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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 20 mai 2008

1ère séance
Séance de 9 heures 30
159ème séance de la session
Présidence de M. Rudy Salles, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

CONDITIONS DE L’ÉLECTION DES SÉNATEURS

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues relative aux conditions de l'élection des sénateurs.

M. Bernard Roman, rapporteur de la commission des lois – À l’heure où le Parlement s’apprête à examiner le projet de révision constitutionnelle voulu par le Président de la République, et dont la démocratisation de nos institutions est l’objectif déclaré, il serait incohérent d’esquiver la question de la composition des assemblées parlementaires.

En effet, si elle est votée, la révision constitutionnelle débouchera sur des lois organiques, des lois simples, des décrets et des modifications du règlement des chambres. Le groupe SRC regrette donc que les textes d’application de la révision constitutionnelle ne soient pas soumis au Parlement, qui pourrait ainsi saisir toute l’architecture institutionnelle de la « République exemplaire » promise par le chef de l’État.

En outre, l’adoption de lois organiques relatives au Sénat exigeant l’accord de la Haute Assemblée, il serait dommage que l'Assemblée nationale se dessaisisse de sa capacité à mettre en œuvre la révision constitutionnelle en s’exposant à la menace d’un veto sénatorial.

Notre approche de la révision constitutionnelle se veut constructive. Nous entendons défendre les principes d’un meilleur équilibre de notre démocratie ; or l’adaptation des conditions d'élection des sénateurs aux exigences démocratiques constitue bien une question de principe, car le Sénat est devenu la chambre de l'alternance impossible – situation anormale et sans pareille, sauf à prendre la Chambre des Lords britannique pour modèle ! Tous s’accordent à reconnaître son absence de représentativité…

M. Patrick Roy – Très bien !

M. Bernard Roman, rapporteur – La majorité sénatoriale, depuis plusieurs années ; l'ancien Premier ministre Édouard Balladur, qui l'analyse de manière très précise dans son rapport ; enfin, le président Sarkozy lui-même, dans son discours d'Épinal.

La réforme du mode d'élection des sénateurs est donc particulièrement opportune. Monsieur le président Warsmann, vous avez indiqué à juste titre en commission que la proposition de loi était, en l'état, contraire à la Constitution : de fait, seule la révision constitutionnelle peut écarter le risque d'inconstitutionnalité qui a jusqu’à présent empêché cette réforme. Ainsi la réforme ambitieuse proposée par M. Dolez, et qui prévoyait l'élection d'un délégué communal par tranche de 300 habitants, s'est-elle heurtée, le 6 juillet 2000, à une décision du Conseil constitutionnel selon laquelle les élus locaux devaient demeurer majoritaires au sein du collège électoral du Sénat. La présente proposition de loi reposant sur un dispositif analogue, son adoption définitive suppose la révision de l'article 24 de notre Constitution, qui devrait préciser, conformément aux conclusions du rapport du comité Balladur, que « le Sénat représente les collectivités territoriales en fonction de leur population ».

Mes chers collègues, nous souhaitons tous mettre à profit le projet de révision constitutionnelle pour renforcer le Parlement ; or, pour être fort, le Parlement doit d’abord jouir, dans ses deux chambres, d’une légitimité incontestable, ce qui n’est pas le cas du Sénat.

De fait, le président du Sénat avait tort de déclarer à la gauche indignée, en mars 2002, qu’il suffisait à la gauche plurielle, pour s'emparer du Sénat, de remporter les élections municipales suivantes. Car, alors que, depuis le 16 mars dernier, la gauche est majoritaire dans toutes les strates de collectivités locales...

Mme Laurence Dumont – Eh oui !

M. Bernard Roman, rapporteur – …administrant 20 régions sur 22, 58 départements sur 102, 350 villes de plus de 10 000 habitants – contre 262 pour la droite…

M. Benoist Apparu – Et les villes de moins de 10 000 habitants ?

M. Bernard Roman, rapporteur – J’y viens ! En somme, alors que 60 % de la population française réside dans des communes gérées par la gauche, le mode de scrutin exclut que le renouvellement du Sénat en 2008, puis en 2011, traduise cette majorité.

Car c’est la France du xixsiècle que représente le Sénat…

M. Patrick Roy – Voire du xviiie !

M. Bernard Roman, rapporteur – …ce « grand conseil des communes françaises » qu’évoquait Gambetta en 1875. En effet, les communes les moins peuplées sont surreprésentées au sein de son collège électoral : les villes de plus de 100 000 habitants, qui représentent 16 % de la population, ne disposent que de 8 % des délégués ! Il s’agit là non seulement d’un déni de démocratie, mais également d’une négation de l'évolution qu’a connue la France depuis cinquante ans, marquée par l'urbanisation et la décentralisation.

En outre, les communes sont surreprésentées par rapport aux autres collectivités locales : leurs délégués constituent 96 % du collège électoral du Sénat, qui ne remplit donc pas le rôle de représentant de toutes les collectivités territoriales que lui assigne l'article 24 de la Constitution. L’inscription de l’organisation décentralisée de la République à l’article 1er, voulue par M. Raffarin lorsqu’il était Premier ministre, suppose en outre de prendre en considération le poids des départements et des régions dans l'architecture territoriale.

Nous avons donc déposé des amendements au projet de loi constitutionnelle – dont dépend, étant donné la jurisprudence restrictive du Conseil constitutionnel, la possibilité de rééquilibrer la composition du collège électoral du Sénat au profit des communes les plus peuplées – afin que soit reprise la rédaction initiale, qui précisait que le Sénat représente les collectivités territoriales « en fonction de leur population » et non, selon les termes finalement retenus par le Gouvernement, « en tenant compte de leur population ». Mais nous n’avons pu nous faire entendre pour l’instant, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter quant aux intentions de la majorité et du Gouvernement.

Au-delà d’une conception strictement territoriale, nous devons prendre en considération la dimension humaine des collectivités ; en outre, les pouvoirs dévolus au Sénat justifient que son mode d’élection tienne davantage compte du critère démographique.

Notre proposition de loi ouvre donc la voie, de manière équilibrée, au nécessaire réajustement démocratique du Parlement français, en permettant au Sénat de mieux tenir compte du suffrage universel, et en y renforçant le scrutin proportionnel, rétabli dans les vingt-cinq départements comptant au moins trois sièges, ce qui portera à 255 le nombre de sénateurs élus selon ce mode de scrutin.

En outre, le suffrage proportionnel favorisant la parité, les femmes seront ainsi plus nombreuses au Sénat.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Sur ce point, vous pouvez nous faire confiance !

M. Bernard Roman, rapporteur – C’est du reste parce que la représentation proportionnelle est le seul moyen d’améliorer la représentativité du Sénat que Nicolas Sarkozy en vantait les mérites dans son discours d’Épinal.

