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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 20 mai 2008

2ème séance
Séance de 15 heures
160ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président – Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de la Chambre des députés du Royaume hachémite de Jordanie conduite par le président du groupe d’amitié Jordanie-France, M. Abdulla Aljazi (Mesdames et Messieurs les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

BONS CHIFFRES DE LA CROISSANCE

M. Pierre Morel-A-L’Huissier – Selon les statistiques publiées la semaine dernière, la croissance de la France a atteint 2,2 % en 2007, et 0,6 % au première trimestre 2008. Quelle bonne nouvelle pour la France, mais aussi pour le Gouvernement, et particulièrement pour vous, Madame la ministre, qui avez dû faire face aux leitmotiv défaitistes !

L’embellie concerne également le marché du travail, puisque les chiffres de 2007 ont été revus à la hausse, avec 352 000 créations d’emplois ; et pour les salariés du secteur marchand, 39 400 postes ont été créés au premier semestre 2008. Ces chiffres apportent un démenti à tous ceux qui, depuis des mois, nous assuraient d’une apocalypse économique.

M. Christian Bataille – Tout va très bien !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier – Certains continuent pourtant ces discours défaitistes, préférant l’idéologie à la réalité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Madame la ministre, quels sont, selon vous, les facteurs qui ont conduit à cette performance, dont nous devrions tous nous réjouir, par-delà les clivages partisans ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Quelles leçons tirez-vous de ces excellentes nouvelles, qui sont à porter au crédit de la politique du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi Je me réjouis pour notre pays, pour les entrepreneurs, les salariés, les fonctionnaires qui créent cette valeur économique, des 2,2 % et 0,64 % de croissance respectivement constatés en 2007 et au premier trimestre 2008, respectivement, car ce sont de bons chiffres.

M. Christian Bataille – Tout va très bien, Madame la marquise !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Je me réjouis que les experts révisent à la hausse leurs prévisions, car nous avons déjà un acquis de croissance de 1,4 %, et nous serons dans les clous de nos prévisions pour 2008. Je me réjouis que les chiffres de la croissance et de l’emploi, ainsi que ceux des heures supplémentaires – 59 % des entreprises y ont recours – nous confortent, sous l’autorité du Premier ministre, dans les réformes en vue de moderniser notre économie et notre marché de l’emploi.

Notre politique économique est fondée sur l’effort, l’esprit d’entreprise, la concurrence, la participation. Dans l’opposition, vous avez critiqué mon optimisme pour la croissance, ma satisfaction pour la France, et vous critiquerez sans doute demain notre volontarisme économique.

M. Henri Emmanuelli – Honteux !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Vous persistez ; nous aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) J’aime mieux la petite musique de l’emploi, de l’innovation, de la croissance que le défaitisme des Cassandre qui ne proposent rien et ne savent se réjouir de rien ! (Même mouvement ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

CRISE DE LA PÊCHE

M. Maxime Bono – J’associe à ma question les députés socialistes de notre façade maritime, et plus particulièrement M. Cazeneuve, député-maire de Cherbourg.

Depuis une semaine, les pêcheurs sont en colère, car la hausse du prix du gazole oblige les bateaux à rester à quai, privant les équipages de tout revenu. Les promesses qui leur avaient été faites sont restées sans effet. Le 6 novembre, lors d’une visite mouvementée au Guilvinec, le Président de la République affirmait qu’il n’avait pas l’intention de laisser mourir la pêche. Il a ensuite poussé la démagogie jusqu’à annoncer qu’il profiterait de la présidence française de l’Union européenne pour faire sortir la France des quotas de pêche. Plus personne ne croit à ces promesses, ni au plan pluriannuel annoncé, dont la compatibilité avec les règles de Bruxelles reste douteuse. Aujourd’hui, un bateau qui part en pêche s’endette, et il est inadmissible que la seule mesure de votre plan à ce jour mise en œuvre soit la destruction des bateaux sortis de la flotte.

Il est urgent que le dialogue reprenne. Plus de quinze ports sont bloqués, et bien d’autres en grève ; le mouvement ne cesse de s’étendre. Dans l’immédiat, et dans l’attente de mesures structurelles et de modernisation des bateaux, des mesures sociales sont indispensables. Celles-ci ne dépendent pas de la législation européenne. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à ouvrir le dialogue en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche  Une remarque, pour commencer : la pêche française n’est ni de droite ni de gauche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) !

M. Jean Glavany – Les quotas non plus !

M. Michel Barnier, ministre de la pêche – Elle est une composante de notre identité nationale, au cœur du défi alimentaire et environnemental de notre pays. Au-delà de la difficulté et des dangers de leur métier, les pêcheurs traversent une crise grave, qui tient principalement au fait que le gazole qu’ils utilisent – certains plus que d’autres – a augmenté de 20 centimes depuis six mois, soit autant que les deux dernières années.

Le Président de la République, après sa visite au Guilvinec, m’a demandé de mettre en œuvre, sous l’autorité du Premier ministre, un plan de secours et de soutien à la pêche française. Celui-ci est sans précédent, autant par son ampleur – 310 millions en trois ans – que par son ambition – une pêche durable et responsable. J’ai travaillé sur ce plan avec tous ceux qui l’ont voulu, sans parti pris, m’attachant à ce que les quinze mesures prévues soient compatibles avec les règles européennes.

Vous comme moi avons à l’égard des pêcheurs un devoir de solidarité et un devoir de vérité. Vous me demandez si je suis prêt à dialoguer ; je n’ai jamais cessé le dialogue. Je rencontrerai demain l’ensemble des représentants des professionnels, soucieux d’abord de faire face à l’urgence et à la détresse – y compris par des mesures sociales – mais aussi de donner un nouvel horizon à la pêche française. Pour ce faire, nous mettrons encore davantage l’accent sur les mesures structurelles concernant la modernisation de la flottille, la formation, les économies d’énergie et la sécurité des marins pêcheurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

INSUFFISANCES DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ

M. François Asensi – Au vu de ses résultats, l'opération de police menée le 23 avril dans la cité des Beaudottes à Sevran est un fiasco total. Quel a été le rôle des services de renseignement et comment vos services se sont-ils coordonnés avec la justice dans cette intervention ? La quête du flagrant délit était vouée à l’échec : 350 policiers étaient stationnés avant même le commencement de l’opération sur un parking public, ce qui était peu discret.

Dans plusieurs quartiers de cette ville, les habitants connaissent l’angoisse permanente, les humiliations, parfois la terreur, imposées par les trafiquants. Sevran n'est pas un cas isolé en Île-de-France : l'affichage sécuritaire pratiqué par le Président et le Gouvernement ne masque plus votre impuissance face aux réseaux mafieux. Aucune réponse sociale ou urbaine n’est apportée à ces territoires défavorisés et abandonnés par l’État.

Sevran, pauvre parmi les villes pauvres, ne peut obtenir que sa gare soit restructurée, alors que celle-ci, seule gare souterraine de la région, est anxiogène et concentre 60 % des délits constatés sur la ligne B du RER. Comble du cynisme, cette ville se voit réclamer par vos services l'argent d'un immeuble de police qu’elle avait cédé il y a vingt ans pour un franc symbolique. Ce serait, paraît-il, la condition exigée pour la construction du futur commissariat.

Vous évoquez la justice ; les citoyens, las de constater que l’État n’assume plus ses mission régaliennes, parlent d’iniquité (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Il est pour le moins paradoxal de demander plus de sécurité et de blâmer cette opération, la plus mobilisatrice qui ait eu lieu sur ce quartier !

La cité des Beaudottes connaissait une évolution inquiétante, au point que les gardiens avaient été retirés par le bailleur. Onze appartements, auxquels on pouvait accéder par huit entrées d’immeubles différentes, y étaient squattés et servaient de plaque tournante pour le trafic de drogue.

Effectivement, 350 policiers ont été mobilisés pour intervenir de façon simultanée sur l’ensemble des lieux, tout en préservant la sécurité du quartier. La libération de ces onze squats a permis de récupérer des armes à feu, des stupéfiants et de l’argent liquide. Des renseignements ont également été collectés, qui sont en cours de traitement dans nos services et au GIR. Les résultats de cette opération sont donc positifs ; je m’étonne qu’un élu, par nature attaché à la sécurité de ses concitoyens, y trouve à redire.

Les choses ne vont pas en rester là (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). À Beaudottes, la sécurité est assurée dans la gare et en surface : le nombre de faits élucidés en 2007 a augmenté de 50 % par rapport à 2006. Le nouveau commissariat sera bientôt construit – c’est la raison pour laquelle l’immeuble actuel doit être vendu –, une compagnie de sécurisation doit être mise en place à Saint-Denis, une Unité territoriale de quartier – Uteq – sera créée à Sevran et la vidéo-protection doit être développée. Mais une chose m’étonne : alors même que j’ai décider de consacrer des crédits importants au fonds de protection, seul le bailleur m’a fait des propositions, les élus restant muets (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, protestations sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

SITUATION DANS LES PRISONS FRANÇAISES

M. Michel Hunault – Hier, lors d’une conférence de presse, vous avez dressé le bilan d’une année de réformes à la tête de la Chancellerie. Aussi bien pour la loi sur les récidives que pour celle instituant un contrôleur des prisons, vous avez pu compter sur le soutien des députés du Nouveau Centre. Mais la situation des prisons françaises, dénoncée régulièrement par les parlementaires, est préoccupante : le chiffre de 63 000 détenus – pour une capacité de 50 000 – a été dépassé au mois de mai.

Vous vous êtes engagée à faire paraître prochainement un décret sur l’encellulement individuel et à présenter, avant la fin de cette session, un projet de loi pénitentiaire. Comment comptez-vous améliorer la situation des prisons françaises ? Comment parviendrez-vous à concilier la nécessaire fermeté et l’exigence d’humanité à l’endroit des personnes privées de liberté (Applaudissements sur bancs du groupe NC) ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice La loi pénitentiaire est très attendue. Elle est au cœur de la réforme de la justice, qui, depuis un an, porte ses fruits. Alors que davantage de fermeté est exigé à l’égard des récidivistes et des délinquants les plus dangereux, un traitement plus digne pour les personnes détenues est requis. La future loi pénitentiaire, qui aura fait l’objet d’un long travail de réflexion, vous sera présentée avant la fin de la session. Mais nous avons aussi déjà agi de notre côté. Le Gouvernement a notamment un candidat à présenter à la commission des lois pour le poste de contrôleur général indépendant des lieux de privation de liberté, et je suis aussi en train de travailler à un décret sur la question difficile de l’encellulement individuel (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

TEXTE SUR LES OGM

M. Patrick Ollier – À quelques heures du vote sur le projet de loi relatif aux OGM, je voudrais dire combien nous avons été consternés par la caricature systématique que l’opposition a faite de l’attitude de la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C’est le comble de la démagogie que de présenter d’un côté les méchants de la majorité qui voudraient nuire à la santé des Français (« Hou ! » sur les bancs du groupe SRC) et de l’autre les bons de l’opposition qui voudraient la protéger. Les Français ont besoin de vérité, et la vérité est que ce texte n’existerait pas si M. Jospin et Mme Voynet n’avaient pas accepté, en 2001, la directive européenne sur les OGM (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Mais après l’avoir acceptée, ils se sont bien gardés de la transcrire dans notre droit, nous laissant faire le travail… (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe UMP)

La vérité est que ce texte n’est pas pour ou contre les OGM, mais qu’il organise la culture de ceux qui seraient autorisés par le haut comité des biotechnologies. La vérité n’est pas politique, mais scientifique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; gestes dubitatifs sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). La vérité est que ce texte est protecteur pour ceux qui ne veulent pas des OGM. C’est un texte de vigilance, de transparence et sans lui, je le dis aussi à la majorité…

Plusieurs députés du groupe SRC – Ah !

M. Patrick Ollier – Sans cette loi donc, il n’y aura pas de règles. Ce sera la jungle, le retour à la violence. C’est pour cela qu’elle doit être votée.

La vérité enfin est que nous avons eu, grâce au rapporteur du texte Antoine Herth et à vous, Monsieur le président, un débat riche et constructif. Nous nous sommes montrés ouverts – forcément, sur un projet qui est dans la droite ligne du Grenelle de l'environnement. Nous avons été attentifs à vos arguments (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et nous avons voulu, à l’Assemblée comme au Sénat, préserver l’amendement Chassaigne. Alors cessez de tromper les Français avec de faux arguments ! L’Europe nous infligera une amende de 40 millions si nous ne rectifions pas la situation. Pouvez-vous, Monsieur le ministre d’État, nous rappeler les principes fondateurs de ce projet de loi ? (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire – L’été dernier, il y avait des OGM un peu partout en France, sans aucune précaution à l’égard des autres cultures ; il y avait de la violence et des tensions, et nous avons même connu un drame humain. Il n’y avait pas de règles, pas de haut conseil pluridisciplinaire, pas de soutien à la recherche française qui était en train de disparaître.

Plusieurs députés du groupe SRC – Vous étiez au Gouvernement !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Depuis, le Président de la République et le Gouvernement ont suivi scrupuleusement ce qui était ressorti du Grenelle de l'environnement. Ainsi, nous avons interdit le seul OGM cultivé en France, le maïs 810 –que vous aviez vous-même introduit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Nous avons ensuite, répondant ainsi aux demandes de tous les collèges du Grenelle – ONG, syndicats, entreprises, agriculteurs, collectivités territoriales… – élaboré une loi claire, fondée sur le principe élémentaire de précaution et réunissant toutes les sciences, y compris environnementales. Figurent dans ce texte, toujours à la demande des collèges, le principe de précaution, la transparence intégrale, à la parcelle près, le débat démocratique, la possibilité pour les citoyens de saisir le Haut Conseil et le principe de responsabilité. Il n’y a pas, dans aucun pays au monde, un seul texte aussi sérieux, aussi protecteur de l’environnement et de la santé de nos concitoyens. C’est un texte qui nous honore (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC).

SERVICE MINIMUM D’ACCUEIL POUR LES ÉCOLES

Mme Brigitte Barèges – Il va de soi que j’ai un grand respect pour les enseignants et pour le droit de grève, liberté fondamentale garantie par la Constitution.

Plusieurs députés du groupe SRC – Mais ?

Mme Brigitte Barèges – Mais j'ai tout autant de respect pour les parents qui élèvent leurs enfants et pour les personnes qui travaillent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C’est pourquoi, lors des grèves de 2002, peu après mon élection à la mairie de Montauban, j’ai organisé la prise en charge des élèves des 40 écoles élémentaires et maternelles de la ville : si quelques enseignants étaient présents, l’école restait ouverte et si tous étaient en grève, les enfants étaient accueillis au centre de loisirs moyennant une participation des parents de 4 euros, repas compris. Maintenant que le service minimum d'accueil a été mis en place et que nous avons signé une convention prévoyant une prise en charge de l'État, nous avons pu offrir lors des grèves du 24 janvier et du 15 mai 2008 un accueil totalement gratuit. Le nombre des enfants qui en ont bénéficié a augmenté, ce qui prouve le caractère social de cette mesure, et combien elle était utile. C'est notre façon de concevoir le respect d'une autre liberté fondamentale : celle de la continuité du service public. J’estime en effet qu'un élu se doit de faciliter la vie de ses administrés, pas de la leur compliquer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ainsi que l'a rappelé le Président de la République, il s'agit d'un véritable droit opposable aux élus locaux. Pourrions-nous avoir quelques précisions sur la loi sur le service minimum que le Président de la République souhaite voir déposer avant l'été au Parlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Oui, nous allons passer par la loi parce que l’école est un bien, un dû et qu’il n’y a aucune raison pour que les familles la voient s’interrompre de façon systématique. C’est aussi cela, le droit à l’école ! Nous allons passer par la loi parce qu’il n’y a pas de raison que les parents soient obligés de ne pas travailler : le droit au travail est équivalent au droit de grève. Si nous souhaitons en passer par la loi, c’est également afin d’éviter à certains maires socialistes de fonder sur l’idéologie ou sur des directives votées lors d’un congrès leur décision de rendre ou non service aux familles ! La loi leur montrera le chemin.

Enfin, si le Président de la République a voulu une loi, c’est au nom de l’intérêt général : rien ne justifie de contraindre les familles à trouver un mode de garde ou à ne pas travailler les jours où les personnels enseignants du premier degré sont en grève, d’autant que ce sont celles dont la situation est la plus délicate qui s’en trouvent pénalisées au premier chef.

Cette loi sera simple : elle obligera les grévistes à se déclarer au préalable et les communes à organiser l’accueil des enfants, l’État se chargeant de leur rembourser les frais qu’elles auront consentis à cette fin. Il est d’autant moins justifié de s’opposer à ce dispositif, voulu par le Président de la République et par le Gouvernement, que 62 % des Français le réclament ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

TRENTE-CINQ HEURES

M. Jean Glavany – Je souhaite interroger le Gouvernement sur le dernier « couac » de la majorité (Protestations sur les bancs du groupe UMP) : le principal responsable du parti majoritaire déclare vouloir « en finir définitivement avec les trente-cinq heures » – affirmation paradoxale venant d’une majorité qui, avec le Gouvernement, a généralisé les trente-cinq heures par l’exonération de charges des heures supplémentaires !

Un député du groupe SRC – Très bien !

M. Jean Glavany – Cette déclaration s’explique-t-elle par des raisons économiques ? Assurément non : nul n’ignore que la durée moyenne de travail des actifs en France s’élève à trente-sept heures par semaine, contre 36,2 en Allemagne, 33,7 aux États-Unis (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) et un peu plus de 32 dans plusieurs pays d’Europe du Nord (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP). Tous les économistes sérieux le savent : plus une économie est compétitive, moins la durée effective du travail est élevée ! L’explication ne peut donc être que politique, voire idéologique ! (Vives protestations et claquements de pupitres sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. le Président – Je vous en prie !

