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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 28 mai 2008

1ère séance
Séance de 15 heures
172ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

PIRATAGE SUR INTERNET

M. Jean Dionis du Séjour – Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication. Le 1er août 2006, le Parlement adoptait définitivement le projet de loi relatif aux droits d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, qui avait pour louable objectif de définir un nouveau modèle juridique et économique prenant en considération notre environnement Internet et fondant le principe d’une juste rémunération des activités de création.

Pour le dire sans ménagement, cette loi a échoué, et nombre d’entre nous n’ont pas oublié ce naufrage. Dès le début du nouveau quinquennat, le Gouvernement en a pris acte en confiant à la mission Olivennes le soin d’étudier à nouveau cette question majeure, complexe et très sensible. Le 23 novembre 2007, il en est résulté des accords entre les professionnels de la création et de l’Internet, destinés à lutter contre le piratage des œuvres en ligne. Ainsi, les industries culturelles se sont-elles engagées à améliorer l’offre en ligne et à faire en sorte que l’on puisse écouter sur tous les matériels une œuvre légalement acquise. Les accords prévoient en outre un dispositif de prévention et de sanction du piratage, inclus dans le projet de loi « Création et Internet » qui sera bientôt soumis à notre Assemblée.

Or, ce projet fait couler beaucoup d’encre. Certains membres du Parlement européen s’interrogent publiquement sur l’une des solutions envisagées : la suspension de l’accès Internet. Le groupe Nouveau centre est lui aussi très réservé quant à la faisabilité et à la légalité de cette suspension.

Pour l’heure, ma question est juridique : cette solution est-elle compatible avec le droit communautaire et avec le droit français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication – Signés par tous les professionnels du secteur, y compris les fournisseurs d’accès à Internet, les accords de l’Élysée ont en effet débouché sur un texte complétant le projet de loi DADVSI, efficace contre les « gros » pirates qui détruisent les systèmes, mais non contre les « petits », notamment les jeunes. Après avis de la CNIL, le projet est actuellement examiné en Conseil d’État et sera présenté en conseil des ministres dans la première quinzaine de juin, avant d’être soumis sans tarder au Parlement. La mauvaise situation de notre industrie musicale et cinématographique, de plus en plus menacée, l’exige.

Les professionnels avaient tout intérêt à approuver ce texte, qui vise à développer l’offre légale en en accélérant la diffusion, en réduisant son coût et en diversifiant son contenu. Le dispositif qu’il instaure repose essentiellement sur la pédagogie : l’autorité de régulation adressera d’abord au pirate des messages personnalisés, puis une lettre recommandée, et ne suspendra son abonnement qu’en dernier recours. En outre, la durée de la suspension sera réduite si le contrevenant s’engage à ne pas récidiver.

Ce dispositif est conforme aux règles constitutionnelles et communautaires, notamment à la jurisprudence la plus récente de la CJCE, dont témoigne la décision « Promusicae » de février 2008. En effet, il permet un recours devant le juge ; il ne suppose aucun filtrage généralisé des réseaux ; il ne charge pas les fournisseurs d’accès de faire la police ; enfin, il ne contrevient nullement à la directive sur la protection des données personnelles.

Ce texte vise à concilier la liberté de surfer sur Internet avec celle de créer et d’être rémunéré pour sa création. Les Français l’ont bien compris, et ils en approuvent l’esprit !

SITUATION DES PÊCHEURS

M. Daniel Fasquelle – Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. J’y associe tous les parlementaires UMP qui, comme moi, sont particulièrement attentifs à la situation de la pêche française.

Les marins-pêcheurs de la Coopérative maritime étaploise et plusieurs responsables nationaux du secteur, avec lesquels je me suis longuement entretenu samedi dernier, m’ont à nouveau fait part des problèmes auxquels l’augmentation du prix du gazole les confronte, et de leur perplexité face à l’impuissance de la politique européenne à remédier à la hausse du prix du carburant et à gérer la ressource. Ainsi, comment comprendre la fermeture du quota de cabillaud alors que pêcheurs et scientifiques en constatent l’abondance dans l’est de la Manche et au sud de la mer du Nord ?

À l’heure où de regrettables débordements menacent toute la filière de transformation et de consommation du poisson, de quelles mesures concrètes les marins-pêcheurs et leurs entreprises bénéficieront-ils sans tarder ? Si le gouvernement français a immédiatement pris les décisions qui s’imposaient, les seules possibles dans le cadre européen, comment faire entendre à l’Union européenne le message des pêcheurs, notamment dans le secteur de la pêche artisanale ? Comment inciter l’Union à satisfaire les professionnels de la mer en favorisant une pêche durable, protectrice de la ressource et de l’emploi ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche  Les pêcheurs français sont durement frappés par une hausse insensée du prix du gazole, qui a augmenté de 20 centimes en six mois – contre 20 centimes en deux ans auparavant. Le Gouvernement a entendu leur détresse et y répondra par des mesures d’urgence et par des mesures structurelles.

Nous allons apporter en urgence un soutien social au revenu des pêcheurs, avec une première enveloppe de 40 millions d’euros pour les prochains mois. Nous allons également accélérer le versement de 22 millions d’euros d’aides à toutes les entreprises de pêche, dans le respect des règles communautaires : ces aides seront versées dans les prochains jours, en tout cas avant le 15 juin.

Au-delà de l’urgence, le Gouvernement a décidé d’accélérer la mise en œuvre du plan que j’avais présenté à la demande du Président de la République le 16 janvier : ce sont 310 millions d’euros de crédits européens et nationaux qui sont mobilisés, avec l’aide de nombreuses collectivités locales, pour restructurer la pêche française et lui donner un horizon. Ce plan sera exécuté en deux ans au lieu de trois.

Mais il ne s’agit pas seulement d’une question française. J’ai donc commencé à travailler hier, avec mes homologues européens, à une série de propositions que nous ferons à la Commission européenne pour adapter la politique commune de la pêche, notamment en créant de nouveaux outils communautaires – si nous voulons garder une pêche européenne. Dans le même esprit, nous allons discuter de la modernisation de la gestion des quotas de pêche.

Face à une telle crise, la violence et la polémique ne sont d’aucune utilité. J’en appelle à la responsabilité des marins-pêcheurs, qui doit les conduire à mesurer l’engagement du Gouvernement et à reprendre la mer le plus vite possible (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PRIX DE L’ÉNERGIE

M. Philippe Vuilque – Hier, le prix du baril a atteint 133 dollars. Et on nous dit que le pire est à venir ! Les causes de cette envolée sont connues, et les conséquences pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens catastrophiques. Entreprises de transport, pêcheurs, agriculteurs sont – parmi d’autres – durement touchés. Or le Gouvernement apporte à cette situation une réponse hypocrite qui n’est pas à la hauteur. Certes, vous ne pouvez maîtriser les cours, mais vous pouvez limiter l’impact de cette augmentation – ce que ne font pas les mesurettes annoncées.

Vous refusez le rétablissement de la TIPP flottante que nous ne cessons de réclamer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous refusez la mise en place du chèque transport que vous n’avez pas sérieusement envisagé (Même mouvement). Vous refusez la taxation des bénéfices des compagnies pétrolières, alors qu’elles tirent profit de cette augmentation sur le dos des consommateurs, en répercutant immédiatement les hausses à la pompe alors qu’elles ont acheté leurs stocks à un prix inférieur (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. François Grosdidier – N’importe quoi !

M. Philippe Vuilque – Dois-je vous rappeler que Total a réalisé un bénéfice record de 13 milliards d’euros ? Se borner, Monsieur le Premier ministre, à inviter mollement les dirigeants du groupe à modérer leurs appétits ne suffit pas : c’est même indécent. Allez-vous enfin mettre en place les mesures que nous vous proposons, et qui s’imposent pour amortir ce nouveau prélèvement intolérable sur le pouvoir d’achat des Français, et notamment des plus démunis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Je vous trouve bien sévère, et surtout démagogue ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le Président de la République a indiqué hier que la priorité du Gouvernement était de tenir compte de l’augmentation du prix du pétrole ; mais il ne le fera pas en trompant les Français ! La réalité, c’est que l’augmentation du cours du pétrole est un phénomène structurel, et non conjoncturel. Le Gouvernement a préféré une réponse de long terme, avec le Grenelle de l’environnement. Mais il y a aussi des réponses à court terme, et elles sont tout à fait à la hauteur de l’enjeu.

Vous réclamez le rétablissement de la TIPP flottante ; mais lorsque vous l’avez mise en œuvre, elle s’est révélée illisible et coûteuse – 2,7 milliards d’euros en un an et demi (« Et le paquet fiscal ? » sur les bancs du groupe SRC) – pour un piètre résultat : moins trois centimes d’euros à la pompe ! Pardonnez-moi ce jeu de mots, mais c’est une usine à gaz ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP) Quant au chèque transport, il existe déjà. Simplement, il suppose – comme les chèques restaurant – un accord entre l’entreprise et les salariés. Le Gouvernement va les y encourager. En ce qui concerne la fiscalité des groupes pétroliers, j’estime d’abord que nous devrions être fiers des performances de Total…

M. Maxime Gremetz – Arrêtez !

M. Éric Woerth, ministre du budget – J’observe ensuite que cette entreprise réalise la majeure partie de ses profits à l’étranger, ce qui ne nous permet pas de les taxer (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). À elle d’organiser une juste redistribution de ses profits. C’est ce qui a été fait l’an dernier pour le financement de la prime à la cuve. Enfin, en ce qui concerne la TVA, le Gouvernement rendra les recettes supplémentaires liées à l’augmentation des prix du pétrole (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

CRISE DU LOGEMENT

M. Jacques Desallangre – La crise du logement est de plus en plus préoccupante. Plus de 3 millions de personnes sont mal logées, un million sont logées par des proches et 100 000 sont sans domicile. Les locataires, eux, subissent de plein fouet l’explosion des loyers. Les dépenses de logement représentent près du quart du budget des ménages – jusqu’à 50 % pour les plus modestes. Plus de 1 600 000 demandes de logements sociaux sont insatisfaites, et le besoin immédiat de logements sociaux est évalué à 800 000 – la demande ne devrait d’ailleurs cesser de croître dans les prochaines années. Votre réforme du livret A, sous la pression de la très libérale Commission européenne, laisse craindre en outre un détournement de l’épargne populaire qui finance aujourd’hui le logement social.

La loi SRU, votée en 2000, visait à imposer la construction de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants. Mais nombre de maires de villes riches – Neuilly, par exemple – refusent de l’appliquer, considérant que les sanctions financières ne sont que le prix – dérisoire – à payer pour ne pas respecter la loi. Il faut donc, Madame la ministre du logement, user des prérogatives de la puissance publique : en cas de carence, l’État doit se substituer à la commune défaillante – aux frais et aux risques de celle-ci – en confiant à un organisme social la mission de construire les logements sur son territoire, et en ignorant l’excuse du manque de terrain : on en trouve bien quand il s’agit de construire des logements de standing ! Il est temps de montrer que la loi républicaine s’ impose à tous et que le logement social est une priorité. Proposerez-vous cette mesure dans le texte que vous nous soumettrez prochainement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR)

M. le Président – La parole est à Mme la ministre du logement et de la ville.

M. Patrick Roy – Et des loyers chers !

M. le Président – C’est lassant, Monsieur Roy…

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Voici mes deux priorités : une politique d’incitation et d’encouragement pour les élus qui construisent ; de la fermeté et des sanctions pour ceux qui seraient déficients (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

Depuis la loi SRU, les communes sont soumises à un prélèvement lorsqu’elles ne respectent pas le seuil de 20 % de logements locatifs sociaux. Comme vous le savez, le préfet peut, par arrêté, dresser un constat de carence, après avoir échangé avec le maire, et s’il apparaît que l’effort restera insuffisant. Je n’ai pas attendu la promulgation d’un texte à venir pour, le 30 janvier dernier, envoyer une circulaire aux préfets leur demandant d’appliquer avec rigueur la procédure du constat de carence. Sur la base de l’inventaire des logements locatifs sociaux de 2007, 730 communes demeurent en dessous du seuil de 20 %. Au plan national, le montant des prélèvements qui en a découlé s’est élevé à 31 millions. Pour les communes qui ne tiennent pas leur objectif de rattrapage (« Neuilly ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), la procédure du constat de carence a été mise en œuvre de manière bien plus volontariste que dans la période triennale précédente.

Dans les communes où les efforts attendus ne seront pas faits, j’ai demandé aux préfets de réaliser directement les logements sociaux, en passant une convention avec un organisme HLM…

M. Francis Vercamer et M. François Rochebloine – Très bien.

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Parallèlement, nous incitons à la construction de logements sociaux en mobilisant plus de 100 000 PLUS et PLAI, ainsi que 42 000 PLS. Comme vous le constatez, ma détermination est totale et il n’y aura pas d’exception. S’agissant de Neuilly-sur-Seine, je tiens à vous dire que les efforts accomplis ont été importants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Roland Muzeau – À Neuilly, on met des enfants de banquiers dans les HLM !

LOI DE MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE

M. Olivier Dassault – Moderniser notre économie, c’est un peu partir à la reconquête du monde. Vous l’avez bien compris, Madame la ministre de l’économie, puisque, pour la première fois, vous avez souhaité intégrer la préoccupation de l’attractivité aux propositions dont nous allons débattre. Le pouvoir d’attraction d’un pays, c’est sa capacité à séduire, à attirer à lui les talents, les énergies et les investissements. C’est aussi, bien entendu, savoir retenir sur son territoire ses propres atouts, afin que celles et ceux qui veulent réussir ne tentent pas leur chance ailleurs.

Pour stimuler les implantations d’entreprises et les investissements chez nous plutôt que chez nos voisins, être les pionniers de la radio en fréquence numérique, répondre aux attentes des entrepreneurs et de nos concitoyens afin que, partout, ils puissent bénéficier de la meilleure couverture en téléphonie mobile, pouvons-nous compter sur la loi de modernisation de l’économie ? Pouvez-vous nous convaincre que nous avons raison de faire avec vous le pari de l’innovation et de la modernité, afin de permettre à la France de retrouver la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre en Europe : la première ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement – Monsieur le président du groupe d’études sur l’attractivité et le rayonnement de la France, je sais combien vous êtes attaché à la défense du pouvoir d’attraction économique de notre pays…

M. Jean-Pierre Brard – Il est surtout attaché aux coffres-forts !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Nous avons trois challenges à relever…

M. Jean-Pierre Brard – Parlez français !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – …attirer les capitaux, attirer les savoirs et attirer les talents.

S’agissant des capitaux, notre pays se situe au troisième rang mondial pour ce qui concerne les investissements étrangers, avec 123 milliards en 2007, ce qui représente 20 000 entreprises et 2 millions de collaborateurs installés chez nous. Un chapitre entier de la LME vise à moderniser la place financière de Paris, à la suite des travaux menés à l’initiative de Christine Lagarde sur le haut comité de place.

