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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 28 mai 2008

2ème séance
Séance de 21 heures 30
173ème séance de la session
Présidence de M. Marc Le Fur, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE LA Ve RÉPUBLIQUE (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

ART. 17 (suite)

M. Daniel Garrigue – Rappel au Règlement. Tout à l’heure, je n’ai pas retiré l’amendement 19. J’ai expliqué que j’étais prêt à le faire contre l’engagement qu’à l’article 32 serait donnée au futur comité des affaires européennes la possibilité de présenter des avis en séance publique. Or, je n’ai pas eu de réponse.

Ces dispositions seraient de caractère réglementaire. Pourtant, le constituant de 1958 est allé assez loin dans le détail de dispositions relatives au Parlement, créant ainsi le parlementarisme rationalisé. De même, nous ne cessons, depuis le début de nos débats, de voter des dispositions de nature réglementaire. Ne comprenant donc pas que l’on m’oppose un tel argument, je maintiens l’amendement.

L'amendement 19, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

Mme Marie-Jo Zimmermann – L’amendement 148 vise à compléter l’article 43 de la Constitution par l’alinéa suivant : « Toute commission permanente ainsi que la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes peuvent décider de se saisir pour avis de tout ou partie d’un projet ou d’une proposition renvoyé à une commission permanente. » Nous souhaitons que la délégation puisse se saisir sans demander l’autorisation de la commission saisie au fond.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois – Comme le précédent amendement de M. Garrigue, cette disposition n’est pas de niveau constitutionnel, les missions de la délégation étant fixées par l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. Je demande le retrait de l’amendement. C’est un débat que nous pourrons avoir à l’occasion des textes d’application de la révision constitutionnelle.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Même avis.

L'amendement 148 est retiré.

L'article 17, mis aux voix, est adopté.

ART. 18

M. Patrick Roy – L’article 18 a de quoi surprendre, eu égard à la volonté affichée par le Gouvernement de renforcer les pouvoirs du Parlement. Il est déjà extrêmement difficile pour un député de défendre une proposition de loi, le Gouvernement s’opposant souvent à son examen. Je m’inquiète donc d’un article n’ayant d’autre objet que de restreindre le droit d’amendement, lequel constitue, avec le droit de déposer des propositions de loi, une des principales fonctions du mandat délivré au député par les électeurs. On nous dit que des abus sont commis dans la pratique de ce droit ; à y regarder d’un peu près, la réalité n’a jamais été aussi excessive que ce que l’on a pu dire. Cet article est d’autant plus inquiétant qu’avec l’examen approfondi en commission également prévu par cette révision constitutionnelle, le débat dans l’hémicycle pourrait se réduire à une simple formalité de ratification.

M. Bernard Debré – Même si la révision constitutionnelle renforce les prérogatives des commissions dans le débat parlementaire, je m’inquiète d’une possible suppression du droit d’amendement en séance publique. Le député membre d’une commission peut s’intéresser à des débats dont d’autres commissions seraient saisies. Quelle possibilité lui restera-t-il alors de faire des propositions ?

M. Patrick Roy – Très bon argument !

M. Bernard Debré – Cet article mériterait d’être supprimé.

M. René Dosière – L’article 44 actuel de la Constitution dispose avec clarté : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. » Le présent projet entend renvoyer les modalités de ce droit à une loi organique, ce qui pourrait donner à une majorité la possibilité de restreindre le droit d’amendement. Le recours à ce droit pour ralentir les débats – il s’agit au fond plus de retardement que d’obstruction – est en réalité lié au fait que l’opposition parlementaire n’a pas véritablement de statut. Je ne fais de procès d’intention à personne, mais il faut bien reconnaître que les précédents présidents des assemblées ont cherché, entre autres modalités destinées à contenir la dilatation des débats, à restreindre le droit d’amendement, sans y parvenir. Sans être par principe hostile aux efforts en vue de réglementer le débat parlementaire, je pense que cet article peut être très dangereux.

M. Arnaud Montebourg – Cet article nous inquiète. Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis ne renforce pas les droits des parlementaires, alors qu’ils ont été singulièrement restreints au fil du temps. L’article 18 permettra à la majorité de restreindre le seul droit dont l’opposition dispose encore, à savoir le droit d’amendement.

Face à nos protestations, le rapporteur a proposé un amendement 71 qui rendrait recevable – en première lecture – tout amendement présentant un lien, même indirect, avec le texte, sous réserve des articles 40 et 41 de la Constitution. La jurisprudence du Conseil constitutionnel serait alors profondément modifiée…

J’aimerais que le rapporteur nous explique à quoi servira alors la loi organique prévue par l’article 18. Il y a une contradiction entre la volonté d’encadrer le droit d’amendement et la proposition salutaire du rapporteur, qui rendrait au contraire tout amendement recevable. Le rapporteur pourrait-il nous éclairer sur ce point ? Il serait utile que le Journal officiel en fasse foi.

M. Jean-Pierre Brard – Le droit d’amendement est un droit fondamental. Je ne pense pas que M. Bernard Debré me contredira, puisqu’il est en quelque sorte le père de la Constitution par filiation (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Nos droits ont déjà été amputés : il y a quelque encore, le temps de parole était illimité pour les motions de procédure. C’était précieux pour ceux qui avaient quelque chose à dire… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il est parfois nécessaire de revenir longuement sur l’histoire ! Comment éclairer l’Assemblée en moins de trente minutes quand il s’agit de questions fondamentales ?

Plusieurs députés du groupe UMP – C’est encore trop long !

M. Jean-Pierre Brard – Bien qu’il soit indispensable à notre travail sur les textes dont nous sommes saisis, le droit d’amendement a lui aussi été peu à peu amputé. Depuis le début de cette discussion, nous sommes abreuvés de belles promesses… J’aimerais plutôt qu’on m’explique pour quelle raison il faudrait modifier l’article 44, si ce n’est pour réduire encore le droit d’amendement. Le Gouvernement a déjà le droit de refuser un amendement qui n’a pas été examiné en commission, il peut recourir au vote bloqué, et il a même le droit de demander une seconde délibération si notre vote ne le satisfait pas. Et vous voudriez aller plus loin encore ?

Bien sûr, je sais déjà ce que dira le ministre.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État – Je n’ai encore rien dit !

M. Jean-Pierre Brard – On connaît la musique… Mais peu importe : malgré son expérience, M. Montebourg a fait preuve d’une certaine naïveté en demandant au rapporteur de nous apporter des éclaircissements. Ses explications n’auront aucune valeur, même si elles figureront au Journal officiel.

M. Jean-Christophe Lagarde – Ce n’est pas exact !

M. Jean-Pierre Brard – Mais si ! Vous savez bien que le Conseil constitutionnel ne se référera pas à nos débats, mais au texte tel qu’il sera adopté. L’éclairage apporté par le rapporteur et par le ministre sera aussi efficace que celui d’EDF un jour de grève ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Ne touchons pas à l’article 44 de la Constitution ! Si vos intentions sont aussi pures que vous le prétendez, il n’est pas besoin de le modifier.

M. Pierre Lellouche – C’est à nous d’écrire la loi : elle est l’expression de la souveraineté nationale, que nous représentons aux termes de l’article 3 de la Constitution. L’article 44, qui accorde le droit d’amendement aux membres du Parlement et du Gouvernement, est donc fondamental.

M. Arnaud Montebourg – Très bien !

M. Pierre Lellouche – Ce droit donne parfois lieu à des abus, chacun le sait.

M. Patrick Roy – Pas du tout !

M. Pierre Lellouche – Il arrive que l’on tienne en haleine l’Assemblée pendant des jours et des nuits en défendant des amendements plus ou moins en rapport avec le texte qui nous est soumis… Notre Règlement intérieur, qui relève de notre compétence et de celle du juge constitutionnel, doit organiser l’exercice de ce droit. Mais cela ne signifie pas que le texte même de la Constitution doit le restreindre. Ne confondons pas le principe et son application.

Ceux qui appartiennent aujourd’hui à la majorité seront un jour dans l’opposition…

M. Jean-Pierre Brard – Bien vu !

M. Pierre Lellouche – Que dirions-nous si une majorité recourait à la loi organique afin de restreindre le droit d’amendement ? Je ne voudrais pas que l’on puisse le craindre. Il faut donc affirmer clairement, à l’intention du juge constitutionnel, que notre intention n’est pas de toucher au droit fondamental d’amendement.

M. Julien Dray – Cette question mérite que l’on dépasse le clivage entre majorité et opposition, car c’est notre rôle même de parlementaire qui est en jeu. Chacun d’entre nous doit se demander s’il n’aura pas un jour besoin du droit d’amendement pour défendre une position essentielle à ses yeux. Si l’on multiplie les amendements, c’est en effet parfois pour organiser une résistance et faire en sorte que le débat ait lieu. Nous l’avons tous fait…

M. Pierre Lellouche – Absolument.

M. Julien Dray – Tous les gouvernements se sont agacés, à un moment ou un autre, de l’obstruction parlementaire. Mais tous ceux qui ont un jour demandé, en tant que ministres, que l’on mette fin à l’obstruction parlementaire, ont utilisé cette arme lorsqu’ils sont redevenus simples parlementaires.

Jeune député, j’ai connu l’époque où nous disposions d’un temps illimité pour défendre les motions de procédure. Je me souviens en particulier d’un discours de 3 heures 30 de M. Philippe Séguin. Aurait-il aussi profondément marqué l’Assemblée en 30 minutes ?

M. Jean-Christophe Lagarde – C’était effectivement une intervention remarquable…

M. Julien Dray – Je me souviens également d’un discours de 4 heures 50 de M. Pierre Mazeaud sur la notion de peuple corse. La question n’est pas de savoir si nous voulons des nuits courtes ou longues… Quelles que soient les bonnes intentions affichées, il est évident que l’on est en train de fabriquer une machine à empêcher une discussion gênante – ne faites pas cette tête, Monsieur Karoutchi, c’est bien ainsi que cela va se passer !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Mais non !

M. Julien Dray – Mais enfin ! Que nous dit l’exposé des motifs ? Que la modification apportée par l’article 18, « en précisant que le droit d’amendement s’exerce en séance ou en commission dans les conditions et limites fixées par le règlement de chaque assemblée, dans le cadre déterminé par une loi organique, (…) permet (…) l’institution de procédures réellement simplifiées » et qu’ « elle ouvre (…) la voie (…) à la fixation par la Conférence des Présidents d’une durée programmée d’examen des textes », apportant ainsi « une réponse aux phénomènes d’obstruction parlementaire » !

Autant dire qu’inéluctablement, un jour viendra où des parlementaires qui veulent mener une bataille qui leur paraît essentielle se verront opposer cette disposition, qui permettra d’écourter la discussion. Évidemment, un tel article vous aurait été utile lors du débat sur les OGM (Protestations sur les bancs du groupe UMP) mais, si vous l’adoptez, un jour viendra où la question se posera pour vous aussi et, ce jour-là, vous prendrez conscience d’avoir commis une bêtise. On va, bien sûr, tenter de nous apaiser par toutes sortes de garanties, mais on sait ce qu’elles valent quand un Gouvernement se sent en difficulté sur un texte !

Je ne conclurai pas sans citer un bon auteur : M. Bayrou. Alors ministre de l’éducation nationale, il avait cru opportun de réformer la loi Falloux…

M. Christian Vanneste – Vous vous trompez : c’était une proposition de loi !

M. Julien Dray – Il l’a reprise à son compte, vous le savez fort bien. Nous l’avons, en vain, mis en garde contre le risque qu’il prenait de rallumer la guerre scolaire puis, n’étant pas entendus, nous avons mené bataille au Parlement. Par la suite, M. Bayrou l’a admis : « J’ai fait une erreur », nous a-t-il dit, « heureusement que cette bataille parlementaire a eu lieu ». Pensez-y, Monsieur le ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – Je suis saisi par le groupe GDR et par le groupe SRC d’une demande de scrutin public sur les amendements de suppression, 400, 445 et 490.

M. Jean-Claude Sandrier – Nous avons souligné plusieurs fois que les prétendus droits nouveaux accordés au Parlement dans votre réforme sont des leurres – certains constitutionnalistes parlant, eux, d'hypocrisie. Cet article en donne un nouvel exemple. À l’article 16, vous avez introduit une nouveauté, qui n'est pas un pouvoir supplémentaire, en vertu de laquelle le texte discuté en séance plénière ne sera plus le projet du Gouvernement mais le texte issu des travaux de la commission qui en a été saisie. Soit. Mais vient ensuite cet article 18, qui renvoie au règlement de nos assemblées et à ses modifications à venir, dont l’objet, vous n'en faites pas mystère dans l'exposé des motifs, sera de multiplier les procédures « réellement simplifiées » et d'« ouvrir la voie à la fixation par la Conférence des Présidents d’une durée programmée d’examen des textes ». Autrement dit, vous prenez prétexte de la présentation en séance du texte débattu en commission pour réduire le temps du débat en séance plénière publique, ce qui ouvre la porte à l'inscription dans la Constitution d'une atteinte à la liberté du débat et à la liberté d'amendement (M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État protestent).

