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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 13 mai 2008

2ème séance
Séance de 15 heures
155ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

M. le Président – Mes chers collègues, je vous rappelle que nous rendrons hommage à Aimé Césaire à l’issue des questions au Gouvernement.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

CONSERVATION DES HYPOTHÈQUES

M. Alfred Marie-Jeanne – Sans mettre en doute la bonne foi des notaires, on doit constater que des actes sont parfois enregistrés à la Conservation des hypothèques sans titre régulier, même lorsque celui-ci existe. Dès lors, c’est l’enregistrement le plus récent qui risque de faire foi. Ainsi en vient-on à subtiliser la propriété d’autrui ou à construire de nouvelles maisons en se fondant sur ces documents, ce qui entraîne de lourds contentieux.

Or, lorsque des personnes sont dépouillées de leurs biens, il leur est difficile de les récupérer, malgré les procédures en vigueur : le litige persiste et les décisions de justice s’avèrent difficiles à appliquer, même lorsque l’acte de notoriété est annulé, comme le montre, en Martinique, l’affaire Pinto – toujours en appel –, qui concerne un terrain de plus de douze hectares. Ne faudrait-il pas contrôler ces actes de manière plus efficace au moment de leur enregistrement à la conservation des hypothèques ? Comment comptez-vous éviter à l’avenir que le droit de propriété soit ainsi bafoué ?

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Je rappelle que la publication d’un acte à la Conservation des hypothèques permet de délivrer à tout demandeur des renseignements sur la situation juridique d’un bien, mais non de vérifier l’information fournie par le notaire ou par les tribunaux. Ainsi des propriétaires selon la Conservation des hypothèques peuvent-ils ne pas l’être aux yeux des tribunaux, car la conservation des actes ne confère aucun droit de propriété.

S’agissant de l’affaire Pinto, je demanderai aujourd’hui même des précisions à mes services et je vous répondrai par écrit sans tarder. En outre, nous réfléchirons dans les mois qui viennent à l’avenir de la Conservation des hypothèques.

SITUATION AU LIBAN

M. François Rochebloine – Monsieur le ministre des affaires étrangères, depuis quelques jours, de violents affrontements opposent au Liban les forces de l’opposition, en particulier le Hezbollah chiite, à la majorité au pouvoir – hier prosyrienne, aujourd’hui antisyrienne. Depuis samedi, l’armée libanaise se déploie afin d’empêcher l’extension de ces violences, qui ont fait 61 morts et environ 200 blessés à Beyrouth ouest, à Tripoli et dans la montagne druze, au sud-est de la capitale. Cette nuit encore, de violents combats au fusil, au lance-grenades et au mortier ont repris à Tripoli.

La France a le devoir d’appeler les belligérants au calme et de renouer le dialogue avec les différentes composantes de la société multiconfessionnelle libanaise, car le Liban ne doit pas être pris en otage par des puissances étrangères. De fait, la France n’a eu de cesse d’intervenir, comme en témoignent vos nombreux déplacements, Monsieur le ministre, vous qui connaissez mieux que quiconque la place privilégiée qu’occupe le pays du Cèdre dans le cœur des Français. Nous devons absolument nous montrer fidèles à cette amitié.

Dans ce contexte difficile, que fera le Gouvernement français pour préserver la spécificité de ce pays, qui repose sur le dialogue et le consensus entre les différentes forces politiques, et pour garantir l’avenir du Liban et des Libanais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes  Nous continuerons de parler avec toutes les communautés (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC) qui composent le Liban, confronté depuis quelques jours à une crise que nous attendions, mais qui se révèle particulièrement meurtrière.

L’initiative française reposait sur trois axes : faire émerger une personnalité de consensus – et le général Sleimane est devenu le candidat de la majorité à la présidence après avoir été porté par l’opposition ; soutenir la formation d’un gouvernement équilibré représentant toutes les communautés ; enfin, modifier les circonscriptions. Mais la situation ne s’est pas améliorée, et l’initiative de la Ligue arabe a à son tour échoué dans cette triple entreprise.

En attendant que la délégation de la Ligue arabe, conduite par le premier ministre du Qatar et par le secrétaire général de la Ligue, Amr Moussa, arrive à Beyrouth pour y rencontrer tous les protagonistes, nous comptons sur l’armée, qui, quoi qu’on en dise, est parvenue à maintenir un calme relatif, même si elle n’a pu empêcher les affrontements. Le contact avec tous les protagonistes a été réitéré, y compris avec le Premier ministre Fouad Siniora, la seule autorité légale. Nous jugerons ensuite si nous devons reprendre une initiative (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés SRC – Quelle obscure clarté !

SITUATION AU LIBAN

M. Philippe Goujon – Une fois encore, le Liban se déchire et glisse de l’affrontement politique au conflit militaire. L’élection impossible d’un président, malgré la convocation à dix-neuf reprises d’un Parlement qui ne fonctionne pas ; un gouvernement impuissant depuis 2006, avec la démission de plusieurs de ses ministres ; un parti appuyé par l’Iran et la Syrie, lourdement armé malgré la résolution 1559 des Nations unies, et qui appelle à la désobéissance civile ; une armée, sous les ordres du très respecté général Slimane, qui ne doit sa cohésion qu’à son refus d’intervenir. Voilà le point d’orgue du processus de déstabilisation politique et les prémisses d’une nouvelle guerre civile.

Le Liban, martyrisé, agité par des combats toujours plus sanglants, ne voit de salut que dans la mobilisation de la communauté internationale. La Ligue arabe, qui a appelé à l’arrêt des combats, s’est engagée dans une médiation. La France, pont entre l’Orient et l’Occident, engagée militairement dans la FINUL et dans la reconstruction du pays, a réitéré son soutien au gouvernement du Premier ministre Fouad Siniora.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous êtes très impliqué. Après que le Président de la République a condamné toute ingérence étrangère, quelles initiatives notre pays peut-il encore prendre ? La France est attendue dans cette petite partie du monde – mais qui compte tellement – avec un immense espoir. Ne la décevons pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes  Je voudrais être plus précis (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe SRC). Voilà des personnes qui savent de quoi elles parlent, elles pourront donc nous soumettre des solutions ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Bernard Roman – Ne soyez pas si ironique !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères – Nous pouvons d’abord agir dans le cadre européen, comme nous l’avons fait dans le passé avec nos partenaires italiens et espagnols. Il nous faudra reprendre cette démarche commune. Nous avons également tenu conférence avec le Secrétaire général de l’Onu : une résolution pourrait être prochainement proposée au Conseil de sécurité. Une déclaration des pays « amis du Liban » a vu le jour hier au soir. Mais pour le moment, nous devons attendre, afin de ne pas interférer avec la médiation de la Ligue arabe.

Deux attitudes s’offrent à nous : conforter la seule autorité légale, celle de Fouad Siniora, tout en parlant à tous les protagonistes, y compris le Hezbollah ; préserver coûte que coûte l’unité de l’armée, qui abrite toutes les communautés. L’armée du général Slimane a permis, en reprenant l’un après l’autre les points tenus par le Hezbollah, de ramener une paix relative. Satisfaisons-nous en pour l’instant et tenons-nous prêts à engager de nouvelles démarches (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

POUVOIR D’ACHAT

M. Bruno Le Roux – La deuxième quinzaine de mai se profile, et dès à présent, de nombreux salariés, retraités ou chômeurs s’inquiètent des dépenses auxquelles ils auront à faire face d’ici à la fin du mois. Augmentation générale des prix, poids croissant des loyers, explosion des dépenses de transport : les hausses s’ajoutent aux hausses et amenuisent chaque jour le pouvoir d’achat des Français.

M. Patrick Roy – Eh oui !

M. Bruno Le Roux – Monsieur le Premier ministre, vous avez d’abord nié cette réalité, puis, contraint de l’accepter, vous vous êtes contenté d’un « Débrouillez-vous ! » à l’adresse des Français. Ceux-ci sont en colère ; non pas qu’ils vous tiennent pour le responsable de ces hausses, mais parce que votre passivité les excède et qu’ils n’ont pas vu les effets d’un paquet fiscal inique, qui, de toute façon, ne leur était pas destiné.

Soyez lucide et revenez enfin sur ce boulet fiscal. Engagez, sans tarder, les propositions qui permettraient de soutenir le pouvoir d’achat et d’améliorer la vie quotidienne des Français : instauration du chèque transport, baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, hausse de la prime pour l’emploi, doublement de l’allocation de rentrée scolaire, hausse de 5 % de toutes les petites retraites.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous continuer à dire aux Français : « Débrouillez-vous ! » ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation – L’énergie que vous mettez à caricaturer notre action ne fait que nous conforter dans notre détermination ! Le Président de la République, en déplacement ce matin à Vienne, dans l’Isère, a expliqué que nous disposons de trois leviers.

Nous devons d’abord agir sur le travail. Irez-vous dire aux salariés de Yoplait, auxquels nous avons rendu visite ce matin, que la loi TEPA ne leur était pas destinée ? Les quatre heures supplémentaires qu’ils effectuent chaque semaine représentent 182 euros par mois, et sur l’année deux mois de salaire, nets de charges et d’impôts. N’êtes-vous pas de ceux qui, de 1997 à 2002, ont soutenu les dispositifs de blocage des salaires, notamment par les 35 heures ? Le Gouvernement, lui, encourage les entreprises à la négociation, en contrepartie des réductions de charges.

Le second levier, ce sont les prix à la consommation. Nous ne nous résignons pas à ce qu’ils soient plus élevés en France que dans les autres pays européens.

M. Maxime Gremetz – Vous mentez !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – C’est pourquoi nous allons renforcer la transparence et la concurrence entre fournisseurs et distributeurs, mais aussi entre les distributeurs eux-mêmes : il faut supprimer les rentes de situation afin de rendre de nouveau accessibles les prix à la consommation.

Nous présenterons enfin un projet de loi pour mieux associer les salariés aux bénéfices des entreprises, car c’est aussi cela, notre vision de la justice sociale.

Je comprends que notre action soit bien compliquée pour un parti socialiste qui découvre seulement l’économie de marché (Protestations sur les bancs du groupe SRC), mais nous ne renoncerons pas à redonner du pouvoir d’achat aux Français (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PROJET DE LOI SUR LES OGM

M. Antoine Herth – À l’issue des questions d’actualité, nous examinerons en seconde lecture le projet de loi sur les organismes génétiquement modifiés. Les débats ont été particulièrement riches et constructifs en première lecture. Grâce aux contributions de l’ensemble des groupes politiques, nous avons en effet amélioré le texte afin qu’il s’inscrive pleinement dans le cadre du droit européen tout en restant fidèle aux orientations du Grenelle de l’environnement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Nos amendements ont ainsi permis de prendre en compte les AOC et plus généralement les signes de qualité, de même que la situation particulière de l’apiculture et des parcs nationaux et régionaux. Ce grand débat démocratique et contradictoire était attendu depuis longtemps. Il était nécessaire pour fixer enfin des règles claires et répondre aux inquiétudes des Français.

Dans ces conditions, on ne peut qu’être surpris par l’attitude de l’opposition, qui dépose plus de 800 amendements sur le seul article encore soumis à notre examen. Faut-il y voir une volonté d’obstruction ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Ou bien une tentative d’alimenter la campagne de désinformation qui est engagée depuis des semaines ? (Même mouvement) Je n’ai pas reçu moins de 500 mails la semaine dernière, certaines permanences sont assiégées, et plusieurs de nos collègues ont été cloués au pilori par la presse locale.