M. Maxime Gremetz – Vive la spéculation !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Nous pouvons attirer les connaissances grâce à notre crédit impôt-recherche, qui est le plus compétitif des pays de l’OCDE. En outre, la LME comprendra des dispositions en faveur du haut-débit, pour nous aider à prendre le virage de l’économie numérique.

Enfin, dans la perspective d’attirer les talents, le projet de loi prévoit de favoriser la venue de cadres étrangers de haut niveau.

Le Gouvernement est, comme vous, totalement mobilisé pour gagner cette bataille décisive (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

LIBAN

M. Étienne Pinte – Monsieur le ministre des affaires étrangères, j’associe à ma question l’ensemble des membres du groupe d’amitié France-Liban à l’Assemblée nationale.

Avec mes collègues Catherine Génisson et Élie Aboud, nous avons eu la joie de vous accompagner dimanche à Beyrouth, pour l’élection tant attendue du président de la République libanaise. C’est une étape importante dans le processus de paix et de stabilisation politique. Malheureusement, elle ne résout pas tout et les affrontements violents qui ont eu lieu la semaine dernière sont très inquiétants. Bien entendu, cette élection aura aussi des répercussions sur la situation dans l’ensemble du Proche et Moyen Orient.

Monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les perspectives ouvertes par cette embellie ? Que compte faire la France pour accompagner nos amis libanais et contribuer à la paix dans cette région du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes  Nous nous sommes réjouis de l’accord de Doha, et que l’élection présidentielle libanaise ait enfin pu avoir lieu. Cela faisait un an et demi que nous l’attendions ! Alors que les dix-neuf séances précédentes du Parlement n’avaient rien donné, nous avons eu la bonne surprise de voir le processus aboutir dimanche. Le député Fouad Siniora a ensuite été réélu à la tête du gouvernement libanais, ce qui est de bon augure car il travaille fort bien. L’unanimité s’est dégagée autour de lui, et il y a tout lieu de s’en féliciter.

Il reste que le système électoral n’a pas été précisé à Doha comme il devait l’être. Le président Michel Sleimane et le Premier ministre devront y veiller, d’autant que des élections auront lieu en 2009 et qu’il y a tout lieu de craindre que la campagne ne soit rude tant il est vrai que, sur le fond, peu de choses ont été réglées.

L’initiative française avait abouti à trois points d’accord entre l’opposition et la majorité. Remis en cause ensuite, ils ont été repris par la Ligue arabe, et permis d’aboutir à Doha au « miracle libanais ». Mais vous avez eu raison de rappeler qu’avant ce « miracle », il y avait eu 60 morts et 200 blessés dans les rues de Beyrouth et de Tripoli, ce qui ne témoigne pas de relations normales entre majorité et opposition. Cependant, du Hezbollah aux forces libanaises, tout le monde approuve l’élection du président Sleimane.

La France ne s’en tiendra pas là, et continuera notamment d’entretenir un dialogue sans concessions avec la Syrie et l’Iran, pour aider nos amis libanais à surmonter les épreuves physiques et économiques qu’ils ont traversées : les Libanais ont perdu 20 % de pouvoir d’achat,…

M. Paul Giacobbi – Les Français aussi !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  …les banques ne fonctionnaient plus et les entreprises étaient fermées. Aujourd’hui, nous abordons une nouvelle étape, encourageante dans la mesure où, dans la région, d’autres étapes ont été franchies, entre la Syrie et Israël par l’intermédiaire de la Turquie, ainsi qu’entre le Hamas et Israël par l’entremise des Égyptiens. Il souffle un vent d’espoir qui ne doit pas retomber (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MIXITÉ SCOLAIRE

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Monsieur le Premier ministre, subrepticement, à la faveur du projet portant diverses dispositions d’adaptations du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations – c’est là le comble – votre gouvernement vient de faire adopter une mesure qui tend à remettre en cause le principe de mixité à l’école, nous ramenant trente ans en arrière.

Alors qu’il n’y avait en la matière aucune obligation de la part de la Commission européenne, pourquoi vous attaquer en catimini au principe fondateur de la mixité scolaire ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Par là, vous portez un coup à l’école laïque et républicaine dont la mission ne saurait se résumer à transmettre des savoirs, mais qui se doit aussi d’être le creuset du savoir être à l’égard de l’autre et de la société. Filles et garçons, ensemble, y apprennent à s’écouter, à se respecter, à se reconnaître dans une communauté de destin s’appuyant sur les valeurs républicaines. Et j’espère qu’au delà de nos différences politiques, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à penser, contrairement aux assertions du Président de la République dans son discours de Latran, que les enseignants ont bien un rôle fondamental dans la transmission de ces valeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Alors que, le 6 juin prochain, les assises du Centre national d’information du droit des femmes et des familles se réuniront autour du thème « Agir contre les discriminations sexistes et œuvrer pour l’égalité : un défi permanent », pouvez-vous nous assurer que cette disposition rétrograde et perverse ne sera pas mise en oeuvre dans l’éducation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Je vous rassure. La directive, telle qu’elle a été adoptée, ne crée pas une situation nouvelle, mais maintient le droit antérieur. Le Gouvernement, et en particulier le ministre de l’éducation nationale, ne sauraient bien évidemment encourager quelque forme de discrimination que ce soit.

Le maintien de cette directive peut être utile. Pour un certain nombre d’enseignements, les professeurs et les élèves eux-mêmes souhaitent que la séparation entre filles et garçons puisse se faire, par exemple pour la piscine dans certains établissements (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Puisque vous êtes de ceux qui protestent, Monsieur Lang, puis-je vous rappeler que vous aviez instauré, à mon avis à juste titre, l’étude séparée de la sexualité, à la demande des élèves, dans les classes du collège ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC) Pour une fois, Monsieur le ministre, je n’ai pas l’intention de modifier ce que vous aviez installé.

Il n’y pas là motif à se scandaliser, même s’il faut être vigilant : il ne faut pas que ces dispositifs rarissimes, utilisés à la demande d’enseignants et parfois d’adolescents, dans des situations exceptionnelles, puissent se généraliser. Cela irait à l’encontre de ce que nous pensons. Nous ne souhaitons pas que la mixité soit remise en cause, ni qu’on puisse imaginer d’aucune manière que nous souhaitons des enseignements séparés. Mais nous respectons le statu quo – qui n’a d’ailleurs jamais troublé la communauté éducative (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DON DU SANG

M. Philippe Gosselin – Chaque année en France, un million de malades ont recours aux produits sanguins, mais le don du sang, pour des raisons de sécurité, est strictement réglementé. En outre, une nouvelle directive européenne conduit à écarter du don certaines personnes, pour anémie par exemple. Or, du fait de l’allongement de l’espérance de vie et du développement de nouvelles techniques thérapeutiques, la demande ne cesse d’augmenter, tandis que les dons diminuent. Actuellement, 4 % de Français donnent leur sang, soit 1 500 000 personnes seulement. Les périodes de tension sont donc de plus en plus fréquentes.

Pour améliorer la situation, différentes propositions ont été évoquées : relèvement de l’âge limite pour les dons, mobilisation des étudiants et lycéens et même, invitation au don par texto à l’initiative de l’Établissement français du sang.

Quelles mesures, Madame la ministre de la santé, le Gouvernement envisage-t-il de prendre dans ce domaine ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative  En 2007, les dons du sang ont permis l’autosuffisance. Mais en 2008, la demande de sang augmentera de 5 % en raison de l’augmentation de l’espérance de vie, de l’utilisation de produits sanguins pour certaines thérapeutiques comme la chimiothérapie des cancers et des leucémies, et parce que les professionnels ont retrouvé confiance en la qualité des produits.

D’autre part, l’interdiction d’accepter les dons de personnes anémiées, du fait de la directive européenne sur le contrôle du taux d’hémoglobine, aboutira à diminuer le nombre de donneurs de 2 à 8 %.

Pour résoudre ces problèmes, l’association française des donneurs de sang, dont je salue l’action, et l’Établissement français du sang, se mobilisent dans une stratégie de conquête. Il faut d’abord fidéliser les donneurs, l’objectif étant de faire passer de 1,6 à deux le nombre de dons par an. Il faut ensuite augmenter le nombre de donneurs : 90 % des Français seraient prêts à faire le geste, mais seuls 4 % le font. Aussi, avec l’Établissement français du sang, allons-nous mener une campagne de communication et multiplier les lieux où l’on pourra donner son sang. La collecte mobile représente 80 % du total, mais on peut installer des maisons du don et des lieux de collecte en centre ville. D’autre part je prépare un arrêté qui accroîtra les possibilités de dons, notamment en relevant l’âge limite de 65 à 69 ans.

À l’Assemblée et dans chaque ministère, il existe des journées de collecte. Je vous engage tous à donner votre sang (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – En effet, l’Assemblée organise régulièrement des journées de don du sang. J’invite nos collègues et nos collaborateurs à se rappeler que, ce jour là, un geste de leur part peut sauver des vies (Applaudissements sur de nombreux bancs).

DÉVELOPPEMENT DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

M. Jean-Michel Fourgous – L’économie numérique, avec la maîtrise des nouvelles technologies et l’accès de tous au haut débit, est un accélérateur de la connaissance. Il y a là un enjeu à la fois économique et sociétal. Le développement de l’informatique et d’Internet constitue un outil de croissance incontournable – le secteur représente déjà 6 % de notre PIB – et une source d’emplois pérennes. Les nouvelles technologies sont désormais les acteurs du changement dans notre société.

Mais si les technologies numériques représentent un quart de la croissance mondiale, l’investissement européen est deux fois moindre que celui des États-Unis, et la France, malgré son potentiel, se situe au-dessous de la moyenne. Pourtant, ne pas maîtriser Internet demain, ce sera comme être analphabète il y a vingt ans : nous ne pouvons pas nous permettre plus longtemps ce retard.

La réussite ne passe pas par des déclarations incantatoires contre le progrès ou par un affrontement permanent entre la gauche et la droite. Tout dépend de notre capacité à rassembler les compétences et à tirer profit de la révolution numérique. C’est un état d’esprit, une culture : pour gagner, il faut jouer en attaque plutôt qu’en défense.

À la veille du lancement des assises du numérique, pouvez-vous nous indiquer quels sont les grands chantiers que le Gouvernement entend mettre en place pour dynamiser l’offre et la demande du numérique en France ?

M. le Président – La parole est à M. Éric Besson (Lazzi sur les bancs du groupe SRC ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Éric Besson, secrétaire d’État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique – Un mois de concertation, un mois de rencontres et de débats : les assises du numérique permettront de préparer le plan de développement de l’économie numérique demandé par le Premier ministre. Les parlementaires de la majorité et de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), les principaux acteurs du web et les internautes, qui pourront nous faire part de leurs propositions sur www.assisesdunumerique.fr-->, seront associés.

Nous voulons créer un droit à l’accès Internet haut débit, fixe et mobile, sur tout le territoire. Nous voulons réussir le passage à la télévision numérique, qui permet une meilleure qualité d’images et l’accès à 18 chaînes gratuites. Nous voulons réduire la fracture numérique…

M. François Hollande – Et la fracture morale ?

M. Éric Besson, secrétaire d’État – …en faisant en sorte qu’aucun enfant ne soit privé de l’accès à un ordinateur et à l’Internet. Nous voulons favoriser l’accès légal à la musique, aux films, aux jeux vidéo. L’Internet doit être mieux utilisé dans les secteurs de la santé, de l’éducation, du commerce, dans les relations avec l’administration.

Le Premier ministre a arrêté hier la méthode et le contenu de ces assises. Le Gouvernement proposera demain vingt-sept pistes de travail, que nous transformerons en propositions pour faire de la France une grande nation numérique. Prenons le meilleur de l’Internet ; c’est un enjeu économique, industriel, social et culturel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

LIBÉRALISATION DE LA SANTÉ

Mme Dominique Orliac – Notre système de santé connaît des dérives mercantiles et devient la cible d’investisseurs financiers. Les pharmaciens et les étudiants en pharmacie, mobilisés aujourd’hui dans toute la France, sont inquiets pour l’avenir de leur profession, et plus généralement pour la qualité des soins apportés aux Français.

Madame la ministre de la santé, vous avez décidé d’autoriser la vente au comptoir des pharmacies de plus de deux cents médicaments d’usage courant, délivrés sans ordonnance et non remboursés. Cette vente reste encadrée par le pharmacien, dont les compétences sont validées par un concours national, six années d’études et un doctorat.

M. Lucien Degauchy – C’est à cause des 35 heures !

Mme Dominique Orliac – Depuis plusieurs mois nous assistons à l’offensive de la grande distribution, plus intéressée par l’argent des Français que par leur santé, qui entend profiter de la logique de libéralisation pour disposer ces médicaments dans les rayons des grandes surfaces. Les prix ne baisseraient pas : un anti-inflammatoire vendu aujourd’hui dans un supermarché italien coûte deux fois plus cher que dans une officine française.

Plus grave encore, l’offensive des investisseurs financiers sur les professionnels et les services de santé : les fonds de pension étrangers, mus par la recherche de la rentabilité, tentent de prendre le contrôle de la pharmacie et de son maillage de 23 000 officines, et plus largement du secteur de la santé.

Après les franchises médicales et les graves atteintes au pouvoir d’achat des Français, le Gouvernement entend-t-il poursuivre le démantèlement de notre système de santé, l’un des meilleurs au monde ? Madame la ministre, cherchez-vous à libéraliser la santé au profit d’investisseurs financiers ? La présidence française de l’Union ne serait-elle pas l’occasion de rédiger une directive excluant la santé des services marchands ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative Il y a quelques années, j’aurais aimé que les membres de votre groupe soient à mes côtés pour défendre la qualité de l’exercice pharmaceutique ; vous n’aviez alors pas de mots assez violents pour dénoncer le lobby des pharmaciens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je suis à la manœuvre (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) pour défendre ce secteur. Le médicament n’est pas un produit comme les autres et je souhaite que sa vente soit exercée par les pharmaciens. C’est pourquoi je me suis prononcée clairement contre la vente dans les grandes surfaces : ce n’est pas parce qu’un docteur en pharmacie est choisi comme chef de rayon qu’il remplit les garanties pour exercer la profession de pharmacien !

Le monopole pharmaceutique doit demeurer celui des docteurs en pharmacie, propriétaires de leur officine, inscrits à l’ordre, respectant un code de déontologie et soumis à une formation continue. Je défendrai cette position devant la Commission, comme je l’ai toujours fait, aussi bien pour la pharmacie d’officine que pour la biologie et pour l’ensemble de notre système de santé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC).

