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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 29 mai 2008

2ème séance
Séance de 15 heures
175ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE LA Ve RÉPUBLIQUE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la VRépublique.

M. Jacques Myard – Je voudrais faire un rappel au règlement à propos d’une dépêche de l’AFP dont je viens de prendre connaissance. Madame la garde des sceaux, le tribunal de grande instance de Lille a annulé, en avril, un mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint parce que l’épouse avait menti sur sa virginité. Que la justice civile française puisse retenir une telle cause ne laisse de m’étonner, même s’il est établi que l’épouse a reconnu le mensonge et que les conditions d’un divorce par consentement mutuel étaient réunies. Sans vous demander de commenter cette décision, je souhaiterais quelques explications.

M. le Président – Ce n’était pas un rappel au règlement, Monsieur Myard…

ART. 26 (suite)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois De la quasi-totalité des auditions auxquelles nous avons procédé, il ressort que la limitation de la nouvelle procédure de question préjudicielle de constitutionnalité aux textes postérieurs à 1958 n’était pas considérée comme légitime. L’amendement 89 rectifié propose donc de l’appliquer à l’ensemble des lois. Par ailleurs, plusieurs des personnes entendues ont craint que cette nouvelle procédure ne soit utilisée comme une manœuvre dilatoire, surtout si le filtrage des demandes par le Conseil d’État et la Cour de cassation prend du temps. L’amendement prévoit une loi organique, qui pourra fixer des délais.

Ce droit nouveau sera, je n’en doute pas, apprécié à sa valeur par les justiciables, mais des garde-fous sont nécessaires pour qu’il n’en résulte pas un ralentissement des procédures.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Le Gouvernement avait pensé préférable d’éviter la remise en cause des lois antérieures à la Constitution, dans un souci de stabilité et parce qu’on peut supposer que le corps social a accepté ces règles anciennes. Dès lors que le Parlement souhaite lui-même que ces lois puissent être soumises au contrôle du Conseil constitutionnel, le Gouvernement n’a aucune raison de s’y opposer. Par ailleurs, fixer un délai raisonnable au Conseil d’État et à la Cour de cassation est effectivement une nécessité pour ne pas prolonger les procédures, et dans un souci de clarté. La loi organique fixera un délai de trois mois.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous avons proposé un amendement 503 qui vise exactement le même objectif, mais qui est beaucoup plus clair puisqu’il se contente de supprimer la référence aux textes postérieurs à 1958. Votre rédaction pose en préalable le fait que les dispositions législatives concernées portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Pourquoi l’avez-vous préférée ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Notre amendement réécrit l’alinéa, mais sans rien changer à part la suppression de cette référence. Regardez-y bien, le résultat est exactement le même.

L'amendement 89 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Cet amendement rédigeant l’alinéa, tous les amendements tombent jusqu’au 487.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 89 rectifié ayant été adopté sans la modification que j’avais suggérée concernant le débat contradictoire devant le Conseil constitutionnel, mon amendement 487 devient inutile.

L'amendement 487 est retiré.

L'article 26 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 27

M. Daniel Garrigue – L’amendement 140 vise à rappeler la véritable mission du Conseil constitutionnel, qui a progressivement élargi le champ des mesures sur lesquelles il se prononce. Il n’est naturellement pas question de revenir sur le fait que le Conseil se réfère à l’ensemble du bloc de constitutionnalité, à l’instar d’ailleurs de la Cour européenne des droits de l’homme ou de la Cour de justice européenne, qui a elle-même dégagé des principes généraux du droit. Mais il a trop souvent développé des jurisprudences complexes, ou confuses. Ses constructions récentes concernant les législations pénale ou fiscale, par exemple, ne présentent pas le caractère d’évidence que l’on pourrait souhaiter. Le Conseil s’est donné lui-même le pouvoir de déclarer non constitutionnelles des lois qui avaient déjà été promulguées, ce qui n’avait jamais été prévu par le Constitution, et le problème risque de gagner en ampleur à la faveur de la nouvelle procédure de la question d’inconstitutionnalité, qui va lui permettre de se saisir de dispositions adoptées bien avant qu’il ait constitué sa jurisprudence. Et même si les membres du Conseil voulaient freiner une telle évolution, ils resteraient prisonniers de cette jurisprudence. Il est donc important de dire expressément que seules peuvent être déclarées inconstitutionnelles les dispositions qui sont « directement et manifestement » contraires à la Constitution, deux notions couramment pratiquées par les juristes. Il faut replacer la jurisprudence du Conseil sur des bases plus conformes à l’esprit de la Constitution de 1958 et à l’idée que nous nous faisons des rôles respectifs du Parlement et du Conseil.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Le rôle du Conseil constitutionnel est assez clairement défini par l’article 61 de la Constitution.

L'amendement 140, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 488 est défendu.

L'amendement 488, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 27, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 27

M. Daniel Garrigue – L’amendement 141 combat une autre dérive du Conseil constitutionnel : la multiplication des réserves interprétatives, qui ne servent pas au Conseil à dire si les dispositions examinées sont conformes ou non à la Constitution, mais qui consistent en commentaires visant à préciser comment la loi doit être interprétée ou appliquée. Ce n’est pas conforme à la volonté du législateur. De plus, ces réserves limitent singulièrement le pouvoir d’interprétation du juge. Je l’ai dit ce matin, si nous ne réagissons pas, nous nous trouverons dans des situations impossibles car les requérants appuieront leur recours sur les réserves interprétatives.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Avis défavorable, une fois encore la rédaction de l’article 61 est suffisamment claire.

L'amendement 141, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il ne serait pas concevable de modifier l’article 65 de la Constitution, relatif à la composition du Conseil supérieur de la magistrature – le CSM –, sans avoir auparavant modifié la rédaction de l’article 64, qui fait du président de la République le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il faut tirer les conséquences juridiques de ce que, dans la réforme qui nous est proposée, le Président de la République n’assure plus la présidence du Conseil, et préciser que ce rôle de garant est désormais assuré par le CSM. Si l’amendement 521, dont c’est l’objet, n’était pas adopté, la contradiction latente déjà dans la Constitution de 1958 se trouverait aggravée par la nouvelle rédaction de l’article 65 de la loi fondamentale.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Je ne tire pas les mêmes conclusions que vous, Monsieur Le Bouillonnec, du fait que le président de la République n’assume plus la présidence du CSM. Son retrait n’empêchera pas qu’il dispose toujours du pouvoir de nommer les magistrats après avis conforme du CSM, ni qu’il puisse toujours solliciter les avis du Conseil sur toute question relative à la justice. Il est donc utile et nécessaire de maintenir dans la Constitution la disposition qui rend le président de la République garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Avis également défavorable. « Le Président de la République veille au respect de la Constitution », dispose l’article 5 de notre loi fondamentale. L’indépendance de l’autorité judicaire étant inscrite dans la Constitution, adopter l’amendement serait incohérent.

M. Arnaud Montebourg – Nous avons un désaccord politique sur la place de la justice dans l’ordonnancement constitutionnel – et pour cause. En 1964, le général de Gaulle avait déclaré qu’il n’est pas d’autorité « militaire, civile ou judiciaire » qui ne découle de la légitimité du président de la République. Il n’avait pas osé ajouter « parlementaire », mais…

Ce qui est ici en cause, c’est la réalité de la séparation des pouvoirs. Soit ceux-ci s’équilibrent, et parfois se contredisent, soit ils se confondent. En l’espèce, soit on veut réformer le CSM pour lui donner une indépendance crédible, ce qui lui permettra de redonner confiance en la justice en la régulant à l’abri des intérêts partisans de l’exécutif, soit on ne le veut pas. En maintenant dans la Constitution la mention selon laquelle le Président de la République est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, on entretient une confusion des pouvoirs qui sera d’autant plus inacceptable que le Président de la République entendra capter plus de pouvoirs, comme c’est pour partie le cas aujourd’hui. Maintenir en l’état l’article 64 de la Constitution, c’est perpétuer, voire aggraver, la confusion entre les pouvoirs exécutif et judiciaire. Nous espérions autre chose.

L'amendement 521, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 28

M. François de Rugy – La définition de ce que serait la composition souhaitable du CSM fait débat, y compris parmi les magistrats. Le Conseil doit-il être majoritairement composé de magistrats ? La question est difficile à trancher, mais la réponse apportée par l’article 28 n’est pas satisfaisante. Étant donné le mode de nomination proposé, l’indépendance du pouvoir judiciaire apparaît en effet plutôt en recul car, quelles que soient les garanties données, la possibilité de nominations très marquées politiquement, voire monocolores, demeure. Ce risque, réel, est d’autant plus inquiétant que M. Sarkozy a manifesté avant même son élection à la présidence sa volonté de reprendre l’institution judiciaire en main, sinon de la mettre au pas. Dans ce contexte, on peut se demander si la réforme proposée ne s’inscrit pas dans un mouvement général de défiance à l’égard de la justice. L’architecture retenue pour le CSM nous inquiète, et nous la regrettons d’autant plus qu’en Europe les homologues du CSM sont majoritairement composés de magistrats.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’article 28 revisite la composition du Conseil supérieur de la magistrature. C’est un sujet qui a été au cœur d’une réflexion approfondie au sein de l’autorité judiciaire elle-même, ainsi qu’à la commission des lois. Notre débat s’est déroulé en deux temps : la discussion du projet de loi, puis celle des amendements du rapporteur.

Les principes qui nous inspirent concernant la réforme du CSM, et que j’ai rappelés lors de la discussion générale, reposent sur la nécessité de garantir l’indépendance de la justice dans les modalités de désignation et de fonctionnement de cet organe, et d’éviter la tentation du corporatisme. Il s’agit de rétablir la confiance de nos concitoyens dans la magistrature et la justice, ainsi que de saines relations entre l’exécutif et le judiciaire.

À cette fin, nous devons trouver le chemin constitutionnel vers un État démocratique dans lequel l’exécutif et le législatif reconnaissent pleinement la place de l’autorité judiciaire. Et les choix retenus en matière de composition, de nomination, de compétences du CSM sont un enjeu crucial dans ce travail en vue de rétablir la confiance. Si nous avions laissé la désignation à la seule volonté politique, le déséquilibre aurait perduré. D’un autre côté, si nous avions constitué un Conseil exclusivement composé de magistrats, nous aurions créé un autre déséquilibre. Dans le même ordre d’idées, un processus disciplinaire confié au seul politique n’est pas acceptable.

Le groupe socialiste a formulé des propositions sur la parité entre magistrats et non-magistrats, sur l’autonomie des collèges, sur les conditions de nomination, sur la présidence des deux sections – parquet et siège – par le premier président de la Cour de cassation et le procureur général, sur l’existence nécessaire d’une instance collégiale unique pour le traitement de certains thèmes, instance dont le président devrait, selon nous, être élu par l’ensemble des membres.

La responsabilité de l’exécutif dans la conduite de l’action pénale n’est pas contestable – elle a d’ailleurs été inscrite dans la loi il y a quatre ans. Néanmoins, si nous voulons éviter, par exemple, les polémiques qui ont surgi récemment sur les nominations ou sur les processus disciplinaires, il faut que le constituant œuvre au rétablissement de l’autorité judiciaire et à la reconnaissance de son rôle par l’ensemble des composantes institutionnelles de notre République.

M. Arnaud Montebourg – Nous en arrivons à la question sensible, et plus centrale qu’on ne le croit, du troisième pouvoir et de ses rapports avec les deux autres – plus particulièrement avec le plus puissant d’entre eux sous la Ve République, l’exécutif. Depuis le début de nos débats, nous expliquons qu’il n’est pas à nos yeux permis, sous prétexte de combattre le corporatisme, de consentir à la politisation du Conseil supérieur de la magistrature. Substituer l’une à l’autre serait aller de Charybde en Scylla. Certes, nous devons lutter contre le corporatisme, mais nous devons tout autant lutter contre l’excès de politisation, et le compte n’y est pas dans ce projet de loi.

Les magistrats, tout d’abord, sont mis en minorité au sein du Conseil, alors même qu’une telle situation est contraire aux recommandations des autorités européennes. Les organisations syndicales ont raison de dire qu’il s’agit d’un moyen de minorer le rôle des magistrats. Comme si, d’ailleurs, le fait qu’ils soient majoritaires renforçait le corporatisme ! Nos auditions nous ont permis de comprendre que les majorités se constituent plutôt en fonction des sensibilités et des sujets, indépendamment de l’appartenance ou non à la magistrature. Alors qu’il n’existe aucun exemple d’une telle situation en Europe, on nous demande ainsi d’accepter une double exception, par rapport aux textes européens et aux pratiques de nos voisins.

Mais, en France même, existe-t-il un organe disciplinaire où la profession soit mise en minorité ? Ce n’est le cas ni pour les médecins, ni pour les avocats, ni pour aucune autre profession. Le conseil supérieur de la Cour des comptes est composé d’une majorité de magistrats de la Cour. Quant au Conseil d’État, il fonctionne en mode auto-administré. Je pourrais multiplier les exemples. En voulant créer ce précédent pour les magistrats, le constituant commettrait une erreur, et je vous invite à renoncer à ce qui est d’ores et déjà perçu comme une humiliation.

La question de la nomination des personnalités qualifiées nous renvoie aux discussions que nous avons eues à propos de l’article 13 de la Constitution, concernant les pouvoirs de nomination partagés du Président de la République et du Parlement. À l’issue de ces débats, nous savons que ce dispositif ne constitue pas une garantie contre la politisation, car il ne parviendra pas à briser la force du fait majoritaire. S’agissant de la nomination des magistrats de la section du parquet, nous ne retrouvons pas dans ce texte l’avis conforme, qu’avec Mmes Guigou et Lebranchu, nous défendons depuis longtemps en tant que garantie d’autonomie pour le parquet.

Je m’élève en outre contre l’extravagance que représente la présence du garde des sceaux dans les murs du Conseil. Ce point fait l’objet de vives critiques de la part des magistrats comme des associations s’intéressant aux questions judiciaires, qui y voient le moyen pour l’exécutif de continuer à régner en maître sur les nominations.

Enfin, nous ne pouvons que déplorer, avec la scission en deux conseils, l’un pour le parquet, l’autre pour le siège, l’absence d’instance plénière. Cela ressemble à la stratégie de Bonaparte, qui, pour démanteler le Parlement, créa quatre chambres, dont l’une discutait les projets, la deuxième examinait les amendements, la troisième votait, et la quatrième priait le consul d’imaginer les suites à donner. Il fallait quatre chambres pour ne pas avoir de Parlement. Aujourd’hui, il faut deux conseils pour qu’il n’y ait pas de Conseil !

Nous insistons depuis le début sur le fait que ces questions font l’objet d’attentes fortes de notre part. Les amendements du rapporteur, s’ils ne nous satisfont pas entièrement, ont le mérité de faire progresser l’indépendance de la justice, dont nous mesurons tous qu’elle est loin d’être achevée (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Élisabeth Guigou – De l’indépendance de la justice dépendent non seulement la démocratie – car, comme nous l’enseigne Montesquieu, celle-ci suppose que chaque pouvoir soit contrebalancé par un contre-pouvoir –, mais aussi l’égalité devant la justice de tous les citoyens, auxquels elle évite d’être jugés différemment selon qu’ils sont puissants ou misérables. Il est donc essentiel que la composition du CSM, d’une part, et les pouvoirs qui lui sont dévolus, de l’autre, garantissent cette indépendance.

