doit pas pouvoir négocier son départ.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable. Les salariés protégés ne sont pas visés par l’accord. Mais l’alinéa 19 sécurise leur situation. Vous pourriez donc retirer cet amendement

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Il n’y a dans l’accord aucune disposition concernant les salariés protégés. Mais l’État doit faire respecter l’ordre public social et donc les protéger. Il n’y a aucun risque.

M. Roland Muzeau – Le code du travail est très précis en ce qui concerne les salariés protégés. Mais leur ouvrir la possibilité de rupture conventionnelle ne leur apporte aucune protection supplémentaire. En revanche, le mandat de représentation que les salariés leur ont confié peut être remis en cause sans que ceux-ci soient consultés. Les relations du travail étant ce qu’elles sont, il y aura sans doute de nombreux cas de pressions conduisant le salarié protégé à négocier son départ.

M. Alain Vidalies – La question est complexe, car les deux interprétations sont soutenables. Le rapporteur a raison de dire que, si l’on ne mentionne pas explicitement les salariés protégés, dans la mesure où l’on sort du cadre d’un licenciement, ils n’auront pas de protection en cas de rupture conventionnelle. Inversement, l’argumentation de M. Muzeau n’est pas sans intérêt. Il faudrait trouver une solution plus équilibrée au Sénat.

L'amendement 110, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Decool – L’amendement 147 précise qu’est concernée uniquement la retraite à taux plein.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Le régime fiscal et social des indemnités de départ en retraite étant moins avantageux que celui des indemnités de licenciement, sur lequel le régime des indemnités de rupture conventionnelle est aligné, le risque est que certains salariés en profitent.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Cet amendement n’est pas anodin. Il permet de contourner les règles actuelles. Par exemple un salarié de 60 ans n’ayant pas une retraite à taux plein ne part pas, ordinairement. Mais il pourrait être tenté d’utiliser le régime plus favorable de la rupture conventionnelle. Cela posera des problèmes pour l’emploi des seniors. Je vous demande donc de retirer cet amendement.

L’amendement 147 est retiré.

M. Jean-Patrick Gille – Notre amendement 30 demande que le Gouvernement présente un rapport de suivi au Parlement dans les trois ans. M. Méhaignerie n’a pas tort de dire qu’on ne peut faire des évaluations sur tout. Mais il s’agit ici d’une innovation importante et pour laquelle il n’y a pas eu d’étude d’impact. D’autre part, les études d’impact et d’évaluation sont une obligation européenne pour les politiques de l’emploi.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable. Il va de soi que l’évaluation est souhaitable, mais je vous rappelle d’une part que notre Règlement intérieur prévoit la remise d’un rapport au Parlement dans les six mois qui suivent l’entrée en vigueur d’une loi, et d’autre part que, la rupture conventionnelle étant une telle nouveauté, les partenaires sociaux eux-mêmes ne manqueront pas d’en suivre l’évolution de très près.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Même avis.

L'amendement 30, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – L’amendement 111 vise à obliger le Gouvernement à présenter au Parlement, dans les deux ans qui suivent la publication de la loi, un rapport sur l’impact de ce dispositif sur le régime d’assurance chômage et sur les conséquences de la défiscalisation des indemnités de rupture – car ce ne sont pas les partenaires sociaux qui s’en chargeront. En effet, les effets d’aubaine pour l’employeur sont évidents.

Cette évaluation est d’autant plus indispensable que la CNAV a émis un avis négatif sur l’article 5 du présent texte. Enfin, Monsieur le ministre, quelles seront les conséquences d’éventuelles exonérations de cotisations sociales ?

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Même avis. Je rappelle que, pour éviter tout contournement du système, le dispositif est aligné sur les conditions de départ à la retraite. Ensuite, souvenez-vous du débat sur la loi organique relative aux PLFSS – vous siégiez alors au Sénat : l’annexe 5 prévoit non seulement la compensation, mais aussi la remise d’un rapport au Parlement. Nous n’allons donc pas ce soir revenir sur une disposition organique.

L'amendement 111, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 5, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Dominique Tian – L’article 6 me laisse perplexe. Il instaure à titre expérimental un CDD pouvant durer de dix-huit à trente-six mois, consacré à la réalisation d’un objet défini, réservé aux cadres et aux ingénieurs, et pouvant être rompu à la date anniversaire de sa conclusion pour un motif réel et sérieux. De deux choses l’une : soit le travail n’est pas satisfaisant, soit l’objectif du contrat est atteint. N’est-il pas trop complexe d’attendre la date anniversaire pour invoquer une cause réelle et sérieuse ? Qu’entend-on d’ailleurs par « date anniversaire » : s’agit-il de douze mois, de dix-huit mois, ou même davantage ?

J’ajoute que la sanction prononcée par les prud’hommes en cas de rupture d’un CDD sans motif réel et sérieux consiste pour l’employeur à verser les salaires restant dus jusqu’au terme du contrat. Imaginez ce que cela donnera si ce nouveau contrat est rompu au bout de douze mois, alors qu’il devait en durer trente-six…

Autre motif d’inquiétude : la priorité de réembauchage – mesure qui n’est actuellement appliquée que pour les licenciements économiques. Pourra-t-on continuer de parler d’un CDD, ou ne s’agira-t-il pas plutôt d’une période d’essai, en quelque sorte, qui donnerait droit à un CDI ? J’attends des éclaircissements sur ce que les syndicats ont ici voulu nous proposer, Monsieur le ministre.

M. Daniel Paul – Voici, une nouvelle fois, un article qui contribuera à la flexibilisation. Destiné aux seuls cadres et ingénieurs, il instaure le 38e contrat de travail de notre droit, dans la droite ligne de la précarité qui caractérise les CDD ou les contrats d’intérim. 

Pire encore : contrairement aux CDD classiques, ce nouveau contrat ne comprend pas de terme fixe, puisqu’il dépend de la réalisation d’un objectif. En outre, il peut être rompu au bout d’un an pour cause réelle et sérieuse, et non plus seulement pour faute grave comme c’est le cas aujourd’hui pour les CDD.

Vous nous affirmez à l’article 1er que le CDI est la forme normale du contrat de travail et, peu après, vous instaurez un nouveau contrat précaire : quelle hypocrisie ! Sachant que les cadres et les ingénieurs travaillent presque toujours sur projets, on ne peut que craindre pour leur statut ! Seront-ils condamnés à enchaîner les contrats de missions au gré des employeurs ?

J’irai plus loin : ce nouveau contrat est immoral. Songez qu’un salarié ayant réalisé un projet et, ce faisant, ayant enrichi l’entreprise, pourra prendre la porte sans que son contrat puisse être renouvelé ! Certes, la précarisation des cadres n’est pas nouvelle. Les secteurs sont nombreux où ils sont victimes d’un système tournant autour de la rentabilité financière, aux dépens des hommes et de leur travail. Ainsi, dans l’audiovisuel, certains journalistes sont condamnés à enchaîner les CDD dans l’illégalité la plus totale, alors qu’ils ont fait leurs preuves. La suppression de la publicité sur les chaînes publiques ne fera qu’accroître cette précarité.

De même, ce contrat de mission fera peser le risque que prennent les entreprises sur les seuls cadres et ingénieurs. Aux États-Unis, pourtant, les cadres embauchés sous ce type de contrat réduisent leur rythme de travail une fois le gros de l’effort fourni, afin de pouvoir en prolonger la durée. Il a prouvé ses limites !

