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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 3 juin 2008

2ème séance
Séance de 15 heures
179ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

SOUHAITS DE BIENVENUE À UN NOUVEAU DÉPUTÉ

M. le Président – Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Raymond DURAND, élu dimanche dernier député de la 11e circonscription du Rhône (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

SOUHAITS DE BIENVENUE À DEUX DÉLÉGATIONS ÉTRANGÈRES

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié Hongrie-France de l’Assemblée nationale de la République de Hongrie, conduite par sa présidente Mme Rózsa Hoffmann, ainsi qu’à une délégation du groupe d’amitié Moldavie-France du Parlement de la République de Moldavie, conduite par son président M. Dumitru Prijmireanu. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent)

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

ANNULATION D’UN MARIAGE PAR LA JUSTICE

Mme Nicole Ameline – Comme vous l’avez indiqué, Madame la garde des sceaux, la récente annulation d’un mariage par le tribunal de Lille a eu pour effet de protéger, voire de libérer une jeune femme d’un contexte familial inacceptable. La base juridique et la portée de ce jugement ont toutefois suscité une vive inquiétude, qui est partagée sur tous ces bancs et par toutes les associations qui se battent chaque jour pour la cause des femmes.

En effet, comment peut-on accepter la prise en compte de la virginité dans l’appréciation des éléments constitutifs du mariage ? C’est une exigence d’ordre moral, culturel ou religieux, qui n’a pas sa place dans notre droit ; elle doit relever du seul choix personnel. Cette décision de justice risque de renforcer des pratiques communautaristes. Je rappelle que c’est au contraire le principe d’égalité qui fonde notre pacte républicain.

Chacun connaît votre engagement personnel dans ce domaine, Madame la garde des sceaux. Le rôle de la loi est de protéger les personnes contre les violences, les souffrances et les discriminations en garantissant la liberté et la solidarité. Son rôle n’est pas de créer des ambiguïtés telles que l’on pourrait craindre une régression.

Le contentieux de l’annulation des mariages est indispensable, notamment pour lutter contre les mariages forcés. Il n’en reste pas moins que vous avez décidé d’interjeter appel contre cette décision, et nous en sommes heureux. Comment comptez-vous faire progresser le droit sur ce sujet, essentiel pour des milliers de jeunes femmes et indissociable de la vision que nous avons d’une démocratie moderne en phase avec son temps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Je connais votre engagement pour les droits des femmes, notamment les jeunes filles en difficulté. En vous écoutant, j’ai d’abord pensé à la jeune femme concernée par ce jugement. C’est une affaire très grave pour sa vie, pour sa liberté et pour son intimité.

Je vous rappelle que c’est le législateur qui a voulu les dispositions aujourd’hui applicables en matière de nullité du mariage, depuis la loi de 1975 sur le divorce. Il s’agit avant tout de protéger les époux, en particulier lorsque le consentement n’a pas été libre ou sincère. Cette loi est indispensable.

Dès le début, j’ai expliqué que les magistrats avaient pris leur décision en application de la loi. Ils ont apprécié les faits sans qu’il ait été fait mention, ni dans les conclusions des avocats, ni dans le jugement lui-même, d’éléments culturels ou religieux. Evitons la caricature et l’amalgame ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Et ne stigmatisons pas certains de nos compatriotes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Derrière ce cas particulier se cache toutefois un débat de société. Nous reconnaissons tous que l’on ne peut pas retenir le simple critère de virginité. En l’espèce, il y avait un consentement entre les deux époux pour faire annuler le mariage : leur demande se fondait sur une exigence de confiance et de vérité au sein du couple. En revanche, d’autres cas se présenteront peut-être demain, où il n’y aura pas de consentement des deux époux.

On ne peut admettre que l’action en nullité du mariage puisse être exercée au motif de la non-virginité. Ce n’est pas ma conception de la dignité des femmes et du respect qui leur est dû. C’est pourquoi j’ai demandé au procureur général de faire appel. Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté dans l’application de la loi.

En attendant, laissons cette jeune femme tranquille et faisons confiance à la justice (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ANNULATION D’UN MARIAGE PAR LA JUSTICE

Mme Martine Martinel – Ma question s’adresse également à Mme la garde des sceaux. L’annulation d’un mariage par le tribunal de Lille, au motif de l’absence de virginité de l’épouse, a suscité une stupeur et une indignation légitimes.

La loi républicaine et laïque garantit à chacun le droit de croire ou ne pas croire, mais elle ne peut tolérer que la dignité de la femme soit niée. Comment accepter que la virginité soit considérée comme une « qualité essentielle » d’une personne ? Comment admettre que l’on considère toujours la femme comme coupable d’un « péché originel » dont les hommes sont systématiquement exonérés ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC)

Vous avez donné le sentiment d’hésiter dans cette affaire, Madame la garde des sceaux. Puisque vous venez d’interjeter appel, j’aimerais savoir quelles instructions vous comptez donner au parquet. Si le jugement était confirmé en appel, seriez-vous prête à déposer un projet de loi destiné à mettre fin à toute ambiguïté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Dans cette affaire, Mesdames et messieurs les membres du groupe socialiste, je n’ai pas entendu un mot de votre groupe pour la jeune fille qui attendait cette décision de justice… (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. le Président – Je vous en prie, un peu de réserve ! Écoutez la garde des sceaux !

M. Jean-Marc Ayrault et M. Tony Dreyfus – Mais c’est complètement faux !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Vous brandissez des concepts déconnectés de la réalité… (Un intense tumulte sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR couvre la voix de Mme la garde des sceaux) Je l’ai dit, il ne saurait être question d’admettre un jugement de nullité fondé sur le seul motif de la non-virginité. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur l’interprétation de la loi, et c’est pourquoi j’ai demandé au procureur général de faire appel du jugement rendu par le tribunal de Lille.

Mais qui sinon vous, membres du groupe socialiste, a appliqué la politique « des grands frères », abandonnant ainsi d’innombrables jeunes filles entre leur mains ? (Huées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR. On peine à entendre la ministre de la justice)

M. Tony Dreyfus – C’est lamentable !

Plusieurs députés du groupe SRC – Provocatrice ! C’est minable !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux C’est à l’échec de votre politique d’intégration que nous devons maintenant faire face ! (Tumulte ininterrompu sur les mêmes bancs) Ces jeunes filles ne vous demandaient rien. Alors, Monsieur Ayrault, vous pouvez m’attaquer (Protestations indignées sur les mêmes bancs) car j’ai échappé à votre politique qui a suscité le repli identitaire et c’est ce qui vous dérange (Même mouvement) mais, à défaut de votre soutien, laissez au moins ces jeunes filles bénéficier de celui de la justice, qui les a aidées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

RÉVISION DES INSTITUTIONS

M. Jean-Claude Sandrier – Monsieur le Premier ministre, votre réforme de la constitution est un trompe-l'œil. Elle ne répond aucunement aux attentes de nos concitoyens, et il est du devoir de toute la gauche de s'y opposer.

Les citoyens français veulent le droit à l'initiative législative ; vous le leur refusez. Vous daignez, avec difficulté, consentir à ce qu'ils puissent demander un référendum mais les conditions posées sont de nature à le rendre presque impossible.

Ils veulent une juste représentation de la société française ; vous refusez le seul mode de scrutin qui le permettrait, le scrutin proportionnel. Vous refusez aussi le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales.

Nos concitoyens veulent des députés présents ; vous refusez de freiner le cumul des mandats. Ils veulent des députés qui aient un droit d'initiative en matière financière ; vous refusez de donner au Parlement la responsabilité qui devrait être la sienne en matière budgétaire.

En résumé, votre réforme est un leurre. Non seulement l’ordre du jour « partagé » sera en réalité partagé entre le Gouvernement et la majorité, mais il n'est pas vrai que vous limitez le fameux article 49-3 de la Constitution. Au contraire, vous le renforcez en accordant aux présidents des assemblées le pouvoir de limiter la durée d'examen d'un texte, mettant ainsi en cause le droit d'amendement, fondamental en démocratie (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Comme si ces faux-semblants ne suffisaient pas, treize des trente-cinq articles du projet renvoient à des textes ultérieurs dont on ignore les orientations. Il faudrait donc, en plus, vous signer un chèque en blanc, Ce n'est pas acceptable !

Et tout cela, pour satisfaire l’envie qu’a le président de la République de parler devant le Parlement ! Faut-il vraiment prendre autant de temps pour, comme vous l'avez dit « avancer inexorablement vers un régime présidentiel » c'est-à-dire le pouvoir d'un seul homme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR)

M. le Président – La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice (Tollé sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice – L'Assemblée nationale est appelée cet après-midi à voter le projet de réforme de la Constitution. La modernisation de nos institutions est nécessaire. Le Président de la République s'y est engagé, comme le Premier ministre l'a rappelé en ouvrant vos débats. Depuis des années, on nous disait : « Le Président de la République a trop de pouvoirs et le Parlement n'en a pas assez. Il n'y a pas assez de démocratie dans notre pays. » Avec la révision constitutionnelle, nous rééquilibrons les institutions en renforçant considérablement les pouvoirs du Parlement et en donnant de nouveaux droits aux citoyens : le droit d'initiative populaire du référendum, la possibilité de saisir le défenseur des droits des citoyens, le droit de saisir le CSM en cas de dysfonctionnement de la justice. Sous l'impulsion du président Warsmann, votre commission des lois a fait un travail remarquable, et les débats ont permis de rapprocher encore les points de vue. Nous voulons aboutir, avec vous, à une réforme qui respecte l'efficacité de la Ve République, qui rééquilibre les institutions et qui rende notre démocratie irréprochable. Pour la démocratie française, l'enjeu est historique et c’est notre responsabilité partagée de faire œuvre commune. Exerçons-la ensemble pour le bien des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

NÉGOCIATIONS DANS LA FONCTION PUBLIQUE

M. Raymond Durand – Ma question s’adresse à M. le Secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Le 1er octobre 2007, le Gouvernement a lancé un débat national sur la fonction publique, auquel ont pu participer les fonctionnaires, les huit principales organisations syndicales, les usagers et les experts. Ce débat s'est achevé avec la publication, le 17 avril, d'un Livre blanc sur l'avenir de la fonction publique et la conclusion, hier, des accords de Bercy sur le dialogue social dans la fonction publique, signés par six des huit syndicats représentatifs.

Cet accord est historique, c’est le premier du genre depuis 1946. S'il existe encore des points de désaccord, des évolutions sont intervenues sur les sujets les plus sensibles tels que la mobilité des fonctionnaires, l'assouplissement du mode de recrutement dans la fonction publique et la simplification des procédures administratives. Le protocole prévoit que des groupes de travail approfondiront certains points techniques. Au-delà, la fonction publique a plus que jamais besoin d'être modernisée. Quelles seront les prochaines étapes de cette réflexion ? Quels points restent en discussion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

M. André Santini, secrétaire d’État chargé de la fonction publique – L’accord signé entre le Gouvernement et six organisations syndicales sur huit, qui représentent 70 % des voix, est en effet historique, puisque c’est le premier accord sur le thème du dialogue social depuis 1946 – depuis l’époque du général de Gaulle et de Maurice Thorez ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) Sont-ce là des vociférations ou des cris d’approbation ?

M. le Président – Poursuivez, Monsieur le ministre : je me charge des vociférations, et la tâche n’est pas négligeable !

M. André Santini, secrétaire d’État – Rendu possible par l’esprit de responsabilité dont les organisations syndicales ont fait preuve, et que je tiens à saluer, cet accord constitue en outre un puissant message politique : il montre que la méthode du dialogue, appliquée par M. Woerth et moi-même depuis plus d’un an, porte ses fruits. Voulu par le Président de la République et par le Premier ministre, le choix du dialogue permet en effet de respecter ses partenaires tout en demeurant fermement attaché à ses convictions et à son identité.

Aux termes de l’accord, la représentativité syndicale sera d’abord fondée sur l’élection ; en outre, la négociation et le respect de l’accord majoritaire constitueront désormais le mode normal du dialogue social dans la fonction publique.

Comme l’accord salarial de février dernier, l’accord conclu hier montre que les choses changent dans la fonction publique ! Au cours de la deuxième quinzaine de juin, nous réunirons à nouveau les partenaires sociaux pour étudier les accords techniques relatifs au dialogue social et entamer les négociations que vous appelez de vos vœux et qui porteront notamment sur la fonction publique de métier. La fonction publique est en mouvement ; elle se modernise ; vous pouvez compter sur M. Woerth et moi-même pour poursuivre dans cette voie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP)

ACCIDENT DE CAR SCOLAIRE EN HAUTE-SAVOIE

M. Claude Birraux – Un drame épouvantable est survenu hier dans notre département de Haute-Savoie, dans la circonscription de notre ami Marc Francina : à un passage à niveau, un TER a heurté un bus transportant des élèves du collège de Margencel. Sept enfants sont morts ; trois sont dans un état grave.

Nos pensées vont aux familles si durement et injustement éprouvées, aux blessés, à tous les élèves du collège et à leur famille, enfin à la communauté éducative. Au nom de M. Francina, resté auprès des familles, de tous les députés et sénateurs du département et – sans aucun doute – de toute notre Assemblée, nous leur adressons l’expression de nos condoléances émues, de notre compassion et de notre solidarité.

Après un tel drame, eu égard à la douleur des enfants et des familles, tout commentaire paraît dépourvu de sens. Pourtant, Madame la ministre de l’Intérieur, cette question lancinante demeure : pourquoi ? Pourquoi ce dramatique accident ? Comment sécuriser les passages à niveau dangereux ? Comment améliorer les conditions de transport des enfants ? (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Nous sommes tous effondrés après l’accident survenu hier. Vers quatorze heures, à Allinges, un train a déchiqueté une partie d’un car de transport scolaire ; vous l’avez dit, sept collégiens sont morts et trois sont dans un état grave ; on déplore en outre vingt-cinq blessés.

Je me suis rendue sur place avec M. Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, et le président de l'Assemblée nationale – dont la circonscription est aussi située dans ce département – afin d’apporter notre soutien et notre solidarité aux collégiens, à leurs maîtres, aux familles et à toute la communauté villageoise. Je tiens à saluer le travail remarquable des services de secours, qui sont intervenus très rapidement.

Que s’est-il passé ? Pour le déterminer, une enquête judiciaire a été confiée au groupement de gendarmerie de Haute-Savoie, sous l’autorité du procureur de la République ; la police technique et scientifique et la cellule d’identification criminelle de la gendarmerie sont sur place, afin de recueillir le plus grand nombre de renseignements possible. Parallèlement, une enquête administrative sera confiée dans quelques jours, comme je l’ai annoncé, au bureau d’enquêtes sur les accidents de transports terrestres.

Seules les conclusions de ces investigations nous éclaireront sur ce qui est arrivé. Le train roulait, semble-t-il, à une vitesse normale et le passage à niveau n’était pas considéré comme particulièrement dangereux. Selon les statistiques, seuls 130 accidents surviennent chaque année à un passage à niveau, tuant une quarantaine de personnes, soit 1 % des victimes d’accidents terrestres – mais cela demeure naturellement excessif. Le Premier ministre a donc demandé au secrétaire d’État chargé des transports de lui proposer, avant la fin du mois, un échéancier de suppression progressive de tous les passages à niveau (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux autres bancs).

M. le Président – Je rappelle que l'Assemblée nationale a rendu hier hommage aux victimes ; nous nous associons de nouveau à l’immense douleur de leurs parents.

HAUSSE DU PRIX DE L’ÉNERGIE

Mme Marguerite Lamour – Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, le baril de pétrole vaut 137 dollars, le prix du fioul atteint un euro par litre, celui du gazole a augmenté de 30 % – tristes et inquiétants records ! Le climat social n’en est que plus tendu. Or, le prix de l’énergie continuera d’augmenter au cours des prochaines années ; il faut donc anticiper dès à présent cette tendance.