Sur le premier point, Madame la garde des sceaux, votre projet de loi constitue un progrès puisqu’il met fin à la présidence du CSM par le Président de la République, héritage du passé qui n’avait plus lieu d’être. Mais, comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale, le texte met par là même fin à la formation plénière du CSM, qui réunissait les magistrats du siège et du parquet. Or, cette formation, en favorisant une approche transversale des questions de déontologie – ce qui coupait court à court à tout corporatisme –, d’organisation des tribunaux et de détermination des moyens, garantissait l’unité de l’institution judiciaire par-delà la distinction entre siège et parquet.

Dans sa réponse à la discussion générale, le Premier ministre s’est déclaré favorable à la restauration de la formation plénière. Mais qui la présidera ? Tout est là !

M. René Dosière – Bien sûr !

Mme Élisabeth Guigou – À des fins de bonne gouvernance, cette présidence devrait être confiée à l’une des personnalités qualifiées du Conseil qui ne sont pas issues de la magistrature plutôt qu’au premier président de la Cour de cassation – ou au procureur général près la Cour de cassation, dont la valeur n’est pas en cause mais que leurs hautes fonctions accaparent.

L’indépendance du CSM vis-à-vis de l’exécutif exige en outre que soit préservée sa capacité de s’autosaisir et de décider de publier ses avis. D’autre part, comme l’ont souligné MM. Le Bouillonnec et Montebourg, la parité entre magistrats et personnalités qualifiées est essentielle, notamment au sein de la formation disciplinaire, car dans ce corps comme dans les autres, on doit être jugé par ses pairs. Nous avons déposé plusieurs sous-amendements en ce sens, que le rapporteur a bien voulu accepter.

Quant aux pouvoirs du CSM, votre réforme est lacunaire. Les plus hauts magistrats sont nommés sur proposition du CSM et la nomination des magistrats du siège par le Garde des sceaux est soumise à son avis conforme. Mais en ce qui concerne le parquet, vous proposez d’en rester à la procédure actuelle : les procureurs généraux près les cours d’appel sont nommés en Conseil des ministres, comme les préfets,…

M. le Président – Veuillez conclure.

Mme Élisabeth Guigou – …et les procureurs le sont sur avis simple du CSM. En d’autres termes, vous vous réservez la possibilité de passer outre un avis négatif du Conseil, comme vous l’avez fait à de nombreuses reprises depuis votre entrée en fonction. Comment, dès lors, préserver l’indépendance de la justice ?

Je rappelle qu’en 1998, notre Assemblée et le Sénat ont voté une réforme tendant à soumettre la nomination de tous les magistrats, procureurs compris, à l’avis conforme du CSM. Cette réforme est légitime, car le Gouvernement ne saurait se réserver la possibilité d’exercer une pression sur les magistrats du parquet.

M. le Président – Je vous prie de conclure.

Mme Élisabeth Guigou – J’en ai terminé, Monsieur le Président, mais cette exigence démocratique essentielle méritait d’être explicitée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. le Président – C’est la raison pour laquelle je vous ai laissée outrepasser quelque peu votre temps de parole.

M. Claude Goasguen – J’ai écouté attentivement M. Montebourg, comme j’avais écouté les débats en commission des lois, qui ont montré que nous partagions à certains égards la même analyse des rapports entre les pouvoirs sous la Ve République. Je n’en dirais pas autant de l’intervention de Mme Guigou.

Si la tradition juridique française est fondée sur la notion d’indépendance, notre conception de la séparation des pouvoirs, héritée notamment de Montesquieu, diffère de sa version américaine, celle des checks and balances, ou pouvoirs et contre-pouvoirs.

Pour autant, il est essentiel de garantir l’indépendance de la magistrature ; mais reconnaissez, mes chers collègues, que les amendements déposés et votés – notamment ceux du rapporteur, dont je salue le travail –…

M. Arnaud Montebourg – Beau travail, il est vrai.

M. Claude Goasguen – …sont garants d’une relation sereine entre les pouvoirs exécutif et judiciaire. Naturellement, d’autres réformes viendront ; mais nous sommes assurés que l’exécutif ne pourra s’attaquer aux magistrats comme il l’a fait des années 1970 aux années 1990, quel que soit le président de la République en place. Ne soyons pas caricaturaux !

M. Arnaud Montebourg – Vous avez raison, mon cher collègue : c’est systémique !

M. Claude Goasguen – Tout à fait ; mais convenons que le texte comporte de ce point de vue des propositions intéressantes, même si j’aurais personnellement préféré que la réforme aille plus loin, notamment sur le choix de la procédure accusatoire ou inquisitoire. Mais ce vieux débat n’est pas clos.

En revanche, Madame Guigou, il n’y a plus lieu de s’interroger sur l’indépendance du parquet : en refusant la réforme que proposait le Président de la République de l’époque, rejoint par son Premier ministre, nous avons sauvé notre système juridique du corporatisme, qui menaçait les magistrats du siège comme ceux du parquet et qui n’est pas moins dangereux que la dépendance du pouvoir judiciaire à l’égard de l’exécutif. Il n’est pas question d’y revenir !

Mme Élisabeth Guigou – Que cela vous plaise ou non, nous y reviendrons !

M. Claude Goasguen – Cette question est réglée ; elle n’a pas à être débattue ici…

Mme Élisabeth Guigou – Si ! Les majorités changent, ne l’oubliez pas !

M. Claude Goasguen – … et même dans vos rangs, elle l’est de moins en moins ! (Rires sur les bancs du groupe UMP) Majoritairement soutenue par vos amis dans les années 1990, cette idée nocive est devenue caduque dans les années 2000 !

Mme Élisabeth Guigou – Méfiez-vous des années 2010 ! Nous en reparlerons !

M. Claude Goasguen – Reparlez-en donc avec vos collègues, qui semblent dubitatifs… (Rires sur divers bancs)

Enfin, Monsieur le rapporteur, gardons-nous de froisser les magistrats.

Mme Élisabeth Guigou – Ils vous écoutent !

M. Claude Goasguen – Avocat, je n’ignore pas combien le milieu judiciaire est jaloux de son autonomie. Les magistrats sont choqués d’être mis en minorité dans les sections – aux pouvoirs certes limités – du CSM. La presse s’en fera l’écho. Afin de compléter le texte équilibré élaboré par la commission, ne pourrait-on tenter de leur donner satisfaction ?

M. le Président – Il faut conclure.

M. Claude Goasguen – Puisque nous avons fait l’essentiel du chemin, efforçons-nous d’éviter une polémique inutile !

M. François Bayrou – La composition du CSM constitue un enjeu symbolique. Les auditions devant la commission des lois l’ont montré : il est simpliste de croire qu’au sein du CSM, les décisions sont prises par corps.

M. Arnaud Montebourg – Très juste !

M. François Bayrou – Mais la mise en minorité des magistrats au sein du CSM les choque, car elle jette le soupçon sur eux. Deux éléments sont particulièrement révélateurs.

D’abord, dans les directives que l’Union européenne donne aux pays qui veulent y adhérer sur la composition des organes de discipline et de régulation de la justice, elle demande que les magistrats y aient la majorité. D’autre part, comme l’a rappelé M. Montebourg, dans notre République, tous les autres corps de discipline comportent une majorité de membres qui ont une expérience professionnelle dans le domaine concerné. Je pense donc que la parité entre professionnels et représentants de la société au sens large, comme cela existe dans beaucoup de pays, constitue le bon équilibre. Y parvenir aurait une grande valeur symbolique et signifierait que nous écartons tout soupçon envers les magistrats.

D’autre part, je souhaite également qu’on revienne à la formation plénière même si, à la différence de Mme Guigou, je considère que la présidence par le premier président de la Cour de cassation peut être utile.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux L’article 28 va changer le mode de fonctionnement de la justice. Le CSM, qui joue un rôle déterminant dans la carrière des magistrats, est aujourd’hui critiqué à un double titre : présidé par le Président de la République ou le garde des sceaux , il est soupçonné de dépendance ; composé essentiellement de magistrats, il l’est de corporatisme et d’ immobilisme. Toutes les études d’opinion montrent que cela suscite la méfiance chez les Français.

Nous proposons d’abord que le CSM ne soit plus présidé par le Président de la République ni par le garde des sceaux, mais par les deux plus hauts magistrats de France, et que son avis soit sollicité pour la nomination de tous les hauts magistrats du parquet, y compris les procureurs généraux.

Madame Guigou, vous dites que je suis passé outre à de nombreux avis du CSM. C’est faux : en 5 ans, c’est à peine 1 %, et, pour ce qui me concerne, quelques cas.

M. Arnaud Montebourg – C’est 27 cas en cinq ans, et pour des postes sensibles.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Pour ce qui me concerne, cela fait 1,7 %, soit six avis.

Mme Élisabeth Guigou – C’est six de trop.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Il faut tenir compte du nombre de nominations. Il faut aussi tenir compte de la nature de ces avis. La question est souvent moins une incompétence que l’inadaptation à la fonction proposée. Il faut savoir le reconnaître.

Ensuite, pour que le CSM soit plus ouvert, nous proposons que huit personnalités extérieures y siègent aux côtés de sept magistrats de l’ordre judiciaire. Sur ce point, Monsieur Montebourg, je vous corrige. Contrairement à ce que vous avez dit, dans la plupart des pays d’Europe qui nous sont comparables, les magistrats ne sont pas majoritaires dans les instances qui traitent de l’évolution de leur carrière. Ils ne le sont pas au Royaume-Uni, en Belgique, en Suède, au Danemark, au Portugal et dans certains Länder d‘Allemagne. Ils le sont en Espagne, en Italie et aux Pays-Bas. Au Luxembourg et en Pologne, ils le sont, mais dans des instances consultatives qui n’ont absolument pas les mêmes pouvoirs que le CSM. Il n’est pas sain que les magistrats donnent l’impression de se gérer eux-mêmes. L’indépendance de la justice doit aller de pair avec l’ouverture. D’ailleurs en 1998, dans le projet de Mme Guigou, le CSM ne comptait que dix magistrats sur 21 membres. Et les deux principaux candidats à l’élection présidentielle partageaient l’idée, qui est aussi celle du comité Balladur, que les magistrats ne peuvent être majoritaires dans la formation qui décide ou débat de leur nomination.

La commission des lois a débattu de ces points et fait des propositions. Dans un esprit de dialogue, le Gouvernement veut en tenir compte. Je proposerai donc un amendement qui répond à trois de vos préoccupations.

D’abord, nous n’avons pas supprimé la formation plénière, puisqu’elle n’est pas inscrite dans la Constitution. Nous sommes d’accord pour l’y inscrire, comme le souhaitent les organisations de magistrats. Elle symbolisera l’unité du corps judiciaire à laquelle je suis très attachée. Le projet définit ses compétences, qui seront de répondre aux demandes d’avis du Président de la République et de se prononcer sur les affaires de déontologie et sur toute affaire concernant le fonctionnement de la justice dont la saisit le garde des sceaux.

S’agissant ensuite des personnalités qualifiées, le projet prévoyait qu’il y en aurait deux nommées par le Président de la République, deux par le président de l’Assemblée, deux par celui du Sénat, plus un conseiller d’État et un avocat désigné par le Conseil national des barreaux. Certains voient un risque de politisation dans les nominations par le Président de la République et par ceux des assemblées, malgré le droit de veto dont les commissions parlementaires disposeront. La commission des lois a souhaité qu’ils ne nomment chacun qu’un membre et que siègent en outre un professeur des universités et une personnalité choisie par le défenseur des droits du citoyen. Dans un souci d’ouverture, le Gouvernement se rallie à cette position et propose en outre que soit nommée une personnalité désignée par le président du Conseil économique et social.

Enfin, les justiciables pourront saisir le CSM en cas de dysfonctionnement de la justice. Ils pourront ainsi faire valoir leurs droits, et on évitera que les magistrats soient mis en cause de façon inconsidérée.

En revanche, le Gouvernement ne suit pas la commission en ce qui concerne la présidence des formations du siège et du parquet ; il souhaite qu’elle soit assurée respectivement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près la Cour de cassation ; le premier, ou le second en cas d’absence, présiderait la formation plénière.

Ces dispositions sont reprises dans l’amendement que je proposerai.

M. Patrick Braouezec – Notre amendement 459 est de suppression. Pour garantir les libertés individuelles, le juge doit être indépendant, ce qui implique des garanties pour que la gestion des carrières ne soit pas utilisée comme moyen de pression. Or, depuis plusieurs années, le poids de la Chancellerie s’est fait plus lourd. Désormais, la carrière de 90 % des magistrats du siège dépend directement des choix de l’exécutif. La totalité des décisions administratives concernant les magistrats du parquet dépend du garde des sceaux. En outre, la hiérarchie judiciaire est surreprésentée dans le CSM, ce qui a favorisé des réflexes corporatistes et clientélistes très éloignés de l’intérêt du service public de la justice.

La réforme vise à amoindrir ou à supprimer toutes les instances censées être représentatives. En touchant à l’indépendance de la justice, c’est un fondement de la démocratie que vous allez remettre en cause. Dans tous les pays de l’Union européenne, les organes équivalant au CSM comprennent une majorité de magistrats, conformément à ce que l’Europe a imposé aux derniers candidats à l’adhésion. La France, pays fondateur, aurait-elle opté pour l’archaïsme ? Nous demandons un CSM rénové et disposant de moyens propres, notamment de l’inspection des services judiciaires, pour gérer l’intégralité des carrières du siège comme du parquet. Au contraire, votre projet affaiblit l’institution judiciaire. La réforme du CSM mériterait un débat propre. Pour l’instant, nous refusons de cautionner votre projet, sans refuser le débat sur une nécessaire réforme ultérieure.

L'amendement 459, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement 506 rectifié expose la manière dont nous envisageons la réforme du CSM :

« Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par un de ses membres non magistrat élu par les deux formations réunies en séance plénière.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est présidée par un magistrat du siège élu en son sein. Elle comprend six magistrats du siège et un magistrat du parquet élus, un conseiller d’État désigné par l'assemblée générale du Conseil d’État, un avocat désigné par le Conseil national des barreaux ainsi que cinq personnalités n’appartenant ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif.

« L’une d’entre elles est désignée par le Président de la République après application de la procédure prévue à l’article 13, deux sont désignées respectivement par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat. En cas de partage, le président de la formation a voix prépondérante.

« La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par un magistrat élu en son sein ; elle comprend six magistrats du parquet et un magistrat du siège, élus, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les cinq personnalités déjà évoqués dans la formation des magistrats du siège.

« La formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d’appel et pour celles de président de TGI. Les autres magistrats du siège sont nommés sur avis conforme. Les magistrats du parquet sont nommés sur l’avis conforme de la formation du CSM compétente à leur égard. La formation compétente à l’égard des magistrats du siège et la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet statuent respectivement comme conseil de discipline des magistrats relevant de leur ordre.

« Le ministre de la justice peut être entendu à sa demande par le CSM. Celui-ci peut être saisi par le garde des sceaux, par tout membre du Parlement et par tout magistrat, dans les conditions fixées par une loi organique. Le CSM peut rendre des avis publics. »

Voilà dans quel cadre nous concevons la réforme. S’agissant de la parité, nous avons repris des éléments connus et j’ai, Madame la garde des sceaux, le regret de contester votre appréciation sur les conditions dans lesquelles sont organisées, lorsqu’elles existent, les formations compétentes à l’égard des magistrats. A cet égard, il faut distinguer les pays de tradition juridique latine et ceux qui relèvent du droit anglo-saxon. Dans la majorité des conseils actuels, ce sont les magistrats qui sont majoritaires.