D’autre part, si la représentation des communes doit tenir davantage compte de la démographie, c’est en respectant deux principes : d’une part maintenir la prédominance des communes, dont les élus continueraient de représenter 70 % du collège électoral, au lieu de 96 % aujourd’hui.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Bernard Roman, rapporteur – D’autre part, assurer une meilleure représentation de leur population, en leur garantissant, quelle que soit leur taille, un délégué sénatorial supplémentaire par tranche de 300 habitants. Les mêmes règles s’appliqueraient aux représentants des Français de l'étranger.

Enfin, notre proposition de loi permettrait d’assurer aux départements et aux régions une représentation adaptée à la place qu’ils occupent au sein des institutions décentralisées, soit 15 % du nombre total de délégués, au lieu d’un peu plus de 2 % pour les départements et de 1 % pour les régions.

Enfin, nous proposons de supprimer la participation des députés à l’élection des sénateurs, car chacun de nous ici représente la nation, et non l’une de ses collectivités territoriales.

Comment, dès lors, refuser que le débat ait lieu ? Comme nous, vous souhaitez renforcer le rôle du Parlement : améliorer la légitimité du Sénat ne peut que servir le bicamérisme. Comme nous, vous souhaitez garantir les droits de l’opposition : pour cela, l’alternance doit être possible dans les deux assemblées. Comme nous, vous voulez ouvrir des droits supplémentaires aux citoyens : leur vote doit donc être suivi d’effet dans les deux chambres.

Pour toutes ces raisons, je demande au Gouvernement et à la majorité d’accepter la discussion des articles de notre proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit plusieurs modifications du mode d’élection sénatorial : la création de deux collèges supplémentaires pour représenter les conseils généraux et régionaux, la modification de la représentation des communes au sein du collège électoral sur une base démographique, l’abaissement du seuil d’application du scrutin proportionnel aux départements disposant d’au moins trois sénateurs et la modification des conditions d’élection des sénateurs représentant les Français de l’étranger.

Comme gaulliste, je sais qu’il n’y a rien de plus légitime que de s’interroger périodiquement sur l’adéquation entre nos institutions et les évolutions de la société. La France d’aujourd’hui n’est plus celle d’il y a un demi-siècle.

Pourtant, ce n’est pas parce que nos institutions ont cinquante ans qu’il faut absolument les changer ! Dans de nombreux pays, la stabilité des institutions est même un atout. Pas question, donc, de céder à l’air du temps ou à une quelconque mode, voire à des préoccupations polémiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Laurence Dumont – Démocratiques !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Et surtout, la méthode choisie est peu respectueuse des membres de la Haute Assemblée. La tradition républicaine, que certains ont trop tendance à vouloir effacer, aurait en effet voulu que l’on confiât la première lecture de ce texte au Sénat lui-même, puisqu’il est directement concerné. Une proposition de loi semblable lui sera d’ailleurs soumise dès le 4 juin prochain. Il serait bien inélégant d’anticiper un débat qui doit s’engager d’abord à la Haute Assemblée.

M. Marc Dolez – Ce n’est pas ce que pensait le Général de Gaulle.

M. Marcel Rogemont – C’est le fond du débat qui est important !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur J’y viens : votre proposition de loi soulève d’importante difficultés juridiques. Tout d’abord, en l’état du droit, elle est inconstitutionnelle.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois C’est vrai !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur L’article 24 de la Constitution dispose que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales. La réforme adaptant cette représentation à la population est à l’étude, et vous allez vous en saisir dans quelques heures. Toute initiative à ce sujet est donc prématurée. En outre, votre texte contredit une décision du Conseil constitutionnel qui a déclaré non conforme une loi de 2000 disposant qu’un délégué de communes serait désigné pour trois cents habitants. Les mêmes causes auront aujourd’hui les mêmes effets ! Le Conseil constitutionnel a estimé que l’importance accordée aux délégués supplémentaires des conseils municipaux au sein des collèges électoraux dépasserait la simple correction démographique – c’est le principe d’égalité devant le suffrage qui est en jeu. Le Sénat doit être élu par un corps électoral qui émane des collectivités territoriales et, à ce titre, doit être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes de ces collectivités.

Tous ces arguments demeurent valides aujourd’hui, et sont opposables à la désignation de nouveaux délégués des conseils généraux et régionaux que vous proposez. Avec 45 800 nouveaux délégués pour les départements et autant pour les régions, les conseillers généraux et régionaux eux-mêmes seraient marginalisés au sein du corps électoral au point de ne plus en représenter que 4 % pour les uns et 8 % pour les autres, alors même qu’ils sont élus au suffrage universel.

Dans ces conditions, l'Assemblée nationale n’a-t-elle donc pas mieux à faire que de débattre d’une proposition dont chacun sait qu’elle sera censurée par le Conseil constitutionnel ?

J’ajoute que vos mesures destinées à renforcer la représentativité du Sénat sont inadaptées. En effet, 52 % des sénateurs sont d’ores et déjà élus au scrutin proportionnel, assurant ainsi la représentation des diverses sensibilités politiques de notre pays. L’abaissement du seuil de représentation proportionnelle aux départements comptant trois sénateurs au moins n’est donc pas nécessaire. L'Assemblée nationale en convient elle-même, puisqu’elle a modifié sur ce point en 2003 la loi du 10 juillet 2000.

M. François Goulard – Exact.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur J’entends, Monsieur le rapporteur, votre alibi de la féminisation. Sachez que les femmes n’ont pas besoin d’être méprisées au point de croire que seule la proportionnelle permet leur élection ! Nous sommes nombreuses sur ces bancs pour vous prouver, Messieurs, que ce n’est plus le cas depuis longtemps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés du groupe SRC – Pas sur les bancs de l’UMP, semble-t-il !

M. Marcel Rogemont – Pourquoi avoir inscrit la parité dans la Constitution, puisque tout va si bien ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Ou peut-être comptez-vous, Messieurs, sur ces quotas pour préserver vos sièges lorsque, dans quelques années, les femmes seront encore davantage représentées ? Dans ce cas, dites-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Par ailleurs, votre texte prévoit de fixer à 30 % la part des représentants des départements et des régions. C’est un chiffre arbitraire qui ne repose sur aucun argument démographique ou institutionnel ; en particulier on ne voit pas sa justification au regard du principe d’égalité des collectivités territoriales entre elles.

Plusieurs députés du groupe SRC – Conservatisme !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Non : vous allez aujourd’hui même débattre d’une réforme bien plus ambitieuse et équilibrée de nos institutions.