M. Patrick Roy – Et la droite ne fait rien !

Mme Marguerite Lamour – Si le Gouvernement a déjà annoncé plusieurs mesures, dont l’affectation à un fonds spécial du surplus de recettes issues de la TVA, l’augmentation exponentielle du prix de l’énergie appelle une réponse structurelle. Dans le cadre de la réflexion sur l’avenir des énergies engagée lors du Grenelle de l’environnement, plusieurs dispositions sont à l’étude et, à l’approche de la présidence française de l’Union européenne, le chef de l’État souhaite faire évoluer les mentalités en la matière. Afin d’éviter que la hausse n’ampute le pouvoir d’achat de tous nos compatriotes – pêcheurs, agriculteurs, transporteurs routiers, ambulanciers…

M. Patrick Roy – Et les retraités ?

Mme Marguerite Lamour – …ou simples usagers de la route, quelles mesures structurelles envisagez-vous ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement – Face au doublement du prix du baril en un an, la première réponse du Gouvernement consiste à dire la vérité aux Français : oui, nous avons quitté l’époque du pétrole bon marché pour entrer durablement dans l’ère du pétrole cher. Pour y faire face, le Gouvernement entend aider nos concitoyens à modifier leurs comportements, d’une part, et s’adresser à ceux d’entre eux qui souffrent le plus de cette hausse, d’autre part.

Les aider à modifier leurs comportements, cela consiste d’abord à conforter le choix du nucléaire (Exclamations quelques bancs du groupe GDR). En trente ans, notre pays a réduit de moitié sa dépendance vis-à-vis du pétrole : celui-ci représentait 60 % de notre consommation d’énergie en 1973 ; il n’en représente aujourd’hui plus que 30 %. C’est le choix du Gouvernement d’une troisième génération de réacteur nucléaire ; c’est aussi le choix des éco-industries, que nous avons fait avec le Grenelle de l’environnement pour préparer à de nouveaux modes de consommation ; ce sont enfin les choix fiscaux : le bonus-malus permet de réorienter les achats de nos concitoyens vers des véhicules qui consomment moins.

Nous apportons par ailleurs une réponse d’urgence à nos concitoyens les plus touchés. Le Gouvernement a doublé la prime à la cuve cette année, et le Président de la République a annoncé qu’elle serait portée à 200 euros l’année prochaine. Elle concernera les 800 000 foyers les moins favorisés. Nous allons aussi mettre en place le tarif social du gaz au 1er juillet. Nous agissons enfin en faveur des professionnels les plus touchés : M. Barnier a annoncé un plan spécial pour la pêche, et nous proposerons un amendement au projet de loi de modernisation de l’économie permettant aux routiers de répercuter l’augmentation du prix du pétrole sur la vente de leurs prestations. Vous le voyez, le Gouvernement répond de manière responsable à l’évolution des prix du pétrole (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

TRANSPORTS PUBLICS EN ÎLE-DE-FRANCE

M. Daniel Goldberg – L'amélioration des transports collectifs en qualité et en quantité, avec des tarifs accessibles à tous, est une demande légitime de millions de nos concitoyens, surtout dans les quartiers populaires où moins d'un ménage sur deux possède un véhicule. La hausse du prix de l'énergie devrait vous garder de toute tentation d’utiliser les difficultés des Français à des fins polémiques. Ce n'est pas l'exemple que vient de donner le Président de la République avec le RER A, où il a prétendu avoir réglé le problème par une simple imposition des mains.

Monsieur le Premier ministre, votre majorité porte depuis six ans la lourde responsabilité d’un désengagement de l'État. Vous avez abandonné les transports publics en Île-de-France (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP; applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC) en diminuant de 48 % les moyens que vous y consacrez et en ne respectant pas la parole donnée sur plusieurs projets essentiels. La manœuvre est claire : se défausser de pans entiers de vos responsabilités sur les collectivités locales, sans leur donner les moyens de les assumer.

Les Français ayant choisi de confier majoritairement à la gauche la gestion de ces collectivités, la scène suivante verra l’utilisation des difficultés des usagers comme argument électoral.

À l’heure où vos promesses du Grenelle de l'environnement se réduisent de moitié, où vous n’avez encore que communiqué sur le désenclavement des banlieues, il est temps de répondre aux élus de tous bords, qui sont prêts à s'engager au-delà de leurs responsabilités pour peu que l'État soit aussi à la hauteur. Le président de la région Île-de-France vient de présenter un projet ambitieux et nécessaire pour les dix ans à venir (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Ce projet de 17 milliards d'euros a déjà reçu le soutien de Paris et de cinq conseils généraux.

Ma question est simple : l'État est-il prêt à parler vrai et à s'engager fermement à leurs côtés ? Si oui, à quelle hauteur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR)

M. Christian Blanc, secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale – Nous partageons votre souci : l’État ne peut laisser la situation des transports en Île-de-France se dégrader. La saturation de certaines parties du réseau est en effet une évidence pour tous ceux qui l’utilisent quotidiennement – j’ai moi-même eu à en connaître dans mes fonctions antérieures. L’évolution du prix des carburants rend les transports publics prioritaires en milieu urbain et appelle des décisions urgentes.

Il n’en faut pas moins préparer l’avenir : c’est le sens de la mission que m’ont confiée le Président de la République et le Premier ministre sur le développement de la région capitale (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Il est important que la région parisienne développe ses potentiels et ses atouts et puisse être une ville-monde au même titre que Londres ou New York, sans parler des grandes villes asiatiques. C’est une nécessité économique (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). J’aurai l’occasion d’ici la fin de l’année de vous reparler des deux moteurs essentiels que sont pour la région le nord de la capitale, jusqu’à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, oublié depuis tant d’années, ainsi que le plateau de Saclay, dont les potentiels sont en jachère depuis quinze à vingt ans (Interruptions sur les bancs du groupe SRC).

M. Bruno Le Roux – Cela ne sert à rien de poser des questions : il n’y a pas de réponse !

M. Christian Blanc, secrétaire d’État – Le Gouvernement aura bientôt des propositions à faire sur tout cela, y compris en matière de transports en commun. En attendant, pour ce qui concerne le RER A, la meilleure façon d’augmenter rapidement sa capacité est d’accélérer le remplacement des rames actuelles par des rames à double niveau, qui permettront d’accroître cette capacité de 30 % (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP).

CINQUIÈME RISQUE

Mme Catherine Vautrin – Notre pays compte aujourd’hui 1,3 million de personnes âgées de plus de 85 ans. Elles seront plus de 2 millions dans cinq ans, et en 2025 ce sont les enfants du baby-boom qui atteindront cet âge. L’allongement de la durée de la vie est bien sûr une excellente nouvelle, mais elle a un corollaire : le développement des pathologies du grand âge, de la perte d’autonomie et de tous les problèmes liés au financement de la dépendance.

Nos concitoyens sont très attachés à la liberté de choix entre maintien à domicile et hébergement en établissement. Mais l’enjeu est avant tout financier. Il y a un an, le Président de la République s’était personnellement engagé en souhaitant la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale. Vous avez récemment rencontré, Madame la secrétaire d’État chargée de la solidarité, les membres de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et ceux de la mission d’information du Sénat pour leur présenter vos orientations. Quelles sont-elles, en particulier s’agissant du financement ? Comment articulez-vous solidarité nationale et approche assurantielle? Envisagez-vous d’associer les familles à cette solidarité, et si oui, comment ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – La question du vieillissement de nos populations doit être au coeur de nos préoccupations, tout comme le problème que rencontrent les familles touchées par la perte d’autonomie d’un de leurs membres. C’est pourquoi le Président de la République a demandé au Gouvernement de travailler sur le cinquième risque. Nous en avons présenté les grandes orientations à la CNSA et à la mission d’information du Sénat.

La prise en charge de ce cinquième risque doit reposer sur le principe fondamental du libre choix entre maintien à domicile ou accueil en établissement. Elle doit aussi reposer sur un droit universel à compensation avec un plan personnalisé d’aide, fondé sur une évaluation des besoins de la personne âgée ou handicapée, quels que soient son âge ou son état de dépendance. Il faudra également lancer un ambitieux plan de création de places en établissement. Mais pour 80 % des personnes âgées accueillies en établissement, leur retraite ne peut couvrir le « reste à charge ». C’est l’un des sujets qu’il nous faut traiter afin de réduire les difficultés rencontrées par les familles.

Nous avons clairement pris position en matière de financement. Le dispositif doit tout d’abord reposer sur un niveau élevé de solidarité nationale, celle-ci devant être complétée par d’autres sources de financement, pérennes et innovantes. La prévoyance individuelle et collective fait partie des solutions, mais la question du patrimoine ne peut non plus être éludée. Ne serait-il pas équitable que ceux qui disposent d’un patrimoine élevé contribuent davantage au financement de leur plan d’aide sous forme d’une participation volontaire et limitée, contrairement à ce qui se pratiquait avec l’ancien recours sur succession ? Sur ces orientations, une concertation doit être engagée avec la représentation nationale, les partenaires de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et d’autres encore. Un projet de loi vous sera présenté à la fin de l’année (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

M. Sauveur Gandolfi-Scheit – Ma question s’adresse au secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation. Les communications électroniques, qui regroupent la téléphonie mobile, internet et la télévision par câble ou satellite, sont devenues omniprésentes dans la vie quotidienne des Français, ce dont il faut se féliciter. La baisse régulière du prix de ces biens les rend désormais accessibles à l'immense majorité de nos concitoyens. Mais en tant qu'élus, nous sommes régulièrement interpellés sur les difficultés qu'ils rencontrent dans leurs relations avec leurs opérateurs. Les plaintes résultent à la fois de la complexité technique des produits mais aussi de pratiques commerciales parfois contestables. Ainsi, comment peut-on justifier, lorsqu'un consommateur subit un dysfonctionnement qui n'est pas de son fait qu'il lui faille appeler un numéro surtaxé pour que son problème soit résolu ? Pis, comment justifier qu’il doive payer le temps d'attente pour avoir le simple droit d'être mis en relation avec le service d'assistance ? Qu’y a-t-il pour lui de plus exaspérant que de se voir facturer quinze ou vingt euros, simplement parce qu'il a cherché à résoudre un problème technique ?

Les services de télécommunications représentent déjà 3 % du budget des ménages, soit 550 euros par foyer et par an. Il n'est pas acceptable d'augmenter artificiellement ce poste de dépenses par des surcoûts injustifiés, pour des consommateurs captifs tant il ont du mal à résilier leurs contrats. Au final, tout cela génère un sentiment de défiance, qui n'est bon ni pour les opérateurs, ni pour les consommateurs, ni pour l'innovation dans notre pays.

Monsieur le ministre, les mesures relatives aux télécommunications que vous aviez présentées au Parlement en décembre dernier, entrées en vigueur le 1er juin, doivent lever ce sentiment de défiance. Pouvez-vous nous assurer qu’elles permettront de résoudre concrètement les difficultés des consommateurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; « Allo ! Allo ! » sur les bancs du groupe SRC)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement Les communications électroniques ont en effet pris une place considérable dans le budget des ménages, où elles représentent une dépense moyenne de 550 euros par an mais qui peut dépasser 1 000 euros pour un ménage avec deux enfants.

Les relations des consommateurs avec leurs opérateurs sont parfois difficiles, comme en témoigne le fait que les plaintes à ce sujet figurent au premier rang de celles enregistrées par l’Observatoire des plaintes de la DGCCRF mis en place l’année dernière. Face à cette situation, vous avez voté en décembre dernier une loi, applicable depuis le 1er juin, qui comporte plusieurs avancées. Tout d’abord, en donnant une plus grande liberté aux consommateurs. Dorénavant, ceux-ci pourront résilier leur abonnement de téléphonie mobile en dix jours ainsi qu’à partir du treizième mois, si leur contrat est de vingt-quatre mois. Cela doit permettre de mieux faire jouer la concurrence et donc baisser les prix. Ensuite, les avances et cautions, versées par exemple pour obtenir un décodeur, seront maintenant remboursées sous dix jours alors que cela relevait parfois d’un parcours du combattant. Enfin, les hot lines ne seront plus surtaxées et le temps d’attente sera gratuit, comme il était légitime.

Nous avons voulu, et vous nous avez suivi, encourager les consommateurs à consommer davantage ce type de service car nous croyons à l’avenir de la téléphonie mobile et d’Internet. Mais ils doivent pouvoir comparer les prix et être plus libres dans leurs choix (Applaudissement sur les bancs du groupe UMP).

FINANCEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Mme Sylvie Andrieux –Monsieur le Premier ministre, les collectivités territoriales sont aujourd’hui inquiètes, à juste titre. En effet, dans toutes vos déclarations, vous en faites les variables d'ajustement de votre politique, dont l'ampleur des déficits est sanctionnée par l'Europe et dénoncée par la Cour des comptes dans son rapport de 2007. Vous les asphyxiez financièrement chaque jour davantage en leur réclamant des participations financières non prévues dans des domaines qui relèvent de la compétence de l'État, sans compter les transferts qui sont loin d’être compensés « à l'euro près ».

Aujourd'hui, l’un de vos ministres fait planer des menaces sur les recettes de taxe professionnelle. Et voilà que vous menacez d’intégrer le Fonds de compensation de la TVA dans la dotation globale de fonctionnement, ce qui aura pour effet de restreindre l'évolution des dépenses publiques territoriales, alors même qu’elles réalisent 72 % des investissements publics.

Mais les Français vous ont démasqués (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Les collectivités ne se laisseront pas emprisonner dans une insoluble contradiction entre les ambitions qu’on affiche et les moyens qu’on leur alloue. Elles ne supporteront pas non plus de n’avoir pour alternative que de devoir supporter la responsabilité de n’avoir pas relevé certains défis ou d’être montrées du doigt parce que leurs finances se seront détériorées.

Ma question est simple : quand cesserez-vous de reporter sur elles votre politique de rigueur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Nous pouvons discuter de tout. Encore faut-il faire preuve d’objectivité et ne pas proférer de contre-vérités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC). Et je suis là, moi, pour dire certaines vérités (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC).

La première est que, lors des transferts de compétences, est transférée aux collectivités, en application même de la Constitution, l’intégralité des sommes que l’État consacrait auparavant à l’exercice de ces compétences.

La deuxième est que si certaines dépenses des collectivités sont tout à fait justifiées, notamment dans le domaine de l’aide à nos concitoyens, il en est d’autres qui le sont beaucoup moins, en particulier lorsqu’elles accordent des subventions hors de leur champ de compétences ou se laissent aller à des dépenses somptuaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Pour tenir nos engagements envers nos partenaires européens et dans un esprit de responsabilité envers les générations à venir, il est nécessaire de rétablir les finances publiques. Les aides aux collectivités locales représentant plus de 20 % du budget de l’État, ces collectivités doivent se sentir également responsables du rétablissement financier (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ceci se fera dans le respect de leur rôle, et en discussion avec elles. Le Premier ministre a engagé le dialogue l’an dernier en créant une structure adéquate. Ces aspects financiers ont été examinés lors de la conférence nationale des finances publiques qui a eu lieu le 28 mai dernier, et ils le seront de nouveau lors de la conférence nationale des exécutifs, reportée pour des raisons d’agenda, qui se tiendra d’ici l’été (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

JOURNÉE INTERNATIONALE DES ENFANTS DISPARUS

Mme Henriette Martinez – Madame la ministre de l’intérieur, à l’occasion de la journée internationale des enfants disparus, je voudrais rappeler que sur plus de 10 000 disparitions inquiétantes en France en 2007, plus de 500 concernent des mineurs. Ce sont autant de familles qui s’enfoncent dans un cauchemar, et autant d’enquêtes auxquelles on consacre des moyens importants.

Certaines disparitions restent mystérieuses des années plus tard, mais les familles mettent l’énergie du désespoir à essayer de les élucider. Ainsi, Ferouze Bendouiou n’a cessé depuis plus de 20 ans de rechercher sa petite sœur, disparue près de Bourgoin-Jallieu dans l’Isère, en juillet 1987. Grâce à sa persévérance, le dossier a été rouvert et la « cellule 38 » vient d’être créée afin de rapprocher une dizaine de cas de disparitions d’enfants survenues à la même époque dans la région, dans des conditions similaires. Ce progrès est un espoir pour les familles.

