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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 3 juin 2008

3ème séance
Séance de 21 heures 30
180ème séance de la session
Présidence de Mme Catherine Génisson, Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de modernisation de l’économie.

M. François Brottes – Rappel au Règlement sur le fondement du premier alinéa de l’article 58, relatif au déroulement de nos travaux. Le Gouvernement a déclaré l’urgence sur ce texte. Nous souhaitons savoir s’il entend bien la faire jouer. Il s’en est abstenu par exemple pour le projet sur les OGM, qui a donné lieu à une deuxième lecture. Il s’agit ici également d’un texte important, d’amples dimensions, et dont certaines dispositions renvoient à des ordonnances, ce qui justifie que le bicamérisme fonctionne pleinement.

En second lieu, le président de la commission des affaires économiques nous a indiqué que nous débattrions des articles dans l’ordre où ils se présentent dans le texte. Certains collègues suivront l‘ensemble des débats, mais d’autres tiennent à intervenir sur des domaines précis. Il est nécessaire qu’ils sachent dans quel ordre nous allons procéder pour pouvoir s’organiser.

Enfin, allons-nous commencer ce soir à examiner les amendements ou lèverons-nous la séance après le vote sur la motion de renvoi en commission ? Le président Ollier nous a indiqué que la commission devait encore examiner quelques centaines d’amendements demain. Dans ces conditions, il paraît difficile d’en débattre dès ce soir en séance publique.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Si la commission a tant d’amendements à examiner, c’est que des députés les ont déposés en nombre, et dans des délais qui la conduisent à se réunir en application de l’article 88 et de l’article 91. Je suis le premier à regretter qu’elle ait à tenir trois réunions dans ces conditions, dont une demain, pour examiner encore environ 150 amendements. Si ces amendements avaient été déposés dans les délais, nous n’en serions pas là. Ce n’est la faute ni de la commission, ni du Gouvernement, ni de la majorité. Mais nous gérons la situation dans la sérénité, comme d’habitude, et les réunions au titre des articles 88 et 91 se sont bien passées. La commission se réunira demain à 14 heures 30 pour examiner les amendements restants et permettre à l’opposition de les défendre en exerçant pleinement ses droits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente – S’agissant de votre dernier point, monsieur Brottes, il nous reste environ 50 minutes de discussion générale, puis nous entendrons la réponse des ministres, la motion de renvoi et les explications de vote. Il sera alors temps de faire le point. Il me semble toutefois qu’il sera difficile d’entamer l’examen des amendements à cette heure tardive.

M. François Brottes – Je demandais également si le Gouvernement a bien l’intention de faire débattre en urgence et si nous examinerons les articles dans l’ordre, afin que les collègues puissent s’organiser.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi S’agissant de l’urgence, il n’y a pas eu de demande particulière de la retirer. Compte tenu de l’importance des enjeux et des effets que nous escomptons pour l’économie, il y a tout intérêt à la maintenir.

Je ne souhaite pas modifier l’ordre d’examen des articles, sous la réserve suivante : je dois représenter la France au G7 à Osaka les 13 et 14 juin. Si les dispositions du titre IV devaient venir en discussion à ce moment-là, je serais amené à demander un aménagement de cet ordre.

Mme la Présidente - Nous poursuivons la discussion générale.

Mme Laure de La Raudière – J’interviendrai sur le titre III, consacré au développement du très haut débit et aux nouvelles technologies de l’information. Que nous soyons nombreux à le faire prouve qu’il y a là un enjeu majeur pour nos territoires. Nous savons tous en effet que le développement des services numériques peut apporter de 0,7 % à 1 % de croissance. Selon le rapport sur les technologies de l’information publié le 9 avril dernier par le Forum économique mondial, plus un pays est ouvert aux technologies de l’information et de la communication, plus son produit intérieur brut par habitant est élevé. Le phénomène ne peut que s’accentuer. Ce rapport classe la France à la 21e place. Notre taux d’équipement en ADSL est élevé, mais nous avons des progrès à faire pour l’accès au très haut débit et dans les usages des nouvelles technologies.

L’équipement des foyers et le développement des nouvelles technologies dans toutes les entreprises sont des facteurs essentiels de la croissance, de la modernisation de l’économie et de l’État.

Je salue donc la volonté du Gouvernement de développer le très haut débit, en particulier en fibre optique. Ce projet lève certains obstacles au câblage des immeubles et oblige à mutualiser les infrastructures verticales entre l’ensemble des opérateurs. Pour que cette mutualisation permette une concurrence réelle, il faut que le point de raccordement soit accessible aux opérateurs tiers dans des conditions économiques raisonnables, et donc qu’il soit situé en dehors des immeubles et du domaine privé.

Ce développement de la fibre optique est essentiel, mais il ne suffit pas. Le potentiel d’utilisation de ces nouvelles technologies est gigantesque ; santé, commerce, enseignement, travail, production, tout peut passer en ligne. Leur usage est aussi indispensable dans les zones rurales qu’en ville, et en réduisant l’utilisation des transports, elles participent pleinement à un développement économique durable.

Il nous faudra compléter le texte afin d’étendre le haut et le très haut débit à tous. Comment moderniser la santé, l’éducation et le travail quand les informations arrivent chez certains par une autoroute où circulent cent mégabits par seconde, et chez d’autres via un layon forestier à bas débit ? Comment éviterons-nous la fracture numérique si nous n’étendons pas le haut débit, qui couvre aujourd’hui 30 % du territoire, à l’ensemble de nos villes et de nos campagnes ?

Une meilleure utilisation des fréquences hertziennes y contribuera, de même que l’affectation aux télécommunications d’une partie des fréquences « en or » libérées par l’extinction de la télévision analogique.

L’enjeu est essentiel : il s’agit de définir un standard européen du très haut mobile – la 4G et, ainsi, d’effectuer d’importantes économies d’échelle. Tel est l’objet de plusieurs de mes amendements (« Excellents amendements ! » sur les bancs du groupe UMP), qui font écho au plan de développement de l’économie numérique pour 2012 que prépare actuellement M. Besson. Je suis convaincue que le Gouvernement saura saisir toute occasion de faire de la France une grande puissance numérique.

Enfin, je regrette que, sur des thèmes aussi cruciaux, nous n’ayons pu disposer des amendements de nos collègues socialistes assez tôt pour en débattre en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Vanneste – C’est normal : ils sont en retard d’un siècle !

M. Jean-Yves Le Déaut – La France n’est pas parvenue à équilibrer les relations commerciales entre fournisseurs, distributeurs et consommateurs. Aucune loi n’a permis de mettre un terme aux pratiques abusives, comme nous le rappelle le rapport Attali. Depuis trente ans, la grande distribution a connu un mouvement de concentration sans précédent. Aujourd’hui, cinq centrales d’achat contrôlent les rapports commerciaux que 75 000 entreprises et 300 000 agriculteurs entretiennent avec 60 millions de consommateurs. Or, cette concentration a créé peu d’emplois, et n’a pas fait baisser les prix. Les craintes des producteurs et des PME sont donc légitimes.

Las, le texte n’aborde même pas la question des centrales d’achat. Il faut pourtant en réguler le fonctionnement, car ce sont elles qui créent la rente. Songez par exemple que sur une part de comté à dix euros, le producteur laitier, l’affineur et le transporteur, qui auront traité le produit pendant plusieurs mois en en supportant toutes les charges, ne se partageront que 4,90 euros. Le reliquat, soit 5,10 euros, est empoché par la grande distribution, où le produit n’est pas resté plus de trois jours. Nous marchons sur la tête ! Et malgré cela, certains continuent de prétendre qu’une plus grande concurrence améliorera le pouvoir d’achat. Billevesées !

C’est ainsi que des pratiques inadmissibles se sont installées, à la frontière du racket. Et encore celles que l’on connaît ne sont-elles que la partie émergée de l’iceberg ! Je me souviens avoir rapporté en 2000, avec M. Besson, la loi sur les nouvelles régulations économiques.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services – C’était une mauvaise loi !

M. Jean-Yves Le Déaut – Pas du tout ! Cela étant, aujourd’hui comme hier, une bataille sans merci oppose la grande distribution aux multinationales de l’agro-alimentaire. Les premières victimes de ce combat de titans sont les PME et les consommateurs, captifs de la publicité télévisée et des méthodes employées par les enseignes de la grande distribution. Lorsque celles-ci prétendent avoir sélectionné les meilleurs produits aux prix les plus bas, c’est faux ! Le prix acquitté par le consommateur est toujours plus élevé qu’il ne devrait l’être – comme le prouve la hausse des prix dans l’agro-alimentaire.

S’il n’y a pas eu de baisse des prix, c’est parce que les gains de productivité ont, depuis trente ans, été engloutis par les marges arrière, grâce auxquelles se sont édifiés de véritables empires financiers, cependant que les bénéfices des petits producteurs ont fondu comme neige au soleil. Quant à ceux qui ont refusé les conditions léonines qui leur étaient proposées, leurs produits ont été écartés. L’essor des marques de distributeur illustre le règne de la loi du plus fort : la distribution impose ses prix, en dépit de toute variation du coût de l’énergie et des matières premières. Le consommateur finit toujours pas y perdre.

Que dire des délais de paiement, grâce auxquels certains distributeurs prêtent, à des taux exorbitants, le propre argent du fournisseur qui, de son côté, attend d’être payé pendant deux mois ? C’est ubuesque !

Certains se félicitent ouvertement, à la télévision, que votre texte soutienne la grande distribution. Avec M. Charié, en tant que rapporteur en 2000 de la mission sur l’évolution de la distribution, j’avais déjà proposé d’instaurer des règles de concurrence loyale en faisant appliquer la loi, en supprimant toute fausse coopération commerciale, en assurant la stabilité des engagements contractuels ou en redéfinissant les abus de la dépendance économique. Toutes ces questions restent d’actualité. Ce n’est pas en passant des marges arrière aux marges avant que vous les réglerez !

Une autorité de la concurrence réellement indépendante est indispensable. Elle doit pouvoir se saisir de toute question en matière de concurrence, imposer des pratiques uniformes sur les prix et les conditions de vente, vérifier la réalité de la coopération commerciale, qualifier les clauses abusives, les positions dominantes et les abus de dépendance économique, interdire les concentrations, faire cesser toute pratique litigieuse et attribuer des allocations de réparation aux parties lésées. Or, celle que vous créez ne pourra pas prendre de décision contraignante : c’est très insuffisant !

Vous devriez aussi profiter de ce texte pour faire du haut débit un service universel. La législation actuelle, qui emploie la formule de « débit suffisant », est hypocrite et indigne de la France.

Certes, votre texte comporte de bonnes mesures, mais il faut aller plus loin ! Une concurrence renforcée n’a aucun intérêt si elle crée des emplois précaires, si les distributeurs récoltent seuls les fruits de la croissance, si les agriculteurs et les petits producteurs sont affaiblis et si la qualité alimentaire des produits à bas coût diminue. Certains la souhaitent pour mettre fin aux situations de monopole, mais ne convient-il pas d’abord de faire cesser les abus des grandes marques ? Le droit de la concurrence doit être modifié en profondeur. Hélas, le projet est loin de servir cette ambition ! (Applaudissement sur les bancs du SRC).

M. François Brottes – Rappel au Règlement. Mme de La Raudière a déclaré que les amendements socialistes étaient arrivés trop tard pour être débattus en commission. C’est également le cas d’un plus grand nombre encore d’amendements issus de la majorité et, quoi qu’il en soit, tous les amendements ont été déposés avant l’expiration du délai règlementaire. J’ajoute que de nombreux députés de la majorité ont été associés très tôt à l’élaboration de ce texte – et c’est bien normal. L’opposition, quant à elle, découvrant les textes les uns après les autres, n’a pas toujours le temps d’élaborer ses amendements aussi vite que vous. En l’espèce, aucun amendement socialiste n’a été déposé en retard (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC).

