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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 27 mai 2008

3ème séance
Séance de 21 h 30
171ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE LA Ve RÉPUBLIQUE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

ART. 11 (suite)

M. le Président – Il me semble que nos débats se déroulent de façon tout à fait satisfaisante. Toutefois, il ne vous aura pas échappé qu’ils risquent de se prolonger encore longtemps au rythme où nous allons. Je suggère donc, si vous en êtes d’accord, d’accélérer nos discussions.

M. Jean-Paul Lecoq – L’amendement 435 tend à restaurer la toute-puissance de la loi en modifiant l’article 34 de la Constitution qui restreint le domaine de la loi au profit du règlement.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois – Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Même avis.

L'amendement 435, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 60 est de cohérence.

L'amendement 60, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 61, déposé par notre collègue Jean-Christophe Lagarde et adopté par la commission, tend à intégrer dans notre Constitution l’état de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme s’agissant de la rétroactivité. Celle-ci est prohibée en France par le Conseil constitutionnel pour les lois pénales ou répressives, mais admise dans d’autres domaines sous réserve d’un intérêt général suffisant.

Même si cet amendement pourrait sans doute être encore amélioré – le Sénat y reviendra sans doute –, rien ne s’oppose à ce que nous consacrions le principe de non-rétroactivité, conformément aux recommandations du comité présidé par Edouard Balladur.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Mêmes observations et même avis.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Si nous adoptons ce principe, il faut le faire sans restriction d’aucune sorte. Or cet amendement dit que la loi dispose pour l’avenir « sauf motif déterminant d’intérêt général ». Il existe certes des règles similaires dans les instruments internationaux, mais on ne saurait inscrire un principe dans la Constitution tout en ménageant explicitement une exception.

Si l’on veut consacrer le principe de non-rétroactivité de la loi, dont l’application a d’ailleurs beaucoup vacillé au cours des derniers temps, ne prenons pas le risque d’en affaiblir la portée, dans une mesure que nous aurions bien du mal à apprécier. Je me prononce donc contre l’amendement.

M. Arnaud Montebourg – Nous aimerions effectivement savoir, Monsieur le rapporteur, quelles seront les conséquences concrètes de cette disposition. Que changera-t-elle dans la jurisprudence du juge constitutionnel ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Comme je l’ai indiqué, le Conseil constitutionnel a toujours vérifié l’existence d’un « motif d’intérêt général suffisant », notamment dans ses décisions du 18 décembre 1998 et du 25 juillet 1980. Cet amendement conduira le Conseil à renforcer son contrôle, puisqu’il faudra désormais un motif « déterminant », et non simplement « suffisant », d’intérêt général.

Dans certains cas, notamment en matière fiscale, il peut être tout à fait légitime d’adopter des dispositions rétroactives, Monsieur Le Bouillonnec. Mais il faut vérifier que l’atteinte au principe de non-rétroactivité est bien justifiée.

M. Didier Migaud – Je rappelle qu’on peut aujourd’hui adopter des dispositions fiscales rétroactives. Qu’en sera-t-il demain ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je pense avoir déjà répondu : le Conseil constitutionnel met en balance les motifs d’intérêt général et l’atteinte au principe de non-rétroactivité. Il me semble que cet amendement aura pour conséquence de restreindre les motifs admis.

M. Jean-Christophe Lagarde – Chacun sait que le Conseil constitutionnel se penchera sur nos débats pour élaborer son interprétation…

J’ajoute qu’à partir du moment où le principe sera inscrit dans la Constitution, il faudra que l’on détaille les motifs d’intérêt général justifiant l’adoption de mesures de portée rétroactive au moment même de leur examen. Il reviendra ensuite au Conseil constitutionnel de se prononcer sur ces motifs.

L'amendement 61, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Sans bien sûr menacer en rien la justice administrative, l’amendement 62 tend à donner au législateur la possibilité de définir la répartition des contentieux, sous réserve de l’article 66 de la Constitution.

La jurisprudence du juge constitutionnel a en effet eu tendance à rigidifier les règles de partage entre le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, et le juge administratif, compétent dès qu’il est fait usage d’une prérogative de puissance publique. Selon Bruno Genevois, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, il en résulte que le législateur ne peut plus modifier la répartition des contentieux « qu’à la marge ».

Dans un but de simplification, il serait bon que le législateur puisse unifier les blocs de compétences. Dans bien des domaines, le justiciable doit aujourd’hui s’adresser tantôt à l’un des ordres de juridiction, tantôt à l’autre, et parfois aux deux. La commission a adopté à l’unanimité cet amendement qui permettra au législateur d’améliorer la lisibilité et la simplicité de notre système juridictionnel dans les années à venir.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Le Gouvernement partage votre souhait d’un partage clair des compétences entre les ordres de juridiction, pour faciliter l’accès au juge. D’un autre côté, le Conseil constitutionnel permet déjà que la loi opère des transferts de l’un à l’autre, comme cela a été fait dans les domaines de la concurrence ou des marchés publics, afin d’unifier le contentieux, dans un souci de simplification pour le justiciable. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.

M. Christophe Caresche – Nous avions voté cet amendement en commission mais depuis, des éléments nouveaux sont intervenus. Pierre Mazeaud a notamment avancé dans Le Monde des arguments convaincants. D’abord, il voit dans la possibilité pour le Parlement de transférer sans limite au juge judiciaire le contentieux des actes administratifs un risque important pour la justice administrative. Il tire donc la sonnette d’alarme car, si le sujet paraît technique, c’est en fait aux principes de l’État de droit et de la séparation des pouvoirs que cet amendement porterait atteinte. Ensuite, le Président de la République a confié sur ces questions une mission à M. Mazeaud précisément. Celui-ci doit rendre en juin un rapport dans lequel il se prononcera non seulement sur la faisabilité, mais encore sur l’efficacité du regroupement du contentieux. En attendant ce rapport, cet amendement semble donc prématuré. Nous vous demandons de le retirer afin de pouvoir légiférer plus tard de manière plus éclairée.

M. Jean-Christophe Lagarde – Le groupe Nouveau Centre est plus que réticent. La dualité des ordres de juridiction répond à des dualités de situations. Nous ne pensons pas que l’autorité judiciaire préserve mieux la liberté individuelle que les juridictions administratives. En revanche, ouvrir la porte à la judiciarisation d’une très large partie du contentieux administratif peut être dangereux, et source d’autant de confusion que vous vouliez en éviter. Nous ne sommes donc pas favorables à cet amendement.

M. Arnaud Montebourg – En commission, le rapporteur nous a exposé des arguments convaincants, car la dualité des ordres de juridiction est effectivement un problème pour les justiciables, mais il l’a fait sans régler la question du contentieux des étrangers. Or c’est un domaine où les magistrats administratifs garantissent un excellent niveau de protection, tant par la célérité que par la force de leur décision.

De façon plus générale, la réforme de notre juridiction administrative est indispensable. L’indépendance des magistrats de l’ordre administratif doit être garantie comme elle l’est pour ceux de l’ordre judiciaire. Il faut aussi, au Conseil d’État, en finir avec les nominations au tour extérieur, extrêmement politiques, qui conduisent à un mélange des genres néfaste dans une juridiction qui elle-même refuse obstinément de se réformer. Par ailleurs, et dans l’optique de la séparation des pouvoirs, il faudrait revoir la composition et le mode de fonctionnement du Conseil d’État, à la fois conseil du gouvernement et juridiction chargée de censurer les actes du même gouvernement. Les garanties d’indépendance des magistrats administratifs, c’est-à-dire leur protection à l’égard de l’administration qu’il sont chargés de juger, devront être accordées très rapidement – même si leur indépendance même n’est pas mise en doute. En tout état de cause, avec la dualité des ordres de juridiction, des situations identiques ne conduisent pas aux mêmes décisions pour le justiciable selon que l’acte en cause est émis par le secteur privé ou public. Cela nuit à la force de l’État de droit.

Tout cela est un peu hors sujet, mais ces questions devaient être abordées dans la réforme fondamentale qui nous est proposée. Pour en revenir à l’amendement, il est en effet préférable d’attendre le rapport Mazeaud avant de reprendre cette discussion.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Certaines autorités de la justice administrative ont cru, en toute bonne foi sans doute, que nous voulions porter atteinte au juge administratif. J’ai bien précisé que ce n’était pas le cas. En revanche, tout le monde fait ici le même constat : la jurisprudence n’autorise le législateur à intervenir dans ce domaine que de manière « précise et limitée », « à la marge ». Mais ce n’est pas parce qu’on a décidé il y a cinquante ans de ce qui allait au juge administratif et de ce qui allait au juge judiciaire que nous devons être obligés de conserver cette répartition !

C’est un amendement technique que je vous propose. Je me suis expliqué avec M. Mazeaud dimanche : il a un rapport à rendre, sur lequel je n’empiète pas. Je constate simplement que la jurisprudence a bloqué la compétence du législateur et je cherche à la récupérer. Quant à Jean-Christophe Lagarde, s’il pense que le juge judiciaire n’est pas le garant des libertés individuelles, il faut qu’il propose d’abroger l’article 66 de la Constitution ! Mon amendement ne remet aucun grand principe en cause, mais nous donne la possibilité d’avancer un peu dans la simplification. Les révisions constitutionnelles n’arrivent pas tous les quinze jours. Celle-ci a en outre pour objectif d’accroître le rôle du Parlement. Je vous appelle donc à voter cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Pour répondre à M. Montebourg, la commission Mazeaud est en train de travailler sur la question précise du contentieux des étrangers. Elle doit nous remettre son rapport prochainement. S’agissant du Conseil d’État… Mais M. Montebourg préfère visiblement discuter avec le rapporteur. Je prends la peine de vous répondre, Monsieur…

M. Arnaud Montebourg – Il est vrai que ce n’est pas si fréquent.

M. le Président – Monsieur Montebourg…

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Votre arrogance reste égale à ce qu’on attend de vous. La différence entre vous et moi, c’est que je vous respecte.

S’agissant du Conseil d’État donc, je viens de signer un décret qui organise la séparation entre l’activité de contentieux et celle de conseil. Les magistrats qui siégeront à propos d’une consultation ne pourront pas siéger au contentieux pour les mêmes actes. Cette réforme du Conseil d’État est donc en cours.

M. Étienne Blanc – Nous sommes en train d’examiner une réforme qui vise au renforcement du rôle du Parlement. Or la répartition des contentieux est au cœur de l’organisation de la justice. Refuser au Parlement qu’il retrouve son pouvoir de décision sur ce point essentiel serait une grave erreur. C’est pourquoi le groupe UMP votera cet amendement.

L'amendement 62, mis aux voix, est adopté.

Mme Marie-Jo Zimmermann – Le Conseil constitutionnel ayant censuré un article de la loi de janvier 2006, je vous propose un amendement 181 relatif à la parité entre hommes et femmes. Comme la réforme constitutionnelle de 1999 avait permis, en corrigeant les articles 3 et 4, de réaliser une véritable parité en politique, il vise à préciser que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales ». Il nous faut une réforme constitutionnelle pour pouvoir légiférer en la matière.

M. le Président – Sur cet amendement 181, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable à l’amendement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Le Gouvernement y est défavorable également. En effet, le comité placé sous la présidence de Simone Veil a été chargé, notamment, de déterminer si l’on doit permettre au législateur de mieux garantir l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités en-dehors même de la sphère politique. Dans l’attente des conclusions de ce comité, je vous demande de retirer cet amendement. J’y serai à défaut défavorable.

Mme Marie-Jo Zimmermann – Je le maintiens.