Enfin, ce nouveau contrat est en contradiction avec l’allongement de la durée d’apprentissage d’un métier et la stabilité nécessaire à la construction de collectifs. Au nom du rendement, vous créez donc un objet parfaitement contre-productif !

M. Jean-Patrick Gille – L’article 6 instaure un contrat destiné à la réalisation d’un objet défini, reprenant ainsi une proposition émise dès 2004 par le rapport Virville et jusqu’ici toujours repoussée par les syndicats. Il s’agit, comme à l’article précédent, d’une grande nouveauté, qui illustre combien nous pouvons être créatifs en matière de contrats de travail.

Pendant longtemps, cette mesure était le cheval de Troie du patronat, qui entendait s’en servir pour dynamiter le CDI et, à terme, en faire un contrat unique. Si les syndicats l’ont finalement acceptée, c’est parce qu’ils ont obtenu qu’il s’agisse d’un CDD, et non d’un CDI. Rappelons que le CDD est une forme dérogatoire du contrat de travail qui ne peut excéder dix-huit mois. Or, vous nous proposez ici une dérogation à la dérogation, en quelque sorte, puisque ce nouveau contrat à durée déterminée, longue et finalement incertaine, pourra durer entre dix-huit et trente-six mois, mais que son terme sera imprécis, puisque lié à la réalisation d’un projet. Par ailleurs, il est restreint aux seule cadres et ingénieurs, limité par un accord de branche étendu et, contrairement au CDD, dont c’est même la raison d’être, il ne peut être utilisé pour faire face à une augmentation temporaire d’activité. Enfin, il est prévu que le contrat puisse être rompu à la date anniversaire de sa conclusion : disposition étrange pour un contrat qui ne peut pas être inférieur à 18 mois ! Cela mérite quelques précisions.

Mais au-delà de ces dispositions, nous n’avons aucune garantie que dans quelques semaines, à l’occasion de la loi de modernisation par exemple, un amendement ne viendra pas lever les restrictions et généraliser le contrat de projet, ce qui ne manquerait pas de trahir l’esprit de l’accord. Aucune garantie non plus que l’expérimentation sera menée jusqu’au bout – et même beaucoup trop d’exemples du contraire : avant même les première évaluations, nous nous débrouillons toujours pour modifier certains éléments, ce qui donne au final une multiplicité de contrats et aucun qui soit vraiment évalué ! Nous aimerions avoir des réponses précises, car ce sont les partenaires sociaux qui ont voulu cette expérimentation.

M. Roland Muzeau – En lieu et place du contrat de travail unique, qui a fait les belles heures du candidat Sarkozy, a été décidé un nouveau contrat à durée déterminée, qui vient s'ajouter aux dizaines de contrats spéciaux existant déjà : bel exemple de simplification du droit ! Mais le jeu en valait la chandelle puisque le « contrat à objet défini » n'est autre que ce contrat de mission que le MEDEF réclamait à cor et à cri depuis des années. Dans le droit actuel, l'embauche pour un projet d'une durée supérieure à dix-huit mois ne peut se faire que par CDI. Le projet achevé, et si aucun travail ne demeure pour lui, le salarié peut être licencié pour motif économique et bénéficie alors d'un certain nombre de protections. Sans doute les auteurs de l'accord et le Gouvernement ont-ils jugé ces garanties quelque peu excessives… Quoi qu’il en soit, le nouveau contrat donne la possibilité d'embaucher sous CDD pour une durée de dix-huit mois à trois ans.

Pour le salarié, cela signifiera trois années de précarité, sans accès au crédit ni peut-être au logement, avec pour seule perspective un hypothétique reclassement sur une autre mission. En outre, et contrairement aux CDD, ce contrat pourra être rompu avant l’échéance dans les mêmes conditions qu'un CDI et remis en cause tous les ans à la date anniversaire du contrat. Même les rapports Boissonat et Virville de 1995 et 2004 n’avaient osé aller aussi loin dans la précarité. À l’époque, les syndicats unanimes avaient rejeté cette proposition patronale…

L’amendement 113 propose donc de supprimer cet article, d’autant que nous avons déjà connu des expériences qui ont été étendues très largement au-delà des personnes initialement visées . Celle des forfaits jour par exemple : aujourd’hui, des centaines de milliers de salariés sont assujettis à ce forfait. Rien ne dit que le contrat de projet ne sera pas bientôt étendu bien au-delà des ingénieurs et des cadres. Ces inquiétudes sont suffisamment sérieuses pour justifier la suppression.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable. On reproche souvent à ce projet de loi de ne pas avoir transcrit l’intégralité de l’accord national interprofessionnel. Mais en l’occurrence, il s’agit d’un dispositif explicitement voulu par les partenaires sociaux ! Il n’est pas possible de ne pas donner suite à cette volonté.

L'amendement 113, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – L’amendement 117 vise à préciser que ce nouveau contrat précaire ne doit pas être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d'activité. Ce contrat contribue à polariser le marché du travail entre contrats stables et contrats précaires, puisque l’article premier continue à affirmer que le CDI est la norme. Même si l'organisation du travail en projets se généralise, notamment chez les ingénieurs et les cadres, ce n’est pas une raison pour créer un contrat aussi fondamentalement immoral : si le salarié mène à bien son projet, l'entreprise grandit… et le licencie ! Curieuse conception de la valeur du travail… Ce type de contrat pourrait même se retourner contre les entreprises : aux États-Unis, il est monnaie courante de voir des salariés ralentir leur travail pour reculer le terme de leur contrat, ou pour se consacrer à la recherche de leur futur emploi ! Le CDI répond sans doute mieux aujourd'hui aux besoins des entreprises. En tout état de cause, soit l'entreprise grandit et peut donner du travail à un salarié en CDI, soit elle rencontre des difficultés économiques et les modes de licenciement actuels suffisent. Mais même à supposer que le contrat de mission ait une quelconque utilité, le minimum est de préciser qu'il ne doit pas être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.

L'amendement 117, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – L’amendement 114 est défendu.

L'amendement 114, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur – L’amendement 11 est rédactionnel.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Roland Muzeau – Entre autres questions délicates, ce nouveau contrat rompt avec le principe de stabilité des contrats précaires avant terme. Actuellement, les contrats à durée déterminée sont précaires parce que rompus à leur terme, mais avant cette échéance, ils sont en contrepartie plus solides qu'un contrat à durée indéterminée. Ainsi, ils ne peuvent être rompus unilatéralement qu'en cas de faute grave ou de force majeure. Pourquoi le contrat de mission, contrat à durée déterminée dont l'échéance est la réalisation d'un objet défini, devrait-il échapper au droit commun des contrats de ce type ? La rupture au moment de la date anniversaire est exorbitante du droit commun et manifestement défavorable à l'intérêt du salarié. Que certains syndicats aient accepté une solution pire que les propositions du rapport Virville, qu'ils avaient vivement critiqué, ne doit pas nous interdire d’essayer de l’améliorer. L’amendement 115 propose donc de préciser que sauf accord des parties, le contrat ne peut être rompu avant son terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission s’est montrée très hésitante sur la question de la rupture du contrat à sa date anniversaire, qui se télescope avec la durée minimale de dix-huit mois. Cette situation résulte des positions divergentes des signataires de l’accord national interprofessionnel. La sagesse eût peut-être été de ne pas trancher dans la loi, puisqu’en tout état de cause des accords collectifs de branche ou d’entreprise seront obligatoires pour mettre en œuvre le nouveau contrat. La question serait donc réglée au cas par cas. Il faut également prendre en considération le fait que la rupture au bout de douze mois peut bénéficier à l’employeur, mais aussi à l’employé. Au bout du compte, la commission a fini par donner un avis défavorable à l’amendement 115 et au 27 qui le suit, au profit de l’amendement 157 de MM. Tian et Tardy qui viendra tout à l’heure.