M. Michel Françaix – C’est bien mal parti !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Nous verrons alors, Mesdames et Messieurs de l’opposition, qui sont les véritables conservateurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Outre ces nombreuses difficultés juridiques, la mise en œuvre de votre proposition alourdirait considérablement l’organisation des scrutins. En premier lieu, l’extension excessive du collège sénatorial poserait de nombreux problèmes d’ordre technique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Songez que vous proposez une hausse de 121 % du collège, soit une augmentation de 138 000 à 305 000 du nombre de grands électeurs !

M. Marcel Rogemont – Et alors ? C’est le taux d’augmentation du salaire du Président de la République ! (Interruptions)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur – Soyons sérieux ! Je croyais que vous vouliez donner à ce débat une certaine hauteur.

Une telle disposition engendrerait des dépenses supplémentaires, liées à la prise en charge des frais de transport des délégués et donc incompatibles avec l'article 40 de notre Constitution.

M. Guy Geoffroy – Et voilà ! Mais cela, ils ne l’avaient pas vu !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur – Outre la question de la bonne organisation du suffrage, elle poserait aussi celle du sens d'élections au suffrage universel indirect fondées sur un corps électoral aussi vaste – plus de 5 000 grands électeurs dans les départements urbains, voire plus de 10 000 dans les plus peuplés.

À dire le vrai, le dispositif proposé pour l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger n’est guère plus convaincant. La désignation de 4 580 délégués complémentaires pour leur élection aurait pour effet de multiplier par trente leur corps électoral.

M. François Hollande – Et alors ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur – L’organisation du vote deviendrait extrêmement compliquée, sans que cela ait d’incidence sur la diversité et sur la représentativité des électeurs désignés.

M. Bernard Roman, rapporteur Et le vote par Internet évoqué dans le texte ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur – Les solutions envisagées pour faire face à une telle augmentation du corps électoral ne sont guère satisfaisantes. Le vote par Internet ne présente pas des garanties de fiabilité suffisantes…

M. Michel Françaix – Qu’en pense votre collègue Santini ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur – Quant au vote par correspondance – prévu dans votre texte – il est interdit depuis 1975 en raison des fraudes constatées.

Au-delà de ses faiblesses intrinsèques,…

M. Guy Geoffroy – C’est une litote !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur – …la présente proposition de loi me semble particulièrement inopportune. Elle intervient en effet avant la tenue du débat sur l'avenir de nos institutions. Il faut avoir un minimum de logique ! Vous avez plaidé, Monsieur Roman, pour une vision globale : dans cette optique, fixons d’abord le cadre institutionnel général et, à partir de là, nous pourrons décliner ensemble les évolutions nécessaires.

Ce sujet mérite un débat sérieux et approfondi, au-delà des clivages partisans et de l'écume des invectives. Ce sont l’unité nationale et l’efficacité de l’État dans le cadre de la mondialisation qui sont en jeu. Dès lors, ne préjugeons pas de l'issue des travaux et ne nous perdons pas en diatribes et polémiques sur une réforme non prioritaire. Vous dites que le mode d’organisation actuel serait assis sur une pseudo représentativité et, partant, serait injuste…

M. Patrick Roy – C’est le cas !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur – Que dire alors des effets de l’application de la loi PLM lors des municipales de 2001, contre lesquels vous ne vous êtes certes pas élevés alors qu’ils ont pu entraîner l’élection de maires ne correspondant pas au souhait majoritaire des électeurs ? Avez-vous protesté contre ce déni de démocratie et cette atteinte au suffrage universel ? On ne peut pas réfuter des arguments un jour et s’en prévaloir le coup d’après ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

N’abordons pas les choses par le petit bout. Nous avons besoin de la contribution de tous les parlementaires dans le grand rendez-vous démocratique de la réforme des institutions. Nous avons besoin de votre sens de l'intérêt général, pour le bien de la République et des Français. Je remercie par avance chacun d’entre vous d’y participer (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – La parole est à M. Ayrault pour un rappel au Règlement.

M. Jean-Marc Ayrault – Madame la ministre, vous vous êtes référée à plusieurs reprises au débat institutionnel qui débute ce soir. Mais puisque nous avons la chance d’avoir ce matin la ministre chargée d’organiser les élections, pouvez-vous préciser les intentions du Gouvernement pour ce qui concerne les élections régionales ? Le Premier ministre a évoqué la possibilité de changer les règles dès la prochaine élection : qu’en est-il ? Sans règles du jeu claires et connues à l’avance, la confiance ne peut s’installer et la représentation nationale mérite par conséquent d’être éclairée (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur – Monsieur le président Ayrault, vous aurez, à partir de ce soir, un débat général sur l’ensemble du système institutionnel au cours duquel vous pourrez aborder tous les sujets. Ce qui me semble essentiel, c’est que la définition des règles du jeu découle d’un consensus. S’agissant des modes de scrutin, leur fixation ne relève pas de la responsabilité d’un seul ministre et doit procéder d’une concertation…

M. François Hollande – Répondez à la question de M. Ayrault !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur – De même, le redécoupage électoral se fera qu’après avoir entendu chacun, une fois la concertation avec l’ensemble des responsables menée à son terme (Bruit sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Marc Ayrault – J’ai compris à présent que vous aviez l’intention de changer les règles du jeu pour les Régionales. Parce que vous ne voulez pas l’avouer, vous renvoyez la question à d’autres votes, mais cela contribue à la détérioration du climat. Comment la confiance pourrait-elle s’installer si vous refusez d’assumer vos intentions et les arrière-pensées qui les sous-tendent ?

M. Bernard Deflesselles – Chacun sait que vous, vous n’avez jamais d’arrière-pensées ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault – Claires et équitables, les modalités d’élection aux conseils généraux n’ont jamais posé problème. Comptez sur notre vigilance si vous persistez dans votre projet de les modifier (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Nous abordons la discussion générale.

M. Bruno Le Roux – Dans notre démocratie, il faut ouvrir L’Express pour apprendre que le Premier ministre envisage – est-ce à titre personnel ou au nom du Gouvernement ? – de réformer le mode de scrutin régional…

M. Jean-Louis Léonard – L’Express, ce n’est pas le Journal Officiel !

M. Bruno Le Roux – Alors qu’il est prévu de mettre en place une commission indépendante pour le redécoupage, nous apprenons dans nos départements, ici ou là, que certains préfets sont d’ores et déjà chargés de faire remonter des éléments en vue du redécoupage sans que l’opposition en soit le moins du monde informée (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Et ce n’est qu’à la faveur des débats en commission que nous apprenons l’existence de discussions sur le scrutin législatif, sur le fait de savoir s’il ne devrait pas devenir un scrutin majoritaire à un tour plutôt que deux !