M. Jean Glavany – Pourquoi tant d’énervement ? Ma question est simple : voulez-vous, oui ou non, mettre un terme à la durée légale du travail dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité – Il y a dix ans, la gauche décidait d’imposer les trente-cinq heures à tous, de manière partout identique (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean Glavany – C’est faux !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Ainsi créait-elle un carcan dont le monde du travail aspire aujourd’hui à sortir.

M. Marcel Rogemont – Mais toute durée du travail s’impose à tous !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Si nous partageons ce souhait, vous savez bien qu’il faut une durée légale du travail, car elle permet le paiement et la majoration des heures supplémentaires. Vous rallieriez-vous à ce dernier dispositif voté par la majorité ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il est vrai qu’il est de plus en plus efficace : plus de 60 % des entreprises y ont désormais recours.

Pourquoi ne pas reconnaître que les trente-cinq heures imposées ont nui à notre économie et aux salaires des Français (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) ? Mais nous vous laissons l’idéologie, préférant privilégier, dans chaque entreprise, la négociation…

M. Jean Glavany – Dites-le donc à M. Darcos !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Nous vous soumettrons donc un projet de loi fondé sur la position commune arrêtée par les partenaires sociaux, afin de pouvoir rechercher dans chaque entreprise une solution adaptée, loin de l’uniformité du dispositif que vous aviez instauré.

J’ignore si votre position reflète celle du parti socialiste, que l’on peine à identifier, des déclarations récentes de M. Le Roux à celles de Mme Royal – qui cherche peut-être à régler ses comptes avec Mme Aubry – sur la seconde loi sur les trente-cinq heures : « souvent brutale », celle-ci aurait selon elle entraîné d’importantes difficultés dans les hôpitaux et dans certaines entreprises, aggravant notamment les conditions de travail des travailleurs pauvres (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Quoi qu’il en soit, dix ans après avoir voté les trente-cinq heures, vous êtes toujours aussi coupés du monde du travail, aussi pétris d’idéologie, et vous êtes désormais dans l’opposition ; qui s’étonnera que les Français préfèrent que vous y restiez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau centre)

LA CORSE ET LE PROJET D’UNION POUR LA MÉDITERRANÉE

M. Camille de Rocca Serra – Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, à la fin de la semaine dernière, vous receviez en Corse neuf ministres du Bassin méditerranéen dans le cadre du dialogue « cinq plus cinq » sur le tourisme. Cette réunion, très satisfaisante selon l’ensemble des participants et de nos concitoyens corses, a montré que nos voisins du sud de la Méditerranée souhaitaient voir progresser le projet d’Union pour la Méditerranée. Au nom de tous les Corses, je vous remercie, Monsieur le ministre, d’avoir organisé cette manifestation internationale, la première en Corse depuis 1969, en y associant tous les élus – notamment ceux, nombreux, de la région PACA.

Ma question est double : au terme d’un jour et demi de discussion, serez-vous en mesure de proposer des projets concrets et consensuels en matière de tourisme lors de la future grande réunion sur l'Union pour la Méditerranée, qui aura lieu le 13 juillet prochain ?

D’autre part, quelle place l’Union pour la Méditerranée réservera-t-elle à la Corse, dont les ambitions en la matière se fondent sur une longue histoire remontant aux Phéniciens et maintes fois évoquée par Fernand Braudel ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services – Les 15 et 16 mai, les dix ministres du tourisme des deux rives de la Méditerranée – cinq venus du Nord, cinq du Sud –, réunis à Ajaccio afin d’étudier l’apport potentiel du tourisme à l’ensemble du pourtour méditerranéen, sont parvenus à trois conclusions concrètes. Celles-ci seront transmises le 13 juillet prochain aux chefs d’État et de gouvernement lors de la réunion décidée par le Président de la République et destinée à porter l’Union pour la Méditerranée sur les fonts baptismaux.

Tout d’abord, nous devons créer des produits touristiques communs à plusieurs pays méditerranéens à l’intention de touristes venus de pays éloignés. Ensuite, des fonds d’investissement doivent permettre de développer les infrastructures touristiques qui en ont besoin. Enfin, un portail commun à toute la Méditerranée permettra de faire connaître plusieurs circuits touristiques.

Au-delà de ces propositions concrètes, les ministres du tourisme se sont réjouis de l’accueil chaleureux qui leur a été réservé à Ajaccio et dans l’ensemble de l’île, dont ils ont ainsi pu découvrir tous les atouts. Située au cœur de la Méditerranée, la Corse est de fait appelée à jouer un rôle majeur dans la réalisation de ce beau projet, auquel le Président de la République a proposé aux élus de s’associer. Je ne doute pas que vous répondrez à son appel et que nous bâtirons ensemble l’Union pour la Méditerranée ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

PLAN AUTISME

M. Jean-François Chossy – Ma question s’adresse à Mme Létard et porte sur l’autisme. Au-delà de l’invective habituellement utilisée en politique pour définir un adversaire peu ouvert au dialogue, l’autisme est un handicap douloureux, pénible à supporter pour ceux qui en sont atteints comme pour leurs familles et accompagnants. Avec Mme Bachelot, vous avez récemment présenté un plan qui contient l’essentiel des réponses et pose la question de l’accueil des personnes autistes, enfants, adolescents et adultes. Pour éviter l’exil en Belgique, il est urgent de créer des quantités de places d’accueil de bonne qualité (Applaudissements sur divers bancs). Alors que le plan Douste-Blazy de 2005 prévoyait 2 600 places, je sais que le Gouvernement souhaite atteindre un objectif de 4 000 places disponibles et je vous en remercie. Comment entendez-vous y arriver ? Comment les moyens seront-ils répartis ? Est-il prévu de créer des places en accueil temporaire, en SESSAD, en foyer d’accueil médicalisé ?

Bien souvent – sans que cela soit toujours dit –, l’autisme est aujourd’hui accompagné grâce à des méthodes non validées en France mais très connues à l’étranger, qu’il s’agisse de la méthode TEACCH, de la méthode Makaton, de la méthode ABA ou de bien d’autres encore. Le Gouvernement compte-il valider ces méthodes, pour éviter notamment que les parents désemparés ne s’en remettent au « docteur Internet » pour trouver des solutions ? Comment entend-il aider les familles qui, la plupart du temps, abandonnent leur emploi pour se consacrer à l’accompagnement de leur proche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – Monsieur le député, vous avez raison : de trop nombreuses familles restent sans solution et subissent un véritable parcours du combattant – diagnostic tardif, manque de places d’accueil, absence de formation et de soutien… La France se devait de réagir et c’est tout l’enjeu du plan que nous avons présenté avec Roselyne Bachelot, lequel présente en outre une dimension interministérielle puisqu’y participent Xavier Darcos, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand.

Ce sont 4 100 places supplémentaires qui viennent s’ajouter aux 2 800. En vue de renforcer la qualité de l’accueil, 80 000 euros par place sont prévus pour les personnes les plus handicapées, qu’il s’agisse d’enfants, de jeunes ou d’adultes. On sort des grilles administratives habituelles pour assurer la prise en charge de qualité que vous avez évoquée, fondée sur l’accompagnement individualisé dans des petites structures. Parallèlement, tous les intervenants seront formés, dans le champ de l’Éducation nationale comme dans celui du médico-social. Six formateurs seront ainsi mis à disposition des structures dans chaque département, de manière à proposer des modules de formation spécifiques à la prise en charge de l’autisme.

Le plan permettra également d’assurer un diagnostic précoce de la situation d’autisme et d’accompagner les familles au moment de l’annonce, lorsqu’elles sont le plus perdues.

S’agissant des méthodes d’accompagnement, il est temps de cesser de les affronter et nous devons tout faire, via l’expérimentation, pour les rendre complémentaires. C’est ainsi que les DDASS pourront autoriser, dans le strict respect des droits des personnes, des expérimentations des méthodes TEACCH et ABA.

Ce plan est celui des associations, des parents et des professionnels, membres du comité autisme. Ils nous ont livré un rapport dont les conclusions ont été plus que précieuses et qui nous permettent aujourd’hui d’avancer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

OGM

M. Philippe Martin (SRC) – Monsieur le Premier ministre, il y a une semaine, la majorité des députés présents dans l’hémicycle a rejeté votre projet de loi sur les OGM (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Et je voudrais dire à M. Copé que si pour qu’il soit applaudi à tout rompre, il faut que les projets qu’il soutient soient mis en minorité, nous sommes prêts à recommencer tous les jours ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Au reste, 67 % des Français se sont déclarés satisfaits que le texte soit rejeté. Las, vous avez voulu faire comme si de rien n’était et, dans une CMP cadenassée par M. Ollier, (M. Patrick Ollier proteste vivement)…

M. Patrick Ollier – Dites la vérité et relisez le procès-verbal !

M. Philippe Martin (SRC) – …vous avez permis que 8 parlementaires en représentent 900 pour annuler une décision démocratique. Vous avez inventé le seuil de détectabilité démocratique, en le fixant, comme pour les OGM, à 0,9 % ! (Huées sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Ce texte crée pourtant du trouble, dans le pays comme dans vos rangs et puisque M. Ollier parle de vérité, je lui parlerai moi de double langage.

M. Philippe Briand – Menteur !

M. Philippe Martin (SRC) – Récemment, le Conseil général des Hauts-de-Seine, présidé par M. Devedjian, département de MM. Ollier, Lefebvre et Santini, a pris une sage décision : le 18 février, Mme Isabelle Balkany, vice-présidente, chargée des affaires scolaires, a présenté un rapport sur le lancement d’un appel d’offres pour la restauration dans les collèges. Que lit-on dans le cahier des charges ? « Le département des Hauts-de-Seine exige du prestataire l’exclusion systématique des denrées alimentaires avec une présence d’OGM. Le prestataire devra apporter la garantie de l’absence d’OGM dans les produits livrés » (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Et lorsqu’on interroge le Conseil général des Hauts-de-Seine, l’on nous répond que la décision d’interdire les OGM n’a pas été prise par le président Devedjian puisque l’on ne fait que continuer ce qui avait décidé avant lui… (Bruit persistant sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Quelle est votre question ? (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Philippe Martin (SRC) – La justification donnée est que dans les cantines des Hauts-de-Seine, les OGM ne sont pas interdits par principe mais par application du principe de précaution, leurs effets restant mal connus.

M. le Président – Posez votre question.

M. Philippe Martin (SRC) – Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous appliquer la jurisprudence des Hauts-de-Seine à l’ensemble du pays ? (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire – Monsieur le député, il semble vous avoir complètement échappé que le Gouvernement français est l’un des trois au monde à avoir fait jouer la clause de sauvegarde, il y a huit semaines. Vous aviez autorisé les OGM dans la culture du maïs ; nous les avons interdits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

En tant qu’élu du Gers, vous êtes, Monsieur Martin, particulièrement concerné et vous avez du reste participé au Grenelle de l’environnement comme aux travaux de l’intergroupe sur les OGM. Vous avez même été membre du Haut Conseil provisoire sur les OGM. Vous savez donc mieux que quiconque que, dans ce dossier difficile, le compromis atteint est strictement celui dont la représentation nationale a été saisie (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC). Le principe de responsabilité figure dans le document que vous avez approuvé et le texte du projet de loi le reprend ; il en est de même du principe de précaution, du Haut Conseil sur les biotechnologies et du moratoire sur le Monsanto 810.

Enfin, vous essayez de faire croire que vous êtes contre tous les OGM. Vraiment ? Seriez-vous contre un OGM qui permettrait de traiter la mucoviscidose ? (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Non ? Alors ? On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, Monsieur Martin ! (Vives exclamations sur les mêmes bancs)

M. Patrick Roy – C’est un maître qui parle !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État N’êtes-vous pas signataire, avec vos collègues du groupe socialiste, d’un proposition de loi déposée il y a six mois, dans laquelle on lit que la France reste en retard dans l'application des directives européennes, s’agissant notamment de la coexistence des cultures ? (Huées sur les bancs du groupe UMP) Sachant que, malgré cela, votre seule proposition a consisté à modifier trois alinéas du code rural relatifs aux labels rouges, vous voudrez bien convenir que le texte que nous vous avons soumis va beaucoup plus loin, plus au fond, et qu’il est bien plus précautionneux (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

SAUVEGARDE DU COMMERCE DE PROXIMITÉ

M. Bernard Reynès – Monsieur Novelli, vous avez, la semaine dernière, accompagné en Isère le Président de la République qui y est allé défendre le projet de loi sur la modernisation de l'économie. À cette occasion, vous avez annoncé un plan d'action en faveur du développement du commerce de proximité, et je prends acte que le titre II du projet contient des dispositions visant à renforcer les aides en sa faveur. Je m’en félicite, car nous souhaitons renforcer le pouvoir d'achat en favorisant la concurrence, dont le commerce de proximité est l’un des acteurs. Cela étant, les préoccupations demeurent vives, et nous ne pouvons nous en tenir là si nous voulons sauvegarder une forme de commerce qui a un fort impact social, économique, environnemental et d'aménagement du territoire.

Votre plan d’action permettra de poursuivre le travail engagé en tenant compte des suggestions qui nous sont transmises. Les attentes sont fortes, et je souhaite donc qu’un partenariat étroit se mette en place avec le Gouvernement pour les satisfaire. Cela suppose du temps, celui nécessaire au dialogue et à l’élargissement du champ de la réflexion pour permettre une approche globale. Monsieur le ministre, pouvez-vous, pour rassurer commerçants, consommateurs et élus locaux, nous donner les grandes lignes de votre plan d’action ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services – Votre qualité de président du groupe d’études de l'Assemblée nationale sur les marchés, le commerce non sédentaire et le commerce de proximité dit votre implication dans ce dossier. Le commerce de proximité est une forme de commerce indispensable, reconnu comme tel dans le projet de loi de modernisation de l’économie qui vous sera soumis sous peu. Le texte prévoit des aides à son endroit, mais j’aurai besoin de vous pour fortifier encore le nécessaire équilibre entre grande distribution et commerce de proximité (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC). Nous entendons, vous le savez, renforcer le fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce et en élargir le champ pour y rendre éligible le commerce non sédentaire et les cafés-restaurants. Nous comptons aussi réhabiliter les petits centres commerciaux des centres-villes et responsabiliser les unions de commerçants en les incitant à l’innovation. Comme vous le voyez, les projets ne manquent pas, mais il faudra faire davantage, et nous comptons sur votre contribution (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

SERVICE MINIMUM DANS LES ÉCOLES

M. Marcel Rogemont – Ma question s'adresse à Monsieur le Premier ministre, qui a un problème avec les enseignants, problème qui menace de durer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Par idéologie, vous annoncez le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite… (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) ce qui a pour conséquence, dans l'éducation nationale, la suppression de 11 000 postes cette année et de 15 000 à 20 000 postes l’an prochain. L’argument de M. Darcos selon lequel la quantité de professeurs ne fait pas la qualité de l'enseignement est un peu court. Faute d’explication convaincante, vous vous attachez à détourner l'attention des Français en lançant l'idée d'un service minimum dans les écoles afin que le mécontentement des parents d'élèves s’abatte sur les communes. Ce n'est pas correct (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et ce l’est d’autant moins que le ministre de l'éducation nationale va répétant que le service minimum marcherait fort bien mais que les « vilains socialistes » n'en veulent pas, préférant que les écoliers restent à la rue. Or quelque 2 000 communes seulement ont organisé un tel service. Serait-ce donc, Monsieur le ministre, que toutes les autres sont des communes de gauche ? Que nenni, et votre argument n’est que mensonge (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP). La vérité, c’est que l'immense majorité des communes de droite, comme l'immense majorité des communes de gauche, ne veulent pas organiser un tel service, le président de l'Association des maires de France vient de vous le rappeler. Pourquoi cela ? En premier lieu, les communes ne sont pas les soutiers du Gouvernement : il n'y a pas d'un côté ceux qui font des annonces en paradant devant les caméras et, de l'autre côté, les collectivités locales qui doivent les organiser et les financer – pour s’entendre ensuite accuser de creuser le déficit public de la France. D’autre part, la libre administration des collectivités territoriales doit être respectée : à l'État ses responsabilités, qui sont l'Éducation nationale et en particulier la gestion des conséquences des grèves, aux communes les leurs, suffisamment nombreuses. Quand le ministre de l’éducation nationale cessera-t-il de se produire devant les caméras pour ensuite imposer aux collectivités locales l'organisation et le financement, total ou partiel, des mesures annoncées ? Les communes, très majoritairement, ont fait connaître leur désaccord. Leur position est claire : si vous voulez un service minimum, prenez vos responsabilités et organisez-le vous-même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Mais quelle est donc la position du parti socialiste sur la question de l’accueil des enfants dans les écoles les jours de grève ? Que doit-on conclure des propos sibyllins de M. Delanoë qui, pour ne pas avoir à trancher, a décidé que toutes les écoles parisiennes seraient fermées le jour de la grève ? Qu’a exactement voulu dire Mme Royal en laissant entendre qu’elle ne désapprouve pas complètement le dispositif d’accueil mais qu’il ne revient pas aux communes de l’organiser, sauf à être remboursées des frais engagés ? Faudra-t-il qu’une motion soit présentée au congrès de Reims pour établir que le droit de grève ne peut s’opposer au droit de travailler des parents d’élèves ? (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP, exclamations sur les bancs du groupe SRC) Enfin, en quoi serait-il inconstitutionnel de confier aux communes une nouvelle compétence, conformément aux lois de décentralisation que vous avez voulues et votées ? (Mêmes mouvements) Oui ou non, voulez-vous rendre service aux familles en approuvant une loi juste et équilibrée (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) qui privilégie l’intérêt général ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20.

ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.

M. Antoine Herth, rapporteur de la CMP – Il est facile de présenter les conclusions de la CMP qui s’est réunie le 14 mai dernier à l'Assemblée nationale puisque celles-ci reprennent la position arrêtée par la commission des affaires économiques lors de sa réunion du 30 avril dernier à l’occasion de l’examen du projet de loi en deuxième lecture.