Mme Pascale Crozon – Mieux vaudrait que nous votions cet amendement qui renforcera toutes les dispositions déjà votées en ce domaine. La gauche, fidèle à ses engagements, a fait voter la loi de 2000 qui a permis un meilleur accès des femmes aux fonctions électives dans le cadre des scrutins proportionnels. On compte ainsi aujourd’hui 48 % de femmes conseillères municipales et à peu près autant de conseillères régionales. Dans les domaines où la loi n’oblige pas à la parité, les progrès sont en revanche très lents. Notre Assemblée en est un triste exemple puisque le nombre de femmes députées n’a progressé que de 12 % en 2002 à 16,8 % en 2007. N’attendons pas une fois encore les calendes pour agir ! Si la loi oblige à ce que les femmes soient mieux représentées dans les conseils d’administration et autres instances représentatives des entreprises, monde aujourd’hui machiste s’il en est, ce sera de nature à améliorer leur situation dans l’entreprise et peut-être à faire enfin appliquer véritablement la loi sur l’égalité professionnelle. Pour notre part, nous voterons cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Pierre Lellouche – Comment peut-on encore en 2008 débattre du bien-fondé d’un tel amendement ? Ne va-t-il pas de soi ? Le dernier alinéa de l’article 3 de la Constitution dispose déjà que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».

M. Jean-Marc Roubaud – Cet amendement est donc une redite.

M. Pierre Lellouche – Non, car il concerne le domaine professionnel et social. En revanche, il serait plus cohérent qu’il complète l’article 3.

Mme Danielle Bousquet – Il faut absolument soutenir cet amendement car, hélas, en France, pour faire progresser concrètement l’égalité entre les femmes et les hommes, il n’est d’autre moyen que de recourir à la loi. Le Conseil constitutionnel a en effet fait valoir que notre Constitution n’abordait pas la question de la parité dans le domaine social et professionnel. Mieux vaudrait donc combler cette lacune. Notre assemblée s’honorerait de voter cette disposition (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jérôme Chartier – Un seul d’entre nous est-il défavorable à l’objectif de parité ? (« Peut-être ! » sur les bancs du groupe SRC) Ni moi, ni les autres membres du groupe UMP en tout cas ! (Interruptions sur les bancs du groupe SRC) Mais la question de la parité dans le domaine professionnel et social ne peut être ainsi débattue à la sauvette (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Par ailleurs, est-ce à la Constitution, qui fixe l’organisation des pouvoirs publics, de poser le principe de parité en matière professionnelle et sociale ? On ne peut non plus sans avoir préalablement consulté les partenaires sociaux voter une disposition qui aura des conséquences directes sur la vie économique et sociale de notre pays. Nous serions donc bien inspirés de nous montrer prudents et de ne reprendre ce débat qu’une fois qu’un consensus aura été trouvé avec les acteurs économiques et sociaux (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur La commission a donné un avis défavorable pour une raison de forme – l’énoncé d’un tel principe trouvant mieux sa place dans le préambule que dans le texte de la Constitution lui-même –, mais aussi pour une raison de fond. En effet, le Conseil constitutionnel dans une décision de mars 2006 a jugé qu’en l’état actuel de la Constitution, seraient inconstitutionnelles des lois fixant des obligations de quotas dans le domaine économique et social. Si vous souhaitez que nous puissions à l’avenir légiférer pour imposer une représentation minimale des femmes, par exemple dans les conseils d’administration des entreprises, alors il faut voter l’amendement. Si vous pensez qu’il ne convient pas d’imposer des quotas, il ne faut pas le voter. La commission des lois l’a, pour sa part, repoussé.

M. Pierre Lellouche – Combat d’arrière-garde ! Comment peut-on être aussi réactionnaire ?

Mme Catherine Génisson – Les femmes représentent la moitié de l’humanité et c’est à partir d’une approche universaliste que nous avons déjà modifié l’article 3 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision de mars 2006 qu’une loi ordinaire – qui était celle de Mme Ameline, adoptée ici à l’unanimité – ne pouvait pas disposer que les femmes devaient être représentées à parité dans les conseils d’administration et autres organes de décision des entreprises. Nous ne nous situons pas dans une logique de quotas, mais d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales.

Sur la forme, j’en suis d’accord avec M. Lellouche, cette modification de la Constitution trouverait mieux sa place au dernier alinéa de l’article 3. Il est essentiel d’améliorer la représentation des femmes non seulement dans la sphère politique mais aussi dans la sphère professionnelle et sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Patrick Braouezec – Je n’ai jamais été par principe favorable à l’idée de faire progresser la parité par la loi (« Ah ! » sur certains bancs du groupe UMP) car je considérais que c’était en quelque sorte consacrer la défaite des femmes. Mais l’expérience m’amène à penser qu’il est aujourd’hui indispensable de contraindre. Ainsi, en dépit d’un courrier que j’ai adressé aux maires de chacune des huit communes de la communauté d’agglomération que je préside, insistant sur la nécessité de respecter la parité, cette structure intercommunale ne compte que dix-sept femmes sur cinquante-huit membres. C’est la preuve que lorsqu’il n’y a pas de contrainte, la parité ne se fait pas. Monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas d’instituer des quotas, mais d’affirmer dans la Constitution – peut-être cela serait-il préférable à l’article 3 – le principe d’égalité des femmes et des hommes dans le domaine politique, professionnel et social.

À la majorité de 126 voix contre 88 sur 222 votants et 214 suffrages exprimés, l’amendement 181 est adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Christophe Lagarde – L’indépendance des médias, tant à l’égard du pouvoir politique que du pouvoir économique, est indispensable au bon fonctionnement de la démocratie. C’est pourquoi notre amendement 362 vise à insérer le texte suivant après le onzième alinéa de l’article 34 de la Constitution : « La loi garantit l’indépendance des médias. À cette fin, elle interdit les concentrations excessives et fixe les règles concernant la détention directe ou indirecte du capital ou des droits de vote d’une publication de presse, d’une station de radio, d’une chaîne ou d’un service de télévision par une personne morale ou physique dont l’activité dépend de commandes publiques ». Nous avions déjà déposé cet amendement avant l’article premier. Nous souhaitons qu’il soit aujourd’hui adopté car nous n’imaginons pas que dans cet hémicycle, certains refusent que la loi garantisse l’indépendance des médias.

M. François Bayrou – La question a été évoquée pendant la campagne présidentielle et avant l’article premier. Les médias, selon la formule du Conseil national de la Résistance, doivent être protégés des influences excessives de l’État et des puissances d’argent. C’est là un principe fondateur de notre République. Mais il est souvent mis à mal, soit en raison d’une concentration excessive des intérêts capitalistiques, soit parce que des entreprises de presse sont par ailleurs bénéficiaires de marchés ou de commandes publiques. Il faut donc écrire dans la Constitution ce qui nous est proposé dans l’amendement. On aurait pu le faire dans les principes généraux, mais le faire dans l’article qui définit le champ de la loi est encore très utile. Mon sous-amendement 608 propose simplement d’en rédiger la fin sous cette forme : « aussi bien vis-à-vis de l’État que des intérêts économiques de leurs actionnaires. Elle les protège des conflits d’intérêt et interdit les concentrations excessives ». Ce sera d’une lecture plus claire pour les citoyens.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Dans le bloc de constitutionnalité figurent déjà tous les principes nécessaires pour voter ce type de loi. Il faut les appliquer. Mentionner une fois de plus les principes à l’article 34 ne sert à rien. La liberté d’expression est bien une liberté fondamentale reconnue. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis. Nous avons déjà eu ce débat longuement, mais je peux reprendre les arguments si vous le désirez.

M. Patrick Roy – La Révolution a introduit cette nouveauté essentielle qu’est la liberté de la presse. Mais celle-ci n’est pas garantie pour toujours et il faut la protéger de menaces de deux ordres : celles que lui fait courir le pouvoir politique dans certains pays, et celles qui viennent du pouvoir économique. Il est donc essentiel que la Constitution garantisse la liberté de la presse qui, Monsieur le rapporteur, est autre chose que la liberté d’expression. Nous avions d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, qui a été rejeté. Le Nouveau Centre a eu la bonne idée de le reprendre. Nous voterons évidemment notre amendement tel que repris par nos collègues !

M. Jean-Christophe Lagarde – Vous faites de la récupération.

M. le Président – Sur l’amendement 362, je suis saisi par le groupe du Nouveau Centre d’une demande de scrutin public.

M. François de Rugy – Les Verts soutiennent l’amendement de M. Lagarde, sous réserve du vote du sous-amendement de M. Bayrou, sans lequel il n’aurait pas grand intérêt. La situation des médias, on l’a vu pendant la campagne électorale et plus encore depuis avec le nouveau Président de la République, est inquiétante, car elle est très déséquilibrée. On sait par exemple combien les moyens financiers sont concentrés dans la télévision, on sait que la faiblesse de la presse écrite la met à la merci de groupes industriels, et chacun connaît les attaques récentes portées par l’UMP contre l’Agence France Presse. Il est donc important d’élever l’indépendance des médias au rang de principe constitutionnel.

M. François Bayrou – Selon le rapporteur, il existe déjà dans la Constitution tous les moyens nécessaires pour adopter des lois dans ce domaine. Cet amendement serait donc inutile. Mais inscrire dans la Constitution que les médias doivent être protégés des influences économiques et de celles qu’exerce l’État par le biais des marchés publics a une forte portée symbolique, et c’est ce symbole que nous voulons mettre en avant.

M. le Président – Sur le sous-amendement 606, je suis saisi par le groupe du Nouveau Centre d’une demande de scrutin public.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Ce principe est déjà inscrit dans l’article XI de la Déclaration des droits de 1789, qui affirme que tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. Ce principe fondateur a constamment été appliqué et actualisé par le Conseil constitutionnel, car évidemment, en 1789, les médias n’étaient pas ceux d’aujourd’hui. C’est ce qu’il a fait à propos de toutes les lois relatives à l’audiovisuel ou la communication, en 1986, 1989 et 1996. Le fondement constitutionnel existe donc bien : libre dès lors au législateur d’exercer ses compétences et à ceux qui le désirent de déposer des propositions de loi.

M. Jean-Christophe Lagarde – Le sous-amendement 608 serait mieux rédigé. Peut-être. Mais l’amendement est plus précis. En tout cas, sous-amendé ou non, l’objectif est le même. Ce que nous voulons, c’est ajouter aux différents alinéas de l’article 34 qui définissent le domaine de la loi le droit de légiférer, non sur la liberté d’expression, mais sur l’indépendance, le pluralisme et le refus d’une concentration excessive.

Quant à dire que nous aurions repris un amendement socialiste, …encore eût-il fallu que celui-ci fût déposé !

À la majorité de 109 voix contre 98 sur 210 votants et 207 suffrages exprimés, le sous-amendement 608 n’est pas adopté.

À la majorité de 112 voix contre 89 sur 202 votants et 201 suffrages exprimés, l’amendement 362 n’est pas adopté.

M. le Président – Les amendements 33, 205 et 208 sont en discussion commune.

M. Didier Migaud – Je voudrais d’abord observer que certains collègues n’ont pas eu le temps de voter sur l’amendement 362.

D’autre part, je ne crois pas qu’il soit pertinent de mettre l’amendement 33 en discussion commune avec les suivants, car ils ne sont pas de même nature. Le mien a surtout pour objet de provoquer le débat.