Au reste, dans son rapport écrit, notre excellent rapporteur précise que les différents conseils de justice qui existent dans les autres pays européens sont composés soit à parité de magistrats et de non-magistrats, soit en majorité de magistrats. Il n’y a pas d’exemple où les magistrats soient minoritaires ! Reprenons les quinze démocraties européennes que l’on peut rattacher à la tradition de droit latin : en Lituanie et à Chypre, le conseil est exclusivement composé de magistrats ; en Hongrie, Bulgarie, Italie, Roumanie, Estonie, Espagne, Slovénie, Portugal et Pologne, les juges sont majoritaires ; en Belgique, à Malte et en République slovaque, la parité entre magistrats et personnalités extérieures est garantie.

Je rappelle en outre plusieurs prescriptions fondamentales, dont la recommandation du conseil des ministres des États-membres du Conseil de l’Europe du 13 octobre 1994 : « L’autorité compétente en matière de sélection et de carrière des juges devrait être indépendante du gouvernement et de l’administration. Pour garantir son indépendance, des dispositions devraient être prévues, pour veiller à ce que ses membres soient désignés par le pouvoir judiciaire ».

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – J’en termine avec le texte le plus récent, soit la Charte européenne sur le statut des juges, édictée par le Conseil de l’Europe en juillet 1998 : « Pour toute décision affectant la sélection, le recrutement, la nomination, le déroulement de carrière ou la cessation de fonction d’un juge, le statut prévoit l’intervention d’une instance indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, au sein de laquelle siègent au moins pour moitié des juges élus par leurs pairs, suivant des modalités leur assurant la plus large représentativité ».

Dans les exemples les plus nombreux, les magistrats sont donc majoritaires. Nous sommes unanimes à ne pas demander cela…

M. le Président – Cette fois, il faut vraiment conclure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Évitons d’introduire dans cette réforme une incongruité qu’on traînerait comme une casserole ! Avec une petite modification en faveur de la parité et un retour vers l’amendement de M. Warsmann, nous rétablirons l’équilibre qui avait été atteint en commission des lois.

M. François Bayrou – J’ai déjà exprimé l’idée qui motive mon amendement 637 dans mon intervention générale sur l’article. Je soutiens qu’un pas en direction de la parité du CSM constituerait un geste symbolique, de nature à dissiper toute idée de soupçon à l’égard des magistrats.

Madame la garde des sceaux, je vous ai entendue dire qu’un soupçon de corporatisme pouvait éloigner l’opinion publique des magistrats, notamment parce que le CSM joue un rôle essentiel dans l’évolution des carrières. C’est pourquoi il était nécessaire de ne pas rendre les magistrats majoritaires au sein du Conseil. Une question cependant : connaissez-vous un seul corps dans lequel les carrières et les procédures disciplinaires ne sont pas gérées au moins à parité par ses membres ? L’imagine-t-on pour les militaires, les enseignants ou les policiers ? Pourquoi réserver l’accusation de corporatisme aux seuls magistrats ? Dans tous les autres États-membres de l’Union européenne et dans la plupart des démocraties modernes, la représentation des magistrats au sein des conseils de justice est au moins paritaire, sinon majoritaire. Il serait donc abusif que seuls les magistrats subissent une forme d’ostracisme. Je me joins cependant à ceux qui considèrent que ce point est symbolique en ce qu’il n’emporte pas de conséquences directes sur les décisions prises.

M. le Président – Peut-on considérer, Madame la ministre, que l’amendement 610 rectifié du Gouvernement – qui fait l’objet de 21 sous-amendements – a déjà été présenté ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Absolument.

Mme Élisabeth Guigou – Quelques brèves remarques. Vous dites, Madame la Garde des sceaux, qu’il n’est pas question que les magistrats s’autogèrent : mais ils ne s’autogèrent pas du tout ! C’est le Garde des sceaux qui propose leur nomination, y compris pour les magistrats du siège lorsqu’ils ne sont pas président de TGI ou premier président de cour d’appel. Ensuite, vous avez, Madame, un pouvoir de nomination pour les magistrats du parquet. Enfin, vous avez la possibilité – via l’inspection générale – de contrôler le fonctionnement de l’ensemble des tribunaux. Il me semble par conséquent que rien ne vous autorise à dénoncer l’« autogestion » des magistrats.

La seule question qui compte, c’est de garantir leur indépendance dans leur carrière pour éviter que l’on fasse pression sur eux dans leur conduite de dossiers individuels.

S’agissant de la parité, vous avez relevé que, dans la précédente réforme, que j’avais présentée et qui avait été votée par les deux chambres du Parlement, la présence d’un conseiller d’État faisait que les magistrats de l’ordre judiciaire n’étaient pas aussi nombreux que les autres membres du CSM. Mais lorsqu’on interroge les magistrats de l’ordre judiciaire pour savoir pourquoi ils ne l’ont pas contestée à l’époque – alors qu’ils protestent à présent contre la rupture de la parité –, ils font une réponse très claire : par cette voix confiée à un conseiller d’État, l’indépendance des magistrats du parquet dans leur carrière était mieux garantie. De fait, pendant cinq ans, jamais la garde des sceaux n’est intervenu dans les dossiers individuels… (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Les magistrats du parquet jouissaient non seulement d’une parole libre, mais aussi de toute liberté pour requérir dans les affaires individuelles. En outre, par cette réforme, nous nous interdisions définitivement de peser sur la carrière des magistrats du parquet.

Vous pouvez faire la moue, Monsieur Karoutchi…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement Pas du tout !

Mme Élisabeth Guigou – … mais la question de l’indépendance des procureurs est très liée à celle de la parité au sein du CSM. (Même mouvement)

Dès lors, Madame la Garde des sceaux, que vous continuez à donner des instructions individuelles – lesquelles ne sont en aucune façon nécessaires pour mener une véritable politique pénale car l’on peut procéder par instructions générales -, dès lors que vous gardez la possibilité de transgresser les avis négatifs du CSM pour nommer des magistrats du parquet, alors, oui, il est particulièrement important que le Conseil supérieur soit composé à parité.

J’en profite pour rappeler à M. Goasguen que la réforme de 1998-2000 a bien été proposée par le Gouvernement auquel j’ai eu l’honneur d’appartenir et que c’est le Président de la République de l’époque qui en bloqué l’application.

Bien sûr qu’il peut y avoir des tentations corporatistes, mais la saisine du CSM par les justiciables, en vue, précisément, de remettre en cause le fonctionnement défectueux de la justice ou certaines dérives, doit permettre d’y remédier. Il faut aussi tenir compte du fait que le CSM est habilité à prononcer des sanctions disciplinaires, rendues publiques et généralement lourdes.

M. le Président – La commission peut-elle donner son avis sur ces trois amendements ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission a considéré que le projet initial du Gouvernement devait être complété sur plusieurs points. D’abord, il n’était pas prévu d’instaurer une formation plénière, ce qui n’est pas un reproche puisqu’elle n’existait pas auparavant. Il est cependant évident qu’appuyée notamment sur l’article 64 de la Constitution, la formation plénière du CSM avait une existence de fait et se réunissait sous l’autorité de son président. C’est pourquoi il ne nous semblait pas adroit de ne pas faire entrer dans les textes la formation plénière et de ne pas l’organiser, ne serait-ce que pour préserver l’unité du corps de la magistrature.

Le deuxième point concerne les nominations en matière de personnalités qualifiées. Le texte initial du Gouvernement proposait que le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées, ce qui pouvait donner l’impression aux observateurs extérieurs que les autorités politiques souhaitaient continuer de peser. C’est pourquoi la commission a préféré que chacun des trois n’en nomme qu’une et que soient diversifiées les autorités de nomination des personnalités qualifiées. Sur ce point, je suis d’ailleurs en désaccord avec l’amendement socialiste qui maintient à deux le nombre de personnalités qualifiées nommées par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.

M. Arnaud Montebourg – Ce n’est pas une mauvaise idée que celle de la commission.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Le troisième point concerne l’inscription dans la Constitution du droit pour les citoyens de saisir le CSM, les modalités de cette saisine étant renvoyées à une loi organique, des filtres étant bien entendu nécessaires. Mais cela est pour nous fondamental, une part des dysfonctionnements de la justice tenant au fait que le CSM n’est pas assez souvent saisi.

Le Gouvernement a donc repris les trois points sur lesquels nous avions de fermes exigences. Quelle est donc maintenant la différence entre son amendement et le nôtre, adopté en commission avec l’abstention « bienveillante » de l’opposition ?

Le CSM comprend deux formations, l’une compétente pour les magistrats du siège, l’autre pour les magistrats du parquet. Dans notre amendement, chacune comptait sept non-magistrats et six magistrats de l’ordre judiciaire, les formations étant présidées chaque année alternativement par les trois personnalités qualifiées respectivement désignées par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.

M. Christophe Caresche – C’était une excellente idée.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Le Gouvernement ajoute une personnalité qualifiée supplémentaire, désignée par le président du Conseil économique et social, et un magistrat supplémentaire, le premier président de la Cour de cassation pour la formation compétente à l’égard du siège, le procureur général près la Cour de cassation pour la formation compétente à l’égard du parquet. Le ratio entre magistrats et non-magistrats n’est donc pas modifié. Mais, et c’est là que réside la différence, le Gouvernement propose que la présidence de ces deux formations soit assurée non par une personnalité qualifiée mais respectivement par ces deux magistrats. Il propose de même que la formation plénière, rétablie, soit présidée par le premier président de la Cour de cassation. En bref, le Gouvernement propose que toutes les formations soient présidées par un magistrat, alors que la commission proposait que seules les formations disciplinaires le soient.

Le Gouvernement a, me semble-t-il, entendu l’appel des magistrats en leur assurant que chacune des formations serait présidée par l’un des leurs. L’essentiel de ce que souhaitait la commission se retrouve dans l’amendement du Gouvernement qui, je le crois, parvient à un bon équilibre – lequel pourra encore être amélioré à la marge au Sénat. Je remercie le Gouvernement de ces avancées par rapport à son texte initial, et j’approuve son amendement 610 rectifié. Avis défavorable aux autres par conséquent.

M. Christophe Caresche – Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, de ces explications.

Après de nombreuses auditions et de longues discussions en commission, celle-ci avait adopté un amendement aboutissant à un équilibre satisfaisant, en tout cas qui allait, pour nous, dans le bon sens. Or, voilà que nous découvrons aujourd’hui un amendement du Gouvernement qui remet en cause, au moins partiellement, cet équilibre.

Tout d’abord, la formation plénière -qu’il est bon d’avoir rétablie-, sera présidée par le premier président de la Cour de cassation, alors que nous tenions, nous, à ce qu’elle le soit par un non-magistrat. C’était très important sur le plan symbolique pour montrer que l’on en finissait avec un certain corporatisme.

Que le CSM soit présidé le premier président de la Cour de cassation donne à celui-ci un pouvoir extrêmement important…

M. Arnaud Montebourg – Excessivement important !

M. Christophe Caresche – Pour avoir été secrétaire général du CSM, M. Lamanda lui-même nous a expliqué que le président de l’institution en était la mémoire, le garant de la continuité des travaux. Dans toutes les auditions, notamment de représentants des associations de magistrats mais aussi celle du procureur général près la Cour de cassation, personne, à l’exception du premier président lui-même, n’a défendu l’idée que le CSM devrait être présidé par le premier président de la Cour de cassation. La proposition de la commission paraissait donc plus pertinente.

Ensuite, nous recherchions l’équilibre le plus satisfaisant pour éviter la politisation du CSM et le corporatisme en son sein. L’amendement de la commission présentait de ce point de vue l’avantage de distinguer entre les formations en fonction de leur finalité. Autant il paraissait normal qu’en matière disciplinaire, les magistrats siègent à égalité avec les non-magistrats, comme ils le revendiquaient d’ailleurs, autant en matière de nominations, il nous paraissait important qu’ils ne soient plus majoritaires. L’équilibre trouvé était intéressant…

M. Arnaud Montebourg – Acceptable en tout cas.

M. Christophe Caresche – Je ne comprends pas que le Gouvernement soit en partie revenu là-dessus. Son amendement marque un net recul que nous regrettons.

M. Jean-Christophe Lagarde – Le texte initial du Gouvernement présentait déjà deux avantages. D’une part, ne plus confier la présidence du CSM au Président de la République. D’autre part, réviser un dispositif dans lequel les magistrats se trouvaient systématiquement majoritaires, ce qui n’est pas souhaitable. L’amendement 610 rectifié comporte d’autres progrès encore. Le premier est de constitutionnaliser la formation plénière du CSM, ce qui d’une part marque notre attachement à l’unicité de la magistrature, d’autre institue formellement une formation dont on nous dit qu’elle fonctionnait déjà de manière informelle. Le deuxième est que les trois formations seront présidées par un magistrat, ce que, pour notre part, nous estimons souhaitable. Le troisième, sur lequel on n’a pas assez insisté, consiste dans la possibilité nouvelle de saisine du CSM par les citoyens – laquelle n’était pas prévue dans le texte initial.

S’agissant de la parité, je pense moi aussi que les symboles sont importants. Le fait précisément qu’il y ait une voix de plus pour les non-magistrats est un symbole d’ouverture de la magistrature.

Du reste, on sait bien que les clivages ne se feront pas entre magistrats et non magistrats, mais sera le symbole que la société veut un droit de regard sur l’organisation judiciaire, une façon de montrer que la justice n’est pas une institution comme les autres. Vous avez raison, Monsieur Bayrou, il n’y a pas d’autre service qui ne respecte pas la parité, mais il n’y a qu’une fonction dans la République qui rende des décisions au nom du peuple français !

Restent deux progrès que nous souhaitons voir adopter. D’abord, si la parité ne nous paraît pas légitime en section, lorsqu’il s’agit de la gestion des magistrats, elle l’est lorsqu’ils siègent en matière disciplinaire. Ensuite, les personnalités qualifiées nommées ne doivent pas avoir rempli de fonctions électives. S’ils n’étaient pas des techniciens, des juristes reconnus, mais des hommes politiques, le dispositif s’en trouverait déséquilibré et le doute justifié.

M. Arnaud Montebourg – Nous avions accompli un travail très important en commission, et notre groupe a participé à certaines avancées, au point qu’il n’a pas voulu voter contre les amendements du rapporteur. Le Gouvernement a pris en compte un certain nombre des éléments de ce travail, en présentant un amendement cohérent, mais qui aura pour conséquence, s’il est adopté, de faire disparaître tous les autres. C’est embarrassant, surtout au moment où nous avons décidé de travailler dorénavant en séance sur le texte issu de la commission ! Rien n’empêchait le Gouvernement de sous-amender les propositions de la commission. Quant à nous, nous nous sommes trouvés dans l’obligation de présenter une vingtaine de sous-amendements.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Monsieur Montebourg, certains de vos sous-amendements n’ont pas d’objet parce qu’il en a été tenu compte dans l’amendement du Gouvernement.