Madame la ministre, le climat nécessaire à nos échanges doit reposer, je ne dirais pas sur la confiance, car nous n’en avons que peu pour ce qui concerne la manière dont vos gouvernements traitent des questions électorales,…

M. Bernard Deflesselles – C’est réciproque !

M. Bruno Le Roux – …mais, au moins, sur le partage de l’information. Qu’il s’agisse des modes de scrutin ou du redécoupage électoral, nous avons le droit de savoir sur quelles hypothèses vous travaillez. Il n’y aura pas débat valable sur les institutions sans un minimum de transparence (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Au reste, les décisions se prennent-elles au ministère de l’intérieur, rue de la Boétie ou ailleurs encore ? (Même mouvement)

Le projet de révision constitutionnelle que nous examinons à partir d’aujourd’hui est loin de tenir les engagements de modernisation qui avaient été pris et il ne lève ni les inquiétudes ni les multiples interrogations que nous avons déjà exprimées, qu’il s’agisse du contenu des lois ou de la réforme du Règlement des assemblées. C’est pour cela que le débat commence dès ce matin, avec cette proposition de loi, qui vient en complément de votre réforme institutionnelle en améliorant le mode d’élection des sénateurs.

Depuis plusieurs années, à bien regarder les prises de position de chacun, il apparaît qu’un certain consensus républicain pourrait se dégager sur la réforme des institutions. La réforme du Sénat semble vous inspirer un enthousiasme relatif, Madame la ministre, alors qu’une évolution est souhaitée sur tous les bancs. Que l’on ne mette pas en avant un hypothétique obstacle constitutionnel, car nous proposons des débats concomitants – que le Gouvernement donne un signe en approuvant la proposition du groupe socialiste présentée ce matin, qu’elle soit adoptée à l’unanimité, et que la question soit examinée au fond après la réforme constitutionnelle, dont elle sera la première mesure d’application. L’argument que vous nous avez opposé ne tient d’ailleurs pas, puisque le projet de réforme constitutionnelle contient un article qui ouvre la voie à une réforme du collège électoral des sénateurs.

Nous avons mûrement préparé le débat sur le projet de réforme constitutionnelle prévu pour s’engager ce soir et nous vous avons soumis de longue date nos propositions visant à renforcer les droits du Parlement et à améliorer la procédure parlementaire. Mais la commission, en décidant de ne pas présenter de conclusions sur notre proposition relative aux conditions de l’élection des sénateurs, a fait preuve d’une attitude sectaire… (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Deflesselles – C’est un comble !

M. Bruno Le Roux – …et la majorité d’un repliement sur soi que vos propos, Madame la ministre, ne font que confirmer, et qui augure mal du climat qui prévaudra au cours du débat sur le projet de réforme constitutionnelle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Pourquoi refuser la réforme reconnue nécessaire depuis des décennies d’un Sénat dont Lionel Jospin a, à juste titre, souligné qu’en l’état il constitue une « anomalie démocratique »… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Deflesselles – Et puis quoi encore ?

M. Bruno Le Roux – Mais ce n’était pas lui le plus dur ! Pour le général de Gaulle, le Sénat était une « erreur ». Pour lui, « s'il y a eu une erreur dans la Constitution de 1958, c'est bien celle-là ; de créer un corps qui peut tout bloquer et contre lequel on ne peut rien, alors qu'on peut quelque chose contre tous les autres ». Je vous trouve soudain bien plus calmes, collègues de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) Comment contester l’anormalité de l’archaïsme persistant du mode d’élection des sénateurs, qu’il est grand temps de démocratiser ? Comment croire que le Gouvernement aurait réellement la volonté de renforcer les droits du Parlement s’il maintient le pouvoir de blocage du Sénat et l’impossibilité d’une alternance politique en son sein ? Si la démocratisation de nos institutions est vraiment voulue, la concomitance s’impose de l’examen de notre proposition et du projet de réforme constitutionnelle. On entend sans cesse parler de l’« obstruction » à laquelle se livrerait l’opposition à l'Assemblée nationale en déposant de trop nombreux amendements, ce qui se produit deux fois par an au plus. Mais qui évoque l’exorbitant pouvoir qu’a le Sénat de bloquer des textes organiques, ce Sénat servile sous les gouvernements de droite (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et prompt à l’obstruction systématique sous les gouvernements de gauche ? (Mêmes mouvements)

Sur la réforme constitutionnelle, nous souhaitons l’instauration d’un dialogue républicain, mais vous devez pour cela, Madame la ministre, donner le signe, sans faux-semblants et sans faux-fuyants que la réforme s’engagera sur d’autres bases que sur celles que le Gouvernement a proposées. À dire vrai, j’en viens à me demander, à la manière dont toutes nos propositions ont été repoussées en commission et dont elles semblent devoir l’être par l’Assemblée, si la majorité et le Gouvernement soutiennent vraiment le Président de la République dans sa volonté de réforme (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – La parole est à M. de Rugy (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Deflesselles – Ce matin, nous avons droit aux plus modérés…

M. François de Rugy – J’entends des commentaires sur des propos que je n’ai pas encore tenus… Alors que notre assemblée doit examiner, ce soir peut-être – mais qui sait ? – un projet de réforme constitutionnelle concocté par le Gouvernement à la suite des travaux de la commission Balladur, il apparaît que, contrairement aux conclusions de cette commission nommée par le Président de la République, le texte fait l’impasse sur les modes de scrutin…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx – Évidemment, puisque la question n’est pas d’ordre constitutionnel !

M. François de Rugy – …sujet pourtant central quand on évoque la démocratie. Mais le moins que l’on puisse dire est que l’organisation démocratique de la société française n’est pas la principale motivation de M. Sarkozy (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Les Verts estiment hautement souhaitable d’inscrire les modes de scrutin dans la Constitution, ce qui garantirait à la fois un minimum de consensus – consensus nécessaire, vous le constatez vous-mêmes, puisque la règle des trois cinquièmes vous pose problème – et une certaine stabilité institutionnelle. Il y a en effet de quoi être inquiet en apprenant que le Gouvernement s’apprête à nouveau à tripatouiller le mode d’élection des conseils régionaux (Protestations sur les bancs du groupe UMP) déjà modifié il y a moins de cinq ans ! Comme l’a rappelé mon collègue Bruno Le Roux, Lionel Jospin avait, à bon escient, dit du Sénat qu’il est une « anomalie démocratique »…

M. Bernard Deflesselles – Ce qui ne lui a pas porté chance !

M. François de Rugy – J’observe que les députés n’ont guère de leçon à donner, car la composition de l'Assemblée nationale n’est pas particulièrement représentative de la France d’aujourd’hui. Et si l’on songe que le Gouvernement peut soumettre à nouveau au vote de la représentation nationale, sans qu’un mot en ait été modifié, le projet de loi relatif aux OGM rejeté par une majorité de députés la semaine dernière, on constate que les anomalies ne manquent pas dans notre Constitution.