La première partie de la loi de finances initiale et la troisième partie du PLFSS traitent toutes deux des recettes nécessaires à la sphère publique. Je propose que tous ces prélèvements fassent l’objet d’une discussion commune et d’un vote au même moment. Ce serait cohérent et nous aurions une vision d’ensemble des prélèvements obligatoires. On pourrait aussi mettre fin à un certain nombre de chevauchements et de changements de périmètre. Dans le cadre de discussions séparées, les réformes votées en loi de finances initiale ont des conséquences pour les comptes sociaux. Ainsi la réforme de l’avoir fiscal en 2005 s’est traduite par une baisse de 640 millions du produit de la CSG qui n’avait pas été anticipée. Quant aux changements de périmètre, on sait comment le Gouvernement peut en jouer…

L’organisation proposée ne remettrait pas plus en cause la participation des partenaires sociaux à la gestion des organismes sociaux qu’elle ne modifierait les compétences respectives du Parlement et du Gouvernement. L’affectation des recettes au profit de la sécurité sociale n’en serait pas davantage changée. Il ne s’agit, je le répète que de procéder à l’examen conjoint de deux textes, avec, à la clef, une « parlementarisation » renforcée de l’examen des recettes.

M. le Président – Pour répondre à votre observation, Monsieur Migaud, je précise que la discussion commune s’impose, l’amendement que vous venez de présenter réécrivant les dix-neuvième et vingtième alinéas de l’article 34 de la Constitution que tendent à compléter les amendements de M. de Courson.

M. Charles de Courson – J’ai exposé dans la discussion générale que le groupe Nouveau Centre juge nécessaires des lois de programmation budgétaires. Présenter un PLF et un PLFSS chaque année sans expliquer comment on compte parvenir à l’équilibre est un non-sens, comme le montre d’ailleurs l’écart permanent constaté entre la théorie et la réalité : sur quinze ans, les écarts ont été constants. Par l’amendement 207, malheureusement placé en dernier, nous proposons donc que des lois de programmation définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques. S’il n’était pas adopté, l’objectif de redressement des finances publiques n’aurait aucune crédibilité. Par l’amendement 205, nous proposons que les projets de loi de finances ne puissent être présentés ni adoptés en déficit de fonctionnement, apprécié dans un cadre pluriannuel, et, par l’amendement 208, qu’il en soit de même pour les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Dans tous les cas, l’objectif est de parvenir, en quatre ou cinq ans, à un équilibre total. On nous dit que c’est impossible. C’était pourtant la norme avant 1993, année à partir de laquelle le dérèglement a commencé. Il a eu un effet d’addiction et, comme pour toute drogue, une crise sévère est nécessaire pour s’en sortir – et si nous ne faisons rien, nous y serons dans deux ans.

Par l’amendement 33, M. Migaud aborde un problème de fond – la grave incohérence plusieurs fois constatée entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale – mais il ne porte pas le raisonnement à son terme, qui devrait être la fusion des deux lois. Il faudra y arriver un jour, mais le temps n’est pas venu ; nous ne pourrons donc pas le suivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – J’ai écouté attentivement les arguments de M. Migaud. Considérant d’une part que le législateur avait, en son temps, estimé nécessaire l’examen de deux lois distinctes, et d’autre part, qu’il est question dans l’amendement 33 de fixer un plafond global des recettes de la sécurité sociale alors qu’actuellement c’est un objectif qui est défini, la commission a repoussé la proposition de notre collègue, mais j’entendrai avec intérêt la position du Gouvernement. La commission a par ailleurs exprimé un avis défavorable sur les amendements 205 et 208, que j’ai vu ressurgir avec une certaine surprise, car j’avais cru comprendre qu’un accord s’était fait pour qu’ils soient retirés au bénéfice de l’amendement 207, sur lequel la commission a exprimé un avis favorable.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – M. Migaud le sait, depuis 2006, les débats sur le projet de loi de finances initiale tiennent compte de l’état des finances publiques ; les deux projets sont évidemment discutés en fonction des mêmes données macroéconomiques et les dispositions retenues – les exonérations de charges sociales par exemple – sont en quelque sorte prises « en miroir ». De plus, le fait que le ministre chargé du budget soit désormais compétent pour le budget de l’État et pour celui de la sécurité sociale permet une cohérence d’ensemble. Enfin, les partenaires sociaux participent à l’élaboration du PLFSS, mais pas à celle du projet de loi de finances. Sans préjuger de l’évolution future, il serait prématuré de fusionner loi de finances et LFSS. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement exprime un avis défavorable à l’amendement 33. Il est en revanche favorable à la synthèse acceptable que permet l’amendement 207. L’amendement 205, qui reprend la fameuse « règle d’or », tient de la fausse bonne idée plus que d’autre chose. Le Gouvernement n’y est pas favorable car cette disposition n’est pas applicable en l’état ; ne pouvoir présenter des projets de loi de finances en déficit de fonctionnement est une règle trop contraignante, qui pourrait avoir pour conséquences le risque d’annulation du budget de l’État et celui de voir le Parlement dessaisi de la définition de la politique budgétaire. Je demande donc le retrait de cet amendement, et de l’amendement 205 pour la même raison, au bénéfice de l’amendement 207. C’est évidemment un impératif national de parvenir à l’équilibre budgétaire, mais cette obligation doit-elle figurer dans la Constitution ? (« Oui ! » sur les bancs du bancs du groupe NC) Je ne le pense pas. À mon sens, la question devrait être débattue dans le cadre de la LOLF, mais l’on ne peut s’imposer une telle contrainte qui pourrait en outre conduire à ce que le Parlement soit dessaisi de ses prérogatives.

M. Gilles Carrez – L’intérêt de l’amendement de M. Migaud est certain, car nous avons le souvenir d’incohérences multiples entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale. M. Migaud citait la réforme la réforme de l’avoir fiscal, qui s’est faite sans penser à la CSG. On pourrait citer également la réforme des plus-values immobilières, en 2003, qui ne prenait pas plus la CSG en considération. À l’inverse, nous avons pu prendre des mesures fiscales qui rapportaient davantage de recettes sociales que fiscales. On voit donc bien qu’en termes de recettes, il faut raisonner sur les deux aspects, fiscal et social, à la fois.

Monsieur Migaud, il est possible de recourir, dès la rentrée prochaine, à une disposition de la LOLF permettant d’organiser un débat sur les prélèvements obligatoires ; je proposerai que nous ayons ce débat. Par ailleurs, comme M. Woerth l’a rappelé, nous avons désormais un ministre compétent pour l’ensemble des comptes, donc pour la loi de finances et pour la loi de financement de la sécurité sociale. Cela peut nous conduire à une plus grande cohérence, mais, à terme, c’est une loi de finances globale qu’il nous faut, portant sur l’ensemble des aspects budgétaires et sociaux.

M. Maurice Leroy – Très bien !

M. Gilles Carrez – En ce qui concerne la règle d’or, qui n’autorise l’emprunt que pour les dépenses d’investissement, elle peut paradoxalement permettre un certain laxisme. Un pays ayant une dette de 1 200 milliards ne doit pas continuer à emprunter, même pour financer des investissements ! Ces dépenses ne sont d’ailleurs pas toutes vertueuses : on voit bien dans les collectivités locales que certaines dépenses d’investissement engendrent des dépenses de fonctionnement et contribuent à la dérive des finances publiques.

M. Pierre Lellouche – Très bien !

M. Gilles Carrez – Compte tenu notamment des frontières parfois floues entre dépenses d’investissement et de fonctionnement, les pays qui avaient adopté la règle d’or, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, en sont revenus. Je préfère, quant à moi, la notion d’équilibre global des comptes apprécié par le biais de lois de financement pluriannuelles.

Enfin, je suis très favorable au retour à l’équilibre des comptes sociaux, dont la situation est gravissime. Je salue d’ailleurs M. Warsmann, qui a eu le courage d’introduire dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale un amendement refusant l’allongement de la dette sociale. Au-delà des 72 milliards à la CADES, ce sont 35 milliards de trésorerie qui sont en suspension et financés par la Caisse des dépôts, sans parler de toute une série de fonds comme le FIPSA, ni de la dette des hôpitaux. Nous ne pouvons continuer comme cela. Dans un secteur où, qui plus est, l’emprunt ne se justifie nullement puisqu’il n’y a pas d’investissement, il est indispensable de revenir le plus rapidement possible à l’équilibre. L’amendement de M. de Courson a le mérite d’être réaliste, fixant un cadre pluriannuel ; dans un délai de quatre ou cinq ans, nous nous honorerions de revenir à l’équilibre des comptes sociaux (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Pierre Méhaignerie – L’amendement 33 ne peut recueillir de ma part qu’un accueil sympathique. Les commissions des affaires sociales et des finances multiplient les auditions et les missions communes : nous avons intégré l’idée que des rapprochements étaient nécessaires. Cela étant, un débat sur les prélèvements obligatoires est désormais quelque chose de possible, ce qui répondra en grande partie aux questions posées par M. Migaud. En outre, il est très difficile de séparer les débats sur les dépenses des débats sur les recettes.

Mais je demande aussi au Gouvernement de faire attention, car un certain nombre de textes en préparation prévoient de multiplier les allégements de cotisations sociales (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Yves Bur – Par son amendement, M. Migaud souhaite une plus grande cohérence, mais en écrivant que la loi fixe un plafond des dépenses sociales, il prend un risque. Que se passera-t-il, en effet, si ce plafond est dépassé ? Les pensions ne seront plus payées, les dépenses de maladies ne seront plus remboursées. C’est bien à cela que cette mesure conduira !

Comme MM. de Courson et Carrez, je pense que notre situation budgétaire est tendue. Il faut que chacun se rende compte que l’on ne peut plus laisser filer les déficits, qu’une certaine rigueur est nécessaire. Produire des dépenses publiques nouvelles supposera nécessairement d’en supprimer d’autres. Nous devons sortir du culte des déficits, et il faut que l’opposition nous y aide.

M. François Sauvadet – Monsieur le Président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

La séance, suspendue à 22 heures 55, est reprise à 23 heures.

M. le Président – J’ai été saisi par le groupe du Nouveau Centre d’une demande de scrutin public sur l’amendement 207.

M. François Sauvadet – Monsieur le Président, j’ai observé que les temps de parole étaient flexibles. Je demande que le groupe Nouveau Centre jouisse du même traitement que les autres groupes. Il importe que chacun puisse s’exprimer sereinement sur un sujet aussi important (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

Observer la « règle d’or » est un engagement que nous devrions prendre devant les Français. Pourquoi les générations futures devraient-elles assumer les décisions que nous prenons, notamment en matière de santé ? Refuserons-nous de nous fixer comme règle fondamentale de ne pas creuser des déficits de plusieurs dizaines de milliards, comme on l’a fait ces vingt-cinq dernières années ? L’Union européenne nous engage à cet effort de rigueur budgétaire. Il ne s’agit pas d’aliéner les prérogatives du Parlement mais d’assumer ensemble les responsabilités qui nous incombent.

Nous devons effectivement nous inscrire dans un cadre pluriannuel, dans la mesure où des retours de croissance peuvent se produire, les énergies et les matières premières renchérir, des crises financières éclater.

M. le Président – Je vous demande de conclure.

M. François Sauvadet – Puisque vous m’y invitez, Monsieur le Président. Je demande à chaque parlementaire de mesurer la responsabilité qui est sienne vis-à-vis de ses propres enfants (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Ne leur léguons pas de dettes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

M. le Président – Mon attitude ne diffère pas selon les groupes. Votre réflexion était infondée (Protestations sur les bancs du groupe NC).

M. Didier Migaud – Je veux faire remarquer aux parlementaires du Nouveau Centre qu’il nous reste toujours la possibilité de rejeter un budget qui ne nous satisfait pas (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. François Bayrou – Très bien !

M. Didier Migaud – Je retire l’amendement 33, en remerciant le ministre pour sa réponse. Si la question méritait d’être posée, la forme de l’amendement ne semble pas aboutie. Nous y travaillerons ensemble, notamment avec les partenaires sociaux s’agissant de la sécurité sociale. Je rassure Yves Bur : il fallait en effet interpréter la phrase qu’il a relevée comme il l’a fait.