M. Patrick Ollier, président de la commission – En effet, tous les amendements ont été déposés avant l’expiration du délai, c’est-à-dire lundi dernier à 17 heures, même si certains l’ont été juste avant. Le groupe socialiste a déposé environ cinq cents amendements, auxquels s’ajoutent ceux des groupes Nouveau Centre et GDR, ainsi que ceux de la majorité.

M. François Brottes – Plusieurs centaines !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Cette avalanche d’amendements a provoqué un embouteillage au service de la séance, qui les renvoie à la commission une fois achevée l’étude de leur recevabilité. Je suis donc contraint de convoquer la commission chaque jour pour les examiner au fur et à mesure, ce qui n’aurait pas été le cas s’ils avaient été déposés plus tôt. Voilà ce que souhaitait dire Mme de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière – Exact : j’exprimais un regret, et non un reproche !

M. Patrick Ollier, président de la commission – En effet, c’est un constat qui doit vous permettre, vous l’opposition, d’améliorer vos méthodes de travail (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. François Brottes – Nous venons encore à l’instant de découvrir certains amendements de M. Lefebvre !

Mme la Présidente – Revenons à la discussion générale.

M. Michel Piron – Les PME sont sans doute le maillon faible de notre économie, comme l’indique un récent rapport de M. Besson. Le titre I du projet est d’autant plus important, puisqu’il vise à leur simplifier la vie. Toute mesure qui facilite la création, le sauvetage, le développement ou la transmission des entreprises est bienvenue.

Le titre II pose davantage de problèmes. L’objectif est clair : garantir l’équilibre et la transparence de la négociation entre fournisseurs et distributeurs, en particulier pour ce qui concerne les marges et la décomposition des prix du côté des distributeurs – et on pense naturellement en premier lieu aux sept centrales d’achat. Sur ce point, les termes employés ne sont pas neutres. Nous sommes passés des « contreparties vérifiables », demandées par certains, à la notion d’« obligation ». Sachez que nous serons attentifs au choix sémantique final.

J’en viens à l’urbanisme commercial, dont le développement a donné lieu à la constitution de périphéries catastrophiques autour de nos villes. Si nous en sommes arrivés là, c’est parce que cette question est restée déconnectée du code de l’urbanisme en général, et en particulier des plans de déplacements et de la répartition des logements, des autres services et des équipements publics.

Les surfaces de plus de 2 500 mètres carrés représentent aujourd’hui 53 % des surfaces commerciales, record que nous partageons avec le Royaume-Uni. Nous sommes également le pays où les surfaces de moins de 400 mètres carrés sont les moins nombreuses – à peine 4 % du total. Il y a, en France, deux fois plus de mètres carrés d’espaces commerciaux pour 1 000 habitants qu’en Italie, et pourtant nous avons trois fois moins de points de vente que ce dernier pays.

Les surfaces commerciales sont immenses, mais ce n’est nullement un facteur de proximité et de diversité. Nous devons donc faire en sorte que l’attribution et la redistribution de ces surfaces ne favorisent pas de nouvelles concentrations, mais permettent au contraire de mieux diversifier l’offre. C’est l’intérêt de nos concitoyens.

À cet égard, je suis très sensible au fait que le Gouvernement ait accepté d’intégrer l’urbanisme commercial au code de l’urbanisme en général. C’est la seule façon de reconstruire des cités vivables et durables, conformément aux conclusions du Grenelle de l’environnement.

Mme la Présidente - Merci de bien vouloir conclure.

M. Michel Piron – Toutefois, pourquoi instaurer un seuil transitoire de 15 000 habitants au dessus duquel on pourrait faire tout et n’importe quoi ? J’observe également que la CDEC a été transformée en CDAC, ce qui met utilement l’accent sur la notion d’aménagement. Mais pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de cette logique ? Je propose de supprimer la CNEC et d’en revenir au droit commun, c’est-à-dire à la compétence du Conseil d’État comme juge d’appel.

Outre le renforcement de la concurrence, l’enjeu de ce texte est de savoir si nous allons être capables de rebâtir des cités compatibles avec davantage d’urbanité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente – Avant de donner la parole au prochain orateur inscrit, je précise que 1 480 amendements ont été déposés sur le texte : 7 par le Gouvernement, 146 par la commission des affaires économiques, 62 par la commission des finances, 49 par la commission des lois, 638 par le groupe UMP, 338 par le groupe SRC (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), 88 par le groupe Nouveau Centre, 139 par le groupe GDR et un par les non-inscrits.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Quelle inflation !

Mme la Présidente – J’ajoute que 70 amendements ont été retirés avant cette séance et que 91 ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40. Viendront donc en discussion 1 320 amendements.

M. Patrick Ollier, président de la commission C’est considérable !

M. Roland Muzeau – C’est l’UMP qui fait de l’obstruction ! (Sourires)

M. Lionel Tardy – Ce texte est d’une grande richesse et d’une rare densité. C’est pourquoi je regrette que l'urgence ait été déclarée. Il faudra sans doute de nombreux ajustements entre les positions adoptées par notre Assemblée et celles du Sénat.

En revanche, on ne peut qu’être satisfait de la manière exemplaire dont ce texte a été élaboré en amont : nous avons disposé d’éléments précis suffisamment tôt pour pouvoir travailler utilement. Les cabinets concernés et les services de Bercy ont répondu avec diligence à nos demandes. C'est un modèle à suivre…

Ce projet de loi est bien plus riche que certains ne veulent le faire croire. Le titre I, qui est le coeur de ce texte, va libérer les entrepreneurs en facilitant leur vie. Le chef d'entreprise a pour vocation de développer son activité, non de remplir de la paperasse et de se faire des cheveux blancs au sujet des multiples contrôles dont il peut faire l'objet.

L'autre aspect essentiel de cette réforme, c'est la diminution des délais de paiement, qui permettra de réinjecter dans notre économie 35 milliards d'euros, aujourd’hui utilisés pour financer le crédit interentreprises. Chacun sait que nos PME souffrent de leur faiblesse structurelle en fonds propres. Mais chacun sait également que la majorité des défaillances résulte d'un problème de trésorerie… Il est donc regrettable que les banques soient absentes de ce texte. Pour créer de la richesse, de la croissance et de l’emploi, nous avons besoin de PME saines et de chefs d'entreprises se consacrant pleinement à leur activité.

Une fois cette loi adoptée, le code de commerce sera plus court. C'est inédit, car la tendance est de renforcer sans cesse la réglementation. La démarche retenue par ce texte est la bonne. Les chefs d'entreprises demandent en effet qu’on les laisse tranquilles. Ne légiférons plus, ou bien le moins possible. Élaguons plutôt les réglementations complexes, dont le seul effet est de brider l'activité économique. Nous n’avons besoin que de l’essentiel, à savoir un cadre et des garde-fous. Rien n’est pire pour l’activité économique que l'instabilité et l'excès de réglementation !

Je suis d’un avis plus mitigé sur le titre II. Les réformes que vous proposez vont certes dans le bon sens, mais elles risquent d’être difficiles à appliquer. En matière de relations commerciales, par exemple, vous continuez de jouer au meccano au point qu’on en arrive à un mikado bien précaire. On risque de tout précipiter par terre en ôtant la moindre mesure ! La proposition de faire remonter sur la facture du fournisseur l'ensemble des services liés en est un parfait exemple. Je comprends l’intention politique, mais cette idée se heurte à de graves difficultés fiscales et comptables.

Quant à la réforme de l’urbanisme commercial, vous faites en revanche preuve d’une grande timidité. Sans aller jusqu'à démanteler le système actuel, comme le propose le rapport Attali, vous auriez mieux fait d’explorer des pistes nouvelles plutôt que de reconduire un dispositif qui n’a jamais donné satisfaction ni au petit commerce, ni au consommateur. J’espère que nos débats seront l’occasion de revenir sur la question de la non-concurrence dans les zones de chalandise.

Malgré ces réserves, ce projet de loi me semble largement positif. C'est maintenant à nous, parlementaires, de l'enrichir et de le faire évoluer. Plusieurs amendements intéressants ont d’ailleurs été déposés en commission. Je regrette toutefois le retrait de l'amendement sur l’action de groupe, qui avait été déposé par notre rapporteur, M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques – Ce n’est pas fait !

M. Lionel Tardy – Depuis 2006, l’action de groupe est devenue une véritable arlésienne… Nous avons eu tout le temps de travailler sur cette question. Le moment est maintenant venu de prendre nos responsabilités.

Je souhaite avant tout que nous puissions réaliser ensemble un travail de fond, et surtout un travail de qualité, ce qui nous évitera de revenir dans quelques mois sur des mesures qui auraient été mal ficelées. Au regard de la concertation qui a eu lieu, et de la qualité des travaux menés en commission des affaires économiques, sous la présidence de Patrick Ollier, ce texte est tout de même une grande avancée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Gaubert – On ne cesse pas de légiférer dans ce domaine – il y a eu les lois Raffarin, Galland, NRE, Dutreil, Chatel et maintenant Lagarde. Sans doute faudra-t-il d’ailleurs que nous examinions encore un nouveau texte, puisque l’instauration de l’action de groupe est encore reportée…

M. Jérôme Chartier, rapporteur – Attendez !

M. Jean Gaubert – Il faudra sans doute attendre les calendes !

En tout cas, la loi Chatel est à peine adoptée qu’on recommence déjà ! C’est bien la preuve que vous n’attendez pas beaucoup d’effets du texte adopté en décembre dernier…

Les difficultés actuelles résultent du déséquilibre criant entre les PME et la grande distribution. Ce n’est pas sur les marges des premières qu’il faudra gratter pour réduire les prix. Elles ne dépassent pas 0,6 % dans l’agroalimentaire ! « On ne plume pas un coq qui n’a plus de plumes », comme on dit chez moi.

La deuxième origine du déséquilibre, c’est la persistance de méthodes d’un autre âge, comme les pressions et les menaces évoquées tout à l’heure par notre collègue Annick Le Loch. Quand nous organisons des réunions, vous savez bien que les chefs d’entreprises nous demandent s’il y aura des journalistes dans la salle et si leurs propos seront cités. Ce que je sais du système, je le tiens d’un directeur commercial à la retraite. Un système pareil s’appelle un système mafieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Gaubert – Quoi, Messieurs ? Quand des victimes ne portent pas plainte parce qu’elles ont peur d’être tuées, non pas physiquement certes, mais économiquement, c’est bien d’un système mafieux qu’il s’agit, et qui doit être interdit !

Alors, que faire ? Commencez donc par interdire la rémunération du référencement, pratique abusive en soi, et encore davantage quand elle se passe à l’étranger. Il faut ne pas manquer de culot pour expliquer que le référencement doit se faire en Suisse parce que c’est là que sont les grandes centrales d’achat !

M. François Brottes – C’est tout bonnement scandaleux !

M. Jean Gaubert – D’autant plus scandaleux que le référencement ne sert à rien sinon à avoir le droit d’aller présenter ses produits ailleurs ! Supprimez le référencement : voilà une manière vite trouvée de faire baisser les prix de 2 % !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Je suis d’accord avec le constat, mais je ne partage pas vos conclusions.