TABAGISME CHEZ LES JEUNES

M. Yanick Paternotte – Les études récentes sur la consommation de tabac chez les jeunes s’accordent toutes sur le fait que les cigarettes sucrées constituent une incitation redoutable. Si les dispositifs anti-tabac mis en place par les pouvoirs publics ont bien fonctionné, il nous faut encore lutter contre le tabagisme des jeunes, thème de la prochaine journée mondiale sans tabac, le 31 mai.

Je suis l’auteur, avec Mme Louis-Carabin, MM. Calméjane, Ciotti et Moyne-Bressand de deux amendements au projet de loi de finances rectificative pour 2007, qui visaient à taxer le papier à rouler à même hauteur que le tabac et à rationaliser l’offre de tabac à rouler. En outre, j’ai déposé en mars une proposition de loi visant à prohiber la vente des produits du tabac à des mineurs, à interdire les cigarettes « bonbons », à rationaliser l’offre du tabac à rouler et à taxer le papier à rouler.

Les cigarettes bonbons sont vendues sous deux marques par un seul et unique cigarettier hollandais, non implanté en France et donc difficilement contrôlable. Je vous demande d’interdire purement et simplement ces deux marques, qui ont pour unique objet de cibler précisément les jeunes. D’autre part, la vente de tabac à rouler est en hausse, son prix étant plus attractif que celui des cigarettes.

M. le Président – Veuillez poser votre question.

M. Yanick Paternotte – Envisagez-vous de taxer le papier à rouler, qui sert d’ailleurs à fumer bien d’autres choses que le tabac, afin que la différence de prix entre tabac à rouler et cigarettes soit réduite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz – Lui, il fume le cigare !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative  Des études tout à fait fragmentaires, dont une strictement parisienne, ont pu laisser croire que la tabagisme des jeunes était en hausse dans notre pays. Il n’en est rien. Les enquêtes épidémiologiques globales montrent que le tabagisme est revenu, entre 1999 et 2007, de 33 à 16 % chez les jeunes garçons et de 30 à 18 % chez les filles. Il y a différentes raisons à cela : l’augmentation de la fiscalité, les inscriptions sur les paquets de cigarettes, l’interdiction de vente aux moins de 16 ans, les campagnes d’information, le soutien aux associations.

Mais des points d’inquiétude subsistent. Le nombre de gros fumeurs ne baisse pas chez les jeunes. Surtout, la consommation de tabac par narguilé est en forte augmentation : un jeune sur trois est concerné à 16 ans. Or, il y a autant de monoxyde de carbone dans une bouffée de narguilé que dans une cigarette entière !

M. le Président – Écoutez, Monsieur Gremetz ! Pensez à votre santé ! (Sourires)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé  Par ailleurs, il faut constater que l’interdiction de vente aux moins de 16 ans n’est pas appliquée. Je vous remercie, Monsieur Paternotte, ainsi que vos collègues, d’avoir étudié ces questions et de nous avoir proposé des pistes. Nous sommes en train de les étudier et le 31 mai, journée mondiale contre le tabac, je proposerai un durcissement de la législation qui ira dans votre sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

PRIVATISATION DU SECTEUR DE L’INSERTION

M. Jean-Paul Dupré – Favoriser l’insertion est l’un des éléments essentiels de la lutte contre la précarité. C’est un devoir de solidarité nationale. Pourquoi remettre en cause ce qui fonctionne bien dans ce domaine, comme les missions locales d’insertion ou l’association nationale pour la formation professionnelle des adultes ? La lutte contre la précarité dans le domaine de l’emploi serait-elle en passe de devenir un marché lucratif pour les opérateurs privés ? C’est la question que l’on peut se poser après l’appel d’offres qui a immédiatement suivi, fin mars, l’annonce d’un contrat d’autonomie dans le cadre du plan Espoir Banlieues – une opération lancée à la hussarde, sans concertation avec le conseil national des missions locales et qui a suscité l’inquiétude des élus locaux et des missions locales. Celles-ci, investies d’une mission de service public par la loi du 18 janvier 2005, se retrouvent en effet mises en concurrence avec des opérateurs privés, alors que les préfets et les directions régionales du travail et de l’emploi vantent leurs résultats. Et qu’en sera-t-il de l’AFPA, qui forme 160 000 personnes par an, dont 70 % trouvent un travail, mais dont une partie de l’activité doit pourtant être transférée vers les services marchands ?

Le traitement de la précarité et de l’insertion, relevant de la solidarité nationale, doit être confié à des structures œuvrant hors du périmètre marchand. Allez-vous revenir à ces fondamentaux ? Renoncerez-vous à supprimer une grande partie des contrats aidés et à réduire les aides à l’emploi ? C’est cela qu’attendent nos concitoyens, qui désapprouvent à 67 % votre politique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville – Le Gouvernement a fait du plein emploi son objectif prioritaire – un objectif inenvisageable il y a quelques années, mais qui est aujourd’hui à notre portée. Je préfère donc parler d’emploi plutôt que d’insertion. Néanmoins, malgré des résultats très satisfaisants au niveau national, la situation reste préoccupante dans les quartiers prioritaires, notamment pour les jeunes.

Nous connaissons même une difficulté nouvelle : les jeunes peinent à trouver un emploi, mais les entreprises ont du mal à trouver de la main-d’œuvre. Cela est socialement inacceptable et politiquement dangereux. C’est pourquoi le Gouvernement a mis en place un dispositif novateur, qui mobilise à la fois les secteurs public et privé pour connecter la jeunesse avec les entreprises : le contrat d’autonomie. L’appel d’offres a été lancé le 28 mars et plus de 140 prestataires ont postulé, dans tous les départements. On peut donc déjà dire que ce contrat est un succès. Tous les opérateurs s’engagent : les entreprises bien sûr, mais aussi des associations, chambres consulaires, missions locales, centres de formation…

Ce partenariat entre le public et le privé crée une nouvelle dynamique au service de l’emploi. Les opérateurs seront payés aux résultats. Dès le mois de juin, j’entamerai un tour de France pour vérifier le bon fonctionnement du dispositif. Soyez assurés de la détermination de l’ensemble du Gouvernement pour agir sur tous les leviers de l’emploi durable. Je reste à la disposition de l’ensemble des élus pour qu’ils soient associés à cette dynamique nouvelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance est reprise à 16 heures 15.

MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE LA Ve RÉPUBLIQUE (SUITE)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

APRÈS L’ART. 14

M. Didier Migaud - Ce projet de révision constitutionnelle vise à revaloriser le rôle du Parlement, ce que nous sommes nombreux à souhaiter. Mais cette revalorisation passe, à mon sens, par la reconnaissance de la responsabilité des parlementaires. Or, l’article 40 de la Constitution de 1958 encadre de manière extrêmement stricte leur droit d’amendement dès lors qu’il leur interdit de faire toute proposition ayant pour conséquence d’alourdir la charge publique.

Avec Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, nous avons publié une tribune libre dans Le Monde proposant la suppression de cet article. Jean Arthuis et moi-même n’avons pas la réputation d’être irresponsables, étant même chargés d’apprécier la recevabilité financière des amendements de nos collègues, et nous avons, je le pense, le recul nécessaire pour apprécier les conséquences de l’article 40.

Les constituants de 1958 avaient souhaité encadrer le droit d’amendement pour imposer une plus grande responsabilité en matière budgétaire. Or, l’article 40 n’a pas empêché la dépense publique d’exploser ni la dette d’atteindre 1 200 milliards d’euros. La dégradation des comptes publics n’est donc pas imputable aux propositions des parlementaires.

Inefficace, l’article 40 a de surcroît des effets pervers. S’il est loisible à un parlementaire de proposer un amendement visant à réduire de plusieurs milliards d’euros le produit d’un impôt, sous réserve que cela soit, pour la forme, compensé par quelque taxe additionnelle, par exemple sur les tabacs, il lui est en revanche interdit de soumettre à discussion la possibilité pour une collectivité territoriale d’investir quelques centaines de milliers d’euros afin de créer de l’emploi. L’article 40 peut en outre être contourné de différentes façons, l’une des principales étant de proposer de la dépense fiscale, une autre étant de proposer une diminution des recettes ou un prélèvement sur celles-ci. Cet article 40 ne se justifie donc en rien, d’autant que le Gouvernement dispose de plusieurs moyens de contrecarrer une proposition parlementaire qui lui déplairait ou n’entrerait pas dans ses perspectives budgétaires – deuxième délibération, vote bloqué, article 49-3… qui continue d’exister. D’ailleurs, pendant longtemps, le Sénat a considéré qu’il pouvait s’exonérer de l’application de l’article 40, avant que le Conseil constitutionnel ne le rappelle à l’ordre. Pendant tout le temps où cet article n’y a pas été appliqué, aucune catastrophe n’a pourtant eu lieu.

Il est très important que les parlementaires puissent exercer pleinement leur droit d’amendement. C’est pourquoi nous proposons par notre amendement 23 de supprimer l’article 40. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. le Président – L’amendement 343 est identique. On peut considérer qu’il a été admirablement défendu par le président de la commission des finances…

Mme Martine Billard – Certes, mais appartenant à un autre parti politique, je souhaite expliquer pourquoi les députés Verts proposent eux aussi de supprimer l’article 40.

On peut rester dans l’hypocrisie et continuer de prétendre que sans cet article, députés et sénateurs pourraient provoquer l’explosion des dépenses publiques. Or, celles-ci ont explosé, en dépit de l’existence de l’article 40 et de son application très stricte. Cela n’a pas empêché depuis 2002 les exonérations fiscales non compensées de se multiplier, et même de fleurir depuis l’été 2007.

Le Gouvernement nous objecte toujours que nous n’avons rien à proposer et que nous ne faisons que nous opposer. Mais pour pouvoir élaborer un contre-projet à ses propositions, encore faudrait-il pouvoir proposer de créer certaines dépenses et d’en supprimer d’autres. Or, l’article 40 nous en empêche.

Enfin, chacun sait qu’il est facile de proposer de compenser une dépense supplémentaire par l’augmentation de la taxe sur les tabacs ou sur les jeux. Cela aboutit à déséquilibrer encore un peu plus les droits de la majorité et de l’opposition puisque nos collègues de la majorité peuvent présenter des amendements ainsi gagés, étant assurés que le Gouvernement lèvera le gage, alors que cela ne nous est pas possible.

Afin que l’on puisse véritablement discuter projet contre projet, il n’est pas bon que des amendements soient exclus a priori du débat (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. le Président – L’amendement 396 est identique. Nous l’avons déjà entendu défendre deux fois…

M. Jean-Claude Sandrier – Monsieur le Président, nous avons été très corrects hier soir…

M. le Président – C’est la moindre des choses.

M. Jean-Claude Sandrier – …et le débat a plutôt été au sein de la majorité.

M. le Président – Ce que je vous demande est de présenter votre amendement avec des arguments nouveaux.

M. Jean-Claude Sandrier – Hier soir, nous avons fait gagner du temps, ce qui ne signifie pas pour autant que d’autres en ont fait perdre (Sourires).

Les communistes ont toujours été fermement opposés à l’article 40 qui restreint considérablement le droit d’amendement et donc le pouvoir du Parlement. C’est avec plaisir que nous avons appris dans une tribune conjointe des présidents des commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat qu’ils rejoignaient notre position et demandaient eux aussi maintenant la suppression de cet article. Ils soulignaient dans leur texte qu’on ne pouvait « sans hypocrisie parler de revalorisation des droits du Parlement tout en conservant intact cet article. »

L’article 40 illustre le déséquilibre patent des pouvoirs respectifs du Gouvernement et du Parlement en matière législative. Il témoigne également d’un mépris du sens des responsabilités des parlementaires. Il a enfin pour effet de renforcer le poids exorbitant de Bercy, y compris sur le Gouvernement. Enfin, il est aberrant qu’un parlementaire puisse contribuer à la politique économique du pays en déposant un amendement entraînant une diminution du montant des recettes publiques, mais non l’inverse ! Pourquoi un député ne pourrait-il gager une dépense sur la suppression d’une mesure qui n’aurait pas démontré son efficacité économique, par exemple le bouclier fiscal…

M. Patrick Roy – Très bon exemple !

M. Jean-Claude Sandrier – …ou la compensation de l’exonération de cotisations sociales, que la Cour des Comptes ne juge guère utile à l’emploi ?

Il faut supprimer cet article, au nom du respect du Parlement et des parlementaires : les députés doivent pouvoir exercer librement leurs responsabilités de représentants du peuple. L’article 40 les infantilise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC)

M. le Président – Sur le vote de ces trois amendements identiques, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois – Avis défavorable à ces amendements, qui contredisent les dispositions adoptées la nuit dernière sur les lois pluriannuelles relatives aux finances publiques.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Même avis. Monsieur Migaud, on ne peut dire qu’au Sénat l’article 40 n’est pas appliqué : lorsque j’étais sénateur, il m’est arrivé d’opposer en séance l’article 40, au nom de la commission des finances, aux amendements que j’avais moi-même déposés !

M. Jean-Pierre Brard – Masochisme ! (Sourires)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Non, respect de la règle !

À l’heure où l’on cherche à rééquilibrer les comptes publics…

M. Patrick Roy – Il faut supprimer l’article 40 !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État …cet article de la Constitution de 1958 garde toute son utilité : il sert de garde-fou contre les tentations de réduction des recettes et d’augmentation des dépenses. Voilà pourquoi le Gouvernement y est profondément attaché.

Du reste, le Parlement dispose de pouvoirs budgétaires importants, comme M. Migaud le sait bien, la LOLF ayant étendu le droit d’amendement des parlementaires lors de l’examen du PLF et du PLFSS.

M. Gilles Carrez – J’ai écouté attentivement les plaidoyers en faveur de la suppression de l’article 40, notamment celui du président de la commission des finances. Si je partage en partie son diagnostic (Murmures sur les bancs du groupe SRC), je n’en tire pas les mêmes conclusions.

Il est vrai que cet article n’a pas empêché la dégradation de nos finances publiques et qu’il est aisé de le contourner en créant une dépense fiscale gagée sur une augmentation fictive des recettes, par exemple au titre des droits sur le tabac, ou en usant des prélèvements sur recettes. Mais, en le supprimant, on ne ferait qu’ajouter à ces possibilités celle de compenser une hausse des dépenses par des recettes supplémentaires non moins fictives.

Mieux vaut traiter le problème à la racine, en s’attaquant au problème de la dépense fiscale. Ainsi, ce matin, lors de la conférence des finances publiques qu’il présidait, le Premier ministre a proposé des mesures d’encadrement pluriannuel de la dépense fiscale. En outre, MM. Migaud, de Courson et moi-même travaillons à un rapport sur ce sujet, qui devrait être rendu public d’ici une quinzaine de jours.