J’ai trouvé le rapporteur général presque nostalgique de la mandature Jospin, sous laquelle, pendant deux ans, les comptes de la sécurité sociale furent à l’équilibre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-François Copé – Grâce à la croissance !

M. Didier Migaud – La « règle d’or » ne doit pas être inscrite dans la Constitution ; je voterai donc contre les amendements 205 et 208. À titre personnel, j’estime que l’amendement 207 peut représenter un progrès, à partir du moment où le Gouvernement est tenu de présenter au Parlement et de soumettre à son vote les propositions qu’il formule auprès de l’Union.

M. Michel Bouvard – Belle évolution !

M. François Bayrou – La démocratie doit se préserver de la dérive des comptes publics, des déficits et de l’accumulation de la dette. Par cohérence, je voterai les amendements 205 et 208. Pour autant, je n’ai jamais cru que la « règle d’or » puisse être inscrite dans notre Constitution et je vois bien que toutes les affirmations triomphales à ce sujet seront démenties ce soir.

Mais si, par extraordinaire, ces amendements venaient à être adoptés, j’appelle l’attention de leurs auteurs sur leur rédaction : dire que les budgets ne peuvent « être présentés ni adoptés en déficit de fonctionnement, apprécié dans un cadre pluriannuel », signifie qu’un déficit annuel devra être intégralement compensé par un excédent l’année suivante. Bien que reconnaissant la vertu des comptables républicains, je doute qu’il soit aisé de parvenir à voter des comptes sociaux en excédent !

M. Charles de Courson – Nous nous félicitons que les groupes SRC et UMP regardent l’amendement 207 comme un progrès. Notons qu’il permettra de caler les notifications à la Commission sur les trois premières années de la programmation, laquelle sera probablement de cinq ans.

Contrairement à ce qui a été dit par plusieurs orateurs, l’amendement 205 est beaucoup plus laxiste que les engagements pris par le Gouvernement envers l’Union, puisqu’il ne concerne que l’équilibre en fonctionnement. Néanmoins, nous sommes prêts à le retirer. En effet, si l’amendement 208 et l’amendement 207 devaient être votés, l’amendement 205 serait satisfait. Nous maintenons l’amendement 208 car il nous paraît indispensable d’afficher clairement cet objectif.

À la majorité de 155 voix contre 45 sur 203 votants et 200 suffrages exprimés, l’amendement 208, mis aux voix, n'est pas adopté.

À la majorité de 145 voix contre 9 sur 209 votants et 154 suffrages exprimés, l’amendement 207, mis aux voix, est adopté.

L'article 11 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Je vous rappelle que l’article 12 est réservé à la demande de la commission. Il sera discuté après l’amendement 85 portant article additionnel après l’article 23.

ART. 13

M. Philippe Folliot – Il est essentiel que le Parlement soit informé de l’engagement de nos troupes sur les théâtres extérieurs. Plusieurs de nos voisins européens exigent même un accord préalable du Parlement…

Je défendrai des amendements tendant à préciser la nature de l’information qui doit être fournie au Parlement, mais l’essentiel est ailleurs. Ce qui importe, c’est que la nation puisse témoigner, par l’intermédiaire de nos débats, de son soutien à ceux de nos compatriotes qui participent, le plus souvent sous mandats internationaux, à des opérations extérieures destinées à défendre la paix. Je pense notamment à l’envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan. Nos échanges permettront de renforcer le lien entre l’armée et la nation. Ce sera la principale avancée de l’article 13.

M. François de Rugy – L’engagement des forces armées est l’une des décisions politiques les plus graves qui soient. Comme sur d’autres points, le texte qui nous est proposé en reste malheureusement aux bonnes intentions.

Chacun comprend bien que l’engagement de nos troupes doit parfois être décidé dans l’urgence, notamment lorsqu’il faut protéger des ressortissants français résidant à l’étranger. Il ne saurait être question d’amoindrir nos capacités d’action. Toutefois, si nous voulons vraiment renforcer les compétences du Parlement, il faut prévoir non seulement un débat, mais aussi un vote, et cela dans un délai raisonnable. Il n’est pas sérieux de prévoir, comme le fait ce texte, un délai de six mois, éventuellement prolongé le temps de la suspension des travaux entre les séances ordinaires. Sur un sujet aussi grave, il faudrait que nous puissions siéger en session extraordinaire !

Le Premier ministre n’a donc pas tenu l’engagement qu’il avait pris lors du débat qui a eu lieu sur l’engagement de nos forces en Afghanistan, à l’occasion du vote sur la motion de censure. En effet, le délai qui nous est proposé ne permet pas l’organisation d’un véritable débat et d’un vote sur l’envoi de nos troupes dans un conflit ou dans une opération extérieure sous mandat international. C’est pourtant au Parlement de se prononcer. Une telle décision ne doit pas être prise par un seul homme, ni même par le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard – Faire de la politique, c’est faire de la pédagogie. À cela, le Gouvernement préfère l’anesthésie…

L’article 13 tend à amender l’article 35 de la Constitution, relatif à l’autorisation de la déclaration de guerre. Il s’agit, prétend le Gouvernement, de renforcer les compétences du Parlement. Or qu’est-il prévu ? Le Gouvernement doit informer le Parlement en cas d’intervention des forces armées à l’étranger « dans les délais les plus brefs ». Chacun appréciera le flou de cette disposition au temps de l’internet et de l’information en temps réel !

Aux termes de l’article 13, cette information peut donner lieu à un débat, qui n’est pas suivi d’un vote. Mais engager les troupes, en Afghanistan par exemple, n’est-ce pas faire la guerre ? Faudra-t-il autant de temps pour le reconnaître qu’il en a fallu pour admettre que la guerre d’Algérie était un conflit armé ? Il est seulement prévu que le Gouvernement doit soumettre la prolongation de l’engagement des troupes à l’autorisation du Parlement lorsque la durée de l’intervention excède six mois.

Pis encore, si le Parlement n’est pas en session à l’expiration de ce délai, il se prononce à l’ouverture de la session suivante. Dans l’hypothèse où le délai prendrait fin après le 1er juillet, il faudrait alors attendre le mois d’octobre. Chacun sait pourtant qu’il est bien plus facile de s’engager dans un conflit que d’en sortir. Les États-Unis en savent quelque chose !

Il est incroyable d’abaisser le Parlement au point de prévoir qu’il sera simplement informé. Et je m’étonne que notre collègue Philippe Folliot ose parler de défense de la paix : quand on soutient un dictateur, comme nous le faisons au Tchad, qui peut croire que l’on défend la paix ?

M. Philippe Folliot – Nous protégeons la population civile et les réfugiés…

M. Jean-Pierre Brard – Comment pouvez-vous par ailleurs réduire le rôle du Parlement à celui d’une dame patronnesse ? Vous lui demandez d’exprimer son soutien à l’armée française, engagée par un homme seul au fond de son palais… Les parlementaires qui voteront une disposition aussi cynique ne feront que dévaloriser notre institution. C’est indigne de notre histoire nationale.

Plusieurs députés du groupe UMP – Quel scandale !

M. Manuel Valls – Contrairement à ce qui vient d’être dit, ce texte est un progrès incontestable…

M. Jean-Pierre Brard – Les amoureux, c’est toujours ça !

M. Manuel Valls – Monsieur Brard, si vous commencez à m’interrompre, nous risquons de remonter loin dans l’histoire des interventions extérieures.

M. le Président – Monsieur Brard, laissez parler M. Valls.

M. Manuel Valls – Le débat ici est libre. Ma conception de la dignité du rôle de parlementaire m’interdit de recevoir des leçons de quiconque, et surtout pas de quelqu’un que j’entends crier à tue-tête dans l’hémicycle depuis six ans. Je n’ai pas de leçon à recevoir de vous en matière de dignité.

M. Jean-Pierre Brard – Vous n’avez pas à m’en donner.

M. Manuel Valls – Je ne vous en donne pas, je vous demande du respect.

Depuis la création de la VRépublique, nos forces ont été engagées dans de nombreuses interventions sous toutes les majorités. La révision constitutionnelle doit permettre de moderniser les rapports entre Parlement et exécutif sur ce sujet essentiel de la paix et de la guerre. Le Parlement n’a en effet jamais eu à en débattre, à la notable exception de l’engagement de la France au Koweït en 1991. Si le texte qui nous est proposé contient des progrès incontestables donc, il doit encore être amélioré. Il est indispensable notamment de préciser le délai dans lequel le Parlement doit être informé de la décision du gouvernement. Il conviendra aussi de fixer les objectifs politiques assignés à l’opération, et d’obtenir des précisions sur le niveau et le volume des forces engagées, pour éviter un changement de nature de l’opération. Enfin, une simple information ne peut être suffisante. L’exemple des autres grandes démocraties parlementaires, comme l’Allemagne, montre bien qu’il ne faut pas avoir peur du vote et du contrôle du Parlement.

Plusieurs amendements ont été déposés. Pour notre part, nous souhaitons que l’information du Parlement soit faite dans un délai de trois jours, que le vote ait lieu dans les quinze jours et qu’il soit renouvelé au bout de six mois afin de constater l’évolution de l’opération – le comité Balladur avait même évoqué un délai de trois mois. Telles seront nos propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Christophe Lagarde – Cet article fait la démonstration d’une faiblesse de notre démocratie face aux pays comparables. Pour le dénoncer, Jean-Pierre Brard a, comme à son habitude, brillamment manié le paradoxe, mais si la Constitution ne prévoit l’intervention du Parlement qu’en cas de déclaration de guerre, comme c’est le cas aujourd’hui, il suffit au gouvernement de faire la guerre sans jamais la déclarer pour agir en parfaite conformité avec elle ! L’article 13, qui impose au gouvernement de rendre des comptes, est donc une avancée, surtout alors que les opérations se multiplient. Par ailleurs, le Président de la République dispose du pouvoir nucléaire – et personne ne demande que la décision de l’utiliser soit prise par le Parlement en séance ! Si on ne lui conteste pas cette décision, la plus grave, il n’y a aucune raison de lui en refuser une moins importante ! En revanche, nous ne pouvons plus être le seul pays du monde démocratique à pouvoir envoyer des troupes sans que le Parlement soit informé et amené à se prononcer.

Un amendement socialiste proposera que le Parlement soit informé du contenu des accords de défense et de coopération militaire en vigueur. Certes, ce sera difficile puisque certains points des accords militaires doivent par définition être tenus secrets pour des raisons de défense nationale. Par ailleurs, cette disposition n’a pas sa place dans la Constitution, mais il est bon que nous commencions à en débattre. Il y a deux ans, nous avons créé à l’initiative de la commission des lois une délégation chargée de suivre l’activité des services secrets français. Pourquoi de la même façon un groupe réduit de parlementaires ne pourrait-il être habilité à connaître de ces accords, comme cela se fait dans de nombreux parlements, américain et allemand par exemple ?

M. Pierre Lellouche – Nous voyons ici combien le toilettage de notre Constitution était nécessaire et je rends hommage au Président de la République et au Gouvernement pour avoir ouvert la porte à de réels progrès en faveur du Parlement, même s’ils sont encore insuffisants. L’article 35 a été rédigé en 1958, époque glaciaire en Europe, et est fondé sur une vision de guerres interétatiques. Depuis la chute du mur de Berlin – presque vingt ans ! – nous sommes dans un autre monde où se mêlent les conflits infra-étatiques, la menace terroriste et des conflits lointains où nous intervenons en tant que membre permanent du conseil de sécurité, moteur de l’Union européenne et membre de l’Alliance atlantique. Nos forces participent aujourd’hui à une vingtaine d’interventions extérieures. C’est dire à quel point le silence retentissant du Parlement est gênant. Car ces interventions sont nombreuses – une centaine depuis la chute du mur de Berlin – dangereuses – nous avons perdu plusieurs dizaines d’hommes dans le seul Sarajevo – longues – sept ans en Afghanistan, quinze dans les Balkans, plus au Moyen-Orient – et coûteuses – un milliard bon an mal an.