L'amendement 115, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Patrick Gille – Si la commission a choisi l’amendement 157, je suis prêt à retirer l’amendement 27 qui revenait à peu près au même, une rupture au bout de vingt-quatre mois, et à me rallier à M. Tian.

L'amendement 27 est retiré.

M. Dominique Tian – Merci ! L’amendement 157 a été largement défendu, tant par le Rapporteur que par M. Gille…

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Les signataires de l’accord ont longuement débattu de l’interprétation à donner à la date anniversaire, qui survient au bout de douze et vingt-quatre mois selon les uns, mais uniquement au bout de vingt-quatre mois selon les autres. Selon mon interprétation – qui se fonde sur des échanges avec tous les signataires –, dans la mesure où la durée minimale du contrat est de dix-huit mois, l’employeur ne saurait y mettre fin au bout de douze mois, sauf à verser au salarié dix-huit mois de salaire ; en revanche, la rupture du contrat devient possible au bout de dix-huit mois, puis de vingt-quatre mois. Elle l’est également, à tout moment, en cas de faute grave, de force majeure ou d’un commun accord, comme pour tout CDD.

Monsieur Tian, votre amendement va donc trop loin : il remet en cause l’équilibre auquel les signataires de l’accord étaient parvenus. En avez-vous parlé avec eux ?

M. Dominique Tian – Pas autant que vous, mais j’en ai discuté avec certains d’entre eux, et chacun avait une interprétation différente de la date anniversaire, que la commission n’est pas davantage parvenue à identifier. En adoptant cet amendement, notre Assemblée apporterait à l’accord la précision qui lui fait défaut.

M. Alain Vidalies – L’intervention de M. le ministre montre que nous sommes allés un peu vite en besogne en considérant que cet amendement rejoignait le nôtre. En effet, « après le dix-huitième mois » signifierait que le contrat peut être rompu chaque mois du dix-huitième au vingt-quatrième mois ; l’amendement 157 s’éloigne donc de l’accord et vide de son sens la notion même de date anniversaire. En revanche, selon l’interprétation de M. le ministre, en cohérence avec l’accord, le contrat pourrait être rompu au dix-huitième mois, puis au vingt-quatrième. Nous nous rangeons à cette dernière position, qui a été inspirée à M. le ministre par M. Gille (Rires).

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Monsieur Tian, en supprimant toute référence à la date anniversaire, l’on renoncerait au principe d’un CDD à objet défini et l’on exposerait chaque mois les parties – y compris les entreprises, qui appelaient ce contrat de leurs vœux – à une incertitude que n’ont pas souhaitée les signataires. La rédaction de l’amendement ne me permettant pas de le sous-amender, je vous propose plutôt, comme pour d’autres textes, de vous associer aux travaux préparant l’examen du texte au Sénat, qui pourraient permettre de résoudre cette difficulté.

M. Dominique Tian – Faute de précisions, j’ai simplement procédé par analogie avec la durée maximale des CDD de droit commun, qui est de dix-huit mois.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Mais en renonçant à mentionner la date anniversaire, on crée un CDD à objet défini de dix-huit mois et on renonce à l’innovation expérimentale prévue par l’accord.

M. Dominique Dord, rapporteur – À moins que M. Tian ne retire son amendement…

M. Dominique Tian – Il a été adopté par la commission !

M. Dominique Dord, rapporteur – …je ne peux que me rendre, à titre personnel, aux raisons de M. le ministre, et m’abstenir de voter l’amendement 157, en attendant que la préparation de l’examen du texte par le Sénat, à laquelle seront associés les signataires de l’amendement, permette de faire la lumière sur ces points.

M. Dominique Tian – Je maintiens mon amendement.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – C’est renoncer au CDD à objet défini de trente-six mois !

L'amendement 27, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Tian – Ces amicales pressions me convainquent de retirer mon amendement (Exclamations sur divers bancs).

L'amendement 157 est retiré.

M. Jean Mallot – L’amendement 32 concerne la question cruciale, déjà évoquée, du droit à l’assurance chômage au terme du CDD à objet défini. Il propose de compléter la dernière phrase de l’alinéa 7 de l’article par les mots : « et il bénéficie des allocations d’assurance chômage dans les conditions de droit commun ». Ce sont là les termes exacts de l’article 12 de l’ANI, qui stipule que le salarié a droit aux allocations du nouveau dispositif d’assurance chômage à l’issue de son contrat à objet défini si l’employeur ne lui propose pas de poursuivre son activité sous la forme d’un CDI ou si lui-même le refuse. Il est donc indispensable d’adopter cet amendement si l’on tient à respecter les termes de l’accord.

Je répondrai par avance à une objection que le ministre a déjà opposée à un précédent amendement à l’article 5 : en mentionnant le « nouveau dispositif d’assurance chômage », les partenaires sociaux anticipent sur les futures dispositions contractuelles relatives à la gestion de l’UNEDIC.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable. L’amendement est inutile, car le droit à l’assurance chômage, qui pouvait poser problème en cas de rupture conventionnelle – laquelle suppose l’accord du salarié –, est en revanche assuré par le contrat à objet défini, comme par tout CDD.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement 32, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Tian – L’amendement 158 propose d’aligner sur celles qui s’appliquent au CDI les sanctions encourues par l’employeur qui romprait le contrat à la date anniversaire sans motif réel et sérieux.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable, car l’amendement n’est pas conforme à la logique de l’accord : les partenaires sociaux ont délibérément fait du contrat à objet défini une nouvelle catégorie de CDD, à laquelle s’applique, moyennant quelques spécificités, le régime commun de ces contrats – notamment l’obligation, pour l’employeur rompant le contrat de manière anticipée et injustifiée, de verser au salarié tous les salaires qui lui sont dus jusqu’au terme du contrat. Seuls les CDI ouvrent droit aux indemnités pour licenciement abusif ou nul.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Avis défavorable, car l’amendement est défavorable aux salariés.

M. Dominique Tian – C’est clair ! (Rires sur tous les bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Alain Vidalies – Voilà qui a le mérite d’être franc… Cet amendement permettrait au contrat chassé par la porte de revenir par la fenêtre, dénaturant ainsi le texte de l’accord. En effet, le choix d’un CDD à objet défini résulte du refus que les organisations syndicales ont opposé à un CDI à objet défini, nouvel avatar du contrat unique. Ainsi a été inventé un contrat spécifique, de plus longue durée que le CDD, mais relevant de la même catégorie – à ceci près qu’il peut être rompu pour une cause réelle et sérieuse, alors que les autres CDD ne peuvent être rompus qu’en cas de faute grave. Cette dernière disposition n’est guère favorable aux salariés, Monsieur Tian. L’équilibre a donc déjà été trouvé. En revanche votre amendement va beaucoup plus loin. La sanction de la rupture d’un CDD est le paiement des salaires dus jusqu’à l’échéance du contrat, alors que pour le CDI, des dommages et intérêts sont réclamés. L’effort d’ouvrir la légitimité du licenciement pour cause réelle et sérieuse ayant été fait, il ne faut pas dénaturer ce compromis.