L’adoption conforme de ce texte voté par le Sénat en deuxième lecture, qui permettra de préserver l’équilibre trouvé entre la liberté des uns de produire et de consommer avec OGM et celle des autres de produire et de consommer sans OGM, constitue une solution de sagesse.

Nos collègues de l’opposition ont fait valoir à maintes reprises qu’il faudrait un autre texte interdisant purement et simplement les OGM. Or, comme on le disait il y a quarante ans sur les barricades du boulevard Saint-Michel, « il est interdit d’interdire ». En effet, c’est l’Union européenne seule qui autorise ou interdit les OGM. Dès lors, notre seule solution est d’exploiter les possibilités offertes par l’article 26 bis de la directive.

Mme Delphine Batho – Ah ?

M. Antoine Herth, rapporteur de la CMP – Contrairement aux craintes exprimées par l’opposition, les amendements adoptés à l'article premier lors de l'examen du texte en première lecture à l'Assemblée nationale, aussi bien celui de notre collègue André Chassaigne que celui de François Grosdidier, n'ont pas été remis en question par la majorité et l'adoption d'un amendement au Sénat lors de l'examen du texte en deuxième lecture ne peut être honnêtement interprétée comme un obstacle à leur application.

Le débat sur le projet de loi en deuxième lecture à l'Assemblée nationale aurait d'ailleurs permis, s'il avait pu se poursuivre, d'éclaircir ce point. Au lieu de cela, le texte a été rejeté et le débat s'est arrêté. Je regrette, pour ma part, qu'en dépit de la qualité de nos travaux en première lecture et des améliorations notables apportées au texte aussi bien par la majorité que par l'opposition, la procédure l’ait emporté sur le fond. Néanmoins, j'estime que toutes les explications nécessaires ont été apportées en la CMP, y compris par l'auteur de l'amendement en question, le rapporteur Jean Bizet.

Cet amendement de précision n'amoindrit aucunement la portée des dispositions introduites par les deux amendements précités. L’amendement de M. Chassaigne fait en effet référence aux « filières de production et commerciales qualifiées “sans OGM” » : or, sans renvoi à une définition précise, sans renvoi au décret, qui définira ce que sont ces filières et ce que signifie « sans OGM » ? Je sais que l'opposition se contenterait volontiers de la définition aujourd’hui utilisée par la DGCCRF, mais l'administration a justement forgé cette définition en raison d'un vide juridique. C'est pourquoi la majorité considère que l'on ne peut se contenter du statu quo. D’une part, il convient de porter le débat au niveau communautaire car c'est là un sujet sur lequel l'Union européenne est fondée à intervenir de manière à ne pas laisser subsister de définitions contradictoires du « sans OGM ». D’autre part, dans l'attente d'une définition harmonisée, il appartient au pouvoir réglementaire de trancher cette question en s’appuyant sur l'expertise du Haut Conseil des biotechnologies et après avoir recueilli l'avis des consommateurs. Il s'agit là d'une démarche de bon sens, qui donne le temps de la réflexion et de la concertation.

À de nombreuses reprises, le cas de l'Allemagne nous a été cité en exemple. Mais sait-on que la loi allemande qui vient d'être adoptée et qui réglemente notamment l'étiquetage des produits d'origine animale est la quatrième que ce pays examine ? Ce qu'il faut retenir de l'exemple allemand, c'est la méthode : procéder par étapes, prendre le temps de l'écoute et dépassionner le débat.

Pour l'heure, je me félicite du résultat auquel nous sommes parvenus avec ce texte qui, en dépit de circonstances parfois difficiles, a su préserver dans un équilibre respectueux des convictions des uns et des autres et rester fidèle, même si beaucoup ne sont pas prêts à l'admettre, aux conclusions du Grenelle de l'environnement telles qu'énoncées par le Président de la République dans son discours du 25 octobre dernier. Celui-ci a en effet souhaité que nous garantissions la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM. L’opposition s’est concentrée sur le « avec ou sans » alors que le mot-clé de l’intervention du Président de la République était celui de « liberté ». Voilà ce que nous souhaitons garantir grâce à ce texte, et surtout pas imposer une pensée unique sur les OGM. 

L'examen de ce projet de loi par le Parlement constitue en lui-même une étape importante dans l'élaboration d'une approche rationnelle et constructive du sujet en France, alors que le débat s'était jusqu'alors limité à l'opposition frontale entre « pro-OGM » et « anti-OGM ». Quel que soit l'apport du Grenelle de l'environnement, certes majeur, sur la question des OGM, quels que soient les résultats des sondages d'opinion, certes révélateurs, sur les craintes des Français, il appartient à la représentation nationale, non pas de trancher la question « pour ou contre les OGM », mais de proposer un cadre juridique sûr, permettant une évaluation au cas par cas des OGM par une instance indépendante, et rendant possible leur utilisation, à des fins de recherche notamment.

Nous devons assumer la responsabilité qui nous a été confiée de nous prononcer sur cette question complexe des OGM et adopter définitivement ce projet de loi qui permet à la France de respecter ses engagements communautaires et internationaux, qui garantit à nos concitoyens la liberté et la sécurité, la transparence et le respect du droit, qui assure aux agriculteurs le respect de leurs modes de production et la pérennité de leur activité, et à nos chercheurs la sécurité de leurs travaux.

L’application de ce texte constituera à cet égard un enjeu crucial dans les mois et les années à venir. Vous serez encore en première ligne, Monsieur le ministre, avec quelques-uns de vos collègues du Gouvernement, à l'issue du vote et de la promulgation de la loi, pour veiller à sa bonne application. L'Assemblée nationale, en vertu de l'article 86-8 de son Règlement, sera elle aussi extrêmement vigilante sur la mise en œuvre de ses dispositions, qu'il s'agisse de l'installation du Haut Conseil des biotechnologies, de la traduction concrète des conditions techniques de coexistence ou encore des engagements pris en faveur de la recherche.

La liberté de choix de nos concitoyens que nous souhaitons garantir exige de faire preuve de courage. Je vous invite donc à adopter le texte retenu par la commission mixte paritaire afin que la France se dote enfin d'un dispositif législatif complet et opérationnel en matière d'OGM (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire – Nous voici au terme du débat sur le projet de loi relatif aux OGM. 

M. Marcel Rogemont – Ce n’est pas sûr.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Cent quatre-vingts amendements ont été adoptés au cours du débat, en provenance de tous les bancs.

Le Président de la République déclarait tout à l’heure à Orléans que le débat sur les OGM avait pris ces dernières semaines « un tour tout à fait irrationnel ». « Le Grenelle de l’environnement, poursuivait-il, avait abouti, et j’en étais particulièrement fier, non pas à un compromis bancal, mais à une position forte d’équilibre. D’un côté, je m’étais engagé à stopper la culture commerciale du seul OGM autorisé jusqu’alors en France, le maïs Monsanto 810 en raison des risques éventuels qu’il présentait pour l’environnement ; d’un autre côté, nous devions transposer une directive adoptée en 2001 sous le gouvernement de Lionel Jospin. Nous avions décidé d’en profiter pour inscrire dans notre droit plusieurs principes fondamentaux en matière d’OGM : le principe de précaution, qui suppose le développement de très grandes capacités d’expertise, le principe de transparence, le respect de la propriété d’autrui, la participation de la société civile aux décisions, et surtout le droit pour chaque agriculteur de produire avec ou sans OGM. Enfin, nous avions résolu de renforcer la recherche en biotechnologies, car si certains OGM existants présentent des risques, il apparaissait inepte de s’interdire de trouver par la recherche des plantes transgéniques dignes d’intérêt et sans risque. »

Il concluait ainsi : « Je mets quiconque au défi de démontrer que nous avons fait autre chose que tenir ces engagements-là. Avec l’activation de la clause de sauvegarde, le Monsanto 810 a cessé d’être cultivé sur notre territoire. Cela n’a pas été facile, mais cela a été fait, comme je l’ai dit, en accord avec le droit communautaire. J’ajoute que la dotation de l’État sera effectivement renforcée de 45 millions en trois ans en faveur de la recherche sur les biotechnologies. Enfin, le texte issu des débats parlementaires non seulement respecte intégralement les principes d’équilibre adoptés lors du Grenelle, mais il encadrera les OGM de la manière la plus rigoureuse et la plus protectrice possible. Dès l’adoption de ce texte, je souhaite que le Haut Conseil des biotechnologies soit rapidement mis en place pour qu’il puisse rendre ses avis, notamment celui tant attendu sur le « sans OGM ». Le Gouvernement prendra alors ses responsabilités pour en déduire les dispositions nécessaires. Là encore, cet engagement du Grenelle sera tenu. J’ai peur que ceux qui le contestent n’aient jamais accepté les engagements soumis à l’occasion du Grenelle de l’environnement. »

M. Antoine Herth, rapporteur – Très juste !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Mesdames et messieurs les députés, avant ce texte de loi, le non-droit prévalait : chacun pouvait faire ce qu’il voulait, quels que soient les préjudices pour les tiers. Nous avons à présent un cadre clair. Le Haut Conseil des biotechnologies, extrêmement pluriel, saura éclairer les décisions politiques. Rien ne serait pire que de revenir à la situation antérieure, source de tensions, de conflits et d’opacité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie – Comme M. Borloo, je serai brève, car nous avons déjà débattu pendant 60 heures, au cours desquelles le Parlement a enrichi le projet de 180 amendements – 110 adoptés par l'Assemblée nationale, 70 par le Sénat – si bien qu’aujourd’hui le texte peut être considéré comme une co-production du Gouvernement et du Parlement.

Alors que le calendrier parlementaire est extrêmement chargé, le Gouvernement a voulu lever l’urgence afin de permettre un débat en profondeur. Cela a été un bel exercice démocratique, et l’on ne peut que regretter que, lors du dernier passage devant l’Assemblée, certains aient privilégié l’accessoire – la victoire politique du moment, le petit coup politique – sur l’essentiel – le débat démocratique sur un sujet difficile.

Plusieurs députés du groupe UMP – Eh oui !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État Ce projet est fidèle à l’esprit et à la lettre du Grenelle, comme l’a rappelé le Président de la République ce matin, à Orléans. Le Grenelle demandait tout d’abord la clause de sauvegarde sur le MON 810, seul OGM commercial cultivé en France. Le Président a décidé de faire jouer cette clause, même si ce n’était pas facile.

Nous relançons en outre la recherche sur les biotechnologies. Si nous avons des doutes sur le MON 810, ceux-ci n’ont cependant pas entaché une technologie tout entière, porteuse d’espoir ; c’est pourquoi 45 millions supplémentaires seront consacrés en trois ans.

Enfin, nous avions l’obligation de transposer une directive adoptée du temps du gouvernement de M. Jospin. À défaut, la France devra payer 38 millions d’euros à titre de sanctions, plus 360 000 euros par jour d’astreinte. Le Gouvernement use, dans la transposition, de tous les espaces de liberté laissés par la directive. Les amendements adoptés au Parlement, par exemple sur les parcs naturels régionaux et les appellations d’origine contrôlée, utilisent de même ces espaces de liberté.

M. André Chassaigne – Très bien !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État Dès l’adoption de la loi, le Haut Conseil des biotechnologies sera saisi afin de donner une définition du « sans OGM ». Il s’agit d’une demande légitime.

Mme Geneviève Gaillard – Il faut le faire avant.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État Cela incombe au Haut Conseil.

Le Gouvernement pèse enfin de tout son poids pour modifier la procédure européenne, car nous considérons que la directive ne représente pas un bon cadre. Le ministre d’État a ainsi fait part au Conseil « Environnement » du mois de mars des réserves de la France, et a été soutenu par quatorze États-membres. La Commission doit nous faire un retour sur ces réserves, en juin. Nous travaillons à un calendrier de la présidence française pour proposer des modifications du cadre européen de la culture d’OGM qui nous permettent d’être en cohérence complète avec le Grenelle. Voilà les raisons pour lesquelles il faut voter cette loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ

M. le Président – Je suis saisi par M. Jean-Claude Sandrier et les membres du groupe GDR d’une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Yves Cochet – Ce texte n’est pas satisfaisant. L'amendement Chassaigne a recueilli des milliers de signatures de soutien et donné lieu à des réactions contradictoires au sein même du Gouvernement.

M. Jean Michel – Eh oui !

M. Yves Cochet – Le débat a été de bonne tenue, sauf à la fin, puisque, depuis une semaine, il n’y a plus de débat ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Antoine Herth, rapporteur – À qui la faute ?

M. Yves Cochet – Mais il y a eu débat dans la société civile et les associations. Et cet après-midi, notre combat contre ce projet continue.

Si les OGM ont soulevé tant de passions, c'est non seulement parce qu'ils portent sur des enjeux fondamentaux, mais aussi parce qu’ils contredisent le principe de précaution inscrit à l’article 5 de la Charte de l'environnement. Le texte proposé est contraire à la Constitution.

M. Jean-Marc Roubaud – C’est faux !

M. Yves Cochet – Il propose de généraliser la dissémination en plein champ de semences OGM dont l'innocuité ne fait pas consensus au sein de la communauté scientifique. Reprenons donc l'article 5 de la Charte de l'environnement, et voyons point par point en quoi ce projet y est contraire.

En ce qui concerne la « réalisation d'un dommage bien qu'incertaine en raison des connaissances scientifiques », il faut bien reconnaître que la biologie moléculaire est une discipline récente. En 2002, aucune des plantes génétiquement modifiées n'est complètement connue dans sa structure. La biogénétique est la plus jeune des sciences de la vie, et nous manquons de recul pour certifier la nature des risques induits par la dissémination d’OGM. Les Verts ainsi que les députés de l'opposition ont toujours précisé qu'ils n'étaient pas contre la recherche en laboratoire. Lors de la séance des questions au Gouvernement, le ministre d’État a évoqué des OGM médicamenteux ; ce n’est pas de cela qu’il s’agit, mais de cultures alimentaires ; pas d’amalgame politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) Ce que nous contestons, c'est la dissémination en plein champ.

Après seulement vingt ans d'exploration scientifique et une dizaine d'années de commercialisation, deux caractères transgéniques sont connus : pour 75 % d'entre eux, il s'agit de la résistance à l'herbicide, et pour 25 % de la production d'un insecticide. Seuls 8 % des OGM ont les deux caractères à la fois. Cet état des connaissances reste insuffisant au regard des risques encourus.

Les découvertes scientifiques se fondent sur de rares études conduites principalement par les firmes biotechnologiques elles-mêmes, selon des protocoles d'analyse controversés. En général classées « secret industriel », ces études sont menées sur des périodes n'excédant pas trois mois, ce qui est huit fois moins long que pour les pesticides, alors que ces plantes OGM en contiennent. M. Sarkozy, dans son discours de clôture du Grenelle de l'environnement, faisait lui-même référence aux « OGM pesticides ».

L’article 5 de la Charte évoque ensuite un dommage qui « pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement ». La pollution transgénique est incontrôlable, irréversible et diffuse. Les OGM sont des organismes vivants dont le déploiement dans l'environnement et la chaîne alimentaire ne peut être anticipé dans ses effets. Jean-Louis Borloo le reconnaît lui-même, dans Le Monde du 21 septembre 2007 : « Sur les OGM, tout le monde est d'accord : on ne peut pas contrôler la dissémination, donc on ne va pas prendre de risques. » Il est par conséquent essentiel de s'en tenir à l'espace confiné du laboratoire.

L'introduction d'un OGM dans la nature est un élément déclencheur de contamination en chaîne, car il n'y a pas de distance optimale garantissant la non-contamination. Nous avons l’exemple, dans le département des Deux-Sèvres, d’une culture de maïs biologique contaminée par du maïs transgénique cultivé à 35 kilomètres de distance ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Une loi peut-elle encadrer le vent, les oiseaux, les abeilles ? La dissémination est un acte délibéré, qui aura des conséquences lourdes sur la santé et l’environnement.

Cette loi ne sera pas réversible – à l’inverse de la loi sur les 35 heures, que vous assassinez, ou de la scélérate loi TEPA, sur laquelle nous reviendrons une fois redevenus majoritaires (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR et vives protestations sur les bancs du groupe UMP).

Au-delà de la discipline de groupe, j’en appelle à votre conscience, à la responsabilité que vous devrez porter devant vos enfants et devant l’histoire. Aucune compagnie d’assurance n’accepte de couvrir ce risque et de chiffrer les effets des OGM : voilà la preuve flagrante de la nécessité de recourir au principe de précaution. Les risques dépassent les connaissances actuelles et par-là même, nos capacités à endiguer les conséquences éventuelles des disséminations en plein champ.

Conformément au principe de précaution inscrit dans la Constitution, « les autorités publiques veillent à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques ». Certes, le Haut Conseil serait amené par ce projet à utiliser des méthodes d’évaluation des risques conformes au droit communautaire, mais le pouvoir de cette instance n’est que consultatif et c’est bien au Gouvernement qu’il reviendra d’autoriser ou non la mise en culture d’un OGM. Par ailleurs, ce projet de loi introduit une sorte de hiérarchie des normes entre l’« avis », qui sera donné par les scientifiques, et la « recommandation », réservée au comité économique, éthique et social.

Par ailleurs, les règles d’évaluation n’offrent pas encore de résultats satisfaisants sur les tests de toxicologie, alors que les risques potentiels sont connus : perte de biodiversité, apparition de résistances chez les insectes et les mauvaises herbes, augmentation de pesticides dans l’environnement, développement des allergies, désordres métaboliques par insertion aléatoire de transgènes. Il reste donc à travailler sur l’organisation d’expertises indépendantes et contradictoires.