M. Arnaud Montebourg – Très juste !

M. Pierre Lellouche – Il est grand temps que la représentation nationale s’y intéresse. 

M. Arnaud Montebourg – Hélas, ce temps n’est pas venu !

M. Pierre Lellouche – Le dernier débat sur l’Afghanistan ne m’a pas rempli de fierté pour les parlementaires : presque pas de discussion, pas de vote ni de réunion de la commission de la défense… Si le dispositif qui nous est proposé est sensiblement meilleur que ce qui existait, c’est-à-dire rien du tout, il reste très insuffisant. En ce qui concerne l’information tout d’abord, qui doit être rapide. Un délai de trois jours semble raisonnable. Faut-il un vote ? Au risque de déplaire à certains de mes collègues, j’en suis convaincu, car le vote renforce le Président de la République. Comment mener une opération militaire contre l’opinion publique et le consensus politique ? Le vote sert à cela. Peu importe qu’il ait lieu dans les quinze jours ou dans les trois semaines, mais il doit avoir lieu. Et il n’est pas question de statuer définitivement ! Ce vote doit être renouvelé régulièrement aussi longtemps que dure l’intervention – tous les six mois ou tous les ans, nous en débattrons.

Enfin, je souhaite moi aussi que le Parlement soit informé des accords de défense, même si cela n’est pas du ressort de la Constitution.

M. Arnaud Montebourg – Et c’est de quel ressort ?

M. Pierre Lellouche – Du ressort de la loi ! Mais il n’est pas mauvais d’ouvrir le débat aujourd’hui, pour dégager un consensus.

Les opérations extérieures sont fréquentes, importantes et coûteuses. Elles mettent en cause le statut de notre pays et la vie de nos soldats. L’information doit donc être immédiate, en session extraordinaire le cas échéant, et suivie d’un vote qui sera renouvelé. Voilà le dispositif qui me rendrait fier d’être un parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Je pensais qu’un consensus se dégagerait sur les dispositions que nous vous présentons, puisqu’elles sont issues de propositions à peu près identiques émanant de divers groupes. Il me semble que nous devrions nous retrouver sur l’essentiel : le renforcement du contrôle du Parlement sur ces interventions à l’étranger. Cette réforme est une avancée démocratique extrêmement importante, et incontestable. Elle était nécessaire parce que nos armées agissent pour défendre nos valeurs et notre politique étrangère et doivent donc être portées par le soutien explicite de la souveraineté nationale et du pays tout entier. Elle l’était d’autant plus que ces interventions mobilisent des moyens considérables – 900 millions et 12 000 personnes pour l’année 2007.

Au-delà du contrôle, c’est aussi un soutien pour le Président de la République et pour nos forces armées elles-mêmes.

Les dispositions que nous allons, je l’espère, voter ce soir, nous rapprochent de celles en vigueur dans la plupart des grandes démocraties voisines comme l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne – qui ont pourtant des régimes constitutionnels différents –, et bientôt le Royaume-Uni.

Le dispositif prévoit d’abord une information du Parlement dans les délais les plus brefs – pourquoi pas en effet fixés dans la Constitution. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est pas suivi d’un vote. Elle peut prendre toutes les formes : simple courrier adressé aux parlementaires, au président de la commission de la défense, réunion des commissions compétentes ou séance plénière. Il faut conserver cette souplesse pour le cas où une intervention devrait d’urgence avoir lieu hors session parlementaire ou bien encore commencer un vendredi. Il faut trouver des formules adaptées, étant entendu que rien n’interdit au Président de la République de convoquer le Parlement en session extraordinaire s’il l’estime nécessaire. Après cette information, il est prévu que le Parlement donne son autorisation pour qu’une intervention se prolonge au-delà de six mois – des amendements proposeront un délai plus court.

Qu’entend-on exactement par « intervention des forces armées à l’étranger » ? Il est important de le préciser afin, tout en respectant la volonté des constituants, de ne pas galvauder la procédure. Le souhait du Gouvernement, confirmé lors de l’examen du texte par le Conseil d’État, est de concentrer le dispositif de contrôle sur l’envoi de militaires en corps constitués à des fins opérationnelles. Cette définition exclut donc les échanges de militaires, notamment dans les états-majors internationaux, les exercices menés à l’étranger, comme nous en effectuons régulièrement dans les pays du Golfe, les opérations confidentielles des services de renseignement ou des forces spéciales dans des cas bien particuliers comme récemment en Mauritanie pour arrêter les auteurs des crimes commis contre des touristes français, les troupes prépositionnées en vertu d’accords de défense, les opérations strictement humanitaires, enfin les opérations spéciales requérant une extrême discrétion tant sur leurs objectifs que sur leurs modes d’action.

Dans la mesure où il est question d’interventions « à l’étranger », sont également exclus les déplacements de nos aéronefs dans les espaces internationaux, les bâtiments de la marine nationale évoluant dans des patrouilles de haute mer, ainsi que les escales de ces bâtiments dans les ports étrangers.

Dans le périmètre ainsi précisé, on dénombre actuellement une trentaine d’opérations menées dans différents cadres – national, au titre des Nations unies, de l’Union européenne ou de l’Otan. Certaines ne concernent que quelques militaires comme celle menée depuis 1981 pour le respect du traité de paix israélo-égyptien dans le Sinaï. Il faudra adapter nos procédures, en particulier l’autorisation de prolongation accordée en séance plénière, à l’importance des opérations, afin de ne pas surcharger inutilement l’ordre du jour parlementaire. Il conviendra notamment de fixer un critère quantitatif mais aussi politique car il peut arriver que peu d’hommes soient envoyés à l’étranger, mais que l’opération revête une importance particulière.

Enfin, quel est l’acte précis à partir duquel commence de courir le délai, notamment pour l’autorisation de prolongation ? L’action diplomatique, la résolution des Nations unies, l’envoi d’éléments précurseurs pour baliser le terrain ou, comme nous le pensons, l’envoi de corps constitués pour le lancement réel de l’opération ?

M. Jean-Paul Lecoq – L’amendement 584 propose que le Gouvernement demande en toutes circonstances au Parlement l’autorisation pour les interventions des forces armées à l’étranger, à l’exception de celles intervenant dans le cadre des Nations unies en application notamment de l’article 51 de la Charte de l’organisation, relatif aux opérations à engager d’urgence en cas par exemple d’invasion d’un pays. Cet amendement irait, je le crois, dans le sens de ce qui est souhaité tout en rappelant que le Parlement et lui seul, doit décider d’engager les forces armées. Chacun sait qu’une opération de simple police, une opération humanitaire décidée unilatéralement ou toute autre opération militaire peuvent aisément dégénérer en une guerre qui ne dit pas son noM. 

M. François de Rugy – Nous souhaiterions revenir sur cette exception française du « domaine réservé » du Président de la République en matière de politique étrangère et de défense, lequel n’a d’ailleurs pas de réel fondement constitutionnel. Mieux vaudrait dire clairement, et tel est l’objet de notre amendement 323, que « Toute intervention des forces armées à l’extérieur du territoire de la République est autorisée par le Parlement », d’autant que le vote du Parlement renforce la décision prise. Il ne s’agit nullement de faire obstacle aux interventions – j’ai moi-même parfois milité en faveur d’opérations de restauration, et non pas seulement de maintien de la paix, en Bosnie et au Kosovo par exemple.

J’indique dès à présent que nous soutiendrons les amendements de nos collègues socialistes relatifs aux délais.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 436 est défendu.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Avis défavorable. Ces trois amendements aboutiraient à un régime d’autorisation systématique par le Parlement, ce qui n’est pas l’équilibre du projet gouvernemental. L’amendement 584 aborde la question du délai au terme duquel le Parlement doit autoriser la prolongation de l’intervention des forces. Nous y reviendrons tout à l’heure.

Enfin, que les auteurs de ces amendements ne les ont-ils déposés plus tôt, lorsqu’ils appartenaient à la majorité alors aux affaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. le Président – Je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public sur l’amendement 584.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Compte tenu de mes propos liminaires, avis défavorable bien évidemment.

M. Jérôme Chartier – Le groupe UMP votera contre ces trois amendements. L’article 13 constitue un immense progrès par rapport aux dispositions existantes. Certains amendements vont y être proposés, que nous voterons, parce qu’ils apportent plus de clarté et renforcent le rôle du Parlement dans le suivi des interventions armées à l’étranger. Il est du devoir du Parlement de s’intéresser à toutes les interventions des forces françaises à l’étranger, quelle que soit la nature des opérations.

Comme l’a dit Pierre Lellouche, par rapport à ce qui s’est passé lors de l’intervention en Afghanistan, l’article 13 constitue un immense progrès, qui était ici réclamé de tous. Nous pouvons, je crois, nous satisfaire de ce qui est proposé.

M. Jean-Pierre Grand – Monsieur Lecoq, pensez-vous que si, hélas, le Président de la République se trouvait dans l’obligation d’utiliser l’arme nucléaire, il faudrait préalablement réunir le Parlement ?

M. Patrick Braouezec – Il vaudrait sans doute mieux !

M. Philippe Folliot – Le groupe Nouveau centre votera contre ces amendements qui visent absolument toutes les interventions. Or il peut y avoir des cas où il faut intervenir d’urgence sans que l’on ait le temps matériel de réunir le Parlement.

À la majorité de 92 voix contre 43 sur 135 votants et 135 suffrages exprimés, l’amendement 584 n’est pas adopté.

Les amendements 323 et 436, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Arnaud Montebourg – Nous sommes réellement déçus par le type de réponse du Gouvernement après l’excellente intervention de M. Lellouche. Mais de quoi avez-vous peur ? De la codécision du Parlement ? Il vous faudra de toutes façons le consulter dans les six mois. Mieux vaut l’avoir associé en temps voulu que de le mettre devant le fait accompli. Tous les pays européens agissent de la sorte.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Non.

M. Arnaud Montebourg – Le Bundestag se prononce à partir de 25 millions d’engagement, autant dire les premiers départs.

M. Pierre Lellouche – Ce n’est pas vraiment le bon exemple. Ils ont perdu la guerre !

M. Arnaud Montebourg – Pourquoi ne voulez-vous pas ou ne pouvez-vous pas aller plus loin ? Nous ne comprenons toujours pas vos réticences. Notre amendement 292 organise cette information.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission l’a repoussé. Cet amendement pose un problème de délais, qu’il faut préciser. S’agissant de la poursuite des opérations après six mois, la commission de la Défense fera une proposition. De toutes façons l’amendement remet en cause l’équilibre du dispositif général proposé par le Gouvernement.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Même avis.

M. Arnaud Montebourg – Nous n’avons pas de réponse du Gouvernement !

L'amendement 292, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Folliot – Notre amendement 418 dit que le Parlement est informé y compris hors session.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Il est bien entendu que l’on peut informer le Parlement, en dehors des sessions ordinaires, par tout moyen – le choix dépend des circonstances.

L'amendement 418, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission a adopté l’amendement 64 rectifié, à la suite d’un amendement de M. Montebourg. Il précise que le Parlement est informé non « dans les délais les plus brefs » mais dans les trois jours. Il demande également au Gouvernement de préciser les objectifs poursuivis et les effectifs engagés. Si cela va de soi pour les objectifs, est-ce bien prudent pour les effectifs ? L’amendement 221 de M. Vanneste propose les mêmes dispositions à l’exception de la mention des effectifs. Après avoir entendu la position du Gouvernement, peut-être pourrons-nous nous y rallier.