M. Dominique Tian – Mon objectif est que ce contrat fonctionne et qu’il ne connaisse pas le sort du « contrat senior » qui n’a connu que 80 signataires.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Vingt, seulement !

M. Dominique Tian – Si à la date anniversaire, qui est le dix-huitième mois, la cause réelle et sérieuse est évoquée sans être retenue, l’employeur sera condamné systématiquement à payer dix-huit mois d’indemnités. Je doute que, dans ces conditions, les employeurs acceptent de signer de tels contrats.

L'amendement 158, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Dord, rapporteurL’amendement 12 est de coordination, l’amendement 13 est rédactionnel.

M. Jean-Frédéric Poisson – L’amendement 21 est identique à l’amendement 13.

L’amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 13 et 21, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Roland Muzeau – L’amendement 116 est défendu.

L'amendement 116, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur – L’amendement 14 est de précision.

L'amendement 14, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Francis Vercamer – Il est prévu d’expérimenter ce contrat pendant une période de cinq ans, au terme de laquelle un rapport sera présenté au Parlement. Un comité d’évaluation pourrait suivre la mise en œuvre de ce contrat et, le cas échéant, proposer des aménagements, afin de lui éviter le sort du « contrat senior » évoqué par M. Tian. Tel est le sens de l’amendement 136.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, non pour son principe, mais parce que l’ANI a déjà prévu un comité de suivi. Pourquoi la loi imposerait-elle ce comité alors que les signataires de l’accord auront eux-mêmes à cœur de vérifier la bonne application de ce contrat ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – L’amendement est satisfait, en effet.

M. Francis Vercamer – L’argument, un peu court, de M. Dord pourrait s’appliquer à l’ensemble de l’accord. Dès lors que l’ANI s’applique à l’ensemble des entreprises, pourquoi avoir recours à la loi ? Mais pour satisfaire la commission et le Gouvernement, je retire cet amendement.

L’amendement 136 est retiré.

M. Dominique Dord, rapporteur – L’amendement 15 est rédactionnel.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 7

M. Dominique Dord, rapporteur – L’amendement 16 est de précision.

L'amendement 16, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 8

M. Jean-Frédéric Poisson – Nous nous apprêtons à inscrire dans notre droit la définition du portage salarial, prenant ainsi en compte une réalité économique et les intérêts de secteurs dont l’importance s’affirme chaque jour. Le portage est même susceptible de régler en partie le problème de l’emploi des seniors et, même si, comme l’a indiqué M. Muzeau en commission, il comporte des éléments de précarité, cet article est préférable au vide actuel.

Pour autant, faut-il réglementer cette activité ? Ceux qui la pratiquent considèrent que les règles qui leur sont déjà appliquées sont suffisantes. Au contraire, pour d’autres, elle serait entachée d’illégalité, et j’avoue avoir été quelque peu interloqué par la mention qui figure en ce sens dans l’ANI. Évitons donc de nous laisser entraîner, à notre corps défendant, dans un conflit de territoires…

Il est prévu de confier à la branche « la plus proche », c’est-à-dire celle du travail temporaire, la responsabilité d’encadrer la profession, perspective que je ne trouve guère rassurante. En effet, de nombreuses différences existent entre le travail temporaire et le portage salarial, à commencer par les objectifs, les rémunérations et les populations concernées, et je considère qu’un rapprochement serait dangereux pour l’activité de portage. Tel sera le sens des amendements que je défendrai.

J’ajoute qu’il me paraît nécessaire de maintenir la possibilité d’une clause d’exclusivité, sans laquelle le portage salarial n’existerait tout simplement pas.

M. Roland Muzeau – L'emploi triangulaire, jusqu'ici considéré comme un délit pénal – prêt illégal de main d'œuvre, délit de marchandage – est pour le moins opaque. Son extension permet la renaissance de formes d'exploitation particulièrement lucratives.

Le portage est d'autant plus inacceptable que l'on voit mal quelle est la prestation fournie par la société dès lors que, contrairement à l'intérim, le salarié négocie lui-même ses contrats et qu’il est responsable de son activité et de son salaire. Le seul rôle de la société de portage est de spéculer et d’exploiter la capacité de négocier du salarié.

J'ajouterai que ces entreprises ont un impact considérable sur le traitement du chômage, la croissance du marché du placement allant de pair avec le recul des missions dévolues au service public, aujourd’hui cantonné à un rôle de contrôle. Si j’adhère à votre argumentation qui vise le lobbying de l’intérim, Monsieur Poisson, je regrette que votre majorité ait confié à ce secteur la responsabilité du placement – très lucratif – des RMistes. Nous proposons donc, par l’amendement 118, de supprimer cet article.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission a rejeté cet amendement.

M. Roland Muzeau – Elle a eu tort ! (Sourires)

M. Dominique Dord, rapporteur – Elle a souhaité respecter la volonté des partenaires sociaux, qui est de préciser les contours de cette forme de salariat et de l’entourer de garanties juridiques, les ASSEDIC contestant notamment l’existence d’un lien de salariat entre portés et entreprises de portage. Les activités de portage s’étant développées de façon informelle, à l’exception du conseil qui est régi depuis peu de temps par un accord collectif, l’ANI tend à confier à la branche de l’intérim le soin d’organiser ce secteur. Le projet de loi reprend cette stipulation en la limitant dans le temps.

Certains amendements tendent à préciser la définition du portage, d’autres à garantir que certaines activités trouveront leur place dans la nouvelle architecture. Bien que les préoccupations dont ils témoignent soient légitimes, la commission les a tous repoussés afin de respecter le texte signé par les partenaires sociaux. Peut-être pourriez-vous tout de même nous donner, Monsieur le ministre, des garanties, point par point…

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – J’ai été choqué par les propos de M. Muzeau au sujet de l’intérim. Nous sommes au XXIe siècle !

M. Roland Muzeau – Et alors ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Alors les partenaires sociaux se tournent vers cette branche, pendant que d’autres continuent à véhiculer des idées éculées ! L’intérim apporte une réponse utile. Il ne faut pas nier la réalité du monde du travail ! (« Très bien » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Par ailleurs, nous avons clairement rappelé quelle était la forme générale et normale du contrat de travail : c’est le CDI. Il faut cesser de porter sur l’intérim le même regard qu’au siècle dernier et de raconter n’importe quoi.

M. Roland Muzeau – L’intérim n’existait pas au siècle dernier…

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Des garanties étaient nécessaires en matière de portage. Comme je m’y étais engagé à l’ouverture de nos travaux, j’ai écrit au délégué général du Prisme, organisation chargée de représenter la branche de l’intérim. Dans ce courrier, j’indiquais que ce projet de loi donnerait force obligatoire à l’ANI du 11 janvier dernier, qui confie le soin de sécuriser le portage salarial à la branche du travail temporaire ; qu’il me semblait opportun de procéder à une large consultation des différents acteurs concernés, dont certains ont déjà pris des initiatives pour réguler leur activité ; et enfin que le portage devrait être organisé par la branche de l’intérim sans que les personnes « portées » deviennent pour autant des intérimaires, l’activité de portage présentant des caractéristiques propres.

Dans une lettre que j’ai reçue en réponse, le Prisme a confirmé que des négociations seraient ouvertes dès la promulgation de la loi et qu’il serait proposé aux trois fédérations regroupant les entreprises de portage ainsi qu’à différents chefs d’entreprise d’être associés aux travaux, ce qui correspond à une demande du rapporteur. J’ai également obtenu l’assurance que l’objectif du Prisme serait d’apporter des garanties aux salariés, et que le portage serait défini comme une activité exercée à la fois par des sociétés de portage et par des entreprises de travail temporaire. Vous voyez que l’intérim ne prendra pas la place des activités qui existent aujourd’hui.