M. Patrick Roy – Absolument !

M. Jean-Claude Sandrier – Cette régression programmée est inacceptable, d’autant plus qu'elle sera codifiée par les règlements des assemblées, qui ne seront modifiés qu'après le vote de la révision constitutionnelle.

Nous ne pouvons signer de tels chèques en blanc, ni pour cet article, ni pour tous ceux qui renvoient à une loi ultérieure oui à des modifications réglementaires. Votre préoccupation est bien davantage de « rationaliser » le travail parlementaire que d'ouvrir la voie à un réel rééquilibrage des pouvoirs. Voilà pourquoi nous proposons, par l’amendement 400, la suppression de l’article 18, qui, combiné à l’article 15, vide de toute portée l’article 16.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Que de contrevérités ! Respectez le travail des commissaires ! Nous ne sommes pas des menteurs !

M. le Président – M. Debré a déjà défendu l’amendement 445, également de suppression de l’article.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement 490 a le même objet. Les constituants de 1958 n’étaient pas des tendres, mais c’étaient de bons juristes. Nous devrions nous inspirer de leur sens de la formule, qui nous manque parfois, et aussi respecter le fait qu’ils ont inscrit dans la Constitution le droit d’amendement, un droit fondamental dans toute démocratie. Or, par l’article 18, vous projetez d’altérer ce droit, qui s’exercerait désormais « en séance ou en commission selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. » Ainsi, non seulement on renvoie à des modifications ultérieures de notre règlement dont nous ignorons tout, mais elles se feraient par le biais d’une loi organique au lieu d’être inscrites dans la Constitution ! C’est inacceptable, et le sort fait à cette proposition au cours de la navette sera, pour nous, déterminant (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission n’est pas favorable aux amendements de suppression. Sans mettre en cause la bonne foi des orateurs, je dois dire que j’ai été choqué par les contrevérités exprimées. Il n’a jamais été question de limiter le droit de déposer des amendements... (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Patrick Roy – Mais enfin ! Nous savons lire !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – …ni en commission, ni en séance plénière. Lorsque l’Assemblée examinera, selon le nouveau dispositif, le texte issu de la commission, chaque député demeurera libre de déposer un, dix, cent amendements, comme il l’aura été d’en déposer en commission…

M. Jean-Pierre Brard – Ce droit sera limité !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Par les seules conditions de recevabilité : celles de l’article 40, et celles fixées par le Conseil constitutionnel. Mais sachez que lors de l’examen de l’article 19, je vous proposerai, par l’amendement 71, d’élargir les critères de recevabilité des amendements. Sous réserve des articles 40 et 41, tout amendement sera recevable s’il a un lien, même indirect, avec le texte examiné. J’ai bon espoir d’être suivi par le Gouvernement, si bien que, loin d’être restreint, le droit d’amendement sera élargi au terme de la révision constitutionnelle. Pourquoi l’article 18 prévoit-il une loi organique ? Précisément pour pouvoir imposer au Gouvernement de ne plus nous contraindre à travailler de la manière détestable que nous connaissons trop souvent. Avec le nouveau dispositif, nos habitudes de travail devront évoluer, et les modalités d’exercice du droit d’amendement – droit qui demeure intouché à chaque phase de la procédure parlementaire, je le répète –, devront avoir un ancrage constitutionnel. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Je ne répéterai pas les remarquables explications du rapporteur. J’ajoute à l’intention de ceux qui s’inquiètent…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – À juste titre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État ...que le Gouvernement émettra un avis favorable à l’amendement 71 de la commission, qui étend le pouvoir de déposer des amendements.

Plusieurs députés du groupe GDR – D’en déposer, soit, mais de les débattre ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Nous ne cessons de vous le dire : d’en déposer, de les débattre – puisque tel était le mot que vous vouliez entendre –, et même d’en déposer davantage !

M. Jean-Claude Sandrier – Il faut l’inscrire dans cet article !

Mme Chantal Brunel – Les explications du rapporteur et du Gouvernement sont on ne peut plus claires : un texte adopté en commission, le cas échéant par sept ou huit parlementaires, peut faire l’objet d’un nombre indéfini d’amendements en séance publique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Julien Dray – Ce n’est pas ce que dit le texte ! Il y a une différence entre « déposer » et « discuter » !

M. Christian Vanneste – Cher Monsieur Montebourg, je garde un bon souvenir de l’examen du texte en commission des lois… (Exclamations et rires sur les bancs du groupe GDR)

M. Jean-Pierre Brard – Vous seriez-vous compromis, Monsieur Montebourg ?

M. Christian Vanneste – Ce débat serein a permis d’adopter plusieurs de vos amendements et ce travail sérieux a fait honneur au Parlement.

Si toutes les dispositions de ce texte ne contribuent pas à renforcer le rôle du Parlement, cet article ne saurait encourir ce reproche. Comme l’a dit le rapporteur, il n’est pas question de remettre en cause le droit d’amendement, qui est fondamental. Mais prenons garde aux relents d’antiparlementarisme… (Exclamations sur les bancs du groupe GDR)

M. Jean-Claude Sandrier – Nous y voilà !

M. Christian Vanneste – …et évitons de perdre un temps inutile… (Même mouvement)

M. Julien Dray – Merci de dire la vérité !

M. Christian Vanneste – …en faisant preuve de mauvaise foi…

M. Julien Dray – Appréciation subjective !

M. Christian Vanneste – …au lieu de débattre dans le calme et de manière constructive. Monsieur Dray, vous qui m’interpellez, vous avez la mémoire courte ; heureusement, ce n’est pas le cas du président Le Fur, qui pourra confirmer mes dires.

M. Julien Dray et M. Jean-Pierre Brard – Flatteur !

M. Christian Vanneste – Vous avez oublié le comportement indigne de l’opposition lors de l’examen d’un texte que nous avons fini par voter un lundi à l’aube - grâce à l’intervention du président Séguin et après l’évanouissement d’un membre du personnel de l’Assemblée –, parce que vous n’aviez eu de cesse de défendre des amendements d’obstruction…

M. Julien Dray – Je m’en souviens parfaitement, et nous le revendiquons !

M. Christian Vanneste – …visant par exemple à limiter l’aide à l’enseignement privé à 1 %, puis à 2 %, puis à 3 %, ou mentionnant des sectes baroques pour mieux insulter les grandes religions de notre pays ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Julien Dray – Ce jour-là, nous avons sauvé la laïcité !

M. le Président – Monsieur Dray, je vous en prie.

M. Christian Vanneste – Vous avez été punis de votre obstruction aveugle ! Nous voulons éviter que cette situation ne se reproduise, afin de restituer au Parlement la dignité qui lui revient ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Julien Dray – Chacun ses références !

M. Didier Migaud – Je souhaite apporter calmement ma contribution au débat.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Est-ce possible ?

M. Didier Migaud – On a comparé l’appréciation de la recevabilité financière des amendements, prévue à l’article 40, avec celle de leur recevabilité au regard de la distinction entre le domaine législatif – circonscrit par l’article 34 – ou réglementaire – défini à l’article 37. Mais qui apprécie la recevabilité dans chaque cas, et à quel moment ? Pour l’article 40,…

M. Pierre Lellouche – C’est nous !

M. Didier Migaud - …ce pouvoir appartient au président de chaque assemblée, qui le délègue au président de la commission des finances, lequel apprécie la recevabilité financière des amendements avant que ceux-ci ne soient débattus en séance publique. Nous avons donc le pouvoir d’empêcher un amendement d’être débattu.

M. Pierre Lellouche – Nous-mêmes !

M. Didier Migaud – Mais s’il en allait de même de la recevabilité des amendements au regard de la distinction qu’opèrent les articles 34 et 37, et si le président de la commission des lois disposait à cet égard du même pouvoir que le président de la commission des finances, cela constituerait une régression du droit d’amendement.

M. Julien Dray – Absolument !

M. Didier Migaud – Si M. le ministre et M. le rapporteur nous confirment que telle n’est pas leur intention, nous serons rassurés. Cette interprétation de la Constitution, plus souple, laisse le Gouvernement libre, au cours du débat, une fois les amendements déposés, de demander le retrait d’un amendement qui relèverait à ses yeux de l’article 37. Et en cas de désaccord entre le Gouvernement et le président de l’assemblée intéressée, le Conseil constitutionnel statuera dans un délai de huit jours, comme le prévoit la Constitution (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Christophe Lagarde – On nous assure – sauf le ministre chargé des relations avec le Parlement – que l’article 18 ne saurait limiter le droit à déposer des amendements.

M. Jean-Pierre Brard – Le dépôt ne pose pas de problème !

M. Jean-Christophe Lagarde – Monsieur Brard, je ne doute pas, même à cette heure tardive, de votre capacité à suivre un raisonnement jusqu’à sa conclusion.

Mais ces amendements seront-ils débattus ? Telle est la question que nous nous posons tous.

M. Jean-Claude Sandrier – Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde – Le ministre assure que ce sera le cas, et je me fie à cet engagement du Gouvernement actuel… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Arnaud Montebourg – Les ministres passent, la Constitution reste !

M. Jean-Christophe Lagarde – …du Gouvernement actuel, disais-je, car je crains comme vous qu’il ne lie pas les Gouvernements futurs – y compris si vous revenez aux affaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Arnaud Montebourg – Il ne s’agit pas du Gouvernement !

M. Jean-Christophe Lagarde – Le ministre a évoqué l’article 19 (Interruptions sur les bancs du groupe SRC) …C’est incroyable : vous réclamez un débat parlementaire et vous êtes incapables de m’écouter, même quand – une fois n’est pas coutume – j’abonde dans votre sens !

Le ministre a annoncé son intention d’accepter l’amendement 71 de la commission à l’article 19 ; j’ai pour ma part déposé un sous-amendement précisant que les amendements seraient jugés recevables « et discutés » lors de l’examen du texte en première lecture. Son adoption constituera un gage de bonne foi et dissipera tous les soupçons, Monsieur le ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. Patrick Braouezec – Une fois n’est pas coutume : je suis sensible aux arguments de M. Vanneste. Il arrive en effet que l’on pratique l’obstruction ou que l’on cherche à gagner du temps sur un texte ; mais l’exemple extrême que vous avez cité fait exception. En règle générale, nous nous comportons en élus responsables et évitons de donner à nos concitoyens une image indigne de la vie démocratique.

En outre, permettez-moi d’évoquer à mon tour un souvenir : lors du débat sur le CPE, nous avons bataillé ferme, défendant des amendements parfois redondants, mais propres à éclairer l’opinion publique sur le sens et la portée du texte. Or nombre d’entre eux eussent été jugés irrecevables si cet article avait été appliqué. De même, le présent débat progresse au fil d’amendements qui permettent, fussent-ils répétitifs, d’identifier peu à peu les pièges que contient le texte.

M. Claude Goasguen – Bien sûr !

M. Patrick Braouezec – Il ne serait donc ni juste ni bienvenu d’inscrire dans la Constitution cette disposition, qui nous exposerait à des décisions arbitraires. En effet, sans préjuger des intentions du Gouvernement actuel, rien ne dit que d’autres en feront bon usage et que la démocratie n’en sera pas menacée.

J’ajoute que si nous votons cet article, il faudra à tout prix s’assurer – comme vient de le dire M. Lagarde – que les amendements puissent non seulement être déposés, mais aussi discutés.

M. le Président – Nous avons entendu neuf orateurs sur l’article et sur les amendements de suppression ; la commission et le Gouvernement se sont exprimés ; j’ai ensuite donné la parole à cinq orateurs pour leur répondre. J’estime que l’Assemblée est suffisamment éclairée (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Arnaud Montebourg – Rappel au Règlement ! Vous conviendrez avec moi que cette question est autrement plus importante que celle du nombre de commissions permanentes de l’Assemblée, qui a donné lieu à une suspension de séance pour que les membres de l’UMP puissent se mettre d’accord. Vous nous permettrez donc d’obtenir les éclaircissements nécessaires. Je persiste à dire que les déclarations de M. le ministre n’engagent que lui-même. Nous ne votons pas la confiance à M. Karoutchi, quelle que soit l’amitié que nous puissions lui porter, mais un texte constitutionnel, doué d’une certaine éternité ! La faculté de soulever l’irrecevabilité des propositions ou amendements ne ressortissant pas au domaine de la loi a déjà été étendue aux présidents des assemblées à l’article 15 : c’est une première perte pour le Parlement. Si le rapporteur plaide avec tant d’insistance la cause de son amendement 71 devant le Gouvernement, c’est parce qu’il donne un coup d’arrêt au processus décrit par l’exposé des motifs, qui dit – à la page 8 – que cette procédure – la fixation d’une durée programmée d’examen des textes – « mise en œuvre avec discernement », « apportera une réponse aux phénomènes d’obstruction parlementaire ». Si on ne peut lutter contre la recevabilité des amendements, on pourra donc empêcher qu’ils soient discutés !