Enfin, la Constitution prévoit l’adoption de « mesures provisoires et proportionnées afin de parer à une éventuelle réalisation du dommage ». En présentant cette loi comme la plus restrictive du monde, vous nous mentez ! Certains de nos voisins européens ont des lois beaucoup plus contraignantes : c’est le cas de l’Autriche, de l’Espagne, de l’Italie, de la Grèce, de la Pologne, de la Suisse…

M. Antoine Herth, rapporteur – Que je sache, la Suisse ne fait pas partie de l’Union.

M. Yves Cochet – Je parle de l’espace économique européen. Ces pays ont mis en place des moratoires, alors que le nôtre n’est que provisoire. À l’image de la Norvège, ils ont instauré des régimes de responsabilité de plein droit, engagée indépendamment de la démonstration d’une faute en cas de contamination. Le droit hongrois, enfin, exige que soit recueilli l’accord écrit préalable des voisins, vingt jours au moins avant les semis d’OGM.

Les polémiques de fond déclenchées par l’examen de ce projet de loi ne sont pas de simples joutes partisanes : il existe des courants trans-partis, comme l’a démontré le vote de la motion de M. Chassaigne. Ne vous en déplaise, ce désaveu n’était pas un banal accident : sur 316 députés UMP, seuls 135 ont rejeté la motion. Où sont passés les 181 députés qui manquaient à l’appel ?

Un député du groupe UMP – Vous allez voir !

M. Yves Cochet – En leur âme et conscience, ils ont voulu marquer leur désaccord ; je tiens à saluer leur courage et leur détermination à résister à la tentation du vote caporalisé (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Eux reconnaissent les bouleversements sanitaires et environnementaux sans précédent que provoquerait le vote de ce projet de loi. Ils ont activé leur clause de conscience, je les en remercie et je les invite à faire de même aujourd’hui.

En définitive, c’est le principe de précaution que vous refusez (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il ne s’agit pas d’une marque d’inaction ou d’obscurantisme, mais, comme l’écrit Bruno Latour, directeur scientifique de Sciences-Po « d’un changement complet dans l’esprit de modernisation ». Au nom de ce principe, élevé au premier rang de la hiérarchie des normes, je vous invite à voter cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Nous en arrivons aux explications de vote.

Mme Frédérique Massat – Ce texte pose la question de la liberté, qui, chacun le sait, s’arrête où commence celle d’autrui (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Pour votre part, vous avez choisi d’opposer la liberté des uns à celle des autres, sachant pertinemment que la coexistence est impossible.

Il faut savoir dépasser les clivages politiques, comme un certain nombre de députés UMP l’ont fait. Il ne s’agit pas d’opposer les progressistes aux obscurantistes, mais de proposer une loi qui permette de produire et de consommer des produits sans OGM. 

Madame la secrétaire d’État, à la question « Donneriez-vous à votre enfant des aliments à base d’OGM ? », vous avez répondu sans équivoque que votre enfant ne mangeait que des produits Bio. Mais savez-vous que demain, ces produits Bio n’existeront plus en France ?

Nous aurions pu donner l’exemple du courage politique, revendiquer la richesse que constituent les produits de qualités, les labels, les AOC. L’amendement d’André Chassaigne – qui a recueilli plus de 42 000 signatures de soutien – permettait ce choix. Mais en votant cette loi, vous opterez pour la standardisation et l’uniformisation.

Ce texte n’est pas la voie de la sagesse, il organise la contamination généralisée, sans aucune garantie, et de façon irréversible. Alors que nous venons d’inscrire dans la Constitution le principe de précaution, il est inadmissible de permettre à certains de faire du profit, au risque de provoquer une pollution génétique et de mettre en péril ce qui fait la richesse de nos terroirs et de notre environnement. C’est pourquoi le groupe SRC votera cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Noël Mamère – Bien évidemment, le groupe GDR votera l’exception d’irrecevabilité. C’est une contre-vérité que de dire que cette loi, que vous voulez faire passer en force, sera la meilleure d’Europe. Il est faux d’affirmer qu’elle sera conforme aux prescriptions du Grenelle de l’environnement, puisque celui-ci réclamait la possibilité de produire et de consommer « sans OGM ». Vous pouvez toujours renvoyer la question de savoir ce qui est « sans OGM » au Haut Conseil – bien loin de l’instance démocratique transparente préconisée par le Grenelle, puisque les scientifiques, qui émettent des avis, sont séparés de la société civile, qui fait des recommandations.

La plupart des scientifiques s’accordent, même s’il y a encore quelques négationnistes, à dire que la coexistence n’est pas possible entre cultures OGM et non OGM. Dès lors, comment le Président de la République peut-il demander aux cantines scolaires d’introduire des aliments bio ? Comment parler, dans la suite du Grenelle de l'environnement, de renforcer l’agriculture biologique alors que cette loi va légaliser la contamination, qu’elle écrit la chronique de la mort annoncée de l’agriculture de qualité, des AOC et des labels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Vous n’êtes pas en train de pacifier les campagnes, comme vous le prétendez : en jouant les apprentis sorciers, vous allez y remettre le feu. Le problème n’est pas simplement que les écologistes, ou même les Français, refusent que vous transformiez les champs en paillasses de laboratoire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et ne veulent pas d’OGM dans leurs assiettes : c’est aussi que les agriculteurs de vos circonscriptions vont vous accuser de les avoir condamnés à mort en légalisant la contamination, en permettant une dissémination irréversible. C’est dire la responsabilité que vous prenez.

S’il y avait une satisfaction à retenir de cette discussion lamentable qui ne peut qu’humilier la représentation nationale – très mauvais signe à quelques instants de l’examen de la réforme des institutions qui prétend renforcer les pouvoirs du Parlement… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) La seule satisfaction donc qu’éprouvent les rares écologistes qui siègent ici (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) est que pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, une question écologique a provoqué un accident politique. La société est entrée dans cet hémicycle et a activé la conscience de quelques-uns de nos collègues. J’espère que cela continuera. En attendant, le Gouvernement a pris une responsabilité majeure. C’est pourquoi je vous incite à voter l’exception d’irrecevabilité présentée au nom du principe constitutionnel de précaution (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. le Président – Sur cette exception d’irrecevabilité, je suis saisi par les groupes GDR et SRC d’une demande de scrutin public.

M. Marc Laffineur – Décidément, MM. Cochet et Mamère ne sont pas à une contradiction près. Ils nous reprochent de ne pas avoir débattu de ce texte malgré les 36 heures que nous y avons consacrées, et ils ont voté la question préalable de la semaine dernière qui a empêché la discussion sur les 800 amendements qui avaient été déposés par l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Et ils oublient de dire que c’est une écologiste, Mme Voynet, qui a défendu avec Lionel Jospin cette directive que nous sommes obligés aujourd’hui de transposer sous peine d’une amende de 38 millions et d’une astreinte de 360 000 euros par jour !

Voilà la différence entre ce que vous avez fait et ce que nous faisons. Nous avons eu le courage d’agir. Nous avons présenté un texte équilibré, qui permettra de sauvegarder notre agriculture et notre recherche. Le groupe UMP, puisque votre motion n’a fait apparaître aucun élément anticonstitutionnel dans ce texte, ne la votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. le Président – Je rappelle solennellement que chacun ne peut voter que pour soi-même ou son délégant (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés du groupe UMP – Cochet ! Cochet !

À la majorité de 315 voix contre 208 sur 524 votants et 523 suffrages exprimés, l’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.

Plusieurs députés du groupe UMP – Où est Montebourg ? Debout !

MOTION RÉFÉRENDAIRE

M. le Président – J’’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et de 70 députés une motion tendant à proposer de soumettre au référendum le projet en discussion, en application de l’article 122 du Règlement. La liste des signataires sera publiée au Journal officiel à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

M. le Président procède à l’appel nominal des 70 signataires de la motion.

M. le Président – Acte est donné de la présence effective en séance des signataires de la motion.

M. François Brottes – Le moment évoque ces journées commémoratives où, au cours d’une cérémonie aux rituels quelque peu convenus, nous nous remémorons des événements tragiques et douloureux au nom du devoir de mémoire, afin que l’histoire serve de leçon et que l’abominable ne se reproduise jamais. Certes, ce texte n’a encore d’autre histoire que celle d’une multinationale qui s’empare du monde et rend les paysans pauvres plus pauvres et plus dépendants encore.

M. Marc Laffineur – N’importe quoi !

M. François Brottes – Certes, quant aux effets des OGM sur l’environnement et la santé publique, le pire n’est pas encore certain. Mais, en votant ce texte, nous permettrions l’irréversible contamination, par dissémination incontrôlée de ces organismes.

Où l’on retrouve la querelle du progrès et de l’obscurantisme, qui oppose, comme à la veille de toute guerre, ceux qui disent non à ceux qui prétendent que l’on ne peut pas faire autrement.

M. Marc-Philippe Daubresse – Il est loin, le siècle des Lumières !

M. François Brottes – Aujourd’hui, nulle cérémonie du souvenir, car la guerre n’est pas encore déclarée et chacun peut encore, en conscience, estimer que ce sujet, plus que bien d’autres, mérite de consulter directement le peuple par la voie du référendum.

Si je ne suis pas de ceux qui estiment que la démocratie représentative devrait se soustraire à ses responsabilités, ne s’agit-il pas ici d’un vote forcé qui ne dit pas son nom ? Car nous nous apprêtons à voter une loi sur laquelle aucune autre majorité ne pourra jamais revenir…

Un député du groupe UMP – Heureusement !

M. François Brottes – …le mal étant irrémédiable. Le peuple a donc le droit de trancher, dès lors qu’il s’agit d’autoriser notre génération à prendre des mesures dont les conséquences sur les générations futures seront définitives (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). La planète n’est ni de droite ni de gauche ; cette motion référendaire nous donne simplement une chance de nous ressaisir et de nous en remettre aux Français.

Tout avait bien commencé, par l’annonce du Grenelle de l’environnement, il y a près d’un an. À partir de juin 2007, Monsieur le ministre d’État, vous avez entamé un travail de concertation et de négociation avec tous les acteurs environnementaux ; je veux croire que votre engagement était sincère. Puis Nicolas Sarkozy leur a distribué le menu le 25 octobre 2007, comme s’il suffisait d’évoquer les OGM, le nucléaire et les pesticides pour que les problèmes qu’ils posent soient réglés ! Ainsi déclarait-il dans un discours grandiloquent : « La vérité, c’est que nous avons des doutes sur l’intérêt actuel des OGM pesticides, sur le contrôle de la dissémination des OGM et sur leurs bénéfices sanitaires et environnementaux ». Il s’engageait en outre à inverser la charge de la preuve : ce ne serait plus aux solutions écologiques de faire la preuve de leur intérêt, mais aux projets non écologiques de démontrer leur caractère inévitable.

La première traduction concrète de ces engagements fut la suspension de l’autorisation du MON 810, à l’initiative du comité de préfiguration de la Haute Autorité sur les OGM, dont faisait partie notre collègue Philippe Martin. Mais tous les participants au Grenelle de l’environnement se sentirent trahis par le projet de loi.

M. Patrick Roy – Eh oui !

M. François Brottes – Ainsi Jean-François Le Grand, sénateur UMP et président du comité de préfiguration, déposa-t-il des amendements visant à conformer le texte aux enseignements du Grenelle…

M. Claude Gatignol – Vous oubliez le désaveu des scientifiques !

M. François Brottes – …avant de décider, constatant l’opposition de M. Bizet, rapporteur du projet au Sénat, de se retirer de la discussion.

En outre, alors que les implications économiques, sociales et environnementales du problème scientifique que constituent les OGM supposent d’associer la société civile à toute décision d’autorisation, et que le ministre de l’agriculture avait rappelé au Sénat le caractère provisoire du comité de préfiguration, confiant à la loi le soin de « refonder de manière démocratique le système indépendant et légitime qu’exige la saine application du principe de précaution », le débat parlementaire a gravement déséquilibré la Haute Autorité, transformée en Haut Conseil des biotechnologies, présidé par un scientifique et où les « avis » du comité scientifique l’emportent sur les « recommandations » du comité de la société civile. Ainsi a-t-on fait payer aux politiques l’avis du comité de préfiguration sur le maïs MON 810.

Ensuite, la loi dans sa version sénatoriale n’a rien d’un « projet non écologique faisant la preuve de son caractère inévitable », pour reprendre les termes du Président de la République : l’affirmation de la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM et les prescriptions relatives à la dissémination mettent en péril l’avenir de l’agriculture alternative sur notre territoire. Elles s’opposent en particulier au souhait, exprimé lors du Grenelle de l’environnement, de développer les repas issus de l’agriculture biologique en inscrivant dans les cahiers des charges de la restauration collective – par exemple au Conseil général des Hauts-de-Seine… – des produits labellisés ou issus d’exploitations certifiées, car comment assurer que ceux-ci sont sans OGM ? Ainsi, le refus répété, ici même, de définir le « sans OGM » a montré, Madame la ministre, combien la transparence effrayait une partie de votre majorité. Il eût pourtant suffi d’inscrire clairement dans la loi que cette définition reposait sur le seuil de détectabilité.

En outre, la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM ne semble guère compatible avec les prescriptions du Grenelle en matière de préservation de la biodiversité, notamment avec la création de la « trame verte » annoncée par le Président de la République.

Enfin, la charge de la preuve n’est nullement inversée : il reviendra aux contaminés de prouver la contamination, dans des conditions restrictives qui n’apporteront aucune garantie et n’engageront nullement la responsabilité des grands semenciers. Les victimes de votre loi auraient besoin d’un « GIGM », car le texte légalise la prise d’otages : celle des agriculteurs qui cultivent des OGM sans savoir que votre texte fera d’eux des coupables ; celle de leurs voisins, contaminés sans pouvoir se défendre, même si le texte les avertit qu’ils seront peut-être victimes ; enfin, celle des consommateurs, qui se fieront à l’étiquetage, lequel ne les alertera pas en deçà d’un seuil de 0,9 %, alors même que la présence d’OGM est détectable à partir de 0,1 %, voire moins encore.

Qu’est-il donc advenu entre l’annonce présidentielle et le présent projet de loi ? En d’autres termes, à qui profitent les OGM, ces organismes vivants où l’on a artificiellement introduit un gène étranger, dit « gène d’intérêt » – par exemple la résistance aux pesticides ? En réalité, le principal gène d’intérêt actuellement inoculé dans l’agriculture est celui de la rentabilité financière !

M. Pierre Méhaignerie – N’importe quoi ! Quelle bêtise !

M. François Brottes – Il entrave la faculté fondamentale du vivant, celle de se reproduire, par la mise sur le marché de semences « Terminator » !

M. Pierre Méhaignerie – On voit que vous n’avez jamais travaillé dans la recherche !

M. François Brottes – C’est une nouvelle étape de la conquête par l’industrie agrobiochimique de l’agriculture, donc de la nourriture des hommes !

M. Claude Gatignol – C’est faux !

M. François Brottes – Il ne s’agit de rien d’autre que de développer la brevetabilité du vivant, source inépuisable de profit pour les industriels, sans aucun avantage alimentaire avéré à ce jour !

De fait, vous ne cessez d’invoquer la lutte contre la faim dans le monde ; si cette instrumentalisation de la misère humaine est insupportable pour les socialistes internationalistes que nous sommes, la situation est en effet dramatique, le Programme alimentaire mondial arrivant à court de moyens dès juin prochain, ce qui risque de priver 13 millions de personnes de nourriture, notamment du fait de l’augmentation exponentielle des prix alimentaires. Mais la culture d’OGM ne saurait modifier la répartition des richesses entre Nord et Sud ! La réflexion sur l’avenir de la production agricole mondiale ne saurait se référer au seul modèle des pays les plus riches : l’autosuffisance alimentaire de chaque pays peut découler d’une révolution verte agronomique, et non génomique !

On peut en outre regretter que la recherche ait conduit à commercialiser les PGM destinées au bétail avant de s’intéresser aux mécanismes d’adaptation des plantes aux conditions climatiques extrêmes.

M. Marc-Philippe Daubresse – Désinformation !

M. François Brottes – Selon le rapport de la commission ad hoc créée par la Banque mondiale et les Nations unies après le sommet de Johannesburg, en 2002, rapport fondé sur les travaux de 4 000 scientifiques et experts internationaux, les OGM sont susceptibles de poser des problèmes aux pays en développement, car les entreprises concernées risquent de s’y approprier les ressources agricoles. Le rapport souligne en outre qu’un grand nombre de conséquences sur l’environnement, la santé humaine et l’économie nous demeurent encore inconnues.

De même, selon le rapport GEO-4 du Programme des Nations unies pour l’environnement, publié en octobre dernier, les aspects économiques, sociaux et environnementaux sont étroitement imbriqués et la privatisation des ressources et des services est la perspective d’avenir la plus inquiétante pour la planète – en quelque sorte, l’avènement du Dependence Day !

Comme le soulignait M. Le Grand, la brevetabilité du vivant risque de réduire en esclavage les économies de ces pays. Le développement des OGM repose sur une vision industrielle de l’agriculture, héritée du modèle américain, mais ne permet pas de relever le défi de l’alimentation en développant l’agriculture mondiale de manière équilibrée. Au lieu d’une révolution génétique qui ne fera qu’accroître leur dépendance, nous pourrions apporter une aide technique au milliard de paysans réduits aux outils à main. En outre, ce modèle agricole techno-scientiste fragilise notre souveraineté alimentaire au profit de grands groupes multinationaux privés, ce qui contredit totalement les objectifs de la PAC.

Loin de présenter des avantages en matière d’économie, de santé, d’environnement ou de faim dans le monde, les OGM ne sont donc rien d’autre que le cheval de Troie de la conception américaine des brevets, qui pourrait permettre à de grandes firmes de s’approprier le vivant. La focalisation sur les seules évolutions génétiques constitue une dérive de la conception mécaniste du monde.