M. Arnaud Montebourg – Le rapporteur a adopté une position de retrait pour défendre l’amendement adopté par la commission après discussion. Notre amendement 296 est identique. Nous voulons que dans les trois jours le Gouvernement dise ce qu’il veut faire et quels sont les effectifs engagés. La République est construite sur l’impôt et sur l’impôt du sang. Il importe de savoir combien d’hommes sont engagés, sans aller dans les détails. Le Parlement a besoin de savoir quel sont les objectifs et quel est le format de l’opération pour juger en connaissance de cause. Le Gouvernement dira ce qu’il voudra, mais il a une obligation morale à l’égard des représentants de la nation que nous sommes.

M. Christian Vanneste – Cet article 13 est une avancée que je salue. Il faut informer le Parlement, mais a posteriori. La vitesse de réaction est un des facteurs de l’efficacité et la décision doit donc revenir à l’exécutif. Néanmoins le Parlement doit aussi être informé rapidement. Mon amendement 221 propose donc aussi un délai de trois jours. Mais informé de quoi ? Des objectifs bien sûr, mais pas des effectifs : ce serait donner des informations à l’adversaire. Dans ma circonscription, j’ai assisté aux funérailles, très émouvantes, d’un soldat des forces spéciales tué dans le sud de l’Afghanistan. Il n’était sans doute pas nécessaire d’informer les talibans de la présence de nos forces à cet endroit. Nous ne devons pas divulguer les moyens utilisés car, l’exemple malheureux de l’attentat du Drakkar à Beyrouth le prouve, ce serait mettre en péril nos soldats (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Guy Teissier, président et rapporteur pour avis de la commission de la défense – II faut comparer ce qui est comparable, et en l’espèce, l’exemple allemand n’est le bon ni pour le volume des engagements ni pour les missions, les Allemands assurant essentiellement des missions sanitaires et de soutien.

L’information du Parlement « dans les plus brefs délais » comme le prévoit le texte est nécessaire mais non suffisante. Il est indispensable de fixer des délais. La commission des lois propose trois jours ; par son amendement 10, la commission de la défense propose un délai de huit jours. L’information peut bien sûr se faire par lettre ou par une intervention en commission. Mais dans le cas d’une affaire plus sérieuse, il y a lieu de réunir le Parlement. Dans ce cas, le délai de trois jours peut être insuffisant. Pour autant, nous n’en faisons pas une question de principe, et si le délai de trois jours fait l’unanimité, nous sommes prêts à l’accepter. Et après réflexion, je suis disposé à me rallier à la proposition de M. Vanneste qui, en outre, ne mentionne que la nécessité d’informer sur les objectifs et non sur les effectifs. Avec le premier régiment étranger à Aubagne, nous avons commémoré le 30 avril l’opération de Kolwezi qui a eu lieu il y a 30 ans. Si, à l’époque, il avait fallu annoncer dans les trois jours que nous engagions deux compagnies de parachutistes et une compagnie d’appui, soit 300 hommes, quel aurait été le résultat de l’opération ? On sait, il est vrai, quel régiment va rejoindre nos forces en Afghanistan, mais c’est pour une mission moins importante.

M. Philippe Folliot – Je propose, par l’amendement 264, que le Parlement soit informé dans les six jours mais, s’agissant du délai, je me rallierai à la majorité. Je considère toutefois que l’intervention de nos forces à l’étranger doit donner lieu à un débat, soit en commission, soit en séance plénière. J’ai entendu parler d’informer le Parlement par courrier…

M. Arnaud Montebourg – Et pourquoi pas par SMS ?

M. Philippe Folliot – Ou par la presse ? En de telles matières, un débat avec le Gouvernement s’impose.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission a exprimé un avis défavorable sur les amendements 10 et 264. J’ai cru comprendre qu’ils ont été retirés au bénéfice de l’amendement 221 ; c’est aussi le cas de l’amendement 64 rectifié.

M. Arnaud Montebourg – Nous maintenons l’amendement 296.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Je conçois qu’un délai d’information plus précis puisse paraître nécessaire et je suis aussi favorable, cela va de soi, à ce que la représentation nationale connaisse les objectifs poursuivis, sinon le débat n’aurait aucun sens. Je suis donc favorable à l’amendement 221 qui semble rallier les suffrages. Comme le président de votre commission de la défense, j’insiste toutefois sur la nécessité de ne pas risquer de faire échouer des opérations ou de mettre nos forces en danger par la divulgation d’informations techniques trop précises. Ainsi, à Kolwezi, une centaine de parachutistes sont intervenus, qui avaient face à eux un millier de combattants. Si le sauvetage a réussi, c’est que ce millier de combattants ignorait combien de nos forces étaient déployées. La sécurité de nos hommes doit prévaloir.

M. Jean Leonetti – Bien sûr !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  J’entends enfin que certains voudraient que le Parlement donne son autorisation préalable à l’engagement d’une opération. Je souligne que certaines ne concernent que quelques hommes – dix gendarmes en Haïti, quelques observateurs au Libéria… Doit-on pour cela réunir le Parlement, éventuellement en séance extraordinaire ? À mon sens, ce serait aller trop loin.

Pour finir, je ne suis pas certain que la comparaison avec l’Allemagne soit la plus pertinente : non seulement les interventions des forces allemandes à l’extérieur sont assez récentes mais l’histoire de ce pays explique le soin extrême mis à les encadrer. S’il y a comparaison, ce devrait plutôt être avec le Royaume-Uni, qui a mis au point un mécanisme à peu près équivalent au nôtre.

L'amendement 296 mis aux voix, n’est pas adopté.

L'amendement 221, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Les amendements 10 et 264 tombent.

M. Arnaud Montebourg – Pour ce qui est de l’information du Parlement, la question est réglée. S’agissant du vote, vous nous l’avez refusé. Reste le débat. Les arguments du président de la commission de la défense sont parfaitement fondés, et évidents, mais la Constitution ne dit pas avec quel degré de précision l’information doit être communiquée au Parlement et l’on peut du reste imaginer une gradation dans le secret. Sur le fond, il me paraît curieux d’entendre des parlementaires de la majorité qui ont si bien intériorisé leur irresponsabilité qu’ils la théorisent. Pour notre part, nous nous y refusons, et nous considérons qu’un débat est nécessaire. On l’a vu pour l’Afghanistan, et avec quelle acuité pour l’Irak ! J’approuvais donc l’amendement 264 de M. Folliot qui proposait que l’information donnée par le Gouvernement donne obligatoirement lieu à un débat en séance plénière ou en commission – à huis clos si nécessaire. Nous ne sommes ni des irresponsables ni des enfants, et nous attendons du Gouvernement qu’il nous aide à trouver un équilibre : faute de vote, qu’au moins un débat ait lieu. J’invite nos collègues de la majorité à nous suivre sur l’amendement 293.

L’amendement 297 est défendu.

M. Philippe Folliot – L’amendement 267 a le même objet. Je continue de penser que, même sans vote, un débat est nécessaire, en séance plénière ou en commission, quand des troupes sont envoyées à l’étranger. Si l’on veut redonner du pouvoir au Parlement, voici une excellente manière de le faire.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable aux trois amendements.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Même avis.

M. Arnaud Montebourg – Le Gouvernement aurait-il peur du débat ?

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Mais non ! Le débat est déjà autorisé par la Constitution et, étant donné la nouvelle maîtrise de son ordre du jour par le Parlement, rien ne s’oppose à ce qu’il inscrive ce sujet à son programme de travail…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Y compris à l’initiative de l’opposition !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  En effet. Mais vos amendements prévoient l’éventualité d’un vote, et j’ai déjà expliqué les raisons de mon refus sur ce point. Par ailleurs, en Éthiopie, un seul de nos hommes est engagé dans la MINUEE. Faudra-t-il organiser un débat en pareil cas ?

M. Arnaud Montebourg – Mais nous ne le demanderons pas !

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Au Sahara occidental, treize de nos hommes sont engagés. Si, pour toutes ces opérations extérieures, vous souhaitez un débat, l’ordre du jour de votre assemblée risque d’être fort encombré. Avis, je le répète, défavorable.

M. René Dosière – Clemenceau n’avait pas les mêmes réticences que vous, Monsieur le ministre, et le Parlement a pu siéger pendant la Grande guerre… On mesure là que les progrès du parlementarisme sont tout relatifs… Et delenda est cumulatio … (Sourires)

Les amendements 293, 297 et 267, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Paul Lecoq – L’amendement 586 tend à préserver le pouvoir de contrôle du Parlement par la création d’une commission de suivi des opérations composée des commissions des affaires étrangères, de la défense et des lois constitutionnelles.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission n’ayant pas examiné cet amendement, j’émets un avis défavorable à titre personnel. Tout d’abord, une telle procédure ne relève pas d’une révision constitutionnelle. Ensuite, elle constitutionnalise trois commissions parlementaires, au détriment de notre souplesse d’organisation. Enfin, l’organisation étant différente au Sénat, la disposition paraît techniquement irréalisable.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Même avis. Il me paraît en outre que c’est la commission de la défense qui a vocation à assurer ce suivi.

L'amendement 586, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – Le rapporteur reconnaît lui-même que nous sommes, dans le texte du Gouvernement, en présence d’un vide juridique. Que se passe-t-il, en effet, six mois après l’autorisation donnée par le Parlement, dans le cas où l’opération se poursuit ? Notre amendement 298 vise à combler ce vide juridique, en prévoyant une autorisation du Parlement tous les six mois.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. La réponse à votre question, Monsieur Montebourg, c’est que le Parlement intervient dans le cadre de ses prérogatives habituelles de contrôle : lois de finances, auditions des ministres, séances de questions, inscription de débats à l’ordre du jour…, qui sont renforcées par la révision constitutionnelle.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Même avis. Au-delà de l’autorisation, il y a le contrôle permanent des commissions parlementaires. Rien n’empêche que le Gouvernement inscrive à l’ordre du jour un débat sur l’évolution de telle ou telle opération. Mais en prévoyant, dans la Constitution, un rendez-vous tous les six mois, vous encombrez considérablement l’ordre du jour parlementaire, compte tenu de la trentaine d’opérations susceptibles de faire l’objet d’un tel suivi. L’information du Parlement peut se faire de manière plus souple.

L'amendement 298, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – Le délai de six mois au terme duquel le Parlement doit donner une autorisation nous paraît excessif. Un délai de trois mois, comme nous le proposons par l’amendement 419, est largement suffisant. Si certaines opérations peuvent nécessiter un déploiement dans l’urgence, on doit savoir au bout de trois mois où l’on en est, notamment quant à la légitimité de l’opération.

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis – Le comité Balladur préconisait un délai de trois mois. La commission des affaires étrangères considère que le délai de six mois est trop long, car il ancre dans la durée une opération qui pourrait peut-être être réduite dans le temps. Nous proposons donc, par l’amendement 11 rectifié, un délai de quatre mois. Le Gouvernement et nos forces continueront de bénéficier d’une bonne souplesse opérationnelle, le délai technique d’une relève étant lui-même de quatre mois. Prévoir une autorisation au moment de la relève, c’est-à-dire au moment où une opération ponctuelle devient éventuellement une opération de longue durée, semble pertinent.

M. Philippe Folliot – Il apparaît en effet essentiel de faire coïncider le vote du Parlement avec le moment où la relève des troupes a lieu sur le terrain. Tel est également l’objet de l’amendement 265.

M. Arnaud Montebourg – Convaincus par les arguments du rapporteur pour avis, nous retirons l’amendement 294 pour nous rallier au sien.