Ce qui m’attriste, c’est que nos concitoyens finissent par ne plus rien y comprendre. Le temps est venu de faire œuvre de pédagogie. Aussi, Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous rappeler la logique du texte sur les OGM ainsi que ses principales dispositions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire – Monsieur le député, et par ailleurs très remarquable rapporteur du texte sur les OGM (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), un texte de loi a toujours vocation à modifier une situation.

Il y a quelques semaines encore, nous étions sous l’emprise d’une directive de 2001, acceptée par le gouvernement de M. Jospin et de Mme Voynet, qui avait transféré à l’Union européenne le pouvoir de décision en matière d’OGM. Tout le monde pouvait alors cultiver en France des OGM autorisés en Europe. C’est ainsi que le Mon 810 a pu proliférer sans la moindre transparence, sans la moindre responsabilité, et sans que l’on puisse défendre les cultures traditionnelles ou biologiques, les AOC et les parcs naturels.

Après être devenu l’un des rares pays à avoir interdit le Mon 810, la France va se doter du texte le plus restrictif au monde, qui imposera la transparence et la responsabilité. Ce projet de loi favorisera également la recherche, qu’elle soit médicale ou agronomique. Nul n’a jamais nié, sur aucun banc, la nécessité de ces différents principes.

Après avoir adopté 110 amendements au Sénat et 70 à l’Assemblée, notamment celui de M. Grosdidier, adopté à l’unanimité, ou encore celui de M. Chassaigne, sur lequel ni la commission ni le Gouvernement n’entendent revenir, il n’y a plus matière à débat. Nous devrions nous acheminer vers un vote consensuel. La vérité, c’est que l’opposition n’a plus à rien à dire : nous protégeons les cultures non OGM, nous sommes les plus restrictifs au monde et nous favorisons la recherche.

La vérité, c’est également qu’en six ans, le groupe socialiste n’a déposé que deux malheureuses propositions de loi sur ce sujet, l’une comportant un article unique qui exigeait la déclaration des parcelles OGM au ministère de l’agriculture, l’autre trois articles tendant à organiser la coexistence entre les cultures (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Avec le texte courageux qui vous est proposé, nous sortons du non-droit qui défavorisait la recherche française. C’est tout à l’honneur de la majorité de défendre ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SITUATION EN BIRMANIE

M. Axel Poniatowski – Plus le temps passe, plus la junte militaire birmane se rend coupable de non-assistance à peuple en danger. Le bilan du cyclone Nargis ne cesse de s’alourdir : on estime désormais le nombre de morts ou de disparus à 300 000, contre 60 000 la semaine dernière.

Les nouvelles victimes ne sont plus seulement celles du cyclone, mais aussi celles de la junte au pouvoir. Tout à leur crainte de perdre le pouvoir, les militaires freinent l’arrivée de l’aide internationale, quand ils ne se livrent pas à de sordides trafics pour spéculer sur la flambée des prix. Alors que les organisations internationales estiment qu’entre 1 et 1,5 million de rescapés pourraient trouver la mort dans les semaines à venir, faute d’accéder aux vivres, les généraux birmans s’emploient à légitimer constitutionnellement leur pouvoir en organisant un référendum dérisoire.

Que faut-il donc faire ? Toute ingérence pourrait être source de débordements régionaux incontrôlables. Les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU doivent en revanche s’efforcer de convaincre la Birmanie d’accepter la main tendue par la communauté internationale afin d’alléger les souffrances. Cette catastrophe, dont la Birmanie devrait porter les marques pendant des décennies, pourrait inciter le régime à s’ouvrir au monde. Quelles mesures comptez-vous prendre afin d’y parvenir, Monsieur le ministre des affaires étrangères ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes  Vous citez des chiffres terribles, mais ils pourraient être encore dépassés. Le malheur est immense en Birmanie. Outre les morts, pour lesquels nous ne pouvons plus rien, il y a des millions de gens qui attendent sous la pluie une aide qui ne vient pas.

Dès le premier jour, la communauté internationale a essayé de faire parvenir de l’aide, ce que la junte birmane a refusé. Elle voulait bien de l’aide, mais sans les sauveteurs. Elle ne voulait pas non plus que cette aide soit distribuée de manière massive et régulière. Et surtout, elle souhaitait, en dépit des circonstances, organiser son référendum, lequel a d’ailleurs effectivement eu lieu samedi dernier, ce qui marquera à tout jamais de honte l’histoire de l’Asie.

Quelques avions ont atterri en Birmanie, l’un venant de Suisse, un autre du PAM, un autre de Médecins sans frontière, un autre, aujourd’hui même, du ministère des affaires étrangères français. Ce n’est rien par rapport aux besoins, même si quelques sauveteurs des ONG sur place pourront peut-être accompagner cette aide. Que faire d’autre ? La France a déposé aux Nations unies un avant-projet de résolution qui n’a malheureusement reçu le soutien ni de la Chine ni de la Russie, membres permanents du Conseil de sécurité, non plus que celui de l’Afrique du Sud, membre non permanent. En dépit de la résolution relative à la responsabilité de protection, votée à l’unanimité de l’Assemblée générale, nous n’avons aucun droit d’accès. Malgré le soutien de Mme Merkel, de M. Juncker et d’autres dirigeants européens, nous n’y parvenons pas. Un navire français, qui croise à proximité de la Birmanie, dispose à bord d’un million et demi de tonnes d’aide. J’espère que la pression internationale sera suffisante pour faire s’entrouvrir les portes du pays à cette aide. La France, l’Union européenne et les Nations unies s’y emploient (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE FAMILIALE

M. Henri Jibrayel – Monsieur le Premier ministre, non content d’avoir imposé aux Français les franchises médicales, alors qu’ils subissent déjà la hausse du prix des produits alimentaires, de l’essence et du gaz, et que les retraités ne voient leurs pensions que maigrement revalorisées, voilà que vous vous attaquez maintenant aux allocations familiales !

En dépit d’un certain cafouillage – mais cela est devenu monnaie courante pour le Gouvernement –, le décret modifiant le calcul des allocations familiales a bien été promulgué. Jusqu’à présent, pour une famille dont le deuxième enfant atteignait l’âge de 11 ans, les allocations étaient majorées de 33 euros, puis de 60 euros lorsqu’il atteignait 16 ans. Or, ces deux majorations ont été remplacées par une seule, de 60 euros, à l’âge de 14 ans. Les nombreuses familles concernées ont vite fait leurs calculs et compris qu’elles y perdaient. Une fois de plus, vous infligez aux Français, notamment aux familles les plus modestes, une baisse de leur pouvoir d’achat. Plus de quatre millions de familles vont subir une perte de 33 euros par mois, soit un manque à gagner de six cents euros par enfant.

Le 20 juin 2007, devant nos collègues de l’UMP, le Président de la République promettait de changer tout ce qu’il avait dit qu’il changerait, de réformer tout ce qu’il avait promis de réformer. Pour une fois, force est de reconnaître qu’il a réussi. Il a réussi à rendre encore plus pauvres les familles moyennes et modestes et plus riches les nantis. Bravo, Monsieur le Président ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le Premier ministre, vous avez préféré accorder un cadeau de quinze milliards d’euros à vos amis qui n’en ont pas vraiment besoin et supprimer quelques centaines d’euros aux familles les plus nécessiteuses. Ma question est simple : que comptez-vous faire pour aider ces quatre millions de familles en difficulté à vivre convenablement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille – La politique familiale en France, ce sont 80 milliards d’euros, soit cinq points de PIB, deux fois et demie ce qu’y consacrent nos voisins européens.

Notre politique familiale est dynamique – il faut remercier notamment mon prédécesseur, Christian Jacob, qui a institué la PAJE (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP). Résultat, avec un taux de fécondité de deux enfants par femme, nous tenons la première place en Europe. Mais nous souhaitons aujourd’hui recentrer cette politique sur les besoins des familles, lesquelles déclarent à 70 % souhaiter d’abord des équipements et des services. Le Président de la République s’est engagé à créer 400 000 places de garde d’enfant.

Vous auriez pu faire remarquer, Monsieur le député, que la majoration de 60 euros, qui n’intervenait auparavant qu’à l’âge de 16 ans, sera désormais accordée dès l’âge de 14 ans, âge auquel les adolescents commencent à coûter plus cher. Vous auriez pu souligner la nécessité criante, notamment dans les banlieues les plus modestes, de développer des modes de garde diversifiés et adaptés pour les femmes qui ont des horaires de travail atypiques, et qui doivent pouvoir bénéficier des services d’une assistante maternelle à domicile quand elles partent tôt ou rentrent tard. Vous auriez pu dire qu’un autre décret a été promulgué, qui permet à 62 000 familles modestes de percevoir 50 euros de plus par mois, soit six cents euros par an, pour une garde à domicile.

Nous concentrons nos efforts sur la petite enfance et l’adolescence. Nous répondons très concrètement aux besoins d’équipements et de services exprimés par les familles. Notre vision de la famille n’est pas idéologique, mais pragmatique. Et permettez-moi de rappeler ici que c’est le gouvernement de Lionel Jospin qui avait voulu placer sous conditions de ressources les allocations familiales et que c’est la gauche qui s’est attaquée au quotient familial (Protestations sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

JOURNÉE DE SOLIDARITÉ

M. Alain Gest – Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité. En juin 2004, le gouvernement Raffarin avait décidé l’institution d’une journée de solidarité afin de mieux financer la prise en charge de la dépendance. Plutôt que de créer des impôts et taxes supplémentaires, ce qui n’est pas dans notre philosophie, il avait été décidé que les salariés effectueraient une journée de travail dont le produit, représentant 0,3 % de la masse salariale des entreprises, serait affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Cette journée de solidarité a été instituée en 2005, mais il était difficile de la maintenir au lundi de Pentecôte, jour depuis très longtemps férié. Une proposition de loi présentée il y a peu par notre collègue Leonetti a résolu le problème en conservant le principe d’une journée de solidarité, tout en laissant aux entreprises la liberté d’en fixer la date.

Une autre polémique est en revanche apparue quant à l’affectation des fonds récoltés, certains prétendant qu’une partie n’en était pas directement affectée aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées, mais servirait à combler le déficit de la sécurité sociale. Les Français ont droit à la vérité. Pouvez-vous nous dire à combien s’est élevé le produit de la journée de solidarité pour 2007, comment il a été utilisé et comment, alors qu’il est question d’un cinquième risque, vous envisagez 2008 ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État Votre question me donne l’occasion de rappeler quelques vérités.

M. Maxime Gremetz – Allo, allo !

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État La journée de solidarité, créée après la canicule de 2003, permet de faire face à l’augmentation du nombre de personnes âgées – de 1 300 000 en 2005, les plus de 85 ans passeront à deux millions en 2015 – et d’améliorer la qualité de la prise en charge de ces personnes âgées et des personnes handicapées. Le produit de cette journée a été de 1,95 milliard en 2005 et sera de 2,2 milliards cette année. L’obstacle que constituait la rigidité dans la mise en œuvre de cette mesure a été supprimé grâce à l’initiative de M. Leonetti, soutenue par le Gouvernement (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Le produit de cette contribution complète le budget de l’assurance maladie, et ne contribue en aucun cas à combler le déficit de la sécurité sociale. En 2005, les crédits provenant de l’assurance maladie et de la journée de solidarité, et affectés à la prise en charge des personnes âgées dépendantes, s’élevaient à 4,9 milliards ; aujourd’hui, ce total est de 6,6 milliards, soit 1,7 milliard de plus.

M. Maxime Gremetz – Il y a transfert, c’est une honte !

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État Et s’il faut vous rassurer encore, je rappelle que la loi interdit tout retour de crédits de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie vers la sécurité sociale. De plus, la Cour des comptes a bien affirmé que les craintes exprimées à propos de la Caisse nationale de solidarité ne sont pas fondées : ses crédits bénéficient bien intégralement aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées. On ne refait pas le coup de la vignette automobile. L’argent sert bien à ce pour quoi il a été prévu (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe NC).