M. Jean Gaubert – D’autre part, nous ne parlons pas de commerces mais bien de dépôts-ventes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). « Laissez-nous faire notre métier de commerçants !» nous dit-on à l’envi. Encore faudrait-il que ce fût du commerce, que l’on paye à l’achat et que l’on fasse son affaire des invendus ! Mais quelle est la pratique ? On se dit distributeur, mais l’on fait reprendre par le fournisseur ce que l’on n’a pas vendu – et on ne le paye qu’après avoir soi-même vendu ! Tout cela se fait au détriment du consommateur final et de l’industriel, et c’est sur l’industriel que vous tapez, laissant le distributeur faire son bénéfice ! Pour compléter le tableau, je rappelle au passage qu’un commerçant a pour habitude de payer ses salariés mais que, dans le cas qui nous occupe, une partie de l’effectif est payé par les fournisseurs !

Mme la Présidente - Il vous faut conclure.

M. Jean Gaubert – Je m’y emploie, Madame la Présidente, mais je ne peux le faire sans avoir dit quelques mots sur l’urbanisme commercial. La question de fond n’est pas de savoir si le seuil d’autorisation des nouvelles grandes surfaces passera de 300 mètres carrés à 400, 500 ou mille, mais de laisser les élus locaux définir des règles opposables et décider s’ils veulent sauver le petit commerce, en fonction d’un schéma de cohérence territorial réfléchi.

M. Patrick Ollier, président de la commission C’est ce que nous avons voté en commission tout à l’heure.

M. Jean Gaubert – Pas tout à fait, et nous devrons y revenir. Tout le problème est là : comme souvent, le Gouvernement et sa majorité, au lieu d’aller au terme d’une démarche, prennent des demi-mesures, dont il apparaîtra qu’elles sont insuffisantes ou inapplicables en l’état. C’est très dommage ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Mais non !

M. Olivier Carré – Depuis plus de trente ans, les règles qui régissent l'urbanisme commercial sont en fait une police de la concurrence, et ce mélange des genres a eu pour conséquence une inefficacité complète. Comme c’est le cas pour toute politique malthusienne, la fixation d’un seuil soumettant l’ouverture de grandes surfaces à autorisation a eu des effets pervers. En voulant protéger le petit commerce, on a en réalité renforcé la grande distribution ; en voulant éviter le mitage, on a favorisé l'étalement urbain. Du point de vue commercial, le client est perdant car s'il a l'abondance, il a de moins en moins le choix ; le fournisseur est perdant aussi car il est captif des centrales d'achat.

Il était donc grand temps que le bon sens et la transparence prévalent. Pour cela, la police de la concurrence doit être exercée par une autorité dotée des moyens nécessaires, et l'urbanisme commercial doit prendre toute sa place dans l'aménagement de nos territoires. C'est le sens du projet.

En de nombreux points du territoire, souvent pour des raisons historiques, il y a un seul distributeur dans une zone de chalandise donnée. Ce qui ne doit pas être, c’est que cet unique distributeur abuse de cette position dominante pour bloquer l'installation d'autres enseignes. L'autorité de la concurrence créée par le texte devra donc veiller strictement à la liberté d'implantation.

L'installation d'un commerce ou d'une zone commerciale est avant tout un acte d'urbanisme. Que seraient les grandes surfaces sans parkings ? Que sera la grande distribution avec un baril de pétrole à 200 dollars ? Le commerce est indissociable des politiques de déplacement, d'habitat, de développement économique et de préservation des espaces naturels. Les règles de l’urbanisme commercial doivent donc être débattues, édictées et votées par des assemblées légitimes, les communes ou leurs groupements. Elles doivent être énoncées dans un document clair et opposable aux tiers – certainement pas être établies au fil des avis rendus par les futures CDAC. J'appelle donc de mes vœux, au plus vite, l'élaboration de documents d'aménagement commercial intégrés aux schémas de cohérence territoriale et opposables aux tiers dans les PLU. Ainsi conciliera-t-on dynamique commerciale et développement harmonieux des territoires.

Mais si les élus doivent veiller à la forme du commerce dans une zone donnée, ils n'ont pas à trancher entre commerce de proximité et grandes surfaces. D’ailleurs, est-ce réellement un sujet de débat ? Le guide est le consommateur : il choisit, et notre rôle consiste à nous assurer qu'il conserve sa liberté de choix.

Les difficultés de nos petits commerces tiennent aux entraves qui obèrent la survie des très petites entreprises. Cela vaut notamment pour la reprise. Qui n'a entendu des artisans déplorer le manque de candidats à la reprise de leur commerce ? Les jeunes préfèrent souvent le confort des payes et des horaires réguliers du supermarché le plus proche car la création de richesse n'est pas bien valorisée par le statut de travailleur indépendant.

Le titre I du projet, en offrant à l'entreprise personnelle une bouffée d'oxygène…

M. Roland Muzeau – Plutôt de gaz carbonique !

M. Olivier Carré – …aidera considérablement artisans et commerçants à affronter la grande distribution, bien davantage que la fixation de seuils pour l’autorisation d’ouverture de grandes surfaces – une mesure qui n’est qu’un pis-aller.

Nos voisins soulignent souvent le paradoxe français : une formidable capacité à innover et, dans le même temps, le chic pour réglementer, normaliser, contraindre.

Le texte va dans le bon sens. Donnons de l'air à notre économie et ayons confiance en nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Fasquelle – Dans un conteste international difficile, les mesures courageuses adoptées par notre majorité font que l'économie française résiste mieux que d’autres. Nous devons, pour assurer notre avenir, poursuivre sans relâche dans la voie des réformes. Ce chemin n’est pas facile mais c'est le seul moyen de relancer durablement la croissance. Le projet, parce qu’il contribue à libérer les énergies et à favoriser la concurrence, s'inscrit dans cette démarche C'est une initiative heureuse, saluée comme telle par Bruxelles, à l'heure où certains, à gauche, découvrent enfin les vertus du libéralisme et de l'économie de marché.

M. Roland Muzeau – Pas nous !

M. Daniel Fasquelle – L'une des caractéristiques du texte est de proposer des mesures d'initiative et de liberté dans le cadre d'une économie régulée…

M. Roland Muzeau – C’est une arnaque !

M. Daniel Fasquelle – …pour relever plusieurs défis. Le premier est celui de la liberté des prix. L'interdiction actuelle des discriminations tarifaires ne permet pas de faire jouer pleinement la concurrence, ce dont le consommateur souffre. Suivant l'avis que le Président de la République avait demandé Mme Hagelsteen, ancienne présidente du Conseil de la concurrence, le projet instaure la libre négociabilité des prix tout en sanctionnant les éventuels abus dans la négociation par une réécriture partielle des articles pertinents du code du commerce. Ce progrès majeur complète utilement la loi de janvier 2008 relative au développement de la concurrence au service du consommateur. J’insiste toutefois sur la nécessité de procéder de manière réaliste et progressive, car l’application brutale de ces mesures perturberait gravement les relations professionnelles et la gestion de l'appareil productif français. Je soutiendrai donc les amendements en ce sens.

Le second défi consiste à faire évoluer les structures mêmes du marché en rétablissant la concurrence là où elle a disparu. Je souhaite qu’une attention particulière soit portée à ce point au cours de nos débats, en donnant les moyens à la nouvelle autorité de la concurrence d'agir efficacement.

Le troisième défi est celui de l'effectivité de l'intervention de l'Etat dans ce domaine car, en dépit de nombreuses réformes, les dispositions de code du commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence et à la transparence tarifaire sont trop souvent restées inappliquées, si bien que de nombreuses fautes ne sont pas sanctionnées, ou le sont insuffisamment. Le renforcement de la sévérité des amendes proposé par le texte est donc nécessaire ; il devrait s'assortir de critères relatifs à l'importance du gain réalisé et à la gravité de la faute, ce qui permettrait aux juges de prendre des décisions efficaces.

Le dernier défi est celui de l'équité. Il faut, certes, plus de liberté, mais aussi des mesures fortes pour préserver le commerce de proximité et pour soutenir les territoires qui en ont le plus besoin la : les territoires ruraux, certains territoires urbains mais aussi les territoires touristiques – le Touquet par exemple ! (Exclamations rieuses et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Il ne fallait pas moins de quatre ministres pour relever ces quatre défis et pour défendre une réforme que je soutiens, car elle répond aux besoins des Français ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Annick Girardin – Selon les termes employés en conseil des ministres le 28 avril dernier, cette loi contribuerait à la croissance, à l’emploi et au pouvoir d’achat. Qui s'opposerait à un tel programme, qui rappelle les promesses des candidats à l’élection présidentielle – en particulier celles, non tenues, du vainqueur, qui entendait être le président du pouvoir d’achat ?

M. Yanick Paternotte – Et Ségolène ?

Mme Annick Girardin – Pour que ce texte permette, plus d’un an après, de tenir ces engagements, encore faudrait-il prendre en considération la diversité du terrain, en prévoyant les conséquences qu’auront les dispositifs envisagés sur la vie de nos concitoyens, quel que soit leur territoire. De ce point de vue, le texte peut mieux faire, et nous pouvons l’améliorer ensemble par voie d’amendement.

En effet, pour maintenir le commerce de proximité et les petits commerces qui font vivre nos territoires, il faut prendre en considération les besoins spécifiques de ces derniers en matière d'emploi et d'activité économique. Tel est le sens des amendements déposés par les membres du groupe d’études sur la montagne, que préside M. Giraud, et soutenus par les députés radicaux de gauche. Ainsi, l'implantation des grandes surfaces n’ayant pas les mêmes conséquences en milieu rural ou montagnard et en agglomération, nous proposons de revenir au seuil de 300 mètres carrés lorsque la densité de population est particulièrement faible. En outre, l’implantation ne saurait faire fi des documents d'urbanisme, notamment des SCOT conçus par les élus.

D’autre part, pour moderniser l’économie, il faut prendre en considération la situation des travailleurs saisonniers et des pluriactifs du tourisme et de l’agriculture…

M. Michel Bouvard – Très bien !

Mme Annick Girardin – Faute d’une convention d’assurance chômage adaptée, ces forces vives de nos territoires ruraux ou d’outre-mer sombrent souvent dans la précarité au troisième contrat consécutif, alors même qu'ils ont cotisé ! L’un de nos amendements propose donc de renégocier sans tarder cette convention. Quelle est à cet égard la position du Gouvernement et de sa majorité ? Que proposez-vous afin de procéder à une véritable modernisation ?

L'adaptation s’impose également en montagne et en milieu rural, notamment dans les territoires les plus isolés, en particulier les collectivités d’outre-mer, pénalisées par leur isolement géographique. Je défendrai donc, avec de nombreux collègues d’outre-mer, un amendement visant à maintenir à 300 mètres carrés le seuil de déclenchement de la procédure d’autorisation puisque les contraintes démographiques et géographiques excluent l’installation de surfaces de plus de 1 000 mètres carrés dans certaines collectivités.

De même, le plafonnement légal des délais de paiement à 60 jours, qui ne tient pas compte de la durée de l’acheminement des marchandises vers Saint-Pierre et Miquelon, serait désastreux pour une économie locale déjà très fragilisée et pour le pouvoir d’achat des habitants de l’archipel, où le coût de la vie est bien plus élevé qu’en métropole. En somme, vous ajouteriez le handicap au handicap ! Je défendrai donc sur ce point également des amendements, dont j’espère que le Gouvernement les acceptera, comme d’autres amendements du groupe SRC ou des députés radicaux de gauche, car le texte doit être amélioré pour bénéficier à nos concitoyens sur tout le territoire de la République.