Nous sommes donc favorables à une réforme du mode d’élection des parlementaires fondée sur l’application de principes véritablement démocratiques, telle que la composition du Parlement reflète aussi fidèlement que possible l’expression de la volonté populaire et la diversité sociologique, territoriale et politique de la France d’aujourd’hui.

Je précise que nous sommes favorables au maintien du bicaméralisme, qui contribue à un travail législatif de qualité ; ce n’est pas au moment où le Gouvernement décrète l’urgence sur presque tous les textes qu’il faudrait céder à la précipitation ! Mais seul est démocratique le suffrage universel direct, pour toutes les élections. Nous proposons donc que les sénateurs soient ainsi élus, pour six ans, et dans le cadre des régions. Cet ancrage régional donnerait au Sénat une nouvelle légitimité, et l’élection devrait, tout naturellement, avoir lieu le même jour que les élections régionales. Ainsi les choses seraient-elles claires. Le fait que les élections ne suivent pas le même rythme que les élections présidentielles et législatives leur donnerait par ailleurs une légitimité propre. Ce mode d’élection s’impose, comme le démontre le rapporteur. Pour autant, le Sénat n’ayant pas le dernier mot en cas de divergence avec l’Assemblée, son élection à la proportionnelle intégrale ne poserait aucun problème et n’obérerait pas la capacité d’action du Gouvernement.

Notre vision du mode d’élection devrait naturellement s’insérer dans une architecture démocratique globale rénovée – celle de la VIe République que nous appelons de nos vœux et sur laquelle nous reviendrons dans le débat sur la réforme constitutionnelle. La proposition de nos collègues socialistes est de portée nettement plus restreinte, mais elle est méritoire. C’est un premier pas : puisqu’il n’y a pas de majorité pour conduire une réforme franchement démocratique du Sénat, le texte tente, dans un cadre contraint, de corriger des inégalités de plus en plus choquantes entre territoires, et donc entre Français, dans l’exercice du vote.

Dans la mesure où elle pourrait faire espérer que le Sénat reflète un peu mieux la réalité politique de notre pays, à savoir celle issue du vote des Français aux élections locales, nous voterons cette proposition de loi en espérant que son caractère très restreint, voire minimaliste, lui permette d’obtenir un large soutien sur l’ensemble de ces bancs. Il est à craindre sinon que le seul critère pour juger cette réforme ne soit de savoir le nombre de sénateurs UMP auquel elle conduirait (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Étienne Blanc – Nous examinons ce matin une proposition de loi du parti socialiste…

M. Bernard Roman, rapporteur – …du groupe socialiste.

M. Étienne Blanc – …visant à modifier les modalités d’élection des sénateurs. Le groupe UMP, sans méconnaître le caractère légitime de ce débat, ne peut que regretter à la fois les circonstances dans lesquelles il se tient devant notre assemblée et la teneur même des propositions qui nous sont faites (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

La diminution de la place des communes dans le collège électoral chargé d'élire les sénateurs, une représentation exclusivement calée sur leur population, une place nouvelle donnée aux régions et aux départements appelés à désigner chacun 15 % des délégués chargés d'élire les sénateurs, l'extension du scrutin proportionnel aux vingt-cinq départements élisant actuellement trois sénateurs et la modification substantielle du mode d'élection des sénateurs de l'étranger, ne sont pas satisfaisantes.

Ainsi, pourquoi décider, par exemple, que 30 % des grands électeurs seront dorénavant désignés par les régions et les départements ? Cette proposition, formulée à la faveur d'une situation conjoncturelle qui donne à la gauche la majorité des exécutifs régionaux et départementaux (Protestations sur les bancs du groupe SRC et marques d’approbation sur les bancs du groupe UMP), vise simplement à assurer une majorité de gauche au Sénat dès le prochain renouvellement de septembre 2008.

M. Bruno Le Roux – Quelle horreur !

M. Étienne Blanc – Il s'agit d'un calcul purement électoral dont l'objet n'est pas d'assurer une meilleure représentation des collectivités territoriales, mais tout simplement de l'opposition actuelle. C’est là instrumentaliser le mode d’élection des sénateurs.

Mme Claude Greff – Scandaleux !

M. Étienne Blanc – Ce texte marquerait aussi l'affaiblissement de la représentation des petites communes, donc celle du monde rural. Ainsi les parties du territoire national les moins peuplées, celles qui ont des difficultés pour assurer un égal accès aux services publics, se trouveraient marginalisées. Sous prétexte de modernité, la représentation de la ruralité à la Haute Assemblée serait amoindrie.

Cette question d'importance ne saurait se régler à la faveur d'une proposition de loi déposée dans la précipitation à quelques mois des élections sénatoriales. Quant à la modification proposée du mode d'élection des sénateurs de l'étranger, complexe, tarabiscotée même, elle implique le recours au vote électronique ou au vote par correspondance, modification profonde qui ne saurait s'effectuer que par voie législative, et n’apporte pas de solution satisfaisante.

Leur précipitation a même fait perdre de vue à nos collègues de l'opposition l'inconstitutionnalité plus que probable de la proposition visant à faire élire un délégué par tranche de trois cents habitants. La conséquence d’une telle réforme serait en effet de faire désigner par les grandes villes plus de délégués non élus que de délégués conseillers municipaux. Le nombre de délégués non élus passerait de 8 % à 30 % (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP), représentant alors une part prépondérante dans le corps électoral des sénateurs, ce qui serait en totale contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2000 où il rappelait, à juste titre, qu'en application de l'article 24 de la Constitution, le corps électoral du Sénat doit être essentiellement composé de conseillers municipaux élus au suffrage universel. Enfin, le collège électoral du Sénat augmenterait de manière démesurée, passant de 143 521 membres à plus de 300 000, si cette proposition était adoptée.

Ces quelques observations démontrent que, sous l'angle juridique comme sous l'angle technique, la proposition n'est pas appropriée. Mais c'est évidemment sous l'angle politique qu’elle mérite aussi d'être repoussée. Tout d'abord parce que ses signataires se prétendent « progressistes » face à une majorité qu'ils qualifient de « conservatrice ». Si le terme de conservateur n'est pas blessant, celui de progressiste est en tout état de cause inapproprié pour le parti socialiste. Conserver les règles des régimes de retraite sans penser à l’évolution démographique, les régimes spéciaux, la carte judiciaire et la carte hospitalière, et tous nos dispositifs publics, voilà le vrai conservatisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les critiques faites par le parti socialiste sur le mode d'élection de la Haute Assemblée relèvent d'une indignation parfaitement sélective. Pourquoi ne s’indigne-t-il donc pas de la même façon pour un mode de scrutin qui aura donné à la gauche vingt exécutifs régionaux sur vingt-deux ? Démonstration est donc faite que cette proposition de loi n’est qu’une manœuvre, ayant pour unique objet de semer le trouble et la confusion à l'approche de la réforme constitutionnelle que nous nous apprêtons à débattre, alors même que celle-ci ouvre la porte à une modification de l'article 24 de notre constitution qui disposerait, si la réforme est adoptée, que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de leur population ». Cela permettrait une représentation plus juste du peuple français au sein de la Haute Assemblée tout en conservant l'objectif d'une représentation de toutes les communes françaises, en particulier des plus petites.