D’autre part, grâce à la LOLF – M. Migaud le sait bien –, nous pouvons désormais compenser la hausse des crédits d’un programme par une baisse des crédits alloués à un autre programme de la même mission. Or, lors de l’examen du PLF pour 2007, puis pour 2008, les amendements parlementaires en ce sens étaient tout à fait raisonnables. Ce système fonctionne bien et doit donc être développé. Enfin, à partir du PLF pour 2009, la programmation pluriannuelle des dépenses devrait permettre aux rapporteurs spéciaux et pour avis de compenser plus facilement des dépenses d’un programme à l’autre.

Faut-il aller encore plus loin, en permettant le redéploiement de crédits d’une mission à l’autre ?

M. Jean-Christophe Lagarde et M. Charles de Courson – Oui !

M. Gilles Carrez – Je sais que M. de Courson se pose également cette question. Pour ma part, une telle disposition me semble prématurée étant donné la procédure budgétaire en vigueur, qui veut que les crédits soient votés mission par mission, à quelques jours d’intervalle. Sitôt votée, une mission ne peut plus être dégarnie pour augmenter les crédits d’une autre.

En somme, plutôt que de voter l’amendement 23, ce qui serait dangereux…

M. Patrick Roy – Non, courageux !

M. Gilles Carrez – …jugulons la dépense fiscale et n’hésitons pas à redéployer les crédits (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Charles de Courson – Je suis d’accord avec notre rapporteur général : l’analyse de M. Migaud n’est pas entièrement exacte. Selon lui, si nous échouons depuis plus de vingt ans à redresser les finances publiques, c’est que l’article 40 ne sert à rien ; mais, sans cet article, la situation ne serait-elle pas plus grave encore ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Depuis 1958, une réduction des recettes peut être compensée par une augmentation des recettes ; depuis la LOLF, une hausse des dépenses peut en outre être compensée par une baisse des dépenses au sein d’une même mission. Je l’ai dit au rapporteur général : je ne suis pas hostile à la possibilité de compenser également les dépenses d’une mission à l’autre. Supposons, par exemple, que je sois de gauche et que je souhaite davantage de moyens pour l’enseignement et moins de canons (Rires). Certes, le vote mission par mission ne permet pas de transférer d’une mission à l’autre des crédits déjà votés ; mais cette possibilité mérite d’être débattue.

Je voterai contre ces amendements de suppression de l’article 40, car nous avons trop souvent compensé des diminutions de recettes par des hausses fictives. Faisons amende honorable et reconnaissons notre laxisme : si l’on ajoutait tous les amendements gagés par les droits sur le tabac, un paquet de cigarettes coûterait cent euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

M. Didier Migaud - Le rôle du Parlement est en jeu. Il m’arrive de partager le point de vue du rapporteur général sur la gestion des finances publiques…

M. Gilles Carrez – C’est réciproque !

M. Didier Migaud – Mais comment peut-on douter à ce point de soi-même ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Pourquoi nous croire si peu capables de faire preuve de responsabilité ? Nous nous censurerions au point de nous interdire de débattre, alors même que le Gouvernement ne manque pas d’armes à opposer à des propositions qu’il jugerait déraisonnables – le débat, la seconde délibération, le vote bloqué, l’usage de l’article 49-3 ? Pourquoi alors ne pas réserver au seul Gouvernement l’invocation de l’article 40 ?

Vous n’opposez à cet amendement aucun argument de fond ; le conservatisme est votre seul argument (Protestations sur les bancs du groupe UMP). J’espère que le Sénat sera plus audacieux que nous – ce qui n’est pas exclu. Quelle honte pour nous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Jean-Christophe Lagarde – C’est un vœu pieux !

M. Pierre Lellouche – Pour une fois que le Sénat servirait à quelque chose – n’est-ce pas, Monsieur Migaud ?

M. le Président – Je vous en prie, Monsieur Migaud. Les parlementaires sont des parlementaires !

M. Didier Migaud – Monsieur le président, comportons-nous en élus responsables.

En outre, Monsieur le rapporteur, je ne vois pas en quoi la suppression de l’article 40 contreviendrait à la possibilité, adoptée hier, de débattre de lois de programmation visant à équilibrer les finances publiques.

M. le Président – Merci.

M. Didier Migaud - Reconnaissons donc que nous nous censurons, mais ne parlons plus de revalorisation du rôle du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. le Président – Trois cents amendements restent en discussion, dont plusieurs amendements de repli relatifs à l’article 40. Seuls quatre orateurs peuvent donc s’exprimer, deux pour défendre l’amendement, deux contre son adoption.

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur le président, si ma mémoire est bonne, en 1946, les débats ont duré plusieurs mois…

Madame la ministre, Monsieur le ministre, il est des clivages qui transcendent notre histoire. « Les Français ne sont pas faits pour la liberté : ils en abuseraient ! » disait Voltaire. C’est un peu ce que vous nous dites aujourd’hui… Mais Rousseau, lui, disait que « renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, et même à ses devoirs. » Renoncer à la liberté que notre peuple vous a donnée pour le défendre, c’est donc accepter d’être les membres d’un Parlement croupion ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Il y a deux articles verrous dans notre Constitution : l’article 16 et l’article 40. Or si vous prétendez renforcer les pouvoirs du Parlement, vous ne lâchez rien – car vous n’avez pas une conception démocratique de nos institutions (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je vous vois soupirer, Monsieur le ministre. Vous faites bien : dans Le Monde de cet après-midi…

M. le Président – Parlez-vous toujours de l’article 40 ?

M. Jean-Pierre Brard – Absolument : on est parfois obligé de faire quelques détours pour éclairer son propos… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Dans Le Monde de cet après-midi, donc, M. Copé a appris que ses propositions sur la redevance télévision étaient balayées. Vous me direz que cela n’a pas de rapport avec la réforme constitutionnelle. Bien sûr que si : c’est le Président de la République qui s’attribue des pouvoirs que lui dénie la Constitution ! En prétendant renforcer les droits du Parlement, vous ne faites que les encadrer davantage : l’article 40, vous y tenez comme à la prunelle de vos yeux !

Vous nous parlez sans cesse de réduire les déficits, mais vous ne voyez qu’une méthode pour cela : réduire les dépenses ! Il ne vous vient pas à l’esprit d’augmenter les recettes en vous en prenant à la cassette des privilégiés (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Le premier président de la Cour des Comptes vous dit que les 60 milliards d’allègements de cotisations sociales ont été accordés en pure perte : vous ne l’écoutez pas ! De l’argent, il y en a pourtant. Mais vous souffrez de courbatures dès qu’il s’agit de vous baisser pour plonger les mains dans les poches de ceux qui les ont bien pleines : vous n’êtes que les fondés de pouvoirs des privilégiés (Huées sur les bancs du groupe UMP), et l’article 40 encadre vos choix idéologiques !

M. Roland Muzeau – Très bien !

À la majorité de 122 voix contre 100 sur 222 votants et 222 suffrages exprimés, les amendements 23, 343 et 396 ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard – L’amendement 344 est un amendement de repli. Il propose que l’article 40 ne soit opposable qu’en séance publique par le Gouvernement. Cela rétablirait l’égalité entre Gouvernement et Parlement et permettrait d’avoir un débat projet contre projet. Nos collègues de la majorité nous disent que nous pouvons faire des propositions lors de la discussion du projet de loi de finances, mais ce ne sont pas les seules lois qui comportent des propositions de dépenses ou de recettes !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Même avis.

M. Michel Bouvard – Je suis opposé à cette proposition que je trouve singulière. Actuellement, c’est le président de la commission des finances qui décide de la recevabilité financière des amendements sur délégation du président de l’Assemblée nationale. On nous propose de laisser ce pouvoir au seul Gouvernement : on retire donc un pouvoir au Parlement (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

L’amendement 344, mis aux voix, n’est pas adopté.

Mme Martine Billard – J’espérais qu’on saurait sortir du formalisme et de l’hypocrisie pour apporter une réponse à une situation concrète…

M. le Président – Venez-en donc à l’amendement 345.

Mme Martine Billard – Selon la nouvelle rédaction de l’article 42 de la Constitution, c’est désormais le texte de la commission qui sera discuté en séance publique. Mais si l’article 40 peut être opposé au texte de la commission, celle-ci sera obligée de s’autocensurer. L’amendement 345 propose donc que l’article 40 s’applique sous réserve des dispositions du premier alinéa de l’article 42.

L’amendement 345, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jérôme Cahuzac – L’amendement 272 est naturellement un amendement de repli. Il devrait pouvoir être adopté, car les arguments qui ont été avancés contre celui du président de la commission des finances ne sont ici plus recevables. En premier lieu, il n’est nullement contraire aux dispositions qui ont été adoptées cette nuit. Charles de Courson estime que le déficit serait peut-être encore pire si le Parlement n’était pas contraint par l’article 40. Je me permets de lui faire observer que c’est l’idée même de réforme qu’il met ainsi en cause : réformer suppose toujours de faire le pari que les modifications proposées apporteront des améliorations.

Enfin, cet amendement reprend intégralement la proposition du comité Balladur. Sans faire sauter – hélas – le verrou de l’article 40, il assouplit les règles de recevabilité financière, tout en laissant au président de la commission des finances la possibilité de juger si un amendement est ou non acceptable au regard de l’équilibre des finances publiques.

M. le Président – Je vous remercie de conclure.

M. Jérôme Cahuzac – Souffrez que je poursuive : le sujet en vaut la peine, et vous avez fait preuve envers mon collègue Brard d’une tolérance que je salue.

M. le Président – Vous arrivez dans ce débat, qui dure depuis plusieurs jours. Il a été convenu que les interventions sur un même sujet ne soient pas trop longues pour que nous puissions nous concentrer sur ce qui fait débat. Convenez que c’est de bonne méthode. Il n’est pas facile de travailler lorsque nous sommes nombreux dans l’hémicycle. Vous vous en seriez rendu compte si vous aviez été là ces jours derniers (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Cahuzac – Vous instaurez une nouvelle règle selon laquelle un nouvel arrivant dans un débat disposera de moins de temps de parole que les autres : ce sera la jurisprudence Accoyer ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Il serait surprenant que notre proposition qui est – je le répète – celle du comité Balladur, ne puisse être adoptée. S’il s’agit de revaloriser les droits du Parlement, cela doit se faire aussi en matière financière (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 422 est identique. Que je sache, M. Balladur n’a jamais été considéré comme particulièrement irresponsable en matière de finances publiques… Nous reprenons donc sa proposition d’accroître – modestement – les possibilités d’intervention des parlementaires dans le domaine budgétaire, qui sont aujourd’hui quasi nulles. La piste proposée tout à l’heure par le rapporteur général me semble bonne. En attendant, je vous propose cet amendement. Les parlementaires veulent desserrer l’étau sur la discussion budgétaire et sortir de l’hypocrisie.

Mme Martine Billard – Je serai brève car notre amendement 346 a le même objet que les précédents. Il s’agit de redonner un peu de possibilité de débattre au Parlement – notamment à l’opposition – sans tomber, comme cela est trop souvent le cas, dans l’hypocrisie.

M. le Président – Sur le vote des amendements 272 et 422, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

M. Jean-Pierre Brard – Mon amendement 550 est un amendement de repli – et non de retraite ! « Procéder à une revalorisation inédite du rôle du Parlement » : tel est le refrain que nous servent à l’envi le Gouvernement et les thuriféraires de la présente révision. La réalité est tout autre, et votre refus forcené de supprimer l’article 40 adresse un très mauvais signal sur les intentions réelles des réformateurs que vous prétendez être.

Faute d’obtenir la suppression de cet article antidémocratique, nous proposons de donner aux parlementaires le même droit d’amendement en matière de dépenses qu’en matière de recettes. Pour échapper aux foudres de l’irrecevabilité, toute proposition de dépense nouvelle serait admissible, à condition d’être compensée par une économie correspondante. Ainsi, la dépense nouvelle serait gagée sur une réduction de crédits ou un surcroît de recettes strictement équivalents.

Je vous remercie, Monsieur le Président, de me laisser profiter du temps qui nous sépare du prochain scrutin public…

M. le Président – Ne vous inquiétez pas pour le bon usage du temps disponible : nous devons encore recueillir les avis de la commission et du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard – Oh, s’ils sont aussi succincts et caricaturaux que d’habitude ! La plupart du temps, le rapporteur se contente de dire « défavorable », ce qui montre sa volonté de fuir le débat… (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Lellouche – Ces attaques sont déplacées !

M. Jean-Pierre Brard – Je sais que les questions dont nous traitons en ce moment font faire des cauchemars à certains, mais ce n’est pas une raison valable pour les esquiver ! Quant à Mme la garde des sceaux, je lui suggère de corriger l’injustice commise à son endroit par le journal Le Monde en se montrant enfin plus diserte ! (Même mouvement)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Défavorable.

M. Michel Bouvard – Même s’ils s’inscrivent dans la continuité de ceux qui visaient à supprimer l’article 40 et qui ont été rejetés, ces amendements posent de vraies questions, que la commission Balladur ne s’est pas privée d’aborder…

M. Jean-Pierre Brard – Enfin !

M. Michel Bouvard – Au début de la présente législature, lorsque le président de notre commission des finances a dû préciser comment il entendait interpréter l’article 40, il a déclaré qu’il ne se sentait pas habilité à remettre cause la possibilité de l’appliquer, dans la mesure où il le faisait par délégation du Président de l’Assemblée nationale…

M. Didier Migaud - Puisque cet article existe, je l’applique.

M. Jean-Christophe Lagarde – C’est une position légaliste.

M. Michel Bouvard – Les possibilités de redéploiements introduites dans la LOLF nous ont donné de nouvelles marges de manœuvre pour ce qui concerne les dépenses et j’observe que notre rapporteur général n’a pas exclu que l’on puisse, sous certaines conditions, aller plus loin, en envisageant des mouvements entre missions et non plus seulement entre programmes, pour prévenir notamment la tentation de certains ministères de « massifier » leurs programmes en vue de limiter le droit d’amendement parlementaire.

Par ces amendements, il est proposé de gager de nouvelles dépenses sur de nouvelles recettes fiscales. Restons extrêmement prudents ! Comment, en effet, garantira-t-on la permanence de la recette après qu’une dépense permanente aura été créée ? Plutôt que d’adopter de tels amendements à un projet de loi constitutionnelle, je préconise de continuer à progresser dans le cadre désormais bien maîtrisé de la LOLF.

À la majorité de 99 voix contre 62, sur 161 votants et 161 suffrages exprimés, les amendements 272 et 422 ne sont pas adoptés.