M. Arnaud Montebourg – Nous verrons au cas par cas.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Monsieur Le Bouillonnec, vous souhaitez que le président du CSM soit élu parmi les non-magistrats, et les présidents des deux formations parmi les magistrats. Il y aurait alors trois présidents, alors que l’objectif de la réforme du Conseil est de le rendre plus uni, plus stable, plus solide. Nous y sommes donc opposés. Ce que nous souhaitons, c’est confier la présidence des formations aux plus hautes autorités judiciaires, qui offrent une garantie d’indépendance et ont une autorité morale incontestable, pour les magistrats, mais également aux yeux des Français. Certes, les magistrats seront en minorité mais par cette disposition, nous renforçons la confiance qui est manifestée à la magistrature et je vous assure que les magistrats, notamment dans les TGI, n’y sont pas du tout opposés.

Vous souhaitez aussi la parité entre magistrats et non-magistrats. Nous préférons la minorité pour éviter l’écueil du corporatisme que tout le monde dénonce, aussi bien les magistrats que les justiciables. Et nous serions loin d’être le seul pays à appliquer la minorité : ce qui correspond à notre CSM en Angleterre compte sept juges et huit non-juges ; dans certains Länder d’Allemagne, comme en Sarre, la commission est exclusivement constituée de parlementaires ; au Portugal, le CSM comprend huit magistrats et neuf non-magistrats.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous n’avons pas les même chiffres !

M. René Dosière – Au Portugal, il y a parité.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Nous souhaitons donc que les magistrats soient minoritaires, mais en confiant la présidence aux plus hautes autorités judiciaires. Cela permettra une ouverture et beaucoup plus de transparence, aussi bien dans les nominations et promotions que dans la discipline – les affaires récentes ont montré que c’était nécessaire.

Pour les avis conformes sur les nominations, Madame Guigou, nous avançons : nous souhaitons étendre cette disposition, avec un avis simple pour les procureurs généraux nommés en conseil des ministres. L’article 5 du statut de la magistrature prévoit qu’ils sont placés sous l’autorité du garde des sceaux, qui leur adresse des instructions générales d’action publique.

Vous avez parlé du passer-outre, qui consiste pour le garde des sceaux à nommer une autre personne que l’avis du CSM ne le recommande. Dès lors que le principe de la minorité des magistrats sera posé, il y aura beaucoup plus de transparence dans les nominations. Il faut bien comprendre que le passer-outre n’est pas une lubie du garde des sceaux, mais qu’il lui permet de nommer un procureur méritant et compétent au lieu de faire primer le critère de l’ancienneté. Les magistrats nommés de cette façon n’ont d’ailleurs pas démérité.

Vous avez aussi parlé de l’indépendance de la justice. Tout le monde la souhaite, cette indépendance : c’est la garantie que les Français seront tous jugés de la même manière, sans justice d’influence ni justice de classe. Nous y sommes très attachés. Mais souhaitez-vous vraiment qu’un procureur soit tellement indépendant qu’il fasse ce qu’il veut ? Que s’il n’est pas d’accord avec le Gouvernement, qui souhaite lutter contre la récidive, il privilégie plutôt les infractions routières ?

Mme Élisabeth Guigou – Mais cela n’a rien à voir ! Vous pouvez lui adresser une instruction générale !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux S’il y a une instruction générale, c’est que le procureur n’est pas totalement indépendant, sans quoi il ne sera pas obligé de l’appliquer ! Les Français souhaitent que la justice soit la même sur tout le territoire et il faut donc une autorité qui puisse donner une instruction d’action publique. Il n’y a pas d’autre moyen.

Mme Élisabeth Guigou – Mais si !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Mais non ! Trop longtemps, la justice a été une affaire de professionnels, ce qui a arrangé tout le monde, vous y compris, et vous savez que vous avez donné des instructions dans certaines affaires.

Mme Élisabeth Guigou – Pas du tout ! Je vous interdis de dire cela !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Nous souhaitons mener des politiques d’action publique cohérentes, afin que les Français soient protégés de la même manière sur tout le territoire. Cela ne nous empêche pas d’être extrêmement attachés à l’indépendance de la justice, puisque c’est justement sa raison d’être. Les décisions des juges sont rendues en totale indépendance.

Mme Élisabeth Guigou – Heureusement !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Nous sommes d’accord. Mais nous assumons totalement de donner des instructions d’action publique, pour que la politique pénale soit appliquée de la même manière sur tout le territoire.

Vous avez dit, Monsieur Bayrou, qu’il n’y avait pas d’autre instance où un corps est en minorité. Mais je vous rappelle que les conseillers des tribunaux administratifs ne sont pas majoritaires dans leur conseil supérieur, de même que les conseillers des chambres régionales des comptes. Par ailleurs, les commissions paritaires de la fonction publique n’émettent qu’un avis. Le CSM, lui, décide. Il est important que ses décisions soient transparentes, aussi bien pour les nominations et les promotions que pour ses avis et dans les instances disciplinaires.

Voilà pourquoi nous sommes défavorables à plusieurs de vos propositions, mais je vous rappelle que nous avons tenu compte des travaux de la commission puisque nous avons amendé le texte initial.

L'amendement 506 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 637, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Nous passons à la discussion des sous-amendements à l’amendement 610 rectifié du Gouvernement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le sous-amendement 614 rectifié ajoute, après les termes « présidée par », ceux de « un magistrat du siège élu en son sein ».

Le sous-amendement 614 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Par le sous-amendement 615, nous proposons de rétablir la parité dans la constitution de la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du siège, en en portant le nombre à six.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Avis défavorable. Nous préférons en rester à cinq magistrats.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’important n’est pas le nombre, mais de rétablir la parité.

Le sous-amendement 615, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’un professeur des universités siège au CSM au titre des personnalités qualifiées, mais il n’y pas lieu de rendre cette disposition contraignante en la mentionnant dans la Constitution. Tel est le sens du sous-amendement 616.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Avis défavorable. Le Gouvernement a repris une proposition de la commission, qui souhaite diversifier la composition du CSM, et qui reprenait elle-même une proposition du comité Balladur.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Avis également défavorable. Quand nous parlons de professeurs des universités, nous entendons des juristes.

M. Claude Goasguen – Quelle que soit l’estime que l’on porte aux professeurs de biologie et d’autres disciplines, il serait en effet bon de le préciser…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Votre observation est légitime. La précision sera apportée dans le cadre de la loi organique.

Le sous-amendement 616 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. M. Arnaud Montebourg – Les sous-amendements 633, 617 et 618 sont retirés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Le sous-amendement 611 est de coordination.

M. Arnaud Montebourg – Nous le soutenons.

Le sous-amendement 611, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg – Par le sous-amendement 619, nous proposons que le président de la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet soit présidée par un magistrat du parquet élu en son sein et non par le procureur général ès qualités. Sinon, la durée de son mandat risque de varier beaucoup.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur La commission n’a jamais défendu cette idée. Avis défavorable.

Le sous-amendement 619, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Les sous-amendements 620 et 622 sont de coordination.

Les sous-amendements 620 et 622, repoussés par la commission et par le Gouvernement et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Arnaud Montebourg – Le sous-amendement 623 relève de notre désaccord de fond.

Le sous-amendement 623, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Le sous-amendement 621 a été retiré.

M. Arnaud Montebourg – Il est prévu que la formation plénière du CSM ne puisse être saisie que par le président de la République ou par le garde des sceaux. Étant donné son rôle d’instance régulatrice, responsable de l’indépendance de la justice et du respect de la déontologie, elle doit aussi, en cas de dysfonctionnement manifeste de la justice, pouvoir se saisir elle-même. C’est le sens du sous-amendement 624, que je prie nos collègues de la majorité de voter avec nous.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur La commission a proposé d’ouvrir la possibilité de saisine directe aux justiciables, ce qui constitue une avancée considérable. Avis défavorable.

Le sous-amendement 624, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement du Gouvernement prévoit que ne siègent en formation plénière, outre les personnalité qualifiées, que trois des cinq magistrats du siège et trois des cinq magistrats du parquet. Par le sous-amendement 625, nous proposons que siègent dans la formation plénière tous les magistrats qui composent les deux formations, faute de quoi le processus de décision pourrait être faussé. Au passage, une telle configuration simplifierait les choses.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Dans un souci d’équilibre, le schéma retenu par le Gouvernement prévoit la présence en formation plénière de huit personnalités qualifiées et de sept magistrats. Votre proposition porterait le nombre de ces derniers à 14 contre 8 puisque les personnalités qualifiées sont les mêmes dans les deux formations, ce qui romprait l’équilibre souhaité. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Même avis.

Le sous-amendement 625, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg – Le sous-amendement 635 rectifié a déjà été défendu.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Avis toujours défavorable, puisque la possibilité est ouverte d’une saisine directe par les justiciables.

Le sous-amendement 635 rectifié, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Par le sous-amendement 626, nous demandons que la présence du ministre de la justice aux réunions des formations du CSM soit possible et justifiée, et non de droit.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Avis défavorable. La présence du ministre de la justice va de soi puisqu’il peut faire des propositions de nominations.

Le sous-amendement 626, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – Nous proposons par le sous-amendement 638 que lorsque les formations statuent en matière disciplinaire, la voix de leur président compte double. Ainsi rétablira-t-on, dans ce cas, la parité, ce qui semble plus équitable.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. On n’a jamais évoqué ce système en commission. Conférer un vote double au président induit d’ailleurs des risques de blocage.

Le sous-amendement 638, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le sous-amendement 628 vise à donner la possibilité au Conseil supérieur de la magistrature de rendre des avis publics.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Cela ne relève pas de la Constitution. On pourra prévoir dans la loi organique un rapport annuel public. Avis défavorable.

Le sous-amendement 628, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le sous-amendement 629 dispose que la loi organique précise les conditions dans lesquelles la réunion plénière se tient.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Cela va de soi. Avis défavorable, pour ne pas surcharger la Constitution.

Le sous-amendement 629, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 610 rectifié, mis aux voix, est adopté, et l’article 28 est ainsi rédigé.

APRÈS L'ART. 28

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 99 vise à changer le nom du Conseil économique et social en « Conseil économique, social et environnemental », suite au Grenelle de l’environnement. C’est un amendement de cohérence avec l’élargissement des compétences du Conseil introduit par plusieurs amendements qui suivent.

L'amendement 99, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 29

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 100 est de coordination.

L'amendement 100, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 29 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 30

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 101 est également de coordination. Les amendements 102 et 103 sont rédactionnels.

L'amendement 101, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, ainsi que les amendements 102 et 103.

L'article 30 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 30

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 104 est de coordination.

L'amendement 104, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 105 vise à éviter que l’élargissement des compétences du Conseil économique et social n’occasionne une inflation de ses dépenses.

M. Richard Mallié – Très bien !

L'amendement 105, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme George Pau-Langevin – L’amendement 523 est un amendement technique visant à inclure dans la liste des collectivités locales d’outre-mer, à l’article 72 de la Constitution, les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy nouvellement créées. La politique du Gouvernement envers ces collectivités est fluctuante, puisque, par exemple, il était d’abord prévu qu’elles aient des députés, qui ont disparu par la suite. Vous ne pouvez cependant pas faire comme si elles n’existaient pas.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Ces collectivités seront concernées par le redécoupage qui aura lieu sur l’ensemble du territoire de la République. Le fait qu’elles soient devenues des collectivités distinctes ne leur donne pas un droit à être représentées par des députés spécifiques.

Mme George Pau-Langevin – Vous l’aviez pourtant prévu !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Cela avait été prévu pour 2012, mais ce qu’une loi fait, une autre peut le défaire. En revanche, un sénateur est prévu pour chacune de ces collectivités.

Si vous souhaitez maintenir l’amendement, il faut de toute façon le modifier en ôtant l’accent du second « e » de « Saint-Barthélemy ». Sous réserve de cette modification, j’émets à titre personnel un avis favorable. Je le fais toutefois avec tristesse, car je ne crois pas que ce soit grandir notre Constitution que d’y avoir introduit, sous la précédente législature, une liste de collectivités. Puisqu’on a commencé à le faire, je donne acte qu’il est logique de compléter cette liste.

Mme George Pau-Langevin – Je rectifie volontiers l’amendement pour corriger cette faute d’orthographe.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État L’article 72-3 de la Constitution dressant la liste de l’ensemble des collectivités d’outre-mer, le Gouvernement émet un avis favorable.

M. Jean-Pierre Brard – Rappelons-nous le débat à l’esbroufe qui a eu lieu ici-même, avec les non-dits et les petits arrangements entre amis, et qui a donné l’onction des institutions à la création de collectivités dans des conditions de transparence et de moralité incompatibles avec les valeurs républicaines. Je maintiens la position qui était alors la mienne, tout en espérant que nous reviendrons sur la question au moment du redécoupage électoral. Je vous rappelle qu’à Saint-Martin, un gendarme a été assassiné et sa dépouille profanée, tandis qu’à Saint-Barthélemy, des fonctionnaires de l’administration des finances ont été jetés à la mer.

M. René Dosière – S’il faut revenir sur la question des sénateurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, c’est dès à présent, sans attendre le redécoupage, car leur élection doit intervenir en septembre. Je rappelle qu’à Saint-Barthélemy, il faudra dix voix pour être élu, et qu’il en faudra douze à Saint-Martin (Rires).

L'amendement 523 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 31

Mme Élisabeth Guigou – L’article 31 crée un défenseur des droits des citoyens, qui vient remplacer le médiateur de la République en vue d’en élargir la saisine à tous les justiciables. Nous aurions besoin de quelques assurances, car il est écrit, dans l’exposé des motifs de la loi, que ce défenseur pourrait non seulement se substituer au Médiateur, mais reprendre également les attributions du contrôleur général des lieux de privation de liberté ainsi que celles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ce qui ne nous convient pas du tout.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a été créé par une loi récente, et sa nomination est toujours attendue. Madame la garde des sceaux, allez-vous le nommer, ou bien a-t-il vocation à disparaître au profit du défenseur ? De même, ce dernier a-t-il bien vocation à remplacer une commission qui contribue, en toute impartialité et dans une relative discrétion, sans polémique, à l’amélioration des services concernés ? Depuis un peu plus de cinq ans, cette commission a fait la preuve de son efficacité dans la dénonciation de certains abus. Si la création d’un défenseur des droits des citoyens, en ce qu’elle élargit la saisine du médiateur, est une bonne chose, il ne faut pas qu’elle conduise à remplacer les deux autres.

M. Christian Vanneste – La création d’un défenseur des droits fondamentaux – qui existe dans d’autres démocraties, notamment en Espagne, sous le nom de « defensor del pueblo » – était une excellente proposition de la commission Balladur. Il en est résulté le présent article 31, qui crée un « défenseur des droits des citoyens ». Cet article appelle quatre remarques.

Tout d’abord, son rôle sera plus important que celui de l’actuel médiateur de la République. D’une part, il sera désormais inscrit dans la Constitution ; de même, dans seize pays de l’UE, la loi fondamentale garantit aux citoyens le droit d’adresser leurs plaintes à un ombudsman, qu’elle mentionne explicitement dans huit d’entre eux - dont la Suède, exemplaire en la matière. En outre, son domaine d’intervention sera plus étendu, puisqu’il pourra être directement saisi, alors que le médiateur de la République l’est indirectement - notamment par notre intermédiaire.

En revanche, la dénomination finalement retenue limite sa mission. Or, les droits qu’il garantit ne sauraient concerner les seuls citoyens, car, loin de se limiter au droit de participer à la vie de la cité, ils incluent les libertés dont jouissent toutes les personnes présentes sur notre territoire. Il serait donc préférable de faire référence aux principes fondamentaux inscrits dans le préambule de notre Constitution et à la charte de l’environnement ; j’ai déposé trois amendements en ce sens.