M. Jean-Frédéric Poisson – Pour répondre à ce que disait M. Muzeau, je ne me souviens pas d’avoir tenu tous les propos qu’il me prête…

Sur le fond, nous ne cédons pas au lobbying, comme l’a bien montré le courrier cité par le ministre. Le seul objectif est de régler les difficultés juridiques actuelles. Il faut que l’on puisse faire du portage salarial sans avoir à se dissimuler. Nous ne voterons pas la suppression de l’article, car ce qui nous est proposé va dans le bon sens.

L’intérim a peut-être donné lieu, parfois, à certaines formes d’exploitation, et certains acteurs continuent sans doute à abuser de leur position, mais je ne pense pas qu’ils soient pas majoritaires. Je ne suis pas non plus d’accord avec M. Muzeau quant au rôle joué par cette branche dans le reclassement des RMistes. Regardez ce qui se passe sur le terrain !

M. Francis Vercamer – Certaines entreprises de portage se sont inquiétées de l’exclusivité qui serait accordée à la branche de l’intérim, et j’avoue que j’avais été convaincu par l’intervention de notre collègue Jean-Frédéric Poisson sur l’article. Toutefois, j’ai été rassuré par les explications données par le ministre : tout le monde travaillera ensemble sur ce sujet.

À l’intention de M. Muzeau, je rappelle que nous étions déjà nés au siècle dernier, et que l’intérim existait déjà à cette époque. Evitons de faire du Zola et de parler de lutte des classes ! De nombreux salariés utilisent aujourd’hui le portage pour obtenir un emploi dans certains métiers.

L'amendement 118, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Frédéric Poisson – Les amendements 22 et 23 sont défendus.

Les amendements 22 et 23, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Roland Muzeau – Je défends l’amendement 119.

L'amendement 119, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 24 est retiré.

M. Jean-Frédéric Poisson – Le ministre ayant largement répondu à nos interrogations, je retire l’amendement 25 rectifié si M. Tian en est d’accord (Assentiment de M. Tian).

L'amendement 25 rectifié est retiré.

M. Dominique Tian – Les amendements 86 et 87 sont défendus.

Les amendements 86 et 87, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 90 est retiré.

M. Jean-Pierre Decool – La stipulation de l’ANI attribuant à la branche de l’intérim la mission d’organiser par accord collectif la branche du portage salarial est dérogatoire au droit commun de la négociation collective.

Sans aller jusqu'à imposer une commission paritaire composée des différentes organisations représentatives, l’amendement 151 tend à encadrer cette dérogation en associant les entreprises et les salariés concernés.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable. Compte tenu des excellentes explications de l’éminent représentant du Gouvernement (Sourires), il me semble que cet amendement pourrait être retiré.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même position.

L'amendement 151 est retiré.

M. Jean-Pierre Decool – L’amendement 148 tend à préciser le contenu de l’accord.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, qui nous semble aller trop loin dans la définition de l’accord.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Pour les raisons expliquées par l’excellent rapporteur (Sourires), même avis.

L'amendement 148 est retiré.

M. Dominique Tian – L’amendement 88 est retiré.

L'amendement 88 est retiré.

L'article 8, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

M. Dominique Tian – Le projet de loi instituant le CNE avait reçu l’avis favorable du Conseil d’État, sans que jamais il ait été fait référence aux textes de l’OIT. Le CNE a rencontré un grand succès…

Un député du groupe SRC – Pas devant les tribunaux !

M. Dominique Tian – …puisque plus de 600 000 de ces contrats ont été signés. Et depuis le 1er janvier 2008, 30 000 autres l’ont été. Qu’un accord national interprofessionnel raye ainsi d’un trait de plume ce contrat, c’est le droit des organisations syndicales ! Mais que l’on nous permette à nous, parlementaires, de dire notre inquiétude car il y va tout de même de la parole de l’État pour les chefs d’entreprise, mais aussi pour les salariés qui ont pu être séduits par une solution assez souple. Supprimer ainsi du jour au lendemain les CNE et les requalifier en CDI est tout à fait contestable sur le plan moral. On aurait pu laisser les prud’hommes juger au cas par cas des licenciements abusifs. Pour les chefs d’entreprise qui nous avaient fait confiance, la peine est lourde et ils trouvent la pilule particulièrement amère.

M. Daniel Paul – Le 14 novembre 2007, les deux principales caractéristiques du CNE, à savoir une période de consolidation de deux ans et la possibilité d’un licenciement sans motif communiqué préalablement, ont été déclarées contraires au droit international par l’OIT. Nous nous félicitons de cette belle victoire syndicale, due à une mobilisation sans relâche et à une intervention auprès de la juridiction internationale pour faire valoir les droits élémentaires des salariés.

Le CPE s’inscrivait dans une logique strictement identique, et si l'article 2 du présent texte relatif à la durée de la période d'essai n’a pas été à la hauteur des attentes patronales, l'idée est toujours d’allonger le plus possible la période durant laquelle l'employeur pourra congédier sans explication aucune son salarié. Pourquoi cet acharnement dans une voie contraire au droit international ?

L'argument maintes fois avancé lors des débats sur le CNE et le CPE était que le marché du travail français était trop rigide, trop favorable au salarié, de sorte que les employeurs étaient réticents à embaucher, redoutant de ne pouvoir ensuite se séparer d’un salarié dont ils regretteraient l’embauche. S’ils pouvaient au contraire se débarrasser de leurs salariés plus facilement, ils résoudraient, presque d'un coup de baguette magique, le problème du chômage en embauchant massivement, nous faisait-on valoir (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Que vaut l'argument selon lequel l'obstacle principal aux créations d'emploi résiderait dans la rigidité du marché du travail ? Plusieurs indicateurs laissent à penser qu’il ne tient pas. Le nombre de salariés en CDD ou en intérim, qui s'élève aujourd'hui à 2,5 millions, atteint un record historique. Dans la proposition de loi tendant à lutter contre la précarité de l’emploi que j’avais eu l’honneur de défendre ici même en novembre 2003, nous avions proposé de limiter à 5 % de l’effectif d’une entreprise la proportion d’intérimaires. On est aujourd’hui bien au-dessus de ce pourcentage ! Par ailleurs, le nombre de salariés en CDI licenciés chaque année oscille entre 800 000 à 900 000. Enfin, les licenciements pour motif personnel représentent désormais trois quarts des licenciements. Quant aux procédures de licenciement, dans neuf cas sur dix, à l'exception des licenciements économiques collectifs, elles sont très simples, se limitant à un entretien suivi d’un courrier précisant les motifs du licenciement. En fait, licencier un salarié en CDI dans les deux premières années ne coûte quasiment rien. Étant donné la forte instabilité du marché du travail, autant dire qu'une bonne partie des salariés n’est pas surprotégée, comme votre majorité aimerait à le laisser croire.

Les vrais problèmes du marché du travail sont ailleurs ! Ils résident dans la prise en compte croissante du seul taux de rentabilité comme critère de réussite économique, dans la recherche permanente de la compression des coûts, dans l'idée selon laquelle les salariés sont un coût et non un investissement pour l'entreprise. Plus généralement, nos sociétés souffrent de la mise en concurrence des salariés, toujours plus féroce à l'échelle mondiale, pour enrichir les détenteurs du capital, sans grande considération pour la qualité du travail et pour le sort des forces de production.