L’amendement 396, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté. Les amendements 346 et 550, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Goulard – Je vais retirer l’amendement 582 mais je tenais à dire qu’alors que l’État demeure très méfiant pour ce qui concerne l’équilibre des comptes des collectivités, il me semble essentiel que vis-à-vis de l’État dépensier, le constituant fixe des règles de sagesse et de raison. Il y a là un enjeu d’intérêt majeur (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. Gilles Carrez – Très bien !

L’amendement 582 est retiré.

ART. 15

M. Patrick Roy – Eu égard au comportement du Gouvernement, la volonté réelle des promoteurs de la présente réforme de renforcer les pouvoirs du Parlement est pour le moins sujette à caution. En aparté, Didier Migaud n’a pas pu s’empêcher de lâcher : « Les bras m’en tombent ! », en entendant les arguments par lesquels nos collègues de la majorité refusaient de supprimer l’article 40 de la Constitution !

Dans la même logique d’autocensure, l’article 15 du projet de loi constitutionnelle ne va pas manquer de limiter encore un peu plus l’action de chacun des parlementaires qui composent notre noble institution.

M. Arnaud Montebourg – Notre amendement 301 vise à supprimer l’article 15 du présent texte, qui tend à compléter l’article 41 de la Constitution. Cet article, pas très vivant sous la Ve République, protège le Gouvernement de tout empiètement du législateur dans le domaine réglementaire. En pratique, les gouvernements successifs l’ont surtout utilisé contre leurs propres majorités. Telle qu’elle nous est proposée, la faculté donnée au président de l’assemblée saisie d’un texte d’opposer l’irrecevabilité d’une proposition de loi ou d’un amendement risque de réveiller des tensions apaisées. Comment ne pas y voir un possible instrument de « régulation » de la majorité vis-à-vis de l’opposition ?

Mme Martine Billard – Absolument.

M. Arnaud Montebourg – S’agissant des droits de l’opposition, nous attendons toujours les avancées concrètes qui avaient été annoncées et qui, de fait, existent dans d’autres domaines.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission est attachée à l’article 15 du projet de loi et sera par conséquent défavorable à tous les amendements qui demandent sa suppression. L’objectif, c’est d’assurer l’égalité des armes entre les présidents des deux assemblées du Parlement et le Gouvernement, pas de favoriser la majorité par rapport à l’opposition !

M. Jérôme Chartier – Exactement.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – S’il n’est pas fondamental, cet article 15 est cohérent avec l’ensemble de notre démarche de rééquilibrage des institutions, et nous souhaitons par conséquent qu’il soit maintenu.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Cet article 15 reprend une recommandation de la commission Balladur. L’article 41 de la Constitution était rarement utilisé. Mais donner ce pouvoir nouveau au président de l’Assemblée représente un véritable progrès. Cela concourra à rendre la loi plus claire, plus lisible et plus efficace. D’autre part, c’est rétablir une certaine égalité puisque le président pourra déclarer irrecevables des amendements du Gouvernement. Avis défavorable sur l’amendement 301.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – D’abord, l’utilisation des conclusions de la commission Balladur tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre par la majorité et par le Gouvernement fait que ce n’est peut-être plus une référence très pertinente.

M. Warsmann fait valoir que le président de l’Assemblée et le Gouvernement seront ainsi à armes égales. Mais, pour les députés, il n’est guère intéressant de développer une possibilité supplémentaire de restreindre leur droit d’amendement, qui, au fond, est le premier de leur droit et le plus essentiel. Il y a quelque chose de pernicieux dans cette manière de toujours nous présenter comme destinés à nous protéger certains engrenages dans lesquels, en réalité, on risque de nous broyer la main.

Le Gouvernement n’utilise pratiquement pas l’article 41, car c’est compliqué et il dispose d’autres instruments. On va en réveiller l’usage. Or le président d’une assemblée – je parle ici de l’institution – n’a pas forcément la capacité de déclarer l’irrecevabilité d’un amendement déposé en cours de débat par exemple. Si encore on donnait ce pouvoir à la commission des lois, ce serait un véritable instrument technique. En l’état, sa nature est politique. Voilà encore l’exemple d’un « magnifique avancée » qui se révèle être un piège pour l’opposition dans son droit à amender.

M. Patrick Braouezec – L’article 41 est peu utilisé. C’est bien la preuve que les députés sont responsables et n’essayent pas de détourner le débat législatif. Donner ce pouvoir supplémentaire au président de l’Assemblée – mieux vaudrait que ce soit celui de la commission des lois, comme l’observe M. Le Bouillonnec – c’est encadrer encore plus le droit fondamental pour un parlementaire qu’est sa capacité à amender la loi. Les élus sont responsables et ne font pas d’opposition systématique. Acceptons le droit d’amendement, comme un élément naturel dans le débat démocratique.

M. le Président – L’article 41 a été utilisé il n’y a pas longtemps sur le texte relatif à la régulation postale. Le président de l’Assemblée avait alors fait déclarer irrecevables pas moins de 14 000 amendements. Il n’est pas anormal qu’il dispose lui-même du pouvoir de distinguer ce qui relève de la loi ou du règlement.

M. Arnaud Montebourg – Pourquoi le mettre dans la Constitution ?

L’amendement 301, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. le Président – Sur l’amendement 397, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

M. Patrick Braouezec – L’article 41 a été utilisé dans un cas où avaient été déposés de très nombreux amendements, peut-être pas toujours très responsables. Mais c’est un cas marginal. De façon générale, mieux vaut laisser les députés utiliser pleinement leur capacité, tant qu’il ne s’agit pas d’obstruction et leur faire définitivement confiance. Mettons donc la Constitution en accord avec la pratique. C’est ce que nous demandons par l’amendement 397 qui abroge l’article 41.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Avis défavorable. Cet article 15 est fondamental pour le Gouvernement mais aussi pour le président de l’Assemblée. Avec votre amendement, vous allez beaucoup plus loin que le refus de cette extension puisque vous supprimez l’article 41. Ce que nous voulons, c’est bien séparer la loi du règlement pour qu’elle soit claire et efficace.

M. Jean-Pierre Brard – Encore un article « fondamental ». Mais qu’est-ce qui ne l’est plus ? M. Accoyer vient de nous expliquer comment on a réglé le sort de 14 000 amendements, sans avoir besoin pour cela de réformer la Constitution. Comme diraient M. Myard, M. de Charette, M. Garrigue, M. Grand, tout cela n’est pas fondamental : cela ne sert à rien. Mais si pourtant on nous tient ici depuis plusieurs jours, c’est qu’il y a un objectif caché (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Alors que nos compatriotes tirent le diable par la queue, on les abuse au moyen de quelques articles du magasin de farces et attrapes et en leur faisant croire que des réformes importantes ne souffriraient pas de délai, pour que le pays aille mieux. La vérité, c’est qu’on occupe l’opinion pendant qu’on met le pays en coupe réglée.

À la majorité de 79 voix contre 34 sur 113 votants et 113 suffrages exprimés, l’amendement 397 n’est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – On donne ici un droit supplémentaire au président de l’Assemblée, Pour le groupe du Nouveau centre, la loi a incorporé au cours des dernières années bien trop de dispositions d’ordre réglementaire, à l’initiative parfois du Gouvernement, souvent des parlementaires. Cette mesure est donc pour nous un progrès. Mais elle pose question. Le président de l’Assemblée aurait seul la possibilité de juger de l’irrecevabilité, sans débat ni appel. Or on pouvait au moins demander des explications au Gouvernement. Notre amendement 423 propose que le président de la commission saisie au fond puisse également écarter toute disposition ne relevant pas du domaine de la loi. Cela résoudrait une question pratique, qui est que le président ne préside pas toutes les séances. Actuellement, le président de la commission des finances peut déclarer l’irrecevabilité au titre de l’article 40, par délégation du président de l’Assemblée. On peut concevoir que d’autres présidents de commission puissent invoquer l’article 41.

Par ailleurs, je retire les amendements 424 et 425 qui vont trop loin.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Les présidents de commission ne sont pas mentionnés dans la Constitution et il ne semble pas opportun de les y introduire. D’autre part, le président de la commission des finances ne décide pas de l’irrecevabilité par lui-même, mais par délégation du président de l’Assemblée. On peut imaginer que cette délégation soit étendue à d’autres présidents, mais ultérieurement, dans le règlement de l’Assemblée.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – En permettant au président de l’assemblée d’opposer l’irrecevabilité législative, le texte assure un équilibre entre les deux pouvoirs et assure une cohérence de l’application de l’article 41. Si le Gouvernement est défavorable à cet amendement, rien n’empêche que le président de l’assemblée demande au président de la commission son avis ou qu’une délégation de ce pouvoir soit prévue dans le Règlement intérieur.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je souhaiterais savoir comment le président de l’Assemblée nationale entend interpréter cette disposition dans le futur Règlement. S’il prévoit effectivement de rendre possible une délégation, je retirerai mon amendement.

L’amendement 423, mis aux voix, n’est pas adopté.

L’amendement 424 est retiré.

M. François de Rugy – Marque de la revalorisation du Parlement, ce pouvoir ne doit toutefois pas être confié au seul président de l’assemblée – notons que celui de la chambre basse est toujours de la même couleur que le Gouvernement, même en temps de cohabitation – mais aussi à l’opposition. Elle doit, elle aussi, voir ses pouvoirs étendus.

L’amendement 322 prévoit donc que le Conseil constitutionnel peut être saisi par un dixième des parlementaires en cas de désaccord sur l’application de l’article 41.

L’amendement 322, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

L’amendement 425 est retiré.

L’article 15, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 16

M. Jean-Pierre Grand – Revaloriser le Parlement, c’est offrir plus de liberté à la majorité dans ses rapports avec le Gouvernement. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la marge de manœuvre est importante…

J’estime qu’il n’était pas indispensable de changer la Constitution pour en arriver là. Le gaulliste que je suis est fondamentalement opposé à l’article 16 car il foule aux pieds l’esprit de la Ve. Le Gouvernement « gouverne ». Or lorsqu’un ministre monte à la tribune d’une chambre pour défendre un texte, il doit s’agir du sien et non d’un texte remanié.

Avec cet article, la présence d’un membre du Gouvernement sera requise à chaque réunion de la commission, ce qui risque de poser des problèmes d’effectif. Certains ici doivent déjà se réjouir : le Gouvernement va embaucher ! Puis en séance publique, il devra, pour rétablir son texte, grappiller une majorité : cela, ce n’est plus la Ve République !

M. René Dosière – Cet article est, pour les parlementaires que nous sommes, l’un des plus intéressants et des plus importants du projet de loi. Je ne partage pas l’opinion de M. Grand. L’article 16 redistribue le pouvoir au bénéfice du législatif. Pour autant, ce n’est pas une révolution, tout au plus un retour au parlementarisme.

M. Jacques Myard – La IVe finissante !

M. René Dosière – Ce dispositif renforce le poids des parlementaires et du rapporteur – dont on connaît le rôle fondamental – et limite celui du Gouvernement, qui devra tenter de revenir sur son texte en séance publique.

Mais ce dispositif ne produira son plein effet qu’à certaines conditions. Les commissions devront disposer du temps nécessaire pour préparer l’examen du texte ; le rapport devra ensuite être publié dans des délais qui permettent aux parlementaires de le lire, avant le passage en séance publique. Nous avons présenté des amendements dans ce sens, que la commission a acceptés.

Toutefois, je relève que ces délais ne s’appliquent pas aux textes discutés en urgence. Or ceux-ci représentent aujourd’hui – les statistiques du rapporteur sont éloquentes – la moitié des textes que nous examinons, et non les moindres ! Monsieur le rapporteur, il conviendrait d’évoluer sur ce point et de prévoir les mêmes délais pour ces textes, d’autant qu’ils ne font l’objet que d’une seule lecture.

Par ailleurs, le Gouvernement devra être présent en commission. Cela signifie que le ministre concerné devra bien connaître son texte et répondre aux parlementaires autrement qu’en lisant les notes préparées par ses conseillers (Sourires sur divers bancs).

M. Jacques Myard – C’est insultant…

M. René Dosière – Enfin, les députés devront eux aussi être présents en commission. Or ils ne sont pas plus assidus aux réunions de commission qu’à la séance publique. Se posera donc à nouveau le problème du cumul des mandats ; delenda est cumulatio … (Sourires)

Mme Martine Billard – J’étais a priori favorable à une telle procédure, réservant la séance publique à des débats plus constructifs que l’examen d’amendements rédactionnels. Mais si j’approuve sa philosophie – revaloriser le rôle du Parlement – je suis désormais inquiète quant à son application.

L’un de nos collègues, pour cacher aux yeux de nos concitoyens l’absentéisme des députés, proposait de réduire la taille de l’hémicycle… (Sourires) Ici, on propose de transférer une grande partie des débats en commission. Mais comme l’a dit M. Dosière, les députés les plus assidus en séance publique sont aussi ceux qui siègent le plus en commission. Je ne pense pas que cette solution sera préférable !

Avec cette procédure, les débats en commission seront plus longs. Comment s’y prendra-t-on, quand une grande partie du travail parlementaire est concentrée le mardi après-midi ?

En outre, la durée de l’examen de l’ensemble du texte sera programmée. Tout cela fait peser un risque sur le droit d’amendement individuel, droit imprescriptible du député. On peut parfaitement concevoir de limiter la durée de la discussion générale, avec des temps de parole répartis entre les groupes au prorata du nombre de députés, mais pas celle des amendements. Il ne faudrait donc pas que cet article, qui part d’un bon esprit, en arrive à réduire les possibilités individuelles d’amendement des députés, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, parce la richesse de nos débats vient de ce que certains députés osent parfois défendre des positions contre leur groupe. Sans cette possibilité, la loi se trouverait très appauvrie.

M. Jean-Christophe Lagarde – On en revient à ma question précédente sur l’application de l’article 41 de la Constitution : puisque nous discuterons en séance du texte issu de la commission, je ne suis pas sûr, étant donné le rythme auquel nous travaillons, qu’il ne contiendra pas des dispositions réglementaires ! Mais il est clair que je n’en saurai pas plus aujourd’hui sur ce sujet : nous en subirons les conséquences plus tard…

Cet article constitue toutefois une avancée réelle, et encore plus si les propositions de la commission visant à prolonger les délais, de façon raisonnable, sont adoptées. Il nous permettra de sortir de la situation actuelle : ainsi, pour le présent texte, la durée de nos débats a sans doute été fixée avec une certaine imprévoyance et le Sénat devra se saisir du projet en quelques jours… C’est pourquoi je ne comprends pas mes collègues qui craignent comme Mme Billard que cet article conduise finalement à un recul. On ne nous imposera plus de travailler sans cesse à toute allure, sauf à tomber dans la déclaration d’urgence permanente – dérive qui devrait alors être dénoncée, mais sur un plan politique plus que juridique. Un amendement proposera d’ailleurs de recourir à la formule de « procédure accélérée ». L’urgence, aujourd’hui, est en effet utilisée pour pouvoir passer à la télévision dès qu’un chien a mordu un enfant, pour dire qu’on va régler le problème ! Ce n’est pas digne de la fonction de législateur. Cet article, amélioré par la commission, constitue donc une véritable avancée.