En outre, le défenseur des droits des citoyens devrait réunir toutes les institutions actuellement chargées de protéger les droits fondamentaux – le médiateur de la République, mais aussi le défenseur des enfants et la HALDE, dont le coût est exorbitant. De ce point de vue, je ne partage pas tout à fait le point de vue de Mme Guigou.

Enfin, je regrette qu’en permettant de saisir directement le défenseur, un texte censé revaloriser le Parlement supprime l’une des plus anciennes fonctions de la puissance tribunicienne : l’intercession. De même, on peut déplorer que le défenseur soit nommé par le Président de la République et non par les parlementaires.

M. Patrick Braouezec – Mon intervention vaut défense de l’amendement 463 de suppression.

Je suis d’accord avec Mme Guigou et M. Vanneste. Le défenseur des droits des citoyens, dont on aimerait saluer la naissance, aurait dû s’appeler « défenseur des droits fondamentaux » ou « des droits de l’homme et du citoyen », ce qui eût permis de faire référence à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et d’inclure les étrangers dans son domaine d’intervention.

M. Christian Vanneste – Nous sommes d’accord… pour une fois ! (Sourires)

M. Patrick Braouezec – Nous craignons en outre que sa création ne serve à supprimer plusieurs autorités administratives indépendantes – notamment, outre celles qui ont été citées, la CNDS et la CNIL. Sur ce point, Madame la Garde des sceaux, nous souhaitons comme Mme Guigou une réponse précise et des garanties écrites : nous ne nous contenterons pas de paroles rassurantes. Je crains donc que nous ne devions maintenir notre amendement de suppression.

M. Jean-Pierre Brard – Je partage le point de vue de Mme Guigou, et de M. Vanneste et de M. Braouezec.

Une fois de plus, on propose de créer une nouvelle institution sans évaluer les résultats des précédentes ; ainsi de la CNDS, qui effectue un excellent travail avec discrétion, mais détermination, ou du médiateur de la République – aujourd’hui M. Delevoye, hier M. Stasi, après d’autres –, qui use de plus en plus de son droit d’injonction, faculté peu connue.

De fait, l’article 31, beaucoup trop vague, ne fournit pas la liste des institutions que le défenseur est appelé à remplacer. Il a en outre le tort de mentionner les seuls citoyens, oubliant que les droits de ceux qui ne possèdent pas la citoyenneté méritent eux aussi d’être défendus.

D’autre part, jusqu’où iront les pouvoirs du défenseur ? À cet égard, le flou qui entoure les avis de la HALDE – ainsi d’un récent avis inquiétant sur la laïcité, considéré par les chefs d’établissement scolaire comme une décision – est de mauvais augure.

Comme mes collègues, j’espère, Madame la garde des sceaux, que vous nous rassurerez. Mais mieux vaut tenir que courir et, sans vous comparer à Lucifer (Sourires sur les bancs du groupe SRC), nul n’ignore que l’enfer est pavé de bonnes intentions… Nous souhaitons donc des réponses précises : l’exégèse ministérielle, la vôtre ou celle de M. Karoutchi, ne saurait suffire à établir le texte de la Constitution !

M. François Goulard – L’amendement 196 tend aussi à supprimer l’article.

En adoptant cet article, nous donnerions valeur constitutionnelle à un gadget. Mais il y a plus grave : ériger une personnalité encore inconnue – même si des rumeurs circulent – en « défenseur des droits des citoyens », c’est tout simplement renier les fondements de notre État de droit, où les droits des citoyens sont défendus par des juridictions. Ainsi, lorsque le Conseil constitutionnel censure des dispositions législatives contraires à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il défend les citoyens, comme la Cour de cassation lorsqu’elle annule une décision de justice parce que les droits de la défense n’ont pas été respectés, comme le Conseil d’État lorsqu’il annule une décision administrative pour excès de pouvoir ! Cette création est donc un non-sens et procède d’une dangereuse confusion intellectuelle.

M. Patrick Braouezec – C’est parfaitement illusoire !

M. François Goulard – Il est impensable que notre Assemblée, exerçant son pouvoir constituant, s’abaisse à cette fantaisie – à seule fin, dit-on, de satisfaire l’ambition personnelle d’un membre de la commission Balladur… (Exclamations sur divers bancs)

M. Claude Goasguen – Qui est-ce ?

M. Jean-Pierre Brard – Des noms !

M. Jacques Myard – L’amendement 452, cosigné par M. Debré et moi-même, supprime également cet article, qui conduit à « balkaniser » un peu plus l’État. Saisi par l’intermédiaire des députés, le médiateur de la République a le mérite de faciliter les rapports entre l’administration et les justiciables – y compris ceux qui ne possèdent pas la citoyenneté française. En revanche, j’avais dénoncé la création de la HALDE, si légitime en soit l’objectif, car il appartient au parquet de poursuivre l’auteur d’une discrimination avérée. A quoi servent les tribunaux, si l’on confie leurs attributions à une autorité administrative prétendument indépendante ?

De même, on ne saurait inscrire dans la Constitution – surtout pour employer un retraité ! (Sourires) – une parodie d’institution vouée à concurrencer l’administration judiciaire. Je suis d’accord avec M. Goulard : il appartient aux tribunaux de défendre les citoyens - et les étrangers ! Or l’article ne dit rien des attributions respectives de la justice et du défenseur. Renonçons donc à ajouter cette disposition à la Constitution.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je veux dire à Madame Guigou, qui s’interrogeait sur la nomination du contrôleur général des lieux privatifs de liberté, et à vous tous, que je viens de recevoir du président de l'Assemblée nationale une lettre m’informant que le Gouvernement envisageait de proposer au Président de la République la nomination à cette fonction de M. Jean-Marie Delarue, conseiller d’État. Comme le prévoit la loi du 30 octobre 2007, la commission des lois se réunira donc mercredi 4 juin, après les questions au Gouvernement, afin d’auditionner M. Delarue, puis d’émettre un avis, par un vote à bulletin secret, sur sa nomination. J’espère que l’on continuera de recourir à cette procédure après la révision constitutionnelle.

Quoi qu’il en soit, les propos excessifs que je viens d’entendre, indignes d’un débat constitutionnel, me rappellent les rumeurs qui avaient entouré cette nomination lors de l’examen du projet de loi instituant le contrôleur général des lieux privatifs de liberté. Or la personne dont le Gouvernement propose la nomination n’a rien à voir avec l’avocat dont on citait le nom et dont un magazine à grand tirage avait publié la photographie !

M. Christophe Caresche – Ne le regrettez pas ! (Sourires)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission des lois, satisfaite du progrès que représente cet article, est défavorable aux trois amendements de suppression.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Le défenseur des droits de citoyens n’a rien d’un gadget. Dans beaucoup de pays voisins, son efficacité est appréciée.

M. François Goulard – Mais ce n’est pas constitutionnel !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Le médiateur de la République fait un travail remarquable, mais les citoyens ne peuvent le saisir directement et son autorité est purement morale. Inscrire l’existence d’un véritable défenseur des citoyens dans la Constitution, renforcera la protection des droits. Il pourra être saisi par tous ceux dont les droits ont été méconnus par l’administration et nous pourrons lui confier de véritables pouvoirs de contrôle de l’administration.

A terme, ce sera aussi un moyen de rationaliser les différentes autorités administratives indépendantes qui existent. S’agissant du contrôleur général des lieux de privation de liberté, nous avons souhaité le nommer avant la mise en œuvre de la loi pénitentiaire, en raison des problèmes de surpopulation carcérale. Ce n’est qu’à l’issue de son premier mandat que nous verrons si sa fonction peut être fusionnée avec celle du médiateur. Pour ce qui est de la CNDS, nous avons souhaité que le défenseur, assisté d’un collège, en reprenne les travaux, mais cela ne met pas en cause leur qualité.

Avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Christophe Caresche – Les propos de M. Goulard sont excessifs, et même inquiétants. Le défenseur des droits des citoyens, c’est le médiateur avec des droits plus étendus. Dans de nombreuses démocraties comparables, l’ombudsman joue un rôle important.

On peut discuter du périmètre de ses missions. Lorsqu’on avait créé la fonction de contrôleur des prisons, j’avais souhaité qu’elle soit confiée au médiateur. En tout cas, inscrire la fonction de défenseur dans la Constitution, et ensuite, lui confier un certain nombre de missions, cela va dans le bon sens.

M. Patrick Braouezec – Mme la garde des sceaux nous parle d’un droit supplémentaire car, actuellement, les citoyens ne peuvent pas saisir directement le médiateur de la République. Mais le fait qu’ils passent par leur député pour le faire me semble une bonne chose.

M. Jacques Myard et M. Christian Vanneste – Très bien !

M. Patrick Braouezec – De toute façon, si chaque citoyen s’adresse à lui, ce sera ingérable. On se moque du monde avec un droit illusoire. Quand un citoyen écrit à son député, celui-ci le reçoit, l’aide à faire un courrier argumenté…

M. Jacques Myard – Il voit si cela vaut la peine.

M. Patrick Braouezec – Également. Mais je mets au défi le défenseur de répondre correctement à toutes les demandes.

En second lieu, je ne suis pas rassuré sur l’avenir des instances existantes, comme la CNIL et la CNDS, qui s’inquiètent beaucoup. Je ne voudrais surtout pas qu’on fasse fi de leur travail. Si c’était pour faire plaisir à un membre du comité Balladur, j’aurais honte de ce que fait le législateur.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. le Président – Sur les amendements 196, 452 et 463, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

M. Jean-Jacques Urvoas – Le groupe socialiste votera en faveur de la création d’un défenseur des droits, dans la lignée de ce qu’il a défendu à propos de la création du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous étions inquiets de la confusion des fonctions existantes. Mme la garde des sceaux vient d’indiquer que le contrôleur général va faire au moins un mandat. J’espère que cette fonction sera maintenue. Nous considérerons avec bienveillance la proposition de nomination dont on vient de faire état.

Lors des auditions, le médiateur avait reconnu que le titre n’était pas parfait et qu’il fallait mentionner les droits fondamentaux. Nous avons encore des questions sur le périmètre d’action et les moyens du défenseur, mais nous espérons que la loi organique y répondra.

M. Jean-Pierre Brard – Sur un article aussi important, nous sommes en droit d’obtenir les réponses à nos questions. Le défenseur aura-t-il un pouvoir d’injonction, oui ou non ? Le médiateur actuel, M. Delevoye, qui accomplit son travail avec enthousiasme, minutie, persévérance et esprit d’innovation, vient de faire jouer son pouvoir d’injonction pour la première fois. Si le défenseur ne le peut pas, cela ne servira pas à grand-chose.

Quand un citoyen n’est pas satisfait, la plupart du temps il écrit au Président de la République. La réponse est toujours la même : je transmets au préfet. En ira-t-il de même avec le défenseur ? Vous nous avez répondu partiellement, Madame la ministre, mais pas sur ce point. Avec un pouvoir d’injonction, le défenseur aura un rôle réel ; sans ce pouvoir, il ne sera qu’un accessoire supplémentaire dans votre magasin de farces et attrapes.

À la majorité de 61 voix contre 14 sur 83 votants et 75 suffrages exprimés, les amendements 196, 452 et 463 ne sont pas adoptés.

M. Christian Vanneste – Mon amendement 225 tend à insérer après « citoyens » les mots « et du développement durable », afin de faire référence non seulement à la déclaration des droits de l’homme mais à la charte de l’environnement. Les amendements 226, 227 et 228 sont de conséquence.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – La commission n’a pas été convaincue. Avis défavorable.

L'amendement 225, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que les amendements 226, 227 et 228.

L'article 31, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 31

M. Jean-Pierre Brard – N’ayant toujours pas de réponse, je suis contraint de me transformer en disque rayé…

M. le Président – Cela, vous savez bien le faire.

M. Jean-Pierre Brard – Oui, car il faut faire de nécessité vertu.

M. Jacques Myard – Mieux vaut se répéter que se contredire.

M. Jean-Pierre Brard – En effet, mieux vaut se répéter que se contredire, comme le font depuis 50 heures les collègues de la majorité, sauf M. Myard et quelques autres, fidèles à l’idéal de leur jeunesse.

M. Jacques Myard – Merci !

M. Jean-Pierre Brard – On nous renvoie aux lois organiques, mais à ce moment-là on nous dira que c’était déjà dans la loi constitutionnelle.

Notre amendement 465 vise à inscrire dès le début du titre XII, dans l’article 72, les principes qui doivent guider la politique de décentralisation. Elle a constitué un progrès considérable en rompant avec la concentration napoléonienne des pouvoirs. Mais elle a aussi été instrumentalisée. Sous couvert de décentralisation, les plus libéraux n’ont cessé de prôner le démantèlement des responsabilités politiques et la concurrence des territoires.

Il faut donc rappeler que la décentralisation ne peut signifier abandon de l’égalité et de la solidarité entre les territoires. Elle a également vocation à rapprocher les citoyens et les élus. Les communes sont le lieu de proximité par excellence où s’exerce la citoyenneté. Familières à chacun, elles sont un maillon décisif de l’implication citoyenne et de l’exercice démocratique. C’est pourquoi nous considérons que la représentation de leurs assemblées doit être la plus fidèle possible à la diversité du corps électoral et qu’il faut réfléchir à l’institution de la proportionnelle aux élections locales. Nous en avons du reste déjà parlé.

De même, il importe de garantir l’autonomie des collectivités locales et de leur procurer les moyens d’assumer leurs fonctions. Le principe de la compensation intégrale de leurs charges doit donc être élevé au rang de principe constitutionnel. MM. Woerth, Carrez et d’autres ont occupé une partie de nos débats avec la « règle d’or » qu’ils ont inventée : voilà une vraie règle d’or que celle de la compensation totale des charges qui résultent de la décentralisation.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Défavorable. (M. Jean-Pierre Brard proteste)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Défavorable.

L'amendement 465, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Annick Girardin – Notre amendement 132 vise à ce que l’article 72 de la Constitution prenne en compte les groupements de collectivités à fiscalité propre. Les établissements publics à fiscalité propre doivent désormais figurer dans la liste des collectivités territoriales de la République. Cet amendement permet de les reconnaître à la hauteur des missions et des compétences qu’ils exercent, des budgets importants qu’ils sont amenés à gérer et, plus généralement, de la place qu’ils occupent dans l’organisation de notre République décentralisée. Au reste, il faut aussi envisager de modifier le régime du cumul des mandats, afin d’y inclure les mandats occupés au sein de ces groupements de collectivités.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Je reviens un instant sur l’amendement 465 de M. Brard afin de lui apporter quelques explications complémentaires. Si le Gouvernement ne l’a pas accepté, c’est tout simplement parce que ce que vous souhaitez inscrire dans la Constitution y figure déjà. Je vous renvoie à l’article 72-2, lequel dispose que des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités sont prévues dans la loi. Votre amendement est donc inutile, dans la mesure où cet article traite ensemble de la péréquation et des compensations financières.

S’agissant de l’amendement 132, le Gouvernement admet bien volontiers que les groupements de collectivités jouent un rôle très important ; toutefois, leur statut est celui de l’établissement public et leur exécutif n’est donc pas élu directement par la population. C’est pourquoi il n’est pas envisageable de les ajouter à la liste des collectivités territoriales dressée dans la Constitution. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Brard – Madame la ministre, je vous remercie d’avoir bien voulu me répondre, mais je ne suis pas convaincu. Vous parlez de péréquation et moi de compensation. Or l’on peut très bien ajouter la compensation à la péréquation, indispensable pour corriger les inégalités.