Nous avons posé une question : nous n’avons pas de réponse. Je demande donc une courte suspension de séance pour permettre au rapporteur et au Gouvernement de nous éclairer.

M. le Président – Elle est de droit, mais auparavant je vais faire procéder au scrutin public (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. Arnaud Montebourg – C’est scandaleux ! Je demande précisément cette suspension pour que nous puissions être éclairés avant le vote ! C’est inacceptable !

M. Julien Dray – Si ça continue comme ça, on va y passer la nuit !

M. Jean-Claude Sandrier – C’est ça, la Constitution de demain ?

À la majorité de 110 voix contre 50 sur 162 votants et 160 suffrages exprimés, les amendements 400, 445 et 490 ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous en venons à plusieurs amendements pouvant être soumis à discussion commune… (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Arnaud Montebourg – J’ai demandé une suspension de séance ! C’est inacceptable ! Je demande le retour du président Accoyer !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est le premier incident depuis deux semaines !

La séance, suspendue à 22 heures 35, est reprise à 23 heures 25.

M. Arnaud Montebourg – Rappel au Règlement. Après l’incident qui nous a opposés sur les conditions de vote des amendements de suppression, je tiens à faire une déclaration au nom du groupe socialiste. Cet incident prend son sens au regard de l’importance des dispositions qui sont en jeu : il s’agit en effet du droit d’amendement, droit sacré des parlementaires – et peut-être le seul qui nous reste ! C’est donc la portée de la loi organique dont il est question à l’article 18 qui nous inquiète.

Des orateurs de différents groupes, dont M. Lagarde, M. Sandrier et des parlementaires de la majorité, MM. Debré, Cuq et Jacques Le Guen, ont déposé des amendements de suppression de l’article. J’ai d’ailleurs demandé un scrutin public au nom du groupe socialiste sur l’amendement de M. Debré. Cela méritait sûrement considération. Mais nous n’avons pas eu le temps d’obtenir les éléments d’information que la garde des sceaux et le rapporteur devaient nous donner afin que nous puissions voter en toute connaissance de cause.

Comme l’a dit M. Migaud, il serait impensable que l’utilisation par le Président de l’Assemblée de l’article 41, selon la procédure qui a été votée, permette d’attenter non seulement au droit de déposer des amendements, mais au droit de les faire discuter ; or, dans le cours du débat, il est apparu que reconnaître qu’un amendement est recevable est une chose, le discuter en est une autre. Nous demandons donc solennellement au Président de l’Assemblée, à Mme la garde des sceaux et au rapporteur de la commission des lois de dire que, dans ce projet constitutionnel et dans les lois organiques qui suivront, le droit d’amendement est et sera garanti non seulement en ce qui concerne la recevabilité mais aussi, ensuite, en ce qui concerne la discussion en séance publique. Ces précisions nous sont nécessaires pour déterminer désormais – les amendements de suppression ayant été mis aux voix – si nous voterons pour ou contre l’article 18.

M. Michel Bouvard – Nous parlons bien des amendements à l’exception de ceux qui ont un caractère budgétaire ?

M. Arnaud Montebourg – Bien entendu, à l’exception de ceux qui tomberaient sous le coup de l’article 40.

Nous prendrons le temps nécessaire pour éclaircir cette question, et vous ne nous en voudrez pas si nous nous permettons de demander une brève suspension pour nous déterminer.

M. Jean-Pierre Brard – Rappel au Règlement. Cet incident résulte moins des conditions dans lesquelles se déroule ce débat que du contenu du texte. Le débat nous a permis de progresser. Nous sortons peu à peu des apparences, pour en venir à la réalité, et plus nous avançons, moins elle est sympathique ! Ce qui donne le ton d’un opéra, qui permet de le reconnaître immédiatement, c’est son ouverture. Mais nous discutons de ce texte constitutionnel sans en connaître l’ouverture : le monarque qui gouverne cette République en a confié la rédaction à Mme Veil et nul ne sait quand nous en débattrons, ni même si elle nous sera fournie. Comment apprécier le détail du présent texte si nous manque la tonalité ? Le préambule de notre Constitution, reprenant la Constitution de 1946, y a ajouté sur proposition du député Étienne Fajon un adjectif essentiel : « laïque ». Mais que va devenir ce préambule après les discours de Saint-Jean de Latran et de Riyad ? On n’en a pas la moindre idée ! Vous nous faites discuter d’un texte dont nous découvrons les chausse-trapes au fur et à mesure – ainsi l’article 44 de la Constitution, qui va être « enrichi » selon vous, en réalité corseté. On nous donne la faculté de déposer des amendements, certes, mais sans nous garantir qu’ils seront discutés !

J’ajoute que nous n’avons que faire de déclarations solennelles, émanent-elles de Mme Dati ou de M. Karoutchi. La loi fondamentale se suffit à elle-même, elle n’a pas besoin de décorations. Mais encore faut-il que les bons mots y figurent ! Le mieux est donc de ne rien rajouter à l’article 44. Cet incident n’est que la manifestation du caractère bâclé de ce texte qui cache des intentions de museler encore davantage un Parlement aux prérogatives déjà bien trop restreintes.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Tout député a le droit de déposer autant d’amendements personnels qu’il en a envie. Ces amendements sont soumis à des règles de recevabilité auxquelles rien n’est changé : la sanction automatique de l’article 40 de la Constitution, appliquée par le président de la commission des finances, et la règle facultative de l’article 41 pour ceux qui relèvent du domaine réglementaire. En votant l’article 15 tout à l’heure, nous avons simplement prévu que cette deuxième règle pouvait être utilisée, non seulement par le Gouvernement, mais aussi par le président de l’assemblée saisie. Pour être très clair, je vous lis la nouvelle rédaction : « S'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38, le Gouvernement ou le président de l’assemblée saisie peut opposer l'irrecevabilité. » Et je vous rappelle le second alinéa : « En cas de désaccord entre le gouvernement et le Président de l'assemblée intéressée, le Conseil Constitutionnel, à la demande de l'un ou de l'autre, statue dans un délai de huit jours. » Ce pouvoir avait été dans les faits déjà utilisé par le président Debré, qui, sur un projet de loi postale, avait demandé au gouvernement de l’époque de déclarer l’irrecevabilité d’une bonne dizaine de milliers d’amendements de nature manifestement réglementaire.

L’article 18 toutefois ne porte pas sur le droit de déposer un amendement, mais sur ses modalités. Il dispose que « ce droit s’exerce en séance ou en commission » – précision indispensable puisque c’est dorénavant le texte de la commission qui sera discuté en séance – « selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ». Les amendements n’ont pas plus de raison d’être déclarés irrecevables, mais des conditions sont fixées pour faire fonctionner le tout : des dates limites de dépôt par exemple, ou des conditions de forme. Ainsi, tous les amendements qui auront été déposés sur le texte du gouvernement, avant passage en commission, devront être réécrits en sorte qu’ils s’appliquent au texte de la commission, pour pouvoir être discutés en séance publique. On nous a soupçonnés de donner un pouvoir supplémentaire au Sénat en faisant intervenir une loi organique, mais c’est la seule façon de fixer des conditions aux amendements gouvernementaux !

Le droit de déposer des amendements ne subit donc aucune atteinte. Les amendements viennent en séance et seront discutés, sous réserve des procédures habituelles – vote bloqué, absence de l’auteur… Le seul changement, c’est qu’il y a une personne de plus qui peut soulever l’irrecevabilité réglementaire. J’ajoute qu’ayant moi-même exercé mon droit d’amendement tant dans la majorité que dans l’opposition, j’ai voulu étendre nos pouvoirs en rendant nos amendements recevables même s’ils n’ont qu’un lien indirect avec le texte. C’est l’objet de mon amendement 71. Si cet amendement était adopté, un député de mauvaise foi pourrait déposer des centaines d’amendements n’ayant qu’un lien lointain avec le texte, et ils seraient discutés en séance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Arnaud Montebourg – Ce que nous dit le rapporteur n’est pas tout à fait satisfaisant. L’exposé des motifs du projet de loi explique que la nouvelle procédure, fixée dans le cadre d’une loi organique et « mise en œuvre avec discernement », apportera une réponse au phénomène d’obstruction parlementaire. Mais utilisée sans discernement, elle pourrait porter atteinte au droit d’amendement ! Et dans ce cas, qui pourra faire quelque chose ? Par ailleurs, l’article 18 pose deux barrages : celui de la loi organique, qui fixe les procédures, et celui du Règlement intérieur. À ce propos, M. Accoyer souhaite rechercher le consensus et c’est tant mieux, mais pour ce qui est de la loi organique, elle sera écrite par le Sénat autant que par nous ! Nous sommes en train de modifier la Constitution. Nous fabriquons des règles où chaque mot compte. Nous n’avons pas les apaisements que nous demandions.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je vais m’expliquer autant que je le peux, mais j’ai peur de ne jamais parvenir à vous satisfaire entièrement, Monsieur Montebourg. Les conditions et limites évoquées porteront sur l’exercice du droit d’amendement. Elles seront fixées dans le cadre d’une loi organique, une procédure que M. Le Bouillonnec n’admet peut-être pas, mais moi si.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ce n’est pas nous qui comptons, c’est ce qui se passera dans vingt ou trente ans !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Ne m’interrompez pas, Monsieur Le Bouillonnec, vous aurez la parole tout à l’heure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – On ne me la donnera peut-être pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – J’appelle tous mes collègues à voter ce principe de la loi organique parce que sans elle, nous ne pourrons pas apporter des limites aux amendements du Gouvernement – nous y avons échoué lors de la dernière législature. Or, il ne serait pas acceptable qu’il ne suive pas les mêmes règles du jeu que le Parlement. Par ailleurs, ces conditions doivent naturellement être fixées par le Règlement : c’est sa fonction ! Il y a une garantie : c’est que les deux textes iront devant le Conseil constitutionnel, qui a toujours affirmé que le droit de déposer un amendement appartenait librement et individuellement à chaque député.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Mais si vous changez la Constitution ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – On peut faire tous les procès d’intention qu’on veut, je ne peux pas donner plus d’explications. Maintenant, c’est à chacun de voter selon sa conviction. Cet article est rendu indispensable par le fait que ce sera le texte de la commission qui sera discuté dans l’hémicycle. C’est pour cela qu’il faut fixer des conditions et limites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Sandrier – Si le texte est voté, nous aurons, en matière d’irrecevabilité législative, non plus un gendarme, mais deux. L’article 15 et l’article 18 annulent les apports de l’article 16.

Le Gouvernement renvoie au Règlement de l’Assemblée la détermination d’un certain nombre de modalités, qui pourront être autant de limites au droit d’amendement. Au nom du groupe GDR, j’ai donc adressé une lettre au président Accoyer pour demander que la discussion de ce Règlement ait lieu avant celle de la révision constitutionnelle, car nos débats en seraient éclairés. Je n’ai malheureusement pas reçu de réponse.

Affirmer, à propos de l’article 18, que les amendements viendront de toute façon en discussion est fallacieux. En effet, l’exposé des motifs de la loi laisse attendre un recours plus fréquent à la procédure d’examen simplifiée, qui réduit le débat au minimum, et annonce « la fixation par la Conférence des Présidents d’une durée programmée d’examen des textes, à l’issue de laquelle la discussion serait close ». Les amendements pourront donc toujours être déposés, certes, mais au-delà d’une certaine durée, ils ne seront pas discutés. Vous êtes en train de tricher ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Mallié – Scandaleux !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Qu’il y ait deux gendarmes ne me dérange pas, Monsieur Sandrier, lorsque les gendarmes font appliquer la loi républicaine !

Je voudrais verser au débat le travail qu’avait conduit M. le sénateur Bel à la demande de Mme Royal et qui s’intitulait « Pour une nouvelle République 2007 » – ces préconisations furent d’ailleurs reprises dans une proposition de loi déposée en 2007 par le groupe socialiste du Sénat. M. Bel suggérait notamment de « donner aux présidents des commissions permanentes la possibilité de soulever eux-mêmes l’irrecevabilité des amendements de nature réglementaire ». Le pouvoir que le Gouvernement confère au président de l’Assemblée, le groupe socialiste voulait le donner à l’ensemble des présidents de commission !

M. Bel voulait également « fixer à l’initiative du Gouvernement, après avis de la Conférence des Présidents, un délai maximum d’examen d’un projet, ne pouvant être inférieur à une semaine, au terme duquel une assemblée se prononce par un seul vote en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement ». Je ne vous ai, quant à moi, jamais proposé cela et ne vous le proposerai jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Jean-Claude Lenoir – Bravo !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur  Vous voilà mis devant vos contradictions. Je souhaite à présent que nous avancions dans le débat.