Des moyens d’investigation nouveaux existent. Allez-vous les développer ? En particulier, entendez-vous systématiser les prélèvements d’ADN sur les corps d’enfants – et d’adultes – retrouvés et enterrés sous X ? Cela permettrait d’élucider certaines disparitions. Je sais que vous oeuvrez de façon déterminée pour retrouver sains et saufs les enfants disparus, mais aussi pour apaiser, par la recherche de la vérité, aussi cruelle soit-elle, la souffrance des familles. Je vous en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Soyez assurée qu’en cas de disparition d’enfant signalée, tous les moyens de recherche sont immédiatement mis en œuvre, notamment par la diffusion de photos. Si l’on soupçonne des éléments criminels, les services judiciaires spécialisés sont immédiatement alertés. Le plan « alerte enlèvement » relève du garde des sceaux.

J’ai engagé avec mes services une réflexion pour rendre plus efficace encore la recherche de toutes les personnes disparues – il n’est guère pertinent de changer de système selon que la victime a plus ou moins de 18 ans. Une salle de crise consacrée à mettre en œuvre ce dispositif sera ouverte à la direction centrale de la police judiciaire à partir de cet été.

Je souhaite également modifier l’approche des signalements. Des mesures comme les prélèvement sur les corps enterrés sous X figurent dans le projet de loi d’orientation sur la sécurité intérieure que je présenterai à l’automne. D’autres mesures ont été évoquées, comme le recours plus fréquent à la procédure de disparition inquiétante et la diffusion plus large de photographies. Après expertise technique, ces propositions feront l’objet d’un échange avec les associations, dont le travail est remarquable. Vous pouvez compter sur ma détermination et sur celle des services de police et de gendarmerie pour tout faire au service des enfants et des familles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et de nombreux du groupe NC).

SITUATION DE L’ÉCOLE EN GUYANE

Mme Chantal Berthelot Monsieur le Premier ministre, le système éducatif en Guyane est en crise, faute d'une réponse adaptée aux réalités. Depuis le mois d'avril, les enseignants et les parents d'élèves de l'ouest guyanais sont mobilisés contre les mesures de M. Darcos, qui ne sont pas applicables en l'état sur le territoire.

M. le Président – Veuillez m’excuser un instant, madame Berthelot. Je vois des collègues qui quittent la salle avant que la séance de questions ne soit terminée. Je leur demande de le faire dans le plus grand silence. Mais il vaudrait infiniment mieux que tous écoutent la dernière question et la dernière réponse (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Chantal Berthelot – Je vous remercie.

Le mouvement de protestation n'a fait que s'amplifier face à l'absence de dialogue et au refus, par le ministre, de confier aux élus locaux un rôle de médiateur souhaité par le recteur lui-même.

Le 13 mai dernier, je posais une question orale au ministre de l'éducation nationale. Mme Idrac me fit part de quelques éléments qui n'avaient rien d'une réponse. Elle ne faisait notamment aucune référence à la mission interministérielle arrivée ce dimanche à Cayenne. Or, il semblerait que celle-ci ait été décidée depuis mars à la demande des autorités administratives locales. L'annonce officielle de sa venue a fait l'objet d'un cafouillage et d'une récupération politicienne au détriment de l’efficacité. Une nouvelle fois, les élus n'ont pas été associés en amont ; pire ils ne sont pas destinataires de la lettre fixant les objectifs de cette mission. Ce manque de transparence et de partenariat est inacceptable et de plus totalement inefficace. Or, cette méthode prévaut dans les rapports de l'État avec la Guyane dans beaucoup de domaines.

Cette mission interministérielle sur l'éducation doit être l'occasion d'instaurer une politique fondée sur un partenariat réel avec la communauté éducative. Je propose qu'elle débouche sur l'organisation d'une table ronde sur le système éducatif en Guyane.

En tant que chef du Gouvernement, vous qui prétendez avoir comme credo la culture du résultat, êtes-vous prêt à changer votre méthode de travail en Guyane ? Êtes-vous prêt, enfin, à mener une action politique cohérente au service de l'intérêt général ?

M. Yves Jego, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer – À l’occasion de son récent voyage en Guyane, le Président de la République a décidé d’y envoyer plusieurs missions pour prendre en compte les spécificités locales. Dans cette optique, une mission composée de représentants de l’inspection générale des finances, de l’inspection de l’administration et de l’inspection de l’éducation nationale est arrivée à Cayenne ce dimanche. Elle devra faire un état des lieux du secteur éducatif, des besoins et des moyens.

Les élus des conseils général et régional participeront dès demain à une réunion de travail de la mission. Je rencontrerai moi-même l’ensemble des acteurs de terrain la semaine prochaine, lors de ma visite sur place. Vous le voyez : le Gouvernement est soucieux des particularismes de la Guyane et déterminé à se concerter avec les élus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président. Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance est reprise à 16 heures 20.

MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE LA Ve RÉPUBLIQUE (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

M. François Fillon, Premier ministre Nous voici au terme de la première lecture, devant l'Assemblée nationale, du projet de révision constitutionnelle. Votre Assemblée a été au rendez-vous : les échanges ont été nourris et dignes ; ils se sont déroulés dans le respect de chacun ; tous les orateurs ont participé avec hauteur de vue, comme s’ils avaient le sentiment de parler pour la République.

Nous devons d’abord ce résultat au travail passionné et rigoureux du rapporteur, M. Jean-Luc Warsmann (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), aux groupes UMP et Nouveau Centre, qui ont accompagné et enrichi la démarche du Gouvernement, mais aussi à l’opposition, qui a bien voulu jouer un rôle constructif dans ce débat. Je pense enfin me faire l’interprète de tous en adressant un hommage particulier à votre président, M. Bernard Accoyer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous ne sommes qu'au début du chemin menant au Congrès. Le débat va continuer, mais le vote d'aujourd'hui engage l'avenir. L'union de toutes les bonnes volontés doit se réaliser, car par-delà nos personnes et les partis auxquels nous appartenons, nous légiférons dans un but supérieur. Ce qui est en cause, ce n'est pas le sort de ce Gouvernement, ce n'est pas l'avenir du parti socialiste, ni celui de ma formation politique. Ce qui est en jeu, c’est la reconnaissance de droits nouveaux pour le Parlement et pour nos concitoyens ; c'est le fonctionnement même de notre démocratie.

La République disposera-t-elle demain d’institutions rénovées ? Voilà la question que vous devez trancher. La réponse devrait transcender les circonstances et les logiques partisanes. Voilà cinquante ans, après avoir sauvé l'honneur de la France, le général de Gaulle restaurait celui de la République. Notre Constitution a fait ses preuves et nul ne songe à dilapider cet héritage. Nous restons dans la Ve République, mais en la modernisant compte tenu d’un contexte nouveau.

L'instauration, en 1962, de l'élection du Président de la République au suffrage universel, puis l'adoption du quinquennat, en 2000, ont abouti à une forte restriction des prérogatives du Parlement, ce qui a asséché une des sources de notre démocratie. Nous voulons y remédier, car si vous n'incarnez pas pleinement la souveraineté nationale, qui le fera à votre place ? Si vous ne contribuez pas à équilibrer et à mieux éclairer le pouvoir exécutif, à qui reviendra ce rôle ? À la rue, aux sondages, aux experts ? C’est la faiblesse du Parlement qui fait la force des slogans, de la technostructure et des démagogues.

Replacer le Parlement au cœur de la cité ne signifie pas que l’on en revienne aux errements de la IVe République, régime pour lequel je n'ai aucune complaisance. Notre projet consacre, non la confusion et la neutralisation des pouvoirs, mais la responsabilité et l'action : la responsabilité tout d’abord, car un Parlement plus influent est le gage d'un Gouvernement plus exigeant ; l'action ensuite, car la meilleure façon d'améliorer l'efficacité de l'Etat est encore de renforcer celle des représentants du peuple.

Cette réforme vous conférera plus de droits, que la garde des sceaux et le ministre chargé des relations avec le Parlement ont eu l'occasion de détailler devant vous. Mais qui dit plus de droits, dit aussi plus de devoirs. Si le fonctionnement de l'exécutif change, votre fonctionnement s'en trouvera, lui aussi, modifié. Dans le partage de l'ordre du jour, dans l'élaboration de la loi et dans son évaluation, dans la gestion de l'État, dans les nominations, mais aussi dans la conduite de la politique étrangère et de la défense, le Gouvernement devra vous rendre davantage de comptes, et vous devrez, à votre tour, en rendre davantage à nos concitoyens.

À l’instar de ses prédécesseurs, le Président de la République aurait pu se satisfaire d'une situation institutionnelle qui présente bien des avantages pour le pouvoir exécutif. Personne ne le sommait de renoncer à certaines de ses prérogatives au profit du pouvoir législatif. Mais Nicolas Sarkozy a choisi d'agir. II vous propose la réforme constitutionnelle la plus importante depuis 1958 et la plus vaste depuis 1962. Il le fait parce qu'il en a pris l'engagement, mais aussi parce qu'il existe un lien étroit entre la modernisation de la France et la rénovation de ses institutions.

Pour créer les conditions d'une société de confiance, il faut conforter la confiance entre élus et citoyens. Pour insuffler une culture de la responsabilité, il faut, au sommet, responsabiliser le pouvoir lui-même. Pour revivifier l'identité nationale, il faut rehausser la voix de la représentation nationale. Pour dégager un consensus autour des grands défis de notre temps, il faut qu’on puisse le bâtir ici, à l'Assemblée nationale. Pour réformer et pour optimiser les politiques publiques, il faut renforcer les prérogatives de ceux qui sont chargés de les voter et de les contrôler. Voilà les raisons de cette révision constitutionnelle.

Chacun sait qu’on ne revisite pas la Loi fondamentale à la légère et dans un esprit partisan. Ce projet résulte des travaux réalisés par le comité présidé par Édouard Balladur, qui a réuni des juristes renommés et des personnalités qualifiées de tous bords.

J'ai reçu dans la foulée tous les responsables politiques pour tenter de tirer le fil de nos convergences. Enfin, au long des débats, le Gouvernement s'est montré ouvert à des ajustements.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois – C’est exact.

M. François Fillon, Premier ministre  Cent sept amendements ont été adoptés, dont près d'une vingtaine émanent de l'opposition, et plusieurs amendements de fond ont fait l'objet d'un large consensus. Je pense à l'introduction d'un référendum d'initiative populaire, à l'octroi d'un veto à la majorité qualifiée sur les nominations, à l'instauration d'un objectif pluriannuel d'équilibre des finances publiques, à la possibilité pour le Gouvernement ou pour un groupe parlementaire d'organiser des débats thématiques suivis d'un vote. Je pense aussi à l'augmentation du délai minimum entre le dépôt d'un texte et son examen par les assemblées, et à l'ouverture de la procédure d'exception d'inconstitutionnalité aux textes antérieurs à 1958. Je pense enfin à la réserve d'un quart de l'ordre du jour à l'évaluation des politiques publiques.

Sur tous ces points, la droite, le centre et la gauche se sont engagés ensemble. Je le dis à l'opposition : la cohérence voudrait que cet esprit d'union se manifeste jusqu'au bout car on ne peut d'une main enrichir le texte, de l’autre voter contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Evidemment, parmi les multiples amendements et les priorités distinctes défendues par les uns et combattues par les autres, nous avons dû trancher. Nous l'avons fait avec le souci de rigueur nécessaire et avec la volonté de rassembler le plus grand nombre d'entre vous sur l'essentiel. Les occasions de réformer notre Constitution en profondeur sont rares. Il convient donc de ne pas se tromper de combat. En septembre 1973, Georges Pompidou tenta, avec lucidité et courage, d'instaurer le quinquennat. Son projet fut adopté par le Parlement à une courte majorité mais sa ratification à la majorité des trois cinquièmes du Congrès fut impossible, chacun trouvant de bonnes raisons pour ne pas franchir le pas. Treize ans plus tard, le cycle délétère des cohabitations s'enclenchait et s'achevait avec le sombre épisode du 21 avril 2002.

M. René Dosière – Quel rapport ?

M. François Fillon, Premier ministre  À ceux qui craignent les évolutions proposées, je demande : « Êtes-vous sûrs que la situation actuelle soit si favorable au fonctionnement de notre démocratie qu’il ne faille rien changer ? » Et à ceux qui, à gauche, rêvent d'une autre réforme, je dis : « Êtes-vous sûrs de vouloir refuser un progrès au nom d'un autre projet, pour l'heure improbable ? ».

Tous les votes seront respectables, mais ceux qui diront « non » aux droits nouveaux accordés au Parlement devront s'en expliquer. Ceux qui le feront au nom du statu quo devront expliquer pourquoi ils ont si peu confiance en leur propre assemblée ; ceux qui le feront au nom du changement devront expliquer pourquoi ils n'ont pas saisi l'occasion de tendre vers leur idéal.

La Constitution n'est la propriété d'aucun camp politique. Elle appartient à la France. Pour être adoptée, cette réforme aura besoin de réunir une majorité d'hommes et de femmes qui, l'espace d'un instant, se rassemble en faveur d’un compromis dont le succès pourra être revendiqué par chacun et dont la réalisation sera l'œuvre de tous, dans le seul intérêt de la nation.

M. Marc Le Fur – Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre  Sommes-nous capables de ce sursaut commun ?

Mme Claude Greff – Espérons-le !

M. François Fillon, Premier ministre  Sommes-nous capables de nous affranchir d’un statu quo commode, de dépasser l'affrontement pour aller ensemble de l'avant ? Chacun doit maintenant prendre ses responsabilités. Aujourd'hui, le Gouvernement vous propose de donner plus de souffle à notre démocratie. L'occasion est suffisamment rare et l'ambition suffisamment élevée pour choisir de s'engager et de se rassembler (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jean-Christophe Lagarde – Le texte soumis à notre vote tend à tirer les conséquences des évolutions successives de la Ve République que sont l’élection du président de la République au suffrage universel et le quinquennat, qui ont toutes deux puissamment renforcé les pouvoirs de l’exécutif. Le projet a fait l’objet d’un long débat et d’un remarquable travail. Son examen, caractérisé par une ouverture inhabituelle de la part du Gouvernement et de l’opposition, a permis d’aboutir à un texte équilibré. L’objectif était de rééquilibrer les pouvoirs respectifs du Parlement et du Gouvernement, et des progrès réels ont été accomplis : partage de la maîtrise de l’ordre du jour du Parlement, revalorisation du travail des commissions, contrôle parlementaire de l’action européenne du Gouvernement, appui sur le Conseil d’État et la Cour des comptes, droit d’initiative populaire, limitation du recours à l’article 49-3 de la Constitution… Je ne doute pas que ceux qui affirment qu’il ne s’agit là que d’apparences sont aussi ceux qui useront le plus de ces dispositions nouvelles si le texte est adopté.

Le groupe Nouveau Centre, qui a poursuivi, lors de l’examen du texte, ses combats de toujours, considère que le projet a évolué favorablement. Ainsi, l’impartialité des nominations est assurée, le pluralisme est renforcé puisque de nouveaux droits sont reconnus à l’opposition, et la « règle d’or » de l’équilibre budgétaire pluriannuel sera désormais inscrite dans notre Loi fondamentale. Mais, comme l’a souligné le rapporteur général, il faudra encore progresser dans ce domaine, pour ce qui concerne la loi de financement de la sécurité sociale. D’autres mesures font encore progresser la démocratie, qu’il s’agisse du référendum d’initiative populaire ou de la nouvelle possibilité de saisine directe du Conseil constitutionnel et du CSM.

Nous sommes appelés aujourd’hui à nous prononcer sur ce texte par un premier vote, et notre groupe éprouve en cet instant un a priori favorable. Cela étant, nous comptons que la navette permettra d’améliorer encore ce qui devrait l’être. Avec nos amis de l’Union centriste du Sénat, nous souhaitons préserver le droit d’amendement – ce que la rédaction actuelle du texte ne garantit pas absolument –, renforcer le pluralisme, assouplir l’article 40, accroître les droits des groupes parlementaires.