L'amendement 294 est retiré, ainsi que les amendements 419 et 534.

L'amendement 11 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – En conséquence, l’amendement 265 tombe.

L'amendement 219 est retiré.

M. Jean-Paul Lecoq – Avec l’amendement 585, nous souhaitons inscrire dans la Constitution que le Gouvernement convoque immédiatement le Parlement en session extraordinaire au terme de cette période qui vient d’être fixée à quatre mois.

L'amendement 585, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Folliot – Si, au terme de ce délai, le Parlement n’est pas en session, le texte du Gouvernement dispose que le Parlement se prononce à l’ouverture de la prochaine session. Nous souhaitons que le Parlement puisse également se réunir de plein droit. Tel est l’objet de l’amendement 266.

L'amendement 266, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 220 est retiré.

M. Axel Poniatowski – Cet article pose deux problèmes : d’une part, l’autorisation donnée par le Parlement vaut pour une durée illimitée, d’autre part, elle concerne un certain formatage. Par exemple, si l’opération de la France en Afghanistan remonte à 2001, nous avons récemment renforcé notre engagement de 50 %, et cette modification du formatage crée une situation nouvelle. De même, alors que, dans le cadre de l’EUFOR, le déploiement de nos troupes au Tchad est prévu pour une durée d’une année, au terme de laquelle elles doivent être remplacées par des forces des Nations unies, il est évident que, dans le cas où ce scénario ne se réaliserait pas, la situation serait également nouvelle. Il n’existe aucune procédure dédiée spécifiquement à l’examen de ces toujours possibles modifications de nos opérations extérieures. L’amendement 21 rectifié vise à créer un tel espace dédié, en prévoyant que le Parlement vote une fois par an le renouvellement de l’autorisation des OPEX.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Tout en étant sensible à la problématique soulevée par M. Poniatowski, la commission, dans l’attente de la position du Gouvernement, a émis un avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre de la défense  Le Parlement dispose déjà de nombreux moyens lui permettant de suivre les opérations extérieures. Si la nature des opérations ou le contexte géo-stratégique change, rien n’interdit que le Parlement débatte à nouveau. Mais soumettre à l’approbation du Parlement, chaque année, l’autorisation de poursuivre des opérations, c’est charger l’ordre du jour parlementaire d’un grand nombre de débats, puisque nous évaluons à trente ou quarante le nombre d’opérations susceptibles d’entrer dans le champ de l’article.

M. Jean-Christophe Lagarde – À la demande du rapporteur, l’article 12 a été réservé, semble-t-il pour le réécrire. M. Warsmann peut-il nous dire si, de son point de vue, le Parlement aura la possibilité de demander le débat évoqué par M. Poniatowski ? M. le ministre a expliqué que le Parlement pouvait être saisi une seconde fois, mais peut-être faut-il prévoir que le Parlement puisse le demander. Faute de quoi, cela pourrait durer éternellement. Il va de soi que nous ne pouvons bloquer un budget pour une intervention militaire, l’article 49-3 s’appliquant alors immédiatement.

M. Pierre Lellouche – J’ai entendu M. de Rugy parler de domaine réservé, de décisions personnelles. Je veux rappeler que, pendant la campagne électorale, Nicolas Sarkozy a été le premier à dire qu’il ne reconnaissait pas le domaine réservé et que l’utilisation des forces n’était pas le droit d’un seul homme.

J’ai noté que le texte n’oblige pas au vote, marque de souplesse donnée à l’exécutif. Cela dit, compte tenu de la durée des opérations et de leurs changements de nature, ce serait donner un chèque en blanc à l’exécutif que de ne pas permettre au Parlement de renouveler son autorisation après six mois ou un an. Je voterai cet amendement à une procédure par ailleurs excellente.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Monsieur Lagarde, la commission a adopté un amendement donnant la possibilité au Gouvernement de faire une déclaration de politique thématique. En l’état actuel, il peut faire une déclaration de politique générale sur laquelle il engage, le cas échéant, sa responsabilité. Un amendement de l’opposition prévoit que cette déclaration peut être faite à l’initiative du Gouvernement ou à la demande d’un groupe parlementaire. Le Gouvernement pourra alors prononcer une déclaration suivie d’un débat et éventuellement d’un vote.

Comme l’a rappelé M. le ministre, il existe un second outil, l’ordre du jour. Les groupes d’opposition, qui disposeront d’une journée par mois, pourront consacrer l’une des séances à un débat sur une intervention militaire. Le Parlement pourra ainsi répondre à la volonté de contrôle manifestée par MM. Lagarde et Lellouche.

M. Jérôme Chartier – Il existe un troisième outil : la deuxième partie de la loi de finances. Rien n’interdit au rapporteur spécial d’identifier les crédits, et grâce à un amendement, de créer un mouvement pour retirer tout soutien à une opération extérieure.

Mme Marylise Lebranchu – Ce ne sera qu’a posteriori !

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l’amendement 21 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n’est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – C’était pourtant la première fois que l’on votait pour Poniatowski !

M. Jean-Christophe Lagarde – Il y a beaucoup de choses que vous faites pour la première fois ce soir !

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 295 nous renvoie à l’histoire récente. Les accords de défense et de coopération militaire qui nous lient à certains pays fondent juridiquement et politiquement les interventions militaires de la France, comme au Rwanda et en Côte-d’Ivoire. Ces documents ne sont pas publiés au Journal officiel et sont conservés dans le secret du ministère de la défense. Nous demandons que le Parlement en soit destinataire.

M. Jean-Paul Lecoq – L’amendement 583 est défendu.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteurAvis défavorable car cette précision n’a pas sa place dans la Constitution. Toutefois, les auteurs auront bientôt satisfaction.

J’ai eu l’occasion de rappeler l’engagement pris à plusieurs reprises par le Président de la République, notamment dans son intervention devant le Parlement sud-africain le 28 février : « Les accords de défense entre la France et les pays africains seront intégralement publiés. J’associerai étroitement le Parlement français aux grandes orientations de la politique de la France en Afrique ».

Lors de son audition le 16 avril par la commission de la défense, Jean-Claude Mallet, président de la commission chargée de l’élaboration du Livre blanc sur la défense, a précisé pour sa part : « les membres de la commission ont été unanimes pour considérer que les accords de défense devaient être désormais transparents et connus du Parlement ».

M. Hervé Morin, ministre de la défense Même avis. Il s’agit d’un engagement du Président de la République. Pour autant, ce souhait de transparence ne doit pas être inscrit dans la Constitution mais faire partie des conditions d’information du Parlement, ce qui permettra à certains éléments de confidentialité d’être préservés.

M. Jean-Paul Lecoq – Cessez de prendre les déclarations de Nicolas Sarkozy pour des réponses ! Nous modifions la Constitution pour un temps qui excédera sans doute la durée du mandat présidentiel. Le Parlement doit, en effet, être informé du contenu de ces accords. Nous y faisons référence, sans pour autant les connaître.

M. Arnaud Montebourg – C’est insensé !

M. Jean-Paul Lecoq – Cela laisse les pleins pouvoirs à l’exécutif, en contradiction avec l’objectif de ce texte. L’information est nécessaire à la codécision !

L'amendement 295, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 583, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 13 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ARTICLE 13

M. Jean Jacques Urvoas – Le 8 novembre 2005, le Gouvernement a exhumé une loi qui n’avait pas servi depuis vingt ans, celle qui organise l’état d’urgence. Avec l’état de siège, c’est l’un des régimes législatifs de temps de crise. Chacun sait que s’il ne figure pas à l’article 36, c’est pour des raisons de circonstance.

Avec le temps, on s’est demandé si l’état de siège pouvait faire la somme des pouvoirs de crise, emportant l’abrogation implicite de l’état d’urgence. Le doute a été levé par une décision du Conseil constitutionnel sur la Nouvelle-Calédonie, où l’état d’urgence a été utilisé entre le 12 janvier et le 30 juin 1995.

L’état d’urgence peut être déclaré par décret en conseil des ministres et prolongé au-delà de douze jours par une loi. Son régime est comparable à celui de l’état de siège, avec des potentialités nombreuses : les préfets peuvent en effet prendre toutes les mesures nécessaires au maintien de l’ordre public.

Eu égard à ce caractère exceptionnel, nous proposons par l’amendement 516 de le constitutionnaliser. Cette proposition, qui figurait dans le rapport du comité Vedel, clarifiera un régime déjà évoqué par la jurisprudence du Conseil d’État. Elle permettra en outre de combler le vide évoqué par la décision du Conseil constitutionnel de 1985, en autorisant le juge constitutionnel à se prononcer sur les garanties juridictionnelles apportées en cas d’atteinte aux libertés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteurAvis défavorable. Cet amendement poserait un problème de cohérence avec les régimes existant dans certains territoires d’outre-mer.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – le Gouvernement, dans son avant-projet, prévoyait d’inscrire l’état d’urgence dans la Constitution. Mais le Conseil d’État nous a convaincus : ce régime est antérieur à la Constitution et a déjà été contrôlé par une juridiction. Le Conseil d’État a en effet jugé nécessaire le déclenchement de l’état d’urgence pendant les émeutes de 2005. Avis défavorable.

L'amendement 516, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier – L’amendement 392 est défendu.

L'amendement 392, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 393 tend à supprimer l’article 38 de la Constitution, relatif aux ordonnances. Au terme d’une longue dérive que notre groupe avait pressentie dès 1958, cette procédure n’est plus réservée à des mesures d’une urgence particulière. Elle concerne désormais les matières les plus diverses, y compris les droits fondamentaux.

M. François de Rugy – L’amendement 434 est identique. L’article 38 est hautement symbolique de la conception gaulliste des institutions qui tend à court-circuiter le Parlement pour imposer certaines mesures. Nous sommes allés beaucoup trop loin dans la lutte contre les excès de la IVe République : le Gouvernement doit disposer de moyens d’actions, mais il ne faut pas confondre volontarisme et autoritarisme.

Qui peut aujourd’hui prétendre que le Gouvernement n’a pas les moyens d’agir ? Nous devons mettre à jour la Constitution, car les circonstances ont bien changé : le Président de la République n’était pas élu au suffrage universel en 1958, et le Sénat était alors un foyer de résistance au régime gaulliste… Et s’il y a eu des majorités très ténues à l’Assemblée, en particulier après les élections législatives de 1967, le Gouvernement peut désormais compter sur des majorités stables, grâce au scrutin majoritaire et à l’institution du quinquennat pour le Président comme pour l’Assemblée. Les ordonnances ne sont donc plus nécessaires.

On peut d’ailleurs s’étonner que l’on encombre l’ordre du jour de nos assemblées avec des textes sur les chiens mordeurs, et que dans le même temps on adopte des mesures aussi importantes que le CNE par voie d’ordonnance. Sans la résistance de François Mitterrand, on aurait même utilisé cette procédure pour réaliser des privatisations…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Il ne serait pas très réaliste de supprimer l’article 38 de la Constitution, ni même de restreindre son champ d’application. La commission a en revanche adopté l’amendement 588, qui demande que les ordonnances soient ratifiées de façon expresse.

En effet, il est toujours extrêmement désagréable de s’apercevoir que l’adoption d’un amendement tendant simplement à modifier une ordonnance a pour effet de ratifier l’ensemble de ses dispositions. Ces dernières passent alors du domaine réglementaire au domaine législatif. Nous souhaitons que la ratification ne puisse plus être qu’explicite – l’amendement modifiant l’ordonnance précisant que son adoption vaut ratification – ce qui permettrait de renforcer la transparence de notre droit, sans réduire pour autant les moyens d’action du Gouvernement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Le Gouvernement est défavorable à tous les amendements déposés sur cet article, à l’exception de l’amendement 588.