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. Jacques Domergue – On ne souhaite à aucun de nos compatriotes d’être réveillé en pleine nuit par un appel de la gendarmerie pour lui annoncer un drame, c’est-à-dire souvent un accident de la route au sortir d’une boîte de nuit.

Certes, selon l’observatoire national de la sécurité routière, le bilan devient moins meurtrier. La politique active que mène le Gouvernement y concourt. Mais la route fait encore 13 morts et 300 blessés chaque jour. L’alcool est directement responsable d’un tiers des accidents, et la conjugaison de l’alcool et de la vitesse constitue souvent un facteur aggravant. Un décret est en préparation concernant l’installation de bornes et d’éthylotests dans 45 000 débits de boisson, dont 3 000 discothèques.

Quel est aujourd’hui le bilan exact des accidents de la route ? Quel est le calendrier prévu pour appliquer ce décret, et, comme le demandent les professionnels, le Gouvernement est-il prêt à participer au financement des installations prévues pour sauver des vies chez nos jeunes ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire – Il y a encore quelques années, la situation, en France, relevait du scandale, avec plus de 10 000 morts par an sur les routes, et de nombreux blessés restant paralysés.

M. Maxime Gremetz – Et les morts de l’amiante ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Le président Chirac en avait fait un grand chantier de son quinquennat, et les premiers ministres successifs, Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin s’y étaient attachés avec énergie. Les accidents mortels ont diminué de moitié. Néanmoins, le Président de la République et le Premier ministre veulent qu’on aille beaucoup plus loin.

Actuellement, le nombre de morts est en diminution – 10 % par rapport à l’an dernier, et même 29 % le mois dernier. Mais le bilan du dernier week-end a été extrêmement lourd, et ce sont presque toujours des jeunes de moins de 25 ans qui sont morts sur le coup.

Le Premier ministre a réuni le 13 février dernier un comité interministériel qui a pris un certain nombre de mesures. Mme Alliot-Marie mobilise les préfets sur des programmes spécifiques jusqu’en novembre. Dans la loi de programmation, on envisage la confiscation du véhicule en cas d’alcoolémie et l’utilisation obligatoire d’éthylotests pour les chauffeurs de cars scolaires. Des éthylotests électroniques pour les établissements ouverts au-delà de 2 heures du matin ont été expérimentés dans 300 établissements de l’Ouest. Ces équipements, très visibles, ont un pouvoir dissuasif. Il est prévu – dans un texte que présentera Mme Bachelot – de les rendre obligatoires à compter du 1er janvier prochain. Nous travaillons avec à la profession à leur généralisation progressive.

Mais quelles que soient les mesures que nous prendrons, c’est le rapport de nos concitoyens à la conduite qui doit changer. L’alcool et la vitesse au volant, c’est ringard. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

AGENCE FRANCE PRESSE

Mme Françoise Olivier-Coupeau – Madame la ministre de la culture, un des porte-parole de l’UMP vient de mettre en cause la rédaction de l’AFP et l’impartialité de ses journalistes. La direction de l’UMP a renchéri en niant à l’AFP le pouvoir de juger de l’opportunité de diffuser tel ou tel communiqué. Vous-même avez proposé la création d’un service propre des communiqués, pour les diffuser de manière brute, comme sur un blog.

Le Président de la République, après avoir utilisé les medias, critique leur liberté quand pâlit son image. Et c’est ainsi qu’après s’en être pris aux juges et aux avocats, il s’attaque maintenant à la liberté de la presse (Protestations sur les bancs du groupe UMP) à laquelle les Français sont si attachés. Quelles garanties pouvez-vous nous donner, Madame la ministre, que la liberté de l’AFP et celle de la presse seront préservées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication – Soyez sans inquiétude, la liberté de la presse n’est nullement menacée en France – il suffit de la lire pour s’en convaincre. Pour ma part, j’ai dit que l’on a parfaitement le droit de réagir aux critiques qui vous sont faites, surtout si elles sont systématiques et caricaturales (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). La liberté d’opinion, c’est aussi de pouvoir réagir à la critique !

Quant à l’AFP, deuxième agence de presse mondiale dont nous pouvons être fiers, elle se doit de traiter l’information dans le respect des équilibres politiques (Mêmes mouvements). J’ai en effet suggéré la création d’un « fil » supplémentaire destiné aux abonnés de l’Agence et diffusant les communiqués des partis politiques et des syndicats. C’est là une piste de réflexion.

Enfin, la liberté d’expression sera encore renforcée lorsque Mme Dati et moi-même vous présenterons, jeudi, le projet relatif à la protection des sources des journalistes – c’était un engagement de M. Sarkozy (Exclamations sur les mêmes bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MESURES EN FAVEUR DES PME

M. Alain Suguenot – Chaque année, plus de 2 000 PME disparaissent faute d’avoir trouvé un repreneur et 2 000 autres déposent leur bilan faute d’avoir pu organiser une succession familiale. D’autre part, de nombreux verrous demeurent, qui entravent la liberté d’entreprendre. Le Gouvernement en a pris la mesure et va nous soumettre sous peu un projet de modernisation de l’économie, dont le titre I est consacré à la mobilisation des entrepreneurs. Au regard des difficultés rencontrées par un nombre croissant de PME, nous nous félicitons de cette initiative, d’autant que la crise financière, en renchérissant le coût du crédit, aggrave la situation.

Si le projet qui nous est soumis est adopté en l’état, les délais de paiement seront réduits, les créateurs des plus petites entreprises ne seront pas contraints de s’immatriculer et pourront s’acquitter forfaitairement de leurs prélèvements fiscaux et sociaux, la transmission familiale ou salariale sera facilitée et les droits de mutation à titre onéreux seront abaissés. Quels effets rapides sur la croissance le Gouvernement attend-il de ces mesures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services – Le titre I du projet de modernisation de l’économie comprend près de la moitié des articles du texte. C’est dire l’importance que nous attachons au développement des PME, qui doivent affronter des difficultés bien connues.

Seule une entreprise familiale sur dix est transmise en France, au lieu de cinq sur dix en Allemagne, et sept sur dix en Italie. Nous prenons ce problème à bras-le-corps comme celui, récurrent, des délais de paiement. Quant au nouveau statut d’auto-entrepreneur, il simplifiera les créations d’entreprise.

Par ailleurs, mon collègue Chatel et moi-même allons rendre public un plan de développement du commerce de proximité, car il y a, dans notre pays, une place pour ce dernier et une pour la grande distribution, comme l’ont montré nos prédécesseurs, MM. Dutreil et Jacob.

Le projet de modernisation de l’économie sera soumis à votre examen à la fin de ce mois. Je sais que le groupe de l’UMP s’attachera à le parfaire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), en vue de répondre enfin aux problèmes de développement que connaissent nos PME et d’aller chercher le point de croissance qui manque à la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; commentaires ironiques sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

CONTRATS AIDÉS

M. Bernard Cazeneuve – Jusqu’où le Gouvernement affaiblira-t-il les dispositifs destinés aux plus vulnérables de notre société ? La délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle vient de remettre en cause les contrats aidés par trois biais : en diminuant leur nombre, en réduisant fortement le niveau de la participation de l’État à leur financement et en revoyant le principe de l’exonération des cotisations patronales relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Il résulte de ces mesures que nombre de chantiers d’insertion voient l’équilibre de leur budget si sévèrement altéré que certains doivent se déclarer en cessation de paiement et que les bénéficiaires de ces contrats s’entendent annoncer la fin de leur emploi.

L’incohérence est complète. Ainsi, après que la loi Borloo a été votée, on a demandé à l’hôpital de Cherbourg de recruter 117 titulaires de tels contrats – et il lui faut maintenant les débaucher ! De même, il n’y aucune raison de ne pas croire M. Hirsch lorsqu’il indique vouloir faire entrer en vigueur le RSA – bien que les engagements pris soient revus à la baisse – mais comment concilier de telles intentions et le fait de remettre à la rue ceux qui n’ont pas accès à l’emploi marchand ? Que le Gouvernement entend-il faire exactement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi – L’importance des contrats aidés pour les plus défavorisés est incontestable, et ils remplissent des tâches très utiles. Le Gouvernement n’a nulle intention de les remettre en cause (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) mais il importe de considérer les chiffres. Plus de deux milliards seront consacrés à la politique des contrats aidés en 2008, et 230 000 nouveaux contrats pourront être conclus ; 87 000 l’ont été depuis janvier.

Vous avez posé le problème du régime appliqué par l’assurance chômage aux contrats aidés du secteur public, en instrumentalisant ce problème pour mettre ces contrats en cause (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC). Ces contrats relèvent du régime chômage de l’UNEDIC. Un accord avait été conclu avec cette dernière, exonérant partiellement l’employeur public des cotisations d’assurance chômage. Cet accord étant arrivé à échéance le 31 décembre 2007, j’attendais la constitution du nouveau bureau de l’UNEDIC, qui a été saisi du sujet, pour voir dans quelle mesure nous pouvions le prolonger. J’espère donc que nous aurons le plaisir d’en discuter ensemble, de façon consensuelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

HOMMAGE À LA MÉMOIRE D’AIMÉ CÉSAIRE

M. le Président – (Mmes et MM. les députés, Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent) Immense poète, intellectuel attentif et engagé, fondateur de la négritude, pourfendeur du colonialisme, homme de la fierté noire et antillaise, figure politique de la Martinique, maire de Fort-de-France de 1945 à 2001, député fidèle à notre hémicycle pendant près d’un demi-siècle, homme de culture, de combat et de justice, grande conscience du vingtième siècle, Aimé Césaire réunissait toutes ces distinctions, dont chacune suffirait à établir la gloire et à justifier l’hommage. Mais à trop distinguer ces mérites les uns des autres, on risquerait d’en perdre le sens et la portée. On risquerait, surtout, de ne mesurer qu’à demi l’importance d’Aimé Césaire.

L’œuvre et l’action sont chez lui indissociablement liées. Elles se complètent, s’illuminent, se répondent. C’est qu’elles viennent de la même source et portent le même chant. André Breton, préfaçant le Cahier d’un retour au pays natal, évoquait un « prototype de la dignité » ; « ce qui était dit, écrivait-il, c’était ce qu’il fallait dire, non seulement du mieux, mais du plus haut qu’on pût le dire ! ».

Dans la poésie d’Aimé Césaire, dans ses essais, dans ses discours, dans sa politique, c’est la même attention au réel, cette attention absolue à chaque chose, à chaque être, dans ce qu’ils ont de plus singulier, de plus intime, et donc de plus universel. Que Césaire chante, dénonce ou propose, c’est toujours avec le souci de l’infinie noblesse de l’être.

N’est-ce pas en digne fils des Lumières qu’il a contribué à rendre sa fierté à l’homme noir ? N’est-ce pas en grand républicain qu’Aimé Césaire a été le scrupuleux défenseur des Antillais ? Ce combat qu’il n’eut de cesse de mener, dans ses livres, dans son île, mais aussi dans cet hémicycle, n’est-il pas celui de la France elle-même ? Ce « séculaire combat », c’est celui, disait-il, « pour la liberté, l’égalité et la fraternité, qui n’est jamais entièrement gagné, et c’est tous les jours qu’il vaut la peine d’être livré ».