M. Jean-Pierre Brard – Si M. Sandrier avait quelque chose à voir avec Mme Royal, cela se saurait ! (Rires)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Rassurez-vous : le Gouvernement n’a pas l’intention de remettre en cause le droit d’amendement. Les amendements pourront être discutés et venir en séance pour examen. L’article 41 de la Constitution ne fera pas l’objet d’une application systématique, contrairement à l’article 40 ; sa nouvelle rédaction vise simplement à placer sur un plan d’égalité le Gouvernement et le président de l'Assemblée nationale s’agissant de l’irrecevabilité. De même, le seul objet de la loi organique, Monsieur Montebourg, sera de garantir une cohérence dans le traitement des amendements du Gouvernement et du Parlement dans chacune des chambres. Nous pourrions également avancer, de manière consensuelle, sur les procédures simplifiées, comme le prévoit l’article 103 de votre Règlement.

M. Julien Dray – Cette discussion dure déjà depuis deux heures et demie ; c’est bien qu’il y a un problème. Et vous avez raison de dire, Monsieur Warsmann, que le problème n’est pas tant l’article 18 par lui-même que ce même article compte tenu de toutes les dispositions précédemment adoptées. Quand on lit : « mise en œuvre avec discernement, cette procédure, qui existait d’ailleurs dans les premières années de la Ve République, apportera une réponse au phénomène d’obstruction parlementaire », on comprend que nous sommes en présence d’un dispositif d’ensemble qui s’échafaude progressivement.

Le texte du Gouvernement imposant une durée limitée de discussion ne nous satisfait pas. La seule arme dont dispose l’opposition pour se défendre est le droit d’amendement. Avec ce texte, la garantie que les amendements viennent en débat dans l’hémicycle disparaît. Nous souhaitons au contraire, et ce nullement dans un esprit partisan, que des garanties soient apportées à l’exercice de ce droit.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ce n’est pas nous qui avons proposé la réforme de la Constitution, mais à partir du moment où une telle réforme est engagée, nous ne pouvons, ni les uns ni les autres, nous exonérer de notre responsabilité, à la fois d’élus et d’hommes libres, devant cette tâche.

Le Conseil constitutionnel a pour mission de dire ce que chaque mot de la Constitution signifie dans le quotidien de la vie publique et politique. Si le mot que l’on inscrit dans le marbre est ambigu au point de poser un problème de sens, son auteur s’inscrit en faux contre l’œuvre des constituants qui l’ont précédé. J’attache donc au travail de constituant que nous sommes en train de mener une importance plus grande encore qu’à tous les travaux auxquels j’ai pu jusqu’ici contribuer en tant que député. Je mesure donc la responsabilité qui est la mienne au sein de notre responsabilité commune, et je n’accepterai jamais qu’une loi constitutionnelle énonce une autre règle que celle de la liberté d’amendement.

Or, quand le Gouvernement écrit dans la Constitution que le droit d’amendement s’exerce « selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique », il s’écarte de nos fondamentaux. Chaque mot gravé dans la Constitution doit emporter l’adhésion de notre conscience d’hommes libres et de citoyens. Il ne faut pas l’oublier en ce débat ; je ne veux pas être de ceux qui diront demain : « J’y étais, mais je n’ai rien fait ». Je vous invite tous à quitter les préoccupations politiciennes du moment pour assumer la responsabilité du constituant, en vous pénétrant bien du sens que revêt la Constitution dans notre vie (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Christophe Lagarde – Dans la majorité comme dans l’opposition, nous avons tous intérêt à garantir ce droit fondamental de la vie parlementaire.

On n’a pas encore évoqué, dans ce long débat qui nous occupe, la proposition qu’avait faite le précédent président de l’Assemblée, d’introduire un temps global de discussion, c’est-à-dire à accorder à chaque groupe un certain nombre d’heures, à gérer librement, pour défendre ses amendements. Le hic, c’est que tout le monde aurait alors intérêt à déposer le plus grand nombre d’amendements avant l’article premier, pour être sûr de pouvoir les discuter, avant que les temps de parole ne soient épuisés ! Il me semblerait plus judicieux que le Règlement permette de limiter le temps consacré à l’examen des amendements.

En tout cas, cet article posera problème aussi bien à l’opposition qu’à la majorité, car toutes deux pourraient bien se trouver dans l’impossibilité de défendre leurs idées. Dans ces conditions, nous n’aurons plus guère de chance de convaincre nos collègues, et nos concitoyens risquent également de ne pas comprendre les positions que nous aurons adoptées.

Je rappellerai seulement que la rédaction initiale de ce texte tendait à limiter le nombre de membres du gouvernement ; nous en avons débattu et nous avons tranché. Quant au principe d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, que nous avons choisi d’inscrire dans la Constitution, chacun sait qu’il ne figurait pas à l’origine dans le texte. Il serait dommage que de telles inflexions soient à l’avenir impossibles… (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Ce ne sera pas le cas !

M. Patrick Braouezec – Ce texte souffre non seulement de graves lacunes, qui justifient que l’on vote contre, mais il fait également planer de sérieux doutes sur vos intentions réelles.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Pas du tout !

M. Patrick Braouezec – Cela fait une quarantaine d’heures que nous discutons de ce projet, qui aurait dû être adopté hier, et pourtant je ne crois pas que nous ayons fait de l’obstruction en déposant des amendements inutiles. Avec notre débat sur cet article, la preuve est faite que le travail en commission ne suffit pas…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Personne ne prétend le contraire !

M. Patrick Braouezec – Le rapporteur affirme que cet article ne remettra en cause ni le droit de déposer des amendements, ni celui de les défendre. Mais à quoi cette disposition servira-t-elle dans ce cas ? Pourquoi renvoyer à une loi organique ? Nous devons réfléchir aux effets qu’aura cette loi constitutionnelle sur notre vie démocratique. Il faut que la majorité s’interroge elle aussi, car elle deviendra, un jour ou l’autre, l’opposition.

Il faut refuser cet article afin de préserver les droits de l’opposition, donc de l’Assemblée. Ne laissons pas la place à l’arbitraire !

M. Michel Bouvard – C’est excessif…

M. Didier Migaud – Jusqu’à présent, le droit d’amendement s’exerce sans autre limite que les dispositions figurant dans la Constitution. Or, si cette disposition était adoptée, ce droit s’appliquerait désormais dans les conditions fixées par le Règlement de l’Assemblée, « dans un cadre déterminé par une loi organique ».

Le droit d’amendement pourra alors être remis en cause dans un texte de portée inférieure à la Constitution. Il faut en être conscient.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Une fois encore, c’est inexact.

M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale – Il est inhabituel que je m’adresse à vous depuis ce banc. Mais je tiens à vous dire qu’il n’y a pas, et qu’il n’y aura jamais de ma part, de volonté de restreindre l’exercice du droit d’amendement, qui est un de nos droits les plus essentiels.

J’ai longtemps siégé à cette place, y compris à des heures indues, et j’ai conscience d’en avoir peut-être trop fait… Mais la vie est ainsi faite que l’on accède parfois à des responsabilités qui vous font voir les choses autrement.

Avec la modification de l’article 41, le Président de notre Assemblée exercera une prérogative nouvelle, mais je ne crois pas qu’il en fera jamais plus que le Gouvernement. Pour ce qui est de la limitation de l’exercice du droit d’amendement, nous devons réfléchir à notre histoire parlementaire et nous interroger sur l’image que nous renvoyons à ceux qui nous ont fait l’immense honneur de nous confier la mission de siéger ici.

Nos concitoyens apprennent parfois que nous avons déposé tant d’amendements qu’il faudrait dix ans de travail ininterrompu pour les examiner… Souvenons-nous que Léon Blum avait fait introduire dans notre Règlement une disposition permettant de fixer au préalable une durée des débats, sans limiter pour autant le droit d’amendement.

Plusieurs députés du groupe SRC – Mais sans modifier la Constitution !

M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale Parce que l’on ne se pose jamais de questions quand tout va bien, il s’est trouvé une majorité, en 1969, pour supprimer cette disposition. Cela n’a pas eu de conséquences jusqu’aux années 1980. L’obstruction parlementaire qui a résulté du dévoiement du droit d’amendement a alors conduit le gouvernement à utiliser l’article 49, alinéa 3, contre l’opposition, alors que cette disposition avait plutôt été conçue pour maîtriser une majorité rétive.

Le comité pour la réforme de nos institutions, présidé par Édouard Balladur, nous a placés devant nos responsabilités face à la dégradation très dommageable de la qualité de nos travaux. Nous ne pouvons pas rester indifférents à cette question. Le dispositif qui nous est proposé a pour seul objectif de nous permettre de continuer à déposer autant d’amendements que nous le voudrons, mais en évitant que le débat soit caricaturé, car il faut préserver une crédibilité qui est essentielle pour notre démocratie.

Une fois cet article voté, nous aurons la responsabilité de nous entendre sur une réforme de notre Règlement qui nous permette de travailler dans de meilleures conditions. C’est notre mission pour la France (Applaudissements sur de nombreux bancs).

M. Patrick Braouezec – Chacun, Monsieur le Président, souscrira à vos propos. Sur tous les bancs, nous avons joué à ces petits jeux au fil du temps. Sur tous les bancs, nous avons mûri et pris conscience de la mauvaise image que cette pratique donnait du Parlement. Le groupe GDR est favorable à ce que notre règlement empêche la répétition des épisodes que vous avez rappelés ; il ne l’est pas, en revanche, à ce que des dispositions à ce sujet figurent dans la Constitution, car ce serait la porte ouverte à des dérives.

M. Didier Migaud – Je remercie le président Accoyer pour la sincérité et la clarté de son propos. Il est très attentif à l’image que peut donner notre Assemblée…

Mme Marie-Jo Zimmermann – Il a raison !

M. Didier Migaud – C’est vrai, et c’est pourquoi il a évoqué certaines situations exceptionnelles qui peuvent en effet ternir cette image. J’observe toutefois que, dans de tels cas, le Gouvernement n’est pas dépourvu de moyens d’agir, la Constitution lui permettant de recourir au vote bloqué. Ce que le Gouvernement nous propose ici est d’une autre nature : il s’agit, dans un texte qui n’a pas valeur constitutionnelle, de limiter davantage le droit d’amendement. Nous devons prendre garde, car cette disposition peut avoir un effet « boomerang » très déplaisant. Je parle d’expérience : je suis de ceux qui regrettent d’avoir voté en faveur du quinquennat et de l’inversion du calendrier électoral sans en avoir suffisamment mesuré les conséquences (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR).

M. Arnaud Montebourg – Au nom du groupe socialiste, je vous remercie, Monsieur Accoyer, d’avoir apporté à ce débat l’éclairage du Président de l'Assemblée nationale. La gravité de votre ton dit la gravité du problème auquel est confrontée toute société démocratique : le droit porte en lui le risque de l’abus de droit – mais, je dirai aussi, la nécessité de l’abus, pour qu’on sache jouir de ce droit et en apprendre la valeur ! Le droit d’amendement est un droit fondamental mais en abuser est condamnable, avez-vous dit. Je pense pour ma part que nous sommes devant une contradiction insurmontable, que nous aurons à affronter jusqu’à la fin de ce processus législatif.

Votre sincérité est certaine, je n’en ai d’ailleurs jamais douté (Rires sur de nombreux bancs), mais il est tout aussi certain que le droit d’amendement sera restreint. Vous ne vous en êtes d’ailleurs pas caché, expliquant qu’il faudrait y renoncer en certaines circonstances. Comprenez, Monsieur le Président, que notre inquiétude persiste et que, sur nos bancs comme sur d’autres, des collègues aient le sentiment qu’une erreur pourrait être commise. Si la rue s’agite sous l’effet inéluctable de certaines politiques, la solution passera-t-elle par une loi organique expressément destinée à se débarrasser de quelques milliers d’amendements jugés superfétatoires ? N’est-ce pas plutôt le compromis qu’il faut viser ? Nous vous remercions de vos efforts, mais le débat demeure (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Pierre Brard – Par l’amendement 403…

M. le Président – Il ne me paraît pas, Monsieur Brard, que vous soyez signataire de cet amendement.

M. Jean-Pierre Brard – Je le suis pourtant, Monsieur le Président.

M. le Président – Pardonnez mon erreur ; je n’avais pas vu votre nom, qui est au milieu de la liste.

M. Jean-Pierre Brard – C’est que je choisis toujours la discrétion… (Hilarité générale)

Les femmes et les hommes politiques se jugent aux actes. Si les belles intentions affichées sont réelles, l’adoption de l’amendement 403 donnera une excellente occasion de passer immédiatement aux actes. Il tend en effet à garantir que les parlementaires disposeront du droit d’amendement à tout instant du débat ; il reprend une proposition du comité Balladur visant à restreindre la capacité d’amendement du Gouvernement ; il supprime la procédure du vote bloqué qui déséquilibre singulièrement la procédure législative au détriment du Parlement.