Notre vote d’aujourd’hui n’est pas définitif. La majorité du groupe Nouveau Centre votera le texte et nous attendrons la deuxième lecture avec vigilance et exigence. Nous voulons en effet être certains que les pouvoirs sont effectivement rééquilibrés et que les excès des débuts de la Ve République sont corrigés (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Jérôme Chartier – Le débat fut animé et dense, et la qualité des interventions certaine sur tous les bancs. C’est que la question posée était essentielle : le Parlement a-t-il toute sa place dans les institutions d’une Ve République redessinée, où l’élection du Président de la République se fait au suffrage universel pour un quinquennat ?

Le projet a été notablement enrichi par de nombreux amendements qui ont précisé les missions de contrôle et d’évaluation du Parlement et inscrit dans le texte la règle de l’équilibre budgétaire pluriannuel. Nous avons rappelé notre attachement à nos racines en traitant des langues régionales ; à nos principes en disposant à nouveau qu’une loi ne peut être rétroactive ; à nos engagements pour inscrire dans le texte l’obligation de parité professionnelle entre les hommes et les femmes. Nous avons enrichi le texte enfin en adoptant le principe du référendum d’initiative populaire.

Nous avons considéré par ailleurs qu’en matière de défense nationale, l’équilibre actuel entre le Président de la République et le Premier ministre est bon et doit être maintenu en l’état. Nous avons reconnu des droits spécifiques à l’opposition. Nous avons défini les conditions dans lesquelles le Président de la République pourrait s’exprimer devant le Parlement réuni en Congrès. Nous avons élargi la recevabilité du droit d’amendement, tout en conservant le dispositif prévu par le Gouvernement pour mettre fin aux manœuvres d’obstruction.

Le débat n’aurait pas été aussi riche si le Gouvernement n’avait pas, d’emblée, fait tant de concessions, déterminé qu’il était à faire progresser la démocratie en France. Ainsi de la maîtrise partagée de l’ordre du jour du Parlement, de la discussion en séance publique du texte amendé par les commissions, de l’avis donné sur de nombreuses nominations, de l’information du Parlement sur les engagements militaires, de la réforme du CSM, des droits de l’opposition…

De très nombreuses dispositions ont été adoptées à l’unanimité. Mirabeau le disait, il n’est pas de force publique sérieuse si pouvoir législatif et pouvoir exécutif « se regardent en ennemis ». Voilà pourquoi j’invite l’Assemblée à adopter un texte que le groupe UMP soutient (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marc Ayrault – Dans la vie d’un groupe d’opposition, il est des « non » évidents, des « non » de résistance. Il est aussi, dans certaines circonstances, des « non » de déception, qui aimeraient être des « oui » ; tel est le sens du vote des députés socialistes : un « non » ouvert, un « non » d’attente.

En effet, nous ne désespérons pas de vous convaincre et de conclure avec vous un pacte démocratique propre à rééquilibrer notre République. Le dialogue original que nous avons noué tout au long de cette première lecture afin d’améliorer un texte initialement trop faible a permis des progrès. Ainsi des droits des citoyens, d’abord réduits à la portion congrue, mais que les amendements, notamment socialistes, ont permis d’étendre ; du droit de saisine du CSM et du Conseil constitutionnel ; de la parité professionnelle entre les hommes et les femmes. Mais il est regrettable que de nombreux filtres en affaiblissent l’application – je songe au référendum d’initiative populaire ou à l’encadrement du pouvoir de nomination dévolu au Président de la République.

En ce qui concerne les pouvoirs de l’exécutif, nous vous avons convaincus de refuser au Président de la République le dangereux domaine réservé en matière de défense que vous envisagiez de lui confier, et nous avons restitué au Parlement ses pouvoirs d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, ce qui permettra d’enrayer l’inflation législative et d’améliorer la loi.

Loin d’être négligeables, ces acquis ne suffisent toutefois pas à emporter notre adhésion, car votre réforme demeure frileuse et incomplète. D’une part, elle introduit dans la Constitution des dispositions qui n’y ont pas leur place – ainsi du référendum contre l’adhésion de la Turquie. En outre, chaque nouveau droit consenti au Parlement est assorti de verrous qui en limitent la portée ou le vident de son sens. Ainsi, le partage de l’ordre du jour se paye d’une nouvelle limitation du droit d’amendement ; le statut de l’opposition n’implique aucune conséquence concrète ; la modification du recours au 49-3 n’a de limitation que le nom ; le contrôle des opérations extérieures ne devient possible que lorsque l’engagement est irréversible ; le droit de résolution disparaît.

Quant à l’encadrement des pouvoirs présidentiels, il demeure purement virtuel. En effet, le nombre de mandats consécutifs est limité à deux, mais nul président de la Ve République n’en a effectué davantage ; faute de réunir une majorité qualifiée des trois cinquièmes, l’opposition ne pourra jamais exercer son droit de veto sur les nominations au sein des organismes de contrôle ; enfin, la fin de la tutelle présidentielle sur le CSM ne sera qu’une fiction si l’Élysée conserve la maîtrise de sa composition et de la nomination des procureurs.

En somme, ni la pratique ni le déséquilibre de nos institutions ne sortiront changés de ce projet de loi. Au contraire, le magistère présidentiel sera accru par la liberté que s’octroie le Président de venir s’exprimer à loisir devant le Parlement réuni en Congrès, en sus de son occupation permanente des médias !

Telle est du reste la seconde raison de notre vote négatif : le décalage persistant entre les bonnes intentions qui président à votre réforme et la réalité de vos actes. Après les avanies que votre Gouvernement inflige au Parlement depuis un an, le rejet sans discussion de nos propositions de loi sur le mode de scrutin sénatorial et sur le temps de parole présidentiel a fait l’effet d’une nouvelle douche froide à tous ceux auxquels la réforme inspirait un préjugé favorable.

En outre, comment ignorer la manière dont vous détournez l’accord relatif à la représentativité syndicale conclu avec les partenaires sociaux pour mieux mettre à bas la durée légale du travail ? Comment croire que ceux qui violent ainsi sans scrupules la démocratie sociale pourront respecter la démocratie représentative ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé – C’est honteux !

M. Jean Leonetti – N’importe quoi !

M. Jean-Marc Ayrault – Depuis que la révision constitutionnelle est entamée, nous n’avons cessé de vous tendre la main, mais vous ne l’avez pas saisie… (Même mouvement)

M. Jean-François Copé – C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault – … obéissant ainsi au Président de la République, qui vous a ordonné de ne rien concéder parce qu’il mise, semble-t-il, sur le débauchage individuel de quelques membres de l’opposition (Même mouvement). Je le mets en garde contre cette tentation : trop de constitutions ont péri de ces petites combinaisons qui déshonorent la politique et auxquelles les parlementaires socialistes ne se prêteront pas !

Nous voulons au contraire réussir une réforme partagée…

M. Jean Leonetti – Menteur !

M. Jean-Marc Ayrault – …et parvenir à un consensus républicain qui confère à notre Constitution un fondement durable et incontestable.

Je vous le demande donc solennellement : jusqu’où êtes-vous prêts à aller (« Et vous ? » sur les bancs du groupe UMP) sur le verrouillage des nominations, sur le temps de parole présidentiel, sur l’équilibre et la représentativité du mode de scrutin, sur la désignation d’une commission indépendante propre à garantir le découpage juste et transparent des circonscriptions électorales que nous appelons de nos vœux, sur le mandat unique, sur le vote des étrangers ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Nous demandons à la majorité et au Gouvernement des signes forts. Osez la réforme ! Ne vous contentez pas de mesures superficielles qui ne tromperont qu’un temps ! Tout est encore possible (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) : nous sommes prêts à prendre nos responsabilités et notre vote n’est ni figé ni définitif. L’examen du texte au Sénat, puis sa seconde lecture nous permettront d’en évaluer les progrès et les régressions. Nous ne nous laisserons guider que par notre désir de faire évoluer notre démocratie. Aujourd’hui, nous refusons le Congrès, mais dans l’espoir de l’approuver ensuite ; cela ne dépend que de vous ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Noël Mamère – Contrairement à celui de nos collègues socialistes, notre « non » n’est ni d’attente ni d’espérance : c’est un « non » ferme et sans illusions (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). En effet, au cours de cette première lecture, fort longue, toutes nos propositions de réforme se sont vu opposer une fin de non-recevoir. En outre, alors que nous n’attendons pas du Parlement et du Congrès de modestes toilettages, de petits rafistolages de notre Constitution, vos propres propositions, loin de contribuer au rééquilibrage annoncé, ne font que conforter la prééminence du Président de la République et de l’exécutif sur le Parlement.

Pourtant, étant donné l’ambiguïté constitutionnelle de notre régime – ni présidentiel, ni véritablement parlementaire –, nous étions en droit d’attendre de vous un peu plus de clarté et – disons-le – de courage ! Vous nous annoncez chaque jour une nouvelle réforme et prétendez vouloir mettre la France en mouvement, mais vous vous dérobez à une réforme véritable et courageuse. Ainsi, vous n’avez pas osé accepter une proposition adoptée à l’unanimité par la gauche en 2000 : le vote des étrangers aux élections locales, conformément au traité de Maastricht ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC) Dans une belle démonstration d’hypocrisie, vous avez fait valoir que le vote dépendait de la nationalité, oubliant que notre Parlement a accordé le droit de vote à des personnes qui ne sont pas françaises, mais qui sont blanches, judéo-chrétiennes et européennes au lieu d’être issues de nos anciennes colonies ! (Très vives protestations sur les bancs du groupe UMP et du NC) Monsieur Lagarde, plus on est gêné, plus l’on crie fort ; mais les pouvoirs accordés prétendument à l’opposition, qui ne doivent profiter qu’à la minorité de la majorité que vous êtes (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC), ne permettront pas à votre groupe de contrôler le Parlement !

Nous vous avions pourtant demandé une vraie réforme (Même mouvement).

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Ce n’est pas vrai !

M. Noël Mamère – Libre à vous de faire des gestes de dénégation, M. le ministre : vous avez refusé toute réforme du mode de scrutin – qu’il s’agisse du mode d’élection des sénateurs ou de l’introduction de la proportionnelle dans le système majoritaire (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC) – faisant enfin de notre Assemblée le reflet de la diversité politique et sociale de notre pays !

Vous avez en outre refusé, la semaine dernière, de débattre de la proposition de loi du groupe socialiste sur le décompte du temps de parole du Président de la République ; et vous refusez d’inscrire dans la Constitution, comme l’ont pourtant fait toutes les grandes démocraties d’Europe, le pluralisme des médias, alors même que vous portez un coup mortel à la commission Copé et que le Président de la République programme la mort du service public audiovisuel pour complaire à ses amis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur les bancs du groupe SRC) La voilà, votre réforme !

Certes, elle comporte quelques timides avancées, tels l’examen en séance publique du texte de la commission et la possibilité de saisine du CSM. Mais ces progrès marginaux, loin de modifier l’économie générale du texte, vous permettent simplement de leurrer les Français !

Je vous entends d’avance nous accuser à cor et à cri d’avoir manqué l’occasion historique de réformer la Constitution (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) et de renforcer les pouvoirs du Parlement (Même mouvement). Mais ce ne sont que des mots (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC ; vives protestations sur les bancs du groupe UMP), et non une réponse sérieuse aux Français, lesquels appellent de leurs vœux un Parlement qui se mêle de ce qui le regarde, qui vote des lois autrement que sous l’empire de l’émotion, qui contrôle le Gouvernement et dispose d’un véritable pouvoir d’initiative ! (Mêmes mouvements) Voilà pourquoi le groupe GDR, refusant de se laisser bercer de l’illusion d’une amélioration en seconde lecture, votera contre ce texte ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

À la majorité de 315 voix contre 231 sur 569 votants et 546 suffrages exprimés, le projet de loi est adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 10 sous la présidence de M. Le Guen.

PRÉSIDENCE de M. Jean-Marie LE GUEN
vice-président

MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de modernisation de l’économie.

M. Jean Grellier – L'intitulé de ce texte pouvait nous laisser espérer une ambition et un grand débat sur la nécessaire évolution de notre économie au sein d'une Europe où la coordination économique doit être renforcée, mais aussi au cœur d'une mondialisation qui constitue un défi pour nos entreprises.

C'était l'occasion de donner une vision politique à notre économie, de définir des stratégies – en particulier dans le domaine industriel – pour donner des perspectives à nos entreprises, de fédérer tous les acteurs économiques autour d'un projet. C’était aussi l'occasion de donner du sens à la dimension humaine de l'économie au sein d’une société qui s'interroge. À quoi bon parler de modernisation de l'économie si l'on n'y intègre pas l'épanouissement humain, mais aussi la dimension environnementale et le développement durable ?

Nous voici au contraire devant un texte très technique, dont l’absence de cohérence a été accentuée par l'amoncellement des amendements dispersés de votre majorité.

Certes, certaines mesures peuvent être regardées comme positives, notamment au titre premier. Elles méritent cependant d'être améliorées, et nous avons déposé un certain nombre d’amendements en ce sens. Force est néanmoins de constater qu'elles ne sont pas à la hauteur de l'ambition dont nos entreprises ont besoin pour relever les défis auxquels elles sont confrontées.

Chacun sait que la France ne dispose pas d'un tissu de PME suffisamment développé par rapport à ses concurrents. Les PME de 100 à 3 000 emplois ne représentent que 10 % de nos entreprises; elles en représentent 40 % aux Etats-Unis, 45 % au Japon et encore 34 % en Allemagne. Rien n’est prévu dans ce projet pour résoudre ce qui reste un problème structurel de notre tissu économique.

Au-delà d'une volonté politique affirmée, il y manque un outil financier d'incitation et d'accompagnement pour soutenir les entreprises dans des périodes stratégiques de leur vie, que ce soit en matière de recherche et d'innovation, de croissance interne ou externe, voire de retournement ou de restructuration. En effet, la disparité des outils existants ne permet pas d’offrir les leviers qui seraient nécessaires. Il faut créer un outil mixte à fort potentiel associant interventions publiques et financements privés pour permettre, comme dans d'autres pays, le développement de nos PME.

Ce projet de loi aurait pu également clarifier les interventions publiques dans le domaine économique et corriger les confusions résiduelles de la loi du 13 août 2004 dans la répartition des responsabilités entre les différents échelons territoriaux. L'État doit définir les grandes stratégies économiques, notamment industrielles. Mais il faut conforter les régions dans leur rôle de chef de file du développement économique, en lien avec les communautés d'agglomération et les communautés de communes qu'il faut inciter à avoir un périmètre suffisant pour exercer efficacement leurs responsabilités en matière de développement économique et d'aménagement du territoire.

Ce débat aurait pu être l'occasion de dresser un bilan des schémas régionaux de développement économique mais aussi des pôles de compétitivité afin de les utiliser comme outils de modernisation de notre économie, en s’assurant de leur efficacité. Un bilan aurait pu être fait également de l'action des tribunaux de commerce, dont les décisions sont souvent néfastes pour l’emploi.

Par ailleurs, le secteur de l'économie sociale est quasiment oublié dans ce texte. Seules les entreprises d'insertion sont citées, sans que des moyens significatifs supplémentaires leur soient d’ailleurs apportés. Il n'y est pas du tout question de l'économie sociale de production. Pourtant, les mutuelles et les coopératives représentent un potentiel important de développement économique. Leur dimension humaine dans l'économie, profondément moderne, mériterait d’être mieux reconnue et leur développement encouragé.

Pour conclure, deux remarques sur les autres chapitres. Je doute que la modification des règles de l'urbanisme commercial suffise à faire baisser les prix à la consommation, étant donné la concentration des centrales d'achat, plus grand frein à la concurrence et à une juste fixation des prix en amont comme en aval. Nous avons déposé des amendements à ce sujet.

Enfin, la desserte numérique à grande vitesse des territoires mériterait une action d'une autre ampleur tant ses conséquences sont fondamentales en matière de modernisation de notre économie et surtout d'équité dans l’aménagement de nos territoires (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Gérard Voisin – Nous allons examiner une réforme d'ampleur de l'urbanisme commercial déjà évoquée lors du débat sur la loi pour le développement de la concurrence. Alors que le rapport Attali prônait la suppression des CDEC, je rappelais au contraire la nécessité de réguler l'équipement commercial au vu des enjeux en matière d'aménagement du territoire. Force est, hélas, de constater que l'on s'éloigne de cette préoccupation.