En somme, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, chers collègues de la majorité, moderniser et réformer ne revient pas à tout changer ; ce n’est pas en changeant tout que l’on fera mieux. La modernité n’est pas nouveauté, mais capacité à faire progresser toute la société. Or, eu égard à la panne dont souffre notre économie depuis cinq ans et à l’importante régression du pouvoir d'achat que subissent les Français depuis près d'un an, les voies de la modernité et de la réforme sur lesquelles vous entendez conduire notre pays nous laissent dubitatifs. À moins que vous ne jugiez, comme Tancrède, qu’il faut que tout change pour que rien ne change ? Si tel n’est pas le cas, prouvez-le nous, et travaillons d’emblée, dès le début de l’examen des articles, à améliorer concrètement ce texte ! Pour ma part, j’y suis prête (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Martial Saddier – J’évoquerai d’abord la réduction des délais de paiement, prévue à l'article 6. Le secteur français de la sous-traitance regroupe près de 34 000 entreprises et son chiffre d'affaires global s’élève à 74 milliards d'euros, plaçant la France au deuxième rang européen, après l’Allemagne. Or, en octobre 2005, la commission permanente de concertation pour l'industrie avait constaté notre retard en la matière : la France souffre de délais de paiement plus élevés que dans les autres pays européens – jusqu’à 150 jours dans certaines filières - et de retards de paiement fréquents.

Cette situation affecte surtout les TPE et les PME, dont les clients maintiennent, voire augmentent leurs délais de règlement, alors qu’elles règlent rapidement leurs fournisseurs. Ainsi assument-elles une part croissante du crédit interentreprises, au détriment de leur santé financière, de leur croissance et de leur développement. Les entreprises françaises consentent ainsi 600 milliards d'euros de crédit à leurs clients, soit plus de quatre fois la somme que les banques octroient aux entreprises au titre du crédit commercial. Le législateur doit donc intervenir pour réglementer sévèrement ces pratiques, comme nous l'avons déjà fait en matière de transports.

Ainsi, François Loos, alors ministre délégué à l'industrie, m'avait chargé en 2006 d’étudier une réduction des délais standards de paiement pratiqués dans les filières industrielles, en particulier dans la filière automobile. Se fondant sur mes propositions, la fédération des industries mécaniques, la fédération des industries des équipements pour véhicules et le comité des constructeurs français d'automobiles ont signé début 2007 un accord décisif permettant de réduire les délais de paiement dans le secteur automobile.

M. Roland Muzeau – Cet accord n’a jamais été appliqué !

M. Martial Saddier – Depuis 1980, aucun gouvernement n’avait osé s’attaquer à ce problème ! Les délais de paiement n’ont donc cessé d’augmenter, sans raison valable – sauf lorsque la saison le justifie. Intégrés à la relation commerciale entre donneurs d’ordre et clients, ils servent désormais de moyen de chantage.

M. Michel Bouvard – C’est vrai !

M. Martial Saddier – Ils nuisent à la transparence, à la cohérence des filières, à l’équité – notamment à l’égard des sous-traitants – et nous distinguent des autres pays d’Europe.

J’en ai fait part en juillet dernier à M. Novelli, avec lequel je m’entretenais à sa demande ; je le remercie de cet échange.

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. Martial Saddier – Je remercie également Mme la ministre d’avoir rendu hier après-midi hommage au travail que j’ai effectué dans le cadre de cette mission. Je me réjouis que le Gouvernement entreprenne courageusement de traiter ce problème ; mais je rappelle qu’il est difficile, voire impossible, pour une entreprise de dénoncer à la DGCCRF les pratiques anti-économiques de clients qui assurent dans une large mesure son chiffre d’affaires. J’ai donc proposé par voie d’amendement que le rapport annuel du commissaire aux comptes mentionne des indicateurs de performance en matière de délais et de retards de paiement.

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. Martial Saddier – Si ces dispositions ne sont pas respectées, les commissaires aux comptes pourront adresser leur rapport au tribunal de commerce compétent (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) : cet acteur extérieur à l'entreprise sera le mieux placé pour signaler les éventuels manquements. Je remercie le rapporteur d’avoir retenu cette proposition, qui figurait déjà dans mon rapport en 2006.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – C’est vrai ! Bravo !

M. Martial Saddier – Quant à l'équipement commercial, détaillé aux articles 27 et suivants, le président de l'association nationale des élus de la montagne que je suis le juge primordial dans les territoires, surtout ruraux, touristiques ou de montagne.

M. Patrick Ollier, président de la commission, et M. Michel Bouvard – Bravo !

M. Martial Saddier – En effet, l’escarpement du relief et les rigueurs climatiques compliquant les trajets en zone de montagne, il est essentiel d’y maintenir des commerces de proximité afin d’y ancrer les populations et de veiller à l'aménagement du territoire.

M. Michel Bouvard – Tout à fait !

M. Martial Saddier – Au-delà du débat relatif aux seuils, l'urbanisme commercial ne saurait être dissocié de l'urbanisme lui-même, délégué par l’État, au titre de la décentralisation, aux élus locaux – qu’il s’agisse des PLU pour les maires ou des SCOT pour les intercommunalités. Cette position est, me semble-t-il, unanimement partagée au sein de l’ANEM, deuxième association d’élus de France (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Ollier, président de la commissionTrès bien !

M. Louis Cosyns – Ce texte particulièrement ambitieux vise à soutenir durablement la croissance française dans un contexte international difficile. Si je souscris pleinement à nombre de ses dispositions, trois points me paraissent hautement problématiques.

Tout d’abord, si louable l’intention fût-elle, on ne saurait simplifier la vie des entreprises et des entrepreneurs au mépris de la réalité du terrain et au risque d’exposer les entrepreneurs à l’insécurité. De ce point de vue, le texte ne suffira pas à soutenir l'investissement des entrepreneurs qui souhaitent développer leur affaire et auxquels ni les banques – qui exigent des garanties s’élevant parfois à 180 % des prêts accordés – ni les fonds de cautionnement ou de garantie ne viennent en aide. Pour libérer l'envie d'entreprendre, il faut la soutenir financièrement ; or le texte ne va pas assez loin, même s’il s'agit moins de législation que d'état d'esprit.

En outre, la simplification n’a de sens que si elle constitue un avantage supplémentaire ; le risque d’insécurité juridique inhérent à l'article 14, sur lequel je reviendrai, montre que le mieux peut être l’ennemi du bien. Les nouvelles prérogatives accordées aux commissaires aux comptes n’y changeront rien. Je m'étonne du reste, Madame la Ministre, que vos services aient pu changer si radicalement de position en six mois !

Ensuite, la négociabilité met en péril une partie de notre industrie, en particulier le secteur agro-alimentaire. La mondialisation et la croissance de la demande en produits agro-alimentaires exigent que nous conservions notre appareil de production, son savoir-faire et ses produits, en particulier ceux qui bénéficient de labels de qualité, d'appellations d'origine contrôlée et d'indications géographiques particulières. Or ce secteur est confronté à de graves difficultés : en 2006, le résultat des PME agroalimentaires a été 3,7 fois inférieur, à chiffre d'affaires égal, aux résultats des grandes entreprises du secteur. Il a été vingt fois inférieur à celui de l'ensemble des entreprises françaises - tous secteurs confondus – en 2005. Le taux de mortalité des PME de l'agroalimentaire est 5,6 fois supérieur à celui de l'ensemble des entreprises. Nous devons en tenir compte : l'amélioration du pouvoir d'achat de nos compatriotes et la recherche de la croissance ne doivent pas se faire au détriment de l'emploi et des savoir-faire de nos PME locales. Or j’ai le sentiment que le texte est plus destiné à satisfaire les grands groupes de la distribution ou les grands groupes industriels…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Non !

M. Louis Cosyns – …qu'à protéger nos productions et notre indépendance alimentaires. La France n'a pas vocation à devenir un pays de produits standardisés : elle doit demeurer celui de la gastronomie et du « bien manger ». Il faut donc favoriser nos productions locales de qualité et nos petits industriels, ce qui s'inscrit pleinement dans l’objectif d'une consommation durable.

Enfin, les mesures touchant à l'urbanisme commercial ne sont pas de nature à garantir la concurrence et donc la baisse des prix. Ce n'est pas le développement de nouvelles grandes et moyennes surfaces ou de « hard discounters » qui améliorera le pouvoir d'achat, mais la mise en place d'une nouvelle carte de la distribution permettant à chaque Français de bénéficier, dans chaque zone de chalandise, d'une concurrence effective. Rien n’empêche en effet la grande distribution de baisser ses prix, sinon son appétit pour les marges confortables dont elle bénéficie grâce à sa puissance d'achat, à l'atomisation des fournisseurs potentiels et au partage de l'hexagone entre enseignes. Elle dispose donc déjà de tous les outils nécessaires pour améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs.

Par ailleurs, la multiplication des surfaces de vente est en totale contradiction avec la politique d'aménagement du territoire qui vise à sauvegarder des commerces de proximité dans nos communes rurales que les services publics tendent à abandonner. Certes, cela a un coût pour le consommateur mais, comme le dit une habitante de ma circonscription, mieux vaut payer un peu plus cher et conserver des commerces dans nos villages.

M. Roland Muzeau – Il faut l’élire députée !

M. Louis Cosyns – Mettre fin à cette politique reviendrait à gaspiller tous les fonds publics qui y ont été investis. C'est inacceptable, et c'est pourquoi je suis opposé au développement des entreprises de grande distribution dans nos petites communes. Leur installation sur le territoire d'une commune a nécessairement un impact sur les entreprises artisanales locales : peut-être fait-elle légèrement baisser les prix, mais elle fait surtout disparaître les concurrents boulangers, bouchers, libraires et leurs emplois, tout simplement parce que les obligations légales ne sont pas les mêmes : les conventions professionnelles des boulangers ou des bouchers ne s'appliquent pas à ceux exerçant dans les enseignes de la grande distribution. Il convenait de rappeler tout cela avant de dire ma satisfaction d'avoir été entendu, avec mes collègues des zones rurales, sur le rôle à laisser au maire en matière d'urbanisme commercial (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Je vous remercie pour l’extraordinaire qualité de vos interventions. Elle témoigne à la fois de l’importance de ce texte et de l’urgence qui s’y attache. Nous sortirons de ces débats enrichis…

M. Roland Muzeau – Carrefour, oui !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie En tout cas, j’ai la conviction que notre économie s’en trouvera enrichie et que les consommateurs en bénéficieront directement.

Le sujet passionne à juste titre. M. le président de la commission nous a demandé de l’audace ; M. le rapporteur Ciotti en appelle à l’esprit d’initiative ; M. le rapporteur Forissier nous invite même à présenter une loi de modernisation de l’économie tous les ans ! Quant à M. le rapporteur, il a mille fois raison de nous appeler au bon sens économique et à la loyauté dans les pratiques commerciales.

Je me réjouis que les débats dans les différentes commissions aient transcendé les clivages politiques. M. le rapporteur l’a dit, ce texte n’est ni de droite, ni de gauche (« Ben voyons ! » sur les bancs du groupe GDR). Il n’est pas destiné à opposer petits et grands ou commerçants de proximité et grandes surfaces, mais bien à réconcilier les Français avec l’esprit d’entreprise et la concurrence.

M. Roland Muzeau – Et la solidarité ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Nous engageons donc des réformes de structure déterminantes pour l’avenir de notre pays. Notre ambition est claire : plus d’entreprises, plus de concurrence, plus d’attractivité. Je comprends que cela ne plaise pas à tout le monde…

M. Jean Gaubert – Ce n’est pas que cela ne nous plaise pas, c’est que nous n’y croyons pas !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Certains préféreraient plus d’État, plus de réglementations, plus de contrôles. Ce n’est pas le choix que nous avons fait. Nous avons opté pour la raison, pour le bon sens économique, pour la loyauté dans les pratiques commerciales. Nous voulons faire souffler un vent de liberté sur notre économie, libérer les énergies. Ce texte va simplifier la vie des entrepreneurs – qui subiront moins de contraintes et de formalités – comme celle des commerçants – qui seront plus libres de s’installer et de négocier leurs prix. Il va surtout changer la vie quotidienne des Français : liberté de créer plus facilement une activité indépendante, liberté de chacun de choisir le mode de distribution qui lui convient, accès à l’ADSL et au très haut débit, utilisation des services du livret A…

J’en viens à la méthode de travail et aux amendements que j’appellerai amendements Ollier, même s’ils doivent aussi beaucoup à M. le rapporteur et à Mme Vautrin. J’ai entendu beaucoup d’arguments forts et de raisonnements subtils, mais je voudrais d’abord exprimer ma sincère et chaleureuse gratitude à M. Ollier. Grâce à vous, Monsieur le président de la commission, nous avons renforcé la coopération entre le Gouvernement et sa majorité, entre le Gouvernement et votre commission.