Certains d’entre vous sourient. Hélas, cette réalité, dénoncée ici même à plusieurs reprises, n'a pas changé. Et au risque de surprendre M. Vercamer ou M. Poisson, je dirais que c’est cela la lutte des classes – car elle existe toujours ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) En témoignent le développement de la précarité et du nombre de travailleurs pauvres, le manque d'offres d'emploi, le développement du sous-emploi, le fort taux de chômage des jeunes et des seniors, le non-fonctionnement de l’ascenseur social pour les classes moyennes. Voilà la réalité qui conduit à un développement sans précédent de la précarité et de la pauvreté.

Mme Valérie Rosso-Debord – Mais pourquoi n’y a-t-il donc pas davantage d’adhérents au parti communiste ?

M. Daniel Paul – Ce sont ces difficultés qui expliquent le sous-emploi dans notre pays. Interrogez-vous sur les raisons pour lesquelles certains secteurs, comme la marine marchande, que je connais bien, ou le bâtiment, ont tant de mal à recruter (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Vous pouvez sourire, cela ne fait que confirmer votre ignorance des réalités… (Protestations sur les mêmes bancs)

M. Philippe Vitel  Cessez de nous donner des leçons !

M. Daniel Paul – À tous ces maux, votre texte ne répond pas. Il ne relève pas les véritables défis de la modernisation du marché du travail. Vous ne serez donc pas étonnés que nous votions contre.

M. Philippe Vitel – Vos amis syndicalistes doivent rire !

M. Jean-Frédéric Poisson – Monsieur Paul, l’intérim n’est pas exactement ce que vous dites. Beaucoup de salariés, notamment parmi les jeunes, l’ont choisi parce cela leur permet une gestion plus souple de leur temps.

Pour le reste, la réalité que vous décrivez ne justifie pas l’interprétation que vous en faites. On peut être d’accord sur votre constat sans être un défenseur du matérialisme dialectique (Sourires). Je vous donne rendez-vous lors du débat sur le projet de loi relatif à la modernisation de l’économie au cours duquel nous débattrons des sujets que vous avez abordés et qui n’ont qu’un rapport lointain avec cet article 9…

Pour en revenir à celui-ci, les questions soulevées sont juridiques. Comment mettre en conformité notre droit avec le droit international ? Comment assurer une sécurité juridique aux entreprises alors qu’aujourd’hui la jurisprudence quasiment constante des prud’hommes tend à requalifier les CNE en CDI ?

Deux questions demeurent par ailleurs en suspens sur lesquelles nous attendons des réponses du Gouvernement. Tout d’abord, celle de la rétroactivité. Ensuite, celle du traitement de la période d’essai. Ce dernier point fera d’ailleurs l’objet d’un amendement de M. Vercamer, complété par M. Tian.

M. Lionel Tardy – Votre intervention, Monsieur Paul, montre que vous n’aviez pas compris la philosophie du CNE. Pour ma part, j’ai embauché des personnes en CNE, dont j’ai d’ailleurs transformé par la suite le contrat en CDI. Le CNE n’avait rien à voir ni avec le CCD ni avec l’intérim. Il n’était pas fait pour répondre à un surcroît d’activité temporaire des entreprises.

Au 30 juin 2006, il y a eu 156 000 CNE, dont 110 000 dans les entreprises de un à neuf salariés, qui hésitaient à embaucher. Six salariés sur dix sont toujours dans le poste six mois après la signature du contrat, ce qui est beaucoup mieux que pour d’autres contrats. Enfin, 57 % des ruptures sont à l’initiative des salariés, ce qui prouve que ce n’était pas un instrument aux mains des employeurs.

Dans cet article, ce que je n’accepte pas, c’est la requalification des CNE en cours en CDI de droit commun. L’accord national interprofessionnel enterrait le CNE, mais ne prévoyait en aucun cas cette requalification. Ce que les chefs d’entreprise demandent, c’est qu’on laisse les CNE en cours aller à leur terme. Beaucoup se passent très bien, d’autres sont dénoncés par les salariés. Il n’y a aucune raison de les transformer en CDI de façon arbitraire ! (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP)

M. Francis Vercamer – J’ai été l’un des plus ardents opposants au CNE, essentiellement en raison de l’insécurité juridique qu’il créait. Mais le CNE comme le CPE étaient déjà des CDI, avec une période d’essai de deux ans pendant laquelle on pouvait licencier sans motif. C’est ce que l’OIT a condamné.

M. Marc Dolez – Très bien.

M. Francis Vercamer – Donc, « requalifier » un CNE en CDI n’a rien d’extraordinaire, puisqu’en c’en était déjà un.

J’ai été plus hostile au CPE car il y avait là une discrimination à l’encontre des jeunes tandis que le CNE fait simplement une différence entre catégories d’entreprises, ce qui existe déjà dans le code du travail.

On requalifie donc tous les CNE en CDI de droit commun. Or nous venons de voter un article 2 qui indique que la période d’essai ne se présume pas. Pour la PME, le CNE avec période d’essai de deux ans va devenir d’un coup un CDI sans période d’essai, soit une situation moins favorable que celle de la grande entreprise qui aurait signé un CDI avec une période d’essai. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement pour que le CNE soit requalifié en CDI avec une période d’essai légale. Certes, cela concerne très peu de monde, puisque la période d’essai est de quelques mois. Mais de petites entreprises de bonne foi vont signer des CNE jusqu’à la promulgation de la loi et s’en trouveront pénalisées. Qu’on leur laisse au moins la période d’essai de quelques mois !

M. Alain Vidalies – Nous allons tourner une page peu glorieuse de notre droit social, celle du CNE et du CPE qui ont remis en cause d’une manière inconnue jusqu’alors les conditions de recrutement des salariés.

Avec le CNE, on visait les petites entreprises en disant qu’elles préféraient avoir à disposition des salariés précaires et n’embaucheraient qu’à cette condition. C’était une approche très idéologique. Vous vouliez offrir aux petites entreprises des travailleurs qu’elles pourraient licencier à tout moment, alors que les 800 000 entreprises artisanales affiliées à l’UPA demandaient au même moment d’avoir des représentants syndicaux ! Votre vision de l’entreprise était d’un archaïsme sans nom, à l’opposé de ces petits entrepreneurs qui voulaient organiser le dialogue social.

Et quel a été le résultat ? Selon la DARES, le CNE a permis des embauches dans les petites entreprises sans avoir d’effet net sur l’emploi. Comme ce texte était en contradiction avec nos engagements internationaux, nous avons été sanctionnés par l’OIT. Aujourd’hui, vous abrogez le CNE. Mieux vaudrait dire clairement aux chefs d’entreprise que vous les avez trompés. De toute façon, avant même que nous le l’abrogions, le CNE n’existe plus en raison des décisions des cours d’appel et de la position de l’OIT.

Quant à l’amendement de M. Vercamer, il réinvente une période d’essai qui ne concernerait que les CNE signés ces derniers jours. Mieux vaut tourner la page. Débattre d’un accord entre les partenaires sociaux participe quand même d’une autre vision que celle que vous aviez donnée, d’un marché du travail dans lequel les salariés n’avaient aucun droit. Ce n’est ni ce que les jeunes ni ce que les chefs de petite entreprise attendaient, car il existe aussi dans ce pays une autre conception des relations sociales.