Alors que le Sénat s'apprête à ouvrir un débat sur son mode de scrutin le 4 juin prochain, voilà que le parti socialiste porte trois semaines auparavant le débat à l’Assemblée, laissant entendre que cette question déterminera sa position sur la réforme de notre constitution et exigeant, sur cette question, « des engagements clairs et datés du Gouvernement » – je cite les propos de M. Vallini que vient de confirmer M. Le Roux.

Cinq mois avant la désignation des grands électeurs, trois semaines avant que le Sénat n'ouvre lui-même ce débat, c’est évidemment une mauvaise manière faite à la Haute Assemblée.

M. Bernard Deflesselles – Une provocation !

M. Étienne Blanc – Une provocation en effet, bien inutile. La voie choisie par le Gouvernement est la bonne, qui nous propose de modifier d’abord l'article 24 de la Constitution. Cette réforme permettra ensuite d’adapter le mode d'élection des sénateurs, en laissant le Parlement en débattre et rechercher, dans le respect de notre histoire et de nos traditions, celui qui sera le mieux adapté au maintien de la représentation des petites communes de France tout en assurant la prise en compte de la population des communes.

Cette proposition de loi, contestable sur le plan juridique, imparfaite sur le plan technique, traduit sur le plan politique une méfiance injustifiée et injustifiable à l'égard de la Haute Assemblée. Elle est de surcroît inopportune. C’est pourquoi le groupe UMP ne la votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Jacques Urvoas – Je m’étonne des termes utilisés pour qualifier cette bien modeste proposition de loi. II s'agit tout simplement…

Un député du groupe UMP – De faire du chantage !

M. Jean Jacques Urvoas – …de mettre en place un dispositif plus juste, plus équilibré, qui permette au Sénat d'aborder dans de bonnes conditions l'indispensable modernisation de notre vie publique. Tout a été dit sur la nécessité de cette réforme.

Le Sénat, comme les gens heureux, n’a pas d'histoire… Rien ou presque n'y a changé depuis des décennies. Il a les mêmes attributions, les mêmes pouvoirs, les mêmes procédures de recrutement et quasiment le même fonctionnement qu'à ses débuts. Immuable, il a la même majorité depuis ses origines, insensible aux courants et aux vagues qui ont fait bouger l'Assemblée nationale en 1962, 1968, 1981, 1993 ou 1997. Invariablement, la droite y règne sans partage. Cela permet ainsi à cette seconde chambre de demeurer fidèle à ses origines, marquées par la volonté des constituants monarchistes de 1875, qui, résignés à fonder une république, cherchèrent à la brider en imposant un Sénat dont la composition privilégiait les forces conservatrices.

L’archéologie institutionnelle n’est jamais inutile (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC ) pour comprendre nos institutions. Étonnante situation donc que celle du Sénat qu’il n’est pas choquant de vouloir faire évoluer – et non bouleverser, le champ de notre proposition restant limité. Ainsi ne remettons-nous pas en cause le principe du suffrage indirect. Et pourtant, le mode d'élection des sénateurs contredit l'article 3 de notre constitution, selon lequel le suffrage universel, direct ou indirect, doit être égal. Et pourtant, le Sénat est la seule assemblée dans les grandes démocraties dont les membres sont élus par des collèges uniquement composés d'autres élus. Et pourtant, il serait possible de souligner l'étonnante conciliation théorique à laquelle le constituant de 1958 s'est livré. Ainsi, dans notre République, la souveraineté est indivisible, comme le proclame l'article premier de la Constitution. Et le Sénat qui, aux termes de l’article 24 de la Constitution, « assure la représentation des collectivités territoriales de la République » participe aussi « en tant qu'assemblée parlementaire, à l'exercice de la souveraineté nationale », selon la décision du Conseil Constitutionnel du 9 avril 1992. Si les deux ne sont pas contradictoires, ils sont pour le moins difficiles à concilier sur le plan théorique. En effet, si la représentation des collectivités infranationales en tant que telles au sein du Parlement ne saurait, à elle seule, transformer un État unitaire en un État fédéral, elle apparaît dans son essence contraire à l'idée d'indivisibilité de l'État. Elle exige donc des contorsions intellectuelles pour déterminer la nature exacte du Sénat dans nos institutions.

De même, la notion de représentation des territoires ne va pas de soi. En quoi un département aurait-il qualité à s'exprimer sur des lois relatives au droit civil ? Les territoires ne sont pas des personnes. Ils n'ont un droit d'expression que parce qu'ils accueillent une population. Si tel n'était pas le cas, on devrait, par exemple, élire un sénateur des terres australes et antarctiques françaises !

Si le fondement de la légitimité des sénateurs est, in fine, la population, pourquoi le mode d'expression dévolu à celle-ci diffère-t-il de celui qui prévaut pour les élections législatives ? Pour donner au Sénat une fonction particulière, le législateur a décidé de faire du corps électoral sénatorial une expression distordue du peuple, auquel appartient la souveraineté nationale. De là est né le suffrage indirect que nous ne proposons pourtant pas de remettre en cause – c’est dire notre modération ! – alors même que le professeur Gicquel reconnaissait que du fait de son mode d’élection, le Sénat avait « une légitimité faible ».

Par ailleurs, nous ne revenons ni sur la condition d'âge – 30 ans –, ni sur les autres conditions d'éligibilité ou d'inéligibilité, ni sur le mode de scrutin différencié selon la taille des départements. Chacun sait pourtant qu’une loi électorale est rarement innocente : elle détermine la nature de l’assemblée qui est élue.

Plusieurs députés du groupe UMP – Souvenons-nous de 1986 !

M. Jean Jacques Urvoas – Nous faisons preuve de modestie en souhaitant seulement améliorer la lisibilité du mode de scrutin et rééquilibrer la représentation des collectivités territoriales. Le Sénat doit représenter le paysage institutionnel actuel, et non celui du passé. Il ne peut pas entrer dans le XXIe siècle de la même façon qu’il est sorti du XIXe

M. Marcel Rogemont – Très bien !

M. Jean Jacques Urvoas – C’est à cette condition que le Sénat pourra se débarrasser de son image bien souvent désuète. Comme la Haute Assemblée pourrait-elle continuer à se considérer comme un élément régulateur si sa composition n’a d’autre effet que de renforcer la majorité gouvernementale lorsqu’un camp est majoritaire, et de l'entraver dans le cas contraire ?