M. Jacques Myard – L’amendement 163 tend à supprimer cet article. Madame la ministre, l’artiste ne crée qu’en retranchant. Il est temps de tailler un peu dans votre projet brut de fonderie pour aller à l’essentiel. L’article 42 de la Constitution a été une avancée certaine en 1958. Il ne faut pas y toucher. Certes, les commissions produisent un excellent travail – qui serait meilleur encore si les travaux étaient organisés comme à la Diète fédérale par exemple : deux jours de commission, deux jours de plénière. C’est aussi simple que cela, et cela ne nécessite pas de modifier la Constitution. Mais ce n’est pas une raison pour porter la commission au même niveau que la plénière ! C’est bel et bien dans cet hémicycle que se tient le Parlement, aussi efficace et nécessaire que soit le travail en commission.

Votre texte prône en fait un retour à la IVe République…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Ah non !

M. Jacques Myard – …et aux difficultés qu’avaient les gouvernements pour faire passer leurs projets. C’est un fait historique.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – C’est faux.

M. Jacques Myard – Il faudra me le démontrer. Le premier danger est une perte de cohérence du texte. On peut penser que le Gouvernement propose au Parlement un texte réfléchi, fondé sur une philosophie, gouverné par une économie interne. La commission peut préférer une autre logique, tout aussi légitime, mais le texte va s’en trouver chamboulé ! Vous avez pressenti le problème, Madame la ministre, puisque vous avez posé des exceptions, mais il n’y a aucune raison pour que votre disposition ne soit pas valable pour toutes les sortes de loi ! Et il y aura aussi un danger politique : en plénière, vous allez passer votre temps à ramer à contre-courant pour essayer de trouver une majorité contre la commission ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC) Pour toutes ces raisons, il me paraît indispensable de supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Brard – L’amendement 398 est identique. Comme souvent sur les sujets importants en effet, des arguments et des points de vue différents ont conduit à la même conclusion. Pour commencer, l’article 16 ne doit pas être analysé de façon isolée. L’article 15, par exemple, renforce les conditions d’irrecevabilité. L’article 18 multiplie les examens simplifiés en commission. Par ailleurs, la Conférence des Présidents pourra réduire le temps de parole dans l’hémicycle – qui a déjà été singulièrement restreint. On accuse souvent les motions de procédure d’ouvrir la porte aux abus, mais elles sont aussi le moyen pour les parlementaires de s’expliquer ! Rappelez-vous, si ce n’est pas trop douloureux, les ordonnances Juppé : il fallait aller au fond du sujet ! Les trente minutes qui nous sont allouées aujourd’hui ne nous permettent pas de dépasser le superficiel. Les débats sur la loi en 1905…

M. le Président – C’était il y a deux Républiques…

M. Jean-Pierre Brard – Mais si nous cultivions un peu la mémoire historique, nos institutions seraient certainement plus démocratiques !

Raisonnons par l’absurde : le Gouvernement défendra désormais en séance le texte modifié par la commission. Imaginez que le célèbre amendement 252 sur les OGM ait été adopté en commission, alors que le Gouvernement y serait hostile… Il n’est certes pas difficile de faire dire des choses tout à fait opposées à Mme Kosciusko-Morizet et à M. Borloo, mais vous n’aurez pas toujours cette chance ! Cet article doit être supprimé.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Cet article représente un progrès considérable pour le Parlement. Certains ont évoqué un retour à la IVe République, mais la grande différence est que le Gouvernement n’avait alors pas le droit d’amendement et qu’il devait essayer de trouver un député ami pour défendre sa proposition ! Cette analogie est donc inexacte.

Nous souffrons tous de la situation actuelle, où la séance plénière est sur de nombreux points une redite du travail en commission. Si la commission a dégagé une large majorité sur certains amendements, il n’est pas utile de recommencer le débat ! C’est s’il y a un différend en revanche que l’hémicycle tranchera. La majorité suivra le Gouvernement ou alors la commission, et l’on aura rendu son véritable rôle à l’hémicycle. Nous sommes donc défavorables aux amendements de suppression, sachant que le travail en commission donne lieu évidemment à un bulletin et à des comptes rendus.

Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe GDR – Mais non !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Il est évident que lorsque la révision sera opérationnelle, le Règlement devra être modifié, notamment pour revoir les règles de publicité des travaux en commission.

M. Jean-Pierre Brard – Ce n’est pas dans le texte !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Parce que le Règlement de l'Assemblée nationale n’est pas dans ce texte ! Je suis sûr que dans quelques mois, nous constaterons tous un très grand progrès dans le travail parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – Foi et aveuglement…

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  C’est effectivement sans doute la disposition la plus importante de ce texte. Pour le Gouvernement, ce sera une véritable révolution car le texte discuté en séance sera celui de la commission. Cela l’obligera à travailler le plus en amont possible avec l’ensemble de la commission, et non seulement avec le rapporteur, et cela entraînera une revalorisation du Parlement. Cette disposition obligera à un travail beaucoup plus approfondi et plus technique, le Gouvernement devant exposer ses motivations lorsque certaines de ses dispositions seront amendées. Le débat en séance publique, qui sera moins technique et plus politique, gagnera aussi en qualité et en efficacité.

Madame Billard, soyez rassurée : le droit d’amendement sera pleinement respecté. Les amendements repoussés en commission pourront toujours être repris en séance publique.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.

M. Jérôme Chartier – Cet article contient l’une des dispositions les plus importantes de ce projet de loi et constitue une avancée essentielle pour l’organisation de nos travaux. Que ce soit le texte adopté en commission qui soit examiné en séance publique revient en quelque sorte à inverser la charge de la preuve : en effet, si le Gouvernement estime que son texte est plus pertinent, il lui appartiendra de déposer des amendements et d’argumenter pour faire rétablir le texte initial.

Ce n’est absolument pas un retour à la IVe République comme on a pu l’entendre dire. Cela témoigne d’un plus grand respect du travail effectué par les commissions et en ce sens, cela revalorise le rôle du Parlement.

Pour répondre aux craintes de Mme Billard, je redis après Mme la garde des sceaux que jamais il n’a été question qu’un amendement repoussé en commission ne puisse pas de nouveau être présenté en séance publique.

Cet article n’apportant que des améliorations au travail parlementaire, le groupe UMP votera contre les amendements de suppression.

Les amendements 163 et 398, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Claude Sandrier – Rappel au Règlement. Monsieur le Président, cela fait dix minutes que je demande la parole pour répondre au Gouvernement sur cet article. Je regrette que vous ne me l’ayez pas donnée. Les propos du rapporteur et de la ministre méritent réponse. Je ne comprends pas que sur un article qu’on nous présente comme l’un des plus importants du texte, on ne prenne pas le temps de l’échange. Je demande une suspension de séance de cinq minutes.

M. le Président – Elle est de droit. Mais permettez-moi une remarque. S’il fallait une preuve de la nécessité de faire évoluer notre Règlement, nous l’aurions là. Voilà plus de 34 heures que nous débattons de ce projet. Chacun des groupes peut largement s’exprimer sur les articles puis, comme le prévoit le Règlement, sur chaque amendement, s’expriment, outre son auteur, la commission, le Gouvernement et un orateur contre. La présidence peut aussi, à son appréciation, donner la parole à un orateur pour répondre à la commission ou au Gouvernement. Lorsqu’il y a plusieurs amendements identiques, j’accorde libéralement la parole de façon que notre débat soit à la fois intéressant et vivant. La suspension est de droit, mais n’oubliez jamais que du public regarde nos travaux et que ceux-ci ont besoin de clarté. C’est dans cet objectif que je veille au fil du débat à donner la parole à chacun.

La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à 18 heures 15.

M. Didier Migaud – Pour défendre l’amendement 520, je me contenterai de reprendre la remarquable argumentation que le président de la commission des lois a opposée aux amendements de suppression de l’article (Sourires) – en espérant que celui-ci ne subira pas le même sort ! Puisque, comme l’a dit M. Warsmann, la discussion en séance du texte voté par la commission est essentielle au travail des parlementaires et à la revalorisation du rôle du Parlement…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – C’est vrai !

M. Didier Migaud – …pourquoi faire exception pour le PLF et le PLFSS ? Du reste, d’un point de vue financier, les textes élaborés par la commission des finances et la commission des affaires sociales sont souvent plus raisonnables que la version du Gouvernement.

M. François Goulard – C’est vrai !

M. Didier Migaud – En outre, comme l’a dit M. Warsmann, si le Gouvernement veut modifier le texte de la commission, nous pourrons en débattre en séance publique. Une fois encore, n’ayons pas peur d’exercer nos pouvoirs…

M. François Goulard – Nous ne sommes pas méchants !

M. Didier Migaud – …d’autant que la Constitution de 1958 dote le Gouvernement de moyens d’intervention non négligeables.

M. François Goulard – L’amendement 191 est identique. Mme la garde des sceaux a déclaré tout à l’heure que cette disposition était la plus importante du projet – ce qui relativise la portée de la révision constitutionnelle, car cette heureuse réforme ne saurait bouleverser notre Constitution. Mais, si tel est bien le cas, il n’est pas cohérent d’en exclure le PLF, le PLFSS et les projets de révision constitutionnelle.

M. Jean-Pierre Grand – C’est certain !

M. François Goulard – Sur ce point, je suis d’accord avec M. Migaud – situation rare, mais non point inédite !

M. Didier Migaud – Cela arrive en effet !

M. François Goulard – Il est exact que, ces dernières années, le texte de nos commissions impliquait souvent moins de dépenses que celui du Gouvernement et contribuait mieux à l’équilibre des finances publiques ou sociales. C’est intenter un mauvais procès aux parlementaires que d’affirmer le contraire.

Quant aux projets de révision constitutionnelle, le travail du Parlement en la matière est par définition meilleur que celui du Gouvernement, car nous connaissons d’expérience le fonctionnement des pouvoirs publics. Élaboré par les parlementaires, le présent texte eût été supérieur à celui que vous nous soumettez ! Il est du reste paradoxal que la conception et la rédaction d’un texte censé concrétiser la volonté gouvernementale d’accroître les pouvoirs du Parlement aient ainsi échappé aux assemblées parlementaires.

Il faut donc voter ces amendements, pour accroître la portée et la valeur d’une disposition que Mme la ministre juge elle-même emblématique du renforcement des pouvoirs du Parlement (Applaudissements sur plusieurs bancs).

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 302 est identique aux précédents.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission a repoussé ces amendements, en vertu d’arguments techniques dont je reconnais la faiblesse s’agissant du PLFSS, mais qui nous ont paru décisifs s’agissant du PLF : nous avons craint que les délais que la Constitution impose pour le vote du budget, sous peine d’en dessaisir l’Assemblée, ne puissent être respectés si la commission devait réécrire entièrement le texte, tableaux d’équilibre compris.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Avis défavorable. Les trois exceptions que vous souhaitez supprimer sont parfaitement fondées. Ces textes doivent être débattus dans l’hémicycle devant tous les parlementaires : les projets de révision constitutionnelle, parce qu’ils incarnent l’engagement du président de la République ; le PLF et le PLFSS, parce qu’ils traduisent, comme l’a dit M. Warsmann, des choix budgétaires et sociaux essentiels à la politique du Gouvernement.

M. Jérôme Chartier – Malgré le respect que le membre de la commission des finances que je suis doit à son président (Sourires), ainsi qu’à mon collègue M. Goulard, je n’en voterai pas moins, comme d’ailleurs le groupe UMP, contre ces amendements. Les projets de révision constitutionnelle, le PLF et le PLFSS incarnent par excellence la volonté politique de l’exécutif. À ce titre, si la rareté des premiers en marque le statut particulier, la récurrence des seconds n’en justifie pas moins un traitement exceptionnel…

M. Christophe Caresche – Ce n’est pas un argument !

M. Jérôme Chartier – …au nom de la cohérence qu’invoquait tout à l’heure M. Myard.

M. Jean-Pierre Brard – Il disait le contraire !

M. Jérôme Chartier – Non, et il vient de me le confirmer ! Si, comme le veut notre Constitution, le Gouvernement est responsable non seulement de l’exécution du budget, mais aussi de son élaboration, c’est son texte qui doit être débattu en séance publique,…

M. Roland Muzeau – Désormais, c’est le Président qui fait tout !

M. Jérôme Chartier – …ce qui ne remet nullement en cause l’œuvre d’enrichissement et de contrôle accomplie tout au long de l’année par la commission des finances, chargée de vérifier l’exécution du budget et d’en compléter la seconde partie. Il faut donc maintenir ces trois exceptions.

M. Christophe Caresche et M. Patrick Roy – Ce n’est guère convaincant !

M. Roland Muzeau – Vous n’avez rien démontré !

M. Didier Migaud – Il y a encore fort à faire si nous voulons un Parlement digne de ce nom ! (Approbation sur les bancs du groupe SRC) Il ne s’agit pas seulement de texte – nous reparlerons des fonctions de contrôle et d’évaluation –, mais d’ambition. Or ce que vous venez d’expliquer contredit la démonstration de M. Warsmann, selon lequel l’examen en séance publique du texte de la commission est essentiel à la revalorisation du Parlement. Ce principe admet-il des exceptions ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Mais oui !

M. Didier Migaud – Ce serait oublier que le Gouvernement procède d’une majorité qui le soutient !

M. François Goulard – Absolument !

M. Didier Migaud – Quelle marque de défiance de l’exécutif à l’endroit de sa majorité ! Les bras m’en tombent ! Vos arguments reviennent à dire que les parlementaires peuvent bien se saisir de l’ordinaire, mais qu’il ne faut surtout pas leur lâcher la bride pour ce qui est important… Permettez-moi de le regretter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Les amendements 520, 191 et 302, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’article 16 instaure un délai d’un mois entre le dépôt d’un texte de loi sur le bureau d’une assemblée et son examen en séance plénière. Le comité Balladur avait proposé un délai de deux mois pour la première assemblée saisie et d’un mois pour la seconde. L’amendement 303 reprend sa proposition. À l’heure actuelle, la Constitution ne fixe aucun délai, ce qui permet au Gouvernement de pousser à un examen rapide des textes. À l’inverse, l’instauration d’un délai ne doit pas aboutir à bloquer le travail parlementaire. Ce délai doit être suffisant non seulement pour les parlementaires de la majorité, mais aussi pour ceux de l’opposition. En tant que député de l’opposition – je n’ai que cette expérience-là –, j’estime qu’il faut un minimum de temps pour pouvoir travailler sérieusement sur un texte que l’on ne découvre en général qu’en commission. C’est à cette seule condition que le travail en commission pourra servir le débat en séance publique.