M. Daniel Garrigue – Certains essaient de nous faire croire que la Constitution de 1958 est un texte liberticide. C’est oublier que les décrets-lois remontent à la IIIe République. Notre constitution a simplement remis de l’ordre dans les pratiques antérieures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Christophe Lagarde – Nous étions jusqu’à présent ravis de la disposition contenue dans l’amendement 588, mais les explications du rapporteur m’inquiètent : y aura-t-il un débat sur la ratification de l’ensemble de l’ordonnance si elle peut être intégralement ratifiée par un simple amendement ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La ratification devra être expresse. Il y aura donc un débat.

Les amendements identiques 393 et 434, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Arnaud Montebourg – Sans demander la suppression de l’article 38, nous voudrions éviter certains abus. Le Gouvernement est allé jusqu’à transposer des centaines de directives européennes en recourant à des ordonnances, lesquelles n’ont jamais été ratifiées de façon expresse. Déjà privé de tout contrôle sur l’adoption des normes communautaires, qui représentent pourtant près de 60 % de notre droit positif, le Parlement n’est alors plus en mesure de se prononcer sur leur transposition. C’est un déni de démocratie !

Afin de limiter les excès, l’amendement 517 tend à réduire le champ d’intervention des ordonnances, en excluant leur usage dès lors qu’il s’agit de modifier des droits fondamentaux. Nous avions également déposé un amendement 519 relatif à la ratification explicite des ordonnances, mais nous le retirons au profit de l’amendement 588 de la commission. Je défends en revanche l’amendement 518, qui tend à encadrer la procédure d’habilitation du Gouvernement.

L'amendement 519 est retiré.

Les amendements 517 et 518, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – J’ai déjà présenté l’amendement 588, qui a été adopté par la commission.

L'amendement 588, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Claude Sandrier – L’amendement 391 est défendu.

L'amendement 391, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 14

M. Jean-Christophe Lagarde – Le texte qui nous est soumis propose que les propositions de loi soient désormais soumises au Conseil d’État, sur demande du président de l’assemblée dont elles sont issues. Il me semble dommage que les présidents des commissions ne soient pas associés à cette saisine.

M. Jean-Claude Sandrier – L’amendement 395 est défendu.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis.

M. Marc Le Fur – L’amendement 204 tend à améliorer le travail parlementaire en prévoyant que les avis du Conseil d’État sur les projets de loi nous soient systématiquement communiqués, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La situation actuelle est d’autant plus malsaine que des fuites sont reprises dans la presse et donnent lieu à de nombreux commentaires : l’avis n’étant pas public, il est impossible d’y répondre, ce qui ramène le débat parlementaire à un bluff assez désagréable, en particulier lorsqu’il s’agit de la constitutionnalité d’un texte.

Par ailleurs, le Gouvernement propose que le Conseil d’État soit désormais sollicité aussi sur les propositions de loi. Dans ce cas, il cesse d’être le conseil du seul exécutif pour devenir le conseil de « l’État », législatif compris. Il est donc indispensable que son avis sur les projets de loi soit communiqué au Parlement. J’ajoute que cette proposition émane d’Édouard Balladur, que ses fonctions passées au Conseil d’État et les responsabilités gouvernementales qu’il a exercées fondent mieux que quiconque à donner son avis dans ce domaine.

M. Daniel Garrigue – Cette initiative me paraît dangereuse. Les avis du Conseil d’État ne sont pas forcément toujours purement juridiques, et il lui est arrivé de leur donner une portée quasiment politique.

M. Jean-Christophe Lagarde – Eh bien, comme ça, on le saura !

M. Daniel Garrigue – Il ne faudrait pas que cette disposition incite les juridictions à déborder de leur rôle, qui est de dire le droit et de donner des conseils techniques. Nous avons trop tendance à leur inspirer la tentation de s’immiscer sur le terrain politique.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – D’abord, il n’est pas de comparaison possible entre le nouvel avis facultatif du Conseil sur les propositions de loi et l’avis obligatoire qu’il rend au Gouvernement. Ensuite, si l’avis est systématiquement rendu public, j’ai bien peur qu’on ne trouve plus grand-chose dedans et que les recommandations importantes se fassent par oral ! Instaurer cette transparence – qui n’a pas fondamentalement lieu d’être parce que le Conseil d’État intervient en l’occurrence comme conseil du gouvernement – risquerait donc d’aboutir exactement à l’inverse. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Un avis appartient à celui à qui il est rendu. Chaque assemblée pourra rendre public l’avis qu’elle aura sollicité, mais il n’y a pas à obliger le Gouvernement à le faire. D’ailleurs, si le Conseil sait que son avis sera rendu public, il s’autocensurera et l’avis n’aura plus aucune utilité. Avis défavorable à ces deux amendements.

M. Jean Jacques Urvoas – Cette confidentialité ne me choque pas en elle-même : les défenseurs de la transparence tous azimuts s’en plaignent, mais les partisans de l’efficacité et de la liberté sont plutôt favorables au secret. Le problème est que les avis du Conseil d’État n’ont rien de confidentiel ! Tous ceux qui s’intéressent à un sujet peuvent en connaître la teneur. Rien que dans les auditions que nous avons menées sur le présent texte, plusieurs personnes en ont fait état ! Ces fuites nourrissent des rumeurs qui confinent parfois à la stupidité. Tout le monde gagnerait à ce que les avis soient rendus systématiquement publics.

Les amendements 395 et 204, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. René Dosière – L’amendement 300 vise à revenir sur une disposition prise en 2003 à la demande du Premier ministre de l’époque, qui souhaitait faire plaisir à ses futurs collègues sénateurs, et qui donne au Sénat la priorité sur les textes concernant le fonctionnement des collectivités locales. Cette décision est parfaitement aberrante. Rien, en aucun cas, ne peut justifier que la chambre élue au suffrage indirect ait une prééminence sur la chambre élue au suffrage universel direct. Rien ne peut justifier cet abaissement de l'Assemblée nationale. J’entends bien ce curieux argument selon lequel le Sénat serait compétent dans ces domaines parce qu’il représente les collectivités locales. Faut-il en déduire que toute législation doit être soumise à la volonté des lobbies ? Supprimer cette disposition n’empêchera pas le Gouvernement de déposer ses textes en première lecture au Sénat, mais mettra fin à une situation humiliante pour l’Assemblée, à laquelle elle n’aurait jamais dû consentir. Quoi qu’il en soit, delenda est cumulatio (Sourires).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je donne acte à M. Dosière de la continuité de son argumentation… La commission a donné un avis défavorable à cet amendement, mais elle vous proposera tout de suite après de supprimer la priorité donnée au Sénat pour l’examen des textes concernant les Français établis hors de France. Ceux-ci seront en effet dorénavant représentés à l’Assemblée.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux L’amendement 300 vise à supprimer la priorité donnée au Sénat sur les textes concernant les Français établis à l’étranger et les collectivités territoriales. Sur le premier point, le Gouvernement est d’accord : il n’y a pas de raison de maintenir cette priorité si les Français de l’étranger sont représentés à l’Assemblée. En revanche, pour le deuxième point, il n’y a pas de motif particulier de revenir sur la décision prise en 2003.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il n’y a avait déjà pas de motif de l’adopter…

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement 300.

M. Manuel Valls – Réveillez-vous, les gaullistes !

M. René Dosière – J’avoue ne pas comprendre. Vous voulez supprimer la priorité donnée au Sénat concernant les Français de l’étranger parce que l’Assemblée va devenir compétente, et vous la maintenez pour les collectivités territoriales. Mais il y a bien plus de cumulards à l’Assemblée qu’au Sénat ! Votre argument ne tient pas. En tout état de cause, delenda est cumulatio (Sourires).

M. le Président – Quelle ténacité…

L'amendement 300, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 65 est défendu.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Sagesse.

L'amendement 65, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 66 rectifié est d’une extrême importance. Il dispose que les projets de loi sont élaborés dans les conditions fixées par une loi organique. Ainsi, ils ne pourront être inscrits à l’ordre du jour tant que les Conférences des présidents constateront conjointement que les règles fixées par cette loi organique seront méconnues. L’objectif est notamment d’obliger à assortir les projets de loi d’une étude d’impact. Un des maux français est en effet l’abus de lois nouvelles. Nous espérons fermer un peu le robinet en obligeant les gouvernements, une fois qu’ils auront écrit leur texte, à estimer son coût et à évaluer les solutions alternatives en établissant une sorte de rapport qualité-prix. La loi organique fixera aussi les modalités de publicité de ces études d’impact, afin que les organisations professionnelles soient informées avant le début de la discussion parlementaire et puissent tout de suite attirer l’attention sur des difficultés ou le coût d’une disposition.

Il s’agit donc d’une disposition très importante. Un précédent Premier ministre, Alain Juppé, avait voulu l’instaurer en 1996 par une circulaire qui n’avait été appliquée que quelques mois. Il est donc indispensable de donner un ancrage constitutionnel à cette norme pratiquée dans de nombreuses démocraties.

M. Jean Jacques Urvoas – L’amendement 299 rectifié est défendu.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Le Gouvernement, qui partage votre souci d’améliorer la qualité de la législation, est favorable à l’amendement 66 rectifié. Le Conseil d’État en avait d’ailleurs relevé la nécessité dans son rapport annuel en 2006 et beaucoup de circulaires avaient été prises depuis plusieurs années, hélas sans succès. Le seul moyen de rendre ces études d’impact obligatoires est de les prévoir au moins dans une loi organique. Reste à déterminer comment sanctionner le non-respect de cette disposition. On peut envisager que les deux Conférences des présidents bloquent dans ce cas la discussion du texte, comme y tend le sous-amendement 589 modifié, ou bien, comme le proposait initialement M. Copé, prévoir une saisine du Conseil constitutionnel pour qu’il oblige le Gouvernement à revoir sa copie. Je me prononce en faveur de la première solution, à laquelle M. Copé s’est d’ailleurs rallié.

Mme Catherine Coutelle – Mme Zimmermann avait déposé un amendement 178 rectifié qu’elle ne peut défendre, n’étant plus là. Elle demandait dans son exposé sommaire qu’en sus des études d’impact, soit également imposée, préalablement au dépôt d’un projet de loi, une étude de genre, c’est-à-dire une étude de l’impact du texte du point de vue de l’égalité entre hommes et femmes. Nous aurions aimé pouvoir voter cet amendement et assurer ainsi un second succès à Mme Zimmermann ce soir…

Le sous-amendement 589 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 66 rectifié ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – L’amendement 299 rectifié tombe.

M. Jean-Christophe Lagarde – Il me paraît assez curieux d’avoir décidé en adoptant ce sous-amendement que les projets de loi ne pourront être inscrits à l’ordre du jour tant que les conférences des présidents constatent « conjointement » que les règles fixées par la loi organique ont été méconnues. Nous pourrions en effet nous retrouver dans la situation où la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale considérerait que la loi organique n’a pas été respectée mais où nous devrions tout de même examiner un texte, la Conférence des présidents du Sénat ayant décidé, elle, qu’elle l’a été.

L’amendement 421 permettrait à la Conférence des présidents, et non pas seulement au président d’une assemblée, de soumettre une proposition de loi pour avis au Conseil d’État.

L'amendement 421, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier – L’amendement 394 est défendu.

L'amendement 394, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 67 est de précision.

L'amendement 67, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Par notre amendement 525, nous proposons qu’une loi d’initiative citoyenne puisse être déposée par un vingtième des électeurs inscrits sur les listes électorales et qu’elle soit d’office inscrite à l’ordre du jour des assemblées après vérification du nombre et de la validité des signatures. Une telle possibilité existe dans d’autres grandes démocraties.

L'amendement 525, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 14 modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 28 mai, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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