Le Sénat est une assemblée politique, et c’est ce qui fait sa noblesse. Plus personne ne le conteste aujourd’hui, alors qu’il fut un temps où certains considéraient la Haute Assemblée comme un cercle réunissant de simples techniciens du droit, soucieux de la qualité des lois – une tâche ingrate mais essentielle, que les députés, absorbés par les contingences et les querelles politiques, passaient pour négliger. Cette image idyllique du travail sénatorial, parfaitement désobligeante pour notre assemblée, n'a pas résisté à l'alternance politique voulue par les Français.

C'est parce que le Sénat exerce un véritable rôle politique que notre proposition de loi s’efforce de mieux concilier la nature propre de la Haute Assemblée, différente de celle de l'Assemblée nationale, et l’impératif d’une meilleure représentativité, qui est un facteur de légitimité.

Notre proposition n’est donc pas une critique du Sénat ; au contraire, elle est inspirée par la volonté de lui redonner toute sa place dans le débat démocratique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Marc Dolez – Lorsque la gauche perd tout, elle perd tout ; lorsque la droite perd tout, elle conserve le Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Cette observation du professeur Guy Carcassonne témoigne bien de l’anachronisme, de l’inégalité et de l’incohérence du mode d’élection des sénateurs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). D’où l’urgence démocratique d’une réforme.

Comment imaginer que la modernisation des institutions, dont nous allons débattre à partir de ce soir, fasse l’impasse sur le Sénat, structurellement orienté à droite depuis un siècle et demi, devenu autiste et insensible aux évolutions de l’opinion (Protestations sur les bancs du groupe UMP), et mis à l’abri de toute alternance ?

Aux termes de l’article 24 de la Constitution, le Sénat a pour mission de représenter les collectivités territoriales. Mais il faudrait respecter également l’article 3, en particulier le principe d’égalité du suffrage. Or, ce n’est pas le cas aujourd’hui, le mode du scrutin privilégiant les zones rurales et les petites communes : il y a un délégué pour 800 habitants dans les communes de plus de 100 000 habitants, et un pour 300 dans celles de 1 000 habitants.

Comme l’indique l’excellent rapport de M. Bernard Roman, l’ensemble des communes de moins de 500 habitants dispose de plus de deux fois de délégués que les communes de plus de 100 000 habitants, alors que ces dernières abritent une population deux fois plus importante. Le mode de scrutin actuel ne correspond donc plus à la réalité démographique de notre pays. Bien que le Sénat participe à l’expression de la souveraineté nationale, qui appartient au peuple aux termes de l’article 3, le lien entre le Sénat et le peuple est pour le moins distendu.

La réforme que nous proposons est équilibrée et modeste ; ce n’est nullement une révolution. Nous ne demandons pas la suppression du Sénat ou son élection à la proportionnelle. Notre proposition tend seulement à répondre à l’exigence démocratique, et à permettre au bicamérisme de jouer pleinement. En modifiant le mode de scrutin du Sénat, nous ne remettrons pas en cause l’équilibre de nos institutions, mais nous améliorerons la représentativité de la Haute Assemblée.

L’absence de représentativité est un dysfonctionnement qui ne lui permet pas de jouer pleinement son rôle : il appuie toujours la majorité gouvernementale quand elle est de droite, il l’entrave quand elle est de gauche. Comme l’observe Pascal Jean, professeur à l’IEP de Bordeaux, c’est une trahison de l’esprit bicaméral (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC). Le Sénat doit se réformer. S’il ne le fait pas, il est certainement voué à disparaître un jour (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Marietta Karamanli – Aux termes du troisième alinéa de l'article 24 de la Constitution, « le Sénat est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».

Notre proposition de loi tend à ce que la division du territoire à des fins électorales respecte au mieux ce principe démocratique fondamental qui est la représentation effective des électeurs. Il s’agit de passer d’une République sénatoriale à une représentation effective des collectivités selon la population, mais aussi de faire progresser la parité au sein de la Haute Assemblée.

Chacun sait que le Sénat de la Ve République a été créé pour asservir l’Assemblée nationale, puissante par ses prérogatives, mais faible par sa détermination. S’il était possible de faire surgir une majorité nette et constante, affirmait Michel Debré, il n’y aurait pas besoin du Sénat : selon lui, son rôle principal était en effet de soutenir le Gouvernement contre une assemblée trop envahissante parce que trop divisée.

En raison du fait majoritaire, de l'absence d'alternance et du décalage entre les élus et la représentation des communes représentant le plus grand nombre d'électeurs, le remède d’hier est devenu une cause de malaise. Nous avons besoin d’une évolution. La France est le seul pays de l’Union européenne, avec les Pays-Bas, à disposer d'une seconde chambre élue au suffrage indirect. En Italie et en Espagne, par exemple, les sénateurs sont élus directement par la population des collectivités territoriales.

Dans sa décision du 6 juillet 2000, le Conseil constitutionnel a jugé que l'abaissement à 300 habitants du seuil de désignation des délégués des communes tendait à bouleverser la représentation des collectivités territoriales en « écrasant » les petites communes – c’est le terme utilisé par les sénateurs de la majorité qui avaient saisi le Conseil. Or, ce sont les électeurs qui ont pâti de l’absence d’évolution.

Dans leur recours, les sénateurs avaient fait valoir que l’on devait concilier l'exigence démographique et le principe d’une représentation équilibrée des collectivités territoriales. Le Sénat que nous appelons de nos vœux doit représenter les collectivités selon leur population.

C’est pourquoi les articles 2 de 3 de notre proposition tendent à donner à toutes les communes, y compris Paris, un poids correspondant à leur population et à appliquer effectivement le principe d'égalité grâce à un mécanisme simple, lisible et équitable.

M. le Président – Veuillez conclure.

Mme Marietta Karamanli – En matière de parité, les articles 10 et 11 de la proposition prévoient que les sénateurs seront élus à la représentation proportionnelle dans les départements comptant au moins trois sénateurs, mode de scrutin aujourd’hui réservé, aux termes de l’article L. 295 du code, aux seuls départements dans lesquels sont élus au moins quatre sénateurs.

La réforme de 2003, qui avait pour objectif de réduire les disparités de représentation, a supprimé l'obligation de parité dans les départements élisant trois sénateurs. Or, cette disposition avait permis à la proportion de femmes élues de tripler. Il n’y a aujourd’hui que deux femmes élues sur 45 dans les départements où la proportionnelle et la parité ne s’appliquent pas, contre 20 dans les autres départements…

M. le Président – Veuillez conclure.

Mme Marietta Karamanli – Nous avons besoin de mesures volontaristes en matière de parité. La ministre a parlé de quotas, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il faut instaurer l’isotimie, c’est-à-dire l’égalité d’accès aux fonctions.

La discussion générale est close.