Un rapport intitulé « Un commerce pour la ville » a été récemment remis à la ministre du logement. À l'origine de ce document, l'idée que la question du commerce est au cœur des politiques d'aménagement urbain, donc des préoccupations des communes. Souscrivant totalement à cette idée, je mesure pleinement l'importance des mesures qui nous sont proposées aujourd'hui dont certaines seront lourdes de conséquences.

La question du seuil à partir duquel les projets d'installation commerciale sont examinés en CDEC est emblématique des ambiguïtés que nous devrons lever à l'occasion du débat. Le projet de loi propose de relever ce seuil de 300 à 1 000 m². Cela ne me paraît pas acceptable : si l'on souhaite que les élus puissent continuer de veiller à l'équilibre du tissu commercial, il faut impérativement qu'ils puissent être saisis des projets d'installation au delà de 300 m². Si l’on renonce à cette ambition, il faut alors le dire clairement.

L'objectif affiché est, nous dit-on, de faciliter l'implantation du commerce de hard discount, pourtant destructeur du commerce de proximité. Je ne peux souscrire à l'idée que ce serait aujourd'hui un seuil trop bas qui briderait l'installation et le développement de nouveaux commerces. Le principal problème de concurrence, tient à l'existence de monopoles sur un grand nombre de zones de chalandise, comme l'ont d’ailleurs mis en évidence des enquêtes récentes et les stratégies des grands groupes de distribution.

La part des projets inférieurs à 1 000 m² qui sont rejetés en CDEC n'est pas négligeable. Les élus locaux réalisent un travail de fond dans ces commissions. Leur objectif n’est pas d’empêcher la concurrence. Ils souhaitent au contraire élargir l'offre commerciale car il en va du dynamisme de leurs communes, notamment en matière d'emplois. Ne faisons donc pas des élus des adversaires de la concurrence !

J'entends bien que nous devons respecter nos engagements communautaires mais nul n’exige de nous que nous abaissions ce seuil. Les délais d'instruction sont trop longs, nous dit-on également, et la directive européenne du 12 décembre 2006 nous demande que les procédures et formalités d'autorisation garantissent aux parties que leur demande sera traitée dans les plus brefs délais. Fixons précisément le temps imparti aux services instructeurs, plutôt que de mettre à mal l'ensemble d'un système !

S’agissant des prix ou de l'équipement commercial de notre pays – on le vérifie aux controverses qui se font jour au sein même de la grande distribution –, les comparaisons par pays sont malaisées et doivent être maniées avec précaution. Il est vraiment hasardeux de penser que le relèvement du seuil pourrait avoir une incidence sur les prix à la consommation et, partant, le pouvoir d'achat. Il n’y a aucune nécessité économique à faire évoluer aujourd'hui le seuil fixé par la loi Raffarin.

S’agissant du développement durable, je ne comprends pas pourquoi les projets de taille importante, bien qu’inférieurs à 1 000 m², échapperaient aux exigences d'aménagement sur lesquelles devront se prononcer les CDEC, qu’il s’agisse de qualité environnementale du projet ou des flux de transport. Ces dispositions auront pourtant des conséquences sur les entrées de ville, déjà très défigurées, les magasins de hard discount, construits à l'économie, n’étant bien souvent que des hangars. Ces mesures auront surtout un impact très négatif sur les services de proximité, pénalisant les personnes à mobilité réduite et les plus âgées. Enfin, à l'heure où la mobilité urbaine est analysée comme un enjeu de société, en densifiant les périphéries de nos villes, elles poseront de nouveaux problèmes bien inutiles de déplacements. Raisonnons proximité et non mobilité !

Vous en appelez au volontarisme des élus et renforcez les instruments dont disposent les communes pour aider au maintien des commerces dans les centres villes. Excellente initiative ! Mais, dans le même temps, vous leur ôtez une prérogative déterminante dans les situations où un projet d'implantation d'une nouvelle surface viendrait compromettre la vitalité du commerce de proximité déjà implanté. L’aménagement consistant à laisser aux maires des communes de moins de 15 000 habitants la possibilité de saisir la CDEC pour les surfaces de plus de 300 m² sera inopérant car c’est bien sûr au niveau de toutes les communes de l'agglomération qu'il faut examiner les implantations.

Le FISAC et le nouveau droit de préemption créé par la loi du 2 août 2005 – qui pourrait être complété lors de la discussion – demeurent bien entendu utiles, voire indispensables. Mais ils sont relativement lourds et difficiles à mettre en œuvre. Soit dit au passage, ce droit de préemption autorise une intervention beaucoup plus puissante du maire sur le tissu commercial que celui que l'on veut nous ôter.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Très bien !

M. Gérard Voisin – N'est-ce pas là un paradoxe ? J'en déduis donc que le vrai problème n'est pas celui de la liberté d'installation…

S’agissant du FISAC, nous attendons beaucoup des améliorations que le Gouvernement souhaite y apporter. Il faut notamment raccourcir les délais d'instruction. Il faut aussi mobiliser les élus et les acteurs économiques autour de cet outil, avec plus de transparence. La baisse des crédits du Fonds intervenue ces dernières années devra être plus que compensée si l’on veut qu’il se mobilise davantage en faveur d’objectifs rénovés. Le rapport Attali comportait d'ailleurs des recommandations audacieuses à ce sujet.

Ayant à la fois une solide expérience professionnelle dans le commerce et une solide expérience politique sur le sujet, je ne pourrais pas voter, en l'état, une fois n'est pas coutume, le texte proposé par le Gouvernement (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques – C’est pour cela que nous allons l’améliorer !

M. Philippe Tourtelier – Ce projet de loi vise à moderniser l'économie, c'est-à-dire à l’adapter à moyen et long termes à un nouveau contexte. La principale contrainte dans ce nouveau contexte, choisie comme l'une de ses priorités par la France pour sa présidence de l'Union européenne, réside dans le changement climatique. Le Grenelle de l'environnement l'a rappelé : si nous voulons, comme le préconise l'Union européenne, limiter à deux degrés l'augmentation de la température, il faut impérativement que nous passions le pic de CO2 dans les vingt ans à venir. Cela exige la mobilisation de tous et des changements de comportement dans tous les domaines, en particulier bien sûr le commerce. Or, force est de constater sur ce point une sorte de schizophrénie du Gouvernement. Nous allons prochainement discuter du Grenelle de l'environnement, et dans le présent projet, on fait comme si rien n'avait changé et on continue de raisonner avec les outils du XXe siècle.

On ignore dans la réflexion sur le commerce le concept de développement durable avec ses trois composantes, économique, sociale et environnementale. Si l’on traite bien des deux premières avec les prix et le pouvoir d'achat, on oublie la troisième. Les choix proposés auront pourtant des conséquences sur les dépenses énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre.

En négligeant cette approche environnementale, on oublie aussi qu’on peut augmenter le pouvoir d'achat des Français en diminuant leur facture énergétique en fonction de la façon dont le commerce est organisé, ou en amenant les fournisseurs à concevoir des produits plus économes en carbone. Deux exemples. Dans les propositions concernant les négociations entre fournisseurs et distributeurs, il n’y a aucune incitation à étiqueter les produits sur leur bilan carbone. Cela serait pourtant essentiel, notamment pour pouvoir comparer les prix entre produits importés et produits fabriqués sur place. En attendant, cela sensibiliserait les consommateurs et aiderait à leur mobilisation. D'ailleurs, selon une étude réalisée en février 2008, 61 % de nos concitoyens souhaitent voir figurer sur les étiquettes des produits des informations concernant leur impact environnemental. En effet, nous ne pourrons changer nos comportements que si nous sommes informés – c'est le but de l'étiquetage déjà mis en place pour les appareils ménagers, les véhicules et les logements.

Cela est prévu dans la loi Grenelle 1, mais pourquoi attendre ? Montrons que nous avons compris que le commerce du 21e siècle devra s'inscrire dans une nouvelle démarche et favorisons dans l'acte d'achat une analyse dans la perspective du développement durable. A côté de la dimension économique, commence à se développer une approche sociale avec le commerce équitable et une campagne comme « De l’éthique sur l'étiquette », mais manque encore la dimension environnementale pour que le consommateur puisse faire son choix en citoyen parfaitement éclairé et responsable.

Autre exemple : l'urbanisme commercial n’est abordé que sous l’angle des seuils d'autorisation. Certains prônent ainsi déjà la libre installation des hypermarchés, alors que ceux-ci sont la plupart du temps situés en périphérie des villes compte tenu des surfaces nécessaires. C’est inciter les consommateurs à prendre leur voiture pour aller faire leurs courses, alors que le peak oil est proche, sinon déjà atteint, et que le pétrole restera désormais à un prix élevé. Une étude de l'ADEME a pourtant montré que la dépense énergétique était dix fois plus importante pour des courses effectuées dans un hypermarché, que pour celles faites dans un commerce de proximité, l'e-commerce se situant entre les deux, pénalisé à cause des livraisons individualisées.

Même si la succession des lois actuelles sur le commerce n'est pas satisfaisante, la régulation des ouvertures d'hypermarchés les a amenés à développer des commerces de proximité, et l'e-commerce. Plutôt que d’encourager la création des grandes et moyennes surfaces qui drainent les automobilistes vers les marchandises, il faut rapprocher les marchandises des consommateurs. Pour « moderniser l'économie », donc le commerce, en tenant compte de la contrainte énergétique, il faut développer les magasins de proximité et soutenir l'e-commerce, dont les circuits de distribution peuvent être optimisés justement en s'appuyant sur les magasins de proximité.

L’application de ces principes ne peut se faire qu'au plus près du terrain. Dans la suite du Grenelle de l'environnement, les collectivités locales devront établir un « plan climat territorial ». Les déplacements en sont un élément essentiel. C’est donc dans les schémas de cohérence territoriale que ces questions doivent être traitées. C’est en liant le global et le local, le changement climatique et les SCOT, que nous pourrons véritablement moderniser l'économie (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Dominique Caillaud – J’interviendrai sur deux des aspects positifs de ce projet, la concurrence dans l'agroalimentaire et l'accès au très haut débit. Que de nombreux collègues aient traité de ce dernier point montre son importance pour nos territoires.

Face au pilonnage médiatique des groupes de distribution, les entreprises régionales moyennes, souvent familiales, du secteur très dynamique de l'agroalimentaire ont le sentiment d'être les boucs émissaires injustement désignés comme responsables de la hausse des prix. En réalité, leur taille les dessert dans le rapport de forces avec les grandes centrales d'achat qui rognent leurs marges et, par là même, leur capacité à maintenir recherche, innovation et investissement.

Pourtant ces capacités sont essentielles pour nos territoires ruraux. Qu’elles soient stérilisées ou transférées à de grands groupes, et c’est l’avenir de nos pays qui est compromis. Les amendements assurant un meilleur équilibre entre les partenaires sont donc très attendus. Et ces entreprises productrices de valeur ajoutée n’ont pas peur de la transparence souhaitée sur les marges.

J’en viens à mon second thème, l'accès au très haut débit. Le texte prend en compte l’urgence de doter notre pays des infrastructures et réseaux nécessaires. Il est légitime de vouloir le très haut débit pour tous. Mais dans une première étape, on doit assurer d’une part le très haut débit pour des utilisateurs d'intérêt public comme les hôpitaux, les universités ou des entreprises de haute technologie, sur des zones d'activités convenablement réparties, et d’autre part le haut débit pour chaque habitation individuelle et pour la majorité des PME. Selon la commission « Technologies de l'information et de la communication » de l’Association des maires de France, 150 mégabits pour le très haut débit, 50 mégabits pour les activités professionnelles et 20 mégabits pour l'habitation individuelle sont des niveaux satisfaisants. Néanmoins, on ne saurait désormais attendre 30 ans comme pour la construction du réseau électrique ; les réseaux doivent être réalisés dans les 5 ans, faute de quoi la fracture numérique s'aggravera irrémédiablement, au détriment des territoires ruraux, dont certains n’ont pas encore comblé tout leur retard en ce qui concerne la téléphonie mobile.

M. André Chassaigne – C’est tout à fait vrai.

M. Dominique Caillaud – Outre leur retard d’équipement, ces territoires sont aussi pénalisés par l’obligation de financer les infrastructures, dans la mesure où les opérateurs concentrent leurs investissements sur les agglomérations importantes. Avec beaucoup d'élus ruraux, je considère que la solidarité nationale devrait jouer pour réaliser ces équipements sur tout le territoire, comme ce fut le cas pour le réseau EDF et l'adduction d'eau.

La loi ne retient pas l’idée d'un fonds de mutualisation. Il faudra y revenir sous d'autres formes.

Mme Laure de La Raudière – Tout à fait.

M. Dominique Caillaud – Nombre de dispositions du texte facilitent notamment l’installation d'un réseau de fibres optiques. L’expérience montre que c’est le moyen le plus efficace pour atteindre nos objectifs pour la téléphonie, la télévision, les services internet dans les domaines de la santé, de la vidéosurveillance, de la formation. J'ai déposé des amendements pour identifier les infrastructures et les réseaux conducteurs, le contenant et le contenu, pour organiser la mutualisation des travaux et l'obligation de se raccorder, et étendre ces obligations à l'ensemble des partenaires, entreprises privées, communes, communautés, syndicats spécialisés.

Il faut aussi créer un droit d'inventaire de ce qui existe. L’information est aujourd'hui difficile d'accès et imprécise. Nous voulons qu’elle soit gratuite, transmissible sous forme numérique, et compatible avec nos systèmes d'information géographique de référence.

D’autre part, il faudrait transposer ce qui est envisagé concernant les immeubles de plus de 25 logements à l'ensemble de l'habitat neuf, tout au moins aux lotissements. En développant des contenus et des usages en même temps que nous construisons les infrastructures, nous ferons entrer la France dans la société numérique.

Pour que la loi atteigne pleinement ses objectifs, il faudra exercer un suivi et procéder à une évaluation régulière afin d’aménager les dispositifs et la réglementation au fil du temps. Ce texte nous aidera à y parvenir et, avec le groupe UMP, j'y contribuerai activement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Colette Langlade – Nous examinons ce projet dans un contexte économique plus que morose. De mars 2007 à mars 2008, l’inflation a été de 3,2 %. En mai, le moral des Français a diminué de 3 %pour atteindre son niveau le plus bas depuis longtemps. 67 % des Français jugent mauvaise la politique économique de votre Gouvernement. Enfin, selon une étude de la commission des finances, la défiscalisation des heures supplémentaires a échoué.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services – C’est une étude partisane.

Mme Colette Langlade – Le Président de la République impute cette situation aux blocages structurels et aux retards pris par les gouvernements précédents. Il a réuni des commissions dont les rapports prônent tous la dérégulation. Mais lui qui a été ministre à plusieurs reprises, que n’a-t-il agi à l’époque ?

Ce texte n’est-il qu’un effet d’annonce ? C’est le quatrième du genre, après la loi TEPA qui contribue à ce que nos concitoyens aient le moral en berne, la loi sur le développement de la concurrence et celle sur le pouvoir d’achat. Dans chaque cas, il s’agissait surtout de complaire à des groupes de pression.

Un an après votre arrivée, les déficits se sont creusés, les inégalités sont plus criantes. Ce texte fourre-tout n’a ni cohérence ni perspectives à long terme. Il favorise la grande distribution et le hard discount, et signe la fin du commerce de proximité. Les mesures relatives à l’action de groupe ne répondent pas aux attentes des consommateurs.

La pierre angulaire est donc la dérégulation, alors qu’au contraire il faudrait plus de réglementation pour relancer la croissance.

Selon Mme Lagarde, il s’agit d’obtenir 0,3 point de croissance et 50 000 emplois à partir de 2009 pour un coût d’environ 300 millions. C’est bien loin du point de croissance « à aller chercher avec les dents ».