Aimé Césaire fut élu pour la première fois député de la Martinique le 4 novembre 1945. Il devait quitter notre Assemblée 48 ans plus tard, en 1993. C’est sans doute sous la IVe République que son activité parlementaire fut la plus marquante. Il est alors un élu communiste, allant jusqu’au bout de ses convictions, y compris dans une logique d’affrontement avec le pouvoir de la République. Mais en 1956, après l’écrasement de l’insurrection de Budapest, son esprit critique et ses valeurs humanistes se révoltent. Il démissionne du parti communiste avec fracas et écrit à Maurice Thorez : « Il faut que les doctrines et les mouvements politiques soient au service de l’homme et non le contraire ».

Dès sa première élection, en 1945, Aimé Césaire devint l’un des plus engagés défenseurs des Antilles françaises. Si Césaire appartient à l’humanité la plus haute, il incarne d’abord la France dans ce qu’elle a de plus grand. C’est à ce grand Français qui, sans cesse, a rappelé notre pays au meilleur de lui-même que l’Assemblée nationale rend aujourd’hui hommage.

Un grand Français, Aimé Césaire l’est à l’évidence par sa langue, par son œuvre. Celui qui aurait pu préférer le créole a choisi la langue de la République, pour son universalité, sans doute, pour sa beauté certainement, cette beauté qu’il a aimée et magnifiquement servie. Grand Français parce que grand écrivain : depuis toujours, en France, ce titre confère les plus hautes dignités.

Aimé Césaire est un grand Français aussi par sa pensée et son action politiques. Ce petit-fils du premier instituteur noir de Martinique, cet élève boursier du lycée Victor Schoelcher de Fort-de-France, ce khâgneux de Louis le Grand, ce normalien, enfin, n’est-ce pas aussi sur cette culture française qu’il a fondé son anticolonialisme, sa lutte contre l’injustice et le racisme ? Il plaida en 1946 pour la départementalisation de la Martinique et de la Guadeloupe. Très actif parlementaire, déposant nombre de textes, élu en 1946 et en 1947 secrétaire de l’Assemblée nationale, Aimé Césaire ne cessera de poser à la République d’alors la question de « la démocratie outre-mer dans sa dignité, dans son existence et dans son avenir ».

Sous la Ve République, Aimé Césaire poursuit son activité politique sous la bannière du Parti progressiste martiniquais, qu’il a créé en 1957. Siégeant parmi les non-inscrits à partir de 1958, il s’apparente au groupe socialiste et radical de gauche en 1974. Précisant toujours qu’il ne s’agit pas d’indépendance, Aimé Césaire plaide pour l’autonomie de la Martinique. Il est constant à dénoncer le « colonialisme et le racisme impénitent », ainsi que le « pouvoir central, colonialiste de nature et réactionnaire de sentiment ».

Français éminent, Aimé Césaire le fut encore par sa générosité, par sa grandeur d’âme. Prompt à dénoncer les injustices, intransigeant quand il fallait l’être, blessé par les paresses, les lâchetés, les cruautés des hommes, jamais Aimé Césaire n’a cédé à la haine, jamais sa colère ne s’est muée en passion, jamais il n’a renoncé à la raison. Quelle que fût l’âpreté de la lutte, jamais, pour Césaire, autrui ne devint l’ennemi.

Il y a au contraire chez lui une irréductible foi en l’autre. Quand bien même l’autre est celui qui oppresse ou celui qui se trompe. Si chaque singularité doit être dite, si la dignité de chacun doit être sans cesse affirmée, ce n’est pas contre autrui. Cette liberté fondamentale de l’homme à laquelle nous rappelle Aimé Césaire, cette liberté qui n’est pas une abstraction, une pose de philosophe ou de poète, mais une réalité concrète à laquelle chacun doit aspirer, cette liberté ne se construit pas dans la négation ou l’opposition, mais dans le rapport, libre et fraternel, des hommes entre eux.

« Si la littérature de la négritude, disait-il en 1973, a été une littérature de combat, ce n’est là qu’un aspect de la négritude, son aspect négatif. Si j’avais à définir l’attitude du poète de la négritude, la poésie de la négritude, poursuivait-il, je ne me laisserais pas désorienter par ses cris, ses revendications, je ne les définirais que comme une postulation, irritée sans doute, une postulation impatiente, mais en tout cas une postulation de fraternité ».

Tel fut Aimé Césaire. En incarnant la France de façon si haute, en la rappelant sans cesse au meilleur d’elle-même, il a été son honneur et sa gloire. À sa famille, à ses proches, aux députés antillais, je veux dire combien notre Assemblée est fière d’avoir eu si longtemps Aimé Césaire dans ses rangs. Sa voix dans cet hémicycle fut celle de l’honneur et de la dignité. Nous ne l’oublierons pas. Nous lui demeurerons fidèles.

M. François Fillon, Premier ministre  Aimé Césaire, mort le 17 avril, ne séparait pas son engagement militant du corps à corps qu’il menait avec les images et les mots : « Pour comprendre ma politique, disait-il, lisez ma poésie. » Césaire n’avait qu’un discours : l’élu parlait le langage de l’artiste.

Ce langage, c’était d’abord celui de la conviction. Si les poèmes de Césaire, comme ses prises de position politique, pouvaient saisir, c’est qu’on y rencontrait la force, la pugnacité, parfois la défiance et le cri. Sa rage servait sa vérité. « Je suis, disait-il, du côté de l’espérance, mais d’une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté ».

Césaire combattait parce qu’il voulait le meilleur de deux mondes. Dans son œuvre se mêlaient les images de l’Afrique originelle à la langue de Ronsard, de Molière et de Hugo. Pour tous les Martiniquais, il aspirait au développement et à la double fidélité : fidélité à cette terre qui était pour lui un symbole de la vieille France, fidélité au passé douloureux et enchaîné des peuples noirs.

Césaire voulait depuis les années 1930 ce que nous avons appris si tardivement à concevoir : des identités fortes mais ouvertes, affirmées mais tolérantes, intimes et plurielles à la fois. Il parlait le langage de la fierté. Luttant pour les humiliés, il refusait la posture des victimes. Son indépendance était constante, inflexible ; elle ravivait l’orgueil des siens. Nous avons besoin de ceux dont la parole et les rêves portent loin.

Aimé Césaire a été pendant des décennies maire de Fort-de-France et député de la Martinique. C’était un grand élu et un grand responsable. Le responsable est celui qui se lève au nom des siens, qui prend la parole lorsque l’histoire questionne la société, qui assume les combats qu’exige la justice. Lorsque j’ai eu le privilège de rencontrer Aimé Césaire, en janvier dernier, j’ai rencontré un homme qui n’avait pas abdiqué ce rôle ; un être raffiné, souriant, âgé, sans doute, mais en qui brûlait toujours la même flamme. Pour plaider en faveur de son île, cinq mois après de la crise du cyclone Dean, la force de ses textes revenait en lui et donnait des racines à ses colères.

Mesdames et messieurs les députés, je salue avec vous ce grand témoin. Que l’éclairage qu’il a jeté sur notre xxe siècle porte aussi en avant : vers les pays d’Afrique, auprès desquels Césaire jouissait d’une audience immense, et qui ont un avenir de liberté et de progrès à construire, en mémoire de lui ; vers les jeunes qui découvrent ses textes, pour que le rejet des injustices et des servitudes se grave en eux à travers la fulgurance de ses mots ; enfin, vers tous les peuples en quête de dignité, afin que leurs revendications en soient guidées.

En 1934, avec Léopold Sedar Senghor et Léon-Gontran Damas, Césaire donnait la négritude aux descendants d’esclaves, comme un mot d’ordre, comme un nouveau baptême. Sa négritude était douloureuse, rebelle, frontale, mais elle était sans haine, sans sectarisme aucun. Césaire fouillait son identité pour toucher à l’universel ; il voyait que les identités, de plus en plus, se recouvrent sans s’exclure.

Avec toute la France, la Martinique lui a rendu, à l’occasion de ses obsèques, un hommage d’une grandeur et d’une sincérité filiales. En se rendant sur place, le Président de la République s’est associé à cette ferveur ; par sa présence, c’est toute notre nation qui marquait ainsi sa gratitude à l’égard d’Aimé Césaire.

Aujourd’hui, le sol de l’île renferme sa dépouille, mais le cœur de Césaire continue de battre. Il bat pour la Martinique. II bat pour la France. Il bat pour les femmes et les hommes du monde qui cherchent les mots de la dignité. Par ses chants et ses appels, la voix d’Aimé Césaire est ainsi vivante.

M. le Président – Mes chers collègues, je vous invite à observer une minute de silence (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence).

La séance est suspendue à 16 heures 20.

La séance est reprise à 16 heures 30 sous la présidence de Mme Génisson.

PRÉSIDENCE de Mme Catherine GÉNISSON
vice-présidente

ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, relatif aux organismes génétiquement modifiés.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire – Je veux d’abord saluer le formidable travail effectué par Antoine Herth, rapporteur, par la commission et par son président, sur un sujet qui se prête facilement aux amalgames. Le Gouvernement a renoncé à l’urgence, bien que le retard pris dans la transposition de la directive invitait à agir vite.

Le texte, amendé à 70 reprises au Sénat et à 110 reprises à l’Assemblée nationale, est largement coproduit par le Gouvernement et par le Parlement. Malgré ce que l’on a pu en dire, il est fidèle aux engagements du Grenelle de l’environnement et du Président de la République ; il est empreint des principes de précaution et de transparence, favorise la recherche et défend les agricultures traditionnelle et biologique.

Le Sénat a validé l’ensemble des compléments apportés par l’Assemblée nationale en première lecture : possibilité d’interdire les cultures d’OGM dans les parcs naturels, renforcement de la protection des AOC, mise en ligne du registre des parcelles OGM, un Haut conseil des biotechnologies encore plus ouvert et encore plus transparent, que chaque citoyen pourra saisir par l’intermédiaire d’un parlementaire.

Nous sommes parvenus à un consensus, notamment sur la nécessité absolue de protéger le plus strictement possible toutes les formes d’agriculture. Le Sénat a ainsi confirmé l’amendement 112 de M. Grosdidier, adopté ici à l’unanimité, et a apporté les précisions nécessaires à la validité juridique de l’amendement 252 de M. Chassaigne, concernant la définition de la notion « sans OGM ».

Nous disposons désormais d’un cadre juridique cohérent, l’un des plus restrictifs au monde et respectant nos engagements communautaires. Seul l’article premier reste en discussion. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez désormais la possibilité de mettre fin à dix années de laisser-faire, dix années de déni démocratique sur l’un des plus grands sujets éthiques, économiques et scientifiques du XXIe siècle.

M. Dominique Baert – Six années !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie – Dix années d’une opacité totale, quand les Français demandaient des règles claires !

Il s’agit d’un texte de reconquête politique et démocratique sur un sujet aux implications insoupçonnées, engageant l’avenir de notre agriculture, de nos appellations d’origine, de notre patrimoine, de notre alimentation. Cette loi, probablement imparfaite, n’en rompt pas moins avec une situation intolérable, où n’importe qui, dès lors qu’une autorisation était donnée au niveau communautaire, pouvait cultiver un OGM sur n’importe quelle parcelle, sans transparence, sans garantie ni précaution, sans même que le maire le sache.

Aujourd’hui, un an seulement après le début de la législature, la seule espèce d’OGM commerciale cultivée en France, le MON 810, est interdite. C’est l’une des plus grandes puissances agricoles qui a pris une telle décision, respectant ainsi le principe de précaution. Nous avons construit un dispositif parmi les plus précautionneux au monde, qui nous permettra de préserver tout à la fois ce patrimoine culturel et cette arme commerciale que constitue la diversité des agricultures, des produits de qualité, des terroirs et des AOC.