M. Dominique Dord, rapporteur – Les partenaires sociaux ont été clairs : ils souhaitent que le principe de motivation des licenciements s’applique à tous les contrats de travail. De même, la convention de l’OIT et la jurisprudence française sont sans équivoque en la matière.

Lors de la discussion générale, chacun a pu se réjouir de la primauté accordée à la démocratie sociale sur la démocratie politique. Songeons que si le nouveau cadre du dialogue social instauré par la loi de janvier 2007 avait existé, nous n’aurions jamais créé le CNE ! De même, aujourd’hui, il serait paradoxal de vouloir maintenir un contrat qui ne fait pas l’unanimité. Plutôt qu’un CNE dénaturé qui exposerait les chefs d’entreprise à des risques de contentieux, il convient de requalifier ce contrat dans les termes prévus à l’article 9 du présent projet (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP).

J’en viens à l’amendement 17 rectifié : il est rédactionnel.

L'amendement 17 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Tian – Nous avons proposé le CNE aux chefs d’entreprise ; est-ce pour leur dire aujourd’hui qu’il s’agira désormais de CDI ? Il en va de la parole des députés, et de celle de l’État. Il est de notre devoir d’accompagner ceux qui ont été fourvoyés par notre propre faute. L’amendement 89 vise donc à supprimer la rétroactivité prévue par le texte. Il va de soi que vos explications pourraient nous inciter à le retirer, car nous sommes gens disciplinés.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Nul doute que le CNE a apporté une flexibilité souhaitable à un moment précis de la bataille pour l’emploi, même si son succès est désormais passé, puisqu’il ne concerne plus que 0,7 % des embauches. Nombre de chefs d’entreprise ont pourtant joué le jeu : vous-même, Monsieur Tardy, comme d’autres dans ma circonscription, par exemple. On sait que 8 % des embauches réalisées depuis son entrée en vigueur n’auraient pas eu lieu sans le CNE. La CGPME s’est largement mobilisée pour assurer son succès. L’État et le Parlement ont engagé leur parole.

Ce n’est qu’après son entrée en vigueur que les cours d’appel de Bordeaux et de Paris l’ont sanctionné, en soulevant deux questions : la motivation du licenciement d’une part, et la période d’essai d’autre part. Ajoutons, comme M. Tardy l’a déjà fait, que le CNE lui-même n’a pas de terme, puisque c’est un CDI ; seule la période d’essai en a un. Or, l’OIT exige que cette période d’essai soit soumise à la discussion entre partenaires sociaux.

Si la rétroactivité était totale, des salariés dont le CNE a été rompu pourraient demander la requalification de leur contrat auprès d’un tribunal. Ce n’est pas le cas. Certes, Monsieur Tardy, l’accord de janvier dernier stipule qu’il faut tirer les conséquences de l’histoire de ce contrat. Pour autant, renoncer à le requalifier en CDI reviendrait à créer un vide juridique. Il va de soi que requalifier des CNE non rompus en CDI ne pose aucun problème.

On pourrait arguer que le mode de rupture du CNE perdurera. La publicité autour de ce contrat fut grande, néanmoins. Or, nul n’est censé ignorer la loi, pas plus que la réalité des choses. Je rappelle donc que toutes les organisations syndicales considèrent que l’abrogation du CNE telle qu’elle est prévue dans le projet de loi est conforme à l’esprit et à la lettre de l’accord. Et c’est tout naturel : sur un tel sujet, l’accord des syndicats était indispensable.

Si la CGPME s’est exprimée sur le sujet, ni l’UPA ni le MEDEF ne l’ont fait. Et pour cause : les entreprises de moins de vingt salariés sont directement concernées par le CNE. Naturellement, chacun a bien compris que sa transformation en CDI ne date pas de ce projet de loi, ni même de l’accord de janvier, mais du mois de novembre, date à laquelle l’OIT a rendu sa décision. J’ai, dès réception de celle-ci, écrit à l’ensemble des organisations professionnelles pour les informer qu’il n’y aurait désormais plus de licenciement sans motivation. Certains craignaient que cela n’entraîne des milliers de licenciements, mais il ne s‘est rien passé de tel, et ce pour une raison simple : un employeur embauche un salarié en CNE parce qu’il en a besoin. La requalification en CDI ne changera donc strictement rien.

Notre démarche est pragmatique. Cet accord apporte davantage de sécurité juridique aux entreprises. Et nous tirons les leçons du CNE : plus jamais le code du travail ne sera modifié sans l’accord des partenaires sociaux. Voilà pourquoi nous avons adopté la loi de janvier 2007, et voilà pourquoi nous la mettons aujourd’hui en application. La remettre en cause à la première occasion romprait la confiance établie.

S’agissant de la période d’essai, comme nous le dira M. Vercamer en défendant son amendement, il ne convient pas de la faire disparaître lors de la requalification. Le Gouvernement sera donc favorable à cet amendement, tout en se réjouissant que MM. Tardy et Tian aient cosigné un sous-amendement qui l’améliore, notamment pour les chefs d’entreprise et les salariés qui ont signé des CNE au premier trimestre.

Le CNE a fait couler beaucoup d’encre. Aujourd’hui, il est derrière nous. Ne laissons donc pas croire que la motivation est la seule question importante, alors que la période d’essai l’est tout autant. Au fond, s’agissant de ce dispositif comme d’autres, nous ne pouvons donner qu’une seule garantie aux chefs d’entreprise : ce sont eux, et leurs représentants, qui discuteront les premiers des nouvelles modalités du droit du travail. Voilà qui est conforme à la loi de janvier 2007 et à l’accord de janvier dernier. Je vous propose donc de retirer votre amendement, Monsieur Tian (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe UMP).

L'amendement 89 est retiré.

M. Francis Vercamer – Le CNE, étant transformé en CDI de droit commun, perd sa période d’essai de deux ans puisque l’article qui la prévoyait est abrogé. Or la période d’essai ne se présume pas. Il faut donc l’inscrire dans la loi, sans quoi elle ne pourrait s’appliquer. C’est l’objet de l’amendement 160. Vous me direz sans doute que cela ne concerne que quelques cas, mais quand un chef d’entreprise qui a embauché un salarié découvre qu’il s’est fait avoir, il n’en embauche plus jamais ! Mieux vaut simplifier la vie à ceux qui ont joué le jeu.

M. Dominique Tian – Je propose un sous-amendement 162 qui complète la rédaction.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis favorable aux deux.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Les CNE récemment conclus sont donc requalifiés en CDI, mais ils perdent de ce fait leur période d’essai car celle-ci n’est pas de droit. Il ne serait pas raisonnable de les laisser sans. C’est pourquoi la loi doit fixer, par exception, une période d’essai correspondant à celles du CDI – c’est-à-dire, comme le précise le sous-amendement 162, soit la période conventionnelle, quand un accord de branche en prévoit, soit la période interprofessionnelle créée par ce projet de loi. Il était important d’apporter cette précision et je vous remercie d’avoir évité un nouveau vide juridique.

M. Alain Vidalies – J’ai un peu de mal à mesurer l’intérêt de cette initiative. Tout le monde sait, depuis novembre, qu’il ne faut plus faire de licenciement sans motivation, ni recourir au CNE. Vous voulez tout de même inscrire dans la loi que le CNE est abrogé. Vous évoquez les contrats signés dans les deux derniers mois – sans qu’on sache aucunement à partir de quand. Vous décidez d’une période d’essai, mais sans donner son point de départ : est-ce le jour de la requalification ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Toutes les périodes d’essai commencent au début du contrat !