M. Jean Gaubert – Et la surproduction d’amendements !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Sur le sujet ô combien sensible de l’urbanisme commercial, vous avez su faire émerger les idées pertinentes et les expertiser. Avec Mme Vautrin, vous avez permis le débat avec la majorité. Vous avez enfin réussi à dégager une synthèse autour de trois amendements qui nous permettront, je l’espère, de réconcilier le relèvement des seuils et le souhait légitime des maires d’avoir la haute main sur l’urbanisme local. Ces amendements constituent à cet égard trois outils majeurs. Ils rappellent que les articles 26 et 27 du texte doivent être lus ensemble. Le premier, dédié au FISAC, permet de mieux aider les commerces de proximité. Le second permet d’autoriser l’ouverture de grandes et de moyennes surfaces, qui se fait d’ailleurs plus souvent au cœur de nos villes qu’à leur périphérie.

Le premier de ces trois amendements dispose que les maires des communes de moins de 15 000 habitants pourront saisir la CDAC avant d’accorder le permis de construire sollicité pour un magasin d’une superficie comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés. Le deuxième propose d’étendre le droit de préemption aux cessions de terrains destinés à l’aménagement commercial en centre-ville, pour des superficies comprises entre 300 et 1 000 mètres carrés. Cela permettra aux communes de résorber plus rapidement leurs friches commerciales pour renforcer l’attractivité du centre-ville. Ce droit de préemption peut être exercé depuis le décret du 26 décembre 2007.

M. Roland Muzeau – Il est inexploitable !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Je l’ai fait sept fois dans ma commune !

M. Roland Muzeau – Et dans un an, que ferez-vous ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Pour assurer l’exercice effectif de ce nouveau droit, le troisième amendement propose que les intérêts des emprunts souscrits par les communes à cette occasion soient pris en compte par les crédits du FISAC. J’approuve cette mesure.

Un autre amendement me paraît bienvenu : celui qui permettra au maire de saisir le Conseil de la concurrence – qui devient Autorité de la concurrence – pour qu’il prononce des mesures d’injonction dans l’hypothèse d’un abus de dépendance économique ou de position dominante.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Grâce à ces trois outils, nous devrions pouvoir concilier renforcement de la concurrence et maîtrise de l’urbanisme par le maire.

Ce résultat est une illustration concrète de ce qu’est la coproduction législative. Je remercie à nouveau M. le président Ollier, Catherine Vautrin et tous ceux qui ont salué cette méthode d’élaboration de la loi.

Jean-Michel Clément et Jean-Pierre Brard – dont je regrette l’absence – ont posé la question de l’évolution des effets de la loi. Contrairement à ce que pense M. Brard, je ne m’en remets pas à ma boule de cristal pour savoir ce que rapportera telle ou telle mesure.

Les expertises auxquelles nous avons procédé montrent que ce texte pourrait générer, à compter de 2009 et pendant cinq ans, un complément de PIB de 0,3 point et la création de 50 000  emplois – et j’espère même davantage. Ces ordres de grandeur, je le souligne, ne sont pas « sortis du chapeau » mais proviennent d’expertises réalisées par mes services (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Ils sont d’ailleurs modestes par rapport aux prévisions d’autres experts, en particulier de ceux de HSBC qui évaluent, eux, à 0,4 point le complément de PIB à escompter. Je fais observer au passage à ceux qui craignent que le fameux point de croissance supplémentaire ne soit inaccessible, qu’avec ce 0,3 %, auquel s’ajoutent le 0,3 % permis par la loi TEPA et le 0,05 % escompté du crédit impôt-recherche, on est déjà à 0,65 % (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). En ce qui concerne l’effet à attendre sur les prix, une étude récente de l’INSEE montre que les prix peuvent être plus bas de 10 % à 15 % dans les zones de forte concurrence par rapport à celle de moindre concurrence.

S’agissant du recours aux ordonnances, que M. Jean-Michel Clément nous a reproché, il ne s’agit pas d’une quelconque négation des droits du Parlement mais d’une absolue nécessité au vu de l’urgence…

M. Patrick Roy – L’urgence, toujours l’urgence !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – …et du caractère extrêmement technique de certaines dispositions. Je précise que la plupart des projets d’ordonnances sont déjà à la disposition des commissions.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Nous nous en félicitons !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Le dernier en date, relatif à l’Autorité de la concurrence, vient d’être transmis aux présidents des commissions concernées. Je rappelle au passage que le Conseil de la concurrence avait en son temps été créé par voie d’ordonnance.

S’agissant des particuliers employeurs, je connais, Madame Vautrin, votre engagement pour leur reconnaissance et j’y suis favorable. Ils sont plus de trois millions qui emploient un million et demi de salariés. C’est là un formidable gisement d’emplois.

M. Roland Muzeau – Et de pauvreté !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – S’agissant du titre I, pourquoi un nouveau statut d’auto-entrepreneur, Monsieur Baert ? Tout simplement pour libérer davantage les initiatives. Ces dispositions s’adressent à tous ceux qui ne souhaitent pas nécessairement passer par la création d’une société commerciale pour exercer leur activité. Ce régime, simple, parfaitement lisible et prévisible, est très attendu. Ceux qui l’auront choisi ne recevront ainsi plus d’appel de charges le 4 octobre pour une activité ayant débuté le 1er ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

L’une des craintes des entrepreneurs lorsqu’ils créent une entreprise, vous y avez insisté, Madame Vautrin, est de perdre tout leur patrimoine. Ce texte étend donc le caractère insaisissable de la résidence principale à l’ensemble du patrimoine immobilier, ce qui devrait les rassurer.

Monsieur de Courson, vous proposez de mettre en place un dispositif de patrimoine d’affectation. Nous aurons l’occasion, avec Hervé Novelli, de revenir lors de la discussion du titre I sur ce sujet que je sais essentiel.

M. Roland Muzeau – Le capital sera servi !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Il ne s’agit pas du capital, mais de gens comme vous et moi qui créent des entreprises.

Certains entrepreneurs souhaitent créer une société, d’autres exercer en nom propre. Le droit positif doit offrir des régimes adaptés dans les deux cas. Ce projet de loi comporte des avancées concrètes avec la protection des biens immeubles et la mise en place de la fiducie pour les entrepreneurs individuels. Je suis prête à aller plus loin et à m’engager sur un calendrier et des modalités précises de constitution d’un tel patrimoine d’affectation pour les commerçants et artisans (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Nous avons même commencé de travailler sur ce sujet.

Je crains en revanche, Monsieur de Courson, de vous décevoir concernant la réserve spéciale d’autofinancement.

M. Jean Dionis du Séjour – Nous avons connu d’autres déceptions sur la réforme constitutionnelle…

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – Mais votre exigence d’orthodoxie en matière de finances publiques sera satisfaite. Le coût de votre proposition serait en effet très élevé, les estimations variant de 3,8 milliards d’euros selon moi à 2 milliards selon vous. Quoi qu’il en soit, même cette hypothèse basse d’euros ne serait pas supportable pour nos finances publiques. Je vous propose toutefois de remettre au Parlement un rapport sur le sujet avant la fin de l’été, et en tout état de cause avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2009, afin qu’au cas où une mise en place progressive du dispositif pourrait se révéler moins coûteuse, nous puissions l’intégrer dans la loi de finances pour 2009 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et plusieurs bancs du groupe NC).

J’en viens au titre II du projet. S’agissant des délais de paiement, sujet abordé par plusieurs d’entre vous, nous proposons en effet de les limiter à 45 jours fin de mois date de facture ou à 60 jours. Mme Vautrin souhaiterait aller plus loin encore et les abaisser à 30 jours, ce qui nous placerait à l’avant-garde de l’Union européenne – ce à quoi nous devons tendre, j’en conviens. Mais pour beaucoup de secteurs, en particulier l’automobile, ce texte va exiger d’intenses efforts d’adaptation. Nous n’excluons pas de nous fixer des objectifs plus ambitieux que 60 jours mais, pour y parvenir, nous estimons qu’il convient de privilégier la voie de la négociation collective afin de prendre en compte les spécificités de chaque secteur. Toutefois, si la voie de la négociation n’aboutit pas, le Gouvernement s’engage, d’ici au début de l’année prochaine, à légiférer pour réduire ces délais de manière progressive mais contraignante. Cette réduction des délais de paiement est susceptible d’améliorer le fonds de roulement des PME de quelque 4 milliards d’euros en année pleine. C’est important mais cela n’est pas suffisant. Le financement des PME, sur lequel beaucoup d’entre vous ont insisté, est également favorisé par le « fléchage » de l’ISF. Par ailleurs, la Banque européenne d’investissement, OSEO, France Investissements et la Caisse des dépôts et consignations ont tous dans leur stratégie d’améliorer le financement des PME. Faisons nous tous l’écho de cette volonté auprès des PME.

S’agissant du small business act – que M. Brard, qui, m’a-t-on dit, m’écoute autre part, me pardonne d’utiliser exceptionnellement un terme anglais ! –, ceux d’entre vous qui m’ont accompagnée tant à Genève qu’à Bruxelles, connaissent mon engagement sur le sujet. Je crois sincèrement aux vertus de ce dispositif s’il est intelligemment mis en œuvre et ne consiste pas en une strate administrative supplémentaire, multipliant la paperasse.

Nous franchissons aujourd’hui un pas important pour les PME innovantes. Il devra être complété par des dispositions communautaires, Hervé Novelli, qui a été extrêmement actif auprès du commissaire Verheugen, aura l’occasion de vous en reparler (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Lefebvre a évoqué le régime des bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise, c’est-à-dire les stock-options des entreprises non cotées. Je suis, comme lui, favorable à une réforme des règles d’attribution de ces BSPCE. Il ne s’agit pas d’en modifier le cadre fiscal mais de lever certaines contraintes, de sorte que ces compléments de rémunération puissent être attribués à tous les salariés des PME.

Mme Fioraso a, pour sa part, insisté sur les missions d’exportation des entreprises et sur le rôle que nous proposons à Ubifrance de jouer auprès des entreprises exportatrices. Elle nous a appelés au pragmatisme, ce en quoi je suis totalement d’accord. C’est d’ailleurs pourquoi nous souhaitons rapprocher Ubifrance de tous les acteurs concernés. Cette coordination sur le terrain est indispensable à nos entreprises qui ont besoin d’exporter davantage et d’exporter mieux. Le réseau international du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi est engagé depuis plusieurs années dans cette logique de modernisation. Madame Got, la réforme que nous proposons permettra de renforcer l’efficacité d’Ubifrance au service du développement des entreprises à l’international.

Vous avez été nombreux à intervenir s’agissant des commissaires aux comptes. La dispense pour les plus petites des sociétés par actions simplifiées de désigner un commissaire aux comptes allège considérablement leurs obligations et pourrait permettre d’économiser environ 200 millions d’euros. On a avancé le chiffre de 60 000 mandats, encore faudrait-il savoir ce qu’ils représentent en matière de chiffre d’affaires. Notre volonté d’assurer la transparence n’est pas en cause, mais le bon sens nous dit que la certification des comptes n’est pas indispensable pour une toute petite SAS : c’est à chaque entrepreneur de l’apprécier.