M. François de Rugy – L’amendement 326 rectifié a le même objet. Il n’est pas de bonne pratique que le Gouvernement ait la liberté d’introduire à tout moment du débat des amendements dont la commission n’a pas eu à connaître. Il convient par ailleurs de limiter strictement l’introduction dans un texte de « cavaliers », pratique dont certains Gouvernements ont abusé. Il faut enfin en finir avec le vote bloqué, procédure qui nie les droits du Parlement et souligne de manière caricaturale le déséquilibre des relations entre l’exécutif et le législatif. Il convient pour cela, comme nous le proposons, de reprendre la proposition du comité Balladur relative à l’article 44 de la Constitution.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement 491 va dans le même sens, mais précise que cette limitation du droit d’amendement du gouvernement ne s’applique pas au projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable aux trois amendements, pour les raisons que j’ai déjà longuement exposées.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Même avis.

Les amendement 403, 326 rectifié et 491, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François de Rugy – L’amendement 348 est un amendement de repli qui permet de préciser le texte. Il vise à empêcher qu’un dispositif réglementaire ou législatif restreigne le droit d’amendement en séance publique sous prétexte que ce droit aurait déjà été exercé en commission.

L'amendement 348, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marie-Jo Zimmermann – Après avoir retiré de mon plein gré un amendement qui proposait de transformer en commission la délégation aux droits des femmes, puis un autre qui permettait à cette même délégation de se saisir d’un projet ou d’une proposition de loi, j’espère que l’amendement 147, qui vise à accorder à la délégation un droit d’amendement sur les textes dont elle est saisie pour avis, recevra un accueil favorable.

Cette disposition m’eût permis de déposer au nom de la délégation l’amendement sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes auquel elle a longuement travaillé. D’une manière générale, le travail qu’elle a accompli depuis plusieurs années justifie qu’on lui accorde ce droit d’amendement.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – On ne saurait accorder un droit d’amendement collectif, ce droit s’exerçant par définition à titre individuel. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Même avis. L’intention est louable, mais, étant donné ce que nous avons rappelé tout à l’heure à propos du droit d’amendement, nous ne saurions vous donner satisfaction.

L'amendement 147 est retiré.

M. Jean-Claude Sandrier – L’amendement 404 est défendu.

L'amendement 404, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François de Rugy – Il est quelque peu étrange d’interposer entre la Constitution et les Règlements de nos deux assemblées une loi organique qui donne à chacune un pouvoir sur l’autre. D’où l’amendement 349.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Je répète qu’il faut une loi organique pour limiter les amendements gouvernementaux.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Même avis.

L'amendement 349, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Sur le vote de l’article 18, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

M. François Sauvadet – Aux termes de l’amendement 429, lorsqu’un amendement a été adopté par une assemblée, le Gouvernement ne pourrait pas demander une nouvelle délibération de l’article amendé au cours de la même lecture devant ladite assemblée. En effet, la navette parlementaire, qui permet au Gouvernement de présenter à nouveau ses arguments devant l’une ou l’autre des assemblées, rend la seconde délibération inutile (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. La seconde délibération est prévue par notre Règlement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Même avis. Il serait curieux de supprimer de la Constitution une disposition qui continuerait de figurer à l’article 101 du Règlement de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Christophe Lagarde – Cet argument n’est pas recevable : si cette disposition figure dans notre Règlement, c’est que la Constitution ne l’interdit pas ; si elle venait à l’interdire, notre Règlement serait naturellement modifié en conséquence.

Quant au fond, comme l’a montré l’examen du projet de loi sur les OGM, lorsqu’un amendement est adopté sans faire l’objet d’un accord général, la navette permet de le soumettre à une seconde délibération. Nous avons tous défendu avec acharnement des amendements que nous sommes parvenus à faire adopter mais que le Gouvernement a rayés d’un trait de plume. C’est de bonne guerre, mais le rééquilibrage des pouvoirs législatif et exécutif exige de confier à la navette le soin de régler les éventuels désaccords.

L'amendement 429, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Sauvadet – L’amendement 430 est défendu.

L'amendement 430, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

À la majorité de 93 voix contre 56 sur 150 votants et 149 suffrages exprimés, l’article 18 est adopté.

ART. 19

M. Patrick Braouezec – Par l’amendement 535, nous proposons de supprimer les commissions mixtes paritaires. La dernière en date, qui portait sur le projet de loi relatif aux OGM, le confirme : souvent opaques, les CMP échouent à représenter le pluralisme politique de nos assemblées et le poids du Sénat y est disproportionné. Le débat en CMP ne saurait tenir lieu de débat parlementaire : il n’a de débat que le nom et les assemblées n’y sont représentées, au mieux, qu’a minima. La discussion du texte en dernière lecture doit donc avoir lieu devant l'Assemblée nationale, que son élection au suffrage universel direct rend seule apte à trancher. Tout autre dispositif ne serait qu’une parodie de travaux parlementaires.

Nous proposons en outre de supprimer la procédure d’urgence, car le Parlement doit disposer du temps nécessaire pour examiner un texte, quel qu’en soit le contenu et quel que soit le contexte politique, économique et social.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis évidemment défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Même avis.

L'amendement 535, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 71 est défendu.

M. Jean-Christophe Lagarde – Le sous-amendement 612, que j’ai évoqué tout à l’heure, propose que les amendements soient recevables et discutés en première lecture. Si, comme me l’a objecté le rapporteur, de nombreuses raisons peuvent empêcher de discuter d’un amendement, rien n’empêche de l’appeler, sans préjuger du sort qui lui sera réservé.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Je l’ai dit, de nombreuses raisons peuvent légitimement faire obstacle à la discussion d’un amendement ; ainsi l’absence de son auteur ou l’adoption d’un autre amendement le faisant tomber.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Avis défavorable au sous-amendement, pour les mêmes raisons, et avis favorable à l’amendement.

Le sous-amendement 612, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 71, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 494 est défendu.

L'amendement 494, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur le président, nous frôlons l’excès de vitesse ! (Sourires) En favorisant ainsi l’expression elliptique du rapporteur, vous mettez en péril la qualité de nos débats.

L’amendement 405 tend à inscrire dans la Constitution le principe d’une égale répartition du temps de parole entre les groupes parlementaires. Nombre de nos collègues UMP risquent d’y voir une provocation, puisqu’il est d’usage de proportionner le temps de parole à l’importance relative de chaque groupe. Mais le mode de scrutin conduisant déjà à une surreprésentation du groupe majoritaire…

M. Richard Mallié – Et des communistes !

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur Mallié, vos fiches ne sont pas à jour. Pour être précis, elles retardent de douze ans ! J’y reviendrai.

Comme le droit d’amendement, le temps de parole est révélateur des droits dont disposent réellement les parlementaires, en particulier ceux de l’opposition. Or il a tendance à décroître : ainsi, le temps dévolu à la défense d’une motion de procédure a été divisé par trois au cours de la précédente législature, passant d’une heure trente à trente minutes. De même, la volonté affichée de multiplier les procédures d’examen simplifiées ou la fixation anticipée de la durée de l’examen d’un texte en séance publique font craindre une régression de la liberté d’expression des groupes parlementaires.

Ces évolutions sont choquantes, moins sur le plan de l’équité que sur celui du pluralisme démocratique. Nous estimons qu’une assemblée délibérante a vocation à favoriser l’expression pleine et entière des points de vue de chacun. Il importe donc que les déterminations qualitatives prennent le pas sur les considérations strictement quantitatives. Un meilleur respect de la liberté d’expression de chacun éviterait d’ailleurs aux députés de devoir recourir à l’obstruction pour se faire entendre.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – M. Brard nous propose qu’un groupe de 20 députés ait le même temps de parole qu’un groupe de 100, 200 ou 300 députés. Il a tenté sa chance… mais même à cette heure-ci (Sourires), avis défavorable.

L'amendement 405, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François de Rugy – Je m’étonne que l’on puisse proposer un article comme celui-ci. Comment un gouvernement pourrait-il n’avoir de majorité ni à l’Assemblée nationale, ni au Sénat ? C’est tout bonnement inconcevable. Je ne vois donc pas quel intérêt il peut y avoir à écrire dans la Constitution que le Gouvernement ne peut pas déclarer l’urgence si les Conférences des Présidents des deux assemblées s’y sont conjointement opposées ! Je crains que cette disposition ne participe à la supercherie générale : on essaye de nous faire croire – et certains commentateurs s’y laissent hélas prendre – qu’on renforce les pouvoirs du Parlement, alors qu’on renforce au mieux ceux de la majorité… L’amendement 351 propose une disposition bien plus intéressante : l’urgence pourrait être levée par l’opposition du tiers des députés ou des sénateurs. On sait en effet que la procédure d’urgence est utilisée de façon abusive. De plus, notre proposition permettrait de responsabiliser l’opposition.

M. Jean-Claude Sandrier – Puisque vous entendez renforcer le statut de l’opposition, l’amendement 536 propose que l’urgence ne puisse être déclarée qu’une fois que les présidents de groupe des deux assemblées se sont prononcés favorablement.

Les amendements 351 et 536, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 72 – présenté par le groupe socialiste et adopté par la commission – vise à reconnaître aux présidents des assemblées la faculté de convoquer une commission mixte paritaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Notre amendement 492 est donc identique. Je suis d’accord avec M. de Rugy, l’article 19 tient un peu du gadget. Il est en effet improbable – pour ne pas dire impossible – que les Conférences des Présidents des deux assemblées s’opposent à une déclaration d’urgence. Le seul véritable apport de cet article, c’est donc la constitutionnalisation des Conférences des Présidents au bout de 97 ans d’existence… Il n’encadre en effet en rien le recours à la procédure d’urgence ! Songez qu’entre 2002 et 2007, elle a été utilisée 59 fois ! Et pourtant, seulement 16 % de ces textes ont été immédiatement appliqués, contre 46 % des textes examinés suivant la procédure de droit commun. Bref, plus le texte est urgent et moins il est appliqué ! La vraie réforme aurait consisté à restreindre les possibilités de recours à l’urgence.

L'amendement 365 est retiré.

Les amendements 72 et 492, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. François de Rugy – La preuve vient donc d’être apportée que nous allons voter une disposition constitutionnelle virtuelle et que la procédure d’urgence conduit à l’adoption de lois virtuelles… On a même déjà vu un projet de loi être déposé pour modifier une loi qui n’était pas encore appliquée ! Revenons donc à des principes simples : l’amendement 350 interdit que l’urgence puisse être déclarée sur plus de cinq textes durant une session ordinaire et de deux textes durant une session extraordinaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Afin d’éviter les excès, l’amendement 493 limite le nombre de déclarations d’urgence à cinq par session ordinaire.

Les amendements 350 et 493, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 19 modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 20

M. Patrick Braouezec – L’amendement 537 vise à supprimer la procédure d’urgence et la pratique de la CMP pour les lois organiques, qui méritent d’être examinées dans la transparence.

L'amendement 537, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Richard Mallié – L’amendement 136 est défendu.

L'amendement 136, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 538 est défendu.

L'amendement 538, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 406 rectifié vise à supprimer l’avant-dernier alinéa de l’article 46 de la Constitution, qui dispose que « les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. » Il faut donner le dernier mot à l’Assemblée sur l’ensemble des lois organiques, y compris celles qui sont relatives au Sénat. Si celui-ci a un droit de veto sur les lois organiques qui le concernent, il ne se réformera jamais.

M. René Dosière – Notre amendement 495 est identique. Il est choquant de placer sur le même pied deux assemblées dont le régime électoral est différent. S’agissant des lois organiques qui le concernent, il est anormal que le Sénat ait le dernier mot, d’autant que la jurisprudence fait une interprétation assez extensive du champ couvert : il s’étend à des lois qui ne concernent que l’Assemblée, dans la mesure où elles pourraient concerner le Sénat. Il faut supprimer tous les éléments qui donnent à ce dernier un droit de veto constitutionnel comme il faut supprimer le cumul des mandats. Cumulatio delenda est.

Les amendements 406 rectifié et 495, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 20 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 21

M. Patrick Braouezec – Laurent Fabius disait que le montant des crédits sur lequel agit le Parlement pendant la discussion budgétaire représente, par rapport au budget, ce qu’est le prix d’un enjoliveur par rapport à celui de la voiture. Il faut à tout prix renforcer le pouvoir du Parlement dans ce domaine. C’est pourquoi notre amendement 539 spécifie que « le Parlement conduit la politique économique et sociale du pays. Il décide de la politique budgétaire ».

L'amendement 539, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

MM. Arnaud Montebourg et Michel Bouvard – Les amendements 6 et 496 sont retirés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission a adopté l’amendement 73, cosigné par nos collèges socialistes. Il consacre l’assistance de la Cour des comptes au Parlement en matière d’évaluation des politiques publiques.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Avis favorable.

M. Michel Bouvard – La Cour des comptes était entre le Parlement et le Gouvernement en ce qui concerne les dispositions budgétaires. Nous pouvions la solliciter dans le cadre de la LOLF. Désormais, nous pourrons le faire pour l’ensemble des travaux parlementaires. C’est une expertise précieuse et un progrès pour l’évaluation des politiques publiques.