M. Jean-Claude Sandrier – Notre amendement 399 est identique.

Le rapporteur a dit tout à l’heure que cet article renforçait le pouvoir des commissions, et Mme la garde des sceaux que le droit d’amendement serait préservé. Nous sommes prêts à les croire, pour peu qu’ils acceptent de supprimer les articles 15 et 18, qui limitent le droit d’amendement de diverses manières en renvoyant à un règlement ultérieur.

Revaloriser le rôle des commissions suppose de leur donner assez de temps pour travailler sérieusement. Ce n’est pas le cas, d’autant que les délais fixés sont remis en cause par les déclarations d’urgence – que l’article 19 facilite – ou par le recours aux amendements « fourre-tout ». Les propositions du comité Balladur étaient pourtant explicites : la discussion du texte de la commission en séance publique va nécessairement de pair avec un allongement des délais. Pourquoi n’en retenir qu’une partie, et pourquoi exclure de cette disposition le projet de loi de finances, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et les projets de révision constitutionnelle ?

Parce que nous n’avons aucune garantie que les améliorations annoncées seront au rendez-vous, nous pensons que la discussion parlementaire doit se dérouler sur la base d’un texte présenté par le Gouvernement. Le fait de débattre du texte de la commission en séance publique n’est pas de nature à clarifier les responsabilités et les enjeux, et risque de conduire à un verrouillage en séance plénière.

Je défends également par anticipation l’amendement 574, qui propose de porter de quinze jours à un mois le délai entre le dépôt du texte sur le bureau de la seconde assemblée saisie et son examen en séance plénière.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission a été sensible aux arguments du groupe socialiste : il doit s’écouler un minimum de temps entre le dépôt d’un texte et sa discussion en séance plénière. Pour ne pas être désagréable au Gouvernement, je vais prendre l’exemple d’une proposition de loi de la majorité qui a été discutée il y a peu : nous avons eu le texte le lundi soir alors que la réunion de la commission était prévue le mardi ! Ce n’est pas de bonne méthode. La commission s’en est tenue à une position moyenne : l’amendement 68 propose un délai de six semaines dans la première assemblée saisie et de trois semaines dans la seconde. Aller plus loin serait encourager le recours à l’urgence : c’est pourquoi nous sommes défavorables aux amendements qui viennent d’être défendus.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous retirons notre amendement pour nous rallier à celui de la commission.

M. Philippe Vitel – Très bien !

L'amendement 303 est retiré.

L'amendement 399, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 68, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement 335 visait à porter de quinze jours à un mois, conformément à la proposition du comité Balladur, le délai entre le dépôt du texte sur le bureau de la seconde assemblée saisie et son examen en séance plénière. Là encore, nous le retirons au profit de celui du rapporteur.

L'amendement 335 est retiré.

M. Jean-Claude Sandrier – J’ai déjà défendu l’amendement 574.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Et moi le 69.

M. René Dosière – Le projet dispose que les délais que nous venons de voter ne s’appliquent pas aux textes sur lesquels le Gouvernement a déclaré l’urgence. C’est un peu curieux, car ce sont les plus importants et ils ne feront l’objet que d’une seule lecture par chaque assemblée. Il nous semble donc qu’il faut les soumettre à un délai, même réduit : l’amendement 336 le fixe à huit jours.

Contrairement à notre collègue Le Bouillonnec, j’ai aussi une expérience de député de la majorité, et même de rapporteur : je puis vous assurer que les auditions, le dialogue avec le Gouvernement et avec la majorité, voire – si possible – avec l’opposition, réclament du temps.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Notre collègue Dosière pose une vraie question, à laquelle nous n’avons pas réussi à apporter de réponse. Le Gouvernement ne doit certes pas abuser de la procédure d’urgence pour échapper aux délais qui sont instaurés, mais il peut exister des situations qui exigent qu’il fasse voter un texte en quelques jours. La commission a donc donné un avis défavorable à cet amendement 336.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Le Gouvernement n’est pas favorable non plus car il importe que la Constitution garantisse un minimum de souplesse pour ces cas d’urgence.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Pardon d’insister mais nous avons quand même quelques exemples édifiants : en décembre dernier, le texte relatif au pouvoir d’achat a été présenté le matin à Matignon, l’après-midi à notre commission et le soir en séance publique ! Est-ce une bonne manière de prendre en compte le pouvoir législatif ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC) Il faut des délais car il n’existe guère de moyens objectifs de vérifier que la déclaration d’urgence est bien fondée, et aucun de s’opposer au Gouvernement s’il y recourt. Il y a donc bien dans cette affaire un enjeu constitutionnel de première importance : laisser au Parlement la capacité de travailler, en respectant le temps de la délibération. C’est en réglant ce type de difficultés que nous donnerons du contenu à la présente réforme.

L'amendement 574, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Je rappelle que le Gouvernement est favorable à l’amendement 69 de la commission, au profit duquel M. Montebourg a retiré le sien.

L'amendement 69, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité.

L'amendement 336, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Richard Mallié – Après ces grands débats, mon amendement 135 – tout de même cosigné par 70 de mes collègues ! – peut sembler secondaire dans la mesure où il vise à substituer à la notion d’« urgence » celle de « procédure accélérée ». Mais les mots ont un poids et lorsque l’on parle d’urgence, beaucoup de nos concitoyens entendent « précipitation », ce qui ne sied pas à la majesté de la loi (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement pour des raisons techniques, dans la mesure où le terme de « procédure accélérée » ne lui a pas semblé préférable à celui d’urgence, ne serait-ce que parce qu’il arrive que la procédure d’urgence dure très longtemps, chacune des lectures pouvant se prolonger. Toutefois, je conviens que la République ne serait pas ébranlée par l’adoption de cet amendement ! (Sourires)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux La qualification de « procédure accélérée » est fondée dans la mesure où, par opposition avec la procédure ordinaire, une seule lecture du texte est possible dans chaque chambre – plus, le cas échéant, une CMP. Mais je peux comprendre que certains soient attachés à la notion d’urgence, utilisée depuis cinquante ans ! Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de votre Assemblée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Voilà ce qu’on appelle un pas de clerc ! Plutôt que de renoncer à une technique qui attente à la faculté du Parlement de délibérer sereinement, on la rebaptise ! « Urgence » ou « procédure accélérée », là n’est pas la question !

M. Arnaud Montebourg – En effet ! Peu nous chaut !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – En réalité, cette façon de procéder est révélatrice de la manière dont vous entendez conduire cette réforme : changer les mots et conserver les pratiques les plus dévoyées !

M. Claude Goasguen – Il ne faut rien exagérer !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Changer les termes ne change rien, et c’est pourquoi nous voterons contre cet amendement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Je ne peux pas vous laisser dériver dans cette voie : portez-vous à l’article 19 du présent texte et vous constaterez qu’il donne aux conférences des présidents des deux assemblées la possibilité de s’opposer à la déclaration d’urgence du Gouvernement sur un texte. Ce n’est pas rien ! (Bruit sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Cela donne aux Conférences des Présidents un pouvoir de contrôle bien réel !

M. Claude Goasguen – Tout à fait ! Bravo, Monsieur Karoutchi !

M. Jean-Christophe Lagarde – L’argumentation de M. Le Bouillonnec ne tient pas compte du fait que nous vivons désormais dans une société médiatique. Lorsque l’on annonce que le Gouvernement a déclaré l’urgence sur un texte, nos concitoyens ont l’impression qu’il est déjà adopté ! Tout le monde n’est pas rompu à nos usages et c’est pourquoi il faut privilégier les termes les plus explicites. L’amendement 135 est très bon et nous le voterons.

M. René Dosière – Dans son rapport écrit, le président Warsmann relève que le recours à la procédure d’urgence n’a cessé d’augmenter : moins de 10 % des textes dans les années 1960, plus de la moitié au milieu des années 1980. Nous n’avons pas les chiffres pour ce qui concerne la présente législature mais je gage que l’on ne s’est pas privé d’appliquer la « procédure accélérée »… En outre, M. Karoutchi a « oublié » de rappeler que, pour que le Gouvernement soit contraint de renoncer à l’urgence, il faudra que les Conférences des Présidents des deux chambres qui composent le Parlement s’y opposent conjointement. Pour ma part, je refuse que Sénat et Assemblée nationale soient mis sur un pied d’égalité…

M. Richard Mallié – Allons, c’est le Parlement !

M. René Dosière – Je n’accepte pas que l’assemblée élue au suffrage indirect soit considérée comme équivalente à celle qui procède du suffrage universel direct !

M. le Président – L’Assemblée va se prononcer sur votre amendement que l’on pourrait, Monsieur Mallié, qualifier d’esthétique, comme l’est du reste un certain combat pour le maintien des plaques minéralogiques ! (Sourires)

L'épreuve à main levée ayant été déclarée douteuse, l’amendement 135, mis aux voix par assis et levé, est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Goulard – Même moi, je l’ai voté ! (Sourires)

M. François de Rugy – Comme l’a dit Mme Billard, cet article 16 constitue bien une avancée, mais encore faut-il veiller à ce que pour un pas en avant, on n’en fasse pas deux en arrière ! Notre amendement 347 vise par conséquent à supprimer l’exception à l’application de cet article prévue pour les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale. Nous n’avons pas, Monsieur Lagarde, à nous soumettre à la pression médiatique et il me semble beaucoup plus sage de respecter le temps du travail parlementaire. Mais peut-être faut-il considérer – et vous allez voir de qui je veux parler – que la bougeotte et l’agitation permanente d’un certain responsable politique de premier plan est désormais la règle générale ?

La loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale comptent parmi les textes les plus importants dont nous sommes saisis. Ne les excluons pas du champ d’application du présent article 16 alors que, depuis un an, l’urgence a été déclarée sur pratiquement tous les textes. Lorsque nous retournons dans nos circonscriptions, nos administrés sont souvent très déçus de constater que les délais sont déjà passés et qu’il n’y a plus moyen de déposer des amendements pour faire entendre telle ou telle demande.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Il faut éviter la confusion ! Pour le PLF et le PLFSS, des délais spécifiques sont déjà inscrits dans la Constitution, soit respectivement 70 jours et 50 jours.

L'amendement 347, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 70 est défendu.

L'amendement 70, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 16, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 17

M. François Goulard – L’objectif de cette révision est de revenir sur certains aspects du « parlementarisme rationalisé ». Depuis 1958, une grande évolution a eu lieu avec l’apparition du fait majoritaire, qui a été renforcé par l’élection du président de la République au suffrage universel et par l’instauration du quinquennat. Dès lors, des restrictions imposées à l’époque au pouvoir parlementaire ne se justifient plus. On redoutait ainsi que des commissions permanentes en trop grand nombre ne deviennent autant de contre-pouvoirs. Cette crainte n’est plus d’actualité, dès lors que majorité et Gouvernement sont désormais à l’unisson. Pour aérer le travail parlementaire, il faut que l’ordre du jour des commissions soit moins chargé et que leur nombre soit plus élevé. Passer de six à huit commissions permanentes comme le propose le Gouvernement est déjà un progrès. Par l’amendement 197, nous proposons de porter leur nombre à dix.

M. Bertrand Pancher – L’amendement 237 rectifié est identique. Il faut augmenter le nombre de commissions, par exemple pour créer enfin une commission de l’environnement et peut-être du développement durable. De toute façon, le Parlement a contourné l’interdiction d’en instaurer de nouvelles en créant des délégations et des offices, dont les pouvoirs ne sont cependant pas ceux des commissions permanentes.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 426 est identique. En voulant corriger les excès, dérives et débordements d’une IVe République qui ne connaissait pas de majorité, les constituants de 1958 ont eux-mêmes commis des excès. Nous voulons aujourd’hui en corriger une partie. Une limite essentielle à la capacité d’intervention du Parlement tient au nombre de commissions. Le Gouvernement lève un tabou en proposant de le porter à huit. Mais nous sommes nombreux à considérer que ce n’est pas suffisant, parce que cela ne permettra que de scinder les deux grandes commissions des affaires économiques et des affaires sociales. Il serait indispensable de créer également au moins une commission de suivi de l’exécution des lois, car les commissions actuelles, en raison de leur ordre du jour chargé, ne peuvent s’en occuper alors même que 70 % des textes votés ne sont jamais appliqués !

Nos commissions ont des ordres du jour trop vastes – mais pas forcément des locaux : je ne suis pas sûr que nous pourrions réunir les 73 membres de la commission des lois dans sa salle… Pour travailler dans de bonnes conditions, la plupart des parlements ont beaucoup de commissions, plus spécialisées : il y en a 32 au Royaume-Uni, 23 en Espagne, 20 au Parlement européen, 21 au Bundestag me semble-t-il. Nous ne demandons pas une vingtaine de commissions comme en régime parlementaire, mais, dans notre régime semi-parlementaire, une dizaine. Passer à huit commissions en scindant deux des anciennes n’améliorera pas beaucoup la capacité de travail et de contrôle du Parlement.

M. René Dosière – Notre amendement 489 est identique. Après avoir accru les pouvoirs des commissions, il est naturel en complément d’en augmenter le nombre. Cela permettra de légiférer dans de meilleures conditions. C’est aussi ouvrir la possibilité – dans le règlement intérieur – de partager plus équitablement les présidences avec l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ce qui n’est pas possible avec un nombre de commissions restreint. Enfin, cela permettra aux parlementaires d’être plus présents, comme le permettrait l’interdiction du cumul des mandats : delenda est cumulatio ! (Sourires)

M. Daniel Garrigue – Mon amendement 19 vise à passer à neuf commissions permanentes, dans le souci de faire leur juste place aux affaires européennes. Certes, il existe une délégation à l’Union européenne présidée par Pierre Lequiller. Mais la culture communautaire s’y exprime un peu en vase clos. Nous votons aussi sur la contribution de la France au budget européen, mais un peu en marge de la discussion budgétaire. La procédure de résolution étant rarement utilisée, il est difficile à la délégation de faire partager ses propositions à l’ensemble de l’Assemblée.

La situation actuelle présente un inconvénient juridique. En effet, les délégations, dans chaque assemblée, sont chargées de suivre les projets de résolution, de directives et de règlements communautaires avant leur adoption. Mais au moment de la transposition, ce ne sont plus elles qui sont saisies. Sur un plan plus général, il est bien difficile de faire entrer l’Europe dans cet hémicycle. Il était prévu qu’une séance de questions au Gouvernement par mois commence par des questions sur l’Union européenne. La procédure a été remise en cause au motif de mieux la caler sur l’actualité. Depuis, il n’y a plus eu de questions sur l’Europe. Mon amendement vise donc à transformer la Délégation en commission des affaires européennes de plein exercice.