Plusieurs d’entre vous ont insisté sur la nécessité d’aider à la transmission des entreprises. En effet, 700 000 d’entre elles vont être cédées dans les dix ans à venir ; le projet favorise les transmissions, en particulier les transmissions familiales qui sont particulièrement peu nombreuses en France, par rapport à l’Allemagne par exemple.

Beaucoup sont intervenus sur la négociabilité. Grâce à cette disposition, nous allons mettre fin au système absurde des marges arrière. Oui, Monsieur Dionis du Séjour, Caton l’ancien a été entendu ! (Sourires) Espérons qu’une nouvelle Didon ne viendra pas ressusciter cette disposition antique et révolue… Nous sommes d’accord avec M. Poignant pour rechercher l’équilibre, grâce au travail de fond engagé par le rapporteur, que je remercie, pour faire comprendre qu’on peut pratiquer une discrimination sans être déloyal. Nous devrons veiller à ce que les petits producteurs, surtout les agriculteurs, ne pâtissent pas du nouveau système. Soyez assuré, monsieur Gosnat, que les nouvelles règles n’ont pas pour objet de consacrer l’hyperpuissance des centrales d’achat ou la loi du plus fort. La loi veille aussi aux intérêts des plus faibles. Revenir à un mécanisme clair de formation des prix évitera aussi que l’on désigne des boucs émissaires. Mais, cher Jean Dionis du Séjour (Sourires), le prix du livre est un problème un peu différent. Nous connaissons les difficultés des libraires, mais le chiffre de 80 millions de livres mis au pilon…

M. Jean Dionis du Séjour – 20 % des livres !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie …est à vérifier. Nous ne souhaitons pas remettre en cause le système mais nous avons l’intention d’examiner ce qu’il advient de ces ouvrages.

L’autorité de la concurrence que nous allons mettre en place disposera de moyens étendus d’investigation et d’action en justice. On nous propose de la doter de pouvoirs d’injonction structurelle pour éviter les abus de position dominante en ce qui concerne les grandes surfaces. Il faut approfondir la question, car l’atteinte au droit de propriété demande des garanties de procédure et sur le fond. L’amendement du président Ollier à l’article 27 aura la préférence du Gouvernement.

Pour éviter tout malentendu, je rappelle qu’il n’y a plus de lien entre la TACA et le FISAC, le produit de la TACA étant versé au budget général depuis 2003. Cela ne nous a pas empêchés d’élargir le champ d’application du FISAC, et je me suis engagée à relever son montant d’intervention de 80 à 100 millions. 25 % d’augmentation, ce n’est pas négligeable. M. Vigier, M. Reynès et M. Gérard Voisin ont fait des propositions pour améliorer son utilisation. J’y suis ouverte, en particulier en ce qui concerne la modification du délai de carence, manifestement excessif.

Une autre disposition importante est le lissage et le gel des seuils. Mais il est bien question dans ce projet de leurs conséquences financières. Il n’est pas question d’y aborder leurs conséquences sociales. Le relèvement du seuil d’autorisation pour les surfaces commerciales suscite des inquiétudes. Nous n’avons pas la nostalgie des lois Galland. Les règles en place n’ont pas empêché que le nombre de petits commerçants alimentaires. Mais s’il y a moins de charcutiers ou de tripiers, il y a plus de boulangeries artisanales, pour ne pas parler des coiffeurs. Et selon l’INSEE, de 1992 à 2004 le chiffre d’affaires des commerces de proximité a progressé de 30 % et le nombre de leurs salariés de 8 %. Les modes de commercialisation, les types de commerce qui réussissent évoluent, le chiffre d’affaires global augmente. Gardons-nous donc de la généralisation dans ce domaine. Le président de la commission des affaires économiques a proposé une solution, sous la forme de trois amendements que nous examinerons avec beaucoup de bienveillance puisqu’ils concilient le relèvement des seuls et la maîtrise de l’urbanisme.

Non, contrairement aux allégations, ce projet n’est pas destiné à aider de grandes enseignes ou de grandes centrales.

M. Patrick Roy – Si !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Non. L’objectif est simplement : plus d’entreprises, plus de concurrence, plus d’attractivité, pour donner au consommateur plus de pouvoir d’achat. La loi n’est pas l’otage des distributeurs. Au contraire, elle prend en otage les situations de rente abusives.

M. Ollier, Mme Vautrin, M. Grouard ont évoqué l’intégration des règles de l’urbanisme commercial dans le droit commun. La perspective paraît raisonnable, mais la transition n’est pas simple et nécessite des travaux complémentaires. Il convient, par souci de transparence, de ne pas laisser les maires de petites communes seuls face aux porteurs de projets d’envergure souvent lucratifs. Comme beaucoup le souhaitent, l’environnement fera partie des critères d’après lesquels les CDAC se prononceront.

J’en viens au livre III. Plusieurs d’entre vous nous interrogent sur l’articulation entre les dispositions relatives au très haut débit et les assises du numérique. Avec M. Besson, nous y voyons une complémentarité totale. Il y a une réelle urgence à développer la fibre optique, et ce projet y répond. Les assises du numérique réfléchiront aux nouveaux usages, aux nouveaux contenus, à l’accès aux nouveaux services pour tous. Le Gouvernement a une stratégie globale pour le numérique.

S’agissant du haut débit, 98 % de la population est couverte. Le Président de la République a fixé l’objectif d’une couverture totale en 2012. Sur la question de l’accès de l’ensemble des opérateurs aux équipements verticaux, et donc du point précis de raccordement, M. Besson répondra de façon plus qualifiée que je ne pourrais le faire lors de l’examen des articles 40 et 41.

Monsieur Christian Paul, l’État n’est pas « aux abonnés absents » en ce qui concerne le soutien et le financement du très haut débit. J’ai souhaité en particulier qu’il soutienne fortement les nouveaux usages et nouveaux contenus, grâce à une plate-forme d’expérimentation à grande échelle de service à très haut débit dans le cadre du pôle de compétitivité Cap digital. La Caisse des dépôts, de son côté, mobilise 230 millions pour soutenir les projets des collectivités locales, sur un investissement total, public et privé, de 2,5 milliards dans les réseaux d’initiative publique. Le rôle de l’État est aussi de définir un cadre juridique stable à l’investissement ; c’est ce que fait ce texte, ainsi que celui qui est passé au Sénat et viendra, je l’espère, rapidement devant l’Assemblée, sur les partenariats public-privé. Je m’étonne un peu de votre position, Monsieur Paul, car lors d’une réunion du forum du très haut débit à laquelle nous participions tous deux, nous avons accédé à votre demande de réunir une commission spéciale de l’ensemble des acteurs locaux.

Améliorer l’attractivité, Monsieur Dassault, est une de nos préoccupations permanentes. Nous le faisons avec le très haut débit et bien d’autres dispositions, pour attirer non pas les plus « nantis » comme l’ont laissé entendre M. Brard ou M. Jean-Michel Clément, mais les plus talentueux, car la France a besoin d’eux.

Mme Laure de la Raudière – Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie S’agissant de la réforme du livret A, le Gouvernement partage totalement l’analyse du président Ollier. Elle doit être une chance pour le logement social, et je suis convaincue qu’elle le sera. Monsieur Forissier, je serai particulièrement ouverte aux propositions d’amélioration pour garantir le financement du logement social ainsi que, Monsieur Bouvard, de la politique de la Ville. Notre projet consolide le financement du logement et en allège le coût.

M. Balligand, qui est sans aucun doute le meilleur connaisseur de ces questions, juste après le président Bouvard (Rires et exclamations sur tous les bancs), parle de cadeaux offerts aux banques. Pas du tout : il s’agit d’accroître la concurrence entre les opérateurs pour permettre aux Français d’obtenir un livret A auprès de la banque de leur choix.

M. Bouvard souhaite le maintien de règles d’emploi de la part non centralisée de l’épargne collectée sur le livret A et le LDD, à la faveur des PME surtout. Le Gouvernement sera favorable à tout amendement utile en la matière.

M. Michel Bouvard – Merci !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Nous partageons aussi l’objectif de M. de Courson s’agissant de l’accessibilité bancaire. Outre la Banque postale, toutes les banques doivent contribuer à cette mission d’intérêt général. Nous souhaitons donc améliorer le droit au compte.

M. Jean-Louis Dumont – C’est pourtant le contraire qui se produit tous les jours !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie L’excellent travail de votre commission des finances nous permettra peut-être de viser la mention « Excellent » sur ce sujet.

M. Dionis du Séjour nous demande d’agir en faveur de la mobilité bancaire, comme il le fit lors de l’examen de la loi pour la concurrence défendue par M. Chatel qui, suite à son entrée en vigueur en juin dernier, ne manquera pas de profiter à tous nos concitoyens. À la demande du Gouvernement, le comité consultatif du secteur financier est parvenu, le 26 mai dernier, à un accord sur la création d’un service d’aide à la mobilité bancaire, qui sera disponible dans toutes les banques dès l’année prochaine. Les consommateurs pourront désormais changer de banques sans avoir à remplir les formalité administratives en vigueur.

M. Jean Dionis du Séjour – C’est une bonne idée, mais j’attends sa mise à l’épreuve !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Le Gouvernement se félicite des conditions dans lesquelles cet accord a été obtenu et veillera, cela va de soi, à sa mise en œuvre efficace.

De même, en étroite collaboration avec le président de sa commission de surveillance, nous sommes parvenus à un équilibre en matière de gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations.

Je recevrai avec plaisir toute proposition de votre Assemblée en matière de blanchiment d’argent, tant la lutte contre cet épouvantable fléau de la finance est importante.

Plusieurs orateurs, dont M. Dionis du Séjour et Mme Vautrin, ont regretté l’absence, dans le projet, de disposition sur l’action de groupe. En effet, les travaux de votre rapporteur ont révélé que certains ajustements techniques étaient encore nécessaires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Je sais cependant que votre commission a examiné plusieurs amendements dans ce domaine.

M. François Brottes – Et les a votés !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie  J’approuve l’idée de M. Lefebvre de constituer un groupe de travail non partisan afin de lever ces difficultés techniques (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Plusieurs députés du groupe SRC – Nous sommes sauvés !

M. Patrick Roy – Rendra-t-il ses conclusions avant 2035 ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Croyez-en ma modeste expérience acquise à l’étranger : les écueils sont nombreux, qui risquent d’entraîner la judiciarisation excessive de notre économie. J’espère que ces travaux permettront la mise en place d’un mécanisme de nature à éviter les travers de certains autres pays.

MM. Patrick Roy et Jean Gaubert – Qu’en pense M. Chatel ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie J’irai dans votre sens, Madame Vautrin, s’agissant de la réhabilitation des friches militaires.

Mme Catherine Vautrin – Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie  Mme Lebranchu a reproché à notre texte de négliger la micro-économie. Le titre I démontre le contraire, puisqu’il vise à encourager la création de micro-entreprises. Je souhaite en effet que le titre II ait des effets macro-économiques sur les prix et le pouvoir d’achat mais, à plus petite échelle, sur les rapports entre centrales d’achat et fournisseurs aussi. De même, l’abondement du FISAC et l’amélioration des dispositifs de transmission des entreprises profitera à nos centres-villes. Vous le voyez : ce texte a une vocation macro- autant que micro-économique.

Du Bonheur des Dames au commerce électronique, toutes les formes de commerce sont aujourd’hui possibles. Songez à vos enfants, qui achètent en ligne, mais aussi à la vitalité de notre commerce de proximité ou à l’essor du commerce direct.