M. Bernard Roman, rapporteur – Le débat que nous venons d’avoir est-il de bon augure pour celui que nous entamerons ce soir ? Je le dis malgré votre moue, Monsieur le ministre : non !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Tant pis pour vous.

M. Bernard Roman, rapporteur – Car un projet de loi constitutionnelle n’est pas un projet de loi comme un autre : son adoption requiert une majorité des trois cinquièmes. Et si le climat n’y est pas propice, il n’y aura pas de compromis, donc pas de majorité qualifiée ! Or le mépris avec lequel la majorité débat de notre proposition de loi ne me semble pas de bon augure.

Vous voulez pourtant redonner au Parlement toute sa place au cœur de la République. Nous aussi ! Mais le Parlement, c’est l'Assemblée nationale et le Sénat. Et le Sénat est aujourd’hui un non-sens démocratique : vous ne pouvez accepter que 60 % de nos concitoyens vivent dans des collectivités dirigées par la gauche et que le Sénat – qui représente les collectivités territoriales – reste à droite à chaque élection. C’est une anomalie démocratique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Vous le savez si bien que votre projet de loi constitutionnelle esquisse une réforme du mode d’élection du Sénat que vous proposez même – sans doute pour éviter tout problème avec la majorité sénatoriale – de ne rendre applicable qu’en 2011 au plus tôt !

Vous voulez donner plus de droits à l’opposition. Mais si ses nouveaux droits se bornent à une ou deux niches supplémentaires et que vous êtes décidés à venir voter – comme vous vous apprêtez à le faire cette fois-ci – pour empêcher le passage à la discussion des articles, cela ne sert à rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Là encore, nous n’avons pas de raison de vous faire confiance !

Nous n’en avons pas davantage, Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, au vu d’un troisième élément que M. Ayrault a évoqué tout à l’heure : oui ou non, avez-vous dans vos cartons une série de projets de lois sur les élections régionales et législatives ? S’agissant des premières, le Premier ministre nous l’a dit : il nous faut connaître son projet à cet égard pour avoir une vision globale de votre réforme ! Cette vision globale, nous ne l’avons pas. Nous ne pouvons donc vous faire confiance, et nous le regrettons (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – La commission n’ayant pas présenté de conclusions, l’Assemblée, conformément à l’article 94 alinéa 3 du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi. Conformément aux dispositions du même article du Règlement, si l’Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Étienne Blanc – Cette proposition de loi constitue à l’évidence une manœuvre du groupe socialiste. Le projet de réforme constitutionnelle dont l’examen débutera ce soir vise notamment à modifier les dispositions de la Constitution qui touchent au mode d’élection des sénateurs, en tenant davantage compte de la population des collectivités territoriales. Je me tourne donc vers le parti socialiste : vous nous proposez aujourd’hui un texte contraire à la Constitution (Protestations sur les bancs du groupe SRC). Vous l’avez d’ailleurs reconnu vous-mêmes, en considérant que l’adoption de la désignation des grands électeurs par tranches de 300 habitants déboucherait sur la désignation de non-élus dans les conseils municipaux. Vous êtes donc pris à votre propre piège : c’est à vous de nous dire si vous acceptez la modification figurant dans le projet de loi constitutionnelle qui permet de mieux prendre en compte la population. Si c’est oui, vous voterez la réforme constitutionnelle, et la voie sera ouverte à une réforme du mode de scrutin. Telle n’est bien sûr pas votre intention : c’est la raison pour laquelle le groupe UMP s’opposera au passage à la discussion des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Sur le vote sur le passage à la discussion des articles, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

M. Bruno Le Roux – Dès le premier débat sur le projet de révision constitutionnelle – car notre débat de ce matin ne peut qu’être associé à la révision constitutionnelle – la volonté de démocratisation que vous avez affichée dans toutes les interviews est battue en brèche par le sectarisme et l’immobilisme de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) S’il fallait donner un signe qui montre que vous ne souhaitez pas cette réforme constitutionnelle, il n’aurait pas été différent de celui que vous allez donner ce matin. Nous le regrettons : il est aujourd’hui nécessaire d’avancer, par le dialogue et dans un esprit républicain. Notre intention ce matin n’était pas même de faire adopter la réforme du collège électoral du Sénat, mais simplement d’engager un débat qui est unanimement souhaité depuis dix ans, tant la nécessité d’une réforme du Sénat fait aujourd’hui consensus. Pourquoi le reconnaître à l’extérieur et refuser tout débat dans l’Hémicycle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Vous nous donnez donc un bien mauvais signe : votre volonté n’est pas de démocratiser nos institutions, mais de garder la maîtrise de la Haute Assemblée. Vous voulez faire en sorte que la procédure parlementaire permette d’aller le plus vite possible quand vous avez la majorité, et de bloquer le plus longtemps possible quand vous serez minoritaires à l'Assemblée nationale. S’ajoutent à cela deux ou trois nouveaux privilèges pour le Président de la République...

Ce débat n’est pas à la hauteur des intentions que vous avez manifestées à l’extérieur de l’Hémicycle : vos beaux discours s’effondrent comme des châteaux de sable ! Votre volonté de démocratisation a disparu. Nous en appelons à votre responsabilité : nous souhaitons passer à la discussion des articles de la proposition de loi.

Mme Claude Greff – Menteur !

M. Bruno Le Roux – Sans cela, il ne pourra être question d’ouvrir un débat serein sur la révision constitutionnelle. Refuser de passer à la discussion des articles serait un signe de sectarisme qui n’augurerait rien de bon du débat que nous entamerons ce soir… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. François de Rugy – Ce débat est étrange, voire surréaliste. Quand on parle élections et mode de scrutin, on devrait parler avant tout de démocratie : non, on nous parle de décompte et de calcul ! On devrait parler de la Constitution : non, on invoque les mille détails de l’organisation matérielle des élections pour escamoter le débat sur les principes ! Nous parlons d’égalité des Français devant les suffrages, et vous nous parlez, Madame la ministre, du décompte des grands électeurs ! Vous osez vous insurger contre le fait que l’on passe – j’ai à peine retenu les chiffres tant ils me semblent insignifiants – de 100 000 à 200 000 grands électeurs : nous sommes tout de même 40 millions d’électeurs !

Avec l’utilisation systématique que vous faites de la procédure d’urgence et le coup de force politique et anti-constitutionnel sur le projet de loi sur les OGM qui connaîtra son épilogue cet après-midi, nous savions déjà que vous vous asseyez sur le Parlement. Nous savons désormais que vous vous asseyez purement et simplement sur la démocratie.

C’est un petit pas qui nous est proposé ce matin, mais nous proposons de le franchir en passant à la discussion des articles et en votant le texte (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

À la majorité de 236 voix contre 175 sur 411 votants et 411 suffrages exprimés, l’Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.

M. le Président – En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
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actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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