Quant aux consommateurs, quel profit tireront-ils du développement des OGM ? Se verront-ils offrir des produits moins chers, de meilleure qualité ? M. Bizet assure que les consommateurs sont favorables aux OGM parce qu’ils en mangent déjà : quelle curieuse conception de la transparence et du libre choix des consommateurs !

Les réticences des consommateurs ne peuvent pas être réduites à de la néophobie ! Elles sont dues au fait qu’ils n’en perçoivent pas les avantages directs et que la technologie semble imposée à marche forcée, par des entreprises guidées par la recherche de leur profit plutôt que par le bien commun. La commercialisation des céréales transgéniques pose aussi la question de l’indépendance et de l’uniformisation alimentaires, compte tenu des brevets détenus par les grandes firmes et de la concentration du droit sur l’alimentation de base. Loin de la diversité héritée de l’histoire et des géographies disparates du monde, le développement des OGM nous promet l’arasement des cultures humaines au seul profit du « dieu Profit ».

Partant de l’impossibilité d’interdire l’importation des OGM, le ministre de l’agriculture – et beaucoup avec lui – est le premier à considérer que ne pas introduire des cultures OGM en France reviendrait à se priver de la possibilité de réduire notre dépendance en protéines végétales en vue de préserver le pouvoir d’achat. Cette argumentation est biaisée, car, pour produire de telles protéines, il faudrait développer des espaces de culture alors que la surface agricole utile diminue continûment. Il ne suffirait pas de supprimer la jachère, devenue niche écologique.

Cela doit-il se faire au détriment de l’agriculture alternative ? Les disséminations possibles rendent difficile l’application du principe de coexistence des cultures, même avec un seuil fixé à 0,9 %. Dès lors, c’est un vrai choix de politique économique qu’il faut opérer, étant entendu que l’abaissement du seuil entraîne mécaniquement une hausse des coûts.

Les plantes génétiquement modifiées ne pourraient être acceptées par notre société que si elles présentaient des avantages certains, cependant que leur éventuelle mise sur le marché serait dénuée de toute arrière-pensée commerciale et prédatrice, eu égard notamment à la brevetabilité du vivant. Manifestement, ces deux conditions ne sont pas réunies pour le moment.

Je sais que certains se disent : « C’est comme çà et on ne peut plus faire autrement. » À ceux-là je veux dire : « Gardez votre capacité d’indignation et de révolte. La liberté de penser vous donne encore le droit de dire non ».

Mme Delphine Batho – Très bien !

M. François Brottes – Nous, socialistes, avons une responsabilité particulière dans la lutte contre ces dérives. Face au défi du développement durable, nous proposons des solutions innovantes. Le combat socialiste consiste en effet à ne pas sacrifier le progrès social et l’environnement à la croissance économique. Il vise aussi à ne pas sacrifier l’homme aux seules logiques du marché et du profit.

Le choix délibéré de ce projet de loi d’ouvrir des champs aux vents mauvais des OGM pose d’abord le problème de la place de la recherche et de l’expérimentation. Les Français ne sont pas opposés à ce que les biotechnologies trouvent toute leur place dans la réalisation de la stratégie de Lisbonne consistant à consacrer 3 % du PIB à la recherche. Quant aux socialistes, ils ont toujours été attachés à la créativité, à la modernité, à la science et à l’innovation, gage de progrès lorsqu’elle est mise au service de l’humanité. Nous posons toutefois une condition : l’avancée scientifique doit être maîtrisée en restant sous le contrôle du service public, garant de l’intérêt général.

La polémique sur les OGM ne doit surtout pas conduire à renoncer à l’effort de recherche. Au contraire, il convient de le développer pour comprendre les mécanismes génétiques à l’œuvre et garantir leur innocuité, tant pour les hommes que pour l’environnement. Comme l’a reconnu la commission Attali, l’innocuité des OGM reste à démontrer. Il est donc urgent de développer la recherche, d’autant que l’utilisation des plantes génétiquement modifiées à des fins purement mercantiles tend à se généraliser.

Outre le fait qu’elle ignore le principe de précaution, l’absence d’évaluation jette le soupçon sur l’ensemble des travaux de génie génétique, au détriment de leurs éventuelles applications dans les domaines de la santé et de l’environnement.

C’est seulement au prix de la recherche sur les conséquences sanitaires et environnementales des OGM que pourront se faire, de manière encadrée, des expérimentations en milieux non confinés. Le développement de la recherche pose immanquablement la question de la brevetabilité du vivant, selon le triptyque plant-gène-fonction, seule la dernière étant brevetable. Mais cela suppose aussi de savoir par qui, pourquoi, comment et pour répondre à quelle demande de la société. Nous rejetons sans appel le brevetage du vivant et le pillage par les multinationales des ressources génétiques qui constituent le patrimoine commun de l’humanité…

Mme Martine Billard – Il a raison !

M. François Brottes – Le gène est la propriété de l’humanité et doit le rester, sauf à ouvrir la boîte de Pandore de l’appropriation du vivant. Néanmoins, il est essentiel de maintenir une recherche de haut niveau, ne serait-ce que pour préserver notre autonomie de décision, dans un domaine où nous risquons de nous faire imposer des choix de société durables. Il convient notamment d’enrichir la recherche médicale sur les effets des OGM à long terme, en particulier en toxicologie. Cette recherche doit, je l’ai dit, rester strictement encadrée et reposer largement sur l’action publique. Nous considérons qu’il est essentiel de bien distinguer ce qui relève de la recherche proprement dite et ce qui, en devenant un processus économique, participe de l’innovation industrielle. C’est en respectant cette distinction première que nous pourrons éviter le climat passionnel qui a malheureusement conduit nombre de chercheurs à interrompre leurs travaux dans ces domaines essentiels.

La science doit nous permettre de retrouver le chemin de la raison entre l’irrationnel et l’irréversible. Un autre choix est possible ! De même qu’un autre avenir que celui promis par cette loi ! Sur toutes ces questions fondamentales, les Français doivent pouvoir s’exprimer. Las, dans ce débat parlementaire, vous n’avez eu de cesse de réduire l’expression de l’opposition ou de ceux qui, sans être dans l’opposition, ont refusé votre projet, y compris dans vos rangs !

M. Marc Laffineur – Et c’est en votant la question préalable que l’on prolonge le débat ?

M. François Brottes – N’en déplaise à M. Laffineur, vous avez appliqué le principe du bâton et du bâillon : en déclarant l’urgence dès la première lecture au Sénat ; en refusant le vote solennel en deuxième lecture à l’Assemblée ; en réduisant la durée des motions de procédure ; en passant en force en CMP, malgré le refus de l'Assemblée nationale de délibérer sur ce texte, exprimé la veille par le vote de la question préalable ; en bafouant notre droit d’amendement en CMP – ce qui constitue une grande première ! ; en violant délibérément l’article 42 de notre Règlement qui rend obligatoire la présence des députés aux réunions des commissions. En convoquant – et le président Ollier n’y est pas pour rien – la CMP en même temps que la commission des affaires économiques, vous avez empêché certains de nos collègues de siéger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Marc-Philippe Daubresse – Allons donc !

M. François Brottes – En refusant, enfin, le vote solennel pour cette ultime lecture, de manière à ce que les noms n’apparaissent pas. Ce vade-mecum de l’obstruction en dit long sur votre volonté sincère de renforcer les droits de l’opposition dans le cadre de la réforme institutionnelle ! La vérité, c’est que vous êtes hostiles à toute expression démocratique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Vous ne voulez pas admettre qu’en première lecture, 57 % des députés ont refusé votre projet de loi. Vous oubliez que 43 000 personnes ont signé la pétition de défense de l’amendement Chassaigne, celui-là même que le Premier ministre voulait vider de son sens – et il a du reste partiellement réussi avec l’amendement porté par le Sénat. Vous feignez d’ignorer que l'Assemblée nationale a rejeté votre texte il y a huit jours, à l’occasion de la question préalable défendue en deuxième lecture.

Selon le sondage de l’institut CSA paru ce matin, un Français sur deux ne fait pas confiance au Gouvernement pour faire adopter une loi visant à les protéger des risques sanitaires et environnementaux liés à ce type de cultures. Le message est clair : ce n’est pas d’une loi que les Français ne veulent pas, c’est de votre loi ! Celle issue du Sénat et sur laquelle nous sommes à nouveau appelés à nous prononcer (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Cette loi ne respecte pas le principe de précaution et je gage que le Conseil constitutionnel en fera la démonstration. En outre, elle ne consacre pas la liberté de produire et de consommer sans OGM, pour respecter le souhait exprimé lors du Grenelle et les 72 % de Français qui jugent important de pouvoir le faire. Et ce n’est pas Mme Kosciusko-Morizet qui me contredira sur ce point !

Notre liberté commence là où s’arrête celle des autres. La dissémination des OGM, telle que l’orchestre votre texte, va se produire impunément, sans respecter la liberté de ceux qui entendent produire sans OGM. Tous ceux qui ne veulent pas subir l’irréversible que votre loi veut imposer doivent conserver la liberté de choisir. À ce stade, seul un référendum offre ce choix ultime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Le Premier ministre vient d’annoncer qu’il reprendrait à son compte le référendum d’initiative populaire dans la réforme des institutions. Dont acte, et nous disons : « Chiche ! » (Même mouvement). Pour donner la parole aux Français et une suite, chers collègues de l’UMP, aux propos de M. Fillon sur le référendum, nous proposons la tenue d’un référendum. N’ayons pas peur de nos concitoyens et laissons-les maîtres de leur avenir. Acceptez la consultation sur cette question majeure en adoptant la présente motion référendaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Antoine Herth, rapporteur – J’ai écouté très attentivement l’exposé de M. Brottes et force est d’admettre qu’il a omis un élément majeur : quelle serait la question à ce fameux référendum ?

M. François Brottes – « Êtes-vous pour ou contre une agriculture sans OGM ? »

M. Antoine Herth, rapporteur – Le texte que nous soutenons a pour vocation de respecter la liberté de choix de chacun, conformément à la fonction suprême de notre Parlement. En outre, rejetez-vous la compétence exclusive de l’Union européenne pour autoriser ou interdire un organisme génétiquement modifié ? Je n’ose croire que vous tentiez par ce biais de refaire un référendum sur l’Europe. Votre argumentation n’est pas convaincante et j’invite par conséquent au rejet de cette motion référendaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en venons aux explications de vote.

M. Philippe Vigier – Je tiens à dire que je m’exprime en toute indépendance, hors de la pression de quiconque. Ne comptez pas sur nous pour tomber dans des travers politiciens (Rires sur les bancs du groupe SRC). Nous abordons le problème sous l’angle scientifique, avec la ferme conviction qu’il faut laisser à chacun la faculté de se déterminer en conscience. Je suis tout de même un peu surpris par certains effets de manches : Mme Voynet avait-elle pris le soin de consulter le peuple avant de prendre sa décision ?

M. Jean Leonetti – Très bien.

M. Philippe Vigier – Il faut vraiment être de mauvaise foi, Monsieur Cochet, pour défendre de tels arguments !

Le présent texte apporte de la transparence, d’abord pour les consommateurs : chacun pourra consommer ou non des OGM. Il permet ensuite de poursuivre la recherche médicale…

M. Noël Mamère – Il faut la cantonner aux laboratoires !

M. Philippe Vigier – Si nous ne sommes pas capables de faire avancer la recherche en thérapie génique, elle se fera hors de France et l’opposition en portera la responsabilité historique. Enfin, la poursuite des cultures sera encadrée comme vous n’avez jamais su le faire et une autorité scientifique – le Haut conseil des biotechnologies – sera saisie.

Toutes ces raisons nous conduisent à rejeter la motion référendaire (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Yanick Paternotte – L’envie me vient de dire à notre collègue Brottes que le référendum sur le Grenelle de l’environnement a eu lieu en mai et juin 2007 et que la réponse des Français a été assez claire (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Je le redis, il ne s’agit pas de savoir si l’on est pour ou contre les OGM mais de transposer la directive européenne relative à la culture de PGM en fixant les règles. Or les règles fixées dans le texte respectent des principes fondamentaux (Vives protestations sur les mêmes bancs) qu’il s’agisse du respect de la liberté de chercher, d’expérimenter et de produire avec ou sans OGM (Mêmes mouvements), ou du respect de la transparence, par la publication des avis du Haut Conseil et celle de la liste des parcelles plantées d’OGM, ce qui n’a jamais eu lieu auparavant. Le débat est, hélas, plus passionnel que rationnel ; c’est celui du courage et de la raison contre l’obscurantisme et les marchands de peur (Vives protestations bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Comme en toutes choses, il y a de bons et de mauvais OGM ; permettez donc au docteur en pharmacie que je suis, de rappeler que, tout au long de son histoire, l’humanité a cherché à améliorer les plantes qui lui permettent de se nourrir et de se soigner. La sélection initiale des plantes utiles a été faite de manière empirique. Ensuite, on a su cultiver les plus nourrissantes, croiser les espèces, hybrider des végétaux pour les améliorer. La première controverse d’envergure a porté sur la synthèse chimique des principes actifs, qui a fait scandale à l’époque, et qui a pourtant permis l’éradication de graves maladies. Aujourd’hui, la chimie a permis la mise au point de molécules innovantes qui ne sont pas spontanément présentes dans la nature – ainsi, nous devons tous les antibiotiques que nous utilisons, sans exception, à la recherche scientifique.

Adopter le projet, c’est accepter la recherche (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), accepter l’expérimentation (Mêmes mouvements), accepter une mise sur le marché de nouvelles molécules avec certaines précautions, et un suivi attentif par l’observatoire de biovigilance (Mêmes mouvements). Adopter le projet, c’est créer le Haut Conseil, c’est améliorer la transparence et garantir la liberté des cultures (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Le groupe UMP votera donc sans états d’âme contre la motion référendaire, et sans états d’âme en faveur du projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Je suis saisi par les groupes UMP et SRC d’une demande de scrutin public sur la motion référendaire.

Mme Catherine Quéré – Depuis plus de quinze ans, les OGM inquiètent cultivateurs et consommateurs et occupent les chercheurs. Ces dernières semaines, le débat a pris un tour politique marqué et les Français se sont largement investis dans le débat. Comment pourrait-il en être autrement, alors que nos produits AOC et nos labels de qualité dont l’intérêt économique n’est pas à démontrer ont une renommée mondiale, et que notre agriculture biologique se développe, atout majeur pour l’économie rurale, l’environnement et la santé ? Ces productions constituent, elles aussi, notre patrimoine national, et nous ne pouvons les mettre en danger en acceptant des contaminations dues à la dissémination d’OGM. Cela, tous les Français l’ont compris, même dans les Hauts-de-Seine ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; huées sur les bancs du groupe UMP)

Nous ne pouvons accepter qu’au nom de la liberté de produire de quelques-uns, on détruise ce que d’autres ont patiemment construit pendant des années en respectant scrupuleusement des cahiers des charges rigoureux. La coexistence des cultures avec et sans OGM n’est pas possible, on le sait (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et la dissémination de molécules transgéniques serait fatale à tous nos labels de qualité agricoles. D’autre part, nous ne pouvons prendre le risque de placer nos agriculteurs sous le joug de puissants groupes internationaux uniquement occupés de profits (Protestations sur les mêmes bancs). Nous devons refuser la culture des OGM mais favoriser la recherche pour parvenir à des certitudes et clore la polémique.

Ce que les Français ont demandé au Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) c’est de pouvoir produire sans OGM, de définir un seuil de contamination par OGM, de prévoir une indemnisation réelle en cas de contamination et de faire payer les pollueurs. Or rien de tout cela ne figure dans le projet.

Outre que, par le passé, de grandes certitudes scientifiques ont aussi conduit à de grandes catastrophes sanitaires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), soumettre à l’Assemblée le texte de la CMP pour lui faire adopter un projet rejeté par la majorité des élus de la nation est, de la part du Gouvernement, un coup de force majeur (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Cette méthode a pour conséquence l’absence de débat (Vives exclamations sur les mêmes bancs ) et le Gouvernement, en refusant de revoir sa copie, bafoue le Grenelle de l’environnement et se livre à un déni de démocratie (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; huées sur les bancs du groupe UMP). La semaine dernière, l’adoption de la question préalable a suscité un immense espoir pour tous les citoyens qui ne veulent pas de cultures d’OGM – et ils sont nombreux, vous le savez. Les Français veulent avoir confiance dans leur agriculture ; ils veulent, aussi, avoir confiance en leur démocratie. C’est pourquoi le groupe SRC votera, unanime, la motion référendaire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Martine Billard – M. Paternotte a rappelé que l’homme est capable de grandes choses, mais il a omis de dire qu’il peut aussi déclencher des désastres (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il ne s’agit de rien moins, ce soir, que de notre santé à tous et de l’avenir de la planète. Il faudrait donc mettre un terme définitif à la mauvaise foi qui s’exprime sur les bancs de l’UMP (Mêmes mouvements) puisque, sur tous les bancs, l’accord s’est fait pour poursuivre la recherche en laboratoire. Ce que nous refusons, c’est la recherche en plein champ, car la dissémination est irréversible, on l’a vu aux États-Unis. De même, nous ne refusons pas la transposition d’une directive européenne, mais la manière dont vous voulez qu’elle soit transposée. Là est le problème de fond ! Et encore : de 2000 à 2003, il y a eu, en Europe, un moratoire de fait, à l’initiative de Mme Voynet (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC) et c’est Mme Bachelot qui, en 2002, a décidé d’y mettre fin (Huées sur les mêmes bancs). Dites les choses comme elles sont ! Dites l’extension des cultures d’OGM en France depuis que cette décision a été prise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC, huées sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Emmanuelli – Monsieur le président ! Faites respecter l’ordre !