M. François Brottes – Des dents de lait !

Mme Colette Langlade – Selon un rapport du conseil d’analyse économique de décembre 2007, et selon tous les économistes, pour favoriser la croissance, il faut investir dans l’économie de la connaissance et de la recherche. Le projet élude cet aspect.

Il met face à face les libéraux et les défenseurs du monde rural. Supprimer les autorisations d’installation pour les surfaces de moins de 1 000 m² favorisera la grande distribution et le hard discount. Rétablir la négociation pure et simple sur les prix entre grande distribution et fournisseurs déstabilisera les petits producteurs. La loi du plus fort l’emportera. Il faudrait plutôt protéger les fournisseurs en contractualisant ce type de relations. Plusieurs syndicats professionnels, la CGPME, la FNSEA, l’ANIA – Association nationale des industries alimentaires –, ont fait une pétition pour dire non à l’asphyxie des PME et à la suppression de milliers d’emplois. Selon Jean-René Buisson, président de l’ANIA, il est aberrant de dire que la LME aura un effet sur la baisse des prix. Les distributeurs peuvent tout à fait les diminuer sans cela.

Moderniser l’économie, c’est maintenir l’équilibre entre les formes de distribution, préserver une réelle concurrence entre les acteurs et la diversité de l’offre, mieux répartir les distributeurs, tout en respectant, au niveau départemental, un schéma de cohérence de développement commercial. Ce texte n’y prépare pas.

À quand une politique économique et industrielle durable qui permettra à la France d’affronter la concurrence mondiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Serge Grouard – En matière d’urbanisme commercial, je constate trois tendances, comme d’autres maires de grandes villes. Tout d’abord, les commissions d’équipement commercial fonctionnent mal, puisque 80 % des mètres carrés demandés sont finalement accordés. D’autre part, voici plusieurs décennies déjà que nous ne cessons de défigurer nos villes en tolérant la création à la va-comme-je-te-pousse de cubes commerciaux.

M. Michel Piron – C’est exact !

M. Serge Grouard – Enfin, cessons d’opposer les grandes surfaces aux petits commerces : les partisans des unes ne s’opposent pas forcément aux défenseurs des autres !

M. André Chassaigne – Facile à dire : les porteurs d’eau existent !

M. Serge Grouard – Il y a au cœur même de nos villes des surfaces de toutes tailles qui n’empêchent pas les uns et les autres de rester dynamiques.

M. André Chassaigne – Prouvez-le !

M. Serge Grouard – Aux grands maux les grands remèdes : puisque le système ne fonctionne pas, changeons-le ! Pour autant, comment imaginer que l’augmentation de la surface commerciale favorisera la concurrence et la baisse des prix, alors que l’expérience de ces dernières années prouve le contraire ? Les innombrables autorisations d’implantation n’ont pas empêché la concentration, ni la hausse des prix. Je crains plutôt que cette ouverture à la concurrence n’entraîne davantage d’implantations à la périphérie des villes aux dépens des centres-villes, qui en ont pourtant besoin. Enfin, il faut, pour restructurer nos villes, intégrer l’urbanisme commercial à la politique de la ville.

J’approuve la suppression du seuil de trois cents mètres carrés, qui a montré ses limites, mais pourquoi ne pas, dans la foulée, supprimer les commissions d’équipement commercial ? (« Très bien ! » sur certains bancs du groupe UMP). D’autre part, je propose d’intégrer l’urbanisme commercial au code de l’urbanisme.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Nous sommes d’accord !

M. Serge Grouard – Les maires et les groupements de communes pourront ainsi, via les SCOT et les PLU, conférer une valeur règlementaire, donc opposable, aux chartes de l’urbanisme commercial qui existent déjà dans certaines villes.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – C’est ce que nous allons faire !

M. Serge Grouard – Enfin, donnons aux maires et aux dirigeants d’EPCI la faculté de recours pendant la période de transition. En effet, en créant un nouveau seuil de 15 000 habitants, vous allez créer une distorsion de concurrence entre les villes et, ce faisant, nuire à l’atmosphère des relations entre territoires. C’est une mesure dont les effets pervers ont, me semble-t-il, été négligés. Supprimons-la au moins pour la période transitoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Lou Marcel – La relance de la croissance se fonde sur quatre piliers : l’innovation, la recherche, le développement des infrastructures et la formation.

L’économie française ne ressemble heureusement pas au modèle imaginé par les libéraux du XIXe siècle et rêvé par le Gouvernement. Hélas, laissés à eux-mêmes, les marchés créent la concentration et les monopoles au point d’anéantir toute compétition, pourtant censée stimuler la croissance.

Aujourd’hui, nos PME se heurtent à deux obstacles : une compétition débridée et une croissance molle. Il faut investir davantage dans les entreprises innovantes et exportatrices, à haute valeur ajoutée. Or, l’État n’accorde plus d’aides individuelles aux entreprises, même s’il en a la compétence. C’est pour compenser ce désengagement que la gauche, dans les nombreuses régions qu’elle gère, a fait du développement économique une priorité. Ainsi, la région Midi-Pyrénées a instauré un système d’aides individuelles et de contrats d’appui – une première nationale. Cependant, pour rétablir le goût d’entreprendre, l’impulsion doit venir de l’État et de l’Europe. Je regrette que ce projet, sous couvert de moderniser l’économie, ne soit qu’une illustration supplémentaire du dogme libéral servant à pallier les faiblesses des politiques publiques.

La réduction des délais de paiement à soixante jours est certes nécessaire, mais elle risque de poser problème dans certains secteurs d’activité. J’ajoute que les rapports de force entre distributeurs et fournisseurs changent du tout au tout selon que l’on a affaire à de grands groupes ou à de petits industriels.

Le statut de l’auto-entrepreneur, qui vise surtout les salariés et les retraités, n’est qu’une couche supplémentaire ajoutée au millefeuille du statut de l’entreprise. N’aurait-il pas mieux valu revaloriser les salaires et les pensions de retraite ? En outre, en dispensant l’auto-entrepreneur des formalités administratives et fiscales, vous créez une inéquité aux dépens des artisans et des commerçants de proximité, alors qu’ils détiennent 25 % des parts de marché dans le secteur alimentaire. Avec l’hôtellerie, ils rassemblent même 300 000 entreprises et près d’un million de salariés.

Par ailleurs, votre projet remet en question les seuils de déclenchement des droits des salariés dont celui à la formation professionnelle. Comment voulez-vous moderniser l’économie en asséchant ce dispositif, pourtant essentiel ?

M. Jean Gaubert – Très bien !

Mme Marie-Lou Marcel – La libéralisation des conditions générales de vente et la fin des marges arrière n’étant assorties d’aucune contrepartie, les rapports de force seront plus favorables encore aux enseignes de la grande distribution. La libre négociabilité des tarifs renforce, il est vrai, la transparence commerciale, mais elle affectera le monde agricole, les PME, les petits commerces. Et cessez de faire croire que la grande distribution est la clef du pouvoir d’achat !

Enfin, le relèvement du seuil d’autorisation d’implantation de trois cents à mille mètres carrés favorisera la création de surfaces commerciales en périphérie des villes et, ce faisant, multipliera le nombre de déplacements urbains – en dépit des objectifs du Grenelle de l’environnement. Au contraire, il faut privilégier une offre commerciale diversifiée et de proximité. Or, en soutenant ainsi les géants du bas coût, c’est vers une société à bas coût et des salariés à bas coût que l’on se dirige.

Au fond, ce projet de loi programme la mort des PME et du commerce de proximité, au profit de la grande distribution. Les centres-villes en seront dévastés.

L’entreprise du XXIe siècle ne doit pas se fonder sur le moins-disant social, mais sur la qualité des politiques d’embauche et la progression des salaires, l’évolution des carrières, la formation continue et les partenariats avec l’université, la qualité des relations sociales et la protection de l’environnement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Françoise Branget – Ce texte comporte des mesures pragmatiques qui simplifient le fonctionnement des PME. Aujourd’hui, l’entrepreneur doit payer des charges avant même d’avoir réalisé ses bénéfices. J’ai moi-même dû m’acquitter de cotisations sociales pour une entreprise que j’avais créée trois jours auparavant ! L’institution d’un régime libératoire permettra aux entrepreneurs de se concentrer sur leur activité.

Néanmoins, je crains que la suppression pure et simple du contrôle des comptes pour les petites sociétés par actions simplifiées ne leur fasse courir des risques financiers et comptables. Un tel contrôle permet une meilleure prévention des difficultés encourues par les entreprises.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – C’est vrai !

Mme Françoise Branget – C’est un passeport de confiance et un gage de pérennité pour l’entreprise. La disposition qui nous est soumise affecterait en outre gravement la profession de commissaire aux comptes. De nombreux emplois risquent d’être supprimés dans ce secteur d’activité.

J’en viens aux commerces de proximité, qui font battre depuis toujours le cœur de nos centres-ville. Si ces commerces cessent leur activité les uns après les autres, comment préserverons-nous la vie et l’attractivité de nos petites cités ? D’après une enquête récente, les autorisations délivrées par les CDEC en 2007 permettront à plus de 450 grandes surfaces alimentaires et à 1 000 magasins non alimentaires de s’installer en périphérie des villes, ce qui représente huit millions de mètres carrés supplémentaires…

Le relèvement du seuil d’autorisation ne fera qu’amplifier ce mouvement, alors que notre pays se couvre déjà de moyennes et de grandes surfaces au détriment du commerce de proximité, victime collatérale d’une telle évolution. À Besançon, par exemple, la superficie de la périphérie commerciale représente cinq fois celle du centre-ville, et il est pourtant envisagé d’aller encore plus loin !

En trente-cinq ans, le développement des grandes surfaces a occasionné la mort de 73 000 épiceries, de 42 000 boucheries et de 4 500 quincailleries, alors que la population de notre pays augmentait de 12 millions d’habitants. La crise est telle qu’une commune sur deux ne compte plus aujourd’hui le moindre commerce de proximité. La vie même de nombreux centre-ville en a souffert. Ces derniers ont été dévitalisés.

Comment accepter que l’on favorise les uns au détriment des autres ? La réforme doit être équitable, « donnant donnant ». C’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant à instaurer un fonds alimenté par une contribution assise sur les nouvelles surfaces commerciales. Ce fonds, qui pourrait être géré par les chambres consulaires ou les associations de commerçants, permettrait de faciliter l’installation des commerçants indépendants, et ainsi d’entretenir une véritable concurrence.

Chacun sait que la TACA, même réformée, alimente aujourd’hui les caisses de l’État sans servir à aider les commerçants (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste). Quant au FISAC, il n’a que partiellement atteint son objectif. Peu de commerçants ont pu en bénéficier.

M. Jean Gaubert – Où est passé l’argent ?

Mme Françoise Branget – Même en cas d’abondement supplémentaire dans les années à venir, ses effets resteront peu significatifs.

Je demande par ailleurs que les chambres consulaires puissent être saisies, au moins pour avis, de toute décision d’urbanisme commercial prise par les nouvelles CDAC. Mettons à profit leur connaissance des territoires et des entreprises !

Le monde change : les modes de consommation se sont diversifiés et l’apparition d’Internet a modifié l’acte d’achat. Si l’urbanisme commercial doit être repensé, il ne faut pas que ce soit au détriment du commerce de proximité.

Mme Sandrine Mazetier – Très bien !

Mme Françoise Branget – C’est lui qui insuffle la vie dans nos villes, c’est qui leur donne leurs saveurs, leurs couleurs, leurs parfums, c’est lui qui fait leur dynamisme (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. François Brottes – Un vent de révolte souffle à l’UMP.

M. Christian Paul – Les orateurs de mon groupe ont déjà largement passé ce texte au crible de nos critiques. Vous me permettrez donc de me concentrer sur un seul sujet. Il y a des révolutions à ne pas manquer : la société numérique a un besoin urgent de réseaux à très haut débit. Alors qu’un standard mondial semble se dégager, le 100 Mbit, la France reste pourtant en retard.

Bien qu’il ne présente pas que des qualités, le rapport Attali a parfaitement analysé la situation : notre pays est au 14e rang en Europe pour l'accès des ménages ; les entreprises investissent insuffisamment dans les TIC, comme le démontre un rapport du secrétariat d'État à l'évaluation des politiques publiques ; et nous avons déjà pris du retard dans le déploiement de la fibre optique.

Si nous sommes en retard, c’est que l’État reste en retrait. Il n'y a pas de plan pour le déploiement du THD dans cette loi, ni d’ailleurs dans tout autre texte. L’État n’investit pas un euro dans le déploiement du haut demain, pas plus que dans celui du très habit débit. Il n'y a pas de pilote dans l'avion !

Il est vrai que le comité pour la couverture numérique du territoire a été réuni ce matin, pour la première fois. Je m’en réjouis, mais il était temps ! Ce que nous souhaitons en tout cas, ce n’est pas un nouveau pilotage colbertiste, mais du collectif. Ce sont les collectivités locales qui investissent aujourd’hui dans le haut débit aux côtés des opérateurs privés.

À chaque fois que nous avons déployé un grand réseau stratégique - canaux, voies ferrées, électricité, téléphonie –, l'État a joué son rôle. Nous demandons qu’il fasse de même aujourd’hui. C’est parce que la puissance publique ne joue pas son rôle pour le moment que le déploiement du haut débit n’est pas encore achevé. Malgré le renfort des collectivités et l'ardeur du régulateur, l’ARCEP, l'État reste aux abonnés absents.

Pour le haut débit aujourd’hui, comme pour le très haut débit demain, on constate un surinvestissement des opérateurs privés dans les zones denses et un abandon des zones « blanches ». Dans ces conditions, l’article 29 de ce projet de loi nous semble bien timoré…

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services – Cet article a au moins le mérite d’exister !

M. Christian Paul – Il prévoit certes quelques règles utiles, mais elles ne suffiront pas. Ne manquons pas l’occasion de donner un élan aux projets existants ! Il faut en particulier que la mutualisation se fasse non seulement de manière verticale, dans les immeubles, mais aussi de façon horizontale jusqu’aux nœuds de raccordement.

Puissent nos débats nous permettre de vous faire partager quelques principes. En premier lieu, le marché ne peut pas tout. Même si nous parvenons à raccorder 4 millions de ménages et d’entreprises en 2012, la capacité et la volonté d'investir des opérateurs iront ensuite en s’atténuant. Que ferons-nous pour les utilisateurs restants ? La question ne doit pas être taboue.

Deuxième principe : il faut garantir une utilisation optimale des ressources numériques communes. Le dividende numérique doit être mis au service de l’économie : il faudra consacrer une part suffisante de cette manne au développement des réseaux hertziens et de l’Internet rapide.

M. François Brottes – Très bien !

M. Christian Paul – Ensuite, même si nous sommes parfois en désaccord sur le rôle de la concurrence, chacun doit reconnaître que s’il y a bien un domaine où elle peut servir l’intérêt général, ce sont les réseaux à haut débit. Il est regrettable que ce texte ne favorise pas suffisamment le développement des réseaux neutres, ouverts et mutualisés dont nous avons grand besoin.

M. Patrick Roy – Eh oui !

M. Christian Paul – Dernier principe : il nous faudrait aussi un fort engagement public en faveur de l'investissement privé dans les réseaux neutres et ouverts, en aval des noeuds de raccordement et jusqu'au sein des immeubles. Pour que notre pays ne soit pas coupé en deux dans quelques années, il est également indispensable d’opérer une véritable péréquation nationale. La France, ce n'est pas seulement Paris ou les Hauts-de-Seine !

M. Patrick Roy – C’est aussi le Nord !

M. Christian Paul – Veillons à ne pas laisser 15 millions de foyers et d'entreprises à l'écart du très haut débit. Il faudra enfin reconnaître la nécessité des réseaux d’initiative publique.

En visite à Paris, la semaine dernière, la commissaire européenne en charge de ces sujets, Mme Viviane Reding, a déclaré sans ambages que la France était un « petit pays » face à la mondialisation. Je le dis au Gouvernement : si nous ne faisons pas des choix courageux en faveur du haut débit, nous serons effectivement un petit pays au sein de la civilisation numérique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Béatrice Pavy – Ce texte a pour ambition de relancer la croissance, et je salue la volonté du Gouvernement de réformer notre pays en profondeur en réponse aux attentes de nos concitoyens.