Ce projet de loi permettra aussi de combler notre retard dans la transposition des directives européennes, lequel nous exposait à de très lourdes pénalités financières.

L’opacité passée a amené certains de nos chercheurs à quitter la France. Mais personne ici ne souhaite remettre en cause la validité de la recherche dans ce domaine. Comme le souhaitent nos scientifiques et nos agriculteurs…

M. Germinal Peiro – Pas tous !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie – …ce texte soutient et renforce nos capacités de recherche concernant les biotechnologies et ce qui les entoure : toxicologie, épidémiologie, utilisation de la biologie moléculaire à des fins médicales, par exemple pour lutter contre la mucoviscidose... Une recherche encadrée, contrôlée et strictement organisée.

Ce projet n’est ni « pro » ni « anti » : il ne condamne pas, il n’est pas l’expression d’une opinion absolue. Il s’agit d’un texte de clarification qui définit les règles de transparence, les garanties financières et les éléments de sécurité indispensables, dans l’hypothèse où l’Europe autoriserait la culture d’autres OGM. À ce sujet, je rappelle que la France, suivie en cela par d’autres pays, a demandé la réévaluation de la directive et de l’expertise européennes.

Ce texte fait honneur au Parlement. Toutefois, bien que le Sénat et la commission de l’Assemblée nationale, dans leur grande sagesse, aient choisi de ne pas modifier les amendements Chassaigne et Grosdidier, l’opposition a décidé de déposer des amendements souvent semblables, largement inspirés de ses propositions de loi bien légères. Cette attitude est désolante, mais ainsi va la démocratie.

En conclusion, je vous remercie de l’important travail qui a été accompli et souhaite vivement que l’article premier soit adopté en l’état (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente – La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie.

M. Germinal Peiro – Elle a le droit de parler ? (Sourires)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie – Parmi tous les sujets abordés par le Grenelle, le Gouvernement a choisi, conformément à ses engagements, de commencer par le plus difficile. Tous les arguments ont été entendus, chacun s’est forgé son opinion, nous avons bâti ensemble un compromis. Ce texte est devenu celui du Parlement, autant que celui du Gouvernement.

Jean-Louis Borloo a rappelé le nombre d’amendements et de sous-amendements adoptés au Sénat et à l’Assemblée nationale, et les avancées décisives qu’ils vont permettre, qu’il s’agisse de la transparence, de la recherche ou du principe de précaution.

Puisque c’est un compromis, certains pourront avoir des regrets. Après avoir sévèrement critiqué le projet initial du Gouvernement, les ONG ont toutefois salué le travail effectué au Parlement. Leur principale crainte est désormais que l’Assemblée modifie le texte issu de la deuxième lecture au Sénat…

Tous les amendements qui ont été adoptés en première lecture sont conformes aux objectifs du Gouvernement : protection rigoureuse de l’environnement et de la santé publique grâce au renforcement de nos capacités d’expertise et de recherche, respect de toutes les filières de production agricoles, mais aussi transparence.

L’amendement 252, déposé par M. André Chassaigne, a introduit la notion de filières qualifiées « sans OGM ». Le projet initial du Gouvernement garantissait déjà la liberté de produire et de consommer « avec ou sans OGM ». Toutefois, je ne cache pas que les textes européens me semblent très insuffisants sur ce point, puisqu’ils définissent ce qu’est un produit « avec OGM », sans préciser ce qui ne l’est pas. C’est pourtant ce qui intéresse le plus les consommateurs…

L’amendement 252 répond précisément à cette attente, et le sous-amendement adopté au Sénat apporte des précisions utiles (« Pas du tout ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC). Dans l’attente d’une décision européenne, le Gouvernement a saisi le conseil national de la consommation et soumettra également la question au Haut conseil des biotechnologies lorsqu’il sera constitué. Un seuil sera alors défini par voie réglementaire.

Je rappelle également que ce projet de loi n’est pas un texte autonome. S’il n’était pas adopté, les décisions prises depuis un an en matière d’OGM perdraient en effet leur cohérence. Le Premier ministre a notamment annoncé, au début de 2008, le triplement des moyens alloués à la recherche publique sur les biotechnologies, ce qui représente 45 millions d’euros sur trois ans. Or, ce projet de loi fixe le cadre de cette recherche.

À la fin de l’année 2007, le Président de la République et le Gouvernement ont également décidé de suspendre l’utilisation du Mon 810 en France, dans l’attente d’une nouvelle évaluation. Or, ce texte tend précisément à réformer les conditions dans lesquelles l’expertise est menée afin que nous puissions appliquer au mieux les principes de la Charte de l’environnement.

Lors du conseil européen des ministres de l’environnement, le 3 mars 2008, la France a en outre proposé une remise à plat de toutes les procédures européennes relatives aux autorisations des OGM. Comment la France pourrait-elle continuer à porter cette proposition, qui a déjà reçu le soutien de 14 autres États membres, si elle n’adoptait pas ce texte destiné à combler son retard sur les textes communautaires ? Seul ce projet de loi nous permettra d’échapper à une condamnation européenne de 50 millions d’euros, sans compter les astreintes, à la veille même de la présidence française de l’Union européenne.

Grâce à ce texte, nous comblerons un vide juridique profondément insatisfaisant pour tous, et nous aurons une chance de réformer les procédures communautaires. Dans le cadre contraint qui est aujourd’hui le nôtre, ce projet de loi est un excellent compromis. C’est pour toutes ces raisons que je vous invite à l’adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoireLe débat reste vif au sein de la société civile, mais aussi à l’intérieur de notre assemblée. C’est le signe de la vitalité de notre démocratie, et je m’en réjouis.

Alors que le Sénat a validé la quasi-totalité du texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, ce qui témoigne de la pertinence des choix retenus par notre Assemblée, l’article premier, relatif aux principes de l’ensemble du texte, reste toujours en discussion. Le débat se poursuivra donc. Mais vous me permettrez sans doute de rappeler les avancées déjà consacrées par ce texte, qui va nous doter d’un corpus législatif cohérent, conforme aux attentes du public et fidèle aux directives communautaires régissant l’utilisation des OGM.

Premier principe, tout usage des OGM devra être précédé d’une évaluation menée par une instance indépendante. Telle est la mission confiée au Haut conseil des biotechnologies, dont nous avons utilement précisé le fonctionnement : des avis divergents pourront être exprimés sur la place publique ; le mode de saisine a été élargi à tout citoyen par l’intermédiaire d’une association ou d’un élu de la nation, député ou sénateur ; le Haut conseil pourra se réunir en formation plénière afin d’aborder toute question de portée générale intéressant son domaine de compétences.

S’agissant du principe de transparence, qui vaudra tant à l’égard du public que des agriculteurs ne cultivant pas d’OGM, l’information et la participation de tous seront garanties par la création du comité économique, éthique et social au sein du Haut conseil, mais aussi par l’application de différentes dispositions relatives au suivi des essais et des mises en culture. Ces dernières seront retracées dans un registre national, rendu public dans les préfectures et par Internet. J’ajoute que les exploitants voisins seront directement informés préalablement aux semis.

De nombreuses mesures ont enfin été adoptées afin de garantir la coexistence des cultures. Outre les principes introduits à l’article premier par les amendements de nos collègues André Chassaigne et François Grosdidier, l’article 3 impose le respect de conditions techniques régulièrement révisées, dont l’objectif est d’éviter la présence accidentelle d’OGM dans d’autres productions. Les articles 3 A et 3 B contiennent également des dispositions particulières relatives aux parcs naturels régionaux et nationaux, ainsi qu’aux productions bénéficiant de signes de qualité ou d’origine. Ces mesures vont aussi loin que les autorités communautaires le permettent.

L’article 5 prévoit enfin un régime de responsabilité sans faute qui permettra une indemnisation rapide et efficace des préjudices causés par la culture des OGM. Je rappelle que l’Assemblée nationale a souhaité la prise en compte de la situation particulière des apiculteurs et des producteurs « bio ».

Pour tous ces motifs, ce projet de loi me semble conforme aux grandes orientations arrêtées par le Grenelle de l’environnement.

Mme Delphine Batho – C’est une plaisanterie !

M. Antoine Herth, rapporteur – Songeons seulement à la priorité donnée à la recherche, au développement d’une expertise scientifique indépendante, à l’application des principes de transparence et d’information du public, ou encore à la protection de l’environnement et de l’agriculture conventionnelle ou de qualité.

Premier texte examiné par le Parlement sur les organismes génétiquement modifiés, ce projet de loi fixe des grands principes tout en transposant les directives communautaires. Il n’a pas vocation à régler toutes les questions concernant les OGM, notamment l’étiquetage.

Il est vrai que plusieurs États se sont déjà dotés d’une législation spécifique en la matière, mais nous ne pouvons pas nous comparer à eux : ces pays ont depuis longtemps transposé les dispositions dont nous sommes saisis. Faisons donc preuve d’un peu de patience… J’ajoute que la question de l’étiquetage doit faire l’objet d’un débat au plan communautaire, car il faut éviter la juxtaposition de législations nationales divergentes. Il me paraît donc bien préférable de nous contenter, à titre transitoire, d’un décret au lieu d’adopter des mesures législatives qui ne seraient pas éclairées par une expertise préalable.

Grâce à l’adoption de ce projet de loi, nous nous doterons d’un des dispositifs les plus protecteurs au monde en garantissant la liberté de produire et de consommer « avec ou sans OGM », tout en assurant une protection effective aux structures agricoles, aux écosystèmes locaux, aux filières de production qualifiées « sans OGM », ainsi qu’à l’ensemble des cultures traditionnelles et de qualité. Toute utilisation des OGM fera l’objet d’une évaluation préalable et indépendante assurée par une expertise collective selon des principes de compétence, de pluralité, de transparence et d’impartialité.

Ce texte garantira également une transparence totale sur la culture des OGM en France, et permettra au public d’être informé et consulté, au niveau national et au niveau local. S’agissant de la recherche, qui a fait l’objet du principal consensus du Grenelle de l’environnement, le projet de loi fixe les grandes orientations de la recherche publique tout en établissant un cadre juridique permettant aux chercheurs de poursuivre sereinement leurs travaux.

En conséquence, je ne peux que vous inviter à voter une adoption conforme de ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ

Mme la Présidente – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

La conférence des présidents a décidé que la présentation des différentes motions ne pourrait excéder 15 minutes. J’invite donc les orateurs à respecter ce temps de parole.

M. Jean Mallot – C’est contraire à tous les usages !

M. Philippe Martin – Et les droits du Parlement ?

M. Germinal Peiro – Il y a quelques semaines encore, je rappelais à quel point la question des OGM comptait. Les hésitations de la majorité l’ont bien montré depuis six ans : l’histoire législative des OGM n’est qu’une suite de faux semblants et de reculs destinés à mieux faire passer l’inacceptable. Le symbole le plus frappant du malaise de la majorité et de l’incapacité du groupe UMP à faire régner l’ordre, date du 6 mai dernier, lorsque M. Copé a obtenu de la conférence des présidents qu’il n’y ait pas de vote solennel sur ce texte, alors que nous l’avions demandé.

M. Jean Mallot – C’est un scandale !

M. Germinal Peiro – Face aux incertitudes, et dans le but de ménager les intérêts du groupe UMP, il n’y aura aucune transparence sur le vote en seconde lecture. Quelle singulière conception de la démocratie et quelle lâcheté ! Le vote aura lieu dans le brouillard de la nuit... Le groupe UMP compte sans doute faire siennes les paroles d’une chanson bien connue : « Je ne me souviens plus, c’était tard dans la nuit ». (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC).

Les beaux discours de la majorité en faveur du développement de la démocratie ont trouvé leur limite.