M. le Président – Que l’on se calme, sur tous les bancs !

M. Henri Emmanuelli – Mais enfin ! C’est à droite que l’on vocifère !

M. le Président – Madame Billard, poursuivez.

Mme Martine Billard – Quand il s’agit de faire passer vos mauvais coups sociaux (Violentes exclamations sur les bancs du groupe UMP) vous êtes tout disposés à faire appel à l’opinion publique – par exemple pour casser le droit de grève des enseignants (Mêmes mouvements). Mais quand il s’agit des OGM dont les Français, massivement, ne veulent ni dans leurs champs ni dans leurs assiettes, c’est tout autre chose ! L’UMP aurait-elle peur du peuple ? (Vociférations sur les bancs du groupe UMP) Oui, il faut un référendum sur les OGM, pour que les Français disent s’ils veulent une agriculture de qualité, cette qualité qui s’exporte. Pensez-vous vraiment qu’elle continuera de s’exporter quand les labels seront contaminés ? (Exclamations sur les mêmes bancs) Avec ce projet, vous aller casser notre agriculture. C’est ce que nous refusons, et c’est pourquoi nous voterons la motion référendaire. Le peuple doit trancher sur une question qui met en jeu l’avenir de la planète.

À la majorité de 317 voix contre 213 sur 530 votants et 530 suffrages exprimés, la motion référendaire n’est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Germinal Peiro – Nous voici en dernière lecture du projet de loi relatif aux OGM. Sur la forme, l’attitude du Président de la République et du Gouvernement a été marquée ces derniers mois par une série d’atermoiements, de revirements et de prises de position contradictoires. Soufflant un jour le chaud, un autre le froid, rassurant un jour les associations de protection de l’environnement, le lendemain le lobby des semenciers, ils ont semblé naviguer à vue sur un sujet manifestement embarrassant à l’approche des élections municipales et cantonales. Une fois celles-ci passées, les masques sont tombés et chacun a pu comprendre quelles étaient les intentions réelles du Président de la République et du Gouvernement. Les parlementaires et les quelques responsables de la majorité qui ont osé manifester leur propre opinion ont été vertement rappelés à l’ordre. Mme Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État à l’écologie, qui avait timidement laissé entendre une autre musique, a dû rentrer dans le rang sous peine d’exclusion (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; Mme Kosciusko-Morizet fait un signe de dénégation). Malgré quelques ratés, votre machine est en route pour passer en force. Une deuxième lecture écourtée au Sénat, un temps de parole restreint pour les motions de procédure en deuxième lecture à l'Assemblée nationale où un vote solennel a par ailleurs été refusé, une réunion de la commission mixte paritaire où le débat a été interdit par le président de la commission des affaires économiques (Protestations sur les bancs du groupe UMP), tout a été fait pour que le texte gouvernemental soit adopté en l'état le plus rapidement possible, en réduisant au maximum le pouvoir du Parlement.

Sur un sujet aussi grave qui engage l'avenir, cette attitude n'est pas acceptable. Elle montre d’ailleurs le peu de cas que vous faites du Parlement. Nous refusons, pour notre part, que celui-ci soit réduit à une simple chambre d'enregistrement. Nous avons demandé que ce débat sur les OGM devienne un véritable débat public et que l’ensemble de nos concitoyens puissent se prononcer. Face à un choix qui ne concerne pas seulement une technique agronomique mais constitue un véritable choix de société, nous avons demandé que le peuple puisse s'exprimer. C'est pourquoi le groupe socialiste a déposé une motion référendaire, défendue il y a quelques instants dans cet hémicycle…

M. Yves Bur – Et rejetée !

M. Germinal Peiro - Ce matin, le Premier ministre a annoncé qu'il accepterait le référendum d'initiative populaire pour la réforme de la Constitution. Pourquoi avez-vous refusé notre proposition de référendum sur les OGM ?

M. Bernard Deflesselles – Démagogue !

M. Germinal Peiro - Où est la preuve de votre réelle volonté d’agir et du respect que vous portez à l’avis de nos concitoyens ?

Sur le fond, Monsieur le ministre, quoi que vous en disiez, votre choix est clair. Vous avez choisi d'orienter la France sur la voie des grandes cultures OGM. Vous avez fait le choix d'une agriculture monolithique qui défend les puissants contre les plus faibles, tournant même le dos à notre Constitution en passant outre le principe de précaution. En garantissant dès l'article premier la liberté de produire avec ou sans OGM, vous avez choisi la liberté des uns contre celle des autres. Vous savez pertinemment que nul ne pourra plus cultiver sans OGM. 

Nous vous entendons déjà vous exclamer, Monsieur le Ministre : « Ce n'est pas moi qui ai autorisé le maïs OGM Monsanto 810 en 1998, mais le gouvernement Jospin. » Un mensonge par omission n’en reste pas moins un mensonge. Il faudrait ajouter que c’est le gouvernement Jospin qui, au vu des doutes, a institué un moratoire sur les OGM (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) et que c’est votre majorité qui l’a levé. Il faudrait dire également que c’est sous votre majorité que les cultures OGM se sont développées dans notre pays (Mêmes mouvements).

La grande différence, Monsieur le Ministre, avec la situation de 1998, c’est qu’aujourd’hui nous savons qu'il existe des doutes sérieux sur la santé animale et humaine. Ces connaissances nouvelles ont d'ailleurs justifié l'activation de la clause de sauvegarde il y a quelques semaines à la demande du comité de préfiguration de la haute autorité sur les OGM. Nous avons maintenant dix ans de recul.

Or, on n'a pas appliqué aux OGM, qui sont des plantes pesticides, d’ailleurs qualifiées comme telles par le Président de la République, les protocoles appliqués aux pesticides, qui permettraient pourtant d'avancer dans la connaissance. Nous savons aujourd'hui que les cultures d'OGM conduisent à des situations irréversibles. Ainsi n’y a-t-il plus de colza conventionnel ou biologique au Canada parce que les zones de cultures ont toutes été contaminées par le colza OGM. Nous savons aujourd'hui qu'aux États-Unis, en Amérique centrale, et plus près de nous en Aragon et en Catalogne, les filières conventionnelles et biologiques de maïs sont en train de disparaître face au maïs transgénique. C'est ce choix qu'a fait le Président de la République, et que vous imposez aux Français par un vote provoqué dans l'urgence pour en finir avec la crise interne de l’UMP (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Vous avez choisi de sacrifier l'agriculture biologique, l'agriculture de qualité, l'agriculture de terroir, les labels et les AOC, qui rejettent les OGM et demandent simplement le droit d’exister. Vous avez choisi de favoriser l'agriculture mondialisée et banalisée qui vise à imposer le même modèle à l'ensemble de la planète, la même nourriture, la même culture au profit des mêmes. Vous vous glorifiez de défendre la recherche, mais il faudra nous expliquer en quoi une monoculture mondiale fondée sur des espèces identiques est favorable au développement de la connaissance et des hommes.

Ce choix est mauvais pour la France parce qu'il est mauvais pour le monde. La plus-value créée par l'agriculture française qui nous permet d'exporter nos vins, nos fromages et l'ensemble de notre production agro-alimentaire de qualité ne vient pas de la culture des fast food d'outre-Atlantique, de cette culture low cost que vous érigez désormais en alpha et oméga de votre politique. Notre force agricole tient à l'intelligence des paysans, qui ont su s'adapter à des conditions de vie particulières, à des sols différents, à des climats diversifiés. C'est cette intelligence, fondée aussi sur le respect de la vie, qui nous a permis d'offrir des produits qui figurent parmi les meilleurs au monde. Erik Orsenna, au début de son Voyage au pays du coton explique bien cette tradition : « Chaque matière première est un univers, avec sa mythologie, sa langue, ses guerres, ses villes, ses habitants : les bons, les méchants et les hauts en couleurs. »

Votre choix est également mauvais pour l'Europe. Contrairement à ce que l’on entend, l'Europe n'est pas en retard pour les OGM. Elle est au contraire en avance pour les filières non-OGM. Elle a, avec le sujet des OGM, un formidable levier entre les mains pour peser sur les négociations internationales. Il faut reposer la question des accords de Blair House qui ont signé l'abandon des cultures de protéagineux. Les 450 millions d'Européens, dans leur grande majorité, ne veulent d'OGM ni dans leurs champs ni dans leurs assiettes. L'Europe doit également être capable de dire qu'elle ne veut pas de maïs ou de soja OGM pour nourrir ses animaux. D'ailleurs, à l'inverse, pensez-vous un seul instant qu’elle serait capable d’imposer des produits OGM aux Américains s'ils n'en voulaient pas ? Bien sûr que non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Votre choix est mauvais aussi pour les pays en voie de développement. Au lieu de leur apporter des techniques et des matériels éprouvés – plus d'un milliard de paysans n'ont que la force de leurs bras pour travailler la terre – de façon à développer leurs cultures vivrières, les multinationales de la semence ne font, avec les OGM, que les asservir davantage et les enfoncer un peu plus dans la pauvreté et la misère.

Votre texte est enfin mauvais pour les agriculteurs français. Il sera source de nombreux conflits entre agriculteurs. En créant un système d'indemnisation obligatoire, vous reconnaissez vous-mêmes qu'il y aura dissémination entre champs voisins. Et là encore, vous avez choisi de protéger les semenciers. C'est en effet sur les seuls agriculteurs que portera la responsabilité de la contamination des champs d’autrui. Une nouvelle fois, les agriculteurs de notre pays se trouveront en position d’accusés alors même qu'ils ne feront que cultiver des produits que vous vous apprêtez à autoriser. Ce sont eux qui sont traduits devant les tribunaux.

Mme Delphine Batho – Eh oui !

M. Germinal Peiro – Il y a une autre imposture vis-à-vis des agriculteurs. En autorisant les cultures d'OGM, vous lésez les intérêts moraux et économiques de toutes les filières de qualité et biologiques. Il est de ce point de vue totalement injuste de fixer une indemnisation portant sur la seule différence de prix entre les produits OGM et les produits conventionnels biologiques parce qu’elle ne tient pas compte des autres préjudices.

Son choix en faveur des semenciers, le Gouvernement l'a exprimé également d'une manière éclatante en créant un délit spécifique de fauchage, véritable délit d'exception. Ainsi sera-t-il plus grave de porter atteinte à un champ d'OGM qu'à un champ de cultures biologiques. Il est donc clair que pour vous, Monsieur le ministre, un champ d'OGM a plus de valeur qu'un champ biologique.

Avec ce texte, l’avenir est malheureusement écrit. Je prends date devant la représentation nationale : je fais le pari que la clause de sauvegarde sur le maïs Monsanto 810 sera prochainement levée et que les portes des cultures OGM seront bientôt largement ouvertes (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC) au détriment, comme partout dans le monde, des cultures conventionnelles et biologiques. Mais vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas.

Mes chers collègues de la majorité, c'est à vous que je veux m'adresser pour conclure. Le choix que nous allons faire n'est pas anodin. Il engage l'ensemble de notre pays et des générations futures. Refuser les cultures OGM en plein champ aujourd'hui, ce n'est pas se prononcer contre la science ou contre le progrès, comme on essaie de le faire croire.

Nous ne condamnons pas a priori les biotechnologies. La confusion sciemment entretenue entre les OGM utilisés à des fins médicales et les plantes génétiquement modifiées vouées aux grandes cultures a porté atteinte à la sérénité de nos débats ainsi qu’à la compréhension du problème. Cette confusion vous a été utile, Monsieur le ministre, vous servant à masquer votre position. Mais il ne s'agit pas de dire non aux biotechnologies. Nous demandons au contraire que la recherche, en particulier publique, poursuive ses efforts. Il s'agit de dire non aux grandes cultures de plantes génétiquement modifiées.

À l'heure du choix que chacun d'entre nous doit faire en conscience, et qui dépasse les clivages politiques habituels, chacun d'entre nous doit penser à ses enfants, à ses petits-enfants et à tous ceux qui nous succéderont. Chacun doit se demander s’il y a vraiment urgence et si la paix dans le monde repose véritablement sur les OGM. Ne peut-on encore approfondir les recherches et développer nos connaissances avant de mettre en application des techniques irréversibles ? Pourquoi faudrait-il aujourd’hui céder aux puissances financières qui nous demandent de libérer un marché à leur seul profit ?

Notre honneur consiste à défendre l’intérêt général, l’idée d’un progrès partagé, et à laisser à nos enfants la planète dans un meilleur état que celui dans lequel nous l’avons trouvée. Ceux qui placent le respect d’autrui au premier rang de leurs préoccupations, ceux qui pensent que le progrès humain ne doit pas céder face aux intérêts mercantiles, rejetteront ce texte. Telles sont les raisons, mes chers collègues, pour lesquelles vous voterez, j’en suis sûr, cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Antoine Herth, rapporteur – Monsieur Peiro, vous nous aviez déjà fait connaître ces arguments en commission. Ainsi, selon vous, nous ne laisserions aucune place aux avis divergents. Or l’Assemblée a adopté un de vos amendements, concernant le dépôt d’un rapport sur l’équilibre et l’indépendance de la filière des protéines végétales, et d’autres amendements de l’opposition ont été adoptés. C’est bien la preuve que les opinions divergentes ont reçu l’attention qu’elles méritaient ; c’est dans cet état d’esprit que j’ai souhaité conduire mon travail de rapporteur, en affirmant d’emblée l’importance que revêtait à mes yeux la contribution critique et constructive de l’opposition. En ce qui concerne la contribution critique, nous avons été servis ; pour ce qui est de la contribution constructive, en revanche, je constate un certain relâchement… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Votre argumentation invoque par ailleurs le rôle du Parlement. Mais qu’a pu faire le Parlement, en l’absence de toute règle sur les OGM, devant les affrontements qui ont lieu dans nos campagnes sur le sujet, sinon déplorer, dans des questions au Gouvernement, une situation de non-droit ? Ce texte lui redonne au contraire toute sa place, une place au-dessus des polémiques, qui consiste à établir une règle commune, sans insulter l’avenir et en préservant notre recherche.

Ce qui, au fond, gêne le plus nos collègues de l’opposition, c’est que les pouvoirs publics retrouveront grâce à ce texte leur rôle d’arbitre sur un sujet qui a été trop longtemps laissé aux polémiques stériles. Monsieur Peiro, vous avez dit que la paix dans le monde ne reposait pas sur les OGM ; je suis convaincu que la paix en France, en cette matière du moins, repose sur l’adoption de ce texte, et c’est pourquoi j’invite tous les députés de bonne volonté à rejeter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Yves Bur – Très bien !

M. Philippe Martin – Illusionniste !

M. le Président – Nous en arrivons aux explications de vote sur la question préalable.

M. Marc Laffineur – M. Peiro n’est pas à une contradiction près : prétendant que nous empêcherions le débat, il soumet au vote de l’Assemblée une question préalable par laquelle il nous signifie qu’il n’y a pas lieu de débattre !

Nous avons débattu de ce projet 36 heures durant, aux cours desquelles 120 amendements ont été adoptés. Le Gouvernement a montré son ouverture en acceptant des amendements de l’opposition. Mais les socialistes, tellement divisés, en dehors de cet hémicycle (Protestations sur les bancs du groupe SRC), sur la question de savoir qui doit assumer la direction de leur parti, de Mme Royal, de M. Delanoë, de M. Moscovici ou des autres (Même mouvement), prétendent refaire leur unanimité en cette occasion. Nous aimerions connaître leur politique environnementale, leur politique de solidarité, leur politique tout court, mais nous n’entendons jamais de propositions constructives de leur part (Même mouvement).

Le groupe UMP rejettera cette question préalable, car nous souhaitons adopter ce texte courageux – qui n’est du reste que la conséquence de la directive adoptée par Mme Voynet et M. Jospin en 2001 (Même mouvement). La majorité en sera heureuse et fière, pour notre recherche, pour notre médecine, pour l’avenir des productions agricoles dans le monde (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jean Gaubert – Je remercie M. Laffineur de l’intérêt qu’il porte au fonctionnement interne du parti socialiste. Il y aurait beaucoup à dire sur le fonctionnement du groupe UMP à l’Assemblée, mais j’ai mieux à faire… (Rires sur les bancs du groupe SRC ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

S’il s’agit de la transposition d’une directive, nous sommes malheureusement passés à côté de nombreux sujets.

M. Daniel Mach – Bla bla !

M. Jean Gaubert – Vous nous accusez d’être contre la recherche, mais quand avez-vous entendu un député socialiste dire cela ? Quand nous avez-vous entendus remettre en cause la recherche médicale ? Vous faites un amalgame : ces recherches, que nous jugeons très utiles, ne nécessitent nullement des expériences en plein champ ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Vous avez également voulu faire croire que des plantes moins consommatrices d’eau existaient, alors qu’il n’en est rien aujourd’hui. Vous avez voulu faire croire que de meilleurs rendements étaient d’ores et déjà avérés, alors qu’il n’existe, dans les statistiques publiées dans un pays producteur d’OGM comme les États-Unis, aucune preuve attestant que les OGM produisent des rendements supérieurs.

Le débat sur la liberté est resté en suspens. Pourtant, la liberté de produire avec ou sans OGM condamne de facto la liberté de produire sans OGM, car il y a incompatibilité entre l’une et l’autre.

Mais le débat le plus important porte sur le contrôle des semences. Les groupes semenciers cherchent à s’assurer le contrôle de l’approvisionnement en semences de la planète. Dans trente ou quarante ans, si le petit-fils de M. Bush devient président en vertu de la logique dynastique à l’œuvre aujourd’hui, n’aura plus besoin d’entretenir une armée ; il lui suffira de bloquer les bateaux de céréales dans les ports américains pour affamer la planète ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Charles de La Verpillière – Vous êtes à court d’arguments !