Hier, nous avons eu des débats intéressants sur nombre de sujets. Aujourd’hui, nos collègues de l’UMP – et peut-être même les membres du Gouvernement – ressemblent à des chevaux fourbus qui, sentant l’avoine fraîche de l’écurie, sont pressés d’arriver…

Un député du groupe UMP – Ce n’est pas faux !

Un député du groupe UMP – Mais attention à l’avoinée, Monsieur Brard ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard – Il serait dommage de ne pas avoir un débat de la même qualité que celui qui nous a réunis ces derniers jours. Il ne faut donc pas expédier les amendements trop rapidement. Au cours des derniers jours, nous n’avons pas utilisé les procédures qui permettent de ralentir le débat. Ne nous poussez pas à revenir aux méthodes qui s’imposent lorsque l’on ne peut pas s’exprimer !

M. le Président – Monsieur Brard, ces menaces vis-à-vis de la présidence sont extrêmement désagréables.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Une nouvelle précision, Monsieur Brard, pour vous répondre encore plus précisément : le quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution dispose expressément que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». C’est la compensation que vous appelez de vos vœux.

L'amendement 132, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – L’amendement 581 est défendu.

L'amendement 581, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Annick Girardin – Notre amendement 133 vise à mettre fin à une inégalité, en accordant aux étrangers le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales – municipales, cantonales et régionales. Ce droit existe déjà pour les seules élections municipales et pour les seuls ressortissants de l’Union européenne, aux termes de l’article 88-3 de la Constitution ; toutefois, ils ne peuvent être ni maire, ni maire-adjoint, ni grand électeur.

Notre amendement étend le droit de vote aux élections municipales à tous les étrangers, ainsi que pour les élections cantonales et régionales. Il demande également que les restrictions concernant l’élection des sénateurs qui concernent déjà les ressortissants de l’UE élus dans un conseil municipal s’appliquent à tous les étrangers élus au sein d’un conseil général ou régional.

Mme George Pau-Langevin – Notre amendement 507 a le même objet. Pour le groupe socialiste, il est très important d’avancer sur ce point, dont nous avons déjà souvent débattu. Les étrangers non communautaires qui résident chez nous, y paient des impôts et sont parfaitement intégrés ont vocation à s’exprimer dans les élections locales.

M. Richard Mallié – Ils n’ont qu’à demander à devenir Français !

Mme George Pau-Langevin – Nous l’avons demandé à plusieurs reprises et un accord de principe à ce sujet se dessine sur tous nos bancs. Il faut passer aux actes et avancer résolument dans cette direction.

M. Jean-Pierre Brard – Les résidents non communautaires – nos voisins, nos amis, les parents d’élèves des camarades de classe de nos enfants… – sont mis à l’écart des élections locales alors qu’ils participent activement à la citoyenneté, travaillent, paient des impôts et votent aux élections professionnelles, scolaires, associatives ou syndicales. L’opinion publique est désormais acquise au vote des étrangers, puisqu’un sondage de novembre 2004 indiquait déjà que 56 % des Français s’y déclaraient favorables. Nombre de pays européens ont accordé le droit de vote à leurs résidents. Depuis 1992, les ressortissants de l’UE peuvent participer à nos élections locales, à la différence des Algériens, des Canadiens, des Chiliens, des Marocains, des Maliens, des Turcs… Dans ma ville, un résident algérien est présent chez nous depuis 1949 dans le même foyer : il a consacré toute sa vie à travailler chez nous, il a payé des impôts et nous ne lui reconnaissons aucun droit ! La semaine prochaine, un résident malien va quitter la ville de Montreuil pour rentrer au pays définitivement ; il était chez nous depuis 1962 et il avait dix-neuf ans lorsqu’il est arrivé. Durant toutes ces années, il a contribué à la richesse du pays et nous ne lui reconnaissons aucun droit !

À l’occasion du fantastique travail réalisé par le Réseau éducation sans frontières, nous avons découvert que des familles connues de tous, dont tout le monde pensait qu’elles avaient des papiers, étaient ce qu’il est convenu d’appeler des « clandestins » alors qu’elles étaient parfaitement intégrées ! Au nom de quoi ne pas leur reconnaître le droit de voter ?

Le 3 mai 2000, notre Assemblée a adopté en première lecture une loi destinée à donner le droit de vote aux élections municipales à tous les étrangers. Las, le Sénat ne l’a jamais examinée, alors que des personnalités et des partis de gauche comme de droite la soutenaient. Pourquoi ? Les résidents étrangers ne sont-ils pas, comme nous, concernés par la vie de la cité et par le vivre-ensemble ? Qu’attendons-nous ?

Je suis persuadé que certains de nos collègues de droite sont encore réticents. Mais il faut raisonner par analogie. Rappelez-vous le débat sur le Pacs : la quasi–totalité d’entre vous y étaient opposés ; ne le voteriez-vous pas aujourd’hui ? Ne soyez pas une nouvelle fois en retard sur ce que la société attend et acceptez de reconnaître tout ce que nous devons à ces personnes qui contribuent à la richesse de notre pays.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Défavorable.

M. Jean-Pierre Brard – Quelle argumentation !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Nous en avons longuement débattu au moment de l’examen de l’article premier et j’ai eu l’occasion de dire pourquoi nous n’étions pas favorables à cette proposition.

L'amendement 133, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 507 et 464, successivement mis aux voix.

M. Didier Julia – Je souhaite que le sens et la portée de mon amendement 570 rectifié soient bien perçus : il s’agit de permettre à notre Parlement de fixer chaque année un objectif de dépenses des collectivités locales, par référence à l’évolution du budget de l’État. Je signale qu’une telle procédure existe déjà dans de nombreux pays européens, notamment en Allemagne, pour prévenir une perturbation de l’équilibre économique général. Surtout, ce débat au Parlement permettrait de faire le point sur les transferts de charges liés à la décentralisation. Ainsi, lorsque le RMI a été transféré aux départements, la charge en résultant pour ceux-ci a été largement sous-évaluée. Il en a été de même en matière de voirie et de personnels techniques des collèges.

Cet amendement permettrait que ce soit le Parlement, et non des fonctionnaires, qui évalue de façon objective et contradictoire les transferts de charges. Cela éviterait aussi que les dépenses des collectivités ne dérapent par rapport à celles de l’État. Cette mesure de modernisation des institutions couperait en tout cas court à bien des débats.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. L’article 72 de la Constitution qui garantit le principe de libre administration des collectivités nous interdit de définir un objectif de dépenses pour elles. Cela serait d’ailleurs impossible, car toutes ne se trouvent pas dans la même situation démographique ni économique, et n’ont pas les mêmes besoins.

Pour le reste, la question des transferts de charges consécutifs à la décentralisation est suivie par le comité des finances locales, au sein duquel siège notre collègue Gilles Carrez. Je serais, pour ma part, tout à fait d’accord pour que, dans le programme d’évaluation et de contrôle qui sera mis en place au terme de cette révision constitutionnelle, nous nous saisissions de cette question et en traitions jusque dans l’hémicycle. Nous serions dans notre rôle en discutant des politiques, notamment fiscales, des différentes collectivités, mais nous sortons là du débat constitutionnel…

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Les lois de programmation, dont le principe a été voté à l’article 11, valent aussi pour les collectivités, par le biais des fonds de concours de l’État. En outre, il serait bien difficile de fixer le même objectif d’évolution des dépenses pour les 36 000 communes de France par exemple. Avis défavorable donc.

L'amendement 570 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Myard – Profitons de cette révision de la Constitution pour aller à l’essentiel. Il faudrait ainsi adresser un signal fort aux peuples qui partagent avec nous cette belle langue qu’est le français, mais aussi une certaine conception de la civilisation, des droits de l’homme, de la dignité humaine. La francophonie, même si ces chiffres peuvent être contestés, représente 10 % de la population mondiale, 11 % du PIB et 15 % des échanges commerciaux. Réaffirmons notre volonté de la développer -n’oublions jamais que le ridicule tue parfois, comme lorsque la France est représentée au concours de l’Eurovision dans un sabir sans nom… C’est pourquoi je propose par mon amendement 176 de compléter l’article 88 de la Constitution par un article ainsi rédigé : « La République participe à la construction d’un espace francophone de solidarité et de coopération », et par mon amendement 175 de compléter l’intitulé du titre XIV de la Constitution par les mots « et de la francophonie ». Nous devons ouvrir plus largement notre pays sur le monde et tendre la main à des peuples qui ont besoin de nous sentir à leurs côtés.

M. Jean-Luc Warsmann – Je partage votre objectif de défense de la francophonie mais je crains que celle-ci ne se porte pas mieux après l’éventuel vote de ces deux amendements. Avis défavorable.

M. Jacques Myard – Une réponse pareille n’est pas admissible. De l’audace enfin !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Brard – On vous a connu des jours meilleurs, Monsieur le rapporteur.

Notre collègue Myard, qui est aussi parfaitement anglophone, maîtrise à la perfection la langue française et connaît très bien la francophonie. On a coutume de dire que l’on en est à la troisième francophonie, la première étant celle que nous a léguée l’histoire, la deuxième celle des indépendances, la troisième un espace non seulement linguistique mais aussi de coopération économique et politique. Le sommet de Hanoï a, à cet égard, marqué une croisée des chemins. Nos partenaires vietnamiens, avec d’autres, y ont exprimé le souhait que l’espace francophone devienne aussi un espace de coopération, comme il en existe pour d’autres langues. Ainsi les Espagnols défendent-ils leur langue avec beaucoup plus d’enthousiasme et de conviction que nous !

La langue française n’est plus aujourd’hui un outil de l’impérialisme colonial, mais peut être un outil de coopération entre des peuples égaux refusant le monolinguisme qui n’aboutit à autre chose qu’au sabir évoqué tout à l’heure par M. Myard. Si nous souhaitons un espace mondialisé qui s’enrichisse de toutes les diversités, il convient de protéger les capitaux linguistiques qui sont aussi la traduction d’histoires communes. Notre collègue Myard a raison, sa proposition importante trouverait un écho très fort parmi nos partenaires francophones, au nombre d’une soixantaine.

Ne donnons pas le sentiment d’avoir honte de notre propre langue. Avoir signé le protocole de Londres déjà pas une bonne idée. Vous avez l’occasion, chers collègues, de vous rattraper aujourd’hui.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. René Dosière – Il est en effet dommage de ne pas adresser dans cette révision constitutionnelle un signal à la francophonie. Le Sommet de la francophonie, de même que l’Assemblée des parlementaires de langue française, dont je suis heureux de faire partie, vont se tenir cette année à Québec à l’occasion du 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec. Il n’est sans doute pas trop tard pour adresser un signal à nos partenaires francophones -cela sera peut-être possible au Sénat.

L'amendement 176, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l’amendement 175.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 543 tend à supprimer toute référence au traité de Lisbonne dans la Constitution. En effet, nous estimons que la ratification de ce traité constitue un déni de démocratie dans la mesure où le projet de traité constitutionnel européen avait été rejeté par référendum et où le Gouvernement est passé en force. Si vous n’êtes pas sensible à cet argument, il en est un autre, de forme, auquel vous pourriez vous rallier. Est-il opportun d’intégrer dans notre Constitution un traité qui n’a toujours pas été ratifié par les vingt-cinq États membres, sachant qu’il suffit qu’un seul d’entre eux ne le ratifie pas pour qu’il ne s’applique pas ? Nous aurions fière allure avec dans notre loi fondamentale une référence à un traité qui n’existerait pas !

L'amendement 543, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Myard – L’amendement 177 vise à rétablir la hiérarchie des normes en complétant l’article 88-1 de la Constitution par l’alinéa suivant : « Aucune disposition des traités ou du droit dérivé des Communautés européennes et de l’Union européenne ne peut prévaloir sur la Constitution et les lois postérieures. » Voilà qui revaloriserait vraiment le rôle de notre Parlement !

L'amendement 177, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – Je n’y reviendrai pas, car nous en avons déjà longuement débattu : notre amendement 467 vise à accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers non communautaires. Si une réforme de la Constitution s’impose, c’est bien celle-ci. Et que cette proposition nous soit refusée est sans doute la principale raison pour laquelle nous ne voterons pas cette révision constitutionnelle. C’est parce que les membres de la majorité ne s’entendent pas entre eux qu’on élude cette question essentielle.

L'amendement 467 repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 32

M. Pierre Lequiller – À la veille de la présidence française de l’Union et alors que l’Europe redémarre, puisque nous en sommes à quatorze ratifications du traité de Lisbonne, il me semble que nous n’insistons pas assez, dans ce débat, sur la revalorisation du Parlement en la matière. Or, l’article 32 est d’une grande importance : il parachève la lente évolution qui permettra au Parlement de jouer tout son rôle. L’Union a en effet pris conscience, mais très récemment, que la reconquête démocratique devait passer par l’association des parlements nationaux. Le traité de Lisbonne nous donne donc de nouveaux droits, dont celui d’écarter les projets qui n’apportent pas de valeur ajoutée grâce au contrôle de subsidiarité.

M. Jacques Myard – Il n’y a pas de contrôle de subsidiarité !

M. Pierre Lequiller – Mais si, puisque la délégation pour l’Union européenne le pratique déjà, avant même la mise en application du traité. Nous avons ainsi émis un avis réservé sur la directive postale.

Notre champ de contrôle est considérablement élargi. Nous pouvions certes depuis 1992 adopter des résolutions sur les textes qui concernent le domaine législatif français et, depuis 1999, sur les autres documents que le Gouvernement nous soumet, mais pas examiner les textes tenant à la politique étrangère et de sécurité commune, par exemple. Nous n’avions pas pu débattre de l’ouverture des négociations sur l’entrée de la Turquie dans l’Europe.

M. Jean-Christophe Lagarde – Scandaleux !

M. Pierre Lequiller – Désormais, nous allons pouvoir nous exprimer sur tous les documents émanant des institutions de l’Union, qui nous les transmettra directement. Bien sûr, le Gouvernement continuera à nous soumettre les grands projets d’actes, et notamment ceux qui touchent à la PESC, qui ne peuvent nous être transmis que par lui. Cette rédaction nous encourage à engager un dialogue direct avec les institutions européennes, sans lequel il serait illusoire de vouloir peser sur la marche de l’Union.

Cet article va sans doute nous placer dans le peloton de tête pour ce qui est du contrôle des affaires européennes, alors que nous avons été longtemps à la traîne. Il est absolument capital et la délégation pour l’Union le soutient à une très large majorité.

M. Marc Dolez – Cet article 88-4 est d’une extrême importance, puisqu’il est relatif au contrôle du Parlement sur la construction européenne. Dans sa rédaction actuelle, le premier alinéa prévoit que le Gouvernement soumet au Parlement, outre les projets et propositions d’actes, « tout document émanant des institutions de l’Union ». Pourquoi le projet de loi fait-il disparaître cette référence ? Ce n’était pas le cas dans l’avant projet de loi, qui était, lui, conforme aux recommandations du comité Balladur. Car ces documents ne sont pas anodins : il s’agit des livres blancs et verts, des nombreuses et importantes recommandations de la Commission, des projets de révision des traités… Il faut nous expliquer cette énigme, d’autant que la référence à ces documents réapparaît à l’alinéa 2 qui concerne le droit de résolution : en clair, vous considérez que le Parlement doit être en alerte sur ces documents, mais que le Gouvernement est dispensé de les lui transmettre !