M. Alain Vidalies – Mais la période d’essai étant liée à la transformation du CNE en CDI, d’aucuns la feront commencer à cette date ! Quant à sa durée, à l’époque, la loi ne la fixait pas : elle était déterminée par les conventions collectives ou par les contrats de travail individuels. Pourquoi dès lors appliquer aujourd’hui une règle de droit commun qui n’existait pas au moment où le contrat a été signé et qui n’était même pas du domaine législatif ? Ce dispositif, extrêmement complexe pour un intérêt limité, n’est rien d’autre qu’une façon de présenter des excuses, mais il va aboutir à de nombreux contentieux et à des difficultés, car certains penseront être protégés alors qu’ils ne le seront pas. Enfin, pourquoi tenir tellement à maintenir une période d’essai après avoir passé toutes ces journées à discuter de sécurisation ? C’est tout simplement une façon de faciliter les licenciements ! Il vaudrait donc mieux renoncer à ce dispositif (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Francis Vercamer – J’appelle votre attention sur le fait que les petites entreprises ne sont pas au fait de nos débats et ne sont pas forcément affiliées à un syndicat professionnel, et que par ailleurs la loi s’applique jusqu’au jour où elle est abrogée ! Il est donc encore parfaitement possible de signer des CNE. Par ailleurs, il me semble que votre interprétation est erronée : le CNE était un CDI dès l’origine. Sa nature ne se trouve donc pas changée, et le départ du contrat est toujours la date à laquelle il a été signé. Il n’y a donc pas de litige possible. Je vous ai connu meilleur pour contredire mes amendements, Monsieur Vidalies…

M. Lionel Tardy – Tout cela ne fait que démontrer une nouvelle fois les effets pervers de la rétroactivité. Pour être tout à fait clair, les chefs d’entreprise qui ont signé les 27 000 contrats de ce premier trimestre sont en train de se faire cocufier. La période d’essai devient impossible à gérer. C’est lamentable.

Le sous-amendement 162, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 160, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 9 modifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – À l’unanimité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

ART. 10

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 10

M. Jacques Myard – Les amendements 82 et 81 visent à réparer une injustice. L’article L. 421-9 du code de l'aviation civile dispose que les pilotes du transport aérien doivent prendre leur retraite à 60 ans. Or ils sont en concurrence directe avec les pilotes étrangers, qui peuvent aller jusqu’à 65 ans selon les normes internationales. De la même manière, le personnel de cabine doit prendre sa retraite à 55 ans – les reclassements au sol prévus ne sont jamais effectifs – souvent sans avoir suffisamment de trimestres. Je propose donc de permettre aux pilotes, selon leur souhait, de s’arrêter à partir de 60 ans ou de continuer jusqu’à 65 ans, et aux hôtesses et stewards d’être reclassés au sol à partir de 55 ans. Pour ces derniers, une disposition semblable avait déjà été adoptée à l’Assemblée mais n’avait pas passé le cap du Sénat, à la suite des interventions de certains PDG de compagnies aériennes. Je souhaite donc apporter un peu de souplesse à ces catégories et leur permettre d’avoir une retraite décente.

M. Dominique Dord, rapporteur – Le rapporteur n’est pas des plus compétents sur ces sujets, mais il n’a vraiment pas pu trouver un lien avec le présent texte… (Sourires) Et la commission a repoussé ces amendements.

Mme la Présidente – Qui ont effectivement toute l’allure de cavaliers.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – C’est peut-être parce que M. Myard est l’élu de Maisons-Laffitte… (Sourires)

Chacun a été sensible à l’affaire Guy Roux. Les limites d’âge supérieures qui ont cours dans notre pays n’ont plus grand sens compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie. En statuant sur les régimes spéciaux, nous avons précisément voulu éviter ces clauses « couperet » empêchant les salariés de poursuivre leur activité.

Mais l’amendement que vous évoquiez, adopté par l’Assemblée puis repoussé par le Sénat, n’est pas pour autant resté lettre morte : le ministre des transports me l’a assuré, des négociations avec les organisations professionnelles concernées sont en cours ; elles devraient permettre de satisfaire votre demande, qui ne relève pas de l’ANI.

À défaut, le projet de loi sur les retraites pourra vous donner satisfaction. En effet, comment maintenir des limites d’âge fixées il y a trente, quarante ou cinquante ans alors que l’espérance de vie n’a cessé de s’accroître depuis lors ? L’organisation interne des entreprises ne doit pas empêcher les seniors de travailler davantage ; voilà pourquoi je partage votre préoccupation, même si je ne suis pas chargé des transports.

Mme Marylise Lebranchu – Ce n’est pas à un problème de retraite que sont confrontés les personnels navigants…

M. Jacques Myard – …mais à un problème de travail !

Mme Marylise Lebranchu – En effet, faute de reclasser ces personnels, qui n’ont plus le droit de voler après 55 ans, leur employeur les licencie pour inaptitude ou se défausse sur les ASSEDIC, qui ne leur seront versées que pendant deux ans, à moins qu’ils ne trouvent par la suite un emploi précaire. J’ai été témoin de ces pratiques scandaleuses lorsque je travaillais dans l’aéronautique. Ce n’est pas à la loi de résoudre ce problème, qui relève de la responsabilité des employeurs et exige donc une négociation entre ces derniers et les ministères des transports et du travail.

M. Jacques Myard – Puisque le Gouvernement partage au fond les préoccupations dont Mme Lebranchu vient de se faire l’écho, pourquoi procrastiner ? Un peu d’audace ! Vous adresseriez un message aux partenaires sociaux en acceptant cet amendement, qui n’a rien d’un cavalier puisqu’il concerne le droit du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Mais votre proposition ne figure pas dans l’ANI !

M. Jacques Myard – Elle est conforme à son esprit, et le Conseil constitutionnel n’aurait aucune raison de l’écarter. Afin de réparer l’injustice faite au personnel navigant, je maintiens donc mon amendement 82 et, à défaut, le 81.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Ils risquent donc de subir le même sort que l’amendement que nous évoquions tout à l’heure, adopté par l’Assemblée grâce à votre grande force de conviction, mais repoussé par le Sénat – à ceci près que, désormais, des négociations sont en cours qu’il ne faut pas mettre en péril.

M. Roland Muzeau – C’est vrai !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Madame Lebranchu, il ne s’agit pas ici des retraites, mais bien de l’emploi des seniors, auquel je suis particulièrement attaché.

Vous parlez d’audace, Monsieur Myard, mais nous n’en avons pas manqué lorsqu’il s’est agi de supprimer les limites d’âge en vigueur dans les régimes spéciaux : les décrets requis ont été publiés et nos engagements tenus. Il en ira de même, dès 2008, s’agissant de l’emploi des seniors.

L'amendement 82, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 81, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Nous avons achevé l’examen des articles. Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi auront lieu mardi 29 avril, après les questions au Gouvernement.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Je tiens à remercier les parlementaires pour le climat dans lequel nos débats se sont déroulés. L’exercice était difficile, car nous étions contraints par les termes de l’ANI et de sa transposition ; mais chacun a joué le jeu, montrant ainsi aux partenaires sociaux, attentifs au respect de toutes les dispositions de l’accord, qu’ils pouvaient faire confiance à la représentation nationale – ce qui est de bon augure pour le dialogue social et atteste de l’esprit de responsabilité des parlementaires. Merci à tous les orateurs, au président de la commission et à son rapporteur pour ce bon travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Prochaine séance ce matin, jeudi 17 avril, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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