Mesdames et Messieurs les députés, avec ce texte, le Gouvernement vous propose d’allier l’audace à la modernité pour atteindre un équilibre économique entre maîtrise et liberté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

Mme la Présidente - J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe GDR une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Noël Mamère – Depuis près d’un an, l’Assemblée voit défiler les projets de loi dont l’appellation ambitieuse, voire ronflante, laisserait presque espérer une véritable rupture, qu’il s’agisse d’environnement, d’institutions ou d’économie. Hélas, plutôt qu’un nouveau souffle, c’est un soufflé que vous nous concoctez (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Les révolutions sont timorées et désordonnées.

M. Michel Bouvard – Dois-je vous rappeler la loi « MURCEF » ?

M. Noël Mamère – Ainsi, sous couvert de rééquilibrer les pouvoirs, la réforme des institutions n’est qu’un leurre qui renforce les prérogatives du Président de la République, toujours pas responsable devant le Parlement. De même, le Grenelle de l’environnement devait faire de la France la locomotive de l’Europe en matière d’écologie. Et pourtant, on construit de nouveaux aéroports, dans la région nantaise par exemple, et de nouvelles autoroutes – je pense à l’A 65. Pire encore : on autorise la contamination d’OGM en plein champ, au mépris de l’avis de 80 % des Français et en dépit des réticences d’une partie de la majorité elle-même. Quant à la loi issue du Grenelle, qui devait être présentée en juin, elle a été reportée à l’automne : que de temps perdu dans la lutte contre le réchauffement climatique !

La loi de modernisation de l’économie n’échappe pas à la règle. Elle rappelle le titre de ce film de Claude Lelouch : « Tout ça pour ça ! » Seul un renvoi en commission permettra de donner à ce texte une véritable cohérence. Le débat en commission permet en effet d’avancer sur certains points, comme chacun a pu le constater aujourd’hui en matière d’action de groupe.

L’économie est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Nos finances publiques sont régulièrement montrées du doigt par la Commission européenne ; les prix du pétrole et des matières premières ne cessent d’augmenter et l’état du porte-monnaie des Français se dégrade, de même que leur moral, à un niveau inconnu depuis 1987. Nos concitoyens sont pessimistes quant à leur niveau de vie et leurs perspectives financières. Ils sont deux sur trois, selon un sondage BVA, à juger votre politique économique mauvaise. Vous leur avez promis une hausse du pouvoir d’achat, et c’est le contraire qu’ils reçoivent, au point qu’ils sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir joindre les deux bouts.

Dans le même temps, la rémunération des patrons des entreprises du CAC 40 a bondi de 58 % en 2007 pour atteindre une moyenne de quatre millions d’euros par tête !

M. Gérard Bapt – Honteux !

M. Noël Mamère – Mais revenons-en au projet, fruit du rapport Attali dont les propositions avaient suscité un véritable tollé chez les chauffeurs de taxis, les pharmaciens et les coiffeurs. Sans lever systématiquement les boucliers, nous devons éviter les libéralisations à tout crin qui ne prendraient pas en considération les spécificités des métiers concernés.

Les spécialistes du bricolage s’inquiètent ainsi que les délais de paiement soient désormais limités à 60 jours, ce qui ne correspond pas au rythme de leur activité. De leur côté, les chambres des métiers et de l’artisanat redoutent la désertification des centres-villes au profit des grandes surfaces qui poussent comme mauvaise herbe à la périphérie de nos villes. Quant aux experts comptables, ils craignent les évolutions qui devraient concerner les sociétés par actions simplifiées. Nous recevons chaque jour des courriers dénonçant le manque de préparation et de concertation dont ce texte a pâti…

Votre objectif est de relancer la croissance de 0,3 point afin de parvenir à un taux compris entre 1,7 et 2 % en 2008, mais aussi de créer 50 000 emplois et de réduire l’inflation d’un point grâce aux effets de la concurrence. Or, quel crédit pouvons accorder à de tels pronostics ? Quand la France prévoit un déficit public de 2,5 % du PIB en 2008 et de 2 % en 2009, la Commission européenne doit corriger le tir en annonçant des taux de 2,9 et de 3 %.

Comme le rappelait récemment Le Monde, le ministère de l'économie n'avait d’ailleurs fourni à la commission des finances aucune évaluation sur la loi relative au pouvoir d'achat. De la même façon, nous n'avons obtenu aucune indication sur le coût de la réforme des régimes spéciaux de retraite dans les entreprises publiques. C’est l'empirisme qui règne !

En matière de concurrence, credo de cette majorité, l’équation est simple : pour le Président de la République et pour le gouvernement, plus de concurrence signifie des prix moins élevés, donc plus de pouvoir d'achat. Or, dans le secteur des télécommunications, les opérateurs préfèrent s'entendre entre eux, ce qui fait que les communications téléphoniques sont en France parmi les plus chères d'Europe.

Par ailleurs, si les fournisseurs et les distributeurs doivent faire des efforts pour réduire leurs prix, il faudra bien une compensation. C’est la masse salariale qui en pâtira ! La nouvelle obsession du pouvoir d'achat ne fait que déplacer le curseur en dissimulant le véritable problème, à savoir le prix du travail. Sur ce sujet, le projet de loi qui nous est proposé reste malheureusement muet. Pour nous, réhabiliter la valeur travail, ce n'est pas travailler plus, mais gagner mieux.

Les écologistes ne peuvent accepter votre croyance aveugle en la croissance et la consommation, dont vous faites les moteurs de l'économie. De notre point de vue, « économie » signifie avant tout économie d’énergie et économie de déplacement. C’est là que réside la véritable modernité.

Il pourrait d’ailleurs résulter de nombreux emplois de tels efforts, comme l’explique le site internet NegaWatt, qui a été créé par des experts et des ingénieurs. Si vous aviez investi 15 milliards d’euros dans un grand plan en faveur de l’efficacité énergétique au lieu d’en faire cadeau aux plus riches, 120 000 emplois non délocalisables auraient pu être créés. Loin de cela, vous repoussez le Grenelle de l’environnement aux calendes grecques. Vous ferez de ceux qui souffrent déjà des injustices sociales les victimes des injustices environnementales. Il y a de nombreuses doubles peines…

Ce texte a prétendument pour objet de moderniser l'économie, ce que notre rapporteur appelle « remettre l'homme au cœur de nos lois et de nos pratiques ». La modernisation a le vent en poupe : vous voulez également moderniser le droit du travail, les institutions et la fonction publique... Demandez donc aux fonctionnaires ce qu’ils en pensent : ils sont bien placés pour savoir que vous confondez modernisation et éradication.

M. Breton, qui fut l’un de vos prédécesseurs, Madame Lagarde, vouait déjà un culte à la modernisation en 2005, puisqu’il a fait adopter une loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, dont l’objectif était de « lever un certain nombre de blocages en modernisant les règles de fonctionnement des entreprises, en facilitant leur accès aux financements bancaires et aux marchés financiers et en renforçant la confiance des investisseurs et des ménages, notamment grâce à une plus grande diffusion des mécanismes d'intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise ».

Faut-il comprendre que cette première loi n’a pas suffi ? Ou la modernité a-t-elle changé de sens ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Mais non ! Il y a plusieurs étapes, c’est tout !

M. Noël Mamère – Après la loi Chatel sur le développement de la concurrence au service des consommateurs, adoptée en décembre dernier, vous revenez à nouveau sur la question des marges arrières en modifiant les avantages consentis aux distributeurs. Vos réformes manquent singulièrement de colonne vertébrale…

M. Patrick Roy – C’est le Gouvernement qu’il faudrait moderniser !

M. Noël Mamère – Très juste ! Comme l’observait une économiste de l'institut Molinari, la vraie modernité serait plutôt de freiner notre ardeur législative, dont le résultat est de complexifier le droit. Ce projet de loi continue à tirer la France vers le bas.

Autre exemple : le développement des grandes surfaces, que l’article 27 va favoriser dans le droit fil du rapport remis en décembre 2007 par M. Beigbeder. Selon ce dernier, l’un des freins à l’essor du hard discount serait précisément la procédure d’autorisation des surfaces commerciales. Vous allez vider les CDEC de leur contenu, puisque leur autorisation ne sera plus nécessaire qu’au-delà d’une surface de 1 000 mètres carrés, contre 300 aujourd’hui. Les représentants des chambres consulaires seront par ailleurs exclus des futures CDAC.

Or, chacun sait que les magasins hard discount distribuent bien souvent des produits importés, et non des productions locales.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – C’est faux !

M. Noël Mamère – Par ailleurs, le problème des grandes surfaces ne tient pas tant aux prix pratiqués qu’à l’exploitation de salariés de plus en plus précarisés… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Quel est le rapport ?

M. Noël Mamère – Que pensez-vous de ces caissières qui travaillent 20 ou 22 heures pour gagner 700 euros ? On ne peut pas vivre et élever des enfants avec des revenus semblables ? Vous ne pouvez pas le nier.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Mais non ! Je vous demande seulement de ne pas mélanger pas les genres !

M. Noël Mamère – Avouez que cette prétendue loi de modernisation économique n’apporte aucune réponse à la précarisation du salariat dans ces entreprises.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Ce n’est pas une loi sur le travail !

M. Noël Mamère – Et alors ? La loi de modernisation du travail que vous avez fait adopter laissait totalement de côté cette question. Et aujourd’hui, vous allez consacrer la position dominante des groupes qui détiennent les grandes surfaces, et cela au nom de la concurrence. Nous allons très vite voir quels sont les fruits de ces lois…

Comment pouvez-vous prétendre que vous allez aider les PME et l’entreprenariat individuel tout en accueillant à bras ouverts les enseignes low cost ? La France n'a pas besoin de grandes surfaces supplémentaires ! Avec 23 millions de mètres carrés d’espaces commerciaux, la France nous sommes déjà l’un des pays d’Europe les mieux dotés de ce point de vue.

Nous sommes les champions du monde pour les grandes surfaces, et nous en payons le prix avec le « déménagement » des activités vers les périphéries de nos villes, qui ont été singulièrement enlaidies. Compte tenu de leur implantation, il serait aberrant de favoriser les grandes surfaces : il faut utiliser sa voiture pour s’y rendre, ce qui compense largement le moindre coût de certains produits. Ce qu’on gagne d’un côté, on le perd en dépenses d’énergie.

Et pourtant, la surface totale des autorisations accordées par les CDEC est passée en dix ans d’un million de mètres carrés à 3,5 millions, sans que l’on enregistre d’effet sur les prix.

M. Patrick Roy – C’est vrai !

M. Noël Mamère – Comme l’indique le rapport de M. Rochefort sur les commerces dans les centres-villes, les hypermarchés, dont la surface est supérieure ou égale à 2 500 mètres carrés, représentent en France 53 % des parts de marché, soit bien plus que la moyenne européenne. On en est à 27 % en Allemagne, à 33 % en Espagne et à 14 % en Belgique. Les supérettes et les magasins traditionnels ne représentent plus en France que 4 % du total, contre 13 % en Allemagne, 23 % en Espagne et 30 % en Italie. Ce ne sont pas les grandes surfaces qui sont en danger, mais le commerce de proximité !

Chacun sait que les grandes surfaces s’installeront dans la périphérie des villes, ce qui occasionnera des dépenses de déplacement supplémentaires, comme je l’ai déjà indiqué. Et pourtant, le Gouvernement affirme, dans son exposé des motifs, que ce projet de loi répond à un objectif d'aménagement du territoire et de développement durable. C’est vraiment nous prendre pour des imbéciles !