L'amendement 73, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 407 étant satisfait, il est retiré.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 74 précise que, par ses rapports publics, la Cour des comptes « contribue à l’information des citoyens ».

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Avis tout à fait favorable.

L'amendement 74, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Claude Sandrier – La Cour des comptes contribue à l’évaluation des politiques publiques, et c’est une très bonne chose. Par l’amendement 540, nous demandons qu’elle participe également au contrôle de l’utilisation des fonds publics par les entreprises publiques et privées, afin de responsabiliser ces dernières.

L'amendement 540, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Vanneste – L’article 21 renforce les pouvoirs du Parlement et en particulier son pouvoir de contrôle. La Cour des comptes fournit déjà une assistance au Gouvernement et au Parlement. Désormais, elle va assister le Parlement dans le contrôle du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques. Il y a là une évolution fondamentale. Elle a les moyens de jouer le même rôle que le National Audit Office en Grande-Bretagne, soulignait récemment Philippe Séguin, qui ajoutait que le véritable enjeu est plutôt la capacité du Parlement d’utiliser cette expertise. Or les rapports de la Cour, pourtant si riches, restent souvent lettre morte. Mon amendement 222 vise à ce que « le Parlement examine en séance publique le rapport rendu chaque année par la Cour des comptes. Une loi organique prévoit les conditions d’application du présent article ». L’objectif est que les rapports de la Cour ne s’entassent pas dans les tiroirs mais soient pris en compte officiellement.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. La présentation du rapport de la Cour des comptes en séance publique est déjà obligatoire, au terme de l’article L. 136-1 du code des juridictions financières. Elle est suivie par une intervention du président de la commission des finances et du rapporteur général. J’en suis d’accord avec M. Vanneste, il serait bon qu’il y ait ensuite un débat. Je proposerai par un amendement que nous examinerons plus tard que l’Assemblée consacre une semaine de travail sur quatre à ses activités de contrôle et d’évaluation. Un tel débat y trouvera sa place.

En outre, au-delà du rapport annuel, la Cour des comptes va désormais assister le Parlement dans ses travaux. Il semble donc inutile d’inscrire dans la Constitution une disposition qui existe en pratique, alors même que des moyens nouveaux nous sont donnés. Si l’amendement n’est pas retiré, j’en demande le rejet.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Même avis défavorable pour les mêmes raisons. Avec la révision, il y aura désormais une semaine consacrée aux activités de contrôle. C’est sans doute une meilleure solution.

M. Michel Bouvard – J’ajouterai comme argument contre cet amendement qu’en complétant les dispositions de la LOLF en 2004, nous avons adopté un amendement qui permet d’organiser un débat sur le rapport annuel de la Cour des comptes. Les moyens existent, mais il faut avoir la volonté de les utiliser.

M. Didier Migaud – La Constitution doit-elle être bavarde ? Je ne le pense pas, et déjà y préciser, comme on vient de le faire, que les rapports publics de la Cour des comptes informent les citoyens me semble bien relever du bavardage. S’agissant de cet amendement, la possibilité existe déjà. En vérité, si l’on veut bien considérer quels sont déjà nos pouvoirs de contrôle et notre volonté réelle de les utiliser, on peut se demander s’il vaut la peine d’en rajouter encore dans la Constitution. Ce n’est pas le texte qui pose problème, ni même les moyens – le Parlement a toute latitude pour en voter ! – mais la volonté. Exerçons les pouvoirs que nous avons, cela changerait déjà beaucoup de choses (Applaudissements sur divers bancs).

M. Christian Vanneste – Je suis conscient de tout cela, mais la réforme de la Constitution change radicalement la place de la Cour des comptes, qui est désormais utile au Parlement pour contrôler le Gouvernement. Inscrire la présentation de son rapport dans la Constitution permet de marquer cette réévaluation du Parlement, ce qui est dans la droite ligne de cette réforme. Je m’étonne que l’opposition, qui prétend viser cet objectif, se cache derrière une affaire de « volonté », à laquelle la réforme de la Constitution ne saurait changer quoi que ce soit. En revanche, cette réforme influe sur les questions des relations et de la hiérarchie entre les pouvoirs exécutif et législatif.

M. Jérôme Chartier – Mais cet amendement ne change rien à la situation ! L’audition du Premier président a déjà lieu, et la loi organique relative aux lois de finances fixe les conditions de l’examen du rapport.

M. Christian Vanneste – Ce n’est pas la question !

M. Jérôme Chartier – Un amendement que M. Bouvard a fait adopter dans la loi organique permet un débat, que votre amendement n’évoque même pas. Il n’apporte rien et le groupe UMP ne le votera pas.

L'amendement 222, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Louis Giscard d'Estaing – L’amendement 229 rectifié introduit un nouvel alinéa, qui deviendrait l’article 47-3 de la Constitution, prévoyant que le Parlement est doté d’un office parlementaire d’évaluation et de contrôle des politiques publiques dont une loi fixe les modalités de fonctionnement. Je pense que cette rédaction est suffisamment synthétique pour vous plaire et qu’elle pose un principe essentiel pour renforcer les pouvoirs du Parlement, qui compte dans ses attributions non seulement de voter le budget de la nation, mais aussi de contrôler la dépense publique. Pour cela, il peut bien sûr s’appuyer sur les rapports de la Cour des comptes, mais cela n’a pas été suffisant, tout au long de ces dernières années, pour empêcher la dérive des comptes publics. Il faut donc trouver un moyen plus efficace. La volonté en effet, Monsieur le président de la commission des finances, n’a jamais fait défaut !

M. Didier Migaud – Vraiment ?

M. Louis Giscard d'Estaing – C’est l’efficacité qui manque. D’ailleurs, vous aviez vous-même dit dès 1999, avec M. Fabius, que le Parlement devait s’attacher plus étroitement à l’évaluation des politiques publiques. De quels moyens disposerait-il pour cela à l’issue de cette réforme, si nous n’adoptions pas cette proposition ? Enfin cet amendement est largement symbolique : il pose un principe, ce qui est justement du rôle de la Constitution, qu’une loi mettra ensuite en application. Je vous invite à saisir cette chance de permettre au Parlement de jouer pleinement son rôle.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je comprends vos motivations. S’il y a quelque chose d’historique dans ce débat, c’est d’avoir introduit dans la Constitution le troisième rôle du Parlement : non seulement voter la loi et contrôler, mais également évaluer les politiques publiques. Mais cet amendement pose d’abord deux difficultés techniques : non seulement la création d’un office parlementaire est du ressort de la loi, mais je ne suis pas sûr qu’un office commun entre l’Assemblée et le Sénat soit la meilleure façon d’assurer l’efficacité. Surtout, sur le fond, vous souhaitez que ce nouvel organisme se rapproche du système de la Grande-Bretagne, où le comité des comptes publics de la chambre des communes examine les rapports transmis par le National Audit Office. Mais nous venons de décider que la Cour des comptes assiste le Parlement dans l’évaluation des politiques publiques : nous n’avons donc pas besoin d’un outil concurrent ! En revanche, nous aurons un besoin crucial d’un organisme interne qui organise et coordonne le travail de contrôle effectué par les organes de l’Assemblée, comme la MEC et les commissions, ou par les institutions extérieures telles que la Cour des comptes. Cet organisme sera encore plus indispensable si nous décidons de consacrer une semaine sur quatre à l’évaluation et au contrôle. Enfin, je ne suis pas convaincu par le côté symbolique de cet amendement. Je vous demande donc de le retirer, sans quoi je serai contraint d’émettre un avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Le Gouvernement comprend parfaitement la philosophie de cet amendement. Il a d’ailleurs accepté d’inscrire dans la Constitution que le Parlement concourt à l’évaluation des politiques publiques. L’idée de créer un organe d’audit propre au Parlement est intéressante, mais ce n’est pas notre choix. D’abord, il existe déjà une institution qui a largement fait les preuves de son efficacité et dont la légitimité n’est pas contestée : la Cour des comptes, dont nous venons de renforcer les liens avec le Parlement. Ensuite, il a déjà existé un office commun aux deux assemblées, l’office parlementaire d’évaluation des politiques publiques, créé par la loi du 14 juin 1996 et qui ne s’est pas montré très probant. Je vous demande donc moi aussi de retirer cet amendement.

M. Michel Bouvard – Je suis contre cet amendement, mais je tiens à saluer la persévérance de ses auteurs car nous en avons déjà discuté à plusieurs reprises dans le passé ! Je crois que le contrôle est d’abord une affaire de volonté politique, et que nous disposons déjà de beaucoup d’outils : la Cour des comptes, qui est à notre disposition, des structures internes comme la MEC, ainsi que la possibilité de recourir à des collaborations, y compris privées. Nous avons des crédits pour cela, et s’ils n’étaient pas suffisants, nous pourrions toujours en voter d’autres.

La comparaison que vous faites dans votre exposé des motifs avec le NAO crée une confusion, parce que cet office est l’équivalent, en Grande-Bretagne, de la Cour des comptes. Pourquoi créer une deuxième institution alors que nous venons de conforter la place de la Cour, et au moment même où elle travaille à sa propre réforme ? Quelle serait la répartition des tâches entre elles ? Quelles seraient les règles de publicité des débats ? Il me semble par ailleurs que les travaux effectués par un organisme indépendant pour le compte du Parlement ont plus de force dans l’opinion publique que ceux d’un organe interne. Enfin, l’office parlementaire d’évaluation des politiques publiques, créé d’ailleurs par Philippe Séguin au commencement du renforcement de notre compétence de contrôle, n’a pas survécu à l’époque où le Sénat et l’Assemblée avaient des majorités différentes, ce qui pose des problèmes de coordination insurmontables. L’avantage de la Cour des comptes est qu’elle est reconnue aussi bien par le Sénat que par l’Assemblée. Enfin, si ce travail n’est effectué que par l’une des assemblées, cela pourrait signifier la création d’un office au Sénat, et nous aurions ainsi trois organes au lieu d’un aujourd’hui. Pour toutes ces raisons, il est souhaitable de rejeter cet amendement, pour privilégier le perfectionnement des outils dont nous disposons déjà. Il faut davantage de volonté, non davantage de complexité.

M. Didier Migaud – Je comprends parfaitement les motivations de cet amendement. Insister sur la fonction de contrôle et d’évaluation du Parlement est un de mes combats depuis longtemps. Si j’étais convaincu que cette proposition était efficace, je la voterais sans hésiter ; mais elle ne me paraît pas de nature à remédier à nos faiblesses.

Député depuis un certain temps, j’ai connu cet office parlementaire d’évaluation, et j’ai vu combien un tel organe pouvait être lourd et inefficace. Nous avons, il est vrai, un office qui marche bien : l’office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ; mais ses fonctions sont différentes. Dans cet autre office, si vous saviez le temps que nous prenions, avec nos collègues sénateurs, pour savoir sur quels sujets nous travaillerions, sur les moyens que nous nous donnerions, et une fois l’évaluation faite, sur les suites à y donner – en sachant qu’une assemblée ne pouvait utiliser le rapport sans l’accord de l’autre ! Tout le monde a été d’accord pour supprimer cet office.

Contrairement aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne, la Cour des comptes en France n’est pas rattachée au Parlement ; est-ce le plus important ? Il suffit d’adresser nos demandes à la Cour – ce texte augmente notre capacité à faire fonctionner sa mission d’assistance. Il suffit, surtout, de nous saisir de ses rapports, de les sortir de nos placards ! Par ailleurs, qu’est-ce qui empêche l'Assemblée nationale de renforcer ses moyens de contrôle et d’évaluation ? Ne votons-nous pas notre budget ? Qu’est-ce qui nous empêche, enfin, de demander des études à des cabinets privés ?

M. Louis Giscard d'Estaing – Pourquoi ne le fait-on pas ?

M. Didier Migaud – Faisons-le ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe NC) M. le président Accoyer nous a dit qu’il réserverait des crédits pour des demandes de ce type, mais nous n’en formulons jamais. Le Sénat remplit davantage que l’Assemblée sa mission de contrôle et d’évaluation.

M. François Sauvadet – C’est vrai !

M. Didier Migaud – Le problème, c’est que nous n’avons pas de culture du contrôle et de l’évaluation ; nous n’avons qu’une culture de la soumission et de la démission permanentes. Emparons-nous de ces pouvoirs !

Votre président de groupe a fait une proposition que je trouve très pertinente, dont il faudrait simplement retravailler les modalités, avec le président de l’Assemblée et les présidents des groupes, pour assurer, comme le disait le président Warsmann, une « transversalité ». Nous pouvons le faire, cela ne dépend que de nous, sans que nous ayons besoin d’un office qui ne ferait que compliquer les choses (Applaudissements sur divers bancs).