Deux suggestions me paraissent susceptibles de revaloriser le rôle du Parlement. D’abord, si l’Assemblée nationale, devant laquelle le Gouvernement est responsable, adopte une résolution à la majorité absolue, celle-ci devrait valoir mandat de négociation pour le Gouvernement à Bruxelles.

M. Jean-Christophe Lagarde – Très bien !

M. Marc Dolez – Ensuite, dans la pratique, la plupart des directives européennes sont transposées par voie d’ordonnance. Je propose que lorsque le Parlement a adopté une résolution sur un projet d’acte comportant des dispositions de nature législative, la transposition qui suit ne puisse pas se faire par ordonnance, ce qui permettrait d’assurer le plein contrôle parlementaire.

La séance, suspendue à 18 h 40, est reprise à 18 h 43.

M. Christophe Caresche – L’amendement 508 revient sur la question qu’a posée M. Dolez. Si la mention que le Gouvernement soumet « tout document » émanant de l’Union au Parlement disparaît, c’est peut-être parce que les institutions européennes sont dorénavant tenues de le faire par le traité qui vient d’être adopté, mais cela mérite d’être précisé.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Effectivement, les parlements nationaux, en application du protocole du traité de Lisbonne et en vertu d’une expérimentation lancée en 2006 par le président Barroso, reçoivent déjà directement tous les documents émanant de l’Union européenne. Imposer cette transmission par le biais du Gouvernement serait donc totalement inutile. Avis défavorable à l’amendement 508.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Tous les projets d’actes européens, sans exception, seront désormais transmis aux assemblées, au lieu qu’elles reçoivent seulement comme aujourd’hui les projets d’actes européens ayant une nature législative au sens français du terme aujourd’hui. Les assemblées pourront voter des résolutions sur tous les projets de textes, mais aussi de documents européens. C’est un progrès considérable. L’amendement 508, qui prévoit que le Gouvernement soumet au Parlement tous les documents émanant d’une institution de l’Union, n’est pas très réaliste.

M. Marc Dolez – Mais c’est la rédaction actuelle !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État L’Union produit des milliers de documents chaque semaine. Avec cet amendement, le Gouvernement devrait transmettre au Parlement par exemple les lettres du greffe de la Cour de justice de l’Union informant les États membres de ce qu’une affaire est retirée du rôle ! Ce flot de documents détournerait sans doute l’attention des textes ayant un véritable intérêt.

Vous souhaitez aussi que les missions du comité des affaires européennes soient précisées. Nous y reviendrons, car cela relève du règlement de votre assemblée. Enfin, M. Dolez a justement fait observer que le Parlement doit être particulièrement attentif aux transpositions. Je souligne que le Gouvernement s’est attaché, ces dernières semaines, à procéder à de nombreuses transpositions en suspens.

M. Jacques Myard – Évidemment ! Nous sommes submergés par la paperasserie bureaucratique européenne !

M. Pierre Lequiller – Désormais, plus aucun des textes européens essentiels n’échappera à notre contrôle. Réjouissons-nous et faisons prévaloir le souci d’efficacité, une efficacité que les inconvénients pointés par le ministre risqueraient d’obérer.

M. Marc Dolez – Je maintiens que la rédaction proposée donne le sentiment d’une régression par rapport à celle de l’article 88-4 actuel. D’autre part, un pouvoir de résolution est certes donné à notre Assemblée, mais encore ces résolutions doivent-elles servir à quelque chose. Aussi, ma question demeure : une résolution adoptée à la majorité absolue par l'Assemblée nationale vaudra-t-elle mandat de négociation pour le Gouvernement ?

L'amendement 508, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur L’amendement 106 est de cohérence.

L'amendement 106, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 466 est défendu.

L'amendement 466, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Garrigue – L’amendement 20, deuxième rectification, n’est plus un amendement de coordination, puisque l’Assemblée a écarté l’idée de faire des délégations à l’Union européenne du Parlement des commissions permanentes. Il n’empêche qu’à l’image de ce qui se fait dans de nombreux autres pays de l’Union, le comité des affaires européennes pourrait devenir une « commission » au sens de l’article 88-4 de la Constitution, ce qui serait un signal fort donné à nos partenaires.

M. le Président – Monsieur Garrigue, cet amendement est tombé.

M. Daniel Garrigue – Pourquoi donc ?

M. le Président – Parce qu’il s’agit d’un amendement de coordination avec un amendement qui a lui-même été rejeté.

M. Daniel Garrigue – Je ne partage pas ce point de vue. Le dispositif demeure, même si l’exposé des motifs n’est plus pertinent.

M. le Président – Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Je pense ne pas être démenti par M. Myard en faisant observer que, dans l’acception qui nous concerne, le terme « comité » est un anglicisme. Aussi ne verrais-je pas d’objection à ce que le « comité des affaires européennes » institué à l’article 32 prenne la dénomination de « commission des affaires européennes », à la condition expresse qu’il soit clairement établi que cette commission n’a pas le statut d’une commission permanente. Ce serait en effet donner un signe fort aux autres Parlements de l’Union européenne.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 563 est identique.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État En accord avec M. Lequiller, j’exprime un avis favorable aux amendements. (M. Lagarde applaudit.)

Les amendements 20, deuxième rectification, et 563, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jacques Myard – L’Union européenne, bien qu’élargie, devra maigrir si l’on veut en finir avec cette moulinette européenne qui pond des textes à tout va. Ce n’est pas une commission des affaires européennes qu’il faut créer, mais un véritable comité de salut public ! (Rires sur plusieurs bancs). C’est le sens de l’amendement 170, qui tend à ce que le comité – ou la commission – des affaires européennes veille à faire respecter le principe de subsidiarité et avec lui les intérêts et la souveraineté de la France.

L'amendement 170, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Garrigue – Par l’amendement 22, je propose de permettre aux nouvelles commissions des deux assemblées chargés des affaires européennes de présenter des avis lors de l’examen en séance publique de projets ou propositions de loi ayant une incidence européenne. Il ne s’agit pas d’empiéter sur les prérogatives des commissions permanentes concernées, mais de donner à entendre un point de vue spécialisé.

M. le Président – Je note que l’amendement 22 doit être rectifié pour substituer le mot « commission » au mot « comité ».

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Il ne me semble pas nécessaire d’inscrire cette disposition dans la Constitution, mais le règlement de chaque assemblée peut prévoir de l’appliquer. Cette proposition aurait sa place dans la révision de l’ordonnance du 17 novembre 1958 qui va intervenir. En attendant, je vous prie de retirer l’amendement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État  Même avis.

M. Daniel Garrigue – Je constate qu’en matière européenne, on ne progresse qu’à pas comptés… Je me félicite néanmoins de l’ouverture du président de la commission des lois, à qui je donne rendez-vous lors de la révision de notre règlement, et je retire l’amendement.

M. Pierre Lequiller – Je suis d’accord avec M. Warsmann, et je prends également acte du rendez-vous fixé.

L’amendement 22 est retiré.

L'article 32, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 33

M. Bruno Le Maire – Au moment où nous engageons l’examen de cet article, bien des regards sont braqués sur nous : ceux de nos compatriotes bien sûr, mais aussi ceux des peuples du monde, qui se demandent si nous allons vraiment introduire dans notre Constitution une disposition qui vise implicitement un pays en particulier. La question n’est pas de savoir si la Turquie doit entrer dans l’Union européenne – pour ma part, je considère que les conditions ne sont pas réunies à ce jour – mais si la Constitution de la France peut prévoir l’organisation automatique d’un référendum sur l’adhésion de ce pays et de celui-là seulement à l’Union européenne. Pour moi, cela ne se peut pas, pour des raisons de trois ordres.

En premier lieu, pour une raison européenne. Nous ne pouvons avoir engagé des négociations d’adhésion avec la Turquie et les avoir poursuivies de Conseil européen en Conseil européen pour finalement laisser entendre que nous claquerons la porte à ce pays. Dois-je rappeler que le Conseil européen de Copenhague, en 2002, a décidé de poursuivre les négociations avec la Turquie en laissant deux options ouvertes, l’adhésion ou le partenariat renforcé – cette dernière solution ayant ma préférence – ? La France ne peut pas exprimer un point de vue par la voix du président de la République au Conseil européen et tenir ici un autre langage, comme si nous avions, sur un sujet aussi stratégique, deux positions ! Nos partenaires européens ne comprendraient pas que nous bloquions le processus engagé, que nous avons soutenu depuis le début.

La deuxième raison est diplomatique. La Turquie est stratégique pour l’Union européenne et pour la France. Je rappelle qu’elle est membre de l’OTAN ; qu’elle est un élément essentiel de l’Union pour la Méditerranée voulue par le président de la République, et qui n’a de chance de succès que si la Turquie y participe ; qu’elle s’est engagée dans le processus de rapprochement entre Israël et la Syrie, contribuant ainsi à la résolution de la crise du Moyen-Orient, et peut-être de celle du nucléaire iranien. Nous ne pouvons traiter la Turquie comme si elle n’était pas essentielle à la sécurité au Proche-Orient, à nos intérêts de défense dans le cadre de l’OTAN, et à l’Union européenne elle-même.

La troisième raison est d’ordre constitutionnel. Sous la Ve République, le référendum est une liberté du Président de la République, et non une obligation pour lui ; personne ne peut lui imposer d’avoir recours à ce moyen lourd et politiquement complexe. Lorsqu’en 1972, un référendum fut organisé sur l’adhésion de la Grande-Bretagne, le Président de la République l’avait décidé souverainement, alors que ce n’était pas prévu par la Constitution.

Enfin une dernière raison constitutionnelle. Le fondement de la Ve République, comme de tout texte constitutionnel français depuis 1789, ce sont les principes d’universalité. Ces principes sont remis en cause par une disposition ne visant qu’un seul pays.

M. Manuel Valls – Très bien !

M. Bruno Le Maire – Si le constituant américain inscrivait dans sa loi fondamentale un article visant le Mexique, la Colombie ou tout autre pays, la France, pays des droits de l’homme, ne manquerait pas d’être choquée. J’ai peur que nos voisins le soient devant cette nouvelle disposition.

M. Patrick Braouezec – Très bonne intervention !

M. Serge Blisko – Je me réjouis de l’intervention de notre collègue Le Maire. Je ne sais pas si, en 2005, dans les fonctions qui étaient alors les siennes, il s’était exprimé avec la même force. S’il l’a fait, il n’a pas été écouté.

L’amendement de M. Warsmann prévoit que la ratification de l’adhésion à l’Union européenne d’un pays qui représenterait plus de 5 % de la population européenne continuerait de se faire par voie référendaire. C’est un amendement spécieux : la Turquie n’est pas nommée, mais c’est bien d’elle qu’il s’agit. Comme la majorité n’ose pas dire clairement qu’elle ne veut pas de la Turquie dans l’Europe, elle recourt aux faux-semblants. Mes chers collègues, si cet amendement est adopté, et que demain les Français, par référendum, disent « non » à l’adhésion de la Turquie, tandis que les vingt-six autres pays disent « oui », que restera-t-il de l’Europe ? (Exclamations sur quelques bancs de l’UMP)

Il est vrai que la Turquie pose un certain nombre de difficultés, sur Chypre ou la question arménienne, par exemple, mais on a trop tendance à se concentrer uniquement sur ces aspects négatifs, qui devront bien sûr être résolus, mais ne sont pas plus graves que dans certains pays ayant rejoint l’Europe en 2004.

La Turquie est un grand pays géo-stratégique. Au moment où le Président de la République s’apprête à lancer, en juillet, un grand projet d’union méditerranéenne, on donnerait le signal que nous ne voudrons jamais de la Turquie ? L’Europe porte un certain nombre de valeurs, auxquelles la Turquie a voulu adhérer, alors que ce n’était pas un choix facile pour elle, compte tenu de sa propre histoire. Mustafa Kemal avait souhaité un tel rapprochement, avec la démocratie, la laïcité, l’alphabet latinisé, le modèle français d’organisation administrative, le vote des femmes dix ans avant la France…

M. Jacques Myard – Bien davantage !

M. Serge Blisko – Ce tropisme vers l’Ouest s’est confirmé après la Seconde Guerre mondiale, avec l’adhésion au Conseil de l’Europe, en 1949, puis à l’OTAN, en 1951. Le général de Gaulle disait lui-même que la Turquie avait vocation, un jour, à rejoindre la Communauté économique européenne. Le Conseil européen, enfin, a confirmé la légitimité de l’adhésion de la Turquie dès 1999. Nous devons avoir un dialogue loyal et franc avec ce pays, et non nous déshonorer d’une lâche manœuvre ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Richard Mallié – L’article 33 dispose que le référendum de l’article 88-5 de la Constitution est supprimé. Puisque la Turquie a été évoquée, en ce qui me concerne, j’ai toujours été contre l’entrée de ce pays dans l’Europe. Cependant, le débat n’est pas aujourd’hui celui-là ; le Président de la République a dit maintes fois que l’entrée de la Turquie était exclue, mais qu’il fallait tendre la main à ce pays pour un partenariat privilégié.

L’heure est grave pour l’Europe. En 1957, six pays composaient la Communauté européenne. En 1973, l’adhésion de trois nouveaux pays, dont la Grande-Bretagne, suscita un grand débat national. En 1981 entrait à son tour la Grèce, suscitant là aussi un grand débat – souvenez-vous des paysans. En 1986 s’ajoutaient l’Espagne et le Portugal ; en 1995, encore trois nouveaux membres. En 2004, enfin, l’Europe passait de quinze à vingt-cinq, devant des Français médusés, posant la question : « L’agrandissement de l’Europe doit-il être illimité, incontrôlé ? » Ils nous ont répondu avec le référendum de 2005 ; le message était clair.

M. Patrick Braouezec – Cela n’a aucun sens !

M. Richard Mallié – Que représente l’entrée dans l’Union d’un pays à forte population ? Pour la Pologne, cela veut dire 27 voix au Conseil, à peine moins que la France,…

M. Patrick Braouezec – Et alors ?

M. Richard Mallié – …54 sièges au Parlement européen. Depuis 2004, les équilibres européens ont changé : le centre de gravité de l’Union est aujourd’hui beaucoup plus à l’est.

Chers collègues, le référendum n’est pas non plus une singularité, puisqu’il est prévu en Irlande, pour toute adhésion nouvelle.

M. Jacques Myard – Eh oui !

M. Richard Mallié – Et si l’appartenance à l’OTAN était un argument pertinent, pourquoi le Canada ou les États-Unis n’entreraient-ils pas eux aussi dans l’Union européenne ?

Si, demain, des pays aussi peuplés que l’Ukraine, la Russie, l’Algérie ou le Maroc veulent entrer dans l’Union et que la Commission ouvre avec eux des négociations, la moindre des choses est que le peuple français soit automatiquement consulté par référendum. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement 138 identique au 107 de la commission.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Daniel Garrigue – Je ne suis pas, personnellement, favorable à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne,…

M. Jacques Myard et Jean-Christophe Lagarde – Très bien !

M. Daniel Garrigue – …mais je considère que nous aurions dû nous en tenir au projet initial. La construction européenne tourne autour de trois enjeux : celui des institutions, celui du projet et de la stratégie – à la veille de la présidence française de l’Union, le Gouvernement travaille sur des thèmes d’action en vue de renforcer ce projet –, et celui des frontières. Les Européens ne peuvent adhérer à l’Europe si la question des frontières n’est pas résolue, si l’Europe reste dans leur esprit un ectoplasme sans contours précis.