Si votre credo, c'est l'esprit d'entreprise, pourquoi ne pas proposer la mutation du capital-risque et encourager les entreprises des secteurs « verts », créateurs d'emplois et de recherche et développement qui feraient rayonner la France à l'étranger ? Pourquoi l'ingénieur français Guy Nègre, qui a mis au point le moteur à air comprimé garantissant une pollution nulle, l’a-t-il fait avec le constructeur automobile indien Tata ? Pourquoi une telle expérimentation ne se fait-elle pas sur notre sol ? Pourquoi les constructeurs automobiles français sont-ils les seuls au monde dont une voiture sur deux fonctionne au diesel ? Parce que les raffineurs constituent un groupe de pression puissant, et que, sur aucun banc, nous n’avons su anticiper la crise automobile qui est sur le point d’éclater.

Si votre credo, c'est la simplification, pourquoi ne pas alléger les autorisations administratives nécessaires à toute personne qui souhaite installer une éolienne dans son jardin ou un panneau solaire sur son toit ? L’Autriche, pourtant bien moins ensoleillée que la France mais qui n’a pas tout investi dans l’industrie nucléaire, ne délivre aucun permis de construire pour une maison si des panneaux solaires ne sont pas prévus. Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal veulent nous faire croire que le développement de l’énergie nucléaire règlerait tout, omettant l’un comme l’autre de préciser qu’elle ne représente que 3 % de l’énergie finale dans le monde, 6 % en Europe et 10 % en France – mais, chez nous, 85 % de la production d’électricité. En d’autre termes : on aurait beau décupler ou centupler le nombre de centrales nucléaires, l’effet de serre se ferait toujours sentir puisque les camions continueraient de fonctionner au pétrole.

Nous sommes favorables au développement de l'entreprenariat individuel, et nous pensons aussi qu’il faut réconcilier les Français avec l'entreprise, même si les facilités que le texte prévoit en ciblant particulièrement les chômeurs ou les retraités semblent entériner la précarité : on se trouve désormais contraint de fabriquer son propre « petit boulot » pour compléter son allocation chômage ou sa pension de retraite…

Nous ne pouvons que nous réjouir de la priorité donnée aux PME pour la passation de marchés publics, de l'accessibilité au fonds d'investissement de proximité, des réformes pour la reprise et la transmission des entreprises.

L'amendement proposé par le rapporteur instaurant l'action de groupe constitue un grand progrès – plus exactement, ce le sera quand les sous-amendements auront été adoptés, et si l’on ne crée pas un énième comité Théodule appelé à rendre des conclusions improbables dans un délai indéterminé… L’action de groupe fonctionne à l’étranger…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Et c’est l’UMP qui l’a proposée en France !

M. Noël Mamère – Les associations de consommateurs comptent sur notre soutien pour défendre cet amendement, qui permet un réel accès des victimes à la justice et un vrai contrôle du juge sur la responsabilité du professionnel et la réparation. Mais nous aurions souhaité que le texte reconnaisse également le droit à l’action de groupe pour le préjudice écologique introduit dans notre droit par la jurisprudence « Erika », prémisses de la reconnaissance de la délinquance écologique.

Il manque à ce projet une cohérence d’ensemble. C’est ce qui appelle un nouvel examen par la commission des affaires économiques, à laquelle je vous invite à le renvoyer (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Patrick Roy – C’est ce que nous ferons !

M. Patrick Ollier, président de la commission Je n’ai trouvé dans vos propos, Monsieur Mamère, aucune raison justifiant un renvoi en commission. Comme, en expliquant que nous n’aurions pas fait ce qu’il convenait de faire, vous avez savamment évoqué des travaux auxquels vous n’avez pas participé, je me dois de récapituler ce qu’ils ont été…

M. Noël Mamère – Je ne suis pas membre de la commission !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Vous auriez été le bienvenu parmi nous !

De fait, ce texte a été l’occasion d’efforts particuliers, exceptionnels même puisque la commission lui a consacré quatorze séances. S’il est une raison de ne pas lui renvoyer le projet, c’est bien celle-là ! À l’initiative du rapporteur, auditions et tables rondes se sont multipliées ; quatre séances ont été consacrées à l’examen des amendements au titre des articles 88 et 91. La commission a, au total, travaillé plus de vingt-cinq heures sur ce texte, examinant quelque mille amendements. Je remercie les commissaires, de la majorité et de l’opposition qui ont participé à ces débats passionnés, qui nous ont permis de nous rassembler sur plusieurs amendements – la commission a d’ailleurs accepté de nombreux amendements de l’opposition. S’il est un texte dont le renvoi en commission ne se justifie pas, c’est bien celui-ci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Olivier Dussopt – Le groupe SRC ne partage pas cette opinion. Il existe de bonnes raisons de renvoyer le projet en commission, et j’en citerai quelques-unes. En premier lieu, le texte souffre d’imprécisions et de lacunes, et certains points ne sont pas traités de manière satisfaisante. Ainsi de la négociabilité générale, puisque le référencement n’est pas remis en cause, non lus que le monopole des centrales d’achat. Certaines imprécisions demeurent, dont le caractère « diplomatique » apparaît au fil des prises de paroles divergentes sur les bancs de la majorité. Le texte souffre aussi de l’absence de concertation, dont attestent les multiples courriers que nous recevons de différents acteurs qui disent ne pas avoir été entendus ; le renvoi en commission permettrait l’organisation de ces auditions nécessaires. Sur le fond, la prétendue « modernisation » cache en fait la primauté de la loi du plus fort (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Partout dans le monde, la doctrine libérale est à l’épreuve des faits. Les libéraux accusent le coup et reconnaissent leur échec à réguler l’économie mondiale. Partout, y compris aux États-Unis, on constate que la puissance publique réinvestit l’économie – partout, mais pas en France, où le Gouvernement fait l’exact inverse, dérégulant à tout va pour des raisons dogmatiques (Exclamations sur les mêmes bancs). Le renvoi en commission se justifie d’évidence...

M. Christian Jacob – Vous n’êtes venu à aucune des réunions de la commission !

M. Olivier Dussopt – …pour introduire dans le texte des dispositions tendant à réguler réellement l’économie de marché et à permettre à la majorité de s’entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Philippe Meunier – Avec le sens de la mesure qu’on lui connaît, M. Mamère nous a parlé des OGM, de la double peine, du nucléaire, de M. Sarkozy : ne manquaient plus que le général de Gaulle, Jeanne d’Arc et Vercingétorix ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur ceux du groupe SRC et du groupe GDR) Les mesures adoptées par la majorité ont déjà permis d’améliorer la croissance et l’emploi. Nous voulons poursuivre dans cette voie, et les 44 articles du projet nous y aideront en simplifiant la vie des entreprises, en améliorant la concurrence, en renforçant l’attrait économique de notre pays, en mobilisant, enfin, des financements au bénéfice de l’économie française pour favoriser notre indépendance. Le projet a été abondamment discuté en commission, par un grand nombre de commissaires – mais sans certains des membres du groupe SRC –, et un travail de grande qualité a été réalisé. Mais on comprend sans mal que la motion de renvoi en commission est pour vous ce qu’est un marronnier pour les journalistes – ce qui en limite singulièrement la portée (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Pour améliorer la croissance et l’emploi, il faut examiner ce texte. Je suis d’ailleurs sûr que certains des amendements présentés aiguiseront l’intérêt du groupe GDR pour sa discussion. Le groupe UMP votera contre la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daniel Paul – Il peut paraître surprenant de demander le renvoi en commission d’un texte auquel la commission a en effet longuement travaillé…

M. Patrick Ollier, président de la commission – Et vous étiez présent !

M. Daniel Paul – Mais ce patchwork de mesures touche-à-tout – sauf au profit ! (Sourires) – eût mérité d’être approfondi. Vous qui ne cessez d’invoquer l’évaluation des politiques publiques, que n’avez-vous, comme nous le proposons par voie d’amendement, établi le bilan des lois Raffarin et Chatel, que vous jugez dépassées ? De même, les problèmes posés par les dispositions relatives au livret A, au financement du logement social, aux PME et PMI ou au financement du FISAC, soulignés hier soir par M. Balligand, auraient dû être étudiés non seulement par la commission des affaires économiques, mais par la commission des finances. Quant à l’action de groupe, elle fait partie des sujets que vous évitez soigneusement parce qu’ils divisent l’UMP.

En somme, votre politique n’est faite que de coups de boutoir qui frappent toujours les mêmes – les salariés, les retraités, les membres les plus fragiles de la société – et favorisent les seuls bénéficiaires de la loi TEPA ! La succession rapide des textes et l’urgence que vous déclarez sur la plupart d’entre eux ne permettent pas de légiférer convenablement ; de fait, au-delà de leur nocivité, plusieurs mesures du texte devraient s’avérer impraticables à long terme.

Mme Valérie Rosso-Debord – Nous verrons !

M. Daniel Paul – Mais peu vous chaut : ne compte que ce que vous appelez modernisation.

Mme Valérie Rosso-Debord – Vous ne savez pas ce que c’est !

M. Daniel Paul – En d’autres termes, une adaptation de notre pays et de ses composantes économiques, sociales et culturelles aux exigences du capitalisme financier mondialisé ! Pour franchir sans tarder les étapes que vous vous êtes fixées, vous juxtaposez dans un même texte des mesures relatives aux TPE, à l’urbanisme commercial, aux petites et aux grandes surfaces, au livret A ou à la fibre optique !

Sous couvert de modernité, vos textes ébranlent le socle social. Or, à nos yeux, la modernité ne consiste pas à préparer l’augmentation du temps de travail au nom du principe « travailler plus pour gagner plus », ou à être contraint d’exercer une activité indépendante pour compléter une retraite trop modeste. Et si vous appelez de vos vœux l’ouverture dominicale, ce n’est pas parce que vous pensez que le pays irait mieux si l’on poussait quotidiennement son caddie, mais afin de banaliser progressivement cette journée !

Ne comptez pas sur nous pour cautionner ces orientations ; nous voterons naturellement la motion fort bien défendue par M. Mamère (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Jean Dionis du Séjour – J’aime bien M. Mamère… (« Ah ! » sur plusieurs bancs).

Plusieurs députés du groupe GDR et du groupe SRC – Nous aussi !

M. Jean Dionis du Séjour – Il est Aquitain comme moi ; il parle bien, même s’il est plus à l’aise sur les questions institutionnelles qu’en économie. En outre, nous devons écouter les écologistes…

M. Patrick Roy – Eh oui !

M. Jean Dionis du Séjour – Si l’on fait abstraction de quelques erreurs stratégiques sur le nucléaire, ils ont souvent eu raison, depuis vingt ans, d’attirer notre attention sur des questions qui passaient inaperçues, tels la crise de l’énergie ou le réchauffement climatique.

Certes, M. Mamère a fait quelques erreurs : les tarifs des télécommunications en France font partie des moins élevés en Europe – du moins pour l’ADSL, qui coûte environ 30 euros par mois –, ce qui montre qu’en la matière, la concurrence a fonctionné ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Valérie Rosso-Debord – Bien sûr !

M. Jean Dionis du Séjour – Mais il est exact que la France est suréquipée en matière de grande distribution, et le dispositif Royer-Raffarin n’a nullement enrayé la tendance ; ne l’oublions pas au moment de débattre du relèvement du seuil de déclenchement de la procédure d’autorisation.

Néanmoins, Monsieur Mamère, un clin d’œil aux coiffeurs et aux pharmaciens, un brin d’écologie pour nous inviter à mieux consommer, une pincée de libéralisme qui permet de saluer le titre I, favorable aux petits patrons, ajoutés à une bonne dose de conservatisme, ne font pas une politique économique alternative. Voilà pourquoi, en attendant le social-libéralisme ou l’écolo-libéralisme, nous voterons contre cette motion de renvoi en commission ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La motion de renvoi en commission, mis aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 4 juin, à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 20.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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