M. Copé préconise une démocratie de caserne, où aucune tête ne doit dépasser. L’honneur des parlementaires, responsables de leurs choix devant les électeurs, est pourtant de dire publiquement ce qu’ils font. Hélas, vous sacrifiez l’honneur à la préservation de vos petits intérêts boutiquiers. Vous devriez relire l’article 27 de notre Constitution, lequel dispose que le droit de vote des membres du Parlement est personnel. Devant les difficultés de discipline auxquelles il est confronté, le président du groupe UMP aura peut-être d’ailleurs d’intéressants amendements à nous proposer lors de la prochaine réforme institutionnelle… Les citoyens ont le droit de savoir ce que chacun de leurs élus a voté. Ce principe de responsabilité démocratique est vraiment le respect minimal que nous devons au peuple.

Le débat en première lecture a été marqué de graves accusations, venues des rangs mêmes de l’UMP, concernant l’indépendance de certains élus. Ces accusations méritent la création d’une commission d’enquête. Nous ne nous faisons, hélas, aucune illusion sur la réponse du groupe majoritaire à notre demande sur ce sujet. Nous ne voulons pas prendre parti dans un conflit interne à l’UMP mais nous avons le devoir de nous inquiéter de ses conséquences néfastes pour l’intérêt général.

En effet, la rédaction amendée de l'article installant le Haut conseil des biotechnologies n'est certainement pas étrangère à la décision du président du comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM de demander au Gouvernement d'actionner la clause de sauvegarde sur le maïs Mon 810. Règlement de comptes qui ne devrait pas avoir sa place dans la loi ! C'est l'occasion, je le crois, de rappeler les exigences posées à l'article 27 de notre Constitution, à savoir que « tout mandat impératif est nul ».

Vous avez sans cesse cherché à tromper les Français, hostiles à 75 % à l'introduction des cultures OGM sur notre territoire et à la consommation d’OGM. Pour vous, puisqu’ils en consomment déjà sans le savoir, ils ne devraient pas s'opposer à en consommer en toute connaissance de cause. C’est pourquoi vous avez refusé tous nos amendements visant à assurer une meilleure traçabilité et un étiquetage effectif pour plus de transparence au profit des consommateurs. Mais la transparence vous fait manifestement peur. Vous n’hésitez pas à forcer la main aux consommateurs pour qu'ils avalent au sens propre ce qu'ils refusent pourtant. Cette morale de la jungle nous choque. Ce n'est pas ainsi que l'on rapprochera les Français des producteurs agricoles.

Pour justifier cette trahison, vous nous avez expliqué en première lecture que les Français sont ignorants et ne savent pas ce qu'est un OGM. Vous seriez en quelque sorte une avant-garde éclairée. Et, comme nous l'entendons beaucoup depuis des semaines, le défaut d'information serait seul la source du problème... si ce n'est pas une mauvaise traduction de vos paroles par des journalistes, qui vous seraient hostiles bien entendu. Quelle vision manichéenne du monde, avec d’un côté ceux qui savent, nécessairement de votre avis parce que partageant votre monothéisme scientiste, et de l’autre, les ignorants, obscurantistes, sceptiques, s’opposant au dogme, autant d’étranges individus, empêcheurs de tourner en rond qu'il faut réduire au silence !

Quelle vision inquiétante ! D’autant que la certitude absolue dont vous faites preuve en matière d'OGM est contraire à toute démarche scientifique. Cette certitude relève de la propagande. Or, comme l’écrivait Chomsky : « La propagande est à la démocratie ce que la matraque est à la dictature ». Vous ne parvenez pas à convaincre. Jusque dans les rangs de votre majorité, la vérité dont vous vous réclamez n'est pas admise. Le désaccord est encore profond sur la mise en culture des plantes génétiquement modifiées. L'analyse du vote solennel du 8 avril dernier témoigne de cette faillite. 57 % des députés n'ont pas approuvé le projet de loi sur les OGM, soit en s'abstenant, soit en votant contre. Seuls 249 députés sur 577 ont voté pour, 328 manifestant leur opposition, à tout le moins leurs doutes. M. Copé peut vouloir jeter le voile sur cette réalité en organisant en deuxième lecture un vote en catimini, honteux sur un sujet d’une telle importance. Mais les députés qui ont refusé de voter ce texte ne sont pas des ignorants. Ils savent que devant les incertitudes qui demeurent, la prudence s’impose. Sur le sujet, tout ce que nous savons est que nous ne savons rien. Le principe de précaution, inscrit dans notre Constitution, doit donc s’appliquer dans toute sa rigueur. Devant ce constat de faillite, le Premier ministre lui-même s’est égaré dans des sanctions disciplinaires au sein de son propre gouvernement, appliquant à l’UMP et à ses ministres la doctrine de la pédagogie de la sanction. Puisque l’on ne peut convaincre par l’exposé, forçons les consciences, obligeons au silence par la force. Pas de voyage au Japon, Madame la ministre ! Pas de dessert !

L’urgence n’a finalement pas été décrétée sur ce texte, bien que vous ayez tenté de le faire dans un premier temps. Il aura fallu que les Français fassent entendre leur mécontentement pour que vous concédiez au Parlement son droit de discuter le texte et la navette. Mais celle-ci est réduite à néant. Les sénateurs ont bien reçu le message, avalisant l'écriture gribouille d'un seul amendement de coin de table, seule largesse concédée pour obéir à la volonté des ultras de préserver l'acquis d'une dissémination aux vents mauvais des cultures d'OGM.

« Quelqu'un m'a dit » que cet amendement unique avait été dicté d'en haut. Je n'ose pas croire qu'une rédaction bâclée de la loi suffise à contenter la majorité tout entière, privée d'une discussion réelle. Mais peut-être préparez-vous déjà une deuxième version de la loi, pour plus tard, dans l'impressionnisme législatif qui vous caractérise.

La navette parlementaire est réduite au pire puisqu'on l'aura bien compris, votre devoir est de ne rien toucher au texte qui nous est aujourd'hui présenté. Vous avez, une nouvelle fois, le droit de vous taire pour qu'enfin le vent puisse faire son œuvre et finisse par balayer ce débat qui décidément vous dérange.

Le Gouvernement vend la future réforme constitutionnelle comme indispensable pour donner du pouvoir au Parlement. Nous sommes d'autant plus surpris de son attitude sur ce texte ! Nous tous pouvons amender, nous tous le devons puisqu’il n'est pas bon. Nous tous pouvons débattre pour combler ses lacunes et réparer ses oublis. Un seul exemple : si nous laissons le texte en l'état, il n'e contiendra rien sur les protocoles d'essais, bien que le comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM ait préconisé une réflexion à ce sujet.

Le Sénat a choisi de nous enfermer dans la seule discussion de l'article premier, s'exprimant a minima. Mais cet article nous permet, si nous le voulons, de modifier radicalement l'esprit du texte. C'est en notre pouvoir, nous n'avons pas besoin d'attendre une révision constitutionnelle pour agir !

L’amendement adopté au Sénat n’a qu’un but, que le président Copé a très clairement exprimé : il s'agit de « vider de son sens » l'amendement 252, présenté par notre collègue Chassaigne et adopté par notre Assemblée. Si cet amendement heurte autant vos consciences, le vrai courage aurait été de le supprimer. Mais vous préférez vous cacher, en adoptant une mesure mal rédigée, au mépris, de plus, de notre Constitution.

Nous étions convenus à l'article premier que la culture, la commercialisation et l'utilisation des OGM doivent notamment respecter les filières de production et commerciales qualifiées « sans OGM ». Il s'agissait de respecter la liberté de ceux qui veulent produire et consommer sans OGM, liberté que vous n'acceptez pas. Vous ne défendez que celle des plus forts, des plus riches, celle des intérêts financiers des multinationales de la semence. Le poète breton Glenmor a écrit : « Les libertés sont des pierres précieuses. Il en est d'ailleurs comme il en est des pierres : les riches en ont beaucoup ». L'amendement du Sénat, c'est une pierre précieuse pour les semenciers. Il garantit, dans votre esprit, l'introduction sans distinction des OGM. Il faut lire le rapport du Sénat pour comprendre le véritable hold-up intellectuel qui s’opère. On y lit en effet que la définition du « sans OGM » doit respecter la règle européenne, qui est simple : un produit doit être étiqueté comme contenant des OGM s'il en contient plus de 0,9 %, et ne doit pas l'être sinon. La douleur occasionnée par l'adoption de l'amendement 252 a dû égarer les collaborateurs du Sénat. Cet amendement en effet ne vise pas l'étiquetage, mais la définition du « sans OGM », ce qui n'est pas la même chose. Cette définition du « sans OGM » existe d’ailleurs déjà dans notre corpus administratif, posée par une note d’information de la DGCCRF du 16 août 2004.

Il faudra expliquer aux consommateurs pourquoi, après la loi sur les OGM, les règles seront moins protectrices de leurs intérêts qu’avant. Il y a quelque temps, la majorité faisait adopter une loi tendant « à renforcer la confiance et la protection des consommateurs. » Il serait pour le moins curieux qu’une autre loi aussitôt en fasse fi. Mais sans doute est-ce là la rupture ?

Dans les deux minutes qui me restent, puisque le temps alloué pour défendre les motions de procédure a été raccourci, ce que je regrette vivement, je vous inviterai à lire les réflexions d’Edgard Pisani, qui fut un grand ministre de l’agriculture de Charles de Gaulle avant d’être un grand Haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie sous François Mitterrand. Dans son ouvrage Un vieil homme et la terre, il propose pour notre monde « la gouvernance de la diversité comme alternative à la globalisation uniformisante qui tend à prévaloir aujourd’hui. » Lui n’a pas abdiqué l’idée, d’ailleurs partagée en 1994 dans le groupe de Seillac, de la possibilité du développement d’une agriculture marchande et ménagère.

Votre texte propose tout l’inverse de ce que la sagesse imposerait. Il contredit notre Constitution. Vous voterez donc, chers collègues, cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme la Présidente - Ni le Gouvernement ni la commission ne souhaite répondre. Nous en venons donc aux explications de vote.

M. Marc Laffineur – Autant dire que notre collègue ne nous a pas convaincus dans la défense de cette exception d’irrecevabilité. Nous avons largement débattu en première lecture. Le Sénat a lui aussi eu de longs débats.

Je fais par ailleurs observer que le temps de parole alloué pour la défense des exceptions d’irrecevabilité et des questions préalables en deuxième lecture est toujours de quinze minutes. Il n’y a donc pas eu d’exception pour ce texte.

Ni les manifestations, ni les pressions ne nous feront changer d’avis. Il y a urgence à débattre et à voter ce texte équilibré, comme l’a dit le rapporteur, qui permettra à la recherche française et européenne, aussi bien dans le domaine médical que dans le domaine alimentaire, de concurrencer les monopoles qui sont aujourd’hui l’apanage des États-Unis, de la Chine et du Brésil. Je vous invite donc à repousser cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente – Avant de donner la parole à M. Brottes, je précise que l’article 108, alinéa 2, de notre Règlement dispose que « la durée de l’intervention prononcée à l’appui de chacune des motions mentionnées à l’article 91 ne peut excéder trente minutes en deuxième lecture et quinze minutes pour les lectures ultérieures, sauf décision contraire de la Conférence des présidents. » En l’espèce, une décision particulière a donc bien été prise pour l’examen de ce texte en deuxième lecture.

Sur l’exception d’irrecevabilité, je suis saisie, par le groupe SRC, d’une demande de scrutin public.