Notre société évolue : de nouveaux modes de consommation se développent, la population augmente et les femmes sont devenues actives. Dans le même temps, la croissance mondiale ralentit et le prix du pétrole atteint des records. Il est donc urgent de faire évoluer notre législation grâce à des mesures qui sont courageuses, mais peu coûteuses, comme la ministre l’a rappelé. Pour qu’il y ait plus de croissance et plus de liberté dans notre pays, nous devons donner plus de souplesse à notre économie, tout en préservant les équilibres entre les territoires et les forces économiques.

Certaines dispositions de ce texte ont toutefois suscité des interrogations dont je dois me faire l’expression. Le titre I vise ainsi à encourager les PME en supprimant le recours obligatoire aux commissaires aux comptes pour les petites sociétés par actions simplifiées, de même que l’obligation de disposer d’un capital minimum et celle de publier chaque année les droits de vote.

Suivant en cela le même régime que les sociétés par actions, les SAS étaient jusqu’à présent dans l’obligation de faire systématiquement certifier leurs comptes. Avec ce projet de loi, cette règle ne s’appliquera plus en dessous de seuils fixés par décret. Structure juridique créée pour les entreprises à haut potentiel de développement, la SAS bénéficie déjà d'une grande liberté de fonctionnement. Or, en les faisant sortir du champ d'application de la certification des comptes, vous les ferez échapper à la procédure d'alerte, qui favorise la prévention des difficultés des entreprises, ainsi qu’à la procédure de révélation des faits délictueux. Alors que chacun s’accorde à reconnaître la nécessité du contrôle légal, alors que Mme la garde des sceaux, le 30 novembre 2007, lors des Assises de la compagnie nationale des commissaires aux comptes, s'est engagée à mener une politique active de sécurité financière et à maintenir le rôle des commissaires aux comptes, pivot de la transparence, cette évolution semble tout à fait paradoxale. Par ailleurs, alors que des dispositions relatives à la participation et à l'intéressement ont très récemment été mises en exergue par le Président de la République, cette mesure est totalement contraire à l'intérêt des salariés, qui doivent être assurés de la sincérité des comptes de leur entreprise. Enfin, l'application de ce dispositif pourrait entraîner la suppression de nombre de mandats et, dans la foulée, d'emplois de collaborateurs au sein des 18 000 cabinets de commissariat aux comptes.

Je souhaite donc que cette mesure soit examinée avec beaucoup d'attention, et qu'une large concertation ait lieu pour limiter ses effets pervers – qui pourraient conduire certains établissements financiers à ne plus faire confiance aux sociétés dont les comptes ne seraient plus certifiés.

M. Jean-Paul Charié – Ce sera fait.

Mme Béatrice Pavy – Ma seconde interrogation porte sur le seuil de déclenchement de la procédure d'autorisation pour l’installation des grandes surfaces. Le projet tend à faire davantage jouer une concurrence plus forte et plus saine, et la mesure proposée améliorera en effet le pouvoir d'achat, à condition que la concurrence soit loyale. Le texte prévoit de porter de 300 à 1 000 m² le seuil de déclenchement, et l’objectif est louable, mais je tiens à vous exposer mes craintes sur ce que pourraient être les retombées d'une telle mesure – une floraison de « maxidiscounts », sans qu'une pression notable s’exerce sur les grandes surfaces. Cela aurait de graves conséquences pour les commerces de proximité car les « maxidiscounts » sont leurs concurrents frontaux.

En conclusion, je suis favorable à l'ensemble des dispositions du projet mais je souhaite que la réforme veille au respect de l'équilibre entre toutes les formes de distribution pour assurer une concurrence réelle ; maintienne la diversité de l'offre ; fasse que les fournisseurs, et notamment les producteurs locaux, ne dépendent pas entièrement de la grande distribution pour la diffusion de leurs produits. J’espère que le débat permettra de dissiper ces craintes, et je vous remercie déjà, Madame la ministre, des progrès significatifs permis par ce texte (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Très bien !

Mme Pascale Got – Ce projet pourrait être véritablement ambitieux : faciliter la vie des PME, faire baisser les prix, fluidifier les financements, améliorer la croissance, qui peut être contre tout cela ? Ce serait la potion magique de l'économie réussie !

Ce texte fleuve a d'ailleurs mobilisé notre énergie à tous. Il le fallait pour bien en mesurer les subtilités, les chausse-trappes, les trompe-l'œil. De fait, même s’il comporte des progrès certains, qui devront être confortés par des amendements, il ne laisse pas d’inquiéter en raison des conséquences potentielles de certains de ses fondements idéologiques, et décevant par ses insuffisances. J'en citerai quelques-unes.

S’agissant des PME, on regrette l'absence de toute mesure ambitieuse destinée à accompagner leur croissance, exception faite d'une modeste réforme d'Ubi-France.

M. Patrick Roy – Eh oui !

Mme Pascale Got – Le nécessaire renforcement des liens entre recherche-développement et PME n'est pas abordé, non plus que l'amélioration des relations entre sous-traitance et donneurs d'ordre, et le problème récurrent de la sous-capitalisation des PME n'est pas suffisamment pris en compte. Madame la Ministre, on ne peut pas se contenter de ce que vous appelez « le succès de la mesure de déduction de l'ISF pour les sommes investies dans ces entreprises ». Il faut un accompagnement public volontariste plus ambitieux.

Autre grande absence : toute référence au système bancaire. Pourtant, nous le savons tous, les délais de paiement poseraient moins de problème si les entreprises disposaient de moyens supplémentaires en trésorerie et en fonds de roulement. La multiplication des fonds de garanties n'est pas la meilleure solution car elle dissimule et fait perdurer la faible prise de risque des banques dans l'accompagnement du développement économique.

Le projet prévoit également de faciliter l'accès des PME innovantes à la commande publique. C'est un progrès, mais il est insuffisant car toutes les PME et les TPE devraient être aidées pour accéder aux marchés publics. Le rapport Stoléru sur la définition d'un Small Business Act à l'échelle européenne vient à peine d'être remis ; ses recommandations et le texte que nous examinons aujourd'hui sont-ils réellement cohérents ? N'aurait il pas fallu attendre quelques mois pour examiner l'environnement juridique des PME à la lumière des futures dispositions européennes prises dans ce cadre ?

Enfin, il est louable de vouloir faciliter le développement de l’Internet à très haut débit, mais rien ne concerne sa généralisation dans les « zones blanches » en particulier en milieu rural ; en d‘autres termes, la fracture numérique perdurera.

Au delà de ces insuffisances, le projet est source d'inquiétudes. La multiplication des surfaces commerciales créera une concurrence plus forte sur les zones de chalandise, si bien que les prix baisseront, nous dit-on, usant d’un raisonnement d'un classicisme libéral absolu. Malheureusement, ce raisonnement théorique vaut uniquement quand il n’y a pas entente entre distributeurs ; l'expérience a montré tout autre chose.

Aux fonds de dotations, vous allouez l'objectif de lever de l'argent privé au bénéfice d'institutions telles que les universités, les grandes bibliothèques ou les hôpitaux. Ce dispositif est directement calqué sur le modèle en vigueur outre-Atlantique, et l’on connaît ses limites et ses dangers. Vous le savez, Madame la ministre, les financements privés bénéficient en priorité aux établissements les plus attrayants et les plus richement dotés, ce qui crée des déséquilibres entre établissements et entre territoires. La recherche de financements privés ne doit pas justifier le futur désengagement de l'État. De plus, la gestion de ces fonds pourra entraîner des pressions sur la gouvernance et de choix des investissements. Un décret du 7 avril vient d'instaurer les fondations universitaires, qui permettent de diversifier le financement des universités, tout en laissant aux établissements un contrôle étroit de la gestion et de l'utilisation des fonds. Ne serait-il pas préférable de laisser ce nouveau dispositif faire ses preuves avant d'en créer un autre, lourd de dérives potentielles ?

En réalité, la création de fonds de dotation dépasse largement le champ du mécénat. Elle met en cause notre manière de financer les missions d'intérêt général – par les ressources fiscales. L'association de généreux donateurs à l'utilisation des fonds conduira sans aucun doute à de nouveaux modes de détermination du « bien public », avec toutes les dérives possibles.

Ce projet n'est pas la potion magique dont notre économie a besoin. Même si certains progrès doivent être salués, sous réserve d'adaptations, le texte est trop lacunaire et trop risqué. Il pourrait se transformer en une potion amère (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. François Brottes – En fait, à M. Michel-Édouard Leclerc… (Sourires)

M. Frédéric Lefebvre – Je remercie Mme et MM. les ministres et nos rapporteurs pour le travail accompli en commission sur un texte qui s’attache à résoudre des problèmes concrets, connus de tous. L’audace du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), s’agissant notamment de la négociabilité et des marges arrière, met fin à des années de timidité sur tous les bancs. Le travail collectif a donc abouti à un texte équilibré.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – C’est exact.

M. Frédéric Lefebvre – Je salue les efforts du président de la commission des affaires économiques, qui s’est beaucoup investi dans le difficile dossier de l’urbanisme commercial. Bien que des voix maladroites se soient élevées pour dire qu’il serait risqué de laisser les élus juger de ces choses, je considère que nous parviendrons, par le dispositif soumis à notre examen, à mieux faire jouer la concurrence et par là même à faire baisser les prix au bénéfice du consommateur final. Cet objectif doit nous rassembler tous. Je souhaite donc que la même audace prévale lors de l’examen des amendements. Ainsi, il serait bon que les dispositions relatives aux loyers des petits commerces, qui ont fait l’objet d’un accord, prennent leur place dans la loi. J’espère que nous nous retrouverons sur ce point, puisque les petits commerçants n’ont pas de couleur politique (Mouvements divers sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. François Brottes – Disons plutôt qu’ils sont en train d’en changer…

M. Frédéric Lefebvre – Dans ce cas, je ne doute pas que vous voterez l’amendement…

S’agissant des stock options, vous avez dit ne pas vouloir les supprimer mais en étendre le bénéfice à un plus grand nombre de salariés. Pour les sociétés non cotées, il existe des bons de souscription de parts de créateurs, dont la distribution est aujourd’hui très encadrée. Je proposerai de l’élargir, et j’espère que vous me suivrez, puisqu’il s’agit de renforcer la part des bénéfices des entreprises qui revient aux salariés (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Certes, il faut aussi augmenter les salaires ; nous en sommes tellement convaincus que nous n’avons pas, contrairement à d’autres, imaginé les 35 heures, ce dispositif qui a abouti à une baisse des salaires ! (Protestations sur les mêmes bancs)

M. François Brottes – Et surtout à la création de 400 000 emplois !

M. Frédéric Lefebvre – Merci, Monsieur Brottes, de me donner l’occasion de rappeler que les salaires des ouvriers ont diminué de 1 % en 1999 et en 2000 ! Nous avons au contraire choisi de les revaloriser grâce aux heures supplémentaires. J’espère que nous avancerons de même sur la conditionnalité des exonérations de charges.

En outre, si le texte s’efforce d’accroître la concurrence et les pouvoirs de l’autorité de surveillance qui en est chargée, nul n’est mieux placé que le consommateur pour surveiller la concurrence ; j’espère donc que nous progresserons en matière de class action à la française, ou d’action de groupe (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean Gaubert – Eh oui !

M. Frédéric Lefebvre – MM. Dionis du Séjour et Montebourg, M. le rapporteur et moi-même avons fait plusieurs propositions en ce sens. Je souhaite que le Gouvernement accepte de travailler avec nous à une véritable réforme, en réservant un accueil favorable à l’un de nos amendements à un texte que M. Chatel avait présenté comme l’occasion de traiter cette question…

M. François Brottes – En effet !

M. Frédéric Lefebvre – À défaut, il devra s’engager clairement…

M. François Brottes – Une fois de plus !

M. Frédéric Lefebvre – …sur un autre texte et en désignant un groupe de travail…

M. François Brottes – On enterre ! Voyez ce qu’en disait Clemenceau…

M. Frédéric Lefebvre – Ce groupe réunirait M. Montebourg, M. Dionis du Séjour et moi-même afin que tous les groupes parlementaires soient assurés de voir ces questions essentielles résolues de manière consensuelle…

M. Jean Gaubert – M. Chatel avait fait une excellente proposition…

M. Patrick Roy – Et même une promesse !

M. Frédéric Lefebvre – …comme le souhaitent les consommateurs français. Nous espérons donc que vous ferez droit aux propositions de la majorité, mais aussi de l’opposition, avec la même audace que celle dont la majorité a fait preuve face à un texte lui-même audacieux (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Bravo !

Mme Annick Le Loch – La sémantique gouvernementale use beaucoup, ces derniers temps, du terme de « modernisation » : après le marché du travail et les institutions, on entreprend de moderniser l'économie. Mais il ne suffit pas d’employer ce beau vocable pour convaincre nos concitoyens. De fait, ce texte n’entraînera aucune modernisation, d’abord parce qu’il s’ajoute à un empilement de textes législatifs dont les effets ne sont toujours pas connus – ainsi de la loi Chatel –, exposant ainsi les entrepreneurs à l’insécurité juridique ; ensuite, parce qu’il réunit des dispositions extrêmement disparates qui en compliquent considérablement la lecture, créant un maquis juridique dans lequel les citoyens risquent de s’égarer.

Par souci de clarté et d'efficacité, j’extrairai de cet assemblage opaque les dispositions relatives à l'équipement commercial. Pourquoi le Gouvernement, en portant à 1000 mètres carrés le seuil de déclenchement de l’autorisation d’implantation, facilite-t-il l’implantation de grandes surfaces ? La Commission européenne oblige certes la France à modifier sa réglementation – en supprimant toutes les obligations s’apparentant à des tests économiques et en modifiant la composition des commissions chargées de délivrer les autorisations, afin d’en exclure les opérateurs concurrents –, mais non à la saborder !

Chaque jour, des élus locaux de toutes tendances politiques s’efforcent de redonner vie aux centres-ville et aux centres-bourg et de préserver dans leurs villages une animation commerciale qui y assure le lien social. Mais le Gouvernement, enfermé dans une conception simpliste des relations commerciales, sourd aux enjeux d'aménagement du territoire, oubliant le Grenelle de l'environnement, entend encourager les projets commerciaux en périphérie, c’est-à-dire hors des villes, loin de leurs habitants, abstraction faite des besoins spécifiques de certains d’entre eux, les personnes âgées par exemple. Halte-là : nous sommes déjà allés trop loin !

On invoque le pouvoir d'achat des Français, on prétend que le consommateur aura tout à gagner d'une plus grande concurrence ; mais quel sera le bilan social des magasins « hard discount » ? D’un côté, des prix cassés pour le consommateur et des produits de moindre qualité ; de l’autre, en interne, des salaires eux-mêmes cassés, ce qui donnera naissance à des salariés à temps partiel percevant un revenu inférieur au SMIC et entraînera la disparition programmée de plusieurs commerces indépendants ! En outre, qu’adviendra-t-il des relations commerciales, des commerces de proximité, du commerce de centres-bourg auxquels beaucoup d’entre nous sont attachés ?

En somme, votre texte fragilise au lieu de renforcer. Vous prétendez introduire une plus grande concurrence dans les relations commerciales, mais – en particulier à l'article 21 – vous confortez les distributeurs dans leur position dominante et étranglez encore un peu plus leurs fournisseurs. D'un côté, vous défendez l’instauration de nouvelles règles en matière d'urbanisme commercial ; de l'autre, vous mettez sous perfusion les commerces de proximité en vous défaussant sur le FISAC. Mais qu’en est-il aujourd’hui de ses fonds, qui représentaient 120 des quelques 640 millions perçus au titre de la TACA, et où vont les montants restants ? Comment soutenir ces commerces de proximité qui fondent notre qualité de vie ?