M. Jean Gaubert – Nous ne voulons pas condamner nos enfants à une dépendance vis-à-vis des groupes financiers. Nous voulons leur léguer la biodiversité dont nous avons héritée. C’est la voie de la raison ! (Même mouvement)

Nous vous exhortons une nouvelle fois à la lucidité. La question n’est pas de savoir si nous sommes pour ou contre les OGM, mais de savoir si nous acceptons de prendre des risques inconsidérés, dont les effets seront irréversibles. Voilà pourquoi je vous invite à voter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Sur le vote de la question préalable, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

M. Daniel Paul – « Nous vivons une époque formidable ! » Depuis l’irruption des biotechnologies, les hommes ont le pouvoir de modifier le cours du monde en intervenant dans l’évolution des espèces. Les risques que présentent ces modifications génétiques induites, durables et transmissibles, nécessitent un travail de recherche plus approfondi, contrôlé par les pouvoirs publics et non pas laissé à l’initiative de groupes privés, dont le moteur est le profit. Ils nécessitent que des règles strictes soient édictées pour les cultures en plein champ, sans que nous prenions pour argent comptant l’idée qu’en dessous de 0,9 %, la présence d’OGM ne présenterait aucun risque pour les espèces.

Oui, nous sommes pour que les progrès scientifiques soient mis au service de la planète, contre les fléaux de la faim et de la maladie, mais il ne faut pas lâcher la proie pour l’ombre, ni menacer la richesse et la spécificité de nos territoires. En se battant pour l’amélioration de notre agriculture, il faut faire attention à ne pas faire le jeu des industriels semenciers. Le droit de produire et de consommer sans OGM est valable partout, et pas seulement dans les Hauts-de-Seine. Que direz-vous demain à nos producteurs de vin, de fromage ou de viande réputés internationalement, qui, parce que leurs étiquettes indiqueront « 0,9 % d’OGM », perdront leurs marchés ? Une indemnisation ne peut que rester loin du compte !

Croyez-vous que les électeurs qui ont porté M. Sarkozy à la présidence de la République aient voulu ce texte ? Toutes les enquêtes montrent la colère des citoyens face à la politique économique et sociale du Gouvernement…

M. François Goulard – Cela n’a rien à voir !

M. Daniel Paul – …, mais aussi l’inquiétude que suscite votre politique sur les OGM. C’est cette politique que nous vous appelons à rejeter. C’est à cette responsabilité, assumée individuellement, que nous vous exhortons, en vous invitant à voter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Philippe Vigier – L’examen de ce texte nous fait vivre des moments irrationnels et incompréhensibles. L’adoption, la semaine dernière, de la question préalable a fait tomber 800 amendements, preuve s’il en est que l’opposition a préféré la procédure au fond du dossier, les effets de manche à la confrontation des idées, la diabolisation aux faits objectifs (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Qui peut dire en conscience que, depuis quinze ans, les cancers liés à l’absorption d’OGM sont en augmentation ? Vous ne trouverez pas une publication scientifique pour l’affirmer ! (Mêmes mouvements)

M. Noël Mamère – Mais si !

M. Philippe Vigier – J’aurais aimé qu’en 1986 vous soyez plus rapides et n’attendiez pas une année pour légaliser les kits de détection du sida ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR, qui s’amplifient jusqu’à couvrir la voix de l’orateur ; plusieurs députés du groupe SRC se dirigent vers les bancs du groupe NC ; les huissiers montent dans les travées pour s’interposer ; brouhaha général)

M. le Président – Mes chers collègues, je vous demande de vous calmer et de regagner vos places.

M. Philippe Vigier – Vous qui rappelez sans cesse la nécessité d’informer nos concitoyens, vous voulez empêcher la représentation nationale de s’exprimer. C’est une forme de censure ! (Les protestations s’amplifient, plusieurs députés du groupe NC et du groupe UMP se lèvent à leur tour ; le tumulte couvre entièrement la voix de l’orateur)

M. le Président – La séance est suspendue. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir quitter l’hémicycle.

La séance est suspendue à 18 heures 30, puis reprise à 18 heures 35.

M. le Président – Afin de réunir les présidents de groupe et de créer les conditions d’un retour à la sérénité, je suspends la séance pour un quart d’heure.

La séance est suspendue. Elle est reprise à 19 heures 5.

M. le Président – Le sujet dont nous avons à débattre est aussi complexe que difficile, et il est tout à fait naturel que la discussion se déroule dans un climat passionné. Bien que cela dénote à la fois l’intérêt que nous portons à nos travaux et l’attachement que nous vouons à nos convictions, qui sont toutes respectables, je vous appelle à la mesure, tant dans vos propos que dans vos attitudes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. François Sauvadet – Si le très important débat que nous vivons soulève les passions, il mérite beaucoup mieux que les invectives et la diabolisation. Des vocables très durs ont été lancés de part et d’autre, tels que celui d’empoisonneur, et ce n’est pas acceptable. Personne n’a à gagner à ce que le débat dérape et à ce que la diversité des opinions ne soit pas assurée. Monsieur Ayrault, si de tels mots ont pu blesser, je le regrette, au côté de Philippe Vigier (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). J’en appelle maintenant à la responsabilité de chacun pour que ce débat puisse se terminer dans les meilleures conditions.

Plusieurs députés du groupe SRC – Des excuses ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. le Président – Je vous en prie !

M. François Sauvadet – Je crois que mes propos sont suffisamment clairs.

Plusieurs députés du groupe SRC – Non !

Plusieurs députés du groupe UMP – Si !

M. François Sauvadet – Au nom du groupe Nouveau Centre, je souhaite que ce débat se termine dans la sérénité que nous devons à ceux qui nous regardent. Pour ce qui concerne mon groupe, j’y veillerai (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. le Président – Nous en venons au scrutin public qui a été demandé sur la question préalable.

M. Jean-Marc Ayrault – Je prends acte de ce qu’a dit M. Sauvadet mais, compte tenu de la gravité des propos qui ont été tenus (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), nous aurions souhaité que le mot « excuses » soit prononcé. En signe de protestation, nous allons quitter la séance pour ne revenir qu’à l’occasion du vote final (Exclamations sur les bancs du groupe UMP, d’où s’élève la chanson : « Ce n’est qu’un au revoir » tandis que les membres du groupe SRC quittent l’hémicycle).

M. le Président – Je vous en prie, ayez un minimum de dignité !

À la majorité de 312 voix contre 10 sur 322 votants et 322 suffrages exprimés, la question préalable n’est pas adoptée.

M. Jean-François Copé – Je voudrais dire combien je regrette ces incidents à répétition, qui nous éloignent beaucoup de la dignité qu’on peut attendre de l’Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Pour ce qui nous concerne, nous n’avons pas été dupes des manœuvres d’obstruction menées par la gauche depuis le début de l’après-midi mais nous avons joué le jeu. Nous sommes au complet pour mener les réformes pour lesquelles les Français nous ont élus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; protestations sur les bancs du groupe GDR).

M. le Président – M. Chassaigne, inscrit dans la discussion générale, souhaite prendre la parole (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mes chers collègues, au nom de l’image de notre institution, je vous prie de surveiller particulièrement vos comportements.

M. Jean-Marc Ayrault – Rappel au Règlement ! Au nom de la dignité de la représentation nationale, à laquelle je suis attaché (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et en signe de protestation solennelle et symbolique, le groupe SRC a quitté la séance, mais reviendra pour le vote final, après la discussion générale, car nous prenons ce texte au sérieux et nous n’entendons pas boycotter les institutions de la République. Ce qui vient de se passer devrait donner matière à réfléchir à certains (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : voilà ce qui arrive quand un texte est mal parti ! Que chacun prenne ses responsabilités ; nous assumerons les nôtres au moment du vote, et les orateurs de notre groupe participeront donc à la discussion générale (Plusieurs députés du groupe UMP se lèvent et quittent l’hémicycle).

DISCUSSION GÉNÉRALE

M. André Chassaigne – Nous assistons à un véritable coup de force – ainsi prévoyais-je de commencer mon intervention avant l’incident qui vient d’avoir lieu ; il est vrai que, comme me l’écrivait tout à l’heure un collègue de la majorité citant Alexandre Vialatte, il ne faut pas piler le mil avec une banane trop verte ! (Rires)

Pour la première fois dans l’histoire de notre Parlement, le Gouvernement réinscrit immédiatement à l’ordre du jour un texte rejeté par l’Assemblée, faisant ainsi passer son projet en force au mépris de la décision souveraine de la représentation nationale et au prix d’une interprétation tendancieuse de notre Constitution.

En effet, selon l'article 91 de notre Règlement, à la suite de l'adoption de la question préalable, il n'y a plus lieu de délibérer ; le texte concerné est donc rejeté – et non ajourné !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques – Et l’article 109 ?

M. André Chassaigne – Comme lors du débat sur le PACS, en 1998, il eût donc fallu retirer le projet et préparer un nouveau texte, plus équilibré et plus abouti. Le Gouvernement a prétendu se fonder sur l'article 45 de la Constitution, qui dispose qu'après une seule lecture – et non deux – par chacune des assemblées, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire ; mais à quoi les travaux de cette dernière pouvaient-ils s’appliquer, dès lors que plus aucun texte n’était soumis à la discussion ? En outre, lors de la CMP, vous avez fait barrage à toute discussion au fond.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques – Une heure trente de discussion !

M. André Chassaigne – En somme, le déni de démocratie ne vous a pas suffi : il vous a fallu baisser le rideau de fer ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Poursuivez, Monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne – Vous me faites penser au personnage du docteur Knock inventé par Jules Romains : est-ce que cela vous chatouille ou est-ce que cela vous gratouille ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Ainsi avez-vous pu faire adopter le texte sans modification par 0,9 % des parlementaires – une fois encore, 0,9 % vous ont suffi ! Mais à quoi sert donc la question préalable si le Gouvernement peut passer outre à loisir, au mépris du vote des députés ?

Mme Delphine Batho – Très juste !

M. André Chassaigne – Profiterez-vous donc de la révision constitutionnelle pour supprimer toutes les motions de procédure, dont vous venez ainsi de démontrer l’inutilité ? Plus que jamais, alors même que le Gouvernement prétend renforcer les pouvoirs du Parlement, les députés sont considérés comme de vulgaires godillots ! Le Gouvernement a ainsi traité par le mépris les doutes légitimes des députés quant à l’utilité des OGM, dont le projet autorisera de fait largement la mise en culture.

En effet, loin de se contenter d'encadrer la culture des OGM, le texte la libéralise, aidant ainsi l'industrie agroalimentaire à faire main basse sur le monde paysan. Il porte tout entier la marque de l’agrobusiness !

M. Christian Jacob – Allez voir les salariés du secteur agricole !

M. André Chassaigne – Ainsi, il rend le producteur seul responsable d’une éventuelle contamination de cultures conventionnelles par des OGM, dédouanant entièrement les semenciers et les distributeurs. Sur ce point, vous ne réagissez pas, M. Jacob !

M. Christian Jacob – Si : je vous invite à aller voir les salariés !

M. André Chassaigne – Les dispositions relatives au Haut Conseil des biotechnologies, censé réguler la mise en culture, révèlent la dépendance du système à l’égard de ces firmes. Ainsi nos assemblées ont-elles refusé au Haut Conseil les moyens humains et financiers propres à assurer l’indépendance de son expertise, l’empêchant en outre de confier en priorité les évaluations aux organismes de recherche publique. En somme, l'évaluation pourra être déléguée, en partie ou entièrement, aux firmes privées.

Quant à la désignation des membres du Haut Conseil, elle se distingue par son opacité. À cet égard, le rejet de l’un de nos amendements, qui eût obligé les membres du Haut Conseil à attester sur l'honneur n'avoir entretenu, au cours des cinq années précédant leur nomination, aucun lien professionnel ou financier avec un organisme privé produisant, commercialisant ou utilisant des OGM, est à lui seul un aveu !

De même, le traitement du problème des essais en plein champ prépare la mainmise de l'agroindustrie sur la recherche agricole. Ainsi le rejet de mon amendement proposant d’autoriser, à titre exceptionnel, les seules disséminations volontaires émanant d'instituts de recherche publics et visant à prendre la mesure du risque environnemental montre-t-il que le Gouvernement entend généraliser les essais en plein champ des firmes multinationales à seule fin de garantir aux actionnaires la rentabilité.

En outre, le texte ne prévoit aucun contre-pouvoir démocratique représentant la population et les producteurs. Ainsi le projet de loi adopté en première lecture donne-t-il aux conclusions du comité scientifique du Haut Conseil, comité dont l'indépendance – on l’a vu – n’est rien moins qu’assurée, la primauté sur les simples recommandations du comité économique, éthique et social. En somme, la question de l’utilité d’un OGM, qu’il revient à ce dernier de soulever, ne sera prise en considération qu’en second lieu. Il est vrai qu’il n’est guère utile de s’en préoccuper, dès lors que c’est l'agrobusiness qui détermine les objectifs…

De plus, la composition même du second comité souffre de lacunes : la participation des syndicats agricoles représentatifs, des secteurs recourant à des modes de production spécifiques sous signe officiel de qualité n'est pas garantie. De même, en tournant le dos à la proposition unanime de l’intergroupe « OGM » du Grenelle de l’environnement, qui suggérait de permettre à toute personne, quel que soit son statut juridique, de saisir directement le Haut Conseil de toute question touchant à son domaine de compétence, le texte opère une régression par rapport à la Commission du génie biomoléculaire.

Quant aux deux phrases ajoutées par le Sénat à l'amendement que j'avais fait adopter en première lecture afin de protéger du développement des OGM les filières de production et de commercialisation qualifiées « sans OGM », la première dispose que « la définition du "sans organismes génétiquement modifiés" se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire » ; or celle-ci n'existe pas, et rien n’oblige un État membre à confier à la réglementation européenne la définition du « sans OGM » ! Cet ajout n’est donc qu’un leurre.

Quant à la seconde, elle précise que « dans l’attente d'une définition au niveau européen, le seuil correspondant sera fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut Conseil des biotechnologies, espèce par espèce ». Faut-il comprendre que, pour la première fois, la France envisagerait de fixer un seuil du « sans OGM », qui permettrait de circonscrire le domaine d'application de la procédure d'autorisation visée à l'article 2 ? Le projet de loi ne disant mot de ce seuil, l’adoption de cette disposition obligerait alors à le définir, soit en l’identifiant au seuil de détectabilité, choix conforme à la réalité, à la cohérence scientifique et à la définition retenue par la DGCCRF ; soit au profit d’un autre seuil, tel le fameux seuil de 0,9%... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Monsieur Jacob, il faudrait vous donner un porte-voix, mais je me demande de qui vous vous faites le porte-parole ! L’adoption de ce dernier seuil donnerait lieu à une situation absurde, les produits réputés « sans OGM » en contenant en réalité.

Or la précipitation avec laquelle le Président de la République a imposé cette formule, sous la pression de l'opinion et, semble-t-il, contre l'avis du Premier ministre, incite à la prudence. Quelles sont les intentions de la majorité ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Roubaud – Protéger les Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. André Chassaigne – S’agit-il de reformuler les attributions que le texte énonce par ailleurs ou d’en définir une nouvelle ? Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’espère que vous répondrez précisément à cette question à la fin de la discussion générale.

M. le Président – Veuillez conclure (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. André Chassaigne – En effet, comment les députés de la majorité, qui affirment porter un vif intérêt aux OGM, voteraient-ils un texte dont ils ignorent le sens ? (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP)

En somme, le sous-amendement du Sénat n’est-il qu’une disposition d’affichage vouée à rester lettre morte, ou à être appliquée avec un laxisme qui permet tous les abus ?

Vous l’aurez sans doute compris : je trouve ce texte nuisible pour l’essentiel et inabouti pour le reste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Comme je l’ai fait la semaine dernière en défendant mon excellente question préalable (Sourires), je souhaite par conséquent qu’il soit retravaillé et examiné sous une autre forme. Je vous invite à vous mettre au diapason des Français, lesquels rejettent massivement ce projet. En le repoussant, vous voterez en accord avec votre conscience (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

Mme Delphine Batho – La majorité jure – mais un peu tard ! – qu’on ne l’y prendra plus. C’en est fini, en apparence au moins, des doutes, des interrogations et des abstentions volontaires. L’on s’est employé à convaincre nos collègues de la majorité que le débat ne portait plus sur les OGM et que la seule finalité du vote était de prouver que la majorité était encore capable d’être majoritaire ! Les rappels à la discipline sont donc passés par là. Mais si vous en êtes réduits à la discipline au lieu d’exprimer librement vos convictions, c’est que vous avez déjà perdu une bataille (Huées persistantes sur les bancs du groupe UMP). Et l’on sait désormais le prix à payer pour cette discipline : c’est la caricature, l’injure et la provocation (Les protestations sur les bancs du groupe UMP couvrent la voix de l’oratrice ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – Monsieur Soisson, calmez-vous et écoutez Mme Batho.

Mme Delphine Batho – Alors, bien sûr,… (Bruit persistant sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Monsieur Balkany, suivez attentivement.

Mme Delphine Batho – …vous pourrez sortir de cet hémicycle soulagés, proclamer partout que tout cela n’était qu’une péripétie et que l’ordre est désormais rétabli. Je dois cependant vous priver de vos illusions : vous n’êtes pas débarrassés des OGM et la pagaïe que va semer ce texte dans nos campagnes vous en fera faire l’amère expérience. Vous y serez confrontés dans vos circonscriptions !

Ce qui s’est produit dans une exploitation biologique des Deux-Sèvres est emblématique… (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) Les victimes de contaminations ne seront pas indemnisées et les agriculteurs se demanderont à bon droit pourquoi l’État en fait les lampistes d’une responsabilité qui revient en réalité à l’État et aux semenciers. Pour protester de n’avoir pas été informées des parcelles mises en culture, les collectivités locales prendront de nouveau des arrêtés anti-OGM et même vos amis – à l’instar de M. de Villiers en Vendée – seront traînés par les préfets devant les tribunaux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je préfère ne pas parler des parcs naturels régionaux, dans lesquels il sera impossible de recueillir un avis unanime auprès des exploitants. Et que dire des AOC qui tenteront d’obtenir des mesures de protection ?