M. François Brottes – Espérons qu’après avoir refusé le vote solennel, réduit le temps de parole sur les motions, on ne finira pas par nous empêcher de demander des scrutins publics au fil des débats. À l’évidence, pour la majorité, plus vite on en aura fini avec les OGM, mieux elle se portera. Pourtant, Monsieur Laffineur, tout cela n’a rien à voir avec la recherche médicale, et, monsieur Copé, la planète n’est ni de gauche ni de droite.

M. Jean-François Copé – Vous progressez !

M. François Brottes – C’est son avenir qui nous préoccupe, celui des générations futures. L’essentiel est bien de savoir comment on appliquera le principe de précaution après le vote de ce texte, puisqu’il ne semble pas faire de doute qu’une majorité, qui n’a pas forcément suivi les débats, va le voter.

Nous le regrettons, car nous voulons laisser à nos descendants la planète au moins dans l’état où nous l’avons trouvée. N’aggravons pas la situation avec ce texte. Il serait équilibré, nous dit-on, parce que, quand on cultivera des OGM, on aura l’obligation de le déclarer. Mais c’est la vieille histoire du renard dans le poulailler. Quand il y aura des OGM, il y aura dissémination, et les OGM se répandront dans toutes les cultures, y compris là où on n’en veut pas. Ce texte crée une situation irréversible.

M. François Goulard – Mais non !

M. François Brottes – En cela, il ne respecte en rien le principe de précaution, mais c’est peut-être le Conseil constitutionnel qui devra vous le dire. Aujourd’hui, vous aggravez les peines contre les faucheurs d’OGM. Mais les générations futures ne pourront pas punir les irresponsables qui auront permis que la planète soit envahie par ces OGM : il sera trop tard. La responsabilité, c’est de voter la motion présentée par M. Peiro (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Yves Cochet – Le groupe GDR votera l’exception d’irrecevabilité. Comme l’a dit M. Peiro, il y a eu, au sein du groupe UMP, une reprise en main quasi militariste pour priver ses membres de leur liberté de conscience, et même, en quelque sorte, du recours à une clause de conscience (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) sur un vote qui engage l’avenir. Vous allez prendre une immense responsabilité en créant une situation irréversible pour l’environnement et la santé.

D’ailleurs, la deuxième lecture a déjà été une parodie de démocratie. Tous les amendements de l’opposition ont été refusés au Sénat, où l’on a seulement limité la portée de l’amendement 252 de M. Chassaigne. Et je suis prêt à parier que, quelle que soit la valeur des amendements que nous allons défendre pour améliorer le texte, la majorité va tous les refuser. D’ailleurs, elle n’en a déposé aucun. C’est du caporalisme, et cette deuxième lecture est un déni de démocratie.

Du moins, les citoyens auraient dû savoir ce que vous allez voter. Ils ne le sauront pas. Les deux groupes d’opposition ont demandé un vote solennel, comme pour toutes les lois importantes, et le président de l’Assemblée s’y est opposé. Chacun aura donc loisir de prétendre qu’il était absent lors du vote, face à des électeurs, qui, y compris la majorité des agriculteurs, ne veulent pas des OGM.

M. Jean Auclair – Qu’est-ce que vous en savez ?

M. Yves Cochet – Vous avez honte de votre vote ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente – Laissez M. Cochet terminer son propos.

M. Yves Cochet – Autre déni de démocratie : le refus du simple dépôt d’une résolution demandant une commission d’enquête parlementaire sur les allégations de certains députés et du sénateur Le Grand, selon lequel certains de nos collèges, notamment de la majorité, ont été « actionnés par les lobbies semenciers » (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Ces propos ont été tenus publiquement. Le président du Sénat avait accepté un tel projet de résolution, celui de l’Assemblée a tout verrouillé.

Plusieurs députés du groupe UMP – C’est scandaleux !

M. Yves Cochet – Déni de démocratie, déni de transparence : il faut voter avec nous l’exception d’irrecevabilité.

À la majorité de 114 voix contre 85 sur 200 votants et 199 suffrages exprimés, l’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.

Mme la Présidente – Je donne la parole à M. Debré pour un rappel au Règlement.

M. Bernard Debré – Je fais ce rappel au Règlement, car les propos de M. Cochet ont été extrêmement injurieux envers la majorité. Il a parlé de caporalisme. Non, nous sommes libres de dire ce que nous avons envie de dire, et nous l’avons fait(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Dans nos rangs, il y avait des pour et des contre. Dire ensuite que nous avons été achetés par les semenciers est inacceptable ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Ces allégations sont mensongères !

M. Philippe Martin – C’est un élu UMP qui le dit !

M. Bernard Debré – C’est une injure à l’indépendance du Parlement ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Vos sous-entendus sont anti-démocratiques(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz – « Actionnés » !

Mme la Présidente – Le Président de l'Assemblée nationale n’a pas accédé à la demande de M. Cochet de créer une commission d’enquête. Cela relève de sa responsabilité. Le débat est clos.

QUESTION PRÉALABLE

Mme la Présidente – J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe GDR une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. André Chassaigne – On nous a privés de vote solennel, et on réduit à quinze minutes au lieu de trente la durée de nos interventions sur les motions ! Je vais donc devoir m’autocensurer.

Ce projet souffre de graves insuffisances, malgré quelques améliorations apportées par l’Assemblée en première lecture. De plus, suite à l’adoption de notre amendement 252, le Sénat a introduit de nouvelles dispositions peu claires, qui nécessitent un examen supplémentaire. La discussion de ce texte doit donc être repoussée.

Ce projet souffre de déséquilibres en raison de la philosophie même du Gouvernement sur les OGM. Il prétend en encadrer la culture. Il n’en est rien, il la libéralise et livre l’agriculture aux firmes agroindustrielles et semencières, sans qu’aucun moyen de contrôle démocratique ne vienne contrebalancer l’influence de l’agrobusiness.

Puisqu’on me censure, je ne peux revenir comme je l’avais prévu sur les amendements que nous avions proposés en première lecture. J’en viens donc directement à la modification introduite par le Sénat sur l’amendement 252 que nous avions adopté. Celui-ci vise à garantir le respect des structures agricoles et des écosystèmes locaux, ainsi que les filières de production commerciales sans OGM. Les structures agricoles de la Beauce ne sont pas celles de l’Auvergne, une région de monoculture diffère évidemment des espaces de polyculture et d'élevage. Or, l'implantation de cultures OGM peut démembrer des parcelles subtilement agencées, risquant ainsi de déstructurer des découpages façonnés par des techniques agricoles parfois millénaires. L’identité de régions entières peut être ainsi atteinte, des spécialités culturales et les savoir-faire paysans qui les accompagnent disparaissant. Comme s'est exclamé en première lecture notre collègue socialiste Philippe Martin, « ce ne sont pas les éleveurs de poulets du Gers, les producteurs de foie gras du Périgord ou de jambon de Lacaune qui demandent à utiliser des OGM ! »

D'autre part, notre amendement vise les écosystèmes, cet équilibre subtil entre la roche, le sol, le climat et le vivant. Ainsi, dans les causses du Massif central, des espèces vivent en harmonie, en lien avec des structures agricoles particulières. Ici encore, la mise en culture d'OGM peut provoquer de grands bouleversements, par l’extension de zones agricoles qui empiéteraient sur les espaces naturels et par une « pollution génétique » des espèces sauvages qui remettrait en cause leur existence même. La biodiversité serait alors atteinte, qui souffre déjà de tant de pollutions et de l'artificialisation des sols.

Enfin, notre amendement vise les filières « sans OGM », des productions agricoles spécifiques telles que les emblématiques appellations « AOC », « Label rouge », « agriculture biologique », et les labels européens. Il s'agit également des filières de vente, qui concernent les labels les plus connus mais aussi des filières de qualité créées par des acteurs privés comme la grande distribution. Notre amendement vise à inciter à la protection d'une pratique déjà répandue : celle de prévoir dans le cahier des charges que le produit concerné est sans OGM mais aussi que les animaux ont été nourris avec des aliments ou compléments alimentaires eux-mêmes exempts d’OGM. C’est le cas, par exemple, du Saint-Nectaire, dont le cahier des charges stipule que tout ce qui a servi à le produire doit être issu « de cultures non-OGM et garantis comme telles. »

À une époque où 85 % des importations d'aliments pour animaux d'élevage sont des végétaux transgéniques, cette stipulation est essentielle. Elle promeut en effet des circuits courts d'alimentation du bétail, à partir de fourrages issus de la région de production du fromage, et participe ainsi à la souveraineté alimentaire de notre pays. La précision selon laquelle les cultures non-OGM sont « garanties comme telles » est d’importance. Elle signifie que les fourrages concernés devront être exempts d'OGM, même de manière accidentelle. Autant dire que si l'on veut que le label AOC soit maintenu, les parcelles avoisinantes devront être également sans OGM, puisque les pollens se disséminent. Pour faire respecter le cahier des charges du Saint-Nectaire, il sera donc sans doute nécessaire que l’ensemble des territoires où ce fromage est produit, et non, seulement, les propriétés des adhérents à l'AOC, soient exempts de telles cultures, ainsi que les zones contiguës – en tout, plus d’une centaine de communes du Puy-de-Dôme et du Cantal.

En bref, par l'appel au respect de la diversité de nos milieux naturels, du savoir-faire paysan, de notre patrimoine agricole et culturel, cet amendement dessine un modèle agricole incompatible avec celui que les libéraux de l'OMC et de l'Union européenne veulent imposer à la planète, et dont je rappellerai les caractéristiques : une agriculture industrialisée, standardisée, américanisée, mettant le monde paysan en coupe réglée au bénéfice des intérêts mercantiles d'un petit nombre ; une économie productiviste ignorant que les attaques contre l'exploitation familiale et les structures sociales du monde rural fragilisent autant les écosystèmes que les hommes, l'environnement que la qualité de vie rurale.

Pour autant, notre amendement n'exclut pas mécaniquement l'ensemble du territoire français de la culture d'OGM, contrairement à ce qui a pu être affirmé, parfois par excès d'enthousiasme, parfois pour en préparer l'éviction. Pour qu’il en aille ainsi, il aurait fallu préciser explicitement que tous les produits répondant à une appellation « AOC » ou « Label rouge » excluent à tout niveau l'utilisation d'OGM. À titre personnel, j'aurais soutenu une telle disposition – mais ne faisons pas dire à cet amendement ce qu'il ne dit pas. Certes, le territoire national dans son entier est composé de structures agricoles et d'écosystèmes locaux, mais il est cependant possible d'exclure certaines zones particulières de la culture d'OGM, en fonction de critères à définir. Je rappelle que la directive « Habitats » de 1992 mentionnait déjà divers espaces naturels particuliers à préserver. Le recensement est donc largement entrepris au niveau européen et il peut servir de base à l’exclusion de la culture d'OGM de certains territoires. Les gouvernements futurs pourront donc s'appuyer sur le principe énoncé dans notre amendement pour établir une législation plus précise.

Notre amendement a le mérite d'ouvrir la voie à l'exclusion des OGM de certains territoires – à condition qu'il soit, à l'avenir, interprété comme il convient. En premier lieu, il peut orienter le Haut conseil des biotechnologies, qui devra nécessairement appuyer ses avis sur l'article premier du projet. Lorsque le Haut conseil rendra ses conclusions sur l'autorisation de mises en culture d'OGM, espèce par espèce, il devra ainsi considérer l'implantation de ces espèces sur le découpage parcellaire existant et les filières de production. En effet, à la suite de l'adoption d'un amendement en première lecture, il est établi que le collège économique, éthique et social rendra ses propres recommandations mais qu’il pourra aussi interpeller le collège scientifique en réunion plénière sur l'utilité même des OGM en fonction de l'environnement où ils s'inséreront. L'exigence du respect des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production devra alors guider la réflexion des deux collèges.