Mais la France ne peut régler cette question à elle seule ; il faut la volonté de la résoudre avec nos partenaires, et je crains que l’adoption de l’amendement de la commission nous place en situation de faiblesse. De même, il ne suffit pas de parler de partenariat privilégié avec la Turquie, il faut également dire que ce que l’on met dedans et faire des propositions concrètes !

M. Manuel Valls – Quelles que soient nos positions personnelles sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne – qui me laisse pour ma part sceptique –, le moment n’est pas venu de débattre des frontières de l’Europe, de son identité et de la nécessité de son élargissement, questions au demeurant passionnantes. Ce débat, nous devrons le mener ici même, devant le peuple et avec nos partenaires européens. Mais de grâce, ne nous servons pas de la Constitution pour régler des problèmes politiques, si délicats soient-ils pour l’UMP !

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Manuel Valls – Monsieur Le Maire, en 2005, c’est pour mettre fin au débat qui agitait la majorité à propos du Traité dit constitutionnel que le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères imaginèrent le dispositif du référendum automatique, que mes collègues – notamment M. Loncle – combattirent en commission et en séance publique, parce qu’il faisait référence à la Turquie sans le dire et niait le droit constitutionnel du Président de la République à décidé librement de soumettre toute nouvelle adhésion au Congrès ou au peuple.

Mais alors que le comité Balladur, dans sa grande sagesse, suggère de restituer au Président de la République le droit de provoquer courageusement un référendum, M. Warsmann – qui nous a habitués à davantage de subtilité – prétend que le dispositif proposé, particulièrement complexe, « ne permettrait pas de traiter de manière distincte des adhésions qui ne sauraient avoir les mêmes effets sur l’Union et octroie à chacune des assemblées un droit de veto équivalent ». Mais le dispositif que vous proposez est bien plus complexe encore !

Nous voterons contre cet amendement, qui ignore les possibilités offertes par la Constitution – le droit d’initiative référendaire du Président de la République, mais aussi le référendum d’initiative populaire, encadré par le Parlement, dont nous avons voté l’instauration – et prend des risques diplomatiques en faisant référence à la Turquie sans le dire. En outre, nous demanderons un scrutin public. Il s’agit non seulement de déterminer ce qu’il est légitime d’inscrire dans la Constitution, mais aussi de veiller à l’image de la France dans le monde ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC).

M. René Dosière – Monsieur le rapporteur, votre dispositif est à la fois hypocrite, illusoire et inutile. Hypocrite, car le seuil de 5 % vise manifestement la Turquie ; illusoire, car, comme l’a noté le professeur Carcassonne, la mention des seuls « projets de loi » permet de le contourner aisément en déposant une proposition de loi ; inutile, enfin, puisque ce sujet relève par excellence du référendum d’initiative populaire – à moins que vous ne vouliez nous faire croire que l’UMP ne pourrait réunir un nombre suffisant de députés et de signatures pour l’organiser ?

Hypocrite, illusoire et inutile, ce dispositif est en outre parfaitement indigne ; les conséquences de son adoption sur l’image de la France dans l’espace méditerranéen et dans le monde seraient désastreuses (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Patrick Braouezec – Mon intervention vaut également défense de l’amendement 468 de suppression de l’article. Il ne s’agit pas ici de se prononcer sur le bien-fondé de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, qui suscite du reste des divisions dans tous les groupes politiques. En tout état de cause, le Gouvernement ne doit pas se servir de cet article pour trancher un débat interne à la majorité. Il serait préférable d’en revenir à la rédaction initiale de la Constitution. Je suis convaincu – une fois n’est pas coutume – par les arguments de M. Le Maire : ce serait une faute politique et diplomatique que d’inscrire cette référence inavouée à la Turquie dans notre Constitution (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC).

M. Jacques Myard – Bien !

M. Jean-Christophe Lagarde – Ne nous leurrons pas : l’amendement fait bien référence à la Turquie, puisqu’il tend à corriger une disposition introduite dans la Constitution en 2005 par la volonté du président Chirac, afin de garantir au peuple français qu’il serait consulté sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

Dans cette affaire turque s’affrontent deux conceptions de l’Europe : pour les uns, partisans du vaste espace économique dépourvu de règles et de volonté politiques que tend malheureusement à devenir l’Europe, il suffit pour adhérer de satisfaire aux conditions requises ; d’autres, pour qui la construction européenne permet de distinguer nos valeurs et nos modes de vie de celles qui prévalent dans les autres grands ensembles mondiaux, jugent que la Turquie n’a pas vocation à entrer dans l’Europe. Depuis toujours, nous défendons cette dernière position.

Monsieur Le Maire, vous faites valoir que la France ne saurait dire tantôt oui, tantôt non ; mais seul le Président de la République s’est engagé auprès de la Turquie, sans l’avoir annoncé avant d’être élu, sans avoir consulté le Parlement et contre l’avis majoritaire. En démocratie, une élection peut défaire ce qu’une autre avait permis !

En outre, d’un point de vue stratégique, la Turquie n’est pas, dites-vous, un État comme un autre ; mais l’Europe n’est pas un enjeu comme un autre ! La construction de l’Europe politique prime sur les intérêts d’un État étranger que nous ne saurions y admettre puisqu’il ne souhaite pas lui-même concourir à une Europe politique, mais qui a toute sa place dans un vaste espace économique et dans l’OTAN.

De deux choses l’une : soit l’on amène progressivement les citoyens à une Europe dont ils ne veulent pas, ce qui a conduit aux résultats du référendum de 2005 ; soit on s’efforce de les convaincre en les associant à la construction européenne, comme lors du traité de Maastricht. Mais nous ne ferons pas l’Europe contre la volonté des citoyens !

Est-ce à dire que nous voterons l’amendement 107 ? À vrai dire, au début de nos discussions, nous l’aurions fait, notamment M. Rochebloine et moi-même, afin de permettre au peuple de se prononcer sur ces questions décisives. Mais, comme l’a dit M. Dosière, ce dispositif est rendu inutile par l’adoption du référendum d’initiative populaire.

M. Manuel Valls – Voilà !

M. Jean-Christophe Lagarde – Nicolas Sarkozy s’est engagé à soumettre l’adhésion de la Turquie à un référendum ; mais lorsque la question se posera, quelles que soient l’identité et les positions du Président de la République, ce référendum aura lieu, car les citoyens le demanderont ! En somme, on nous propose de nous prémunir contre une adhésion forcée en introduisant dans la Constitution un outil dont nous n’avons plus besoin !

Nous voterons donc contre cet amendement, parce que les citoyens ne sauraient être mieux protégés par la Constitution que par eux-mêmes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC).

M. Pierre Lequiller – Il est vrai qu’il s’agit de la Turquie ; mais il ne s’agit pas d’elle seule. En effet, l’avenir et les frontières de l’Europe sont d’autant plus incertains que de nouveaux candidats, encouragés par les derniers élargissements, souhaitent ardemment entrer dans l’Europe. Je pense à l’Ukraine, à la Biélorussie, à d’autres peut-être.

Ce dont il s’agit ici, ce n’est pas du cas de la Turquie, mais de notre conception de l’Europe. Nous voulons construire une Europe politique avec un certain nombre de pays, dont la liste devra donc être arrêtée à un certain moment. Chacun s’accorde à reconnaître que les Balkans ont vocation à entrer dans cette Europe, et on ne fera pas de référendum sur l’entrée de la Macédoine ou du Kosovo. Comme on est là en terrain dangereux, il faut leur donner une perspective rapide d’adhésion.

Mais l’entrée de la Turquie, de l’Ukraine, de la Biélorussie, pose un problème quant à la nature de l’Europe à laquelle nous sommes attachés. Sur ce point, qui touche à l’avenir politique de l’Europe, les Français doivent savoir qu’ils seront consultés. Je suis donc favorable à l’amendement de la commission.

M. René Dosière – À quoi sert alors le référendum d’initiative populaire ?

Mme Nicole Ameline – Quel message voulons-nous envoyer à nos partenaires et aux candidats à l’adhésion ? Un message de stigmatisation, de repli, de fermeture, ou au contraire d’ouverture, de confiance et d’ambition partagée ? À mes yeux, mieux vaut revenir au droit antérieur. Ce n’est pas un progrès de la démocratie quand on prive le Président de la République d’une faculté de choix essentielle ou quand le Parlement se dessaisit d’une compétence fondamentale.

La France a un rôle historique en Europe et nous allons prendre la présidence de l’Union. Recourir au referendum, procédure que nous apprécions par ailleurs, donnerait le signal d’un refus de l’élargissement. La France ne peut donner au monde ce signal négatif.

M. René Dosière – Très bien.

Mme Nicole Ameline – Il n’est pas non plus acceptable de stigmatiser la Turquie. Je rends certes hommage au président de la commission et à M. Poniatowski d’avoir cherché une solution. Mais je considère que celle qui est proposée n’est pas la meilleure. La France ne peut pas fermer les portes à des candidats à l’adhésion, ni se priver de la souplesse nécessaire dans l’évaluation des futures candidatures. Les convictions à propos de la Turquie sont toutes acceptables. Mais nous devons tout faire pour la France conserve la plus grande marge d’appréciation, faute de quoi elle s’affaiblira, au détriment de ses valeurs comme de ses intérêts.

M. François Loncle – Je partage le propos de plusieurs collègues. Un recours systématique au referendum en dénaturait déjà la nature telle que la Ve République l’avait conçue. L’envisager pour certains pays touchait même au ridicule. Mais laisser entendre, par un amendement assez bâtard, que le Président de la République ne serait pas capable de décider de l’opportunité d’un referendum et que le Parlement, qui a voté sur toutes les adhésions sauf celle de la Grande-Bretagne, n’en serait plus capable, a quelque chose de choquant.

Le seuil de 5 % est discriminatoire à l’égard des pays qui le dépassent et qu’on soumet à referendum, mais aussi de ceux qu’on en dispense, leur faisant sentir qu’ils sont « de petits pays ». Le bon sens, le respect de l’esprit gaulliste qui a présidé à l’institution de la procédure référendaire, l’esprit européen aussi – et bien qu’il en soit animé, Pierre Lequiller fait fausse route – l’esprit républicain enfin qui nous mène à revaloriser les droits du Parlement conduisent à voter contre cet amendement bâtard.

M. le Président - Sur les amendements 107 et 138, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

M. Jacques Myard – Mon amendement 171 est de suppression.

On touche ici en premier lieu à la question européenne. Quand j’entends certains poursuivre leurs incantations sur cette Europe incontournable, je le leur dis tout net : l’Europe de papa est morte. Le quantitatif pose un problème qualitatif, comme disait Marx, et l’on a changé de monde depuis la conférence de Messine. Nous allons plutôt vers un système européen où des États comme la Russie, la Biélorussie, la Turquie seront parties prenantes. C’est le sens, non de l’histoire peut-être –, on sait depuis Shakespeare qu’elle n’en a pas – mais de la globalisation de nos intérêts. Quant à l’Europe puissante, elle restera dans l’esprit de Dieu.

En second lieu, on touche à une question constitutionnelle. Sur ce plan, je suis favorable au referendum, mais pour tous. Le critère des 5 % ne tient pas et est contraire à tous les principes du droit international affirmant l’égalité entre États. C’est nous piéger nous-mêmes.

Dans ces conditions, il faut laisser la Constitution en l’état. En effet, en raison de l’évolution du système européen, la nature de la question qui sera posée dans quinze ans n’aura rien à voir avec celle qui serait posée aujourd’hui. Je dis d’ailleurs aux Turcs qu’ils n’ont pas besoin de se presser pour entrer dans une Europe qui n’existera plus dans quinze ans. Cessons donc de baragouiner sur ce « machin ».

M. Patrick Braouezec – L’amendement 468 a été défendu.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux L’objectif du Gouvernement est d’éviter que l’on soumette à référendum l’entrée dans l’Union de certains pays lorsqu’elle ne représente, sur le plan européen et national, qu’un enjeu modeste. Imagine-t-on un référendum sur l’adhésion du Monténégro ? La question se pose différemment pour des adhésions qui modifieraient l’équilibre politique de l’Union ou auraient une grande importance pour notre pays. L’amendement de la commission préserve notre objectif d’éviter des référendums inutiles tout en permettant aux Français de se prononcer directement sur les grands enjeux européens, comme ils en ont affirmé la volonté en 2005. Le Gouvernement a proposé que la décision soit prise par le Congrès ou par un référendum. J’émets donc un avis défavorable aux amendements de suppression et un avis favorable sur les amendements 107 et 138.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 107 a été largement défendu.

Les amendements 171 et 468, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

À la majorité de 48 voix contre 21 sur 70 votants et 69 suffrages exprimés, les amendements 107 et 138 sont adoptés. L’article 33 est ainsi rédigé.

APRÈS L'ART. 33

M. René Dosière – Notre amendement 524 reprend textuellement une proposition de la commission Balladur. Il a trait au droit de veto actuellement détenu par le Sénat sur les révisions constitutionnelles, puisque les textes doivent être votés dans les mêmes termes par les deux chambres. L’assemblée qui n’est pas élue au suffrage universel direct a les mêmes droits que la nôtre et vous savez à quel point cette équivalence me choque !

La commission Balladur a proposé une très légère atténuation de ce principe, en ouvrant la possibilité au Président de la République, en cas de désaccord des assemblées et sous certaines conditions, de contourner le veto du Sénat en organisant un référendum. Cette avancée me semble modeste et j’aurais préféré que l’on supprime une fois pour toute le veto du Sénat. Elle donne cependant une sorte de « respiration » dans la réforme des institutions et c’est ce qui m’a conduit à présenter cet amendement. Cela dit, et quoi que l’on pense, delenda est cumulatio ! (Sourires)

L'amendement 524, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – Je considère que M. Dosière a aussi défendu mon amendement 471.

L'amendement 471, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 34

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Les amendements 108, 109 et 110 sont de cohérence ou de coordination.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Favorable.

Les amendements 108, 109 et 110, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Manuel Valls – L’amendement 509 est défendu.

L'amendement 509, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 111 est rédactionnel.

L'amendement 111, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 34 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 35

M. Patrick Braouezec – L’amendement 470 est défendu.

L'amendement 470, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – L’amendement 112 est rédactionnel.

L'amendement 112, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – L’amendement 113 de la commission est identique à l’amendement 510 de M. Caresche.

M. Christophe Caresche – Nous en avons longuement débattu en commission : nous souhaitons qu’à la demande de soixante députés ou sénateurs, l'Assemblée nationale ou le Sénat forment un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. J’avais souhaité que l’on retienne une rédaction plus impérative, mais si cela est impossible, je voterai l’amendement que la commission a adopté.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je vous en remercie, car il ne semble pas opportun de faire – comme vous le souhaitiez – un parallèle exact avec la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel introduite par la révision de 1974. Nous sommes dans un tout autre domaine et je propose par conséquent de maintenir la rédaction qui a été adoptée par la commission à l’initiative de Christophe Caresche.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux C’est en effet une excellente proposition et le Gouvernement y est très favorable.

Les amendements 113 et 510, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – À l’unanimité.

M. le Rapporteur – L’amendement 114 est de coordination.

L'amendement 114, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 35 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Nous en avons terminé avec l’examen des articles. Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi constitutionnelle auront lieu le mardi 3 juin, après les questions au Gouvernement.

Prochaine séance lundi 2 juin à 16 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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