M. François de Rugy – Je suis rarement d’accord avec M. Giscard d’Estaing, mais, pour le coup, j’ai envie de défendre son amendement, n’était la constitutionnalisation d’un office. Je suis choqué de ce qu’a dit M. Bouvard, selon qui un rapport de la Cour des comptes aurait plus de légitimité aux yeux de l’opinion qu’un rapport du Parlement. C’est ainsi que nous nous dessaisissons de nos prérogatives ! Les magistrats de la Cour des comptes ne sont pas élus et ne rendent aucun compte devant le peuple.

Dans cette affaire, on confond l’évaluation des politiques publiques et le contrôle de l’utilisation des fonds publics. Si la Cour des comptes est légitime dans cette dernière mission, elle ne l’est pas dans la première !

M. Michel Bouvard – Mais si !

M. François de Rugy – Une analyse comptable de la suppression de la police de proximité, par exemple, est évidemment possible, mais a-t-elle autant de sens qu’une évaluation politique de ce choix ? L’évaluation des politiques publiques est un vrai sujet, dont le Parlement devrait s’emparer, et la création d’un office irait dans ce sens.

M. Daniel Garrigue – Je ne vois pas en quoi il serait utile de créer un nouvel office, alors qu’il y a déjà la Cour des comptes et que nous pouvons également, comme l’a dit M. Migaud, faire appel à des consultants extérieurs. Si nous voulions être audacieux, nous demanderions même des audits externes sur l’efficacité de nos propres méthodes de contrôle.

M. Jean-Michel Fourgous – Mes chers collègues, vous avez accepté la grande mission d’être députés devant le peuple français. Aux termes de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, font partie de cette mission le vote de l’impôt, ce dont vous vous acquittez fort bien, mais aussi le contrôle de son utilisation, que vous n’exercez pas du tout ! Nous sommes un des rares parlements du monde qui ait démissionné de ses fonctions de contrôle. Ailleurs, les parlementaires font essentiellement du contrôle, et ne légifèrent pas comme nous à longueur de journée, avec le résultat que notre économie et nos institutions sont complètement paralysées. Il s’agit donc de nous placer au même niveau de performance que les autres grandes démocraties, qui possèdent toutes de tels offices. Avec nos 40 à 50 milliards de déficits budgétaires, attendrons-nous d’aller dans le mur pour faire enfin notre travail ?

Je souscris à ce qu’a dit M. Migaud sur l’expérience que nous avons connue. C’est moi qui avais créé cet office, avec M. Dominati. Si je n’avais pas été battu en 1997, j’aurais fait en sorte que les choses se passent autrement, pour éviter les dysfonctionnements et la paralysie. Instruits par l’expérience et les exemples étrangers, nous pouvons renforcer nos pouvoirs en créant un nouvel office.

MM. Bouvard et Migaud nous disent : « Il n’y a qu’à demander ». Demandez-vous plutôt pourquoi cela ne marche pas ! Cela fait quinze ou vingt ans qu’on le constate. Si les gens n’utilisent pas un outil, c’est qu’il y a une raison ; 43 fonctionnaires prêtés à temps partiel et qui ne sont pas des spécialistes de l’audit ne peuvent contrôler 300 milliards d’euros de budget de manière satisfaisante.

Notre déficit budgétaire est responsable des 7 % de prélèvements de plus, sur le travail comme sur le capital, que nous connaissons par rapport à la moyenne européenne. Toutes les variables qui influent sur la croissance et le niveau de vie sont grevées par ce niveau de déficit et de prélèvement, parce que nous refusons de créer un outil comparable à celui qu’utilisent les autres parlements.

Ce soir, il ne s’agit plus de suivre le lobby de la Cour des comptes. J’aime bien nos amis de la Cour, mais s’ils étaient efficaces, cela se saurait ! Nous avons besoin des outils qui ont permis aux autres démocraties de rétablir l’équilibre leurs comptes (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Chartier – Faut-il rappeler qu’il existe déjà un comité central d’enquête sur le coût et les rendements des services publics ? (Rires sur divers bancs). Cet organisme a d’ailleurs été placé, très récemment, sous la responsabilité de la Cour des comptes, qui ne sait guère qu’en faire…

Ce qui fait la force du National Audit Office en Grande-Bretagne, c’est que ses prises de position sont suivies d’effets. Quand il demande que l’on se sépare du Britannia, c’est chose faite ! Notre problème, c’est que les décisions de l’Assemblée, y compris celles qui sont adoptées en lois de finances, ne sont pas réellement appliquées…

Les instruments existent déjà dans notre pays, et les rapporteurs spéciaux font leur travail, du moins si on leur accorde les crédits nécessaires… En tout cas, ce n’est pas en instaurant de nouveaux comités que l’on changera la situation. C’est une question de culture.

L'amendement 229 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 21 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Braouezec – Rappel au Règlement. Nous avons tous envie d’aller jusqu’au bout de cette discussion, mais je ne crois pas très sain que l’on continue à travailler à une heure aussi tardive, avec des bancs aussi clairsemés. Il est question, dit-on, d’aller jusqu’à trois heures du matin…

Il ne me semble pas raisonnable de débattre maintenant des articles 22 et 23, dont le Gouvernement nous dit qu’ils sont fondamentaux. Puisque nous devons respecter un délai de huit heures entre la séance de la nuit et celle du matin, il faudrait alors reprendre nos travaux à 11 heures. Mieux vaudrait nous arrêter maintenant, et nous remettre à l’ouvrage plus tôt !

M. Marcel Rogemont – Absolument ! Pourquoi travailler la nuit ?

M. Jérôme Chartier – C’est que tout le monde n’habite pas à Paris ou à proximité. Certains de nos collègues sont restés parmi nous parce que nous devions examiner la suite du texte.

Sur le fond, il ne me semble pas choquant de continuer à travailler jusqu’à 3 heures du matin, quitte à nous retrouver seulement à 11 heures. Cela ne nous empêchera pas de poursuivre notre travail dans de bonnes conditions.

M. Didier Migaud – Je ne trouve pas très sérieux de débattre au-delà d’une certaine heure, et il ne me paraît pas anormal d’attendre des parlementaires qu’ils viennent siéger un jeudi, surtout sur un texte aussi important que celui-ci… Pour ma part, j’ai pris mes dispositions pour être là ce matin. Je rappelle du reste que nous auditionnons le Premier président de la Cour des comptes à 10 heures 30…

J’ajoute que nos concitoyens sont toujours étonnés d’apprendre que nous travaillons jusqu’à trois heures du matin, au lieu de nous mettre à la tâche de bonne heure, comme le font les gens normaux. Il faut également penser à tous qui nous travaillent avec nous en ce moment. Il y a des limites à la capacité de travail des uns et des autres.

Faisons donc une pause et reprenons plus tard ! Je le demande au ministre chargé des relations avec le Parlement, évitons de donner l’impression que nous précipitons le débat.

M. le Président – Je dois préciser que nous avons examiné 377 amendements depuis le début de nos travaux, et qu’il en reste encore 211. Nous risquons de terminer l’examen de ce texte dans des conditions extrêmement pénibles dans la nuit de jeudi à vendredi.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État – Nous débattons de ce texte depuis huit jours...

M. Didier Migaud – Raison de plus pour aller dormir ! (Sourires)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État – …on ne peut pas dire qu’on avance dans la précipitation. Et je n’ai pas l’impression que les rangs soient plus clairsemés que certains après-midi. Il nous reste plus de 200 amendements à examiner, avançons donc !

Je rappelle également que le partage de l’ordre du jour, objet de l’article 22, a déjà été évoqué à de multiples reprises en commission et au cours de la discussion générale. Personne ne découvre la question !

M. Arnaud Montebourg – Il y a ceux qui veulent continuer, et ceux qui veulent travailler mieux plus tard en allant dormir maintenant. Mettons-nous d’accord sur un compromis ! Je prie le ministre, qui ne dort visiblement jamais, de bien vouloir avoir pitié du Parlement (Sourires).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Si le fait d’aller jusqu’à 3 heures du matin pose problème, on peut s’arrêter un peu plus tôt, mais je souhaite que l’on avance encore un peu. Dans le cas contraire, nous serions obligés de travailler dans des conditions tout à fait détestables dans la nuit de jeudi à vendredi. Allons au moins jusqu’à 2 heures 30.

M. le Président – Je vous suggère de suivre cette proposition (Assentiments sur divers bancs).

ART. 22

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 75 est rédactionnel.

L'amendement 75, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – Nous sommes revenus à plusieurs reprises, au fil des révisions constitutionnelles, sur la question du partage de l’ordre du jour. Nous avons par exemple instauré des « niches » parlementaires, dont le comité Balladur a dressé un bilan assez critique. Le terme même est d’ailleurs révélateur. Le Petit Robert en donne la définition suivante : « anfractuosité destinée à accueillir un objet décoratif » (Sourires). Voilà le sort réservé à nos propositions de loi !

Il est vrai qu’il y eut un temps où les projets de loi occupaient l’intégralité de l’ordre du jour. Les parlementaires devaient alors se contenter de regarder les trains passer, se bornant à voter « oui » ou « non », sans pouvoir faire de propositions. Aujourd’hui encore, il arrive souvent que le Gouvernement nous demande, à l’occasion des questions d’actualité, quelles sont nos contre-propositions. Nous en avons ; ce qui manque, c’est du temps pour en débattre ensemble.

Comme le proposait le comité Balladur, nous souhaitons donc l’instauration d’un ordre du jour partagé. Suivons l’exemple donné par la quasi-totalité des autres pays européens, notamment la Belgique, le Portugal, la République tchèque ou encore la Grande-Bretagne. Aux Communes, un tiers du temps de séance est ainsi réservé à l’opposition ; en Allemagne, Mme Merkel ne dispose d’aucun moyen de contraindre le Bundestag à inscrire à l’ordre du jour un texte dont elle souhaiterait l’examen.

L’amendement 497 tend à établir la division en trois tiers, qui vous rappellera sans doute la discussion que nous avons eue sur le temps de parole.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Même avis.

M. Didier Migaud - Cet amendement, pertinent, me paraît appeler des commentaires un peu plus argumentés. Pourquoi, Monsieur le rapporteur, Monsieur le ministre, la règle des trois tiers, qui s’applique ailleurs, par exemple pour le CSA, ne s’appliquerait-elle pas aussi à l’Assemblée ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – J’ai exprimé un avis défavorable car je lui préfère l’amendement 77 rectifié de la commission, qui prévoit de manière beaucoup plus réaliste qu’une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’Etat  En premier lieu, le Gouvernement exprimera un avis favorable à l’amendement 77 rectifié. Alors que nous sommes prêts à partager la fixation de l’ordre du jour pour moitié avec le Parlement, proposition inouïe à ce jour, vous voudriez que le Gouvernement n’ait plus la main que sur un tiers alors que, quelle que soit sa couleur politique, tout gouvernement est élu pour mener à bien un projet. Soyons sérieux ! Avis à nouveau défavorable.

M. Jean Mallot – M. Balladur sera mécontent…

M. René Dosière – La confusion s’installe. Alors que nous traitions de l’amendement 497, on évoque l’amendement 77, qui n’a pas du tout le même objet. Notre proposition n’a rien d’improvisé : elle s’inspire d’une des propositions du comité Balladur, qui a le mérite de renforcer les droits de l’opposition. Dans son ouvrage Témoignage, c’est aussi ce que disait vouloir faire celui qui n’était pas encore président de la République, et dont nul ne peut croire qu’il a déjà changé d’avis.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Mais cela n’a rien à voir !

L'amendement 497 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 76 est réactionnel.

L'amendement 76, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – L’amendement 498 est défendu.

M. le Président – M. le rapporteur a défendu l’amendement 77 rectifié, auquel le Gouvernement a donné un avis favorable.

M. Jérôme Chartier – L’amendement 366 est retiré.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable à l’amendement 498.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Même avis.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je salue le travail de la commission, car j’appelle l’attention sur le fait que, dans le texte, la fixation de l’ordre du jour est partagée pour moitié avec le Gouvernement si ce dernier le souhaite. L’amendement de notre rapporteur a donc une importance particulière que le Sénat ne devra pas mésestimer si l’on veut que le dialogue souhaité entre l’exécutif et le législatif se perpétue quel que soit le Gouvernement.

M. Didier Migaud – Je ne suis pas certain que l’amendement 77 rectifié relève de la Constitution.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Mais si !