D'autre part, les juridictions, et en particulier les juridictions administratives, pourront s'appuyer sur ce principe pour interdire la mise en culture des OGM dans certaines zones et pour certaines filières. Rappelons-nous : le principe de précaution a ainsi amené le Conseil d'État, en 1998, à annuler sur son fondement une autorisation de mise en culture d'OGM alors même qu'aucune législation ne l'y autorisait expressément. Dans le même esprit peut s’appliquer le principe de « protection territoriale » que nous avons adopté dans l'amendement 252.

Enfin, je le redis, ce nouveau principe donnera également une base juridique à ce que les cahiers des charges de produits AOC et d’autres labels étendent l'absence d'OGM à certaines zones et filières. En cela, il constitue un encouragement de taille à la production d’une alimentation de qualité et au maintien de l'agriculture paysanne.

Mais, bien que modéré, comme je viens de le montrer, l'amendement 252 a suscité l’opposition farouche du Premier ministre. M. Fillon a ainsi déclaré qu’il « n'aurait pas dû être voté » et qu'il « s'engageait » à ce qu'il soit « supprimé » en deuxième lecture, désavouant ainsi la secrétaire d'Etat à l'écologie, qui en avait appelé à la sagesse de notre Assemblée. Or, si Mme Kosciusko-Morizet a été blâmée et punie (Mouvements divers) c'est pour avoir permis l'ouverture du débat responsable et contradictoire qui a jusqu'à maintenant fait défaut sur les OGM et sur le modèle agricole dont la France a besoin. L'exécutif était donc tenté de revenir sur une décision prise, en dictant purement et simplement aux représentants du peuple les décisions souveraines qu'ils allaient prendre. Les sénateurs étaient ainsi appelés par le chef du Gouvernement à supprimer cet amendement.

Mais l'amendement, rendu public, a très vite suscité une adhésion massive de l'opinion publique. Rappelons que la pétition électronique en sa faveur a, à ce jour, reçu le soutien de plus de 40 000 personnes, et qu'une très large majorité de nos concitoyens ont appuyé la courageuse prise de position de la secrétaire d'État à l'écologie (Approbations sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC ; mouvements divers sur les bancs du groupe UMP). Aussi, sous la pression de l'opinion et après arbitrage du président de la République, le Sénat a finalement décidé de ne pas revenir sur notre formulation, mais il l’a assortie de deux nouvelles phrases.

Quel est donc le sens véritable de l'amendement du Sénat ? Voilà ce qu’il nous faut éclaircir aujourd'hui. Le maintien de la formulation issue de notre Assemblée était-il une simple concession destinée à donner des gages à une opinion qui a montré son opposition aux OGM ? La compléter avait-il pour objectif de la neutraliser, de la siphonner en la vidant de sa substance ?

La première phrase ajoutée par le Sénat dispose que « la définition du "sans organismes génétiquement modifiés" se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire ». Or, cette définition communautaire n'existe pas. Quelle utilité y a-t-il donc à se référer à une réglementation européenne inexistante ? Aucune. Rien n'empêche en effet les États de définir le « sans OGM » sans pour autant annoncer que l'Europe aurait compétence à l'établir. D'ailleurs, les ministres européens de l'environnement, lors des conseils des 18 décembre 2006 et 20 février 2007, ont validé les moratoires de l'Autriche et de la Hongrie sur la culture d'OGM sur la base des définitions du « sans OGM » de ces deux pays, et précisément en fonction du critère du respect des différentes structures agricoles et des caractéristiques écologiques régionales au sein de l'Union. L'Europe n'étant pas une fédération dans laquelle les attributions des États sont déterminées limitativement, cette phrase est non seulement inutile mais tout bonnement trompeuse, comme le serait un couteau sans lame auquel on enlèverait le manche. (Sourires)

M. Christian Jacob – Le quart d’heure prévu est largement dépassé ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme la Présidente - C’est moi, Monsieur Jacob, qui préside cette séance. Monsieur Chassaigne, allez-vous conclure ?

M. André Chassaigne – Je m’y efforce, Madame la présidente, mais il me faut auparavant dire comment j’interprète la seconde phrase introduite par le Sénat, qui dispose que « dans l'attente d'une définition au niveau européen, le seuil correspondant sera fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut conseil des biotechnologies, espèce par espèce ». Ainsi, pour la première fois, la France prévoirait par cette disposition de fixer un seuil du « sans OGM ». L'article 2 prévoit certes que l'autorité administrative autorise la mise en culture des OGM après avis du Haut conseil des biotechnologies, mais la définition de ce qui constitue un OGM n'est pas formulée, et tous les amendements présentés en première lecture pour fixer une définition ont été repoussés. Désormais, avec cette nouvelle disposition introduite par le Sénat, l'autorité administrative pourra définir le « sans OGM » – ce qui permettra de circonscrire le champ d'application de la procédure d'autorisation visée à l'article 2… Au moment d’interpréter ce deuxième ajout sénatorial, j'hésite donc : arroseur arrosé, ou à nouveau, canif sans lame et sans manche ?

M. Christian Jacob – Mais enfin ! Le temps de parole de l’orateur est épuisé depuis longtemps !

Mme la Présidente – Veuillez conclure.

M. André Chassaigne – J’en ai fini, Madame la présidente. Il est très significatif que le plus acharné à me faire taire soit M. Jacob (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC), qui se révèle être bien le porteur d’eau de certains ! (Même mouvement ; protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob – Rappel au Règlement. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la démonstration de M. Chassaigne n’était guère brillante. Mais ce qui me choque le plus, c’est qu’à l’instar des intervenants qui l’ont précédé, il se sente obligé de regarder vers M. Bové pour savoir si celui-ci approuve ce qu’il dit ! (Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme la Présidente – Un peu de sérénité, s’il vous plaît. Sur le vote de la question préalable, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

M. Patrick Roy – L’intervention de M. Chassaigne était brillante, et c’est à croire que nos collègues de l’opposition ne l’ont pas écoutée et ne perçoivent pas les dangers que recèle ce projet.

Il y a d’abord un danger pour la démocratie, car il est incroyable que, sur un texte aussi important, pour un acte majeur qui aura des conséquences sur l’avenir de la planète, le Gouvernement refuse un vote solennel en deuxième lecture. Il s’agit d’un refus manifeste de transparence de la part du Gouvernement et, comme l’a dit mon collègue Germinal Peiro, nous votons « dans le brouillard de la nuit ». En outre, la défense des motions de procédure est limitée à quinze minutes ; l’on a même voulu nous faire croire que ceci était la procédure habituelle ; heureusement que Mme la présidente a mis les points sur les « i » et rappelé que cela était tout à fait inhabituel, même en deuxième lecture (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP).

Si le texte était aussi solide que vous le prétendez, vous n’auriez aucune objection contre un vote au grand jour. Mais vous savez, en réalité, que 75 % des Français refusent de consommer des OGM et que, par ailleurs, une majorité de parlementaires refusent de voter ce texte, seuls 43 % l’ayant voté en première lecture (Même mouvement). Quant au comportement du Sénat, il est inadmissible, car comment accepter qu’un sous-amendement prive de sens l’amendement Chassaigne ?

La certitude affichée du Gouvernement revient à de la propagande. Comment croire un seul instant qu’après le vote de cette loi irréversible, il n’y aura pas de dissémination ? Je crois entendre de nouveau ce que les industriels de l’amiante déclaraient il y a quelques années ; nous sommes dans la même situation, et les conséquences seront les mêmes ! (Même mouvement) C’est la raison pour laquelle je vous invite tous à voter, en conscience, la question préalable de M. Chassaigne (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Daniel Paul – C’est vrai que la démocratie est mise en cause avec la façon dont le Gouvernement procède (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C’est la première fois, à ma connaissance, qu’un vote solennel est refusé sur un texte en deuxième lecture. C’est dire le trouble qui existe dans votre majorité, avec ce qui se passe dans notre pays depuis plusieurs semaines autour de ce débat. Oui, nous avons raison, ainsi que ceux qui aujourd’hui se trouvent dans les tribunes ou manifestent dehors, de protester contre ces procédés (Même mouvement).

MM. Daniel Mach et Franck Gilard – Démagogue !

M. Daniel Paul – Notre assemblée a l’occasion de voter en faveur du principe de précaution, conformément à l’intérêt de notre pays aujourd’hui et pour l’avenir. Vous avez refusé d’aller dans ce sens, vous vous obstinez dans ce refus et, en cela, vous ne faites que vous plier aux exigences de « l’agro-business ».

Vous auriez certes souhaité faire disparaître l’amendement Chassaigne, mais vous ne l’avez pas osé, de crainte de dévoiler vos véritables intentions. Alors vous l’avez fait raboter, pour lui ôter toute portée. Vous prenez ainsi le risque de fragiliser les productions et de semer le doute dans l’esprit des consommateurs. On connaît pourtant les difficultés de nos terroirs, pour le vin, les fromages, les produits d’élevage, face au rouleau compresseur des grands groupes. J’étais hier dans un parc-jardin de ma région, dont la renommée dépasse les frontières de notre pays. Ses responsables m’ont fait part de leurs craintes de voir le travail de leur équipe remis en cause par le risque de dissémination des OGM, même dans la limite des 0,9 %. Tout le territoire sera touché, et les semenciers seront les seuls gagnants de l’opération.

Ce texte est dangereux, il n’est pas abouti, il n’est pas clair, il ne définit pas ce qu’est un OGM. Pour toutes ces raisons, il convient de voter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Marc Laffineur – Je tiens à faire remarquer à nos collègues qu’il n’y a jamais eu de vote solennel après un vote solennel en première lecture (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Plusieurs députés du groupe SRC – Et alors ?

M. Marc Laffineur – La transparence de la majorité n’est donc absolument pas en cause.

M. Chassaigne parle d’indépendance. C’est justement si nous ne votons pas ce texte, si nous ne donnons pas à nos chercheurs la possibilité de donner leur avis sur les OGM, au sein d’un Haut conseil des biotechnologies qui assure une expertise indépendante, que nous perdrons notre indépendance (Même mouvement). Ce seront alors les Américains, les Brésiliens, les Chinois qui imposeront leur volonté (Même mouvement).

Ouvrir cette possibilité d’une expertise indépendante est donc extrêmement important. Ne perdons pas de vue non plus les avancées thérapeutiques possibles liées aux OGM, en matière de thérapie génique, de traitement du cancer, de vaccins, mais aussi, en matière agricole, les possibilités de cultiver des plantes avec moins de pesticides, avec peut-être moins d’eau, ou sur des sols de plus en plus salins. En conséquence, il faut voter contre cette question préalable (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe UMP).

À la majorité de 136 voix contre 135 sur 273 votants et 271 suffrages exprimés, la question préalable est adoptée.

(Les députés du groupe GDR et du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement)

Mme la Présidente – En conséquence, le projet de loi n’est pas adopté.

M. Jean-Marc Ayrault – Monsieur Laffineur, sur un sujet aussi important que les OGM, ce n’est pas parce qu’il s’est présenté peu d’occasions de recourir au vote solennel au-delà de la première lecture qu’il faut le refuser. Vous avez à présent la démonstration qu’en appliquant de façon restrictive le règlement de l’Assemblée nationale, vous avez commis une faute politique. Et vous l’avez payée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. André Chassaigne – Madame la présidente, je remercie les députés qui ont compris que ce texte ne pouvait être voté en l’état et qu’il convient de le modifier pour laisser aux Français la possibilité de produire et de consommer sans OGM ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

Prochaine séance demain, mercredi 14 mai, à 15 heures.

La séance est levée à 18 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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