On m’objectera que la compétence de cette commission risque de toucher à tous les domaines couverts par les autres commissions. Mais il appartiendra à la Conférence des Présidents d’opérer des choix en désignant celles qui seront saisies au fond et pour avis.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe Nouveau centre d’une demande de scrutin public sur les amendements 192, 237 rectifié, 426 et 489.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable aux amendements 192, 237 rectifié, 426 et 489 et à l’amendement 19. Je n’ai pas été convaincu par les arguments présentés. Faut-il augmenter le nombre de commissions pour créer une commission chargée du suivi des lois ? Il ne s’agirait pas d’une commission législative : par conséquent, nous pouvons, avec le nombre actuel de commissions, créer une telle commission. Veut-on créer une commission spécialisée dans le droit européen ? Cela signifierait que tous les textes de transposition lui échoiraient ; vu l’importance du droit européen, les autres commissions ne seraient plus saisies.

Si nous défendons le chiffre 8, ce n’est pas par fétichisme. Nous avons été nombreux – Le président Dubernard tout particulièrement – à nous pencher sur cette question et nous nous sommes accordés à considérer que deux commissions – affaires économiques et affaires sociales – devaient être divisées. Cela n’interdit pas de retoucher le périmètre des quatre autres commissions et de repenser l’organisation générale.

Les Français ont une qualité, la créativité. Si nous inscrivons le chiffre 10 dans la Constitution pour avoir une réserve de deux commissions, il ne fait pas de doute que celle-ci sera aussitôt utilisée !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Depuis cinquante ans, il y a six commissions (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Pierre Brard – Et depuis deux mille ans, l’église catholique !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Je ne vois pas bien le lien.

M. Jean-Pierre Brard – Depuis toujours, il y a des riches.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Nous avons voulu revaloriser le travail des commissions en augmentant leur nombre. Il existe des propositions sympathiques allant au-delà de huit commissions, avec une répartition différente. Autant le chiffre 6 nous paraît contraignant, autant il ne semble pas utile de laisser la bride trop lâche : pourquoi pas douze ?

M. Jean-Christophe Lagarde – Nous proposons de passer à dix commissions.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Le Gouvernement souhaite passer de six à huit commissions, ce qui permettra une nouvelle organisation du travail parlementaire.

M. Jean Mallot – De quoi se mêle-t-il ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Il s’agit de la Constitution. Nous en resterons donc là.

Mme Élisabeth Guigou – Il est vrai que huit, c’est mieux que six. Mais si le comité Balladur a préconisé le chiffre de 10, c’est parce que l’on ne modifie pas tous les jours la Constitution et qu’il convient de se constituer une réserve.

Comme l’a dit M. Garrigue, la délégation pour l’Union européenne gagnerait à être transformée en commission. Elle est déjà chargée de l’examen de tous les projets d’actes législatifs en vertu de l’article 88-4. Mais il est paradoxal qu’elle ne puisse pas participer au travail en séance et suivre l’application des actes et la transposition des directives.

La précaution serait d’inscrire le chiffre 10 dans la Constitution, quitte à débattre ensuite du nombre de commissions à créer. Nous soutiendrons ces amendements.

M. René Dosière – Monsieur le ministre, ces propositions ne sont pas « sympathiques » ; elles sont issues d’un travail de fond – notamment celui mené par le comité Balladur – et relaient bon nombre de préoccupations.

Par ailleurs, nous venons de voter l’article 16 : avec un nombre trop réduit de commissions, cette disposition risque de se trouver vidée de son sens. J’ajoute, Monsieur le ministre, que s’il s’agit d’un texte constitutionnel – sur lequel vous pouvez vous prononcer – la question du nombre de commissions ressortit au pouvoir législatif. Peut-être pourriez-vous vous en remettre à la sagesse de l’Assemblée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M.  Benoist Apparu, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles – Il existe un consensus sur la nécessité de scinder en deux les deux commissions pléthoriques, qui n’ont pas le temps d’effectuer le contrôle parlementaire dans l’ensemble de leur champ de compétence.

L’idée de créer une réserve de deux commissions supplémentaires me semble peu pertinente. Créer une commission des affaires européennes aurait un effet contraire à celui qu’on recherche : les parlementaires qui siègent à la délégation sont membres d’une autre commission, et c’est bien cette double appartenance qui permet la diffusion de la culture européenne dans notre assemblée. Une commission des affaires européennes aurait, en outre, vocation à être saisie au fond d’une grande partie des textes. Ç’aurait été le cas, par exemple, du projet de loi sur les OGM. La difficulté serait la même pour une commission aux droits des femmes : tous les textes intéressent la politique des genres. S’agissant de la commission de suivi des lois proposée par M. Lagarde, il n’est pas opportun de dissocier le vote d’une loi de son suivi, c’est le même rapporteur qui doit animer la discussion de la loi et en contrôler l’application.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je vous rappelle que M. Ollier est pour la création de sous-commissions !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires socialesLe cas du Parlement allemand, avec ses vingt commissions, a été évoqué. Pour avoir reçu la visite de parlementaires allemands, je puis vous dire que l’Allemagne aimerait bien copier notre système (Protestations sur divers bancs).

Par ailleurs, la création d’une commission spécifique pour les affaires européennes ne me paraît pas correspondre à nos traditions et contribuerait pas à la nécessaire diffusion d’une culture européenne dans l’ensemble de l’Assemblée et des commissions.

Je sais que cela peut paraître ici incongru, mais la présence est obligatoire dans un certain nombre de pays. Pour avoir présidé plusieurs commissions, je pourrais faire état de défaillances de ce point de vue, malgré un nombre restreint de commissions… Enfin, l’aspect financier ne me paraît pas, comme à d’autres, accessoire.

M. Jérôme Chartier – Certains d’entre nous se rappelleront que le nombre record de commissions sous la IVe est de dix-neuf !

M. Jean-Christophe Lagarde – C’est le double de ce que nous proposons.

M. Jérôme Chartier – On critique déjà l’inflation législative, ne nous exposons au reproche d’organiser l’inflation des commissions !

M. Roland Muzeau – Le débat s’élève…

M. Jérôme Chartier – Je vous demande, Monsieur le président, de bien vouloir suspendre la séance afin que les membres du groupe UMP s’accordent sur une position commune (Protestations sur les bancs du groupe SRC, du groupe GDR et du groupe NC).

La séance, suspendue à 19 heures 30, est reprise à 19 heures 50.

M. Jean-Pierre Brard – J’espère que nous avons une chance d’avancer, bien que M. Copé ne soit plus là, maintenant que la majorité a reçu le renfort de sœur Emmanuelle – celle du moins qui a gagné sa célébrité par ses attaques contre la laïcité, au profit des sectes. Tout à l’heure, M. Méhaignerie a évoqué le problème, qu’il juge accessoire, du coût de ces amendements. D’habitude pourtant, pour la majorité, un « chou » est un « chou » ! Nous savons aussi que notre commission des finances a eu le plus grand mal à travailler avec le Bundestag, qui compte beaucoup plus de commissions que nous, parce qu’elle n’a pas pu trouver de correspondant – à ce propos, il ne faut pas oublier le problème de la présence, que Pierre Méhaignerie a aussi évoqué : au Bundestag, il y a un pointage des députés, ce qui est une excellente chose.

Toute cette discussion devient surréaliste lorsqu’on sait qu’elle a vocation à avoir lieu tous les cinquante ans, à en croire M. Karoutchi. Car le débat n’est pas là. Ce qui est choquant, à la base, c’est que le nombre de commissions soit ficelé dans la Constitution. Pourquoi le Parlement ne déterminerait-il pas ses modalités de travail en fonction de ses contraintes et de ses besoins ? Nous ne voterons donc pas cet article. Mais je voudrais dire combien nous trouvons choquant que la directrice de cabinet du Président de la République vienne à l'Assemblée nationale pour donner le la à tous les députés qui sont disposés à écouter la petite musique élyséenne. C’est pire que le Politburo !

M. Daniel Garrigue – J’ai expliqué tout à l’heure, et Mme Guigou aussi, pourquoi nous devrions compter une commission des affaires européennes, comme la plupart des autres parlements. Il est vrai que les affaires européennes couvrent aujourd’hui presque l’ensemble des domaines de législation, et je ne tiens pas à une commission omnicompétente. Mais peut-on se contenter pour autant d’une délégation qui fait certes un travail considérable, mais qui fonctionne souvent en circuit fermé ? C’est ce qui explique que les enjeux européens soient trop peu abordés dans l’hémicycle.

Je serais donc disposé à retirer mon amendement 19 si un autre que j’ai déposé devait être adopté : il s’agit de permettre au moins à la délégation de présenter des avis en séance publique, sur des textes de transposition et sur des sujets européens ou pour exposer les solutions retenues sur certaines questions par les autres États européens.

M. François de Rugy – Si l’on commence à vouloir créer des commissions de ceci ou de cela, chacun va y aller de son idée géniale ! Je soutiens le passage de huit à dix pour la simple raison que la réduction du nombre des commissions, en 1958, a été un des moyens de rabaisser le Parlement. M. Karoutchi a eu bien du mal, tout à l’heure, à nous expliquer pourquoi il fallait passer de six à huit mais pas de huit à dix. Je lui rappelle que Nicolas Sarkozy, en campagne, avait fait de grandes déclarations sur le thème du gouvernement resserré mais qu’il a nommé 15 ministres et 22 secrétaires d’État. Il est difficile dès lors de défendre une restriction du nombre des commissions… Pour ma part, je serais favorable, par principe, à l’existence d’une commission pour chaque membre du gouvernement, afin d’assurer un équilibre. Mais je ne demande même pas à aller jusque là : il faut simplement que nous puissions travailler en phase avec les principaux ministères. Il n’est pas normal que le ministère d’État chargé du développement durable, du transport et de l’énergie par exemple, ou alors le ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales, n’aient pas de correspondant ! Le passage à dix commissions est donc un minimum.

M. Bertrand Pancher – Laisser croire que nos votes seraient dictés par l’Élysée est plus qu’insultant. Nous sommes capables de penser tous seuls, et même de changer d’avis. J’ai soutenu le passage à dix commissions parce que je pense que notre assemblée a besoin d’exercer davantage de pouvoirs. Mais il est vrai qu’on ne peut pas donner le sentiment à l’opinion publique que l’on augmente sans cesse les dépenses. C’est pourquoi j’étais d’ailleurs favorable à la limitation du nombre de membres du Gouvernement et de parlementaires. Je retire donc mon amendement.

L'amendement 237 rectifié est retiré.

M. Pierre Lequiller – Lors de mon audition, j’ai clairement dit à la commission des lois que je ne souhaitais pas que la délégation pour l’Union européenne devienne une commission permanente. La délégation a en effet deux spécificités. D’abord, elle ne vote pas des lois, mais donne des avis et adopte des résolutions, qui sont d’ailleurs largement suivies par le Gouvernement. Ensuite, ses membres doivent appartenir à l’ensemble des autres commissions permanentes, ce qui permet d’irradier l’ensemble du domaine législatif.

Je ne peux pas laisser dire que la délégation travaille en vase clos. Nous nous sommes au contraire efforcés de tenir à plusieurs reprises des réunions communes avec les commissions compétentes. À la demande du Président de l’Assemblée, nous avons créé des pôles européens au sein de chaque commission permanente. Nous fournissons également des éléments comparatifs sur les différents projets de loi.

Il serait intéressant, mais nous aurons l’occasion d’en traiter à l’article 32, que la délégation puisse donner en tant que telle son avis sur les projets de loi et faire part des expériences européennes sur les différents sujets.

Pour l’heure, je pense qu’il faut en rester au texte du Gouvernement s’agissant de la future dénomination et des spécificités de la délégation.

M. René Dosière – Si M. Pancher a retiré son amendement, le groupe socialiste, lui, maintient le sien.

Permettez-moi de m’étonner de la tournure des événements. Nous venons de voter un article qui renforce le pouvoir des commissions puisque, si la réforme est votée, nous examinerons en séance publique le texte adopté en commission, et non plus celui du Gouvernement. Nous savons tous que le nombre actuel de commissions est insuffisant. Chacun s’accordait d’ailleurs sur la nécessité de passer de six à dix, comme l’a d’ailleurs préconisé le comité Balladur. Face à cela, le Gouvernement vient de faire pression pour qu’on se limite à huit. S’agissant du fonctionnement interne de notre institution, il aurait dû s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

Que n’a-t-il fallu pour s’assurer que notre amendement sera repoussé ! Quinze minutes de suspension de séance, une pression très forte de l’exécutif, le rappel du président de groupe ! Et après tout cela, vous n’hésitez pas à affirmer, Monsieur Pancher, que les parlementaires de la majorité prennent leurs décisions en toute conscience !

Ma position sur cette réforme est connue puisque j’ai cosigné avec plusieurs camarades un texte disant combien nous la trouvions sympathique, mais je vous le dis tout net, la façon dont s’y prend le Gouvernement ne nous incite pas à penser que l’intention véritable est de réhabiliter le travail du Parlement. Et si telle n’est pas l’intention, vous ne pourrez pas avoir notre accord sur ce texte.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Monsieur Dosière, vous avez parlé de pression intolérable de l’exécutif. Eh bien, sachez que lors de la réunion du groupe UMP, je n’ai pas ouvert la bouche non plus que Mme la garde des sceaux. Seuls les élus ont débattu entre eux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Christophe Lagarde – Dix commissions, ce sera de toute façon moitié moins qu’au Parlement européen. Si cette proposition nous est refusée, c’est qu’on accepte l’idée qu’il est possible de travailler efficacement… à soixante ! Nous connaissons tous les conditions de travail en commission où certains de nos collègues ne vont plus parce qu’on y est si nombreux qu’il est impossible d’y faire œuvre utile.

Un amendement à venir, émanant d’un ancien président de notre assemblée, aujourd’hui président de notre commission des affaires économiques, propose d’ailleurs de créer des sous-commissions au sein de sa commission, vu, nous a-t-il expliqué lors de son audition, l’impossibilité pour ses commissaires de suivre véritablement l’action du Gouvernement.

Passer à dix commissions n’a rien d’excessif. C’est au contraire tout à fait raisonnable. Si cela nous est refusé, il sera difficile de réhabiliter vraiment le travail parlementaire.

Mme Catherine Génisson – L’argument selon lequel il faudrait limiter le nombre de commissions – ou tous autres moyens au service du débat démocratique – pour faire des économies me dérange beaucoup. La qualité du débat démocratique exige des moyens.

À la majorité de 91 voix contre 40 sur 132 votants et 131 suffrages exprimés, les amendements identiques 192, 426 et 489 ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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