À cette fin, nous défendrons par voie d’amendements l’équilibre territorial, l'offre commerciale et les bassins de vie, en nous fondant notamment sur les schémas d'organisation existants, tels les SCOT. En effet, on ne saurait continuer d’organiser une course aux mètres carrés tout en réservant au commerce de centre-ville une mort à petit feu…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Très bien ! Nous sommes d’accord !

Mme Annick Le Loch – …en se contentant de réparer les dégâts que l'on a soi-même contribué à créer. Cette politique est incohérente et dangereuse.

Madame la ministre, lors d’une table ronde réunissant tous les acteurs du tissu économique local que j'ai organisée il y a quelques jours dans ma circonscription, un gérant d'un petit supermarché établi dans l'extrême ouest de la Cornouaille m’a confié que le texte lui paraissait remettre en cause son métier...

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – C’est sûr !

Mme Annick Le Loch – … et qu’il jugeait menacés la pérennité de son activité et l'emploi de ses quinze salariés. De fait, en changeant trop souvent les règles, on empêche l’activité commerciale de se développer de manière sereine, claire et prévisible.

En outre, les patrons de PME de l'agro-alimentaire sont restés silencieux, préférant s’entretenir avec moi quelques jours plus tard, en l’absence des représentants de la grande distribution, dont ils craignaient les représailles…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Cela ne m’étonne pas !

Mme Annick Le Loch – …ce qui témoigne de la pression exercée sur les fournisseurs et du caractère inégalitaire de l’affrontement qui les oppose à la grande distribution.

M. François Brottes – Très bien !

Mme Annick Le Loch – En outre, votre texte ne dit presque rien du développement des petits commerçants. Or, afin d’accompagner le petit commerce, il faudrait traiter plus sérieusement la question du financement de la formation des salariés et de l'apprentissage. Le petit commerce, c'est avant tout l'expression d'un savoir-faire ; il faut se battre chaque jour pour le faire savoir. Mais, pour peu qu'on lui donne les moyens de se développer, il peut ressusciter la confiance du consommateur dans un juste équilibre entre qualité et prix.

Enfin, en mettant en péril le commerce de proximité, vous creusez le déséquilibre de notre offre commerciale. En dix ans, 177 boucheries-charcuteries ont fermé dans le Finistère, non seulement faute de repreneurs, mais aussi parce que les consommateurs se tournent de plus en plus vers la grande distribution. L’érosion du commerce traditionnel serait-elle une fatalité aux yeux du Gouvernement ?

En somme, sous couvert d’une libéralisation vertueuse, vous vous contentez d’un jeu concurrentiel bancal et inabouti, dont je doute fort qu’il profite au pouvoir d’achat des Français et à notre économie (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Michel Fourgous – 0,3 % de PIB supplémentaire…

M. Daniel Paul – Pas sûr !

M. Jean-Michel Fourgous – …50 000 nouveaux emplois…

M. Daniel Paul – Pas sûr !

M. Jean-Michel Fourgous – …et davantage d’entreprises…

M. Jean Grellier – C’est beau, la foi !

M. Jean-Michel Fourgous – …alors même que le pays en compte déjà 322 000, chiffre historique dont même les socialistes ne peuvent que se féliciter. Augmenter la croissance, la concurrence, la confiance, le pouvoir d’achat et réduire les prix de 0,5 % par an (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : cette voie est assurément la bonne. Mes chers collègues, le taux de chômage est tombé à 7,5% : n’y a-t-il pas lieu de saluer ce bon résultat ? (Même mouvement)

Je me réjouis du forfait social et fiscal destiné aux entrepreneurs individuels ; de la baisse des délais de paiement, car les entreprises ne peuvent continuer de se faire mutuellement crédit, comme le savent bien les entrepreneurs ici présents ; de l’allègement de la procédure de transmission d’entreprise, appelée à concerner 1 600 000 entreprises (Rires sur les bancs du groupe SRC). Vous savez ricaner, ironiser et dialectiser, mais vous n’avez guère d’expérience de la création de richesses… (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean Gaubert – Qu’en savez-vous ?

M. Patrick Roy – Et vous, Monsieur Fourgous, que savez-vous de la souffrance des Français !

M. Jean-Michel Fourgous – Sans quoi vous formuleriez des propositions concrètes destinées à nos entrepreneurs. Ceux-ci apprécieront en tout cas vos railleries !

Je me réjouis également des dispositions relatives au livret A (Rires sur les bancs du groupe SRC). Une oratrice a parlé de sémantique, mais mieux vaut « pragmatiser » que « dialectiser » ! (Même mouvement)

M. Michel Piron – Monsieur Hegel, au secours !

M. Jean-Yves Le Déaut – Abondance de biens ne nuit pas ! (Rires sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-Michel Fourgous – À ce propos, comment peut-on affirmer que libéralisme et socialisme sont inconciliables, puis déclarer, quelques mois plus tard qu’ils sont indissociables ? Si un président de la République se fondait sur ces glissements sémantiques, qui traduisent moins des convictions économiques qu’une stratégie marketing, pour faire des lois, on pourrait s’inquiéter !

MM. François Brottes et M. Jean Grellier – C’est le Parlement qui fait la loi !

M. Jean-Michel Fourgous – Toutefois, Madame la ministre, ce texte comporte quelques défauts (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC). Puisque le Gouvernement cherche à juste titre à augmenter le PIB (Rires sur les bancs du groupe SRC), il devrait se méfier de l’amendement voté par la commission à propos des class-actions, lesquelles ont fait perdre aux États-Unis 1,5 % de leur PIB ! (Même mouvement) Dans un contexte de crise économique mondiale, cet amendement profitera-t-il à la croissance et à l’emploi ? Qu’apportera l’action de groupe dans un pays déjà excessivement réglementé et judiciarisé ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. François Brottes – Quelle franchise !

M. Jean-Michel Fourgous – Puisque nous appelons tous de nos vœux des études d’impact, demandons l’évaluation préalable d’un dispositif qui ne saurait être adopté à la légère dans un pays qui a trop souffert des trente-cinq heures (Même mouvement). Après avoir monté les salariés contre les patrons, ne montons pas les consommateurs contre les entreprises !

M. François Brottes – Nous savions que vous ne nous décevriez pas…

M. Jean-Michel Fourgous – Cette mesure – qui ne figure certes pas dans le texte original – risquerait d’accroître une méfiance que le parti socialiste s’est fait un devoir d’entretenir, contrairement à ce qui prévaut dans d’autres pays européens !

Parce que nous devons d’abord aider les entreprises à se développer et à accroître leur rentabilité afin de faire face à la mondialisation, je soutiens l’amendement relatif à l’« avantage Madelin », qui porte à 200 000 euros le soutien à l’investissement productif – mais on est encore loin de l’Angleterre, où cet avantage s’élève à 800 000 euros.

Nous aimerions d’ailleurs savoir qui définit la doctrine fiscale en France, Madame la ministre. Pourquoi nous demande-t-on toujours de plafonner les avantages fiscaux ?

Afin de soutenir les entreprises innovantes, j'ai également déposé plusieurs amendements qui apportent plus de transparence dans l’éligibilité au crédit d'impôt recherche. Les entreprises doivent pouvoir engager un dialogue en confiance avec le ministère de la recherche.

Il est bon de moderniser l'économie, mais cela ne pourra se faire sans moderniser aussi la culture de nos administrations : elles doivent comprendre les mécanismes de l'économie concurrentielle.

À l’ère de la mondialisation, nous devons jouer en attaque et non en défense « Encore ! » sur les bancs du groupe SRC). J'aime bien cette anecdote que raconte un journaliste du New York Times : « Autrefois, ma mère me disait : finis ta soupe, il y a des Chinois qui meurent de faim ; aujourd'hui, je dis à mon fils : finis tes devoirs, il y a des Chinois qui veulent ton boulot. » (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC)

M. Daniel Paul – Ça vole bas !

M. Jean-Yves Le Déaut – C’est les Jeux olympiques !

M. Jean-Michel Fourgous – Le premier talent, c'est de ne pas complexifier ni judiciariser la vie économique. Nous comptons sur vous, Madame la ministre, pour que ce texte crée de la confiance et non de la défiance dans notre économie (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. le Président – Je vous indique qu’à la demande de la commission, nous lèverons la séance à 19 heures.

Mme Sandrine Mazetier – Que les choses soient claires, nous n'avons pas la moindre nostalgie des lois Royer, Galland et Raffarin : elles n'ont permis ni d'éviter les monopoles locaux de la grande distribution, ni de protéger nos concitoyens de la flambée des prix. Mais nous n'éprouvons pas non plus la détestation de tout ce qui peut s'apparenter au contrôle et à la maîtrise par les élus des mutations économiques, dont ce projet porte le sceau.

Nous ne partageons pas davantage l'enthousiasme du rapporteur, qui voit dans ce texte l'avènement de la concurrence loyale. Nous ne croyons pas que la concurrence puisse seule organiser le marché…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Cela va venir !

Mme Sandrine Mazetier – …garantir la diversité de ses acteurs et la qualité de son offre. Nous ne croyons pas que la société change toute seule. Nous portons même un regard sévère sur votre vision de la modernité de l’économie : non, il n’est pas moderne de livrer nos villes et nos campagnes au déploiement sans frein d'hypermarchés et de hard discounters ; non, il n'est pas moderne de condamner notre paysage commercial à la standardisation, nos cœurs de villes et de bourg à la désertification, nos périphéries à l'étalement sans fin, sans charme et sans saveur de zones d'activités inaccessibles sans véhicule.

Ce texte parachèvera un processus à l'œuvre partout dans le monde, la standardisation de tous les commerces, de l'alimentaire au jouet, de la restauration à la librairie. Ce sera l'avènement de cette « ville franchisée » que décrivait il y a quelques années David Mangin, à l'opposé de la ville passante et métissée que nous voulons.

Rien dans ce projet ne permet en effet, Madame la ministre, de fonder les autorisations d'ouverture de surface commerciale sur « des critères stricts en matière d'aménagement du territoire et de développement durable ». Vous n'avez retenu du rapport Attali que les propositions de dérégulation, parce qu'elles résonnaient agréablement à vos oreilles. Des paragraphes consacrés aux lois Galland, Royer et Raffarin, vous n’avez retenu que le titre « Une abrogation de ces lois sera positive pour la croissance » - et non l’objectif de favoriser un urbanisme commercial de qualité sous le contrôle des élus et de renforcer la capacité concurrentielle du commerce de détail.

Pour vous, les petits commerçants, restaurateurs, libraires ou magasins d'ameublement n'ont plus leur place dans la compétition économique. Au lieu de signer leur arrêt de mort, il faudrait accompagner leur modernisation, par exemple par l'accès à la formation ou au commerce en ligne. Aucun article de ce texte ne le fait, pas même ceux sur le numérique.

Vous ne voyez dans le commerce de proximité qu'une survivance du passé. Nous y voyons quant à nous un élément de modernité urbaine, sociétale et commerciale. Le commerce de proximité réduit les déplacements et met l'approvisionnement à la porte d'une population dont la moyenne d'âge ne cesse de croître.

Quant à votre réforme de la TACA censée réalimenter le FISAC, elle ne trompe personne, pas même dans les rangs de la majorité si j’en crois Mme Branget : 20 millions d'euros de plus pour 36 000 communes, cela fait 550 euros par commune ! Qui peut croire une seconde préempter un bail commercial à ce tarif ? En réalité, vous allez « muséifier » quelques commerces à Chaumont, à Rueil-Malmaison, voire à Pithiviers, monsieur le rapporteur, s'il reste un peu d'argent. Vous allez proposer à des entrepreneurs qui vivent du produit de leurs ventes de vivre désormais de la charité de leurs fossoyeurs !

La diversité commerciale est pourtant un élément essentiel de la qualité de vie et de l'attractivité de la France. Et de même que le modèle des grands magasins s'est inventé en France pour s'imposer partout, les organisateurs de nos petits marchés de produits frais exportent aujourd’hui leur savoir faire aux États-Unis. Ce sont eux qui défendent le mieux la marque France et sa modernité ! Votre loi les condamne. Elle n’est donc ni moderne, ni bonne pour l’économie, la croissance et l'emploi.

M. François Brottes – La messe est dite !

Mme Sandrine Mazetier – Moderniser notre économie exigeait de prendre en compte l'interdépendance de la micro- et de la macro-économie, le développement durable, le commerce équitable et les besoins nouveaux de nos sociétés.

Derrière la main invisible du marché qui vous est si chère, nous voyons s'avancer une main géante, hyper voyante, celle de quelques groupes de la grande distribution. Vous la voyez autant que nous. Acceptez donc nos amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Pierre Nicolas – Nous voulons tous construire pour nos concitoyens la meilleure politique sociale, mais nous savons aussi que nous ne la bâtirons pas sans un socle économique fort. Nous ne pouvons donc que nous réjouir des résultats que vient d'enregistrer notre pays, avec une croissance de 2,2 % en 2007 et de 0,6 % au premier trimestre 2008.

Entre 1998 et 2000, le taux de chômage était passé de 11,2 à 8,8 % avec une croissance moyenne de 3,5 %. Il était alors admis qu'il fallait au moins trois points de croissance pour infléchir sensiblement la courbe du chômage, tant le chômage structurel était important. Pourtant, nous réduisons aujourd’hui ce taux de chômage à moins de 7,8% avec une croissance beaucoup plus modeste. C’est encore trop, mais c’est la démonstration que ce sont bien les réformes structurelles du Gouvernement – transmission des entreprises, défiscalisation des heures supplémentaires – qui influent favorablement sur l'élasticité de la courbe du chômage.

Le pouvoir d'achat est la première et légitime priorité des Français, mais nous ne sommes pas maîtres de tous les paramètres. Ce texte est donc indispensable. Il doit bénéficier à tous les acteurs économiques : les entrepreneurs, les consommateurs qui attendent une vraie baisse des prix, les épargnants qui trouveront le livret A dans toutes les banques, les investisseurs étrangers qui bénéficieront de conditions attractives pour venir en France. Je me réjouis que ce projet soit fondé sur un libéralisme équilibré et que l'entreprise soit au cœur de vos préoccupations : c'est là que se créent les richesses, la croissance et les emplois.

La réforme est vertueuse. Il s'agit d’obtenir 0,3% de gain de croissance sur cinq ans afin de créer 50 000 emplois. Elle vise à faire passer un « grand souffle d'air porteur » sur l'économie française. Dans le contexte que nous connaissons, ne rien faire serait en effet condamner la France.

Permettez-moi cependant mettre l'accent sur deux points. Vous relevez le seuil d'autorisation préalable de 300 à 1 000 mètres carrés pour les nouvelles créations de surfaces de vente. Je suis réservé quant à cette hausse qui ne permet pas de trouver un équilibre avec l'existence des commerces de proximité dans nos centres-ville ou dans nos centres-bourg. Il me semble que nous ne devrions pas passer d'une relative rigidité à un excès de concurrence.

La concurrence entre grandes surfaces est une chose, la concurrence entre grandes surfaces et commerce de proximité en est une autre. Laissons les commerçants être les acteurs de leur développement. Je suis convaincu que nous pouvons améliorer le texte sur ce point tout en préservant son esprit. Le pouvoir d'achat, oui, mais pas au détriment de l'emploi. Pour une hôtesse de caisse à temps partiel recrutée, combien d'apprentis et de vendeurs licenciés dans le petit commerce ? Un équilibre pourra être trouvé dès lors que les schémas d’urbanisme intégreront l’urbanisme commercial.

Je salue enfin la réforme de la TACA, qui permettra d’augmenter le budget du FISAC, outil devenu incontournable pour le développement de nos commerces de proximité, ainsi que le projet de retenir parmi les nouvelles actions finançables la possibilité de compenser les pertes de recettes liées à des travaux urbains. Les municipalités qui améliorent le cadre de vie de leur centre-ville pour les redynamiser apprécieront ce nouvel outil qui répond à une réelle attente de nos commerçants.

Je me félicite que ce texte prenne en compte les réalités concrètes qui permettront de faire évoluer le trépied indispensable à l’exercice de la solidarité nationale : compétitivité, croissance et emploi.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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