M. Didier Migaud – Je n’en suis pas si sûr. Peut-on ainsi saucissonner les tâches du Parlement, lui imposer une semaine de contrôle et d’évaluation, puis passer à autre chose…

M. Jean Mallot – C’est absurde !

M. Didier Migaud – …le tout « sous réserve de l’examen des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale » ? Cela revient à dire que d’octobre à décembre, pas une seule semaine ne sera consacrée au contrôle, et que la disposition sera inapplicable six mois par an. L’amendement demande à tout le moins à être précisé.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Le groupe socialiste demandant, par l’amendement 498, qu’« une semaine de séance sur quatre » soit « consacrée exclusivement aux fonctions de contrôle du Parlement », votre intervention me semble singulière…

M. Didier Migaud - Je ne suis pas plus d’accord avec cet amendement qu’avec celui du rapporteur ! (Exclamations et rires sur plusieurs bancs)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État J’ignorais que vous fussiez à ce point isolé au sein du groupe socialiste ! (Rires) Il me semble néanmoins percevoir une certaine contradiction dans le propos…

M. Jérôme Chartier – Puis-je faire observer que la fonction de contrôle s’exerce pendant l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances ? Le rapport budgétaire établi sous votre responsabilité, Monsieur le président de la commission des finances, et sous celle du rapporteur général, ne traduit-il pas l’évaluation des crédits employés l’année précédente ? Nous y consacrons l’essentiel de notre temps à l’automne ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Didier Migaud – Cela vaut pour la loi de règlement, pas pour la loi de finances initiale. Comment pourrions-nous évaluer ce qui n’a pas encore été exécuté ?

M. Jérôme Chartier – C’est pourtant ce qui se passe dans les faits, et vous ne l’ignorez pas.

M. Arnaud Montebourg – Notre amendement et celui du rapporteur diffèrent.

Puis-je vous demander, Monsieur le président, une courte suspension de séance ?

La séance, suspendue jeudi 29 mai à 2 heures 15, est reprise à 2 heures 20.

L'amendement 498, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 77 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 366 est retiré.

M. Jean-Claude Sandrier – La procédure d’initiative parlementaire profite de fait à la seule majorité. En réservant une séance mensuelle à l’opposition, et en portant le temps dont elle dispose au titre des niches parlementaires de 3 % à 7,5 % de la durée des débats en séance, on ne fait qu’un mince progrès.

Afin de restituer aux parlementaires de la majorité et de l’opposition la place qui leur est due et de traduire en actes votre discours politique et médiatique sur le renforcement des droits de l’opposition, nous proposons, par l’amendement 541, de réserver au moins deux semaines de séance à l’initiative parlementaire.

Reste qu’il sera difficile à l’opposition, en une séance mensuelle, de présenter ses propositions de loi et d’exercer ses fonctions de contrôle et d’évaluation, voire – selon le sort qui sera réservé à l’article 12 – de voter des résolutions. L’opposition mérite mieux ! En outre, que l’ordre du jour soit fixé par MM. Fillon et Karoutchi ou par M. Copé, cela ne change pas grand-chose – du reste, il en irait de même d’une autre majorité.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable, car l’équilibre auquel nous sommes parvenus nous paraît satisfaisant. En outre, cet amendement ne remplirait pas votre objectif : il ne donnerait pas une minute supplémentaire à l’opposition !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Même avis. Monsieur Sandrier, l’expression d’ « initiative parlementaire » désigne-t-elle un ordre du jour réservé à l’examen de propositions de loi ? Celui-ci serait-il arrêté par la Conférence des Présidents – à laquelle il appartient, aux termes de l’article 48, alinéa 1er, de fixer l’ordre du jour ? Votre amendement ne le dit pas. Tenons-nous en au cadre défini par l’amendement du rapporteur.

M. Jean-Claude Sandrier – Je vois que vous avez bien compris le sens de l’amendement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Comme l’a dit M. Sandrier, il faut non seulement ouvrir l’initiative parlementaire à l’opposition, mais en définir le contenu. Ainsi, depuis les vacances de Pâques, le groupe SRC a mis à profit ses « niches » pour présenter quatre propositions de loi, sur le logement – j’ai eu l’honneur d’en être le rapporteur –, sur le pouvoir d’achat, sur le mode de scrutin au Sénat et sur le décompte du temps de parole du Président de la République. Or leur examen s’est limité à une heure trente de discussion générale : pas un article n’a été discuté !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Elles avaient pourtant été choisies pour être consensuelles !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il arrive aux modestes parlementaires que nous sommes de s’irriter d’entendre dire que l’opposition ne propose rien : sur le logement, nous avons rédigé un rapport de 70 pages détaillant 41 propositions – dont je ne doute pas qu’elles seront reprises dans le futur projet de loi du Gouvernement !

Comment peut-on invoquer les droits de l’opposition, mais réduire ainsi les niches parlementaires à une discussion générale ? Vous en souffrirez aussi le temps venu, lorsque les électeurs en décideront ainsi ! Au-delà de l’inscription des principes dans le marbre de la Constitution, nous devons définir concrètement le cadre du travail parlementaire afin de permettre l’examen des articles des propositions de loi de l’opposition. Du reste, la majorité en pâtirait également, n’était la stratégie selon laquelle le Gouvernement confie à sa majorité le soin de déposer les textes dont il ne veut pas prendre l’initiative. Cette stratégie – que l’on a vue à l’œuvre au cours de la dernière législature, Monsieur Karoutchi ! – est de bonne guerre, mais elle rend le débat inégalitaire.

Il faudra donc réformer le dispositif qui permet à la majorité de faire obstacle au passage à la discussion des articles d’une proposition de loi de l’opposition…

M. le Président – Merci.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Pour les élus de l’opposition qui y ont longuement travaillé, ce ne serait que justice !

M. le Président – Merci, Monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – En somme, les niches actuelles sont inutiles : elles ne permettent qu’une parodie de travail parlementaire.

L'amendement 541, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 78 est rédactionnel.

L'amendement 78, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 472 est retiré.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 79 est un amendement de coordination.

L'amendement 79, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 80 est grammatical.

L'amendement 80, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 476 est défendu.

L'amendement 476, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier – Je défendrai brièvement l’amendement 542 rectifié, car je sens que le rapporteur est impatient d’accroître les droits de l’opposition… S’agissant de l’initiative parlementaire, les avancées de l’article 22 sont limitées – même pour la majorité, soumise au fait majoritaire. Nous proposons donc, modestement, de multiplier par trois le temps réservé aux groupes de l’opposition.

L'amendement 542 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Sauvadet – L’amendement 475 est défendu.

L'amendement 475, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Sauvadet – L’amendement 473 est défendu.

L'amendement 473, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 81 est défendu.

M. Jean-Christophe Lagarde – Le sous-amendement 599 est essentiel. Son adoption ferait tomber l’amendement 474.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je m’apprête à émettre un avis favorable au sous-amendement, de même que le Gouvernement.

M. Jean-Christophe Lagarde – Dans ce cas, je retire l’amendement 474.

L'amendement 474 est retiré.

Le sous-amendement 599, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 81 ainsi sous-amendé, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 82 est défendu.

L'amendement 82, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – Sur cette question du contrôle politique, il importe d’obtenir des évolutions intéressantes pour la majorité comme pour l’opposition. Il s’agit de permettre aux Français de disposer d’un outil d’évaluation permanent de la politique générale de la France. Or la vérité est que ce projet ouvre plus de droits à la majorité qu’à l’opposition. Nous avons compris la pétition de principe de la discrimination positive de l’article 51-1, qui accorde des droits spécifiques à l’opposition – même s’ils ont disparu à la suite de l’adoption d’un amendement du rapporteur soutenu par le Nouveau centre. Quels droits êtes-vous prêts à octroyer à l’opposition dans le cadre global du renforcement du contrôle politique sur l’exécutif ? Il y a eu l’affaire des commissions d’enquête, qui a fait l’objet de déclarations convergentes et solennelles du rapporteur et du ministre. Il y a aussi la question de l’égalité du temps de parole dans le cadre de l’exercice du contrôle politique – égalité que propose l’amendement 500, qui doit être distinguée de l’égalité du temps de parole dans la discussion législative. La distinction sera rendue possible par la nouvelle rédaction de l’article 51-1 de la Constitution. Nous demandons en fait le retour à la situation d’avant 1982, où il y avait égalité de temps de parole entre la majorité et l’opposition lors des séances de questions d’actualité.

Nous menons le même combat à l’extérieur des assemblées parlementaires, en demandant la compensation du temps de parole du Président de la République et de ses collaborateurs – qui sont de plus en plus nombreux à s’exprimer – selon la règle des trois tiers. Est-ce vraiment trop demander ?

Dans l’hémicycle, nous demandons la parité. C’est une tradition démocratique dans tous les pays européens qui font notre admiration. C’est aussi le bon sens si l’on veut que l’opposition joigne ses voix à celles de la majorité pour l’adoption de ce texte !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La question du contenu des droits de l’opposition est une bonne question. Arnaud Montebourg a eu raison de rappeler que des engagements avaient déjà été pris en matière de commissions d’enquête. Il a eu tout aussi raison de rappeler – avant qu’un orateur de la majorité ne le fasse – que lorsque Valéry Giscard d’Estaing avait lancé les questions au Gouvernement, il l’avait fait sur une base paritaire, et que c’était la majorité de 1981 qui avait mis fin à cette parité…

M. Arnaud Montebourg – C’était une erreur…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Mais quoi qu’il en soit, cette disposition n’a rien à faire dans la Constitution. Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État La disposition que propose M. Montebourg ne relève pas de la Constitution, mais du Règlement de chaque assemblée. Nous en arriverons bientôt à l’article 24, qui fonde de nouveaux droits pour les groupes de l’opposition. Le Gouvernement n’est pas hostile à ce que l’on instaure un meilleur partage du temps de parole lors des séances de questions. Cela devra être pris en considération dans le cadre des nouveaux droits accordés aux groupes qui ne déclarent pas participer de la majorité. Il faudra d’ailleurs voir comment rendre les questions au Gouvernement plus dynamiques et comment leur donner plus de sens pour nos concitoyens. Dans l’immédiat, avis défavorable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Sur le vote de l’article 22, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

M. Didier Migaud – J’entends ce que dit le ministre, mais il ne dépend que de nous de savoir si une disposition doit ou non être inscrite dans la Constitution ! Or la question de l’interpellation du Gouvernement peut parfaitement relever de la Constitution. Ne disposera-t-elle pas désormais que des rapports publics contribuent à l’information du public ? Quand on écrit cela dans la constitution, on peut y inscrire bien des choses…

Au demeurant, la question de la parité entre majorité et opposition lors des séances de questions d’actualité est une vraie question. Si le principe en avait été inscrit dans la Constitution, nous n’aurions pas fait l’erreur de la supprimer en 1982 ! Cela montre assez qu’il faut savoir se protéger de majorités trop importantes – François Mitterrand l’avait dit lui-même en 1988 (Sourires).

Prenons donc les précautions nécessaires. D’ailleurs, même s’il y avait parité pour ce qui est des questions posées, il y aurait toujours un déséquilibre compte tenu des réponses du Gouvernement.

M. Jérôme Chartier – Le droit à réplique que cet amendement propose d’instaurer est bien difficile à concevoir dans le cadre de nos questions au Gouvernement. Il faudrait que le Gouvernement réponde à la réplique, et cela finirait fatalement par réduire le nombre des questions posées et donc des sujets abordés. Qu’en est-il dans les grandes démocraties qui font figure d’exemple ? Au Canada, par exemple, le temps de parole est réparti à parité entre la majorité et l’opposition, mais il n’existe pas de droit de réplique. Les questions fusent, les réponses aussi. Les questions concernent toutes des sujets très généraux.

N’oublions pas le problème des questions orales sans débat : l’image d’un hémicycle désespérément vide est calamiteuse pour le Parlement, et le mardi matin est justement un jour d’affluence pour les visiteurs !

Cet amendement ne peut être examiné en dehors d’une réflexion globale sur l’organisation des questions.

M. René Dosière – Soit, Monsieur Chartier, mais si les collaborateurs des ministres ne rédigeaient pas à la fois les questions orales et les réponses des ministres, les séances du mardi matin seraient plus dynamiques !

L'amendement 500, mis aux voix, n'est pas adopté.

À la majorité de 55 voix contre 4 sur 59 votants et 59 suffrages exprimés, l’article 22, modifié, est adopté.

APRÈS L'ART. 22

M. François de Rugy – Notre amendement 327 prévoit que toute proposition de loi adoptée par l’une des assemblées est inscrite à l’ordre du jour de l’autre assemblée dans un délai d’un an. Selon l’article 45, une proposition de loi, comme un projet, est examinée successivement dans les deux assemblées jusqu’à parvenir à un texte identique. En pratique, l’Assemblée peut adopter une proposition, mais si le Sénat ne l’inscrit pas à son ordre du jour, elle disparaît au terme de la législature. C’est ce qui est arrivé à une proposition de loi constitutionnelle sur le vote des étrangers votée à l’Assemblée pendant la législature 1997-2002. C’est inadmissible, tout comme le fait de soumettre de nouveau à l’Assemblée un texte qu’elle vient de rejeter – mais c’est un autre problème.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Avec la nouvelle organisation, il sera plus facile, y compris pour l’opposition, de faire inscrire une proposition à l’ordre du jour.

L'amendement 327, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François de Rugy – Notre amendement 329 donne le droit à l’opposition de convoquer des membres du Gouvernement à des auditions publiques, comme cela se passe dans d'autres démocraties occidentales.

L'amendement 329, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, à 10 heures 45.

La séance est levée à 2 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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