On se tournera alors vers l’amendement 252, adopté dans l’un de ces moments rares et solennels où le vote dépasse les clivages partisans. Et l’on se heurtera alors à un conflit d’interprétation, du reste déjà ouvert par le sénateur Bizet en vue de dénaturer les amendements Chassaigne et Grosdidier. Dans son rapport, il dénonce en effet la faible portée normative qu’auraient certains termes introduits par les députés dans l’article premier : « intégrité de l’environnement », « cultures traditionnelles », « structures agricoles », « écosystèmes locaux », « filières sans OGM »… Chers collègues, j’imagine que vous ne manquerez pas d’expliquer à vos administrés que l’intégrité de l’environnement est une notion incertaine, que les écosystèmes locaux n’existent pas, que les structures agricoles sont des concepts abstraits et qu’évoquer des filières sans OGM relève d’une vue de l’esprit ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

En réalité, la véritable intention de la majorité n’est pas de préserver les amendements Chassaigne et Grosdidier, mais, au contraire, de les vider de leur sens et de les faire sortir discrètement par la fenêtre quand les députés les avaient fait entrer par la grande porte !

Entre autres aberrations, je souhaite évoquer la définition du « sans OGM », qui n’est pas la même à l’article premier et à l’article 5 ! Là encore, nous aimerions bien entendre le ministre d’État, puisque le projet de loi donne deux définitions différentes du sans OGM. L’article premier dispose qu’un décret fixera un seuil qui, théoriquement, n’est pas le seuil d’étiquetage de 0,9% ; dans l’article 5, on retrouve le seuil de 0,9 % pour indemniser le préjudice subi par les agriculteurs contaminés ! Vous vous apprêtez à voter un texte qui se contredit ou qui, par sa tartufferie, révèle votre intention d’entériner le seuil de 0,9 %. Voilà ce qu’il reste de la liberté de produire et de consommer sans OGM ! Voilà ce qu’il reste du Grenelle de l’environnement : une peau de chagrin ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mais de tout cela, nous ne discuterons pas. Vous prétendez que ce texte est le plus protecteur d’Europe, du monde et de l’univers : c’est faux ! L’une des législations les plus protectrices est celle de l’Allemagne. Et il y a de quoi être abasourdi lorsqu’on voit cette majorité, après s’être assise sur les « rodomontades » de la Commission européenne qui ose critiquer les déficits abyssaux engendrés par le paquet fiscal, brandir l’Europe comme un argument d’autorité ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Dès la deuxième lecture au Sénat, vous avez décidé de bâcler la discussion, pressés que vous étiez d’en finir avec le cauchemar des OGM. Ce n’est plus le texte qui vous intéresse mais le compromis à réaliser entre l’UMP… et l’UMP ! Nous pensons, nous, que nous n’avons pas le droit de voter un texte aussi lourd de conséquences en fonction de considérations politiciennes (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Et nous en prenons l'Assemblée nationale à témoin : l’adoption de cette loi promet bien des tracas dans les mois et années à venir. Demain, les faits diront qui avait raison et qui avait tort ; hélas, il sera trop tard car Monsanto aura déjà eu pour loisir de polluer nos campagnes (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Yves Le Déaut – Nous réclamions ensemble une loi fondatrice sur les biotechnologies, et je le sais d’autant mieux que j’ai eu l’honneur de présider la mission d’information du Parlement sur ce sujet. Las, nous nous retrouvons aujourd’hui dans une mauvaise situation : le climat est tendu…

Plusieurs députés du groupe UMP – La faute à qui ?

M. Jean-Yves Le Déaut – Fait exceptionnel, un texte rejeté suite à l’adoption d’une question préalable n’aura été discuté qu’une seule fois à l'Assemblée nationale…

Plusieurs députés du groupe UMP – La faute à qui ?

M. Jean-Yves Le Déaut – Là n’est pas la question. Peut-être est-ce la faute de ceux d’entre-vous qui n’ont pas voté ! (Rires sur les bancs du groupe SRC)

Sans vouloir être polémique, j’affirme que, sur un certain nombre de points, il y a sept ans que nous aurions dû voter ce texte ! (Un grand nombre de députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement en scandant « Bravo ! ») Vous applaudissez mais les gouvernements issus de votre majorité n’ont pas été plus actifs.

Il y a sept ans que l’on aurait dû voter ce texte… (Même mouvement)

Plusieurs députés du groupe UMP – Encore ! Encore !

M. le Président – Un peu de calme, je vous prie.

M. Jean-Yves Le Déaut – Et s’il a fallu tout ce temps, c’est que chacun a préféré refiler la patate chaude à son voisin ! (Même mouvement) Moralité, le résultat c’est que la discussion n’a pas eu lieu à l'Assemblée nationale… (Même mouvement) On aurait dû mieux définir les OGM…

M. Jean-François Copé – Que ne l’avez-vous fait ?

M. Jean-Yves Le Déaut – On aurait du faire la distinction entre les OGM bactériens, animaux et végétaux : on n’en a pas parlé une seule fois !

M. Jean-François Copé – La faute à qui ?

M. Jean-Yves Le Déaut – On aurait dû aborder la question de la responsabilité en cas de dissémination fortuite. On aurait dû traiter de la différence entre le seuil d’étiquetage et le zéro OGM…

M. Jean-François Copé – La faute à qui si la discussion a été interrompue ?

M. Jean-Yves Le Déaut – Ne vous énervez pas, Monsieur Copé. Ce n’est pas parce que vous avez été responsable de couacs multiples qu’il faut perdre vos nerfs (Protestations sur les bancs du groupe UMP). J’ai présidé dans le calme la mission d’information, qui rassemblait 31 de nos collègues.

Si les esprits s’échauffent aujourd’hui, c’est parce que dans le texte du Sénat, pour essayer de maquiller l’amendement Chassaigne, il est prévu de s’en remettre finalement aux décisions de la jurisprudence européenne. On n’a donc pas le courage de déterminer ici ce qui est sans OGM.

Comment pouvez-vous vous satisfaire, mes chers collègues de la majorité, de vous être réunis, à plus de 300 cette fois, pour vous séparer sans que le Parlement ait lui-même défini ce qu’il aurait dû définir ? Ces questions de fond n’ayant pas été débattues parce que chacun s’est repassé la « patate chaude », la controverse persistera, sachez-le, et il faudra revenir sur ces sujets que l’Assemblée n’a pas abordés alors qu’elle l’aurait pu (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). À l’usage, vous verrez que la loi est imparfaite, à telle enseigne que des agriculteurs iront en justice parce que leurs cultures auront été contaminées. Quant aux consommateurs, ils doivent être éclairés, et ce n’est pas en occultant ces problèmes que vous améliorerez la capacité de discernement des citoyens.

Je l’ai dit, nous sommes favorables aux biotechnologies, à condition que leur usage soit strictement encadré. Ce n’est pas le cas. Avec ce texte, on aboutit à une cote mal taillée : il est ainsi rédigé que personne ne s’y retrouve et que personne n’est rassuré. Là où il aurait fallu de l’audace, on trouve un trompe-l’œil, des compromis et de la duplicité (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP). Le groupe socialiste soutient la recherche sur les biotechnologies, y compris en plein champ, mais dans des conditions rigoureusement définies. Or, elles ne le sont pas.

Nous avons demandé l’organisation d’un référendum ; vous ne l’avez pas voulu. Le groupe SRC ne votera pas ce texte, qui a été l’occasion d’un débat manqué avec les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Marc Laffineur – Nous arrivons au terme d’un très long débat. Comme l’a fait observé M. Le Déaut, depuis sept ans les gouvernements successifs, se repassant cette « patate chaude », se sont abstenus de présenter un texte visant à transposer la directive. C’est donc tout à l’honneur de la majorité actuelle d’encourager par ce projet la recherche sur les biotechnologies. Bien entendu, le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Je suis saisi par les groupes SRC et GDR d’une demande de scrutin public sur l’ensemble du projet.

M. Germinal Peiro – Cette discussion nous laisse un goût amer, à nous parlementaires. Si l’on peut se féliciter du travail convenable accompli en première lecture au Sénat et à l’Assemblée, il est en effet évident que tout a ensuite dérapé et que le travail du Parlement a été bafoué (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : débat réduit au Sénat en deuxième lecture, refus de vote solennel ici, temps de parole abrégé lors de la présentation des motions de procédure (Protestations sur les mêmes bancs), CMP verrouillée avec un débat interdit sur le fond (Mêmes mouvements), refus du référendum…

M. Richard Mallié – C’est faux !

M. Germinal Peiro – …et jusqu’au Gouvernement qui ne juge pas utile de répondre à la fin de la discussion générale ce soir ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

La discussion laisse aussi un goût amer à tous ceux qui ont participé avec sérieux à l’examen du texte qu’ils ont été pris en otages, victimes des règlements de compte internes à l’UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). Votre flagrant bonheur ce soir, Monsieur Jacob, me le confirme (M. Christian Jacob se récrie).

Goût amer pour les Français, très majoritairement opposés aux OGM, et qui vous l’ont fait savoir encore et encore. Que penseront-ils ce soir, si le texte est adopté ? La déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, indiquant qu’elle ne donnerait pas de produits OGM à ses enfants mais des produits biologiques, est en soi édifiante. Cela signifie-t-il que les produits sûrs seront réservés aux plus aisés, et les OGM aux autres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; huées sur les bancs du groupe UMP) Voyez donc, collègues hurleurs de la majorité, comment réagit le conseil général des Hauts-de-Seine, qui va dans le même sens !

Goût amer pour tous les agriculteurs…

M. Christian Jacob – Menteur !

M. Germinal Peiro - …et pour commencer à ceux qui s’engageront dans la production d’OGM, car la lâcheté du texte (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) fait qu’ils porteront toute la responsabilité sur leurs seules épaules. Une fois de plus, on fera des agriculteurs des boucs émissaires, et ce sont eux qui seront traduits devant les tribunaux. Est-ce là votre conception de la défense de l’agriculture française ? (Mêmes mouvements)

Goût amer, toujours, pour les agriculteurs qui ne produisent pas d’OGM (Mêmes mouvements) mais des AOC, des produits labellisés ou biologiques. Ceux-là seront lésés, moralement et économiquement (Huées sur les mêmes bancs)

Goût amer pour nous tous, chers collègues, qui nous faisons une certaine idée de la France (Mouvements divers sur les bancs du groupe UMP). Notre pays n’avait pas à se coucher devant les multinationales (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; huées sur les bancs du groupe UMP) mais à défendre ce qui fait sa fierté – la diversité de ses productions de terroir, un modèle de production exemplaire du point de vue sanitaire et environnemental – au lieu de faire du suivisme en épousant, dans ce domaine comme dans d’autres, les thèses américaines (Mêmes mouvements).

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Germinal Peiro – J’y viens, Monsieur le président, mais non sans avoir dit à mes collègues de la majorité qu’ils s’apprêtent à porter un mauvais coup à la protection de l’environnement. Il n’y a pas à s’y tromper, le Grenelle de l‘environnement est mort (Protestations sur les bancs du groupe UMP), et ce texte restera comme celui qui a permis la dissémination des OGM (Mêmes mouvements). Cette affaire est grave car elle engage les générations futures. Aussi, reprenez un instant votre calme, faites preuve de bon sens, et votez contre ce projet ! (Les députés du groupe SRC et du groupe GDR se lèvent et applaudissent longuement)

M. François Sauvadet – Le groupe Nouveau Centre juge que le débat a été utile à la France bien qu’entachés d’excès irrationnels. Il s’agissait, rappelons-le, de fixer les règles encadrant la culture d’OGM, sujet difficile, si difficile que personne auparavant ne s’y était risqué.

M. Henri Emmanuelli – C’est faux !

M. François Sauvadet – On ne pouvait, pourtant, continuer de laisser les faucheurs faucher les cultures d’OGM. Le débat était nécessaire, et je rends hommage au Gouvernement qui a osé le lancer. Il le fallait aussi car la transposition s’impose aux États européens, qui veulent harmoniser leurs pratiques. Du reste, nous sommes allés plus loin que la vision européenne partagée, au point que certains se sont émus de contraintes particulières imposées à la recherche en France.

Ce soir, la responsabilité de chaque parlementaire est d’envisager les conséquences d’un refus de ce texte. Quelles seraient-elles, sinon le retour à la case départ, c’est-à-dire une profonde incertitude ? À quoi donc servirait notre assemblée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Pour avoir présidé la commission d’enquête sur la vache folle, j’ai vu les mérites de l’expertise partagée. Le projet dont l’examen s’achève a le mérite de fixer un cadre. Je le voterai ; certains députés du groupe ne le voteront pas mais le groupe dans sa majorité a jugé qu’il fallait s’engager. Certes, on peut toujours privilégier la démagogie et flatter l’opinion (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) ; pour notre part, nous considérons qu’il faut encourager la recherche. C’est pourquoi nous avons proposé des amendements et voterons ce texte équilibré (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. le Président – Je donne la parole à M. Chassaigne pour cinq minutes, bien qu’il ne se soit pas inscrit (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. André Chassaigne – Je vous remercie de cette générosité, Monsieur le Président. On ne sait jamais ce que mon intervention pourra déclencher… (Sourires sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

Je voudrais en premier lieu saluer la présence massive et retrouvée des députés de la majorité pour ce vote décisif sur la grande question des OGM… Et comme je sais que les députés de l'opposition sont convaincus, tout comme moi, que ce texte est mauvais et qu'il faut le rejeter, je m'adresserai plutôt aux députés d'en face qui ne seront aujourd'hui, je n'en doute pas, ni de petits soldats marchant aux ordres (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), ni des adeptes d'un centralisme dit démocratique que d'autres ont depuis longtemps abandonné (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC ; exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Pour ceux d'entre vous qui s'égareraient dans quelques minutes à voter malgré tout ce texte, leurs concitoyens leur seront reconnaissants d'apprendre qu'ils pourront, grâce à eux, continuer à consommer des produits sans OGM qui sont en fait des OGM, continuer à avaler des denrées génétiquement modifiées... sans le savoir, à l'image de M. Jourdain faisant de la prose. Je les engage à préparer, pour les coupures de rubans tricolores de cette fin de semaine, des discours lénifiants sur leur indépendance d'esprit, qu'ils pourront étayer de citations extraites par exemple des Fourberies de Scapin (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

Ceux qui voteront ce texte pourront aussi, cet été, se rendre avec beaucoup de fierté dans les comices agricoles de leur circonscription ou de leur lieu de vacances, sous les banderoles des semenciers et devant les trophées offerts par les distributeurs et les compagnies d'assurance.

M. Jean Auclair – Démagogue !

M. André Chassaigne – Ils appelleront, avec des trémolos dans la voix, les agriculteurs de France à « produire dans la modernité ». Sans oublier bien sûr de leur expliquer que ce seront eux, les agriculteurs, qui seront seuls responsables des inévitables contaminations grâce à cette superbe loi républicaine qui dégage les firmes semencières et les distributeurs de toute responsabilité dans la dissémination d'OGM.. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

Ceux qui voteront ce texte tout en étant mobilisés au sein des parcs naturels régionaux diront quelle victoire ils ont remportée avec l'amendement du rapporteur permettant à ces parcs de devenir désormais des territoires sans OGM... – sous la condition, si facile à remplir, que tous les agriculteurs du territoire concerné soient d'accord avec cette interdiction !

Ceux qui voteront ce texte pourront êtres fier de dire aux producteurs fermiers, aux apiculteurs et aux consommateurs adeptes du bio qu'ils ont au final adopté avec bravoure l'amendement 252 malgré les injonctions du Premier ministre. Ils en expliqueront la portée et se livreront, bien sûr, à une explication précise du galimatias rajouté par le Sénat et retenu par la commission mixte paritaire. Ils concluront, je n'en doute pas, que les produits labellisés, AOC et bio pourront sans aucune difficulté être produits sans OGM… 

Ceux qui voteront ce texte et fréquentent les bonnes tables feront appeler le chef à la fin du repas : en le félicitant, ils lui diront combien ils sont attachés à la gastronomie française et lui décriront leurs efforts pour qu'elle soit inscrite au patrimoine de l'UNESCO (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC). Ils articuleront bien U.N.E.S.C.O et non pas O.M.C. ou M.O.N.S.A.N.T.O (Vives manifestations d’impatience sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Pouvez-vous conclure, Monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne – À moins que le maître de maison ne les ait salués avant les agapes en citant ces paroles de Victor Hugo dans la bouche de Ruy Blas : « Bon appétit, Messieurs ! Ô ministres intègres ! Conseillers vertueux ! Voilà votre façon de servir... » Je leur épargnerai la fin de la citation... (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Je vous remercie.

M. André Chassaigne – Je termine. Fort heureusement, ceux qui voteront ce projet de loi affirmeront très fort leur soutien à la « politique de civilisation » qui, selon, le Président de la République est « cette âme de la nouvelle Renaissance dont le monde a besoin » (Claquements de pupitres persistants sur les bancs du groupe UMP). Mais ils oublieront bien sûr de se référer à Edgar Morin qui rappelait récemment qu'un des axes essentiels de cette politique de civilisation était « la revitalisation des campagnes, et donc la régression de l'agriculture industrialisée » (Le tumulte grandissant sur les bancs du groupe UMP couvre la voix de l’orateur).

Nous en arrivons…

M. le Président – …au vote. Monsieur Chassaigne, vous avez dépassé votre temps de parole de deux minutes (Les députés du groupe GDR et du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement M. Chassaigne).

À la majorité de 289 voix contre 221 sur 533 votants et 510 suffrages exprimés, les conclusions de la CMP sur l’ensemble du projet de loi sont adoptées.

Prochaine séance ce soir, mardi 20 mai, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 10.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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